1. Le concept de Didier Anzieu est que si le corps physique délimite, contient des organes et des organismes, le moi-peau est à l'identique, un corps psychique.
La peau est une limite entre le dedans et le dehors et c’est une zone d’échange : en touchant, on est touché.
« Par Moi-peau, je désigne une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques à partir de son expérience de la surface du corps » (D. Anzieu, 1985, p. 39).
→ La peau est un sac qui retient le bon et le plein de l’allaitement pour le petit enfant, mais aussi les bons soins, le bain de paroles, y sont accumulés
→ La peau est une surface qui marque la limite avec le dehors et contient celui-ci à l’extérieur. C’est la barrière qui protège des agressions en provenance des autres êtres ou des objets.
→ La peau est un lien et un moyen primaire d’échanges avec autrui, au moins autant que la bouche.
Les 5 fonctions du Moi-Peau, essentielles dans la perspective d’une médiation corporelle :
− Fonction de maintenance (holding)
Par appui extérieur sur le corps de sa mère, le nourrisson est amené à acquérir l’appui interne sur sa colonne vertébrale.
− Fonction de contenance (handling)
Lors des soins prodigués par la mère, le nourrisson ressent sa peau comme un sac. Si des carences se présentent, l’enveloppe existe mais sa continuité n’est pas assurée, des trous se forment et l’enveloppe de vient un Moi-passoire qui laisse libre cours à la fuite des pensées et des souvenirs.
− Fonction de pare-excitation
Elle protège l’organisme des excitations extérieures qui pourraient nuire.
− Fonction d’individuation
Elle renvoie au stade du miroir lorsque l’enfant ne réalise pas encore les limites entre son corps et l’environnement de son Moi.
− Fonction d’inter-sensorialité
L’enfant acquiert la perception de la peau comme surface lors des expériences de son corps avec le corps de la mère dans le cadre d’une relation sécurisante.
Focus sur Le Moi-peau, Didier Anzieu Aucune partie de ce document ne peut être recopiée sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’Association Nationale
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2. En contact avec son corps physique, le sujet se constitue un « corps psychique », dit Anzieu. C'est un espace privé qui délimite l'Autre et le sujet, comme une coquille, une enveloppe, il fait office de contenu. Cette enveloppe, le Moi-peau, figure l'hôte du contenu psychique du sujet.
Elle est comme une membrane cellulaire plus ou moins étanche qui permet de contenir le dehors préalablement renversé sur le dedans, excepté dans les cas de psychose au regard desquels il y a perméabilité et incontinence. Quand on dit de quelqu'un « il est dans sa bulle » on entend par là « il est dans sa peau, dans son Moi- peau ».
« Le Moi-peau apparaît tout d’abord comme un concept opératoire précisant l’étayage du Moi sur la peau et impliquant une homologie entre les fonctions du moi et celle de notre enveloppe corporelle (limiter, contenir, protéger). Considérer que le Moi, comme la peau, se structure en une interface permet ainsi d’enrichir les notions de "frontière ", de " limite ", de " contenant " ». In Le Moi-peau, Anzieu.
A la première définition de 1974, Didier Anzieu a ajouté en 1985 que le Moi-peau sert à l’enfant à se représenter lui-même comme Moi « contenant les contenus psychiques » à partir de l’expérience de la surface du corps. Cette précision met l’accent sur cette différenciation entre contenant et contenu et indique la voie qu’il a de plus en plus explorée, celle des contenants, des enveloppes et de leur mode de fonctionnement.
A cette époque, cette idée de Moi-peau réhabilitait à la fois le Moi et le corps, il s’agirait donc d’une représentation primaire et métaphorique du Moi étayée sur la sensorialité tactile.
Didier Anzieu a précisé qu’entre le moi et la peau fonctionne une triple dérivation :
* Métaphorique : le Moi est une métaphore de la peau.
* Métonymique : le Moi et la peau se contiennent mutuellement comme tout et partie.
* “En ellipse” : le trait d’union entre le Moi et la peau marque une ellipse (figure englobante à double foyer : la mère et l’enfant).
Dans sa dimension métaphorique, le Moi-peau suggère des images psychiques qui font appel à la sensorialité et à la motricité.
Le Moi-peau évoque à la fois le sens du toucher, mais aussi le mouvement actif qui met en contact le sujet avec une partie de lui-même aussi bien qu’avec l’autre.
Le Moi-peau se constitue par étayage sur les fonctions de la peau et par l’illusion d’une peau commune fournie par la mère. Ce double étayage sur le corps et sur l’objet constitue la base du travail de mise en représentation à l’oeuvre dans une analyse.
Anzieu distingue cinq variables fondamentales de la relation mère/enfant : la succion, l’étreinte, le cri, le sourire et l’accompagnement. On peut retrouver tout cela dans l’espace transitionnel de Winnicott pour qui l’intégration du Moi dans l’espace et le
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3. temps dépend de la manière qu’a la mère de tenir (holding) le nourrisson. La personnalisation du Moi dépend de la façon qu’elle a de le soigner (handling) et l’instauration par le Moi de la relation d’objet dépend de la présentation des objets (sein, biberon, lait…). Le Moi se fonde sur un Moi corporel et c’est quand tout se passe bien que la personne du nourrisson peut se rattacher a
Les échanges tactiles primaires signifiants avec la mère préparent l’accès des humains au langage et aux autres codes sémiotiques.
La notion de Moi-peau
L’infant acquiert la perception de la peau comme surface à l’occasion des expériences de contact de son corps avec le corps de la mère et dans le cadre d’une relation sécurisante d’attachement avec elle. Il parvient ainsi non seulement à la notion d’une limite entre l’extérieur et l’intérieur mais aussi à la confiance nécessaire à la maîtrise progressive des orifices. La « clinique » confirme là ce que Bion (1962) a théorisé avec sa notion d’un « contenant » psychique (actif). Les risques de dépersonnalisation sont liés à l’image d’une enveloppe perforable et à l’angoisse-primaire, d’un écoulement de la substance vitale par des trous, angoisse non pas de morcellement mais de vidage, assez bien métaphorisé écrit D. Anzieu, par certains patients qui se décrivent comme un oeuf à la coquille percée se vidant de son blanc voire de son jaune.
L’instauration du Moi-peau répond au besoin d’une enveloppe narcissique et assure à l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien-être de base.
Pour D. Anzieu la peau est le référent de base auquel sont spontanément rapportées les diverses données sensorielles. La peau est le seul sens à recouvrir tout le corps, elle même contient plusieurs sens distincts (chaleur, douleur, contact, pression…) dont la proximité physique entraîne la contiguïté psychique. Enfin, comme Freud (1923) le signale allusivement, le toucher est le seul des cinq sens externes à posséder une structure réflexive : l’enfant qui touche du doigt les parties de son corps expérimente les deux sensations complémentaires d’être un morceau de peau qui touche, en même temps que d’être un morceau de peau qui est touché. C’est sur le modèle de la réflexivité tactile que se construisent les autres réflexivités sensorielles puis la réflexivité de la pensée.
L’originalité d’Anzieu est de donner à la sensorialité une place prépondérante et de faire de la sensorialité tactile le modèle organisateur du Moi et de la pensée.
« Le massage devient message. »
Didier Anzieu, Le Moi-Peau, Dunod Aucune partie de ce document ne peut être recopiée sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’Association Nationale
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