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les cahiers du smc
Les cahiers
du Social Media Club
2021
les cahiers du smc
@SMCFrance
www.socialmediaclub.fr
2
sommaire
2 - cycle : la comm'
responsable
4 - cycle : parcours
utilisateur
3 - cycle : nouveaux
formats
18
#1 - Quelles prises
de parole pour
l’entreprise dans
le débat social 
?	
21
#2 - RSE, le nouveau
langage de
la publicité	
24
#3 - Les réseaux
sociaux, moteurs
d’activisme toujours
renouvelés	
de travail	
30
#1 - L’audio, nouvel
eldorado ?
32
#2 - Quel avenir
pour la story 
?	
36
#3 - L’évolution
des formats vidéos	
1 - focus
8
TikTok, Twitch,
Discord…
De nouvelles
opportunités pour
cibler les jeunes 
?	
10
#FutureOfWork :
comment la crise
a transformé
nos habitudes
de travail
14
Le retour du Live	
8
Édito
42
#1 - La gamification,
véritable générateur
d’engagement ?
45
#1 - Social shopping,
du « 
j’aime 
» à l’achat
47
#1 - UI, UX,
nudge marketing…
accompagner
l’utilisateur
les cahiers du smc
5 - #cercledircom
6 - commission
social data
7 - #smclyon
64
Social data et
politique : données
disponibles et
usages	
68
Enrichir sa stratégie
insights avec la
social data	
70
Trop de KPIS dans
les tableaux de
bord, comment
simplifier ?	
nos habitudes
de travail	
72
Comment mesurer
l’influence ?
92
« Les réseaux
sociaux au service
du business 
» #3 -
relation client et
réseaux sociaux :
comment interagir
efficacement ?
52
Quand la social
data envahit la
communication :
quelle utilisation
pour les dircoms 
?	
54
Le Dircom face
aux fake news	
57
Comment mettre
la communication
digitale au service
du business ?	
59
Influence : pour
vivre heureux,
vivons cachés ?	
78
Dark social : quelle
stratégie et quelles
opportunités pour
communiquer auprès
des communautés
fermées ?
82
« Marque employeur »
#1 - la stratégie.
Construire une marque
employeur forte :
les étapes clés 
!	
86
« Marque employeur »
#2 - comment
revisiter sa marque
employeur en temps
de crise
88
« Les réseaux
sociaux au service
du business 
» #1 -
social shopping :
quelles nouveautés
pour le B2C 
?	
90
« Les réseaux
sociaux au service
du business 
» #2 -
social selling :
quelles nouveautés
pour le B2B 
?
édito
• Pierre-Yves Platini, co-fondateur du
Social Media Club France, CEO de mind
• Johana Sabroux, directrice
opérationnelle du Social Media Club
France, directrice associée de mind
4
2020, QUELLE ANNÉE !
À l’apparition des premiers cas de ce
nouveau coronavirus en début d’année,
personne ne pouvait encore imaginer
à quel point nos vies, personnelles et
professionnelles, seraient impactées
pour de longs mois.
Privés de relations sociales, confinés,
les membres et l’ensemble du réseau
du Social Media Club France se sont
mobilisés pour continuer à faire vivre
les échanges et le partage qui sont au
cœur de la mission du Social Media Club.
Alors que chacun s’adaptait, en temps
réel, aux exigences sanitaires, notre
espace d’échange et de discussion, libre
et sans langue de bois, qui entremêle
réflexions stratégiques et applications
opérationnelles, s’est révélé plus que
jamais nécessaire.
Nous sommes fiers d’avoir pu maintenir,
avec vous, l’intégralité des 33 sessions
programmées en 2020, dont 25 se sont
tenues en visio-conférence. Ces cahiers
reprennent la plupart des échanges
qui ont rassemblé, tout au long de
l’année, les représentant.e.s de nos 50
membres et plus de 100 intervenant.e.s
invité.e.s. La plupart car les
#CommissionAnnonceurs et les visites
de site, comme cette année la visite de
la Social Room de la SNCF, ne font pas
l’objet de compte-rendu.
En attendant de vous retrouver « en
vrai », ces cahiers sont donc accessibles
en ligne. Nous espérons que vous y
trouverez cette année encore de quoi
nourrir votre réflexion et votre pratique
professionnelle.
Bonne lecture... et à très bientôt !
les cahiers du smc
6
1
focus
Focus
Les Sessions « Focus », ce sont
des rencontres uniques, dédiées
à un sujet d’actualité qui occupe
particulièrement les membres du
Social Media Club. Cette année, au
programme : le live, TikTok, Twitch,
Discord mais aussi impact de la
crise sur les habitudes de travail…
Un concentré des transformations
observées sur la scène du digital
et du social !
8
tiktok, twitch, discord. 
. 
.
De nouvelles
opportunités pour cibler
les jeunes ?
Tik Tok, Twitch, Discord, si ces noms ne sont
pas encore entrés dans le domaine courant,
ces trois plateformes connaissent des taux de
croissance impressionnants. Avec des fonction-
nalités favorisant la viralité, elles bénéficient
également d’audience particulièrement enga-
gées et jeunes… Retours d’expérience.
TikTok (développée par l’entreprise chinoise
ByteDance, aussi appelé Douyin) compte ainsi
4,6 millions d’utilisateurs actifs par mois, en
France (chiffres 2020). La plateforme, plutôt fé-
minine (57 
% d’utilisatrices) génère 5 milliards
de vues par mois et bénéficie d’un temps de
connexion de 57 minutes par jour, avec un reach
encore plus important que celui d’Instagram. Si
la plupart des entreprises s’interrogent encore
sur son utilisation, certaines marques n’ont pas
hésité à se lancer sur la plateforme.
L’agence Bolt Influence a ainsi conçu, avec
Maceiva, une influenceuse TikTok, une cam-
pagne pour Histoire d’Or sur le thème de la
Saint Valentin. Le principe 
? Créer une vira-
lité autour de cet événement, à travers un
« 
challenge 
» - format viral qui incite les utili-
sateurs à poster des contenus en se mettant
en scène - en s’offrant un bijou à soi-même.
Maceiva, présente sur la plateforme depuis
trois ans, apprécie la grande interactivité de
l’application et confirme que l’audience y est
particulièrement jeune : « Parce que les parents
n’y sont pas, contrairement à Instagram ! » Avec
sa communauté de 564 
000 followers, la jeune
femme, qui a commencé avec des vidéos de « lip
synch 
» (playbacks) puis de danse, est depuis
début 2020 contactée par certaines marques
pour des partenariat (placement de produit,
code promo. . .).
Les profils d’utilisateurs sont différents sur
Twitch, consacrée à l’origine au live streaming
de jeux vidéo. Intégré à Justin.Tv, la plateforme
a pris son indépendance rapidement avant
d’être rachetée par Amazon. En France, Twitch
représente 4 millions de visiteurs uniques par
mois (975 
000 visiteurs uniques par jour), pour
une audience jeune (de 18 à 34 ans) avec une
majorité d’hommes (70 
%). Si la plateforme
concentre essentiellement du contenu de type
« 
gaming 
», elle tend à s’ouvrir sur des univers
différents (chant, talks shows. 
. 
.).
Les utilisateurs de cette plateforme ont un
profil plutôt « 
geek 
» (appétence pour la tech-
nologie et la culture internet. 
. 
.) et valorise une
interaction très forte avec les « 
streamers 
» - les
comptes qui postent des live video. Il est par
exemple possible de soutenir le travail des
streamers en souscrivant un abonnement payant
à leur chaîne ou en faisant des dons. Témoin de
l’engagement des utilisateurs, l’opération lancée
par les gamers de ZEvent [1]
au profit de l’Institut
Pasteur a permis de récolter plus de 3,5 millions
d’euros de dons en quelques jours.
La durée moyenne d’une vidéo est d’une heure
et demie et peut aller jusqu’à 24 heures, ce
qui peut être intéressant en termes de marke-
ting d’influence. Toutefois, il est encore délicat
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• Le principal enjeu pour les sociétés
est de comprendre et de s’approprier l’ADN
de ces plateformes avant de les investir.
• L’interaction est l’élément clé de la
réussite d’un lancement de campagne sur
ces plateformes.
• Les données et informations générées
permettent d’adapter sa stratégie,
son contenu et d’engager davantage
les communautés.
focus
pour les entreprises d’être présentes sur cette
plateforme car le public des gamers est extrê-
mement mature, et très rétif au discours com-
mercial. L’enjeu est donc pour les annonceurs de
comprendre et de s’approprier l’ADN de la plate-
forme avant de l’investir.
Vincent Ferrer, social media manager pour
Porsche France, commente le lancement de leur
nouveau modèle de monoplace électrique pour
la saison de Formula E, présentée il y a quelques
mois sur Twitch. L’idée de départ : toucher un
public plus jeune, technophile, plus geek afin de
créer l’événement, de générer de l’interaction et
des retombées dans les médias. Ce live permet-
tait aux viewers de jouer avec les pilotes titu-
laires Neel Jani et André Lotterer dans les lo-
caux de Porsche à Ludwigsburg, en Allemagne,
pour dévoiler la monoplace. Un coup d’essai qui
aurait pu aller plus loin pour Vincent Ferrer : la
marque aurait dû davantage miser sur la voix,
l’animation mais aussi le tchat, qui sont au
coeur de l’ADN de la plateforme. Les utilisateurs
pouvaient faire un choix d’actions à produire
mais le dispositif étant relativement lent, cela a
suscité pas mal de trolling dans le tchat. A pos-
teriori, ces désagréments auraient sans doute
pu être en partie évités, par une activation plus
dynamique ou une animation pour meubler les
longs silences à l'écran, notamment.
Cette stratégie de test a également été appli-
quée par Sylvain Chatelain, rédacteur en chef
du Figaro Live. Depuis 2017, Figaro Live réalise
de 5 à 8 heures de direct diffusées en partie sur
la plateforme. Le dernier concept en date : la
création d’une émission de jeux de rôles dont
la première diffusion mi-janvier est considérée
comme un succès. Avec une première émission,
la chaîne a en effet généré 90 abonnements
payants. Mais si la communauté souscrit ces
abonnements, c’est avant tout pour soutenir
l’émission et l’équipe d’animateurs, eux-même
gamers et/ou streamers et pas Le Figaro en tant
que tel, souligne Sylvain Chatelain. Il estime
ainsi qu’il y a beaucoup d’opportunités pour les
entreprises étant donné l’engagement généré
par la plateforme, à condition de comprendre
et de respecter les codes de ces communautés.
Même vision chez Thibault Leflot, directeur
marketing chez MCES, académie française de
Esport, qui comptabilise près de 43 
000 abon-
nés sur sa chaîne Twitch. MCES a lancé avec
l’un de ses partenaires, une campagne visant
à sponsoriser des événements e-sport afin de
capter une audience plus jeune. Une manière,
selon lui, de permettre aux communautés de
s’accoutumer à la présence de la marque.
MCES développe également d’autres types de
dispositifs tels que la mise à disposition d’es-
paces publicitaires sur l’interface de la chaîne
ou la création d’une web séries, notamment
sur la mixité dans l’e-sport ou l’handi gaming
avec EDF.
MCES est également présent sur Discord, un
outil de messagerie souvent comparé à Slack
dans son fonctionnement. La plateforme re-
cense 250 millions d’utilisateurs dans le
monde, 56 millions d’utilisateurs actifs par
mois et 850 millions de messages par jour. Mais
pour Thibault Leflot (MCES), Discord peut être
considéré comme un réseau social à part en-
tière : « 
Nous offrons la possibilité à nos utili-
sateurs Discord d’obtenir des informations en
temps réel, de disposer de contenus exclusifs. 
»
L’utilisateur devient parfois même ambassa-
deur de la chaîne au point de s’engager en tant
que modérateur des contenus échangés.
Autant de plateformes qui présentent de réelles
opportunités pour les entreprises, les médias
ou les institutions, à condition d’adapter le
discours diffusé à leurs spécificités. Et de bien
prendre en compte l’écosystème et le fonction-
nement de chaque communauté.
• Cette session, animée par Thomas Van’t
wout (Bolt Influence), s’est tenue à Paris
le 22 janvier 2020.
• Avec Sylvain Chatelain (Figaro Live),
Vincent Ferrer (Porsche France), Thibault
Leflot (MCES) et Maceiva (influenceuse
TikTok).
• Compte-rendu rédigé par Isabelle Clément.
SOURCE :
• [1] https://www.lefigaro.fr/jeux-video/
les-gamers-de-zevent-recoltent-plus-de-
3-5-millions-d-euros-pour-l-institut-
pasteur-20190923
10
#futureofwork :
comment la crise
a transformé nos
habitudes de travail
L’actualité récente a projeté sur le devant de
la scène le concept de télétravail, né dans les
années 1950 et formalisé dans les années 1970
avec l’arrivée du téléphone et du fax. Il aura fal-
lu attendre 2002 pour lui voir gagner une consis-
tance au niveau européen et 2017 pour une re-
connaissance officielle hexagonale au travers
des ordonnances Macron. Le télétravail est res-
té largement expérimental jusqu’aux coups de
boutoir récents de l’actualité. Cette période de
confinement aura en effet été le premier test à
large échelle de mise en œuvre du télétravail. Ce
qui soulève plusieurs questions : comment a-t-il
été vécu 
? Que restera-t-il de cette période 
? Et
surtout : comment notre rapport au travail va-t-
il se trouver modifié par cette expérience ?
Le premier constat est que le télétravail a
fonctionné. « 
Nous avons vu entre 30 et 40 
%
des personnes qui se sont retrouvées soudai-
nement à travailler à distance 
», note Laurence
De Ré-Vannière, directrice générale adjointe
d’Entreprise & Personnel. « D’un coup, des verrous
ont sauté, on a fait plusieurs sauts quantiques
en termes de proportion de salariés concernés,
de durée et d’élargissement à de nouveaux mé-
tiers. » Ce premier constat est partagé par Yann-
Maël Larher, avocat et confondateur d’Okay-
doc.fr. « 
Pendant la crise, on a brisé un certain
nombre de dogmes, comme l’impossibilité de
travailler à distance en étant autonome, ou le
coût supposé d’une organisation de télétravail
qui nécessitait des dispositifs compliqués. »
Contraintes de s’organiser dans l’urgence,
nombre d’entreprises ont dû recourir à des so-
lutions techniques (Zoom, Whatsapp..), is-
sues des offres grand public, au risque de
compromettre les données de l’entreprise,
comme le note Loïc Tanguy, CMO d’ePressPack.
Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr) confirme ce
constat : « Effectivement, beaucoup d’entreprises
n’avaient pas d’outil dédié ou ne les utilisaient
pas, et donc ont eu recours à ce type de solution
grand public qui peut compromettre la confi-
dentialité des données, la sureté du patrimoine
de l’entreprise, dont les comptes peuvent être
piratés, etc. Évidemment il faut des solutions
internes solides, il faudrait mettre en place des
outils de chat entre les collaborateurs et pas
uniquement les populations de cadres. »
La question des infrastructures reste saillante,
tout comme celle des pratiques. « La connexion
ne doit pas partir dans tous les sens, il faut ré-
inventer des codes. Lorsqu’on arrive dans une
salle de réunion, on se présente et on arrive à
l’heure, de la même façon, à distance, il faut ré-
inventer des règles de vivre ensemble, on ne peut
pas envoyer des mails à n’en plus finir pour dire
“ 
oui 
” ou “ 
non 
”, il faut hiérarchiser les informa-
tions, privilégier certains canaux en fonction de
l’usage 
», relève Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr).
L’absence de règle préexistante a parfois hy-
pertrophié des travers classiques du présentiel,
note Laurence De Ré-Vannière (E&P). « 
C’est un
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• La crise sanitaire a été l’occasion
d’un test à grande échelle du télétravail,
avec des résultats plutôt positifs
dans l’ensemble.
• Si la transformation digitale est un
sujet très actuel, la crise a montré que
ses implications humaines et managériales
n’avaient pas totalement été prises
en compte.
• Il est nécessaire de faire le bilan de
ce qui s’est passé, pour identifier les
transformations nécessaires et éviter la
tentation d’un retour en arrière en se
contentant d’ajustements périphériques.
focus
des points où la crise est facteur d’aggravation,
on a beaucoup répliqué, à distance, ce réflexe
présentéiste, supposément signe d’engagement
et de motivation, typique de la vie de bureau.
Il y a une opportunité de gérer cette question,
mais pour l’instant, on est encore dans l’urgence
avec une amplification des travers. »
En dépit de ces manques en outils dédiés, le té-
létravail a fait ses preuves et l’aspect technique,
qu’on aurait pu imaginer prégnant, s’est avé-
ré tout à fait secondaire au regard des enjeux
qu’a révélés cette crise. Ils sont managériaux,
humains, organisationnels : « 
La crise sanitaire
subite et subie, suivie du tsunami économique
qui nous rattrape et qui bouleverse les aspects
du travail et de la culture, est révélatrice, c’est
un accélérateur de certaines transformations
en cours, mais elle a pu également constituer
un facteur d’aggravation de certaines habitu-
des de travail, de certaines tendances, et re-
mettre en cause certaines évolutions 
», résume
Laurence De Ré-Vannière (E&P). « 
La donne a
changé en matière de collaboration et de trans-
versalité, avec la gestion de la crise, on a vu
un collectif remis à l’honneur, avec des groupes
de travail pluridisciplinaires pour assurer les
plans de continuité. On retrouve de la trans-
versalité et de la solidarité, ce qui n’était pas
toujours gagné dans le monde du travail. Il y a
eu l’apprentissage individuel et collectif du lien
social, de la collaboration à distance, tant en
termes d’outil que de posture. »
Mais alors que la crise est toujours en cours, nous
restons dans l’urgence, nous ne sommes pas en-
core dans l’installation de ces transformations.
Si l’on veut que le télétravail perdure, même à
intensité plus faible, il va falloir réfléchir à un
cadre plus global de l’organisation. L’expérience
de la crise a montré que le télétravail ne s’impro-
vise pas, que le travail est un espace de socia-
bilité et que les frontières entre personnel, voire
intime, et professionnel, ne sont pas toujours
aussi clairement définies que ce que le travail
en présentiel peut laisser penser.
« 
Le travail c’est aussi un espace de sociabilité
qu’on avait parfois oublié », rappelle Yann-Maël
Larher. « 
Les salariés traînent parfois les pieds
pour aller au travail, mais voir les collègues,
c’est important aussi. Ce sont des choses sur
lesquelles il faut réfléchir à plus long terme.
Comment réinventer la sociabilité autour du
travail, lorsqu’il se fait à distance. »
Ce point de la gestion de la sociabilité dans
un contexte exclusivement distanciel est relevé
également par Mehdi Hedjem, Head of Social
Media au sein de la La Française Des Jeux :
« 
C’est un vrai sujet, car si on compare la pé-
riode de décembre avec les grèves RATP et celle
liée au covid, le manque de vie sociale a clai-
rement été plus impactant dans la seconde.
Pendant les grèves, le télétravail a été forte-
ment utilisé en IDF, mais nous pouvions tout de
même avoir des contacts non virtuels. Le covid
a montré les limites de l’hyperconnectivité des
populations. » Cette exigence de sociabilité est
en outre vécue de façon très différentes selon
les populations. Caroline Baldeyrou, Directrice
adjointe du développement numérique d’Arte, a
mis en place un questionnaire anonyme pour ses
équipes, afin de mesurer l’impact de la crise. « Il
y a plein de jeunes pour qui le télétravail et le
confinement a été une expérience géniale. Ils
travaillent dans des conditions agréables, par-
fois à la campagne chez leurs parents, et puis
il y a des gens avec trois enfants à scolariser,
pour qui ça a été une épreuve, ou bien des gens
qui ont été touchés personnellement, avec des
proches hospitalisés. 
» Isabelle Emerard, res-
ponsable communication éditoriale et digitale
chez Boehringer Ingelheim, témoigne d’une ex-
périence proche, sur la diversité des vécus face
à l’interaction virtuelle, qui peut atteindre l’ex-
cès : « Nous avons opté pour le télétravail dès le
premier jour du confinement. Avec les équipes
nous entretenons un lien très proche, avec des
skype apéro, etc. A un moment c’était presque
trop, on avait presque envie de se déconnecter.
Certaines personnes étaient en demande de ce
lien quasi constant, d’autres l’étaient moins.
Dans les premières semaines, on avait le sen-
timent d’être tout le temps dans l’urgence. Tout
s’enchaînait très très vite. Nous utilisions les
mails, zoom, Whatsapp, le téléphone, Skype. 
. 
.
C’est cette multiplicité des canaux que j’ai trou-
vée la plus compliquée à gérer, on se sentait
parfois complètement débordé. »
Indissociable de la question du lien, celle du
management à distance a été fortement évo-
quée pendant la crise. « Quand on accompagne
la transformation digitale, explique Laurence
De Ré-Vannière (E&P), une des caractéristiques,
« Le travail c’est aussi un
espace de sociabilité qu’on
avait parfois oublié. »
Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr)
12
c’est le management par les émotions, au-delà
des objectifs rationnels. Dans cette période de
confinement, avec des gens qui se sentent soit
en danger, soit pas forcément utiles, puisque
parfois en chômage partiel, pour un manager il
était complexe d’aborder la relation, de trouver
le bon ton, de trouver la bonne distance, ou la
bonne proximité. Que ce soit pendant le confi-
nement ou maintenant en période de déconfine-
ment, ce n’est pas évident d’aborder la relation,
tout en conservant un certain nombre d’exigences
relatives au travail, puisque le thème c’est la re-
prise économique. 
» L’avocat Yann-Maël Larher
a une formule pour résumer le nouvel enjeu de
management dans un contexte distanciel : « 
Au
lieu d’être un centre de contrôle, le manager doit
devenir un centre de service. C’est une vraie révo-
lution copernicienne, je pense que ça passe aus-
si par la formation et une impulsion à la fois de
la direction RH et du top management. Pour que
le collaborateur soit autonome, en confiance, il
faut que l’entreprise se dirige vers une organi-
sation basée sur la responsabilisation, la bien-
veillance, plus que sur une règle établie, hiérar-
chique, verticale où tout est normé. Il faut des
marges de manœuvre, un peu de flexibilité, que
les règles de l’entreprise doivent intégrer pour
éviter des contentieux à l’avenir. »
La nécessité de former les managers et d’im-
pliquer les RH est renforcée par le fait que la
confiance ne se décrète pas. « 
J’ai coutume,
pour ma part, de parler de “ 
manager res-
source 
”. Ce qui peut aider, c’est de formuler
des engagements de part et d’autre 
», propose
Laurence De Ré-Vannière (E&P). « 
On forme les
managers à expliquer pourquoi ils disent non.
La transformation managériale et organisa-
tionnelle est au cœur des problématiques. Il
va falloir changer d’angle de lecture et d’ap-
proche, et leur apprendre à dire oui, dans les
conditions d’engagement co-défini avec les
collaborateurs, et d’un feedback régulier à la
dimension de l’équipe, pas seulement dans une
relation bilatérale avec tel collaborateur. Le
rôle du manager n’est pas simple, il a besoin
d’être aidé par la DRH. 
» Comme Jean Laloux,
directeur associé d’Inférences, on peut s’éton-
ner qu’il ait fallu le choc de la crise sanitaire
pour prendre conscience des implications de
la transformation digitale. « 
Le télétravail,
c’est travailler différemment, passer de l’hété-
ronomie à une forme d’autonomie. Nous avons
tous beaucoup parlé de la transformation di-
gitale et nous l’avons le plus souvent espérée,
désirée. S’étonner aujourd’hui qu’elle implique
une transformation profonde du travail est as-
sez paradoxal. Comment la transformation des
entreprises pourrait-elle s’accomplir sans une
transformation du travail ? »
La période de télétravail subie fait aussi émer-
ger la question de la porosité pro/perso. Mehdi
Hedjem (La Française Des Jeux) révèle que « lors
des réunions d’équipe en vidéoconférence, 100 %
des personnes utilisaient un filtre pour ne pas
faire apparaître l’environnement dans lequel
elles étaient, illustration peut-être d’un malaise
lors de l’irruption du professionnel dans leur
zone intime. 
» Laurence De Ré-Vannière (E&P)
rappelle que, lors d’entretiens de recrutement en
vidéoconférence, « la recherche montre qu’il y a
un certain nombre de biais, dans l’évaluation à
distance, qui sont liés à l’intime et sur lesquels
il est important de travailler. » Yann-Maël Larher
lit cette évolution de façon positive : « 
il faut
revoir les barrières et inventer d’autres façons
de travailler ensemble. C’est moins contrai-
gnant de travailler un peu plus tard le soir chez
soi, pour échanger avec les États-Unis, que de
prendre l’avion pour faire des réunions à l’autre
bout de la planète. Il y a plein de choses qu’on
peut réinventer. »
Le télétravail subi, lié à la crise, propose un
changement de regard et de pratique à diffé-
rentes échelles - individuelle, organisationnelle,
managériale - avec l’opportunité d’une vraie
évolution culturelle. Une approche qui néces-
site tout de même d'être nuancée car si en Ile-
de-France, les entreprises ont compris qu’elles
devaient être prêtes pour une prochaine crise,
dans d’autres régions, plus rurales, la question
du télétravail s’est peu posée. Les grandes en-
treprises de la région parisienne ont également
été davantage concernées que les PME. Mais
pour Laurence De Ré-Vannière (E&P), le risque
serait avant tout « 
de céder à la tentation d’un
retour à la période précédente, avec seulement
quelques adaptations périphériques ».
• La session, animée par Johana Sabroux
(Groupe mind), s’est tenue le 16 juin 2020
en visioconférence.
• Avec Yann-Maël Larher (okaydoc.fr)
et Laurence de Ré-Vannière
(Entreprise & Personnel).
• Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie.
focus
14
Le retour du Live
UN OUTIL PROPULSÉ SUR LE DEVANT
DE LA SCÈNE
Les chiffres sont sans appel : 80 % des consom-
mateurs préfèrent regarder une vidéo en direct
d’une marque, plutôt que de lire un article, selon
une étude de Livestream, et 34 % des marketeurs
ont utilisé Facebook live en 2019, 81 
% d’entre
eux trouvant ce format efficace, selon Forbes.
Le live a été la réponse au choc de la covid qui
a tout bouleversé. Romain Vieillefosse, Senior
Vice President digital, creative content, data
analysis & insights pour l’agence BCW Global
le résume très bien : « Avant nous évoluions dans
un monde différent, le live était l’un des leviers
intégrés dans nos projets. Brutalement nous
sommes passés d’un monde physique à un mo-
dèle full digital, avec des audiences qui ne sont
plus captives, et des modalités d’engagement
différentes. Du fait de la banalisation du live
on se retrouve en situation de capter des au-
diences que jamais nous n’aurions pu avoir sur
un webinar, un événement virtuel, etc. C’est une
véritable opportunité. 
» Une vision que partage
Hadrien Lavielle, Content strategist & relations
presse pour l’école d’ingénieurs EFREI : « 
Le live
n’a pas inventé la poudre, avant le confinement
nous en faisions déjà, il est simplement devenu
incontournable. Il faut éviter de tomber dans
l’idée du live à tout prix « 
pour faire le buzz 
»,
et se méfier du live poussé par des dirigeants
qui ne comprennent pas toujours l’essence de la
communication. »
Alexis Harnequaux, Community Manager pour
Médecins Sans Frontières (MSF) utilise le live
pour mettre en lumière les actions de l’ONG, un
levier devenu incontournable dans la recherche
de donateurs : « À MSF, le live permet de montrer
ce que l’on fait, de rapprocher nos donateurs de
nos équipes terrain. Avant il fallait dépêcher
une équipe sur place, filmer, monter, disposer
d’une infrastructure complexe, etc. Ce que le co-
vid a apporté, c’est la simplicité, avec des ou-
tils qui peuvent se connecter facilement à une
page facebook. Cela nous a permis de faire des
live différents. »
Le live post-covid insuffle une autre façon de
communiquer, d’interagir, et transforme l’ac-
tivité des médias. De l’interface d’intermédia-
tion entre acteurs et audiences, il évolue vers
un rôle de facilitateur, ce que décrit Mickaël
Busson, Responsable social media & nouveaux
médias de L’Équipe : « Avant si on voulait mettre
en place une interaction avec un athlète, on
le mettait sur un plateau de télé, il était inter-
viewé par nos journalistes et l’audience réagis-
sait au plateau, il n’y avait pas d’interaction
directe. Aujourd’hui on peut le faire interagir di-
rectement avec nos abonnés. Le live c’est un ou-
til interactif avec une audience qui peut échan-
ger directement avec l’objet. »
INTERFAÇAGE AVEC LES PLATEFORMES SOCIALES
Hadrien Lavielle (EFREI) évoque la nécessité
de désacraliser le live : « 
Dans la mesure où il
fait partie de l’arsenal de communication, il est
naturellement intégré comme axe stratégique.
Là où il transforme l’organisation, c’est que fon-
damentalement on n’est pas tous streamers, on
n’est pas tous prêts à prendre la parole publi-
quement. La tolérance doit être différente, il y
aura des zones de non-maîtrise. Il faut embar-
quer les équipes de comm’, pour leur montrer
que c’est faisable, et qu’il y a un vrai bénéfice. »
Alexis Harnequaux (MSF) confirme : « 
Avant, on
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• Le live existait avant le covid, mais
le confinement l’a rapidement rendu
indispensable et extrêmement efficace,
avec des répercussions sur le long terme.
• L’enjeu majeur du live est la création
et la préservation du lien avec des
audiences qui ne sont plus forcément
captives physiquement.
• Le live est un levier dans une palette
d’outils. Lorsqu’il s’achève, les
stratégies de communication se dévoilent :
push de replay, proposition d’interaction…
Il est nécessaire de maintenir le lien
créé à moyen/long terme.
focus
• Cette session, animée par Olivia
Bokhobza et Romain Vieillefosse (BCW
France) s’est tenue en visioconférence
le 16 septembre 2020.
• Avec Hadrien Lavielle (EFREI Paris),
Nicolas Pereira (World Impact Summit),
Alexis Harnequaux (Médecins sans
frontières) et Mickaël Busson (l'Équipe).
• Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie.
avait peur d’avoir un problème technique, d’avoir
le mauvais intervenant, que ça ne fonctionne pas.
Avec l’émergence des plateformes de visioconfé-
rence, on intègre le live dans notre stratégie glo-
bale en appui des autres supports et c’est de
plus en plus demandé par nos opérations. »
Est-il nécessaire de sélectionner un réseau so-
cial unique pour garantir l’efficacité d’un live 
?
Pour Hadrien Lavielle (EFREI), « 
il n’y a pas de
cloison entre les outils et les réseaux, je peux
être informé sur twitter d’un live sur Twitch, etc.
Il est important de s’interfacer un peu partout. »
Alexis Harnequaux (MSF) précise : « Nous faisons
des live pour nos donateurs, qui ne sont pas for-
cément sur Facebook, ce qui ne nous empêche
pas de le dupliquer pour nos fans, d’en faire la
promo sur Instagram, de le rendre disponible
une fois terminé sur YouTube, qui assure le re-
play, et de l’inclure dans une newsletter. »
QUELLES OPPORTUNITÉS BUSINESS ?
Pour Alexis Harnequaux (MSF), l’intérêt est
simple : « 
nos live nous permettent de toucher
une audience qu’on n’aurait pas touchée natu-
rellement. Nous avons lancé par exemple une
campagne de live sur Twitch, avec des gamers
qui parlaient de MSF pendant leur stream, ce qui
nous a permis d’interagir avec une audience de
16/25 ans qu’on ne touche pas habituellement.
Après, en follow-up on se charge de créer du
contenu adapté à cette audience, un contenu qui
sort donc un peu de notre contenu classique ».
Pour l’EFREI, école d’ingénieurs, l’enjeu est spé-
cifique, avec un cœur de cible constitué d’étu-
diants, de bacheliers ou d’entreprises. « 
Nous
avons transposé les visites de campus, ou en-
core les événements avec des partenaires entre-
prises pour obtenir des jobs, explique Hadrien
Lavielle, nous avons essayé de basculer simple-
ment sur le live ce que nous faisons, nous réflé-
chissons à des choses plus originales. »
Pour l’instant, le live est intégré dans l’offre gra-
tuite sur le site de L’Équipe, explique Mickaël
Busson. « En termes de business, le modèle digital
est basé sur la pub classique, on pourrait ima-
giner que le contenu live soit parrainé, ou qu’on
puisse y inclure de la publicité, mais il est trop
tôt. Pour l’instant, le KPI c’est le taux de réten-
tion, le niveau de participation des utilisateurs. »
LE REPLAY, DEUXIÈME ÉTAGE DE LA FUSÉE LIVE
Mais le live à lui seul ne permet pas toujours
de répondre à tous les impératifs de commu-
nication, comme en témoigne Nicolas Pereira,
Fondateur de Solylend, à l’initiative du World
Impact Summit : « Nous avons dû monter une pre-
mière session live, où nous avions réuni les in-
tervenants sur un plateau. La présence physique
des intervenants facilite les interactions, la qua-
lité des échanges, et permet de conserver l’at-
tention des visionneurs. Il faut repenser la visibi-
lité pour les partenaires, par rapport à un espace
physique, avec des rencontres, des conférences
et du networking, pour la déplacer vers une
plateforme digitale où tout est en live, à la fois
pour du B2B et du grand public. » Cela change en
profondeur les métiers de l’événementiel. L’enjeu
est de proposer autant d’interactions avec de
potentiels clients, partenaires qu’en présentiel.
« Il faut redimensionner les événements et revoir
les objectifs, les ROI ne sont pas les mêmes. Le
risque est qu’on se perde de vue, il faut créer le
lien et le maintenir à distance, dans le temps,
avec des rendez-vous plus réguliers. »
La question de lien se pose également sur un
plan plus pratique, notamment du fait des aléas
techniques, Hadrien Lavieille de l’EFREI l’a plu-
sieurs fois constaté : « Arrivé par surprise avec la
crise covid, le live s’est trouvé en collision avec
la vie personnelle. Peu ou prou on sait qu’on va
perdre la moitié de l’audience, ce que l’on n’a pas
en présentiel. Faire du live c’est prouver qu’on est
disponible, à l’écoute, et ouvert au débat, as-
socié au replay qui permet de récupérer les au-
diences qui n’ont pas pu suivre le direct. »
Nicolas Pereira (Solylend) évoque lui aussi la
question de l’intérêt du replay : « 
Il est impor-
tant de réutiliser tout au long de l’année les
contenus, pour créer du lien. On sait qu’on va
toucher plus difficilement nos audiences, donc
il va falloir aller les chercher en utilisant tous
les réseaux sociaux, les orienter dans un pre-
mier temps vers les contenus déjà produits,
pour ensuite créer et animer une communauté
sur le long terme. »
16
cycle
2
la comm' responsable
cycle
La comm'
responsable
Au cours d’une année bouleversante
à plus d’un titre, les interrogations
sociales et éthiques sont devenues
particulièrement prégnantes, y
compris au sein des entreprises. Ce
cycle consacré à la communication
responsable interroge leur
positionnement sur la RSE mais
également les possibilités d’une prise
de parole dans les débats sociaux.
18
cycle
#1
Quelles prises de parole
pour l’
entreprise
dans le débat social ?
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• La RSE n’est pas un sujet de
communication mais un sujet profond et
structurel nécessaire sur le long-terme
au fonctionnement de l’entreprise.
• La légitimité des marques se trouve dans
la communication par la preuve, c’est-à-
dire la contribution positive et sincère
à travers des actes concrets pour avoir
une RSE efficace, cohérente et crédible.
• Les marques doivent glisser vers une
économie partenariale, en prenant en
compte toutes les parties prenantes et
s’imposer en tant que marques créatives
face à l’urgence du changement social
et environnemental.
la comm' responsable
Nous vivons aujourd’hui une perte de confiance gé-
néralisée envers les discours des marques, notam-
ment lorsqu’elles s’emparent des sujets qui traitent
de RSE, rappelle Elise Paris, Responsable commu-
nication & influence pour Amazing Content et ani-
matrice de cette table ronde. Pour Denis Gancel,
Président Fondateur de W&Cie & Fondateur de
Contributing® Advisory, « 
la société est défiante,
inquiète et fracturée. Dès l’instant où vous avez
une responsabilité, on va mettre votre parole, et
même vos actes en doute 
», ce qui s’illustre avec
l’apparition des émissions d’investigation, phéno-
mène observé ces dix dernières années. Si la RSE
dont s’emparaient les entreprises autour des an-
nées 2000 était plutôt exogène, imposée (par la
loi), aujourd’hui, c’est un mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur (notamment grâce à l’élan de la loi
PACTE de 2019 permettant aux entreprises de de-
venir des entreprises à mission). La RSE d’hier était
subie, aujourd’hui elle est choisie.
Ce changement s’incarne, pour Augustin Boulot,
Délégué général de B Lab France, dans un glis-
sement d’un « less bad à un more good », c’est-à-
dire « qu’on bascule d’entreprises qui respectent
les normes et les lois à contrecœur, à une
contribution positive, volontaire qui se traduit
par des actes très concrets. 
» C’est ainsi que la
légitimité de l’entreprise ne découle que de ses
actions. C’est le cas de Les 2 Vaches, une filiale
de Danone, dont « la mission n’est pas de vendre
des yaourts mais de réussir à participer à son
échelle à une transition agricole en aidant les
éleveurs à se convertir en bio et à mieux vivre de
leur travail », illustre-t-il.
La marque ne peut toutefois pas se positionner
dans tous les débats publics : « 
une marque, ça
se retient 
», intervient Denis Gancel (W&Cie) en
clin d’œil à la citation du père de Camus. « 
On
est dans un tel climat de défiance qu’il y a un
seul juge de paix, c’est la sincérité de la marque.
Ça n’est pas la parole, ça n’est pas la communi-
cation, c’est la preuve. 
» Augustin Boulot (B Lab
France) l’approuve également : « On ne peut pas
contribuer et prendre la parole sur tout. Il faut
réussir à ne pas trop se disperser. »
COMMENT CRÉER UNE STRATÉGIE DE COMM’
CRÉDIBLE, COHÉRENTE ET JUSTE ?
Dans l’idée que la marque doit agir, elle doit aussi
« 
être sincère 
» sur ses actions, pour Denis Gancel
(W&Cie). Les rankings et les labels sont dès lors
devenus des outils clés pour rendre la comm’ plus
crédible et cohérente : « 
Dans le climat de dé-
fiance, le fait d’avoir des cautions extérieures, des
classements, aident à lire le réel, à simplifier la
réalité 
», souligne Denis Gancel. Le prochain défi
de l’Europe en matière de RSE est peut-être jus-
tement de développer ses propres labels, comme
l’ont fait la Chine ou les États-Unis.
Si la marque est déjà « 
surexposée, en particulier
du fait des réseaux sociaux, faut-il en plus qu’elle
aille s’exposer sur un terrain qui n’est pas le
sien 
? 
», s’interroge Denis Gancel après qu’Augus-
tin Boulot ait évoqué la réappropriation du mou-
vement Black Lives Matter par certaines marques.
Il faut savoir faire la différence entre prise de
position personnelle et au sein de l’entreprise :
« 
Derrière toute marque, il y a un objet social et
vous n’avez pas le droit de sortir de cet objet qui
a un statut au tribunal », rappelle Denis Gancel.
Il résume le propos : « 
Il faut du performatif et
une inscription dans la durée. La communica-
tion externe est dangereuse et la communica-
tion interne indispensable. » Ce à quoi Augustin
Boulot ajoute : « 
Pour avoir une cohérence, il ne
suffit pas de bien réaliser sa mission, mais aus-
si de faire attention à toutes les externalités et
parties prenantes touchées par cette mission. »
LA GESTION DE L’URGENCE EN ENTREPRISE
La position attentiste des marques qui se tra-
duit par le fait qu’elles « 
veulent bien devenir
green quand leurs consommateurs le seront plus
qu’elles » ne fonctionne plus, selon Jean-Maxence
Granier, Directeur et Fondateur de Think-Out et
animateur de cette session. Une étude récente
en collaboration avec le CSA souligne que « 
on
attend aussi de l’acte de consommation d’être le
principal levier du changement de la société. »
« Il faut changer le business model », conclut Denis
Gancel, et ce, pour aller vers un modèle plus res-
ponsable. Augustin Boulot plaide quant à lui pour
une « économie partenariale » qui prend en compte
toutes les parties prenantes. Mais cyniques ou vé-
ritablement engagées, les marques ont encore à
travailler pour incarner le changement.
• La session, animée par Elise Paris
(AmazingContent), s’est tenue le 15
octobre 2020 en visioconférence.
• Avec Denis Gancel (W&Cie), Augustin
Boulot (B Lab France).
• Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault.
20
la comm' responsable
cycle
#2
RSE : le nouveau
langage de la
publicité
« 
Il y a ce que la publicité dit de la socié-
té, mais aussi ce qu’elle dit des produits eux-
mêmes 
», soulève Jean-Maxence Granier,
Directeur et Fondateur de l’agence Think-Out,
et coanimateur de cette session. Il s’agit au-
jourd’hui de comprendre comment les marques
se confrontent aux enjeux de RSE, et l’intègrent
dans leur stratégie et leur communication. Quel
moteur amène les marques à se transformer et
s’engager ?
ÉVOLUTIONS OBSERVÉES DANS LA
COMMUNICATION
Au regard des attentes des consommateurs et
des évolutions sociétales, les entreprises se
doivent plus que jamais d’être responsables
et engagées. Le rythme de cette prise de
conscience semble s’être accéléré ces dernières
années. Ce que Jean-Maxence Granier (Think-
Out) traduit ainsi : « 
La notion de responsabili-
té s’ancre dans une forme d’urgence contrainte
qui semble être beaucoup plus importante au-
jourd’hui que naguère, notamment concernant
les questions environnementales. 
» Justement,
pour Emeline Keundjian, Directrice générale de
Walk Agence W, c’est bien un phénomène d’ac-
célération que l’on observe aujourd’hui. « Ce qui
était une tendance depuis 15-20 ans, à savoir
donner du sens dans ses actions et contribuer
à la société, devient aujourd’hui une obligation.
D’ailleurs, 100 
% de nos briefs mettent au cœur
la RSE et la contribution des entreprises et des
marques. »
Le tournant se serait opéré à la fin des années
2000. Pour Grégoire Weil, Directeur général de
Walk Agence W, « 
On constate depuis 10 ans
une montée en puissance de tout ce qui est
raison d’être, société à mission 
; en somme,
l’émergence d’un fond d’âme. 
» En France, « 
ce
phénomène est devenu très visible depuis la
loi PACTE, qui aura eu au moins le bénéfice
de forcer toutes les entreprises à se poser ces
questions afin de rebâtir un socle plus sain : À
quoi je sers ? À quoi je contribue dans la socié-
té 
? 
» Mais en réalité, cette réflexion est née à
la suite de la crise des subprimes qui a ques-
tionné la finalité du système : « 
Avant la crise
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• L’arrivée sur le marché de marques
créées autour de la RSE poussent les
acteurs historiques à faire évoluer
leur façon de produire et de communiquer.
• Privilégier une communication produit
transparente en assumant la marge de
progression, la trajectoire et la
dimension perfectible des produits et
services de la marque permet de gagner
en crédibilité.
• Il existe une coresponsabilité entre la
marque et le consommateur. La conscience
environnementale progresse mais ne se
traduit pas encore massivement en actes
dans les achats.
« La notion de responsabilité
s’ancre dans une forme
d’urgence contrainte qui
semble être beaucoup plus
importante aujourd’hui
que naguère, notamment
concernant les questions
environnementales. »
Jean-Maxence Granier (Think-Out)
22
cycle
économique, on appelait cela la RSE et dans la
décennie suivante, la RSE est devenue la rai-
son d’être. 
» Si le pendant en marketing et en
publicité autour des années 2010 était la va-
leur d’usage, aujourd’hui les marques tendent
vers la valeur étendue. 
» Grégoire Weil cite
l’exemple de Nike comme illustration de cette
valeur d’usage communautaire en 2010 et qui,
depuis 2018, met l’enjeu sociétal au cœur de sa
stratégie de communication. « Il y a un bascu-
lement où les marques sentent qu’il faut ajou-
ter une valeur sociétale dans leur discours 
»,
termine-t-il.
Béatrice Parguel, chercheure au CNRS, ne pense
pas cette évolution des enjeux RSE comme une
réelle rupture, mais comme « 
une communi-
cation qui évolue dans ses pratiques en fonc-
tion des attentes sociétales. 
» Graduellement,
le consommateur augmente son exigence de
responsabilité, ce qui se traduit par une plus
grande responsabilité dans la prise de parole
des marques. Selon elle, cette progression se
traduit « 
à la fois dans le choix des média de
diffusion en fonction de leur impact environ-
nemental, la prise en compte de la sensibili-
té de la cible à laquelle la marque s’adresse
et enfin dans l’exécution du message, autant
dans le choix des mots que dans celui de
l’iconographie. »
Le moteur d’action des entreprises provient
ainsi à la fois de l’évolution des enjeux socié-
taux et leur urgence relative, de la demande
consommateur, et pour les grandes entreprises,
c’est également un effet « boule de neige » qui
s’opère, comme l’explique Christine Cabon,
Communication Director chez Procter & Gamble
(Shaving & Depilatories France-Benelux-South
Europe) : « 
L’accélération, notamment dans la
grande consommation sur cette dernière décen-
nie, vient principalement de petites marques
créées autour de la RSE. Cela a forcé les grands
groupes à se transformer dans la façon de pro-
duire et de communiquer. »
La multiplicité des outils de communication
disponibles aujourd’hui, facilite la mise en va-
leur du produit dans une optique de transpa-
rence : « Nous pouvons choisir d’abandonner une
communication fonctionnelle pour tendre vers
une communication plus technique et didac-
tique. Le site internet, de façon simple et trans-
parente, peut permettre de recenser les compo-
sés utilisés dans le produit par exemple. Ainsi,
nous pouvons prioriser dans l’histoire de notre
marque ce que l’on a envie de raconter, où, à qui
et comment. »
ASSUMER L’IMPERFECTION
Pour Christine Cabon (P&G Shaving & depila-
tories), il faut privilégier une « 
communication
qui ne soit ni mensongère, ni incitatrice à une
mauvaise utilisation du produit. » Une attention
particulière doit être portée au discours autour
de l’utilisation du produit, du contexte de sa
consommation et du moment où la marque sera
légitime pour en parler. Selon elle, « 
il est plus
efficace de faire correspondre le métier de la
marque et la valeur sociétale qu’elle apporte ».
Pour Béatrice Parguel (CNRS), il est toujours
possible de communiquer sur le produit en
lui-même, y compris lorsqu’il n’est pas parfait
sur le plan environnemental en privilégiant
trois axes : le premier axe réside dans le fait
de rendre visible l’amélioration progressive du
produit d’une année sur l’autre. Le deuxième
consiste à déplacer la communication produit
vers la communication corporate. Enfin, ne pas
pousser à la (sur)consommation du produit, au
contraire. Le consommateur s’attache alors à
la marque grâce à son discours responsable et
éducatif, qui résonne avec ses idéaux.
« 
Aujourd’hui et plus que jamais, je peux pro-
mouvoir une idée à travers des produits 
», ob-
serve Grégoire Grégoire Weil (Walk by Agence
W) en citant les marques Patagonia ou C’est qui
le patron 
?! « 
De façon pragmatique, ce qui im-
porte c’est la trajectoire de l’entreprise, c’est-à-
dire sa progression sur un temps limité. »
Comme le souligne Jean-Maxence Granier
(Think-Out), oser parler du chemin qu’il reste
à parcourir ou de la progression, n’est-ce pas
se détacher du discours idéalisant propre à la
publicité ?
Pour Emeline Keundjian (Walk Agence W), si c’est
bien un risque, « 
aujourd’hui, le consommateur
« Avant la crise économique,
on appelait cela la RSE et
dans la décennie suivante,
la RSE est devenue
la raison d’être. »
Grégoire Weil, Directeur général
de Walk Agence W
la comm' responsable
est prêt à entendre l’imperfection et le fait que
la progression nécessite un investissement. Par
contre, il n’est pas capable d’entendre un dis-
cours qui vante la perfection d’un produit alors
qu’il y a de l’inaction derrière. Il faut montrer
que la marque se transforme et est prête à s’in-
vestir. Il est essentiel de montrer la progression
de la marque et de ne pas mentir. »
De nombreux travaux démontrent justement que
« 
le fait d’être équilibré dans ses arguments,
c'est-à-dire de communiquer autant sur le né-
gatif que sur le positif, permet de crédibiliser
ce qu’on fait de bien, et ce, grâce à la recon-
naissance honnête de ce qui n’est pas encore
parfait », ajoute Béatrice Parguel (CNRS).
D’autre part, il faut savoir relativiser sur cette
peur de dévoiler ses imperfections. « 
Entre ce
que les consommateurs disent et font, il y a
souvent un décalage. Il faut parvenir à trouver
un équilibre 
», conseille Christine Cabon (P&G
Shaving & Depilatories).
QUESTION DE MODE OU RÉVOLUTION ?
Les marques se contentent-elles de suivre la
tendance ou sont-elles à l’origine de la prise
de conscience des enjeux environnementaux
et sociétaux 
? Et quel rôle les réseaux sociaux
ont-ils joué dans le développement de cette
conscience RSE? Pour Grégoire Weil (Walk
Agence W) comme pour Christine Cabon (P&G
Shaving & depilatories), le social media est
un terrain clé pour la RSE. Néanmoins, « les
réseaux sociaux sont un miroir déformant de
l’opinion », dont l’usage évolue très rapidement.
Il ne faut pas chercher à se placer sur tous les
canaux, ce que Béatrice Parguel (CNRS) appuie
par une nécessité de prudence : « 
Il faut faire
attention à la pression de la communication
sur l’individu. »
Christine Cabon (P&G Shaving & Depilatories)
témoigne de ses engagements concernant les
enjeux environnementaux : « 
Nous ne répondons
pas qu’à une tendance, nous essayons d’appor-
ter le produit qui nous semble le plus adapté
à la situation. 
» Béatrice Parguel (CNRS) de son
côté souligne le fait que ce n’est pas parce que
la conscience environnementale progresse que
les consommateurs la traduisent en actes dans
leurs achats.
Enfin, pour Emeline Keundjian (Walk Agence
W), les marques ont tout intérêt à formuler des
discours qui allient intérêt collectif et plaisir
individuel, car ce sont des stratégies complé-
mentaires. De plus, la relation entre les consom-
mateurs et la marque tend à l’horizontalité : il
y aurait donc à présent une « 
coresponsabilité
entre la marque et le consommateur 
», résume
Jean-Maxence Granier (Think-Out).
Au sein même de l’entreprise, « 
la communi-
cation sur le social peut difficilement être
centralisée. La responsabilité doit être parta-
gée au sein de l’entreprise. 
», souligne Emeline
Keundjian (Walk Agence W). La polyphonie est
donc à privilégier autour de porte-paroles mais
sur un socle commun. Reste à savoir si ce socle
de l’engagement deviendra le poumon straté-
gique des entreprises au-delà de la communi-
cation et du marketing.
• Cette session, animée par Jean-Maxence
Granier (Think-Out), s’est tenue en
visioconférence le 18 novembre 2020.
• Avec Christine Cabon (Procter & Gamble),
Emeline Keundjian (Walk by W), Béatrice
Parguel (CNRS) et Grégoire Weil (Walk by W).
• Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault.
« Nous ne répondons pas qu’à
une tendance, nous essayons
d’apporter le produit qui
nous semble le plus adapté
à la situation. »
Christine Cabon
(P&G Shaving & Depilatories)
24
cycle
#3
Les réseaux sociaux,
moteurs d’activisme
toujours renouvelés
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• Activisme de terrain et cyberactivisme
ne sont pas exclusifs. Ils peuvent se
nourrir mutuellement.
• Le cyberactivisme implique l'identité
virtuelle de l’individu. Pour éviter la
dissonance cognitive, il peut ressentir le
besoin d’agir concrètement et physiquement.
• Adapter sa communication aux nouvelles
plateformes permet de fédérer davantage,
d’optimiser la portée de son message
en faisant naître de nouvelles formes
d’actions.
la comm' responsable
Autrefois exclusivement physique, l’action mi-
litante déferle désormais sur les plateformes
numériques. Mais peut-on aller jusqu’à parler
d’activisme digital, ce militantisme pratiqué
sur Internet ? Et si oui, le cyberactivisme peut-il
se suffire à lui-même ?
FORMES ET ACTEURS DU CYBERACTIVISME
L’activisme digital se définit à la fois par ses
supports et les acteurs qui s’en emparent. Pour
Mireille Lalancette, Professeur titulaire en
communication politique et spécialiste des ré-
seaux sociaux à l’Université du Québec à Trois-
Rivières (EGUQTR), « 
l’action, telle que la levée
de fonds, peut s'opérer uniquement sur Internet
ou au contraire s’organiser hors-ligne pour être
ensuite propulsée sur les réseaux sociaux via un
regroupement de personnes. 
» C’est cette duali-
té qui a permis aux plateformes de devenir des
leviers fédérateurs.
Quant aux acteurs, ce sont autant des individus
qui vont « 
liker ou signer une pétition 
» que des
« 
activistes citoyens, institutionnels ou profes-
sionnels qui s’organisent pour se regrouper ou
demander des financements pour agir direc-
tement. 
» Néanmoins, dans ce brouhaha com-
municationnel, « 
la difficulté aujourd’hui est
d'identifier la source du message 
», souligne Leo
Trespeuch, Professeur en science de gestion et
spécialiste de l’activisme digital à l’Université
du Québec à Trois-Rivières : « 
Ce ne sont parfois
plus des humains qui interagissent, mais des ma-
chines qui vont faire ressortir des tendances. »
ÉVOLUTION DE L’ACTIVISME DIGITAL
ET ACTIONS INNOVANTES
Comment les acteurs de l’activisme s’adaptent-
ils aux innovations digitales 
? S’il est vrai que
« 
les plateformes n’ont pas été créées pour
faire de l’activisme 
», les militants s’appro-
prient et s’adaptent à ces outils, y compris avec
« 
la limite des algorithmes. 
», précise Mireille
Lalancette. C’est face à une attention qu’il de-
vient de plus en plus difficile de capter qu’inter-
vient la distinction de Leo Trespeuch (EGUQTR)
entre les « 
chapeaux blancs 
» qui s’adaptent à
l’algorithme et les « 
chapeaux noirs 
» qui le dé-
jouent et augmentent leur nombre de likes de
façon moins « 
honnête 
» pour gagner plus fa-
cilement en visibilité. Bien que les « 
réseaux
sociaux, média à part entière, aient un poids
plus conséquent que les médias traditionnels,
ils restent un lieu de diffusion dans lequel l’in-
formation peut rapidement être noyée », met en
garde Benjamin Carboni, Fondateur du mouve-
ment Cleanwalker.
Face à cette difficulté, la clé est d’être créatif
et innovant, tout en s’adaptant. Les tendances,
les formats et les plateformes se succèdent,
des hashtags (déjà presque obsolètes) aux
mèmes, de Facebook à TikTok. De nombreux
militants parviennent à créer de véritables ac-
tions sur le web, à l’image de la campagne On
est prêt [1]
ou encore du collectif noustoutes.
org. Mireille Lalancette (EGUQTR) partage le
concept de ParityBot [2]
, un robot qui envoie
des messages positifs aux femmes politiques
pour les encourager à poursuivre leur action
malgré les nombreuses tentatives d’intimida-
tion qu’elles peuvent subir en ligne. Benjamin
Carboni (Cleanwalker) rappelle l’événement
Z Event [3]
, qui s’est tenu sur Twitch, mené par
des streamers français qui ont récolté presque
6 millions d’euros en un week-end en faveur
d’Amnesty International. Au milieu de ces ini-
tiatives, il s’agit aujourd’hui pour Léo Trespeuch
(EGUQTR), « d’identifier les leaders d’opinions ou
micro-influenceurs pour les rallier à sa cause, et
parallèlement, d’utiliser les données massives
pour identifier les relais clé qui participent à la
diffusion de l’information. »
À partir de quand sommes-nous donc acti-
vistes 
? Pour Benjamin Carboni (Cleanwalker),
on ne peut parler d’activisme que dans l’action
concrète du terrain : « Je ne pense pas qu’il y ait
d'activisme digital. Il s’agit surtout d’un outil
de communication pour promouvoir ses actions
sur le terrain. Si je ne change pas ma façon de
vivre, il n’y a pas de cohérence. »
Leo Trespeuch (EGUQTR) établit de son côté
trois grandes catégories de cyberactivisme:
le courant du « 
slacktivisme 
» (soit « 
la volonté
d’avoir le maximum d’impact avec un minimum
d’effort 
») selon lequel le cyberactivisme n’est
pas de l’activisme réel, courant qui s’oppose à
ceux qui estiment que c’est un premier pas vers
l’activisme réel en s’appuyant sur les exemples
du Printemps Arabe ou des Gilets Jaunes. Enfin,
il y a les « actions virtuelles en interaction avec
les actions de terrain, où Internet serait un sup-
port de l’activisme réel. 
» Le mouvement des
Gilets Jaunes a d’ailleurs démontré qu’il n’est
pas toujours nécessaire de connaître le fonc-
tionnement des algorithmes des plateformes et
d’endosser le rôle de professionnels des réseaux
sociaux pour être efficace.
26
cycle
Mais l’activisme digital a également sa partie
immergée. Quel poids les actions réalisées sur le
“Dark Social” représentent-elles ? Le Dark Social,
cet ensemble des partages de contenus qui
échappent à la mesure, car effectués sur dans des
échanges privés (groupes Whatsapp, Disiscord,
groupes privés sur Snapchat, Telegram. 
. 
.) « 
n’est
pas visible mais est essentiel pour capter l’at-
tention et augmenter ensuite sa visibilité 
» sur
les plateformes sociales, selon Leo Trespeuch.
COMMENT L’ACTIVISME DIGITAL S’ARTICULE
AVEC L’ACTION SUR LE TERRAIN ?
Les réseaux sociaux se contentent-ils d’être une
simple caisse de résonance ou un véritable le-
vier pour amener l’action sur le terrain 
? « 
Tout
dépend de la cause et du but, mais l’activisme
digital et de terrain sont intimement liés voire
complémentaires. Tout est question d’équilibre.
Les réseaux sociaux peuvent être un levier de
communication en facilitant par exemple la dif-
fusion d'images de l’action », considère Benjamin
Carboni (CleanWalker). Greenpeace incarne
parfaitement ce nouveau militantisme hybride,
c’est-à-dire un activisme de terrain - historique
pour Greenpeace - qui se double d’un activisme
digital, comme en témoigne leur dernière action
des « Boulets du climat » [4]
.
Mireille Lalancette (EGUQTR) approuve : « 
Les
frontières entre le digital et le terrain physique
disparaissent : les deux pratiques s’entremêlent
et peuvent s’auto-influencer. Les groupes s’or-
ganisent grâce aux réseaux sociaux qui per-
mettent ensuite l’action réelle. »
Pour Leo Trespeuch (EGUQTR), au bout d’un certain
temps, « 
le cyberactivisme ne suffit plus et le be-
soin d’agir concrètement et physiquement se fait
ressentir 
», pour ne pas subir le poids de la disso-
nance cognitive entre le discours et les actes. Un
point qui évoque la théorie de la « 
distance psy-
chologique » [5]
entre l’individu et la cause pour la-
quelle il se bat, et qui peut être un frein à l’action.
ACTIVISME ET CRISE SANITAIRE
Mais justement, en matière environnementale,
la crise sanitaire semble avoir en partie réduit
cette distance psychologique entre l’individu
et l’environnement. Dans les actes, on observe
par exemple que l’achat local est plus cou-
rant dans certains pays. Pour Léo Trespeuch
(EGUQTR), « 
la crise sanitaire a changé la
donne et accéléré la prise de conscience 
»,
même s’il est encore trop tôt pour mesurer si
cette évolution sera durable.
D’autant que si le confinement a plongé de nou-
veaux acteurs dans l’activisme digital, incitant
les individus, comme les entreprises et les or-
ganisations, à s’emparer des outils numériques
pour militer, une question reste en suspens, sou-
levée par Leo Trespeuch : « 
l’activisme réel, de
terrain existera-t-il toujours après la crise sa-
nitaire ou resterons-nous derrière nos écrans ? »
• Cette session, animée par Christophe
Asselin (Digimind), s'est tenue en
visioconférence le 9 décembre 2020.
• Avec Benjamin Carboni (Cleanwalker),
Leo Trespeuch (Université du Québec à
Trois-rivières) et Mireille Lalancette
(Université du Québec à Trois-rivières).
• Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault.
LIENS PARTAGÉS PENDANT LA SESSION :
[1] https://www.onestpret.com
[2] https://paritybot.com
[3] https://zevent.fr
[4] https://boulets-climat.greenpeace.fr
[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/
articles/PMC3152826/
RESSOURCES :
• The Platform society
https://global.oup.com/academic/
product/the-platform-society-
9780190889777?cc=ca&lang=en&
• Green Nudge
https://www.pearson.fr/fr/
book/?GCOI=27440100058340
• La crise de la Covid-19, un moment
décisif pour basculer vers une société
plus responsable ?
http://leotrespeuch.com/Coronavirus-
Covid19.pdf
• nudge: la méthode douce pour inspirer
la bonne décision
https://www.franceculture.fr/oeuvre/nudge-
la-methode-douce-pour-inspirer-la-bonne-
decision
• Mickaël Dupré, Expert en recherche
du développement des meilleurs outils
d'incitation aux gestes écocitoyens
https://mickaeldupre.com/
la comm' responsable
28
cycle
3
nouveaux formats
cycle
Nouveaux
formats
Dans un secteur en perpétuelle
transformation, comment repérer
les nouveautés qui sont faites pour
durer et comment s’y adapter ? Le
Social Media Club a animé une
série de sessions consacrées aux
nouveaux formats: audio, vidéos,
story. . . nos invités ont partagé leur
vision et leurs bonnes pratiques.
30
cycle
#1
L’audio,
nouvel eldorado ?
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• Nous en sommes aux prémices de la
consommation du podcast. Il faut se
préparer à un format qui prendra sa place
au sein des contenus d’informations mais
également dans la nouvelle économie de
consommation du divertissement.
• L’enjeu majeur des acteurs de ce marché
sera d’établir un business model cohérent
ainsi qu’une stratégie de médiatisation
efficace.
• Malgré l’existence d’études
spécialisées, la fragmentation du marché
de l’écosystème complexifie la mesure
de sa performance.
nouveaux formats
Les résultats de l’étude Global Audio destinée à
analyser l’ensemble des usages audio des inter-
nautes, révèle une réelle appétence pour ces for-
mats. En moyenne, près de 7 % des personnes inter-
rogées écoutent un podcast natif par mois. Et près
de 40 % des internautes en connaissent l’existence.
Face à la multiplication des acteurs mais aussi
des offres, il reste néanmoins complexe de mesurer
et d’évaluer de manière précise l’écosystème des
podcasts, rappelle Julie Terrade, directrice du pôle
national au département radio de Médiamétrie.
Selon une étude dédiée aux auditeurs du podcast
natif, réalisée par Havas Paris et l’institut CSA
Research à l’occasion du Paris Podcast Festival,
les 24-35 ans vivant en métropole constituent le
cœur de cible. 9 % d’entre eux écoutent au moins
un podcast natif chaque semaine.
Même s’il est difficile de dresser un portrait-
robot de l’auditeur de podcast, les premiers élé-
ments indiquent qu’il s’agit d’une population
déjà consommatrice du média audio, notam-
ment de musique et/ou de radio. Ce type de mé-
dias est totalement adapté à l’évolution de nos
sociétés notamment en termes de mobilité.
Pour François Cusset, fondateur du studio Engle,
la qualité de production et le storytelling sont
les éléments clés du succès d’un podcast. Le
style d’écriture, la musique, l’habillage sonore
doivent permettre à l’auditeur de vivre une ex-
périence immersive.
Pour fidéliser son public, il est également im-
portant d’identifier le format de podcast le
plus adapté. Le podcast permet notamment des
contenus beaucoup plus longs que la vidéo :
les auditeurs sont prêts à donner de leur temps
pour consommer un contenu de qualité. « Il faut
de la sérialité, établir un rendez-vous régulier,
créer une habitude. Il y aura ainsi moins de dé-
perdition de l’audience 
», souligne également
Arthur Perticoz, cofondateur de Majelan.
Les stratégies de médiatisation des podcasts
restent encore à construire, mais la fragmenta-
tion du marché complexifie le déploiement de
stratégies universelles. L’enjeu de ces prochains
mois sera donc de définir un business model qui
rende la création de podcasts profitable. Au-
delà du volume d’audience, en termes de me-
sure, de ROI, les différents acteurs sont encore
dans une phase de test.
Et à l’international ? Contrairement à la France,
80 
% des podcasts sont natifs au Etats-Unis. En
Chine, le podcast s’écoute gratuitement et est
généralement suivi d’une formation payante
en e-learning. Le format audio devient ainsi un
produit d’appel.
Comme le rappelle Thibaut de Saint Maurice,
fondateur du Paris Podcast Festival, il n’existe
actuellement pas de programme de financement
public en France. La question est néanmoins
étudiée par le Ministère de la Culture. L’objectif
serait de créer une structure dédiée au média
audio, similaire au Centre National du Cinéma,
incontournable dans la production audiovi-
suelle. Une initiative particulièrement soutenue
par les créateurs de contenus. Pour François
Cusset (Engle), « 
pour aider les marques à in-
vestir dans le podcast, il est important que les
agences de création comprennent la stratégie
globale de l’entreprise et s’inscrivent dans une
offre cohérente. L’enjeu est également d’identi-
fier les canaux de distribution adaptés. »
Certaines marques ont déjà expérimenté ce
type de formats, à l’instar de Guerlain, qui dif-
fuse des récits d’expériences olfactives recueil-
lis auprès de collaborateurs et d’auditeurs sur
son application dédiée OlfaPlay. Le groupe
LVMH a lui aussi réalisé une série de podcasts
intitulée « 
Confidences particulières 
» donnant
la parole aux artisans du groupe. Chanel, en
partenariat avec AlloCiné, a réalisé la série
« 
Paris en contre-plongée 
», dans laquelle des
réalisateurs proposent des balades sonores
dans les rues parisiennes qu’ils affectionnent.
D’autres marques sponsorisent des podcasts
natifs (Transferts, La Poudre. 
. 
.) sans pour autant
s’impliquer de manière éditoriale.
L’évolution de la technologie et de la mobilité
offrent encore quelques années d’effervescence
créative au podcast, véritable générateur d’en-
gagement. Mais celui-ci doit encore trouver son
business model ainsi que son tiers de référence
pour analyser et mesurer son efficacité.
• Cette session, animée par Josselin
Moreau et Jean-Baptiste Ong (TSC Digital),
s’est tenue le 29 janvier 2020 à Paris.
• Avec François Cusset (Engle), Thibaut
de Saint - Maurice (Paris Podcast
festival), Arthur Perticoz (Majelan)
et Julie Terrade (Médiamétrie).
• Compte-rendu rédigé par Isabelle Clément.
32
cycle
Les chiffres autour de la story donnent le ver-
tige : 14 millions de français utilisent Snapchat
tous les jours, 80 
% ont plus de 18 
ans et l’ap-
plication est utilisée 30 
fois par jour. En élar-
gissant au niveau mondial, les stories d’Ins-
tagram et de Facebook agrègent 500 
millions
d’utilisateurs quotidiens (Hootsuite 2020), Snap
218 
millions (résultats financiers Q4 2019), et
TikTok revendique 800 
millions d’utilisateurs
actifs (Digimind 2019). En un mot 
: le nombre
de stories a dépassé le nombre de posts clas-
siques (TechCrunch 2019). Le décor est planté 
:
la story cannibalise massivement l’usage du
social media, « 
elle incarne assez bien toutes
les possibilités créatives que l’on peut déve-
lopper sur les réseaux sociaux, ce qui pose
des questions de créativité, de performances
et innovation 
», résume Karine Sentenac, direc-
trice générale – Head Coach Content au sein
de l’agence Insign. Alors qu’elle s’installe déjà
comme la nouvelle norme, la story est au car-
refour de nombreuses interrogations en termes
de contenu.
La genèse de la story est simple : « 
Le pari de
Snapchat c’était de créer un outil de commu-
nication instantané sur mobile, nous sommes
clairement de la génération qui n’a pas connu
l’ordinateur. Le mobile on le tient à la verticale,
cette verticalité nous tient à cœur et c’est de-
venu le standard 
», détaille Patrick Heneghan,
directeur marketing France au sein de Snap Inc.
Cette définition originale de la story a déjà
connu quelques modifications ce qui amène la
question : où va la story 
? Le format court est
une des composantes de départ d’un média
conçu pour sortir du 1-to-1 en permettant l’envoi
d’une vidéo éphémère à une liste d’amis. Mais
le format suscite d’autres appétits : Snapchat
a lancé son format « 
Shows 
» ouvert à des par-
tenaires media qualifiés, fin 2018. En février
2020, Twitter a racheté Chroma Labs, fondé par
des anciens d’Instagram et de Facebook, qui
permet d’éditer des stories. Marques et médias
commencent donc à s’adapter à ce format en
mouvement.
IMPÉRATIFS DU 9/16 E
Conçue exclusivement pour le mobile, la sto-
ry est verticale, en 9/16, ce qui implique pour
les agences et les marques, la prise en compte
d’une nouvelle écriture visuelle spécifique, ce
que résume parfaitement Olivier Duband, Head
of Social Media chez TF1 Pub : « 
Pour nous, qui
sommes le temple du 16/9 
e
lorsque nous avons
vu l’avènement du format vertical, c’était une
rupture. La première problématique a donc
été : comment est-ce qu’on peut faire vivre sur
la partie sociale des formats qui fonctionnent
en télé, sans revenir à des logiques de produc-
tion dédiée ? Comme tout le monde, nous avons
essayé de simplement recadrer une 16/9 
e
pour
en faire un 9/16 
e
mais le rendu n’est pas tou-
jours optimal. Il a fallu nous adapter. 
» Ce que
confirme Emmanuelle Rey Magnan, fondatrice
du studio de production londonien Story Island
Ltd : « 
Je fais du 16/9 
e
, du 90 minutes, des sé-
ries télé. 
. 
. J’ai embauché une équipe de mille-
nials sortant d’écoles de cinéma, mais pas en-
core trop formatés par les habitudes de prod.
Lorsque j’ai dit à mes équipes que nous allions
tourner en vertical, tout le monde m’a dit que
c’était impossible. Puis ils se sont approprié le
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• La notion de test & learn est
consubstantielle aux réseaux sociaux,
mais elle prend un sens particulier sur
un format en évolution comme la story.
• Le parcours utilisateur est extrêmement
important dans les réseaux sociaux:
la story suppose d’anticiper l’action
suivante.
• Avec la story, l’utilisateur doit
être embarqué dès la première frame.
Contrairement aux formats classiques,
elle ne laisse guère le temps de
développer une histoire.
#2
Quel avenir
pour la story ?
nouveaux formats
format. 
» À noter que si le format 9/16 
e
ne fait
plus débat, la notion de persistance, de feed,
elle, est importante. Elle permet de raconter
une histoire avec plus de profondeur, et s’ins-
crit également dans le souci d’insérer la story
dans un parcours. YouTube est cité en exemple :
lorsque des influenceurs procèdent par épisode,
la publication d’un épisode génère toujours, par
ricochet, des vues sur les épisodes précédents.
NARRATION
Si la verticalité est l’apparent premier élément
créatif à prendre en compte, la rupture de fond
avec les médias basés sur des écrans fixes
touche à la forme narrative, laquelle est sanc-
tionnée par une interface utilisateur qui laisse
peu de deuxième chance. « C’est un peu du Usain
Bolt, soit on va bien partir et on va réussir à cap-
ter l’attention sur l’intégralité de la story, soit
c’est fini parce que juste avec la pulpe de notre
doigt on va passer à la story suivante. C’est
beaucoup plus puissant qu’un swipe qui génère
un mouvement plus long, là une petite impul-
sion suffit, résume Olivier Duband (TF1Pub). En
termes de performances, c’est un niveau de lec-
ture totalement différent, la complétion n’est
pas comparable à celle d’un format classique
où on a le temps de développer une belle his-
toire. Avec la story, on n’a même pas les trois
premières secondes pour embarquer les gens.
Il faut les embarquer dès la première frame. La
narration est totalement différente. »
Cette quasi-dictature de la première frame,
qui implique une primauté de l’histoire racon-
tée sur la marque, est lourde d’implication pour
les marques habituées à être présentes dès la
première seconde. La story est un média qui im-
pose, pour que le transfert de valeur opère, de
rendre l’histoire la plus intéressante possible
immédiatement.
Si elle a ses exigences, cette nouvelle forme
narrative ouvre des champs créatifs nouveaux,
éventuellement complémentaires de produc-
tions destinées à des médias traditionnels.
« Nous créons des séries et des personnages, ce
qui se prête très bien aux stories. L’idée est de
faire sortir nos séries d’un format traditionnel.
Nous avons désormais des comptes dédiés :
chaque série, chaque personnage a un compte
personnel et on tourne des mini épisodes qui
permettent de suivre le personnage, un peu
comme si un fan de Friends pouvait suivre
l’Insta de Chandler ou celui de Joey 
», explique
Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd). Et
ce qui n’est pas anodin dans cet usage de mé-
ta-story, qui vient en complément d’une série
principale, le budget du volet story est 50 fois
inférieur à la production principale, sans perdre
en qualité et en touchant une autre cible.
ENJEU STRATÉGIQUE
Parmi les questions stratégiques que pose la
story, il y a d’un côté celle de son intégration
dans une stratégie globale et de l’autre sa per-
formance. Vraisemblablement du fait de la re-
lative jeunesse du format et de l’ambiguïté de
son positionnement entre utilisateurs et moyen
de communication, entre marque et utilisa-
teurs, toutes les plateformes ne fonctionnent
pas de la même façon. Les stories ne défilent
pas automatiquement chez Snapchat, alors que
le défilement est automatique chez Instagram
par exemple. Les KPIs sont difficilement com-
parables d’une plateforme à l’autre, puisque
les usages possibles varient d’une plate-forme
à l’autre, comme l’explique Patrick Heneghan
(Snap Inc.) « Nous n’avons pas de page de marque
sur Snapchat. Les marques sont présentes dans
des espaces publicitaires clairement définis
comme tels. Les Stories se trouvent dans la par-
tie Discover, avec les contenus produits par les
éditeurs partenaires et les influenceurs. »
Les metrics classiques sont peu adaptées à la
story dont l’objectif est précisément de s’ins-
crire dans un ensemble, de générer de l’engage-
ment et qui d’autre part répond à des impéra-
tifs de captation immédiate de l’audience. Pour
Patrick Heneghan, « si on diffuse à large échelle,
il faut accepter le fait que la majorité des per-
sonnes vont zapper au bout de 2 secondes et
passer à autre chose. Ce qu’on veut travailler,
c’est le reste. 
» Cette valeur est confirmée par
Olivier Duband (TF1Pub) : « Il y a quelques mois,
« On n’a même pas les trois
premières secondes pour
embarquer les gens. Il
faut les embarquer dès la
première frame. La narration
est totalement différente. »
Olivier Duband (TF1Pub)
34
cycle
quelques années, on était concentré sur la com-
plétion, mais avec les stories, la complétion est
vertigineuse, et pas dans le bon sens, parce que
les gens partent très rapidement. Surtout sur
des stories publicitaires, avec la présence de
marque exposée dès le début, le CPM (coût pour
mille vidéos vues) devient stratosphérique. »
PARCOURS DANS LES MÉDIAS SOCIAUX
Si la story est la tête de pont qui assure le
contact avec le consommateur, il est indispen-
sable qu’elle soit intégrée dans un ensemble
plus large. Pour Patrick Heneghan, « 
il y a une
notion d’objectif. Le digital est un média d’in-
tentionnalité, il faut toujours penser à ce que
la personne va faire après. La consommation
de la story n’est pas une fin en soi, on espère
une action dernière, swipe vers quelque chose,
visite d’un site, visualisation d’une vidéo plus
longue, etc. 
» Olivier Duband (TF1Pub) illustre
l’efficacité de la story utilisée en collaboration
avec d’autre médias sociaux au travers d’une
campagne de grande ampleur : « 
On a monté
une campagne sur Snapchat avec l’assureur
MMA qui a bien fonctionné. L’annonceur était
mature sur le sujet, et on a pu convenir qu’on
ne vendait pas de la complétion, mais de l’en-
gagement. C’était un projet de prévention pour
les fêtes de fin d’année pour inciter les conduc-
teurs à ne pas prendre le volant après avoir
consommé de l’alcool. L’opération incluait une
webapp pilotée par des influenceurs et qui per-
mettait d’envoyer des canulars à ses amis. Nous
avons utilisé Instagram pour les influenceurs et
Snapchat pour générer du trafic sur le site inter-
net. La campagne a été un succès, on a généré
plus de 130 000 canulars en une semaine et l’en-
gagement était là. La clé était d’être clairs sur
le parti-pris par rapport aux KPIs. Dans ce cas,
non pas de la complétion, mais une visibilité
massive. »
Si les plateformes de stories s’adressent prio-
ritairement aux millennials, plusieurs témoi-
gnages montrent que la story permet de générer
de l’engagement, y compris avec des contenus
qui pourraient être jugés peu susceptibles d’in-
téresser cette cible. « Il y a quelques années j’ai
monté pour un site gouvernemental un calen-
drier de l’avent sur Snapchat qui portait sur un
quiz administratif autour du sens civique, avec
des questions du type “ 
savez-vous ce qu’est le
pavoisement des drapeaux 
? 
”, nous avons été
surpris par le nombre et la forme des réponses »,
témoigne Louisa Amara, Social Media Manager
pour Axa Partners. Ce constat est confirmé par
Patrick Heneghan (Snap Inc.) : « 
Snapchat est
la première appli des 15-34 en termes d’utili-
sation quotidienne, et les jeunes qui utilisent
notre plateforme sont intéressés par tout.
Paris Match a fait certains de ses plus beaux
scores d’audience lors des décès de Johnny ou
de Jacques Chirac, alors qu’on pourrait penser
que les millennials ne sont pas intéressés par
ces sujets. 
» Autre exemple, celui d’Arte. Pour se
reconnecter avec les plus jeunes, la chaîne est
allé sur Snapchat avec son format FAQ, déve-
loppé en tant que « 
show 
», sur la zone Discover
de Snapchat. Le principe est simple : une ques-
tion, assez fondamentale (Peut-on vivre ailleurs
que sur Terre 
? A-t-on le droit de tout dire 
?), à
laquelle répondent à la fois des experts et la
communauté. Les KPIs anticipés ont triplé.
L’intérêt pour Arte est de toucher un public qui
ne regarde pas la télé. 20 Minutes a développé
le même concept de mini-docu avec la pastille
OMF, (Oh My Fake).
ENGAGEMENT/INFLUENCE
Un des atouts indéniables de la story est l’enga-
gement qu’elle est capable de générer du fait de
la sensation de proximité sur laquelle elle s’ap-
puie. Cette caractéristique en fait l’outil idéal
des influenceurs qui racontent leur vie, donnant
par le biais d’une certaine mise en scène de soi,
la sensation de l’intime. L’interpellation de la
communauté peut parfois suivre des mouve-
ments récursifs. Patrick Heneghan (Snap Inc.)
cite l’exemple de Maître Gims qui poste à l’at-
tention de sa communauté des vidéos de cap-
ture d’écran de messages envoyés par des fans.
Cette notion de proximité peut déboucher sur de
nouveaux usages qui n’avaient pas été antici-
pés, comme le recrutement de nouveaux talents
pour Emmanuelle Rey Magnan : « 
Le contact
direct avec le public est très nouveau pour les
producteurs et les scénaristes. Nous nous ser-
vons aussi de la story pour faire des castings.
Le monde de la production est perçu comme
obscur et intimidant, et ce format nous permet
« Pour nous la story est
avant tout un objet de
communication, un véhicule
pour transporter plein
de choses. »
Patrick Heneghan (Snap Inc.)
nouveaux formats
de toucher des gens qui n’auraient jamais su
comment nous contacter et que nous n’aurions
pas vus en temps normal. Nous avons déjà re-
cruté trois personnes par ce bais. 
» « 
Cette no-
tion de proximité avec les publics est amplifiée
par l’éphémère de la publication, qui invite à
réagir de suite, à quoi s’ajoute la personnalisa-
tion de la réponse personnalisée dans le style
éventuellement reconnaissable de l’influenceur
auquel on a écrit. C’est infiniment plus grisant
qu’un contact anonyme avec un Community
Manager », ajoute Louisa Amara (Axa Partners).
RÉEL / PROXIMITÉ / FICTION
La sensation de proximité pose, pour les stra-
tégies de marque, la question de la place
de la fiction dans les story. Est-ce que le réel
seul est suffisant pour susciter l’intérêt, ou
est-ce que la fiction doit venir en support d’un
réel, pas toujours glamour 
? Ottavia Palomba,
Communications Consultant pour Karl Otto,
fait remarquer qu’« entre fiction et temps réel, il
y a l’éditorialisation. Celle-ci est globalement
permanente. 
» En pratique, une story de marque
ou d’influenceur, c’est rarement du réel, mais
en parallèle, les utilisateurs sont de plus en
plus capables de détecter les mises en scène.
Dans une certaine mesure, on peut considérer
la notion d’authenticité comme une posture
dès lors qu’une marque est en jeu, comme l’ex-
plique Olivier Duband (TF1Pub) : « 
L’absence de
narration devient la norme, quelque chose de
préparé. Il y a des marques qui vont dire “ 
ok
vous avez carte blanche vous pouvez faire ce
que vous voulez ”, mais nous avons quand même
des impératifs de marketing, des guidelines, qui
dépendent du degré de maturité de la marque et
de la prise de risque possible. »
Alors, quel est le futur de la story 
? Pour
Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd),
maintenant que les questions de production
sont à maturité, la story doit être promue
comme un moyen de véhiculer des valeurs, plu-
tôt qu’un moyen d’afficher des logos. « Au départ
on a validé le mode de production de la sto-
ry. On cherche maintenant à le déployer. Il y a
le placement de produit, on peut l’inclure et le
vendre directement depuis le film. Nous pensons
surtout que pour une marque qui a une commu-
nauté significative, ça peut être intéressant de
leur proposer une série, qui ne soit pas de la pu-
blicité. Les marques veulent faire passer leurs
valeurs, c’est des choses qu’on peut faire passer
dans une série sans montrer le produit. 
» Enfin,
du côté de la Chine, souvent en pointe sur ces
nouveaux formats, Douyin, la version chinoise
de TikTok compte 400 millions d’utilisateurs/
jour. Ces derniers poussent à allonger la durée
des vidéos, qui étaient très courtes au départ,
et à une professionnalisation des contenus, té-
moigne Diana Liu du Medialab de France TV, au-
teur d’un reportage sur le sujet.
Pour Olivier Duband, « 
il est difficile de se pro-
jeter. Si demain Snapchat ou Instagram sortent
une nouvelle fonctionnalité, cela remet les
compteurs à zéro. Il faut garder en tête que
ces formats sont avant tout des terrains pour
les propriétaires de ces plateformes. La ques-
tion est : “ 
qu’est ce que ces plateformes nous
permettront de faire 
? 
” On est dans un “ 
test &
learn 
” permanent. A ça s’ajoute que les choses
vont très vite. Si les téléphones pliables se ré-
pandent, est-ce que demain le format phare
deviendra carré 
? En résumé la réponse est plus
globale et dépasse la seule story. 
» La pros-
pective, c’est aussi l’intégration complète et
mature des nouveaux formats dans les straté-
gies digitales des marques. Le mot de la fin est
pour le représentant de l’inventeur du concept,
Patrick Heneghan (Snap Inc.) : « Le futur est dans
le passé, pour nous la story est avant tout un
objet de communication qui reste un véhicule
pour transporter plein de choses, nous ajoutons
des fonctionnalités ( filtres, réalité augmentée,
etc. 
. 
.) et surtout nous ouvrons des APIs qui per-
mettent d’importer les stories Snapchat dans
des applications tierces grâce à l’outil SnapKit.
Je peux importer une story Snap dans Tinder si
ça me semble utile. Même chose pour nos par-
tenariats avec Netflix ou Spotify pour optimiser
le partage dans un Snap du film que je regarde
ou du morceau que j’écoute. 
» La story poursuit
donc sa conquête des plateformes.
• Cette session, animée par Karine
Sentenac (Insign), s’est tenue
le 26 février 2020 à Paris.
• Avec Olivier Duband (TF1 Pub),
Patrick Heneghan (Snap Inc), Ghislain
Labay (Estée Lauder companies) et
Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd).
• Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie.
36
cycle
#3
L’
évolution
des formats vidéos
CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES :
• Un contenu spécifique par plateforme,
avec une approche agile… Rien n’est gravé
dans le marbre. In fine, l’approche est
partiellement façonnée par le business
model des plateformes.
• La créa est importante, d’autant que
dans un environnement digital elle n’est
jamais figée, et reste testable en temps
réel à tout moment.
• Si l’UGC revient en force,
l’interactivité, l’authenticité
sont des facteurs centraux.
nouveaux formats
La vidéo en social media est au croisement d’un
nombre assez conséquent d’impératifs, voire
de « 
dictatures 
» auxquels le producteur doit se
soumettre En contrepartie, une agilité et une
capacité de test beaucoup plus importante que
pour les autres médias.
La première de ces « 
dictatures 
» est celle du
court, « 
C’est très clair à chaque sortie de film
ou de série, on est globalement soumis à des
contraintes qui exigent d’aller très très vite, si
on n’est pas sur du live 
» explique Théo Diricq,
Senior Marketing Product & Strategy Manager
chez Warner Bros. « 
Il faut aller très vite, avec
des rebondissement toutes les 5 ou 6 secondes,
et ça, c’est quelque chose d’assez nouveau. Il y
a 6 ans on avait le temps d’expliquer ce qu’était
un film ou une série télé, maintenant si au bout
de 5 secondes il ne s’est rien passé, les gens
quittent. Pour moi, c’est la plus grosse évolution
dans notre façon de faire des vidéos, qu’elles
soient promotionnelles, éducatives, éditoriales,
il faut que ça aille beaucoup plus vite, que les
gens parlent plus vite, qu’il y ait plus de rebon-
dissements et au bout de 25 secondes c’est fini,
on a perdu tout le monde, sauf à faire du live. 
»
Cette exigence concerne la longueur, mais éga-
lement le rythme : « 
Avant les vidéos duraient
en moyenne 1 minutes 30, aujourd’hui cela se
joue sur 25/30 secondes. Il faut désormais une
blague toutes les 5 secondes alors qu’avant
c’était toutes les 12 secondes. »
Le live échappe à cette règle, toujours selon
Théo Diricq : « Sur Twitch, sur YouTube, cela peut
parfois durer une heure avec un influenceur. 
»
Mathias Behaegel, fondateur du blog Tortuga
vidéos et ex-reporter chez Michel & Augustin,
confirme ces tendances mais les replace dans
le contexte des exigences mouvantes des plate-
formes : « 
J’ai l’impression que cela a un peu
évolué et que cela dépend aussi du réseau so-
cial, notamment sur YouTube et Facebook, avec
la monétisation qui vient d’être ajoutée il y a
quelques mois. Maintenant lorsqu’on publie une
vidéo sur Facebook, une petite case qui s’affiche
en rouge annonce “ 
attention votre vidéo fait
moins de trois minutes 
”. Sur une vidéo courte,
l’algorithme n’a pas le temps de placer une pu-
blicité, donc les réseaux sociaux nous poussent
à créer du contenu qui soit un peu plus long,
qui soit intéressant jusqu’au bout pour avoir
un temps de visionnage plus important. 
» Théo
Diricq (Warner Bros.) constate qu’après avoir
longtemps incité à faire des vidéos de moins de
6 secondes, YouTube s’est rendu compte que ce
format, disposant de metrics flatteurs, plaisait
davantage aux adolescents qu’aux autres pu-
blics : « 
Dans cette stratégie, YouTube incite à
la réalisation de vidéos plus longues, qui feront
peut être moins d’audience, mais qui attireront
des publics plus qualifiées. »
Cet antagonisme entre longueur, business model
de la plateforme et âge de l’audience, Sébastien
Roumier, Managing Director chez Vertical
Station l’aborde avec réalisme. « 
Moins que la
question de la longueur, qui est importante, ce
qui fait que ça change, c’est la façon dont les
plateformes ont formaté nos usages. Au départ,
et pendant trois ou quatre ans, Facebook a eu
une soif de recrutement et il fallait absolument
faire du reach et du trois secondes. Depuis deux
ans la demande à changé, on nous dit : “ 
il faut
faire des vidéos de trois minutes 
” pour qu’ils
puissent intégrer leurs algorithmes. 
» Son ap-
proche est pragmatique, d’autant que Vertical
Station édite plusieurs plateformes communau-
taires lui permettant de tester des concepts.
« Face aux plateformes, on tente de comprendre
leur business model et partant, la durée des vi-
déos la plus adaptée. En ce moment, Facebook,
Instagram poussent à fond IGTV et Watch. Donc
avec des vidéos de cinq ou six minutes on a plus
de chances d’être vus. »
Autre tendance notable, l’UGC fait graduelle-
ment son grand retour. Pour Sébastien Roumier
(Vertical Station), « 
nous vivons un petit retour
en arrière avec le développement des stories,
avec le développement de Twitch et de TikTok,
toutes ces nouvelles plateformes reposent sur
l’UGC. 
» Cependant il y a une différence impor-
tant entre l’UGC historique et sa version 2020 :
l’interactivité. « 
Il y a une évolution des modes
de consommation de la vidéo, explique Melissa
Simoni, Sales Director France, Belgique  
&
Luxembourg pour Twitch. Nous travaillons prin-
cipalement avec des millenials, avec la genZ,
c’est une audience qui regarde beaucoup moins
tout de contenu télévisé. Ils disent même qu’ils
« Depuis un an, un truc assez
nouveau revient en force :
l’UGC avec les nouvelles
stories et plateformes
dédiées. »
Sébastien Roumier (Vertical Station)
38
cycle
pourraient se passer de télé. Ils veulent de la
consommation rapide. Ce qu’ils viennent cher-
cher sur Twitch, c’est un contenu qui est live, in-
teractif, communautaire, où ensemble ils vont
co-créer leur propre divertissement. On en arrive
à une forme de social TV. 
» La marque Michel &
Augustin a d’ailleurs intégré de façon empirique
cette nouvelle appétence pour l’UGC, jusqu’à en
faire une signature créative, comme l’explique
Mathis Behaegel, qui y a exercé en tant que
reporter : « 
La marque ne passe pas par des
agences, tout est fait en interne, y compris la
création des vidéos. J’appelle cela “ 
la straté-
gie de l’influenceur 
”. Nous travaillons nos vi-
déos avec beaucoup de transparence et d’au-
todérision en montrant notamment qu’il n’y a
pas de montage, comme si c’était un live ou
une story mais en format plus long. La seule
exception, ce sont les tutos YouTube qui sont
plus léchés. Mais sur Facebook, c’est claire-
ment cette stratégie que nous avons adoptée,
avec des vidéos peu travaillées, non censurées,
plus proches des gens. »
La question des KPI est doublement complexe
dans l’évaluation des performances d’une vi-
déo. Les habitudes culturelles des audiences
amènent à une réflexion marketing globale
qui dépasse très largement la question du me-
tric. Se pose également la question de la me-
sure de l’engagement sur des vidéos de moins
de 10 secondes. « 
Le clic est le critère le plus
mis en avant. On peut facilement savoir qui a
cliqué. Classiquement, on s’intéresse aussi au
temps de visionnage, mais avec une vidéo de
6 secondes, surtout si c’est un format du type
“ 
Bumper 
” sur YouTube qui n’est pas skippable,
on a pas d’information. Il ne reste donc que
le clic, qui est un KPI incomplet. La personne
peut être intéressée par un produit sans cli-
quer pour autant. Quelqu’un qui a vu une pub
pour un yaourt ne va pas cliquer pour l’acheter
immédiatement, en revanche lorsqu’il sera au
magasin, on peut espérer que devant le rayon
des yaourts il choisira celui-là. Mais ça on ne
le sait pas, explique Théo Diricq (Warner Bros.)
Aucun indicateur en lui seul n’a de signification.
On est obligé d’avoir une approche multifacto-
rielle, le taux de complétion doit forcément être
couplé à autre chose. »
Avec son approche très user-friendly, la marque
Michel & Augustin associe les plateformes et
attache de l’importance à l’interaction. « 
Nous
avons une audience plus âgée. Nous avons
adapté chaque vidéo à chaque plateforme,
courte sur Facebook plus longue sur YouTube
où l’on publie des tutos. Pour ce qui est de la
mesure sur les vidéos publiées sur Facebook,
on pouvait voir que ça fonctionnait bien au
niveau des interactions, au niveau de la com-
munauté qui interagissait beaucoup plus que
sur YouTube 
», détaille Mathis Behaegel. Selon
Stéphane Roumier (Vertical Station), « 
il est
compliqué de mesurer de l’engagement sur
moins de 10 secondes, c’est du clic ou du reach.
Nous regardons la complétion, l’idéal étant
30-40 
% autour de la minute, avec des taux
d’engagement de 10-20 
%, c’est-à-dire des gens
qui vont consommer, commenter, partager, li-
ker nos contenus. Le taux de complétion c’est
un indicateur important, mais c’est aussi un
trompe-l’oeil. La première chose qui fait qu’une
personne reste ou skip, c’est son habitude. Par
exemple, les moins de 20 ans skippent très vite,
même lorsque la vidéo leur plaît, parce que
leur habitude c’est de quitter au bout de 5 se-
condes, et à l’inverse, on a des tranches d’âge
qui restent jusqu’au bout de 30 secondes et qui
en fait ne sont pas du tout intéressées. Donc le
taux de complétion est important, mais ça n’est
pas une valeur absolue et ça dépend aussi de
ce qu’on en fait. » Pour illustrer son propos, Théo
Diricq (Warner Bros.) rebondit sur une question
de l’audience, concernant la transposition de
ces démarches dans un domaine B2B, loin de
l’entertainment, comme l’assurance « 
Si le pu-
blic est ciblé et qu’il regarde jusqu’au bout la
vidéo ou le live, cela signifie que l’objectif est
atteint, que vous allez vendre vos assurances. A
l’inverse quand on vend un film ou une série télé,
le taux de complétion seul n’est pas suffisant. »
La question de la complétion est d’autant
plus complexe qu’elle est également prise en
compte par la plateforme pour le statut de la
vidéo. « 
Sur Facebook, si on est en dessous de
30 secondes de complétion, l’algorithme péna-
« Aucun indicateur en lui
seul n’a de signification.
On est obligé d’avoir une
approche multifactorielle,
le taux de complétion doit
forcément être couplé à
autre chose. »
Théo Diricq (Warner Bros.)
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Cahiers du Social Media Club 2021

  • 1. les cahiers du smc Les cahiers du Social Media Club 2021
  • 2.
  • 3. les cahiers du smc @SMCFrance www.socialmediaclub.fr
  • 4. 2 sommaire 2 - cycle : la comm' responsable 4 - cycle : parcours utilisateur 3 - cycle : nouveaux formats 18 #1 - Quelles prises de parole pour l’entreprise dans le débat social  ? 21 #2 - RSE, le nouveau langage de la publicité 24 #3 - Les réseaux sociaux, moteurs d’activisme toujours renouvelés de travail 30 #1 - L’audio, nouvel eldorado ? 32 #2 - Quel avenir pour la story  ? 36 #3 - L’évolution des formats vidéos 1 - focus 8 TikTok, Twitch, Discord… De nouvelles opportunités pour cibler les jeunes  ? 10 #FutureOfWork : comment la crise a transformé nos habitudes de travail 14 Le retour du Live 8 Édito 42 #1 - La gamification, véritable générateur d’engagement ? 45 #1 - Social shopping, du «  j’aime  » à l’achat 47 #1 - UI, UX, nudge marketing… accompagner l’utilisateur
  • 5. les cahiers du smc 5 - #cercledircom 6 - commission social data 7 - #smclyon 64 Social data et politique : données disponibles et usages 68 Enrichir sa stratégie insights avec la social data 70 Trop de KPIS dans les tableaux de bord, comment simplifier ? nos habitudes de travail 72 Comment mesurer l’influence ? 92 « Les réseaux sociaux au service du business  » #3 - relation client et réseaux sociaux : comment interagir efficacement ? 52 Quand la social data envahit la communication : quelle utilisation pour les dircoms  ? 54 Le Dircom face aux fake news 57 Comment mettre la communication digitale au service du business ? 59 Influence : pour vivre heureux, vivons cachés ? 78 Dark social : quelle stratégie et quelles opportunités pour communiquer auprès des communautés fermées ? 82 « Marque employeur » #1 - la stratégie. Construire une marque employeur forte : les étapes clés  ! 86 « Marque employeur » #2 - comment revisiter sa marque employeur en temps de crise 88 « Les réseaux sociaux au service du business  » #1 - social shopping : quelles nouveautés pour le B2C  ? 90 « Les réseaux sociaux au service du business  » #2 - social selling : quelles nouveautés pour le B2B  ?
  • 6. édito • Pierre-Yves Platini, co-fondateur du Social Media Club France, CEO de mind • Johana Sabroux, directrice opérationnelle du Social Media Club France, directrice associée de mind 4
  • 7. 2020, QUELLE ANNÉE ! À l’apparition des premiers cas de ce nouveau coronavirus en début d’année, personne ne pouvait encore imaginer à quel point nos vies, personnelles et professionnelles, seraient impactées pour de longs mois. Privés de relations sociales, confinés, les membres et l’ensemble du réseau du Social Media Club France se sont mobilisés pour continuer à faire vivre les échanges et le partage qui sont au cœur de la mission du Social Media Club. Alors que chacun s’adaptait, en temps réel, aux exigences sanitaires, notre espace d’échange et de discussion, libre et sans langue de bois, qui entremêle réflexions stratégiques et applications opérationnelles, s’est révélé plus que jamais nécessaire. Nous sommes fiers d’avoir pu maintenir, avec vous, l’intégralité des 33 sessions programmées en 2020, dont 25 se sont tenues en visio-conférence. Ces cahiers reprennent la plupart des échanges qui ont rassemblé, tout au long de l’année, les représentant.e.s de nos 50 membres et plus de 100 intervenant.e.s invité.e.s. La plupart car les #CommissionAnnonceurs et les visites de site, comme cette année la visite de la Social Room de la SNCF, ne font pas l’objet de compte-rendu. En attendant de vous retrouver « en vrai », ces cahiers sont donc accessibles en ligne. Nous espérons que vous y trouverez cette année encore de quoi nourrir votre réflexion et votre pratique professionnelle. Bonne lecture... et à très bientôt ! les cahiers du smc
  • 8. 6 1
  • 9. focus Focus Les Sessions « Focus », ce sont des rencontres uniques, dédiées à un sujet d’actualité qui occupe particulièrement les membres du Social Media Club. Cette année, au programme : le live, TikTok, Twitch, Discord mais aussi impact de la crise sur les habitudes de travail… Un concentré des transformations observées sur la scène du digital et du social !
  • 10. 8 tiktok, twitch, discord.  .  . De nouvelles opportunités pour cibler les jeunes ? Tik Tok, Twitch, Discord, si ces noms ne sont pas encore entrés dans le domaine courant, ces trois plateformes connaissent des taux de croissance impressionnants. Avec des fonction- nalités favorisant la viralité, elles bénéficient également d’audience particulièrement enga- gées et jeunes… Retours d’expérience. TikTok (développée par l’entreprise chinoise ByteDance, aussi appelé Douyin) compte ainsi 4,6 millions d’utilisateurs actifs par mois, en France (chiffres 2020). La plateforme, plutôt fé- minine (57  % d’utilisatrices) génère 5 milliards de vues par mois et bénéficie d’un temps de connexion de 57 minutes par jour, avec un reach encore plus important que celui d’Instagram. Si la plupart des entreprises s’interrogent encore sur son utilisation, certaines marques n’ont pas hésité à se lancer sur la plateforme. L’agence Bolt Influence a ainsi conçu, avec Maceiva, une influenceuse TikTok, une cam- pagne pour Histoire d’Or sur le thème de la Saint Valentin. Le principe  ? Créer une vira- lité autour de cet événement, à travers un «  challenge  » - format viral qui incite les utili- sateurs à poster des contenus en se mettant en scène - en s’offrant un bijou à soi-même. Maceiva, présente sur la plateforme depuis trois ans, apprécie la grande interactivité de l’application et confirme que l’audience y est particulièrement jeune : « Parce que les parents n’y sont pas, contrairement à Instagram ! » Avec sa communauté de 564  000 followers, la jeune femme, qui a commencé avec des vidéos de « lip synch  » (playbacks) puis de danse, est depuis début 2020 contactée par certaines marques pour des partenariat (placement de produit, code promo. . .). Les profils d’utilisateurs sont différents sur Twitch, consacrée à l’origine au live streaming de jeux vidéo. Intégré à Justin.Tv, la plateforme a pris son indépendance rapidement avant d’être rachetée par Amazon. En France, Twitch représente 4 millions de visiteurs uniques par mois (975  000 visiteurs uniques par jour), pour une audience jeune (de 18 à 34 ans) avec une majorité d’hommes (70  %). Si la plateforme concentre essentiellement du contenu de type «  gaming  », elle tend à s’ouvrir sur des univers différents (chant, talks shows.  .  .). Les utilisateurs de cette plateforme ont un profil plutôt «  geek  » (appétence pour la tech- nologie et la culture internet.  .  .) et valorise une interaction très forte avec les «  streamers  » - les comptes qui postent des live video. Il est par exemple possible de soutenir le travail des streamers en souscrivant un abonnement payant à leur chaîne ou en faisant des dons. Témoin de l’engagement des utilisateurs, l’opération lancée par les gamers de ZEvent [1] au profit de l’Institut Pasteur a permis de récolter plus de 3,5 millions d’euros de dons en quelques jours. La durée moyenne d’une vidéo est d’une heure et demie et peut aller jusqu’à 24 heures, ce qui peut être intéressant en termes de marke- ting d’influence. Toutefois, il est encore délicat CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • Le principal enjeu pour les sociétés est de comprendre et de s’approprier l’ADN de ces plateformes avant de les investir. • L’interaction est l’élément clé de la réussite d’un lancement de campagne sur ces plateformes. • Les données et informations générées permettent d’adapter sa stratégie, son contenu et d’engager davantage les communautés.
  • 11. focus pour les entreprises d’être présentes sur cette plateforme car le public des gamers est extrê- mement mature, et très rétif au discours com- mercial. L’enjeu est donc pour les annonceurs de comprendre et de s’approprier l’ADN de la plate- forme avant de l’investir. Vincent Ferrer, social media manager pour Porsche France, commente le lancement de leur nouveau modèle de monoplace électrique pour la saison de Formula E, présentée il y a quelques mois sur Twitch. L’idée de départ : toucher un public plus jeune, technophile, plus geek afin de créer l’événement, de générer de l’interaction et des retombées dans les médias. Ce live permet- tait aux viewers de jouer avec les pilotes titu- laires Neel Jani et André Lotterer dans les lo- caux de Porsche à Ludwigsburg, en Allemagne, pour dévoiler la monoplace. Un coup d’essai qui aurait pu aller plus loin pour Vincent Ferrer : la marque aurait dû davantage miser sur la voix, l’animation mais aussi le tchat, qui sont au coeur de l’ADN de la plateforme. Les utilisateurs pouvaient faire un choix d’actions à produire mais le dispositif étant relativement lent, cela a suscité pas mal de trolling dans le tchat. A pos- teriori, ces désagréments auraient sans doute pu être en partie évités, par une activation plus dynamique ou une animation pour meubler les longs silences à l'écran, notamment. Cette stratégie de test a également été appli- quée par Sylvain Chatelain, rédacteur en chef du Figaro Live. Depuis 2017, Figaro Live réalise de 5 à 8 heures de direct diffusées en partie sur la plateforme. Le dernier concept en date : la création d’une émission de jeux de rôles dont la première diffusion mi-janvier est considérée comme un succès. Avec une première émission, la chaîne a en effet généré 90 abonnements payants. Mais si la communauté souscrit ces abonnements, c’est avant tout pour soutenir l’émission et l’équipe d’animateurs, eux-même gamers et/ou streamers et pas Le Figaro en tant que tel, souligne Sylvain Chatelain. Il estime ainsi qu’il y a beaucoup d’opportunités pour les entreprises étant donné l’engagement généré par la plateforme, à condition de comprendre et de respecter les codes de ces communautés. Même vision chez Thibault Leflot, directeur marketing chez MCES, académie française de Esport, qui comptabilise près de 43  000 abon- nés sur sa chaîne Twitch. MCES a lancé avec l’un de ses partenaires, une campagne visant à sponsoriser des événements e-sport afin de capter une audience plus jeune. Une manière, selon lui, de permettre aux communautés de s’accoutumer à la présence de la marque. MCES développe également d’autres types de dispositifs tels que la mise à disposition d’es- paces publicitaires sur l’interface de la chaîne ou la création d’une web séries, notamment sur la mixité dans l’e-sport ou l’handi gaming avec EDF. MCES est également présent sur Discord, un outil de messagerie souvent comparé à Slack dans son fonctionnement. La plateforme re- cense 250 millions d’utilisateurs dans le monde, 56 millions d’utilisateurs actifs par mois et 850 millions de messages par jour. Mais pour Thibault Leflot (MCES), Discord peut être considéré comme un réseau social à part en- tière : «  Nous offrons la possibilité à nos utili- sateurs Discord d’obtenir des informations en temps réel, de disposer de contenus exclusifs.  » L’utilisateur devient parfois même ambassa- deur de la chaîne au point de s’engager en tant que modérateur des contenus échangés. Autant de plateformes qui présentent de réelles opportunités pour les entreprises, les médias ou les institutions, à condition d’adapter le discours diffusé à leurs spécificités. Et de bien prendre en compte l’écosystème et le fonction- nement de chaque communauté. • Cette session, animée par Thomas Van’t wout (Bolt Influence), s’est tenue à Paris le 22 janvier 2020. • Avec Sylvain Chatelain (Figaro Live), Vincent Ferrer (Porsche France), Thibault Leflot (MCES) et Maceiva (influenceuse TikTok). • Compte-rendu rédigé par Isabelle Clément. SOURCE : • [1] https://www.lefigaro.fr/jeux-video/ les-gamers-de-zevent-recoltent-plus-de- 3-5-millions-d-euros-pour-l-institut- pasteur-20190923
  • 12. 10 #futureofwork : comment la crise a transformé nos habitudes de travail L’actualité récente a projeté sur le devant de la scène le concept de télétravail, né dans les années 1950 et formalisé dans les années 1970 avec l’arrivée du téléphone et du fax. Il aura fal- lu attendre 2002 pour lui voir gagner une consis- tance au niveau européen et 2017 pour une re- connaissance officielle hexagonale au travers des ordonnances Macron. Le télétravail est res- té largement expérimental jusqu’aux coups de boutoir récents de l’actualité. Cette période de confinement aura en effet été le premier test à large échelle de mise en œuvre du télétravail. Ce qui soulève plusieurs questions : comment a-t-il été vécu  ? Que restera-t-il de cette période  ? Et surtout : comment notre rapport au travail va-t- il se trouver modifié par cette expérience ? Le premier constat est que le télétravail a fonctionné. «  Nous avons vu entre 30 et 40  % des personnes qui se sont retrouvées soudai- nement à travailler à distance  », note Laurence De Ré-Vannière, directrice générale adjointe d’Entreprise & Personnel. « D’un coup, des verrous ont sauté, on a fait plusieurs sauts quantiques en termes de proportion de salariés concernés, de durée et d’élargissement à de nouveaux mé- tiers. » Ce premier constat est partagé par Yann- Maël Larher, avocat et confondateur d’Okay- doc.fr. «  Pendant la crise, on a brisé un certain nombre de dogmes, comme l’impossibilité de travailler à distance en étant autonome, ou le coût supposé d’une organisation de télétravail qui nécessitait des dispositifs compliqués. » Contraintes de s’organiser dans l’urgence, nombre d’entreprises ont dû recourir à des so- lutions techniques (Zoom, Whatsapp..), is- sues des offres grand public, au risque de compromettre les données de l’entreprise, comme le note Loïc Tanguy, CMO d’ePressPack. Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr) confirme ce constat : « Effectivement, beaucoup d’entreprises n’avaient pas d’outil dédié ou ne les utilisaient pas, et donc ont eu recours à ce type de solution grand public qui peut compromettre la confi- dentialité des données, la sureté du patrimoine de l’entreprise, dont les comptes peuvent être piratés, etc. Évidemment il faut des solutions internes solides, il faudrait mettre en place des outils de chat entre les collaborateurs et pas uniquement les populations de cadres. » La question des infrastructures reste saillante, tout comme celle des pratiques. « La connexion ne doit pas partir dans tous les sens, il faut ré- inventer des codes. Lorsqu’on arrive dans une salle de réunion, on se présente et on arrive à l’heure, de la même façon, à distance, il faut ré- inventer des règles de vivre ensemble, on ne peut pas envoyer des mails à n’en plus finir pour dire “  oui  ” ou “  non  ”, il faut hiérarchiser les informa- tions, privilégier certains canaux en fonction de l’usage  », relève Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr). L’absence de règle préexistante a parfois hy- pertrophié des travers classiques du présentiel, note Laurence De Ré-Vannière (E&P). «  C’est un CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • La crise sanitaire a été l’occasion d’un test à grande échelle du télétravail, avec des résultats plutôt positifs dans l’ensemble. • Si la transformation digitale est un sujet très actuel, la crise a montré que ses implications humaines et managériales n’avaient pas totalement été prises en compte. • Il est nécessaire de faire le bilan de ce qui s’est passé, pour identifier les transformations nécessaires et éviter la tentation d’un retour en arrière en se contentant d’ajustements périphériques.
  • 13. focus des points où la crise est facteur d’aggravation, on a beaucoup répliqué, à distance, ce réflexe présentéiste, supposément signe d’engagement et de motivation, typique de la vie de bureau. Il y a une opportunité de gérer cette question, mais pour l’instant, on est encore dans l’urgence avec une amplification des travers. » En dépit de ces manques en outils dédiés, le té- létravail a fait ses preuves et l’aspect technique, qu’on aurait pu imaginer prégnant, s’est avé- ré tout à fait secondaire au regard des enjeux qu’a révélés cette crise. Ils sont managériaux, humains, organisationnels : «  La crise sanitaire subite et subie, suivie du tsunami économique qui nous rattrape et qui bouleverse les aspects du travail et de la culture, est révélatrice, c’est un accélérateur de certaines transformations en cours, mais elle a pu également constituer un facteur d’aggravation de certaines habitu- des de travail, de certaines tendances, et re- mettre en cause certaines évolutions  », résume Laurence De Ré-Vannière (E&P). «  La donne a changé en matière de collaboration et de trans- versalité, avec la gestion de la crise, on a vu un collectif remis à l’honneur, avec des groupes de travail pluridisciplinaires pour assurer les plans de continuité. On retrouve de la trans- versalité et de la solidarité, ce qui n’était pas toujours gagné dans le monde du travail. Il y a eu l’apprentissage individuel et collectif du lien social, de la collaboration à distance, tant en termes d’outil que de posture. » Mais alors que la crise est toujours en cours, nous restons dans l’urgence, nous ne sommes pas en- core dans l’installation de ces transformations. Si l’on veut que le télétravail perdure, même à intensité plus faible, il va falloir réfléchir à un cadre plus global de l’organisation. L’expérience de la crise a montré que le télétravail ne s’impro- vise pas, que le travail est un espace de socia- bilité et que les frontières entre personnel, voire intime, et professionnel, ne sont pas toujours aussi clairement définies que ce que le travail en présentiel peut laisser penser. «  Le travail c’est aussi un espace de sociabilité qu’on avait parfois oublié », rappelle Yann-Maël Larher. «  Les salariés traînent parfois les pieds pour aller au travail, mais voir les collègues, c’est important aussi. Ce sont des choses sur lesquelles il faut réfléchir à plus long terme. Comment réinventer la sociabilité autour du travail, lorsqu’il se fait à distance. » Ce point de la gestion de la sociabilité dans un contexte exclusivement distanciel est relevé également par Mehdi Hedjem, Head of Social Media au sein de la La Française Des Jeux : «  C’est un vrai sujet, car si on compare la pé- riode de décembre avec les grèves RATP et celle liée au covid, le manque de vie sociale a clai- rement été plus impactant dans la seconde. Pendant les grèves, le télétravail a été forte- ment utilisé en IDF, mais nous pouvions tout de même avoir des contacts non virtuels. Le covid a montré les limites de l’hyperconnectivité des populations. » Cette exigence de sociabilité est en outre vécue de façon très différentes selon les populations. Caroline Baldeyrou, Directrice adjointe du développement numérique d’Arte, a mis en place un questionnaire anonyme pour ses équipes, afin de mesurer l’impact de la crise. « Il y a plein de jeunes pour qui le télétravail et le confinement a été une expérience géniale. Ils travaillent dans des conditions agréables, par- fois à la campagne chez leurs parents, et puis il y a des gens avec trois enfants à scolariser, pour qui ça a été une épreuve, ou bien des gens qui ont été touchés personnellement, avec des proches hospitalisés.  » Isabelle Emerard, res- ponsable communication éditoriale et digitale chez Boehringer Ingelheim, témoigne d’une ex- périence proche, sur la diversité des vécus face à l’interaction virtuelle, qui peut atteindre l’ex- cès : « Nous avons opté pour le télétravail dès le premier jour du confinement. Avec les équipes nous entretenons un lien très proche, avec des skype apéro, etc. A un moment c’était presque trop, on avait presque envie de se déconnecter. Certaines personnes étaient en demande de ce lien quasi constant, d’autres l’étaient moins. Dans les premières semaines, on avait le sen- timent d’être tout le temps dans l’urgence. Tout s’enchaînait très très vite. Nous utilisions les mails, zoom, Whatsapp, le téléphone, Skype.  .  . C’est cette multiplicité des canaux que j’ai trou- vée la plus compliquée à gérer, on se sentait parfois complètement débordé. » Indissociable de la question du lien, celle du management à distance a été fortement évo- quée pendant la crise. « Quand on accompagne la transformation digitale, explique Laurence De Ré-Vannière (E&P), une des caractéristiques, « Le travail c’est aussi un espace de sociabilité qu’on avait parfois oublié. » Yann-Maël Larher (Okaydoc.fr)
  • 14. 12 c’est le management par les émotions, au-delà des objectifs rationnels. Dans cette période de confinement, avec des gens qui se sentent soit en danger, soit pas forcément utiles, puisque parfois en chômage partiel, pour un manager il était complexe d’aborder la relation, de trouver le bon ton, de trouver la bonne distance, ou la bonne proximité. Que ce soit pendant le confi- nement ou maintenant en période de déconfine- ment, ce n’est pas évident d’aborder la relation, tout en conservant un certain nombre d’exigences relatives au travail, puisque le thème c’est la re- prise économique.  » L’avocat Yann-Maël Larher a une formule pour résumer le nouvel enjeu de management dans un contexte distanciel : «  Au lieu d’être un centre de contrôle, le manager doit devenir un centre de service. C’est une vraie révo- lution copernicienne, je pense que ça passe aus- si par la formation et une impulsion à la fois de la direction RH et du top management. Pour que le collaborateur soit autonome, en confiance, il faut que l’entreprise se dirige vers une organi- sation basée sur la responsabilisation, la bien- veillance, plus que sur une règle établie, hiérar- chique, verticale où tout est normé. Il faut des marges de manœuvre, un peu de flexibilité, que les règles de l’entreprise doivent intégrer pour éviter des contentieux à l’avenir. » La nécessité de former les managers et d’im- pliquer les RH est renforcée par le fait que la confiance ne se décrète pas. «  J’ai coutume, pour ma part, de parler de “  manager res- source  ”. Ce qui peut aider, c’est de formuler des engagements de part et d’autre  », propose Laurence De Ré-Vannière (E&P). «  On forme les managers à expliquer pourquoi ils disent non. La transformation managériale et organisa- tionnelle est au cœur des problématiques. Il va falloir changer d’angle de lecture et d’ap- proche, et leur apprendre à dire oui, dans les conditions d’engagement co-défini avec les collaborateurs, et d’un feedback régulier à la dimension de l’équipe, pas seulement dans une relation bilatérale avec tel collaborateur. Le rôle du manager n’est pas simple, il a besoin d’être aidé par la DRH.  » Comme Jean Laloux, directeur associé d’Inférences, on peut s’éton- ner qu’il ait fallu le choc de la crise sanitaire pour prendre conscience des implications de la transformation digitale. «  Le télétravail, c’est travailler différemment, passer de l’hété- ronomie à une forme d’autonomie. Nous avons tous beaucoup parlé de la transformation di- gitale et nous l’avons le plus souvent espérée, désirée. S’étonner aujourd’hui qu’elle implique une transformation profonde du travail est as- sez paradoxal. Comment la transformation des entreprises pourrait-elle s’accomplir sans une transformation du travail ? » La période de télétravail subie fait aussi émer- ger la question de la porosité pro/perso. Mehdi Hedjem (La Française Des Jeux) révèle que « lors des réunions d’équipe en vidéoconférence, 100 % des personnes utilisaient un filtre pour ne pas faire apparaître l’environnement dans lequel elles étaient, illustration peut-être d’un malaise lors de l’irruption du professionnel dans leur zone intime.  » Laurence De Ré-Vannière (E&P) rappelle que, lors d’entretiens de recrutement en vidéoconférence, « la recherche montre qu’il y a un certain nombre de biais, dans l’évaluation à distance, qui sont liés à l’intime et sur lesquels il est important de travailler. » Yann-Maël Larher lit cette évolution de façon positive : «  il faut revoir les barrières et inventer d’autres façons de travailler ensemble. C’est moins contrai- gnant de travailler un peu plus tard le soir chez soi, pour échanger avec les États-Unis, que de prendre l’avion pour faire des réunions à l’autre bout de la planète. Il y a plein de choses qu’on peut réinventer. » Le télétravail subi, lié à la crise, propose un changement de regard et de pratique à diffé- rentes échelles - individuelle, organisationnelle, managériale - avec l’opportunité d’une vraie évolution culturelle. Une approche qui néces- site tout de même d'être nuancée car si en Ile- de-France, les entreprises ont compris qu’elles devaient être prêtes pour une prochaine crise, dans d’autres régions, plus rurales, la question du télétravail s’est peu posée. Les grandes en- treprises de la région parisienne ont également été davantage concernées que les PME. Mais pour Laurence De Ré-Vannière (E&P), le risque serait avant tout «  de céder à la tentation d’un retour à la période précédente, avec seulement quelques adaptations périphériques ». • La session, animée par Johana Sabroux (Groupe mind), s’est tenue le 16 juin 2020 en visioconférence. • Avec Yann-Maël Larher (okaydoc.fr) et Laurence de Ré-Vannière (Entreprise & Personnel). • Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie.
  • 15. focus
  • 16. 14 Le retour du Live UN OUTIL PROPULSÉ SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE Les chiffres sont sans appel : 80 % des consom- mateurs préfèrent regarder une vidéo en direct d’une marque, plutôt que de lire un article, selon une étude de Livestream, et 34 % des marketeurs ont utilisé Facebook live en 2019, 81  % d’entre eux trouvant ce format efficace, selon Forbes. Le live a été la réponse au choc de la covid qui a tout bouleversé. Romain Vieillefosse, Senior Vice President digital, creative content, data analysis & insights pour l’agence BCW Global le résume très bien : « Avant nous évoluions dans un monde différent, le live était l’un des leviers intégrés dans nos projets. Brutalement nous sommes passés d’un monde physique à un mo- dèle full digital, avec des audiences qui ne sont plus captives, et des modalités d’engagement différentes. Du fait de la banalisation du live on se retrouve en situation de capter des au- diences que jamais nous n’aurions pu avoir sur un webinar, un événement virtuel, etc. C’est une véritable opportunité.  » Une vision que partage Hadrien Lavielle, Content strategist & relations presse pour l’école d’ingénieurs EFREI : «  Le live n’a pas inventé la poudre, avant le confinement nous en faisions déjà, il est simplement devenu incontournable. Il faut éviter de tomber dans l’idée du live à tout prix «  pour faire le buzz  », et se méfier du live poussé par des dirigeants qui ne comprennent pas toujours l’essence de la communication. » Alexis Harnequaux, Community Manager pour Médecins Sans Frontières (MSF) utilise le live pour mettre en lumière les actions de l’ONG, un levier devenu incontournable dans la recherche de donateurs : « À MSF, le live permet de montrer ce que l’on fait, de rapprocher nos donateurs de nos équipes terrain. Avant il fallait dépêcher une équipe sur place, filmer, monter, disposer d’une infrastructure complexe, etc. Ce que le co- vid a apporté, c’est la simplicité, avec des ou- tils qui peuvent se connecter facilement à une page facebook. Cela nous a permis de faire des live différents. » Le live post-covid insuffle une autre façon de communiquer, d’interagir, et transforme l’ac- tivité des médias. De l’interface d’intermédia- tion entre acteurs et audiences, il évolue vers un rôle de facilitateur, ce que décrit Mickaël Busson, Responsable social media & nouveaux médias de L’Équipe : « Avant si on voulait mettre en place une interaction avec un athlète, on le mettait sur un plateau de télé, il était inter- viewé par nos journalistes et l’audience réagis- sait au plateau, il n’y avait pas d’interaction directe. Aujourd’hui on peut le faire interagir di- rectement avec nos abonnés. Le live c’est un ou- til interactif avec une audience qui peut échan- ger directement avec l’objet. » INTERFAÇAGE AVEC LES PLATEFORMES SOCIALES Hadrien Lavielle (EFREI) évoque la nécessité de désacraliser le live : «  Dans la mesure où il fait partie de l’arsenal de communication, il est naturellement intégré comme axe stratégique. Là où il transforme l’organisation, c’est que fon- damentalement on n’est pas tous streamers, on n’est pas tous prêts à prendre la parole publi- quement. La tolérance doit être différente, il y aura des zones de non-maîtrise. Il faut embar- quer les équipes de comm’, pour leur montrer que c’est faisable, et qu’il y a un vrai bénéfice. » Alexis Harnequaux (MSF) confirme : «  Avant, on CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • Le live existait avant le covid, mais le confinement l’a rapidement rendu indispensable et extrêmement efficace, avec des répercussions sur le long terme. • L’enjeu majeur du live est la création et la préservation du lien avec des audiences qui ne sont plus forcément captives physiquement. • Le live est un levier dans une palette d’outils. Lorsqu’il s’achève, les stratégies de communication se dévoilent : push de replay, proposition d’interaction… Il est nécessaire de maintenir le lien créé à moyen/long terme.
  • 17. focus • Cette session, animée par Olivia Bokhobza et Romain Vieillefosse (BCW France) s’est tenue en visioconférence le 16 septembre 2020. • Avec Hadrien Lavielle (EFREI Paris), Nicolas Pereira (World Impact Summit), Alexis Harnequaux (Médecins sans frontières) et Mickaël Busson (l'Équipe). • Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie. avait peur d’avoir un problème technique, d’avoir le mauvais intervenant, que ça ne fonctionne pas. Avec l’émergence des plateformes de visioconfé- rence, on intègre le live dans notre stratégie glo- bale en appui des autres supports et c’est de plus en plus demandé par nos opérations. » Est-il nécessaire de sélectionner un réseau so- cial unique pour garantir l’efficacité d’un live  ? Pour Hadrien Lavielle (EFREI), «  il n’y a pas de cloison entre les outils et les réseaux, je peux être informé sur twitter d’un live sur Twitch, etc. Il est important de s’interfacer un peu partout. » Alexis Harnequaux (MSF) précise : « Nous faisons des live pour nos donateurs, qui ne sont pas for- cément sur Facebook, ce qui ne nous empêche pas de le dupliquer pour nos fans, d’en faire la promo sur Instagram, de le rendre disponible une fois terminé sur YouTube, qui assure le re- play, et de l’inclure dans une newsletter. » QUELLES OPPORTUNITÉS BUSINESS ? Pour Alexis Harnequaux (MSF), l’intérêt est simple : «  nos live nous permettent de toucher une audience qu’on n’aurait pas touchée natu- rellement. Nous avons lancé par exemple une campagne de live sur Twitch, avec des gamers qui parlaient de MSF pendant leur stream, ce qui nous a permis d’interagir avec une audience de 16/25 ans qu’on ne touche pas habituellement. Après, en follow-up on se charge de créer du contenu adapté à cette audience, un contenu qui sort donc un peu de notre contenu classique ». Pour l’EFREI, école d’ingénieurs, l’enjeu est spé- cifique, avec un cœur de cible constitué d’étu- diants, de bacheliers ou d’entreprises. «  Nous avons transposé les visites de campus, ou en- core les événements avec des partenaires entre- prises pour obtenir des jobs, explique Hadrien Lavielle, nous avons essayé de basculer simple- ment sur le live ce que nous faisons, nous réflé- chissons à des choses plus originales. » Pour l’instant, le live est intégré dans l’offre gra- tuite sur le site de L’Équipe, explique Mickaël Busson. « En termes de business, le modèle digital est basé sur la pub classique, on pourrait ima- giner que le contenu live soit parrainé, ou qu’on puisse y inclure de la publicité, mais il est trop tôt. Pour l’instant, le KPI c’est le taux de réten- tion, le niveau de participation des utilisateurs. » LE REPLAY, DEUXIÈME ÉTAGE DE LA FUSÉE LIVE Mais le live à lui seul ne permet pas toujours de répondre à tous les impératifs de commu- nication, comme en témoigne Nicolas Pereira, Fondateur de Solylend, à l’initiative du World Impact Summit : « Nous avons dû monter une pre- mière session live, où nous avions réuni les in- tervenants sur un plateau. La présence physique des intervenants facilite les interactions, la qua- lité des échanges, et permet de conserver l’at- tention des visionneurs. Il faut repenser la visibi- lité pour les partenaires, par rapport à un espace physique, avec des rencontres, des conférences et du networking, pour la déplacer vers une plateforme digitale où tout est en live, à la fois pour du B2B et du grand public. » Cela change en profondeur les métiers de l’événementiel. L’enjeu est de proposer autant d’interactions avec de potentiels clients, partenaires qu’en présentiel. « Il faut redimensionner les événements et revoir les objectifs, les ROI ne sont pas les mêmes. Le risque est qu’on se perde de vue, il faut créer le lien et le maintenir à distance, dans le temps, avec des rendez-vous plus réguliers. » La question de lien se pose également sur un plan plus pratique, notamment du fait des aléas techniques, Hadrien Lavieille de l’EFREI l’a plu- sieurs fois constaté : « Arrivé par surprise avec la crise covid, le live s’est trouvé en collision avec la vie personnelle. Peu ou prou on sait qu’on va perdre la moitié de l’audience, ce que l’on n’a pas en présentiel. Faire du live c’est prouver qu’on est disponible, à l’écoute, et ouvert au débat, as- socié au replay qui permet de récupérer les au- diences qui n’ont pas pu suivre le direct. » Nicolas Pereira (Solylend) évoque lui aussi la question de l’intérêt du replay : «  Il est impor- tant de réutiliser tout au long de l’année les contenus, pour créer du lien. On sait qu’on va toucher plus difficilement nos audiences, donc il va falloir aller les chercher en utilisant tous les réseaux sociaux, les orienter dans un pre- mier temps vers les contenus déjà produits, pour ensuite créer et animer une communauté sur le long terme. »
  • 19. la comm' responsable cycle La comm' responsable Au cours d’une année bouleversante à plus d’un titre, les interrogations sociales et éthiques sont devenues particulièrement prégnantes, y compris au sein des entreprises. Ce cycle consacré à la communication responsable interroge leur positionnement sur la RSE mais également les possibilités d’une prise de parole dans les débats sociaux.
  • 20. 18 cycle #1 Quelles prises de parole pour l’ entreprise dans le débat social ? CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • La RSE n’est pas un sujet de communication mais un sujet profond et structurel nécessaire sur le long-terme au fonctionnement de l’entreprise. • La légitimité des marques se trouve dans la communication par la preuve, c’est-à- dire la contribution positive et sincère à travers des actes concrets pour avoir une RSE efficace, cohérente et crédible. • Les marques doivent glisser vers une économie partenariale, en prenant en compte toutes les parties prenantes et s’imposer en tant que marques créatives face à l’urgence du changement social et environnemental.
  • 21. la comm' responsable Nous vivons aujourd’hui une perte de confiance gé- néralisée envers les discours des marques, notam- ment lorsqu’elles s’emparent des sujets qui traitent de RSE, rappelle Elise Paris, Responsable commu- nication & influence pour Amazing Content et ani- matrice de cette table ronde. Pour Denis Gancel, Président Fondateur de W&Cie & Fondateur de Contributing® Advisory, «  la société est défiante, inquiète et fracturée. Dès l’instant où vous avez une responsabilité, on va mettre votre parole, et même vos actes en doute  », ce qui s’illustre avec l’apparition des émissions d’investigation, phéno- mène observé ces dix dernières années. Si la RSE dont s’emparaient les entreprises autour des an- nées 2000 était plutôt exogène, imposée (par la loi), aujourd’hui, c’est un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur (notamment grâce à l’élan de la loi PACTE de 2019 permettant aux entreprises de de- venir des entreprises à mission). La RSE d’hier était subie, aujourd’hui elle est choisie. Ce changement s’incarne, pour Augustin Boulot, Délégué général de B Lab France, dans un glis- sement d’un « less bad à un more good », c’est-à- dire « qu’on bascule d’entreprises qui respectent les normes et les lois à contrecœur, à une contribution positive, volontaire qui se traduit par des actes très concrets.  » C’est ainsi que la légitimité de l’entreprise ne découle que de ses actions. C’est le cas de Les 2 Vaches, une filiale de Danone, dont « la mission n’est pas de vendre des yaourts mais de réussir à participer à son échelle à une transition agricole en aidant les éleveurs à se convertir en bio et à mieux vivre de leur travail », illustre-t-il. La marque ne peut toutefois pas se positionner dans tous les débats publics : «  une marque, ça se retient  », intervient Denis Gancel (W&Cie) en clin d’œil à la citation du père de Camus. «  On est dans un tel climat de défiance qu’il y a un seul juge de paix, c’est la sincérité de la marque. Ça n’est pas la parole, ça n’est pas la communi- cation, c’est la preuve.  » Augustin Boulot (B Lab France) l’approuve également : « On ne peut pas contribuer et prendre la parole sur tout. Il faut réussir à ne pas trop se disperser. » COMMENT CRÉER UNE STRATÉGIE DE COMM’ CRÉDIBLE, COHÉRENTE ET JUSTE ? Dans l’idée que la marque doit agir, elle doit aussi «  être sincère  » sur ses actions, pour Denis Gancel (W&Cie). Les rankings et les labels sont dès lors devenus des outils clés pour rendre la comm’ plus crédible et cohérente : «  Dans le climat de dé- fiance, le fait d’avoir des cautions extérieures, des classements, aident à lire le réel, à simplifier la réalité  », souligne Denis Gancel. Le prochain défi de l’Europe en matière de RSE est peut-être jus- tement de développer ses propres labels, comme l’ont fait la Chine ou les États-Unis. Si la marque est déjà «  surexposée, en particulier du fait des réseaux sociaux, faut-il en plus qu’elle aille s’exposer sur un terrain qui n’est pas le sien  ?  », s’interroge Denis Gancel après qu’Augus- tin Boulot ait évoqué la réappropriation du mou- vement Black Lives Matter par certaines marques. Il faut savoir faire la différence entre prise de position personnelle et au sein de l’entreprise : «  Derrière toute marque, il y a un objet social et vous n’avez pas le droit de sortir de cet objet qui a un statut au tribunal », rappelle Denis Gancel. Il résume le propos : «  Il faut du performatif et une inscription dans la durée. La communica- tion externe est dangereuse et la communica- tion interne indispensable. » Ce à quoi Augustin Boulot ajoute : «  Pour avoir une cohérence, il ne suffit pas de bien réaliser sa mission, mais aus- si de faire attention à toutes les externalités et parties prenantes touchées par cette mission. » LA GESTION DE L’URGENCE EN ENTREPRISE La position attentiste des marques qui se tra- duit par le fait qu’elles «  veulent bien devenir green quand leurs consommateurs le seront plus qu’elles » ne fonctionne plus, selon Jean-Maxence Granier, Directeur et Fondateur de Think-Out et animateur de cette session. Une étude récente en collaboration avec le CSA souligne que «  on attend aussi de l’acte de consommation d’être le principal levier du changement de la société. » « Il faut changer le business model », conclut Denis Gancel, et ce, pour aller vers un modèle plus res- ponsable. Augustin Boulot plaide quant à lui pour une « économie partenariale » qui prend en compte toutes les parties prenantes. Mais cyniques ou vé- ritablement engagées, les marques ont encore à travailler pour incarner le changement. • La session, animée par Elise Paris (AmazingContent), s’est tenue le 15 octobre 2020 en visioconférence. • Avec Denis Gancel (W&Cie), Augustin Boulot (B Lab France). • Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault.
  • 22. 20
  • 23. la comm' responsable cycle #2 RSE : le nouveau langage de la publicité «  Il y a ce que la publicité dit de la socié- té, mais aussi ce qu’elle dit des produits eux- mêmes  », soulève Jean-Maxence Granier, Directeur et Fondateur de l’agence Think-Out, et coanimateur de cette session. Il s’agit au- jourd’hui de comprendre comment les marques se confrontent aux enjeux de RSE, et l’intègrent dans leur stratégie et leur communication. Quel moteur amène les marques à se transformer et s’engager ? ÉVOLUTIONS OBSERVÉES DANS LA COMMUNICATION Au regard des attentes des consommateurs et des évolutions sociétales, les entreprises se doivent plus que jamais d’être responsables et engagées. Le rythme de cette prise de conscience semble s’être accéléré ces dernières années. Ce que Jean-Maxence Granier (Think- Out) traduit ainsi : «  La notion de responsabili- té s’ancre dans une forme d’urgence contrainte qui semble être beaucoup plus importante au- jourd’hui que naguère, notamment concernant les questions environnementales.  » Justement, pour Emeline Keundjian, Directrice générale de Walk Agence W, c’est bien un phénomène d’ac- célération que l’on observe aujourd’hui. « Ce qui était une tendance depuis 15-20 ans, à savoir donner du sens dans ses actions et contribuer à la société, devient aujourd’hui une obligation. D’ailleurs, 100  % de nos briefs mettent au cœur la RSE et la contribution des entreprises et des marques. » Le tournant se serait opéré à la fin des années 2000. Pour Grégoire Weil, Directeur général de Walk Agence W, «  On constate depuis 10 ans une montée en puissance de tout ce qui est raison d’être, société à mission  ; en somme, l’émergence d’un fond d’âme.  » En France, «  ce phénomène est devenu très visible depuis la loi PACTE, qui aura eu au moins le bénéfice de forcer toutes les entreprises à se poser ces questions afin de rebâtir un socle plus sain : À quoi je sers ? À quoi je contribue dans la socié- té  ?  » Mais en réalité, cette réflexion est née à la suite de la crise des subprimes qui a ques- tionné la finalité du système : «  Avant la crise CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • L’arrivée sur le marché de marques créées autour de la RSE poussent les acteurs historiques à faire évoluer leur façon de produire et de communiquer. • Privilégier une communication produit transparente en assumant la marge de progression, la trajectoire et la dimension perfectible des produits et services de la marque permet de gagner en crédibilité. • Il existe une coresponsabilité entre la marque et le consommateur. La conscience environnementale progresse mais ne se traduit pas encore massivement en actes dans les achats. « La notion de responsabilité s’ancre dans une forme d’urgence contrainte qui semble être beaucoup plus importante aujourd’hui que naguère, notamment concernant les questions environnementales. » Jean-Maxence Granier (Think-Out)
  • 24. 22 cycle économique, on appelait cela la RSE et dans la décennie suivante, la RSE est devenue la rai- son d’être.  » Si le pendant en marketing et en publicité autour des années 2010 était la va- leur d’usage, aujourd’hui les marques tendent vers la valeur étendue.  » Grégoire Weil cite l’exemple de Nike comme illustration de cette valeur d’usage communautaire en 2010 et qui, depuis 2018, met l’enjeu sociétal au cœur de sa stratégie de communication. « Il y a un bascu- lement où les marques sentent qu’il faut ajou- ter une valeur sociétale dans leur discours  », termine-t-il. Béatrice Parguel, chercheure au CNRS, ne pense pas cette évolution des enjeux RSE comme une réelle rupture, mais comme «  une communi- cation qui évolue dans ses pratiques en fonc- tion des attentes sociétales.  » Graduellement, le consommateur augmente son exigence de responsabilité, ce qui se traduit par une plus grande responsabilité dans la prise de parole des marques. Selon elle, cette progression se traduit «  à la fois dans le choix des média de diffusion en fonction de leur impact environ- nemental, la prise en compte de la sensibili- té de la cible à laquelle la marque s’adresse et enfin dans l’exécution du message, autant dans le choix des mots que dans celui de l’iconographie. » Le moteur d’action des entreprises provient ainsi à la fois de l’évolution des enjeux socié- taux et leur urgence relative, de la demande consommateur, et pour les grandes entreprises, c’est également un effet « boule de neige » qui s’opère, comme l’explique Christine Cabon, Communication Director chez Procter & Gamble (Shaving & Depilatories France-Benelux-South Europe) : «  L’accélération, notamment dans la grande consommation sur cette dernière décen- nie, vient principalement de petites marques créées autour de la RSE. Cela a forcé les grands groupes à se transformer dans la façon de pro- duire et de communiquer. » La multiplicité des outils de communication disponibles aujourd’hui, facilite la mise en va- leur du produit dans une optique de transpa- rence : « Nous pouvons choisir d’abandonner une communication fonctionnelle pour tendre vers une communication plus technique et didac- tique. Le site internet, de façon simple et trans- parente, peut permettre de recenser les compo- sés utilisés dans le produit par exemple. Ainsi, nous pouvons prioriser dans l’histoire de notre marque ce que l’on a envie de raconter, où, à qui et comment. » ASSUMER L’IMPERFECTION Pour Christine Cabon (P&G Shaving & depila- tories), il faut privilégier une «  communication qui ne soit ni mensongère, ni incitatrice à une mauvaise utilisation du produit. » Une attention particulière doit être portée au discours autour de l’utilisation du produit, du contexte de sa consommation et du moment où la marque sera légitime pour en parler. Selon elle, «  il est plus efficace de faire correspondre le métier de la marque et la valeur sociétale qu’elle apporte ». Pour Béatrice Parguel (CNRS), il est toujours possible de communiquer sur le produit en lui-même, y compris lorsqu’il n’est pas parfait sur le plan environnemental en privilégiant trois axes : le premier axe réside dans le fait de rendre visible l’amélioration progressive du produit d’une année sur l’autre. Le deuxième consiste à déplacer la communication produit vers la communication corporate. Enfin, ne pas pousser à la (sur)consommation du produit, au contraire. Le consommateur s’attache alors à la marque grâce à son discours responsable et éducatif, qui résonne avec ses idéaux. «  Aujourd’hui et plus que jamais, je peux pro- mouvoir une idée à travers des produits  », ob- serve Grégoire Grégoire Weil (Walk by Agence W) en citant les marques Patagonia ou C’est qui le patron  ?! «  De façon pragmatique, ce qui im- porte c’est la trajectoire de l’entreprise, c’est-à- dire sa progression sur un temps limité. » Comme le souligne Jean-Maxence Granier (Think-Out), oser parler du chemin qu’il reste à parcourir ou de la progression, n’est-ce pas se détacher du discours idéalisant propre à la publicité ? Pour Emeline Keundjian (Walk Agence W), si c’est bien un risque, «  aujourd’hui, le consommateur « Avant la crise économique, on appelait cela la RSE et dans la décennie suivante, la RSE est devenue la raison d’être. » Grégoire Weil, Directeur général de Walk Agence W
  • 25. la comm' responsable est prêt à entendre l’imperfection et le fait que la progression nécessite un investissement. Par contre, il n’est pas capable d’entendre un dis- cours qui vante la perfection d’un produit alors qu’il y a de l’inaction derrière. Il faut montrer que la marque se transforme et est prête à s’in- vestir. Il est essentiel de montrer la progression de la marque et de ne pas mentir. » De nombreux travaux démontrent justement que «  le fait d’être équilibré dans ses arguments, c'est-à-dire de communiquer autant sur le né- gatif que sur le positif, permet de crédibiliser ce qu’on fait de bien, et ce, grâce à la recon- naissance honnête de ce qui n’est pas encore parfait », ajoute Béatrice Parguel (CNRS). D’autre part, il faut savoir relativiser sur cette peur de dévoiler ses imperfections. «  Entre ce que les consommateurs disent et font, il y a souvent un décalage. Il faut parvenir à trouver un équilibre  », conseille Christine Cabon (P&G Shaving & Depilatories). QUESTION DE MODE OU RÉVOLUTION ? Les marques se contentent-elles de suivre la tendance ou sont-elles à l’origine de la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux  ? Et quel rôle les réseaux sociaux ont-ils joué dans le développement de cette conscience RSE? Pour Grégoire Weil (Walk Agence W) comme pour Christine Cabon (P&G Shaving & depilatories), le social media est un terrain clé pour la RSE. Néanmoins, « les réseaux sociaux sont un miroir déformant de l’opinion », dont l’usage évolue très rapidement. Il ne faut pas chercher à se placer sur tous les canaux, ce que Béatrice Parguel (CNRS) appuie par une nécessité de prudence : «  Il faut faire attention à la pression de la communication sur l’individu. » Christine Cabon (P&G Shaving & Depilatories) témoigne de ses engagements concernant les enjeux environnementaux : «  Nous ne répondons pas qu’à une tendance, nous essayons d’appor- ter le produit qui nous semble le plus adapté à la situation.  » Béatrice Parguel (CNRS) de son côté souligne le fait que ce n’est pas parce que la conscience environnementale progresse que les consommateurs la traduisent en actes dans leurs achats. Enfin, pour Emeline Keundjian (Walk Agence W), les marques ont tout intérêt à formuler des discours qui allient intérêt collectif et plaisir individuel, car ce sont des stratégies complé- mentaires. De plus, la relation entre les consom- mateurs et la marque tend à l’horizontalité : il y aurait donc à présent une «  coresponsabilité entre la marque et le consommateur  », résume Jean-Maxence Granier (Think-Out). Au sein même de l’entreprise, «  la communi- cation sur le social peut difficilement être centralisée. La responsabilité doit être parta- gée au sein de l’entreprise.  », souligne Emeline Keundjian (Walk Agence W). La polyphonie est donc à privilégier autour de porte-paroles mais sur un socle commun. Reste à savoir si ce socle de l’engagement deviendra le poumon straté- gique des entreprises au-delà de la communi- cation et du marketing. • Cette session, animée par Jean-Maxence Granier (Think-Out), s’est tenue en visioconférence le 18 novembre 2020. • Avec Christine Cabon (Procter & Gamble), Emeline Keundjian (Walk by W), Béatrice Parguel (CNRS) et Grégoire Weil (Walk by W). • Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault. « Nous ne répondons pas qu’à une tendance, nous essayons d’apporter le produit qui nous semble le plus adapté à la situation. » Christine Cabon (P&G Shaving & Depilatories)
  • 26. 24 cycle #3 Les réseaux sociaux, moteurs d’activisme toujours renouvelés CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • Activisme de terrain et cyberactivisme ne sont pas exclusifs. Ils peuvent se nourrir mutuellement. • Le cyberactivisme implique l'identité virtuelle de l’individu. Pour éviter la dissonance cognitive, il peut ressentir le besoin d’agir concrètement et physiquement. • Adapter sa communication aux nouvelles plateformes permet de fédérer davantage, d’optimiser la portée de son message en faisant naître de nouvelles formes d’actions.
  • 27. la comm' responsable Autrefois exclusivement physique, l’action mi- litante déferle désormais sur les plateformes numériques. Mais peut-on aller jusqu’à parler d’activisme digital, ce militantisme pratiqué sur Internet ? Et si oui, le cyberactivisme peut-il se suffire à lui-même ? FORMES ET ACTEURS DU CYBERACTIVISME L’activisme digital se définit à la fois par ses supports et les acteurs qui s’en emparent. Pour Mireille Lalancette, Professeur titulaire en communication politique et spécialiste des ré- seaux sociaux à l’Université du Québec à Trois- Rivières (EGUQTR), «  l’action, telle que la levée de fonds, peut s'opérer uniquement sur Internet ou au contraire s’organiser hors-ligne pour être ensuite propulsée sur les réseaux sociaux via un regroupement de personnes.  » C’est cette duali- té qui a permis aux plateformes de devenir des leviers fédérateurs. Quant aux acteurs, ce sont autant des individus qui vont «  liker ou signer une pétition  » que des «  activistes citoyens, institutionnels ou profes- sionnels qui s’organisent pour se regrouper ou demander des financements pour agir direc- tement.  » Néanmoins, dans ce brouhaha com- municationnel, «  la difficulté aujourd’hui est d'identifier la source du message  », souligne Leo Trespeuch, Professeur en science de gestion et spécialiste de l’activisme digital à l’Université du Québec à Trois-Rivières : «  Ce ne sont parfois plus des humains qui interagissent, mais des ma- chines qui vont faire ressortir des tendances. » ÉVOLUTION DE L’ACTIVISME DIGITAL ET ACTIONS INNOVANTES Comment les acteurs de l’activisme s’adaptent- ils aux innovations digitales  ? S’il est vrai que «  les plateformes n’ont pas été créées pour faire de l’activisme  », les militants s’appro- prient et s’adaptent à ces outils, y compris avec «  la limite des algorithmes.  », précise Mireille Lalancette. C’est face à une attention qu’il de- vient de plus en plus difficile de capter qu’inter- vient la distinction de Leo Trespeuch (EGUQTR) entre les «  chapeaux blancs  » qui s’adaptent à l’algorithme et les «  chapeaux noirs  » qui le dé- jouent et augmentent leur nombre de likes de façon moins «  honnête  » pour gagner plus fa- cilement en visibilité. Bien que les «  réseaux sociaux, média à part entière, aient un poids plus conséquent que les médias traditionnels, ils restent un lieu de diffusion dans lequel l’in- formation peut rapidement être noyée », met en garde Benjamin Carboni, Fondateur du mouve- ment Cleanwalker. Face à cette difficulté, la clé est d’être créatif et innovant, tout en s’adaptant. Les tendances, les formats et les plateformes se succèdent, des hashtags (déjà presque obsolètes) aux mèmes, de Facebook à TikTok. De nombreux militants parviennent à créer de véritables ac- tions sur le web, à l’image de la campagne On est prêt [1] ou encore du collectif noustoutes. org. Mireille Lalancette (EGUQTR) partage le concept de ParityBot [2] , un robot qui envoie des messages positifs aux femmes politiques pour les encourager à poursuivre leur action malgré les nombreuses tentatives d’intimida- tion qu’elles peuvent subir en ligne. Benjamin Carboni (Cleanwalker) rappelle l’événement Z Event [3] , qui s’est tenu sur Twitch, mené par des streamers français qui ont récolté presque 6 millions d’euros en un week-end en faveur d’Amnesty International. Au milieu de ces ini- tiatives, il s’agit aujourd’hui pour Léo Trespeuch (EGUQTR), « d’identifier les leaders d’opinions ou micro-influenceurs pour les rallier à sa cause, et parallèlement, d’utiliser les données massives pour identifier les relais clé qui participent à la diffusion de l’information. » À partir de quand sommes-nous donc acti- vistes  ? Pour Benjamin Carboni (Cleanwalker), on ne peut parler d’activisme que dans l’action concrète du terrain : « Je ne pense pas qu’il y ait d'activisme digital. Il s’agit surtout d’un outil de communication pour promouvoir ses actions sur le terrain. Si je ne change pas ma façon de vivre, il n’y a pas de cohérence. » Leo Trespeuch (EGUQTR) établit de son côté trois grandes catégories de cyberactivisme: le courant du «  slacktivisme  » (soit «  la volonté d’avoir le maximum d’impact avec un minimum d’effort  ») selon lequel le cyberactivisme n’est pas de l’activisme réel, courant qui s’oppose à ceux qui estiment que c’est un premier pas vers l’activisme réel en s’appuyant sur les exemples du Printemps Arabe ou des Gilets Jaunes. Enfin, il y a les « actions virtuelles en interaction avec les actions de terrain, où Internet serait un sup- port de l’activisme réel.  » Le mouvement des Gilets Jaunes a d’ailleurs démontré qu’il n’est pas toujours nécessaire de connaître le fonc- tionnement des algorithmes des plateformes et d’endosser le rôle de professionnels des réseaux sociaux pour être efficace.
  • 28. 26 cycle Mais l’activisme digital a également sa partie immergée. Quel poids les actions réalisées sur le “Dark Social” représentent-elles ? Le Dark Social, cet ensemble des partages de contenus qui échappent à la mesure, car effectués sur dans des échanges privés (groupes Whatsapp, Disiscord, groupes privés sur Snapchat, Telegram.  .  .) «  n’est pas visible mais est essentiel pour capter l’at- tention et augmenter ensuite sa visibilité  » sur les plateformes sociales, selon Leo Trespeuch. COMMENT L’ACTIVISME DIGITAL S’ARTICULE AVEC L’ACTION SUR LE TERRAIN ? Les réseaux sociaux se contentent-ils d’être une simple caisse de résonance ou un véritable le- vier pour amener l’action sur le terrain  ? «  Tout dépend de la cause et du but, mais l’activisme digital et de terrain sont intimement liés voire complémentaires. Tout est question d’équilibre. Les réseaux sociaux peuvent être un levier de communication en facilitant par exemple la dif- fusion d'images de l’action », considère Benjamin Carboni (CleanWalker). Greenpeace incarne parfaitement ce nouveau militantisme hybride, c’est-à-dire un activisme de terrain - historique pour Greenpeace - qui se double d’un activisme digital, comme en témoigne leur dernière action des « Boulets du climat » [4] . Mireille Lalancette (EGUQTR) approuve : «  Les frontières entre le digital et le terrain physique disparaissent : les deux pratiques s’entremêlent et peuvent s’auto-influencer. Les groupes s’or- ganisent grâce aux réseaux sociaux qui per- mettent ensuite l’action réelle. » Pour Leo Trespeuch (EGUQTR), au bout d’un certain temps, «  le cyberactivisme ne suffit plus et le be- soin d’agir concrètement et physiquement se fait ressentir  », pour ne pas subir le poids de la disso- nance cognitive entre le discours et les actes. Un point qui évoque la théorie de la «  distance psy- chologique » [5] entre l’individu et la cause pour la- quelle il se bat, et qui peut être un frein à l’action. ACTIVISME ET CRISE SANITAIRE Mais justement, en matière environnementale, la crise sanitaire semble avoir en partie réduit cette distance psychologique entre l’individu et l’environnement. Dans les actes, on observe par exemple que l’achat local est plus cou- rant dans certains pays. Pour Léo Trespeuch (EGUQTR), «  la crise sanitaire a changé la donne et accéléré la prise de conscience  », même s’il est encore trop tôt pour mesurer si cette évolution sera durable. D’autant que si le confinement a plongé de nou- veaux acteurs dans l’activisme digital, incitant les individus, comme les entreprises et les or- ganisations, à s’emparer des outils numériques pour militer, une question reste en suspens, sou- levée par Leo Trespeuch : «  l’activisme réel, de terrain existera-t-il toujours après la crise sa- nitaire ou resterons-nous derrière nos écrans ? » • Cette session, animée par Christophe Asselin (Digimind), s'est tenue en visioconférence le 9 décembre 2020. • Avec Benjamin Carboni (Cleanwalker), Leo Trespeuch (Université du Québec à Trois-rivières) et Mireille Lalancette (Université du Québec à Trois-rivières). • Compte-rendu rédigé par Maëva Dussault. LIENS PARTAGÉS PENDANT LA SESSION : [1] https://www.onestpret.com [2] https://paritybot.com [3] https://zevent.fr [4] https://boulets-climat.greenpeace.fr [5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ articles/PMC3152826/ RESSOURCES : • The Platform society https://global.oup.com/academic/ product/the-platform-society- 9780190889777?cc=ca&lang=en& • Green Nudge https://www.pearson.fr/fr/ book/?GCOI=27440100058340 • La crise de la Covid-19, un moment décisif pour basculer vers une société plus responsable ? http://leotrespeuch.com/Coronavirus- Covid19.pdf • nudge: la méthode douce pour inspirer la bonne décision https://www.franceculture.fr/oeuvre/nudge- la-methode-douce-pour-inspirer-la-bonne- decision • Mickaël Dupré, Expert en recherche du développement des meilleurs outils d'incitation aux gestes écocitoyens https://mickaeldupre.com/
  • 31. nouveaux formats cycle Nouveaux formats Dans un secteur en perpétuelle transformation, comment repérer les nouveautés qui sont faites pour durer et comment s’y adapter ? Le Social Media Club a animé une série de sessions consacrées aux nouveaux formats: audio, vidéos, story. . . nos invités ont partagé leur vision et leurs bonnes pratiques.
  • 32. 30 cycle #1 L’audio, nouvel eldorado ? CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • Nous en sommes aux prémices de la consommation du podcast. Il faut se préparer à un format qui prendra sa place au sein des contenus d’informations mais également dans la nouvelle économie de consommation du divertissement. • L’enjeu majeur des acteurs de ce marché sera d’établir un business model cohérent ainsi qu’une stratégie de médiatisation efficace. • Malgré l’existence d’études spécialisées, la fragmentation du marché de l’écosystème complexifie la mesure de sa performance.
  • 33. nouveaux formats Les résultats de l’étude Global Audio destinée à analyser l’ensemble des usages audio des inter- nautes, révèle une réelle appétence pour ces for- mats. En moyenne, près de 7 % des personnes inter- rogées écoutent un podcast natif par mois. Et près de 40 % des internautes en connaissent l’existence. Face à la multiplication des acteurs mais aussi des offres, il reste néanmoins complexe de mesurer et d’évaluer de manière précise l’écosystème des podcasts, rappelle Julie Terrade, directrice du pôle national au département radio de Médiamétrie. Selon une étude dédiée aux auditeurs du podcast natif, réalisée par Havas Paris et l’institut CSA Research à l’occasion du Paris Podcast Festival, les 24-35 ans vivant en métropole constituent le cœur de cible. 9 % d’entre eux écoutent au moins un podcast natif chaque semaine. Même s’il est difficile de dresser un portrait- robot de l’auditeur de podcast, les premiers élé- ments indiquent qu’il s’agit d’une population déjà consommatrice du média audio, notam- ment de musique et/ou de radio. Ce type de mé- dias est totalement adapté à l’évolution de nos sociétés notamment en termes de mobilité. Pour François Cusset, fondateur du studio Engle, la qualité de production et le storytelling sont les éléments clés du succès d’un podcast. Le style d’écriture, la musique, l’habillage sonore doivent permettre à l’auditeur de vivre une ex- périence immersive. Pour fidéliser son public, il est également im- portant d’identifier le format de podcast le plus adapté. Le podcast permet notamment des contenus beaucoup plus longs que la vidéo : les auditeurs sont prêts à donner de leur temps pour consommer un contenu de qualité. « Il faut de la sérialité, établir un rendez-vous régulier, créer une habitude. Il y aura ainsi moins de dé- perdition de l’audience  », souligne également Arthur Perticoz, cofondateur de Majelan. Les stratégies de médiatisation des podcasts restent encore à construire, mais la fragmenta- tion du marché complexifie le déploiement de stratégies universelles. L’enjeu de ces prochains mois sera donc de définir un business model qui rende la création de podcasts profitable. Au- delà du volume d’audience, en termes de me- sure, de ROI, les différents acteurs sont encore dans une phase de test. Et à l’international ? Contrairement à la France, 80  % des podcasts sont natifs au Etats-Unis. En Chine, le podcast s’écoute gratuitement et est généralement suivi d’une formation payante en e-learning. Le format audio devient ainsi un produit d’appel. Comme le rappelle Thibaut de Saint Maurice, fondateur du Paris Podcast Festival, il n’existe actuellement pas de programme de financement public en France. La question est néanmoins étudiée par le Ministère de la Culture. L’objectif serait de créer une structure dédiée au média audio, similaire au Centre National du Cinéma, incontournable dans la production audiovi- suelle. Une initiative particulièrement soutenue par les créateurs de contenus. Pour François Cusset (Engle), «  pour aider les marques à in- vestir dans le podcast, il est important que les agences de création comprennent la stratégie globale de l’entreprise et s’inscrivent dans une offre cohérente. L’enjeu est également d’identi- fier les canaux de distribution adaptés. » Certaines marques ont déjà expérimenté ce type de formats, à l’instar de Guerlain, qui dif- fuse des récits d’expériences olfactives recueil- lis auprès de collaborateurs et d’auditeurs sur son application dédiée OlfaPlay. Le groupe LVMH a lui aussi réalisé une série de podcasts intitulée «  Confidences particulières  » donnant la parole aux artisans du groupe. Chanel, en partenariat avec AlloCiné, a réalisé la série «  Paris en contre-plongée  », dans laquelle des réalisateurs proposent des balades sonores dans les rues parisiennes qu’ils affectionnent. D’autres marques sponsorisent des podcasts natifs (Transferts, La Poudre.  .  .) sans pour autant s’impliquer de manière éditoriale. L’évolution de la technologie et de la mobilité offrent encore quelques années d’effervescence créative au podcast, véritable générateur d’en- gagement. Mais celui-ci doit encore trouver son business model ainsi que son tiers de référence pour analyser et mesurer son efficacité. • Cette session, animée par Josselin Moreau et Jean-Baptiste Ong (TSC Digital), s’est tenue le 29 janvier 2020 à Paris. • Avec François Cusset (Engle), Thibaut de Saint - Maurice (Paris Podcast festival), Arthur Perticoz (Majelan) et Julie Terrade (Médiamétrie). • Compte-rendu rédigé par Isabelle Clément.
  • 34. 32 cycle Les chiffres autour de la story donnent le ver- tige : 14 millions de français utilisent Snapchat tous les jours, 80  % ont plus de 18  ans et l’ap- plication est utilisée 30  fois par jour. En élar- gissant au niveau mondial, les stories d’Ins- tagram et de Facebook agrègent 500  millions d’utilisateurs quotidiens (Hootsuite 2020), Snap 218  millions (résultats financiers Q4 2019), et TikTok revendique 800  millions d’utilisateurs actifs (Digimind 2019). En un mot  : le nombre de stories a dépassé le nombre de posts clas- siques (TechCrunch 2019). Le décor est planté  : la story cannibalise massivement l’usage du social media, «  elle incarne assez bien toutes les possibilités créatives que l’on peut déve- lopper sur les réseaux sociaux, ce qui pose des questions de créativité, de performances et innovation  », résume Karine Sentenac, direc- trice générale – Head Coach Content au sein de l’agence Insign. Alors qu’elle s’installe déjà comme la nouvelle norme, la story est au car- refour de nombreuses interrogations en termes de contenu. La genèse de la story est simple : «  Le pari de Snapchat c’était de créer un outil de commu- nication instantané sur mobile, nous sommes clairement de la génération qui n’a pas connu l’ordinateur. Le mobile on le tient à la verticale, cette verticalité nous tient à cœur et c’est de- venu le standard  », détaille Patrick Heneghan, directeur marketing France au sein de Snap Inc. Cette définition originale de la story a déjà connu quelques modifications ce qui amène la question : où va la story  ? Le format court est une des composantes de départ d’un média conçu pour sortir du 1-to-1 en permettant l’envoi d’une vidéo éphémère à une liste d’amis. Mais le format suscite d’autres appétits : Snapchat a lancé son format «  Shows  » ouvert à des par- tenaires media qualifiés, fin 2018. En février 2020, Twitter a racheté Chroma Labs, fondé par des anciens d’Instagram et de Facebook, qui permet d’éditer des stories. Marques et médias commencent donc à s’adapter à ce format en mouvement. IMPÉRATIFS DU 9/16 E Conçue exclusivement pour le mobile, la sto- ry est verticale, en 9/16, ce qui implique pour les agences et les marques, la prise en compte d’une nouvelle écriture visuelle spécifique, ce que résume parfaitement Olivier Duband, Head of Social Media chez TF1 Pub : «  Pour nous, qui sommes le temple du 16/9  e lorsque nous avons vu l’avènement du format vertical, c’était une rupture. La première problématique a donc été : comment est-ce qu’on peut faire vivre sur la partie sociale des formats qui fonctionnent en télé, sans revenir à des logiques de produc- tion dédiée ? Comme tout le monde, nous avons essayé de simplement recadrer une 16/9  e pour en faire un 9/16  e mais le rendu n’est pas tou- jours optimal. Il a fallu nous adapter.  » Ce que confirme Emmanuelle Rey Magnan, fondatrice du studio de production londonien Story Island Ltd : «  Je fais du 16/9  e , du 90 minutes, des sé- ries télé.  .  . J’ai embauché une équipe de mille- nials sortant d’écoles de cinéma, mais pas en- core trop formatés par les habitudes de prod. Lorsque j’ai dit à mes équipes que nous allions tourner en vertical, tout le monde m’a dit que c’était impossible. Puis ils se sont approprié le CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • La notion de test & learn est consubstantielle aux réseaux sociaux, mais elle prend un sens particulier sur un format en évolution comme la story. • Le parcours utilisateur est extrêmement important dans les réseaux sociaux: la story suppose d’anticiper l’action suivante. • Avec la story, l’utilisateur doit être embarqué dès la première frame. Contrairement aux formats classiques, elle ne laisse guère le temps de développer une histoire. #2 Quel avenir pour la story ?
  • 35. nouveaux formats format.  » À noter que si le format 9/16  e ne fait plus débat, la notion de persistance, de feed, elle, est importante. Elle permet de raconter une histoire avec plus de profondeur, et s’ins- crit également dans le souci d’insérer la story dans un parcours. YouTube est cité en exemple : lorsque des influenceurs procèdent par épisode, la publication d’un épisode génère toujours, par ricochet, des vues sur les épisodes précédents. NARRATION Si la verticalité est l’apparent premier élément créatif à prendre en compte, la rupture de fond avec les médias basés sur des écrans fixes touche à la forme narrative, laquelle est sanc- tionnée par une interface utilisateur qui laisse peu de deuxième chance. « C’est un peu du Usain Bolt, soit on va bien partir et on va réussir à cap- ter l’attention sur l’intégralité de la story, soit c’est fini parce que juste avec la pulpe de notre doigt on va passer à la story suivante. C’est beaucoup plus puissant qu’un swipe qui génère un mouvement plus long, là une petite impul- sion suffit, résume Olivier Duband (TF1Pub). En termes de performances, c’est un niveau de lec- ture totalement différent, la complétion n’est pas comparable à celle d’un format classique où on a le temps de développer une belle his- toire. Avec la story, on n’a même pas les trois premières secondes pour embarquer les gens. Il faut les embarquer dès la première frame. La narration est totalement différente. » Cette quasi-dictature de la première frame, qui implique une primauté de l’histoire racon- tée sur la marque, est lourde d’implication pour les marques habituées à être présentes dès la première seconde. La story est un média qui im- pose, pour que le transfert de valeur opère, de rendre l’histoire la plus intéressante possible immédiatement. Si elle a ses exigences, cette nouvelle forme narrative ouvre des champs créatifs nouveaux, éventuellement complémentaires de produc- tions destinées à des médias traditionnels. « Nous créons des séries et des personnages, ce qui se prête très bien aux stories. L’idée est de faire sortir nos séries d’un format traditionnel. Nous avons désormais des comptes dédiés : chaque série, chaque personnage a un compte personnel et on tourne des mini épisodes qui permettent de suivre le personnage, un peu comme si un fan de Friends pouvait suivre l’Insta de Chandler ou celui de Joey  », explique Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd). Et ce qui n’est pas anodin dans cet usage de mé- ta-story, qui vient en complément d’une série principale, le budget du volet story est 50 fois inférieur à la production principale, sans perdre en qualité et en touchant une autre cible. ENJEU STRATÉGIQUE Parmi les questions stratégiques que pose la story, il y a d’un côté celle de son intégration dans une stratégie globale et de l’autre sa per- formance. Vraisemblablement du fait de la re- lative jeunesse du format et de l’ambiguïté de son positionnement entre utilisateurs et moyen de communication, entre marque et utilisa- teurs, toutes les plateformes ne fonctionnent pas de la même façon. Les stories ne défilent pas automatiquement chez Snapchat, alors que le défilement est automatique chez Instagram par exemple. Les KPIs sont difficilement com- parables d’une plateforme à l’autre, puisque les usages possibles varient d’une plate-forme à l’autre, comme l’explique Patrick Heneghan (Snap Inc.) « Nous n’avons pas de page de marque sur Snapchat. Les marques sont présentes dans des espaces publicitaires clairement définis comme tels. Les Stories se trouvent dans la par- tie Discover, avec les contenus produits par les éditeurs partenaires et les influenceurs. » Les metrics classiques sont peu adaptées à la story dont l’objectif est précisément de s’ins- crire dans un ensemble, de générer de l’engage- ment et qui d’autre part répond à des impéra- tifs de captation immédiate de l’audience. Pour Patrick Heneghan, « si on diffuse à large échelle, il faut accepter le fait que la majorité des per- sonnes vont zapper au bout de 2 secondes et passer à autre chose. Ce qu’on veut travailler, c’est le reste.  » Cette valeur est confirmée par Olivier Duband (TF1Pub) : « Il y a quelques mois, « On n’a même pas les trois premières secondes pour embarquer les gens. Il faut les embarquer dès la première frame. La narration est totalement différente. » Olivier Duband (TF1Pub)
  • 36. 34 cycle quelques années, on était concentré sur la com- plétion, mais avec les stories, la complétion est vertigineuse, et pas dans le bon sens, parce que les gens partent très rapidement. Surtout sur des stories publicitaires, avec la présence de marque exposée dès le début, le CPM (coût pour mille vidéos vues) devient stratosphérique. » PARCOURS DANS LES MÉDIAS SOCIAUX Si la story est la tête de pont qui assure le contact avec le consommateur, il est indispen- sable qu’elle soit intégrée dans un ensemble plus large. Pour Patrick Heneghan, «  il y a une notion d’objectif. Le digital est un média d’in- tentionnalité, il faut toujours penser à ce que la personne va faire après. La consommation de la story n’est pas une fin en soi, on espère une action dernière, swipe vers quelque chose, visite d’un site, visualisation d’une vidéo plus longue, etc.  » Olivier Duband (TF1Pub) illustre l’efficacité de la story utilisée en collaboration avec d’autre médias sociaux au travers d’une campagne de grande ampleur : «  On a monté une campagne sur Snapchat avec l’assureur MMA qui a bien fonctionné. L’annonceur était mature sur le sujet, et on a pu convenir qu’on ne vendait pas de la complétion, mais de l’en- gagement. C’était un projet de prévention pour les fêtes de fin d’année pour inciter les conduc- teurs à ne pas prendre le volant après avoir consommé de l’alcool. L’opération incluait une webapp pilotée par des influenceurs et qui per- mettait d’envoyer des canulars à ses amis. Nous avons utilisé Instagram pour les influenceurs et Snapchat pour générer du trafic sur le site inter- net. La campagne a été un succès, on a généré plus de 130 000 canulars en une semaine et l’en- gagement était là. La clé était d’être clairs sur le parti-pris par rapport aux KPIs. Dans ce cas, non pas de la complétion, mais une visibilité massive. » Si les plateformes de stories s’adressent prio- ritairement aux millennials, plusieurs témoi- gnages montrent que la story permet de générer de l’engagement, y compris avec des contenus qui pourraient être jugés peu susceptibles d’in- téresser cette cible. « Il y a quelques années j’ai monté pour un site gouvernemental un calen- drier de l’avent sur Snapchat qui portait sur un quiz administratif autour du sens civique, avec des questions du type “  savez-vous ce qu’est le pavoisement des drapeaux  ?  ”, nous avons été surpris par le nombre et la forme des réponses », témoigne Louisa Amara, Social Media Manager pour Axa Partners. Ce constat est confirmé par Patrick Heneghan (Snap Inc.) : «  Snapchat est la première appli des 15-34 en termes d’utili- sation quotidienne, et les jeunes qui utilisent notre plateforme sont intéressés par tout. Paris Match a fait certains de ses plus beaux scores d’audience lors des décès de Johnny ou de Jacques Chirac, alors qu’on pourrait penser que les millennials ne sont pas intéressés par ces sujets.  » Autre exemple, celui d’Arte. Pour se reconnecter avec les plus jeunes, la chaîne est allé sur Snapchat avec son format FAQ, déve- loppé en tant que «  show  », sur la zone Discover de Snapchat. Le principe est simple : une ques- tion, assez fondamentale (Peut-on vivre ailleurs que sur Terre  ? A-t-on le droit de tout dire  ?), à laquelle répondent à la fois des experts et la communauté. Les KPIs anticipés ont triplé. L’intérêt pour Arte est de toucher un public qui ne regarde pas la télé. 20 Minutes a développé le même concept de mini-docu avec la pastille OMF, (Oh My Fake). ENGAGEMENT/INFLUENCE Un des atouts indéniables de la story est l’enga- gement qu’elle est capable de générer du fait de la sensation de proximité sur laquelle elle s’ap- puie. Cette caractéristique en fait l’outil idéal des influenceurs qui racontent leur vie, donnant par le biais d’une certaine mise en scène de soi, la sensation de l’intime. L’interpellation de la communauté peut parfois suivre des mouve- ments récursifs. Patrick Heneghan (Snap Inc.) cite l’exemple de Maître Gims qui poste à l’at- tention de sa communauté des vidéos de cap- ture d’écran de messages envoyés par des fans. Cette notion de proximité peut déboucher sur de nouveaux usages qui n’avaient pas été antici- pés, comme le recrutement de nouveaux talents pour Emmanuelle Rey Magnan : «  Le contact direct avec le public est très nouveau pour les producteurs et les scénaristes. Nous nous ser- vons aussi de la story pour faire des castings. Le monde de la production est perçu comme obscur et intimidant, et ce format nous permet « Pour nous la story est avant tout un objet de communication, un véhicule pour transporter plein de choses. » Patrick Heneghan (Snap Inc.)
  • 37. nouveaux formats de toucher des gens qui n’auraient jamais su comment nous contacter et que nous n’aurions pas vus en temps normal. Nous avons déjà re- cruté trois personnes par ce bais.  » «  Cette no- tion de proximité avec les publics est amplifiée par l’éphémère de la publication, qui invite à réagir de suite, à quoi s’ajoute la personnalisa- tion de la réponse personnalisée dans le style éventuellement reconnaissable de l’influenceur auquel on a écrit. C’est infiniment plus grisant qu’un contact anonyme avec un Community Manager », ajoute Louisa Amara (Axa Partners). RÉEL / PROXIMITÉ / FICTION La sensation de proximité pose, pour les stra- tégies de marque, la question de la place de la fiction dans les story. Est-ce que le réel seul est suffisant pour susciter l’intérêt, ou est-ce que la fiction doit venir en support d’un réel, pas toujours glamour  ? Ottavia Palomba, Communications Consultant pour Karl Otto, fait remarquer qu’« entre fiction et temps réel, il y a l’éditorialisation. Celle-ci est globalement permanente.  » En pratique, une story de marque ou d’influenceur, c’est rarement du réel, mais en parallèle, les utilisateurs sont de plus en plus capables de détecter les mises en scène. Dans une certaine mesure, on peut considérer la notion d’authenticité comme une posture dès lors qu’une marque est en jeu, comme l’ex- plique Olivier Duband (TF1Pub) : «  L’absence de narration devient la norme, quelque chose de préparé. Il y a des marques qui vont dire “  ok vous avez carte blanche vous pouvez faire ce que vous voulez ”, mais nous avons quand même des impératifs de marketing, des guidelines, qui dépendent du degré de maturité de la marque et de la prise de risque possible. » Alors, quel est le futur de la story  ? Pour Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd), maintenant que les questions de production sont à maturité, la story doit être promue comme un moyen de véhiculer des valeurs, plu- tôt qu’un moyen d’afficher des logos. « Au départ on a validé le mode de production de la sto- ry. On cherche maintenant à le déployer. Il y a le placement de produit, on peut l’inclure et le vendre directement depuis le film. Nous pensons surtout que pour une marque qui a une commu- nauté significative, ça peut être intéressant de leur proposer une série, qui ne soit pas de la pu- blicité. Les marques veulent faire passer leurs valeurs, c’est des choses qu’on peut faire passer dans une série sans montrer le produit.  » Enfin, du côté de la Chine, souvent en pointe sur ces nouveaux formats, Douyin, la version chinoise de TikTok compte 400 millions d’utilisateurs/ jour. Ces derniers poussent à allonger la durée des vidéos, qui étaient très courtes au départ, et à une professionnalisation des contenus, té- moigne Diana Liu du Medialab de France TV, au- teur d’un reportage sur le sujet. Pour Olivier Duband, «  il est difficile de se pro- jeter. Si demain Snapchat ou Instagram sortent une nouvelle fonctionnalité, cela remet les compteurs à zéro. Il faut garder en tête que ces formats sont avant tout des terrains pour les propriétaires de ces plateformes. La ques- tion est : “  qu’est ce que ces plateformes nous permettront de faire  ?  ” On est dans un “  test & learn  ” permanent. A ça s’ajoute que les choses vont très vite. Si les téléphones pliables se ré- pandent, est-ce que demain le format phare deviendra carré  ? En résumé la réponse est plus globale et dépasse la seule story.  » La pros- pective, c’est aussi l’intégration complète et mature des nouveaux formats dans les straté- gies digitales des marques. Le mot de la fin est pour le représentant de l’inventeur du concept, Patrick Heneghan (Snap Inc.) : « Le futur est dans le passé, pour nous la story est avant tout un objet de communication qui reste un véhicule pour transporter plein de choses, nous ajoutons des fonctionnalités ( filtres, réalité augmentée, etc.  .  .) et surtout nous ouvrons des APIs qui per- mettent d’importer les stories Snapchat dans des applications tierces grâce à l’outil SnapKit. Je peux importer une story Snap dans Tinder si ça me semble utile. Même chose pour nos par- tenariats avec Netflix ou Spotify pour optimiser le partage dans un Snap du film que je regarde ou du morceau que j’écoute.  » La story poursuit donc sa conquête des plateformes. • Cette session, animée par Karine Sentenac (Insign), s’est tenue le 26 février 2020 à Paris. • Avec Olivier Duband (TF1 Pub), Patrick Heneghan (Snap Inc), Ghislain Labay (Estée Lauder companies) et Emmanuelle Rey Magnan (Story Island Ltd). • Compte-rendu rédigé par Luc Saint-Elie.
  • 38. 36 cycle #3 L’ évolution des formats vidéos CE QUE L’ON RETIENT DES ÉCHANGES : • Un contenu spécifique par plateforme, avec une approche agile… Rien n’est gravé dans le marbre. In fine, l’approche est partiellement façonnée par le business model des plateformes. • La créa est importante, d’autant que dans un environnement digital elle n’est jamais figée, et reste testable en temps réel à tout moment. • Si l’UGC revient en force, l’interactivité, l’authenticité sont des facteurs centraux.
  • 39. nouveaux formats La vidéo en social media est au croisement d’un nombre assez conséquent d’impératifs, voire de «  dictatures  » auxquels le producteur doit se soumettre En contrepartie, une agilité et une capacité de test beaucoup plus importante que pour les autres médias. La première de ces «  dictatures  » est celle du court, «  C’est très clair à chaque sortie de film ou de série, on est globalement soumis à des contraintes qui exigent d’aller très très vite, si on n’est pas sur du live  » explique Théo Diricq, Senior Marketing Product & Strategy Manager chez Warner Bros. «  Il faut aller très vite, avec des rebondissement toutes les 5 ou 6 secondes, et ça, c’est quelque chose d’assez nouveau. Il y a 6 ans on avait le temps d’expliquer ce qu’était un film ou une série télé, maintenant si au bout de 5 secondes il ne s’est rien passé, les gens quittent. Pour moi, c’est la plus grosse évolution dans notre façon de faire des vidéos, qu’elles soient promotionnelles, éducatives, éditoriales, il faut que ça aille beaucoup plus vite, que les gens parlent plus vite, qu’il y ait plus de rebon- dissements et au bout de 25 secondes c’est fini, on a perdu tout le monde, sauf à faire du live.  » Cette exigence concerne la longueur, mais éga- lement le rythme : «  Avant les vidéos duraient en moyenne 1 minutes 30, aujourd’hui cela se joue sur 25/30 secondes. Il faut désormais une blague toutes les 5 secondes alors qu’avant c’était toutes les 12 secondes. » Le live échappe à cette règle, toujours selon Théo Diricq : « Sur Twitch, sur YouTube, cela peut parfois durer une heure avec un influenceur.  » Mathias Behaegel, fondateur du blog Tortuga vidéos et ex-reporter chez Michel & Augustin, confirme ces tendances mais les replace dans le contexte des exigences mouvantes des plate- formes : «  J’ai l’impression que cela a un peu évolué et que cela dépend aussi du réseau so- cial, notamment sur YouTube et Facebook, avec la monétisation qui vient d’être ajoutée il y a quelques mois. Maintenant lorsqu’on publie une vidéo sur Facebook, une petite case qui s’affiche en rouge annonce “  attention votre vidéo fait moins de trois minutes  ”. Sur une vidéo courte, l’algorithme n’a pas le temps de placer une pu- blicité, donc les réseaux sociaux nous poussent à créer du contenu qui soit un peu plus long, qui soit intéressant jusqu’au bout pour avoir un temps de visionnage plus important.  » Théo Diricq (Warner Bros.) constate qu’après avoir longtemps incité à faire des vidéos de moins de 6 secondes, YouTube s’est rendu compte que ce format, disposant de metrics flatteurs, plaisait davantage aux adolescents qu’aux autres pu- blics : «  Dans cette stratégie, YouTube incite à la réalisation de vidéos plus longues, qui feront peut être moins d’audience, mais qui attireront des publics plus qualifiées. » Cet antagonisme entre longueur, business model de la plateforme et âge de l’audience, Sébastien Roumier, Managing Director chez Vertical Station l’aborde avec réalisme. «  Moins que la question de la longueur, qui est importante, ce qui fait que ça change, c’est la façon dont les plateformes ont formaté nos usages. Au départ, et pendant trois ou quatre ans, Facebook a eu une soif de recrutement et il fallait absolument faire du reach et du trois secondes. Depuis deux ans la demande à changé, on nous dit : “  il faut faire des vidéos de trois minutes  ” pour qu’ils puissent intégrer leurs algorithmes.  » Son ap- proche est pragmatique, d’autant que Vertical Station édite plusieurs plateformes communau- taires lui permettant de tester des concepts. « Face aux plateformes, on tente de comprendre leur business model et partant, la durée des vi- déos la plus adaptée. En ce moment, Facebook, Instagram poussent à fond IGTV et Watch. Donc avec des vidéos de cinq ou six minutes on a plus de chances d’être vus. » Autre tendance notable, l’UGC fait graduelle- ment son grand retour. Pour Sébastien Roumier (Vertical Station), «  nous vivons un petit retour en arrière avec le développement des stories, avec le développement de Twitch et de TikTok, toutes ces nouvelles plateformes reposent sur l’UGC.  » Cependant il y a une différence impor- tant entre l’UGC historique et sa version 2020 : l’interactivité. «  Il y a une évolution des modes de consommation de la vidéo, explique Melissa Simoni, Sales Director France, Belgique   & Luxembourg pour Twitch. Nous travaillons prin- cipalement avec des millenials, avec la genZ, c’est une audience qui regarde beaucoup moins tout de contenu télévisé. Ils disent même qu’ils « Depuis un an, un truc assez nouveau revient en force : l’UGC avec les nouvelles stories et plateformes dédiées. » Sébastien Roumier (Vertical Station)
  • 40. 38 cycle pourraient se passer de télé. Ils veulent de la consommation rapide. Ce qu’ils viennent cher- cher sur Twitch, c’est un contenu qui est live, in- teractif, communautaire, où ensemble ils vont co-créer leur propre divertissement. On en arrive à une forme de social TV.  » La marque Michel & Augustin a d’ailleurs intégré de façon empirique cette nouvelle appétence pour l’UGC, jusqu’à en faire une signature créative, comme l’explique Mathis Behaegel, qui y a exercé en tant que reporter : «  La marque ne passe pas par des agences, tout est fait en interne, y compris la création des vidéos. J’appelle cela “  la straté- gie de l’influenceur  ”. Nous travaillons nos vi- déos avec beaucoup de transparence et d’au- todérision en montrant notamment qu’il n’y a pas de montage, comme si c’était un live ou une story mais en format plus long. La seule exception, ce sont les tutos YouTube qui sont plus léchés. Mais sur Facebook, c’est claire- ment cette stratégie que nous avons adoptée, avec des vidéos peu travaillées, non censurées, plus proches des gens. » La question des KPI est doublement complexe dans l’évaluation des performances d’une vi- déo. Les habitudes culturelles des audiences amènent à une réflexion marketing globale qui dépasse très largement la question du me- tric. Se pose également la question de la me- sure de l’engagement sur des vidéos de moins de 10 secondes. «  Le clic est le critère le plus mis en avant. On peut facilement savoir qui a cliqué. Classiquement, on s’intéresse aussi au temps de visionnage, mais avec une vidéo de 6 secondes, surtout si c’est un format du type “  Bumper  ” sur YouTube qui n’est pas skippable, on a pas d’information. Il ne reste donc que le clic, qui est un KPI incomplet. La personne peut être intéressée par un produit sans cli- quer pour autant. Quelqu’un qui a vu une pub pour un yaourt ne va pas cliquer pour l’acheter immédiatement, en revanche lorsqu’il sera au magasin, on peut espérer que devant le rayon des yaourts il choisira celui-là. Mais ça on ne le sait pas, explique Théo Diricq (Warner Bros.) Aucun indicateur en lui seul n’a de signification. On est obligé d’avoir une approche multifacto- rielle, le taux de complétion doit forcément être couplé à autre chose. » Avec son approche très user-friendly, la marque Michel & Augustin associe les plateformes et attache de l’importance à l’interaction. «  Nous avons une audience plus âgée. Nous avons adapté chaque vidéo à chaque plateforme, courte sur Facebook plus longue sur YouTube où l’on publie des tutos. Pour ce qui est de la mesure sur les vidéos publiées sur Facebook, on pouvait voir que ça fonctionnait bien au niveau des interactions, au niveau de la com- munauté qui interagissait beaucoup plus que sur YouTube  », détaille Mathis Behaegel. Selon Stéphane Roumier (Vertical Station), «  il est compliqué de mesurer de l’engagement sur moins de 10 secondes, c’est du clic ou du reach. Nous regardons la complétion, l’idéal étant 30-40  % autour de la minute, avec des taux d’engagement de 10-20  %, c’est-à-dire des gens qui vont consommer, commenter, partager, li- ker nos contenus. Le taux de complétion c’est un indicateur important, mais c’est aussi un trompe-l’oeil. La première chose qui fait qu’une personne reste ou skip, c’est son habitude. Par exemple, les moins de 20 ans skippent très vite, même lorsque la vidéo leur plaît, parce que leur habitude c’est de quitter au bout de 5 se- condes, et à l’inverse, on a des tranches d’âge qui restent jusqu’au bout de 30 secondes et qui en fait ne sont pas du tout intéressées. Donc le taux de complétion est important, mais ça n’est pas une valeur absolue et ça dépend aussi de ce qu’on en fait. » Pour illustrer son propos, Théo Diricq (Warner Bros.) rebondit sur une question de l’audience, concernant la transposition de ces démarches dans un domaine B2B, loin de l’entertainment, comme l’assurance «  Si le pu- blic est ciblé et qu’il regarde jusqu’au bout la vidéo ou le live, cela signifie que l’objectif est atteint, que vous allez vendre vos assurances. A l’inverse quand on vend un film ou une série télé, le taux de complétion seul n’est pas suffisant. » La question de la complétion est d’autant plus complexe qu’elle est également prise en compte par la plateforme pour le statut de la vidéo. «  Sur Facebook, si on est en dessous de 30 secondes de complétion, l’algorithme péna- « Aucun indicateur en lui seul n’a de signification. On est obligé d’avoir une approche multifactorielle, le taux de complétion doit forcément être couplé à autre chose. » Théo Diricq (Warner Bros.)