Lignes directrices pour l'analyse sociale du cycle de vie des produits
Impactsenvironnementaux
1. Gaétan A. Leduc
Michel Raymond
Un outil d’aide à la décision
Gaétan A. Leduc
Michel Raymond
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
L’ÉVALUATIONDESIMPACTSENVIRONNEMENTAUX
Préface de
Normand Trempe
Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impacts
Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales en langue française!
Il faut se réjouir à la sortie de chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la
Francophonie, l’utiliser et le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’in-
fluence, peuvent en tirer profit.
Les auteurs nous font profiter de plusieurs années de travail et d’enseignement universitaire,
au Canada et à l’étranger, ce qui leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils
savent, d’expérience, quels sont les concepts plus difficiles à saisir et peuvent ainsi mettre plus
l’accent, à l’aide d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés
très actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les asso-
ciations et les ONG œuvrant dans le domaine des évaluations des impacts environnementaux
(ÉIE), ce qui confère un caractère actuel et pratique à leur ouvrage.
Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes, ingénieurs,
politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire un tel ouvrage.
(Extraits de la préface de Normand Trempe, Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts)
L’évaluation des impacts environnementaux, un outil d’aide à la décision présente un tour
d’horizon complet des notions à assimiler. Il permet un apprentissage progressif des méthodes et
des procédures reconnues en matière d’ÉIEet comporte des exemples en provenance de la Fran-
cophonie tirés de l’expérience internationale des auteurs.
• Le contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Le processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux.
• La procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Les éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Les méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux.
• La collecte de l’information et la présentation des résultats.
• Le contexte de la négociation environnementale.
• La modification du projet et les mesures d’atténuation des impacts.
• La critique, la validité et l’efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux.
LES AUTEURS
Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environ-
nement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et candidat au
doctorat en aménagement de l’Université de Montréal. Il est professeur
chargé de cours au Département de physique et de géographie ainsi qu’en
maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM. Il participe aussi comme
chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de la même univer-
sité. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation environnementale
stratégique et la gestion de l’environnement.
Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université
de Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques
de l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences
de l’environnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles
portent sur l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide
à la décision. De 1997 à 2000, le professeur Raymond a dirigé le Département
de gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).
ISBN 2-921146-98-3
,!7IC9C1-begjic!
GaétanA.Leduc
MichelRaymond
2.
3.
4. Un outil d’aide à la décision
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
5.
6. Un outil d’aide à la décision
Gaétan A. Leduc
Michel Raymond
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
Préface de
Normand Trempe
Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impacts
7. Données de catalogage avant publication (Canada)
Leduc, Gaétan A.
L’évaluation des impacts environnementaux
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 2-921146-98-3
1.Environnement – Études d’impacts.2.Environnement – Évaluation du risque.3.Environnement
– Études d’impacts – Méthodologie. I. Raymond, Michel. II. Titre.
TD194.6.L42 2000 333.7'14 C00-940878-7
Révision linguistique: Steve Laflamme
Design de la couverture: Gérard Beaudry
ISBN 2-921146-98-3
Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2000
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tél.: 010/ 42 03 44; téléc.: 010/ 42 03 52
Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entre-
mise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités
d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)
pour son aide à l’édition et à la promotion.
Les Éditions MultiMondes remercient également les ministères de l'Environnement et des Relations
internationales du Québec pour le soutien particulier qu’ils ont accordé à cet ouvrage.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Imprimé au Québec sur du papier recyclé et exempt d’acide
8. Avant-propos
Les auteurs du présent document sont Gaétan A. Leduc et Michel Raymond, res-
pectivement professeur chargé de cours et professeur titulaire de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM).
• GaétanA.Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environnement
de l’UQAM et candidat au doctorat en aménagement de l’Université de
Montréal. Il est professeur chargé de cours au Département de physique et de
géographie, ainsi qu’en maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM.
Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement
(ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation
environnementale stratégique et la gestion de l’environnement.
• Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université de
Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques de
l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’en-
vironnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur
l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide à la décision.
Le professeur Raymond est actuellement (1997-2000) directeur du Département
de gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).
9. VIII
L’évaluation des impacts environnementaux
Les auteurs tiennent à remercier tous les étudiants de l’UQAM et de l’extérieur
du pays qui ont suivi et inspiré le développement de ce document au cours des der-
nières années, ainsi que tout particulièrement Isabelle Laporte (biologiste-géographe)
et Sophie Corriveau (biochimiste) pour leur précieuse participation à la rédaction
et à l’illustration du propos ainsi que Jean-NoëlVigneault (auparavant Chef de ser-
vice au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et maintenant Directeur
adjoint à la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l’Édu-
cation du Québec) qui a conçu et piloté le projet de publication, pour son appui
indéfectible.
Nous remercions chaleureusement les collaborateurs suivants pour leurs précieux
conseils et leurs judicieux commentaires lors de la révision finale du texte :
Yves Comtois (Directeur de projets chez SNC-Lavalin Environnement inc.);
Michel Gariépy (Doyen de la Faculté de l’Aménagement de l’Université de
Montréal);
Luc Valiquette (Professionnel du ministère de l’Environnement du Québec);
Normand Trempe (Directeur du Secrétariat francophone de l’Association inter-
nationale d’évaluation d’impacts) qui a par ailleurs aussi rédigé la préface.
Université du Québec à Montréal
Institut des sciences de l’environnement
Case postale 8888, succursale Centre-ville
Montréal (Québec)
H3C 3P8
Courriel: leduc.gaetan@uqam.ca
Courriel: raymond.michel@uqam.ca
10. Préface
Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales vient d’être
publié en français! Par sa vocation, le Secrétariat francophone de l’Association inter-
nationale pour l’évaluation d’impacts favorise la publication et la diffusion de docu-
mentation sur les évaluations d’impacts environnementaux (ÉIE), le développement
durable et la participation publique. C’est pourquoi il faut se réjouir à la sortie de
chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la Francophonie, l’utiliser et
le recommander à ses collègues et à tous ceux qui,dans leur cercle d’influence,peuvent
en tirer profit.
Dans le cas du présent ouvrage, les auteurs nous font profiter de plusieurs
années de travail et d’enseignement universitaire, au Canada et à l’étranger, ce qui
leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils savent, d’expérience, quels
sont les concepts plus difficiles à saisir, et peuvent ainsi mettre plus l’accent, à l’aide
d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés très
actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les
associations et les ONG œuvrant dans le domaine des ÉIE, ce qui confère un carac-
tère actuel et pratique à leur ouvrage.
Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes,
ingénieurs, politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire, ne serait-ce qu’à
parcourir, un tel ouvrage, et cela pour cinq bonnes raisons.
11. X
L’évaluation des impacts environnementaux
La première est qu’il faut briser le mythe qui veut que les ÉIE constituent un ob-
stacle au développement économique. Certaines personnes croient sincèrement que
ce processus a été inventé délibérément par des écologistes radicaux pour empêcher
tout développement. La lecture de ce volume, en particulier le chapitre 1, démontre
au contraire que son objectif est d’assurer la continuité du développement et que la
réalisation de projets est à la base même des ÉIE.En effet,sans projet,il n’y a pas d’ÉIE.
Comme la planification, les montages financiers, les plans et devis et les appels
d’offre, les ÉIE font partie du processus de développement, permettant de voir où l’on
va, quelles sont les conséquences d’un projet, comment l’insérer dans le milieu, ainsi
que de prévoir et surtout de corriger le tir pour éviter des erreurs coûteuses. Quel
industriel refuserait d’entendre un ingénieur le mettant en garde contre tel équipe-
ment ou tel procédé qui a déjà donné de mauvais résultats et risque de paralyser son
entreprise? Pourquoi alors refuser ou tenter d’éviter une étude sérieuse et méthodique
qui pourrait mettre en lumière les problèmes environnementaux ou sociaux pouvant
résulter d’un projet et dont le promoteur risque d’être tenu responsable et d’en payer
les frais?
Certains évoquent les fameux délais occasionnés par ce processus d’ÉIE, surtout
lorsqu’il y a audiences publiques. À cela, il y a trois réponses: la première, c’est qu’il
y a moyen d’intégrer l’évaluation environnementale à l’ensemble du processus de pla-
nification,plutôt que d’attendre à la toute fin pour réaliser cette étape comme un appen-
dice coûteux et inutile. La seconde, c’est que la plupart des réglementations régissant
les ÉIE prévoient des délais maximums limitant le processus à des durées très rai-
sonnables: ces délais sont d’ailleurs bien modestes par rapport à l’ensemble de la pla-
nification d’un projet, qui s’étale souvent sur des années. Enfin, la troisième réponse
tient au fait que les promoteurs eux-mêmes sont souvent responsables de longs délais
lorsqu’ils tardent à fournir des informations requises.
Il importe de briser ce mythe, donc, qui, heureusement, tient de moins en
moins. À preuve, ne remarque-t-on pas que les pays les plus développés, ceux qui ont
connu la plus forte croissance ces dernières années, sont ceux qui ont appliqué le plus
rigoureusement des processus d’évaluation environnementale? A contrario, les pays
les moins développés n’ont généralement pas de réglementation applicable à cet effet.
Le phénomène se vérifie même dans les variations des taux de développement éco-
nomique: lorsque le corpus réglementaire n’est pas renouvelé, mis à jour, resserré,
l’économie prend généralement du retard dans son développement par rapport à celle
des compétiteurs. La réglementation environnementale comme moteur de dévelop-
pement économique? Pourquoi pas! Plusieurs pays n’auraient rien à perdre à l’es-
sayer.
12. XI
Préface
Une fois ce mythe enrayé, la seconde raison de lire cet ouvrage est de comprendre
comment fonctionne le processus des ÉIE. C’est l’objectif premier de ce livre et il y
arrive très bien, car non seulement expose-t-il la mécanique des évaluations, mais il
fait comprendre le rôle et la raison d’être des diverses étapes. En abordant l’ouvrage
avec ouverture et intérêt, on peut alors découvrir tout le potentiel que recèle le pro-
cessus d’évaluation d’impacts.
Ceci nous amène à une troisième raison pour laquelle je souhaite voir les déci-
deurs lire ce volume: ils seront maintenant en mesure de s’approprier le processus,
de s’associer à la démarche et de participer activement et positivement à toutes les
étapes, y compris aux audiences publiques.
En effet, on a trop longtemps fait de ce processus un domaine réservé aux éco-
logistes, alors qu’en réalité il s’agit d’abord et avant tout d’un outil de planification
à l’usage des développeurs. C’est la raison pour laquelle le promoteur est lui-même
responsable de réaliser l’ÉIE,et il doit voir cette obligation non pas comme un pensum
mais comme une occasion de s’assurer de l’acceptation sociale de son projet, de l’amé-
liorer et parfois même d’en faire la promotion.C’est une piste d’essai qui lui est offerte
pour vérifier le comportement du projet et faire des ajustements à peu de frais plutôt
que d’agir après coup, lorsque les travaux sont réalisés ou, pire, lorsque d’importants
dommages environnementaux sont survenus.
Les administrateurs responsables de l’application des processus d’ÉIE peuvent
fournir de nombreux exemples des sommes considérables qui ont été épargnées par
les promoteurs en suggérant des modifications, des améliorations ou des modes de
fonctionnement différents, parfois simplement en posant les bonnes questions.
Aussi voit-on de plus en plus de grandes entreprises intégrer volontairement les ÉIE
dans leurs opérations de planification et participer volontiers à toutes les étapes, y
compris aux audiences publiques, qui en somme leur offrent une excellente occasion
de valoriser leur projet. Voilà une attitude à encourager.
La quatrième raison de lire ce livre, c’est l’élargissement de l’application du pro-
cessus d’évaluation d’impacts.En effet,ce processus a d’abord été développé pour déter-
miner (et prévenir ou atténuer) les conséquences environnementales appréhendées
d’un projet. Mais la notion d’impacts environnementaux a été progressivement
élargie aux impacts sociaux, culturels, économiques; le processus est maintenant uti-
lisé pour évaluer les programmes, politiques, plans, réglementations… dans un
esprit de prévoyance, de saine gestion et, somme toute, d’économie à moyen et à long
terme. La tendance d’ailleurs incite à évaluer les impacts le plus en amont possible
des stades de planification des projets.
13. XII
L’évaluation des impacts environnementaux
Cette évolution des pratiques d’ÉIE n’est sûrement pas terminée et l’intérêt de
nouveaux décideurs pourra permettre de découvrir de nouvelles applications au pro-
cessus d’évaluation,à l’intérieur du cycle général de planification et de gestion du déve-
loppement.
Enfin, le cinquième avantage que les acteurs du développement peuvent décou-
vrir dans ce volume est le fait d’avoir l’occasion de participer à l’évolution du pro-
cessus d’ÉIE lui-même. Maintenant qu’ils en connaissent les objectifs, la raison
d’être, le fonctionnement et la portée, peut-être peuvent-ils proposer des ajustements,
des variantes,des améliorations qui permettraient d’en augmenter l’efficacité,de favo-
riser l’adhésion des développeurs ou d’améliorer la participation des personnes
concernées par les projets.
Les modifications réglementaires sont souvent longues et ardues, car le pouvoir
politique recherche généralement un «juste milieu», un consensus pour ne pas dire
un compromis entre diverses tendances dans la société.Après avoir parcouru cet ouvrage,
les milieux du développement économique devraient être plus à même d’accepter les
améliorations proposées au processus d’évaluation d’impacts,sinon de se l’approprier
et de s’en faire eux-mêmes les promoteurs et les défenseurs.
Normand Trempe, M. Ing.
Directeur du Secrétariat francophone de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impact
22. XXI
Table des matières
Figure 5.14 Exemple de superposition cartographique à la McHarg . . . . . . . . . 230
Figure 5.15 Superposition photographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
Figure 5.16 Superposition du tracé probable de l’emprise d’une conduite
souterraine d’eau potable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236
Figure 5.17 Évolution temporelle par superposition cartographique.
Développement urbain de Conakry (Guinée): 1900-2020 . . . . . . . 239
Figure 5.18 Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur»
dans la méthode de Batelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
Figure 5.19 Évaluation de l’importance de l’impact selon Batelle . . . . . . . . . . . 246
Figure 5.20 Méthodes économiques de fixation de la valeur . . . . . . . . . . . . . . . 252
Figure 5.21 Matrice désagrégée de Holmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Figure 5.22 Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes) . . . . . . . 262
Figure 5.23 Tableau du classement final des alternatives (Holmes) . . . . . . . . . . 263
Figure 6.1 Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis . . . . . . 275
Figure 6.2 Présentation comparative d’une même matrice. . . . . . . . . . . . . . . . 282
Figure 7.1 Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein . . . . . 310
Figure 8.1 Représentation schématique des divers moyens
de réduire l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332
Figure 8.2 Matrice comparative de deux tracés possibles,
selon de multiples critères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
Figure 8.3 Liste de mesures générales d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342
Figure 8.4 Liste de mesures courantes d’atténuation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343
Figure 8.5 Liste de mesures d’atténuation particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
Figure 8.6 Deux exemples de mesures courantes d’atténuation
et une mesure particulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346
Tableau 7.1 Typologie simplifiée de la négociation environnementale
et exemple d’accords entre les parties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
Tableau 7.2 Techniques de communication avec le public . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Tableau 7.3 Typologie de résolution de conflits en environnement . . . . . . . . . . 325
23.
24. Introduction
a prise en compte de l’environnement dans la gestion des affaires humaines est
une activité relativement nouvelle. Jusqu’à tout récemment, seules les contraintes
techniques et les possibilités financières déterminaient les composantes d’un projet.
Les rares préoccupations environnementales ne concernaient qu’un nombre très res-
treint de problèmes particuliers. Le développement de nos sociétés s’est ainsi réalisé
sans qu’interviennent activement les questions environnementales dans les processus
de prise de décision.
Au cours des années 1960, l’environnement est apparu comme une question de
plus en plus préoccupante.Les milieux naturels reculaient rapidement devant les avan-
cées de la «civilisation» et les milieux bâtis devenaient à leur tour un enjeu de qua-
lité de vie. L’environnement, qu’il soit naturel ou aménagé, s’érigeait graduellement
comme un obstacle au développement sans bornes. Cela semblait encore plus évi-
dent pour ceux qui envisageaient un développement qui soit viable à long terme.
La réduction des conséquences négatives des activités humaines sur l’environne-
ment nécessite donc une démarche de prévention qui favorise des choix plus judicieux
que ceux du passé. En conséquence, le développement futur de nos sociétés ne pou-
vait s’accomplir que par l’utilisation de processus et d’outils d’évaluation environne-
mentale.Parmi les options offertes à cet effet,l’évaluation des impacts environnementaux
L
25. 2
L’évaluation des impacts environnementaux
(ÉIE) représentait un tel outil de planification et de gestion des activités humaines.
En émergence à l’époque, l’évaluation des impacts environnementaux se présentait
comme un outil idéal de prise en compte, de protection et de mise en valeur de l’en-
vironnement, et ce, avant qu’une décision irrémédiable ne soit prise. Depuis, la pra-
tique de l’ÉIE est devenue l’outil principal de prise en compte de l’environnement dans
la planification des activités de développement. Compte tenu de la place qu’elle
occupe désormais dans nos sociétés, et malgré les limites et les oppositions exposées
par trente ans de mise en œuvre, l’ÉIE s’avère l’un des instruments clés de la réalisa-
tion du développement durable.
Dans plusieurs pays,ce n’est que tout récemment que l’évaluation des impacts envi-
ronnementaux est apparue, sans nécessairement devenir une pratique courante.
D’abord employée dans les pays industrialisés, et pour un certain nombre de projets
seulement, l’ÉIE se propage peu à peu à l’ensemble des pays et pour un éventail plus
étendu de projets.L’actuel engouement pour l’utilisation des ÉIE,particulièrement dans
les pays dits «en voie de développement», relève en grande partie de la mondialisa-
tion des préoccupations environnementales.La mise en place de procédures d’ÉIE par
les grands bailleurs de fonds internationaux,notamment de la part de la Banque mon-
diale,en est un exemple patent.Dans la poursuite de cette volonté internationale d’in-
sérer l’ÉIE comme mécanisme usuel des administrations publiques et privées,les entre-
prises se dirigent elles aussi vers l’élaboration de «politiques environnementales
corporatives» comprenant habituellement des procédures d’évaluation d’impacts.
L’influence des pressions publiques en faveur du développement durable et la conser-
vation de l’environnement, ainsi que le respect de la réglementation, incitent de plus
en plus d’entreprises publiques et privées à adopter de tels outils de gestion.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de démarche complète et universelle de prise en
compte des impacts environnementaux, trop d’aspects étant spécifiques à des par-
ticularités locales ou nationales, comme nous le verrons au cours des trois premiers
chapitres. Il n’existe pas non plus de méthode d’évaluation applicable partout et, dans
tous les cas, aucune de celles proposées jusqu’ici n’est assez complète pour prétendre
le contraire. Une panoplie de méthodes et d’approches méthodologiques (démarche
et procédure) furent donc proposées depuis le début des années 1970, sans toutefois
qu’aucune ne suscite encore l’unanimité ni ne prétende sérieusement à l’universa-
lité. Les nombreux échanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impacts
ont cependant permis l’émergence d’un consensus relatif autour d’un certain nombre
d’éléments méthodologiques minimums et de pratiques usuelles reconnues. En ce
sens, l’International Association for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essen-
tiel de promotion et de formation à travers la planète, mais aussi de coordination et
26. 3
Introduction
de concertation des diverses interventions en vue d’une cohésion éventuelle des pro-
cédures et des pratiques.
Les composantes techniques et les éléments de l’environnement d’accueil, ainsi
que les exigences administratives et réglementaires, sont spécifiques à chacun des pro-
jets.Il est donc hors de question de reprendre intégralement les données et les méthodes
employées par des études antérieures. Toutefois, les méthodes employées et les résul-
tats obtenus peuvent fréquemment être transposés aux fins d’études ultérieures, en
particulier si ceux-ci sont clairement exposés et reproductibles. La nature même du
projet, autant que la compétence et les moyens dont dispose l’équipe d’évaluateurs,
détermine grandement l’approche méthodologique retenue et ultimement la ou les
méthodes d’examen employées.Le contexte législatif et réglementaire délimite lui aussi
le choix des approches utilisées, sans pour autant être dirigiste ni impératif, sauf par-
fois en ce qui concerne le contenu du rapport à être présenté aux autorités.
L’évaluation des impacts environnementaux implique la mise en commun, par-
fois même la confrontation, d’aspects multidisciplinaires de la connaissance. L’étude
ne peut se construire qu’en faisant appel à l’expertise de diverses disciplines,étant donné
la nature multidimensionnelle de l’environnement et de la plupart des projets. C’est
ainsi que les notions techniques et de génie se combinent à celles des sciences phy-
siques, chimiques et biologiques, aussi bien qu’à celles des sciences sociales, géogra-
phiques, politiques, économiques et de la santé. En conséquence, l’ÉIE doit s’exécuter
dans un contexte d’interdisciplinarité ou, à tout le moins, de multidisciplinarité.
Nous pouvons définir de façon préliminaire l’évaluation des impacts environ-
nementaux comme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur les
impacts prévisibles,tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée
(projet,politique,programme) sur un environnement donné.Selon nous,le processus
d’ÉIE renferme trois objectifs distincts mais convergents. Il aspire d’abord à connaître
avec le plus de justesse possible l’importance de l’impact environnemental d’un projet.
Il s’agit donc d’évaluer l’ampleur des modifications qui affecteront l’environnement.
L’ÉIE vise ensuite à réduire les conséquences environnementales néfastes de l’inter-
vention, notamment par l’amélioration du projet initial et la mise en place de
mesures d’atténuation.Enfin,l’ÉIE constitue une composante importante du processus
même de décision,notamment pour l’acceptation sociale d’un projet.En effet,cet examen
participe au processus démocratique préalable à une prise de décision avisée visant
une meilleure intégration du développement dans son milieu d’accueil.
Contrairement à la manière habituelle de la concevoir, l’ÉIE définie selon ces trois
objectifs peut devenir une réelle démarche de prise en compte de l’environnement
27. 4
L’évaluation des impacts environnementaux
dans l’examen d’un projet. L’ÉIE ne résout pas tous les problèmes environnemen-
taux et surtout pas ceux résultant d’erreurs passées. L’ÉIE n’est pas la panacée à tous
les maux qui affectent notre environnement planétaire. L’ÉIE aspire cependant à pré-
voir, à réduire et à légitimer l’impact environnemental du développement à venir.
Le présent document vise l’acquisition des multiples compétences nécessaires afin
de comprendre, d’analyser ou de rédiger un rapport d’évaluation ainsi que d’inter-
préter, de participer ou d’organiser un processus d’examen. La démarche poursuivie
vise donc l’apprentissage des composantes méthodologiques essentielles, la com-
préhension d’un processus type d’étude et la connaissance des plus usuelles méthodes
d’évaluation. Cette démarche s’inscrit dans le contexte de l’incorporation de l’éva-
luation des impacts environnementaux, couramment nommée «étude d’impacts sur
l’environnement»,dans les processus décisionnels des diverses autorités,tant du domaine
public que privé. D’autre part, ce livre s’adresse autant aux planificateurs, aux ges-
tionnaires, aux décideurs, aux formateurs et aux évaluateurs qu’aux divers spécialistes
chargés de la prise en compte de l’environnement. Il s’adresse aussi à tous ceux qui
sont intéressés par ce domaine de la connaissance et tout particulièrement aux étu-
diants en environnement ainsi que des disciplines connexes.
L’apport principal de notre ouvrage à l’avancement des connaissances et des pra-
tiques en ÉIE est triple. Notre contribution se retrouve d’abord dans la présentation
systématique des multiples éléments méthodologiques à prendre en compte pour un
examen complet (chapitre 4). Elle se situe ensuite dans la manière originale de dis-
poser ces différents éléments méthodologiques selon les trois niveaux d’examen de
l’ÉIE: scientifique, technique et politique (chapitres 4 et 6 à 8). Enfin, nous propo-
sons une typologie originale des multiples méthodes d’examen des impacts selon cinq
axes d’étude: expertise; modèles et systèmes; représentation spatiale et cartographique;
méthodes comparatives unicritères; et méthodes comparatives multicritères (chapitre 5).
Mais avant d’aborder de plain-pied les fondements méthodologiques de notre tra-
vail, il nous faut survoler le contexte global dans lequel se meut l’ÉIE (chapitre 1) et
délimiter son cadre habituel d’intervention, c’est-à-dire son processus général d’étude
(chapitre 2). Nous porterons ensuite notre attention sur diverses procédures parti-
culières d’examen (chapitre 3),afin de constater l’étendue des possibilités d’intervention
mises en œuvre un peu partout à travers le monde ainsi que par les diverses organi-
sations appelées à intervenir dans la pratique de l’ÉIE.
Nous croyons que, telle que présentée ici, l’ÉIE deviendra un meilleur outil d’aide
à la décision. En conséquence, le processus d’examen des projets de développement
n’en sera que plus efficace et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs impliqués par
28. 5
Introduction
l’avenir de nos sociétés.En définitive,l’objectif de notre travail rejoint le souhait exprimé
par plusieurs à l’effet que l’évaluation des impacts environnementaux puisse devenir
une démarche reconnue et efficace de prise en compte des préoccupations environ-
nementales, au même titre que les aspects techniques et économiques, afin de «cesser
d’être une justification a posteriori d’une décision prise a priori pour devenir le sup-
port d’une véritable négociation environnementale» (Gouguet, 1992).
29.
30. 1
Chapitre
Contexteglobaldel’évaluation
desimpactsenvironnementaux
évaluation environnementale s’inscrit dans des contextes divers et apparemment
paradoxaux. Selon le point de vue et les intérêts de chacun, la perception de l’éva-
luation d’impacts, et tout particulièrement son utilité même, varie considérablement.
Il est fréquent de constater que l’évaluation environnementale est perçue comme un
objet de controverse. Selon le point de vue de l’observateur, le jugement porté sur le
rôle, la place et l’utilité de l’ÉIE diffère considérablement, passant de la panacée de
tous les problèmes environnementaux à l’inutile contrainte, avec bien sûr toutes les
appréciations intermédiaires possibles.
Pour plusieurs, l’évaluation d’impacts n’est qu’un obstacle au progrès. Elle appa-
raît alors comme une rigide et coûteuse procédure imposée aux «développeurs».
Plusieurs promoteurs1 perçoivent l’ÉIE comme une contrainte supplémentaire dont
ils se passeraient volontiers, notamment à cause de l’allongement des délais d’exé-
cution et des coûts supplémentaires de préparation. Pour certains d’entre eux, cette
contrainte ne représente alors qu’une pénible, voire inutile, dépense de temps,
d’énergie et d’argent.Par contre,pour certains opposants au développement sans bornes,
L’
1. Nous employons le terme « promoteur » dans le sens large d’instigateur et de responsable du projet,
et non pas simplement dans celui de soutien financier à la construction des installations. Ce terme
est équivalent à «maître d’ouvrage» ou «maître d’œuvre».
31. 8
L’évaluation des impacts environnementaux
les procédures actuelles d’ÉIE sont trop favorables aux «développeurs», l’environ-
nement n’étant pas adéquatement pris en compte face aux aspects techniques et finan-
ciers omniprésents. Pour d’autres, enfin, l’ÉIE peut devenir un mécanisme efficace
de conciliation entre les actions des entrepreneurs et la conservation de l’environ-
nement, et ce, même si l’ÉIE n’est pas un processus neutre d’examen. L’ÉIE consti-
tuerait dans ce cas, malgré ses limites encore trop évidentes, un véritable outil de pla-
nification environnementale, notamment par son indispensable valeur préventive.
Le développement ne représenterait plus alors une longue suite de contraintes
néfastes sur l’environnement, sans possibilités d’atténuation, d’apprentissage et de
recherche de compromis.
L’ÉIE peut être perçue comme une activité se situant dans un cadre général de ratio-
nalisation des activités humaines. Il s’agit alors de l’intégrer dans les processus de ges-
tion et de planification des diverses administrations et autorités impliquées.Son action
s’effectue aussi par l’«internalisation» du coût des dommages environnementaux.Cela
signifie que les dommages environnementaux, notamment les «coûts sociaux», sont
pris en compte dans la comptabilité usuelle des projets, ce qui n’est habituellement
Deux églises, deux approches de développement
En plein centre-ville, sur la principale artère commerciale de Montréal, deux petites églises
distantes d’à peine 300 mètres exposent deux stratégies divergentes de développement.
À des époques différentes et dans des contextes distincts de gestion, chacune des deux
administrations religieuses a opté pour une stratégie particulière de mise en valeur de
son terrain afin de faire face à des problèmes financiers similaires.
Au cours des années 1930, la première institution laissa le secteur commercial imposer
son type de développement. Ainsi, les nouveaux commerces implantés en façade du ter-
rain obstruent complètement la vue sur le bâtiment, de telle sorte qu’il faut être très attentif
pour ne pas rater l’entrée de l’église. Le développement commercial n’est aucunement
intégré à son milieu d’accueil.
À l’opposé, la deuxième institution approuva au cours des années 1980 un développe-
ment commercial de plus grande ampleur mais qui ne perturbait aucunement l’esthé-
tisme du bâtiment ancien. Le nouveau centre commercial a en effet été construit sous
l’église et les terrains adjacents, tout en respectant l’architecture et l’esthétisme des bâti-
ments anciens, de sorte qu’actuellement, le bâtiment patrimonial en surface, ainsi que
les commerces en-dessous, représente l’un des endroits de la ville les plus fréquentés et
photographiés par les touristes.
Les deux photos juxtaposées de la figure 1.1 exposent clairement les résultats de ces deux
approches différentes de prise en compte de l’environnement dans le développement.
32. 9
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
pas le cas. Sans l’internalisation des conséquences environnementales et sans l’insti-
tutionnalisation réelle de l’ÉIE, le rôle probable de l’ÉIE dans la voie du développe-
ment durable pourrait n’être qu’illusoire, ou à tout le moins subordonné aux impé-
ratifs économiques et techniques. L’ÉIE peut alors devenir un excellent outil de
planification dans le sens du développement durable. Le rapport de la Commission
mondiale sur l’environnement et le développement, le rapport Brundtland (CMED,
1988), recommandait d’ailleurs formellement la tenue d’évaluations environnemen-
tales.
Toutefois, afin d’accéder à un rôle de véritable support du développement
durable, l’ÉIE se doit d’influencer la prise de décision. En l’absence d’une véritable
influence sur la prise de décision, l’ÉIE ne pourrait demeurer que justification a pos-
teriori. L’harmonisation des activités de développement avec leurs environnements
d’accueil devra être aussi impérieuse que les considérations actuelles de rentabilité
financière. De plus, l’ÉIE peut représenter un outil fort utile d’aide à la décision, par-
ticulièrement s’il s’inscrit dans un processus de consultation publique.
Figure 1.1
Deux approches de développement
Interzone photographie
33. 10
L’évaluation des impacts environnementaux
L’évaluation des impacts environnementaux peut concerner tout autant l’étude
d’une politique ou d’un programme qu’un projet bien précis de nouvelles installa-
tions. La plupart des spécialistes actuels accordent une large place à l’ÉIE, ne la can-
tonnant pas uniquement dans le cadre restreint des projets. D’ailleurs, dans le texte
fondateur de l’ÉIE, le «National Environmental Policy Act (NEPA)», l’examen com-
prenait les projets, les politiques et les programmes. La pratique a trop souvent réduit
l’ÉIE au seul examen de projets. Elle fut donc rarement utilisée pour l’examen de poli-
tique ou de programme. Par ailleurs, l’ÉIE diffère de l’audit environnemental sous
plusieurs aspects, notamment parce que ce dernier s’intéresse à des activités ou à des
installations déjà existantes, ce qui limite bien entendu les possibilités d’intervention.
Afin de pouvoir mieux comprendre le contexte global dans lequel elle s’exprime,
il faut envisager que l’évaluation des impacts environnementaux renferme un triple
objectif. L’ÉIE n’est donc pas unidimensionnelle, comme trop d’acteurs impliqués le
supposent habituellement. Selon les attentes propres à chacun des acteurs, ceux-ci
seront conduits à prévilégier l’un ou l’autre des objectifs, négligeant un peu les deux
autres. En conséquence, les efforts de chacun s’orienteront plus ou moins vers l’at-
teinte de leur objectif majeur. C’est ainsi que, trop souvent, le travail de l’ingénieur
à la solde du promoteur convergera vers l’atténuation des impacts prévisibles afin de
permettre l’acceptation du projet. De son côté, le biologiste de l’organisme de con-
trôle cherchera à connaître avec précision tous les éléments environnementaux du
milieu d’accueil, sans porter trop d’attention à leur pertinence véritable par rapport
aux enjeux du projet en cause, ni tenir compte des ressources et des moyens dispo-
nibles. Enfin, le porte-parole d’un groupe de pression opposé au projet concentrera
ses efforts et son action sur la remise en question de la justification du projet, et il
tentera désespérément de prolonger et de multiplier les lieux de manifestation des
oppositions au projet. En fait, tous ces acteurs manifestent des préoccupations légi-
times et utiles à l’ÉIE. Cependant, ils oublient parfois que les autres participent aussi
utilement qu’eux au processus complet et multidimensionnel d’évaluation d’impacts.
Le processus d’ÉIE vise d’abord à connaître, le plus justement possible, l’impact
véritable des activités envisagées dans le cadre du projet, que cet impact soit positif
ou négatif. Il s’agit donc de répondre à la question suivante: quelle sera l’importance
des modifications environnementales occasionnées par les diverses activités propo-
sées? L’ÉIE aspire ensuite à minimiser l’impact environnemental des diverses acti-
vités projetées sur le milieu. Cela s’effectue notamment par la prise en compte des
éléments environnementaux dès les premières étapes d’élaboration d’un projet, en
évaluant le plus tôt possible les divers moyens de réduire les impacts anticipés et en
proposant des mesures d’atténuation plus adéquates lors de l’évaluation détaillée de
34. 11
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
celui-ci. Par ailleurs, il s’agit aussi de maximiser les impacts positifs, notamment les
impacts socio-économiques,afin de réduire l’impact environnemental global du projet.
Enfin, le dernier objectif, que certains oublient trop souvent, est que l’ÉIE permet la
validation du projet. Cela implique que les conditions requises tant du point de vue
légal, financier que social, et ce, pour les différents acteurs sociaux concernés par le
développement, ont été examinées convenablement. En fin de compte, l’ÉIE agit sur-
tout comme un outil scientifique de planification par sa première orientation, alors
que dans la seconde il s’agit plutôt d’une intervention technique corrective et, dans
la troisième, d’une saine stratégie de gestion (administrative et socio-économique).
ACTIVITÉ HUMAINE, IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET VIABILITÉ
La plupart des activités humaines modifient plus ou moins profondément le fonc-
tionnement des écosystèmes ou l’état de certains éléments de l’environnement, dont
bien entendu les êtres humains. Plusieurs des modifications environnementales
apparemment très éloignées du bien-être des humains affectent en retour l’en-
semble des conditions de vie de ces derniers. Il existe donc une grande interdépen-
dance entre les êtres humains et leur environnement. Trop longtemps négligée, cette
prise de conscience de l’intimité de l’«homme et de la nature» ne peut plus être négligée
aujourd’hui. Mais au-delà de la simple formulation de vœux pieux, la prise en
compte de l’impact environnemental des activités humaines requiert une compré-
hension des éléments et des problèmes impliqués, ainsi que l’emploi judicieux d’ou-
tils d’analyse et de gestion.
Depuis que l’être humain est devenu «la mesure de toutes choses», un vieux pos-
tulat philosophique de la Grèce antique, la dominance de l’homme sur les êtres et
les choses n’a fait que s’accentuer. Les progrès de la science au cours de la Renaissance
ont permis de croire qu’une transformation de l’environnement à «l’image de la volonté
de l’homme» (Dron, 1995) est un mode de gestion souhaitable et sans conséquence
grave.
Avec l’avènement de l’ère industrielle puis l’expansion de l’industrialisation, on
assiste à une hausse importante des pressions des activités humaines sur l’environnement.
Les deux derniers siècles ont abondamment, profondément et violemment modifié
le milieu, sans commune mesure avec la situation antérieure. La montée fulgurante
des exigences pour l’amélioration ou le simple maintien des conditions de vie de notre
«société de consommation» entraîne une pression grandissante sur l’environne-
ment.La croissance des impacts environnementaux est donc intimement liée au déve-
loppement récent des sociétés industrialisées et les effets se généralisent désormais à
35. 12
L’évaluation des impacts environnementaux
l’ensemble de la planète. De prime abord, on associe la détérioration de l’environne-
ment à une augmentation quantitative des impacts. À titre d’exemple de la quantité
croissante des impacts, mentionnons l’accumulation des déchets, l’accroissement des
rejets d’eaux usées, l’augmentation des gaz à effet de serre, le nombre impressionnant
de véhicules motorisés et l’ampleur nouvelle des infrastructures modernes.
Cependant, on mésestime parfois la croissance «qualitative» de l’impact envi-
ronnemental des nouvelles activités humaines. En effet, l’accroissement des agressions
des activités humaines sur l’environnement s’articule plutôt autour d’un double phé-
nomène, comme l’a si bien montré Commoner (1972). L’escalade des impacts envi-
ronnementaux s’effectue donc par deux voies bien différentes. La première est bien
sûr quantitative, la somme des impacts s’accroissant sans cesse2. L’autre, moins pres-
sentie,est de nature qualitative: on assiste à l’apparition d’impacts nouveaux.Le nombre
et l’ampleur des agressions sur l’environnement sont les paramètres déterminants du
premier phénomène, alors que pour le second, il s’agirait plutôt de la nature même
des agressions qui est en cause. Cette croissance qualitative de l’impact environne-
mental s’accompagne parfois d’impacts inconnus des mécanismes de régulation de
la nature ou difficilement assimilables par ceux-ci. Ne pensons ici qu’à la dispersion
des éléments radioactifs et aux nombreux produits de synthèse tels que les DDT, les
BPC et les CFC. Ce nouveau péril menace directement la santé de l’homme par son
contact ou indirectement par l’entremise de la chaîne alimentaire,en plus de ses consé-
quences globales et universelles sur les grands cycles de la nature.
La montée de l’industrialisation n’est toutefois pas l’unique modification affec-
tant le nouvel «équilibre» des humains avec leur environnement. Dans bien des cas,
cependant, ces autres altérations de l’environnement en sont le corollaire ou un pro-
longement presque inévitable. C’est ainsi que l’environnement est fortement perturbé
par l’introduction de nouveaux modes de transport, notamment par les chemins de
fer au XIXe siècle et les véhicules routiers au XXe, par les métamorphoses et l’exten-
sion de l’agriculture depuis une cinquantaine d’années et tout particulièrement au
cours des trente dernières années par l’urbanisation croissante et l’étalement urbain.
Plus récemment,le déploiement des espaces et des infrastructures nécessaires aux acti-
vités sportives et de loisirs ainsi que le tourisme vinrent stimuler les premiers éléments
2. Bien entendu, depuis l’état de la situation des années 1950 et 1960 évoquée par Commoner, plu-
sieurs progrès en sens inverse modifient la problématique environnementale.Ainsi, les progrès des
techniques de fabrication apportèrent des améliorations sensibles aux industries les plus polluantes,
des usines de traitement des effluents industriels et urbains furent construites un peu partout ou
sont en voie de l’être, et l’influence des procédures d’ÉIE mises en place depuis ce temps diminuent
la tendance inexorablement à la hausse observée par Commoner.
36. 13
perturbateurs et multiplier les lieux d’intervention, notamment en milieu naturel. Il
ne faudrait surtout pas oublier non plus la fulgurante augmentation des besoins éner-
gétiques et l’exploitation immodérée des ressources naturelles,les deux supports indis-
pensables de l’industrialisation. Ces derniers impliquent bien sûr les activités d’ex-
traction,de transformation et de production,mais aussi les encombrantes infrastructures
de transport et de distribution, sans oublier les conséquences ultimes de leur utili-
sation et de leur rejet.
Les besoins sans cesse grandissants des sociétés humaines provoquent donc la fré-
nétique activité de développement englobant désormais la planète entière. Les deux
grands facteurs contribuant à l’accentuation des besoins sont l’amélioration des niveaux
de vie, but ultime et justification de l’industrialisation, et la pression démographique.
Cette dernière est en augmentation continue, notamment depuis un siècle, comme
l’illustre la courbe de la figure 1.2.
Ces besoins accrus des sociétés humaines augmentent les demandes en matières
premières et en produits manufacturés, mais aussi en espaces et en énergie. Ils contri-
buent ainsi à l’extension des activités humaines ayant des incidences néfastes sur l’en-
vironnement.Conséquemment,une pression accrue est exercée sur l’environnement;
ne pensons qu’aux cas d’industrialisation anarchique et d’exploitation intensive et «irres-
ponsable» des ressources naturelles. Cette aggravation de la domination des sociétés
humaines sur l’environnement met en péril certains «équilibres fondamentaux de la
nature» et par le fait même constitue une menace pour la qualité de vie des humains
et de la biosphère. Malgré l’actuelle prise de conscience environnementale, plusieurs
pensent que «la santé de la
planète s’est détériorée à un
rythme sans précédent» au
cours des dernières années
(Brown,1992).Quoi qu’il en
soit, cette tendance ne
semble pas prête à s’essouf-
fler vis-à-vis de l’éventuelle
et inévitable amélioration
des conditions d’existence
dans les pays en voie de
développement, ce qui ne
peut qu’augmenter l’impact
global sur l’environnement
du globe.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 1.2
Évolution de la population mondiale: 1400-2000
1400
Milliardsd’habitants
1
1500 1600 1700 1800 1900 2000
2
3
5
6
4
37. 14
L’évaluation des impacts environnementaux
Les diverses activités humaines susceptibles d’être néfastes pour l’environnement
ne présentent pas toutes la même intensité. Leurs incidences sur le milieu sont d’une
plus ou moins grande ampleur. L’impact environnemental de projets différents n’est
donc nullement comparable: l’installation d’une conduite d’adduction d’eau potable
à partir d’un réservoir existant n’affecte habituellement pas autant l’environnement
que de nouvelles exploitations minières, par exemple. Comme toutes les activités
humaines ont des conséquences variables, les procédures d’ÉIE ne concernent que
certaines d’entre elles, idéalement celles qui sont les plus dommageables ou à plus
hauts risques.L’assujettissement d’un projet au processus d’ÉIE est la plupart du temps
déterminé à partir d’une liste des projets soumis à la procédure. Parfois, cette liste
d’inclusion est remplacée et/ou complétée par une liste d’exclusion. Ces deux listes
possibles sont quelquefois assorties de seuils d’assujettissement.Ces seuils correspondent
à la puissance au-delà de laquelle une centrale électrique sera soumise à la procédure,
par exemple, ou à la longueur minimale d’une ligne électrique ou d’une infrastruc-
ture routière. Nous verrons aussi que les projets sont souvent classés en diverses caté-
gories selon l’importance des impacts appréhendés. Ces diverses catégories de pro-
jets se voient ainsi attribuées des processus d’examen distincts, plus ou moins
minutieux et complets.
GENÈSE, HISTORIQUE ET PROSPECTIVES DE L’ÉIE
La pratique courante de l’évaluation des impacts environnementaux, comme outil
familier de gestion de l’environnement,nous fait parfois oublier que la prise en compte
de l’impact environnemental des activités humaines est une pratique relativement nou-
velle. Même si, de tout temps, des limites furent imposées aux débordements exces-
sifs du développement, elles étaient toutefois bien timides. L’on peut penser ici à cer-
taines coutumes traditionnelles des peuples autochtones et aux croyances populaires
des sociétés agricoles,ainsi qu’à un certain nombre de législations sectorielles en réponse
aux premières alertes résultant de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ces limites
se sont toutefois avérées insuffisantes par rapport au développement fulgurant des
techniques et de leurs multiples applications.Les modifications importantes des modes
de vie, particulièrement au vingtième siècle, minaient ces frêles barrières de protec-
tion de l’environnement. D’un côté, les humains sont désormais trop omniprésents
sur la surface de la terre pour pouvoir se déplacer constamment vers des lieux non
perturbés par leurs activités antérieures et, de l’autre, plusieurs activités nouvelles sont
souvent beaucoup plus néfastes que ne l’étaient les précédentes.
38. 15
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
Genèse de l’ÉIE
Dès les années 1950, l’impact néfaste de certaines activités humaines sur les écosys-
tèmes était dénoncé par plusieurs scientifiques et pionniers de la conservation de l’en-
vironnement.L’érosion des prairies du MiddleWest nord-américain et les conséquences
de plus en plus perceptibles des rejets d’eaux usées sur la qualité des cours d’eau ont
favorisé l’émergence de cette prise de conscience. Mais jusqu’à la fin des années 1960,
bien peu de contrôle des activités humaines sur l’environnement existait, comme si
cela n’avait alors que peu de conséquences. À l’époque, l’ÉIE ne trouvait des appli-
cations que de manière fragmentaire et indirecte, notamment par les rares «codes
de bonne pratique» et les quelques projets exceptionnellement envisagés sous l’op-
tique de l’aménagement du territoire. C’est ainsi, par exemple, qu’un ancien décret
de Napoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série de
mesures représentant une saine façon de faire; un code de bonne pratique environ-
nementale avant la lettre.
L’évaluation d’impacts est bien sûr tributaire de la perception globale de la société
concernant l’environnement en général. La mise en place de l’ÉIE s’inscrit ainsi dans
la suite des pressions publiques en faveur de la protection de l’environnement. Les
prémisses des interventions législatives américaines en environnement, et dans une
moindre mesure dans l’ensemble des autres pays industrialisés, sont liées entre
autres aux problèmes du phosphate dans les eaux usées, aux inquiétudes concernant
les approvisionnements en eau potable et à l’opposition aux essais nucléaires, des pro-
blèmes très populaires au cours des années 1950 et 1960.
Vers la fin des années 1960, les questions de sûreté des centrales nucléaires vinrent
augmenter considérablement les craintes du public et de certains scientifiques.De plus,
les nombreuses catastrophes environnementales au cours de ces années, notamment
aux États-Unis et au Japon, provoquèrent une intensification des pressions publiques
en faveur de la prise en compte des conséquences des activités humaines sur l’envi-
ronnement. La montée de la conscience environnementale américaine, et dans une
certaine mesure mondiale, faisait donc écho à une série de grandes catastrophes éco-
logiques réelles ou appréhendées. Parmi celles-ci, mentionnons les déversements acci-
dentels de pétrole sur les côtes de Californie et de Bretagne, mais aussi l’affaire de
Minamata au Japon et de Séveso en Italie, ainsi que les cris d’alarme lancés par un
certain nombre d’écologistes au cours de la même décennie,notamment Rachel Carson
aux États-Unis (Carson, 1962) et Jean Dorst en France (Dorst, 1966).
Tout cela entraîna la création d’organismes responsables des questions envi-
ronnementales et la mise en place de législations en ce sens. Un peu partout, il se
39. 16
L’évaluation des impacts environnementaux
produisit alors une réaction institutionnelle aux pressions publiques en faveur de
la protection de l’environnement; «la demande sociale crée les institutions» (Dron,
1995). C’est ainsi qu’en réponse aux revendications publiques apparaissent gra-
duellement discours, lois, règlements, directives, politiques et organismes de contrôle.
Ce virage idéologique de la société vis-à-vis de l’environnement est bien sûr stimulé
par les craintes et préoccupations des acteurs économiques eux-mêmes, notamment
en ce qui concerne les «multiples procès en responsabilité et les énormes dépenses
auxquelles ceux-ci peuvent conduire» (ibid.).
Le «National Environmental Policy Act (NEPA)» de 1969, en vigueur le premier
janvier 1970, origine avant tout du compromis politique intervenu à la suite des nom-
breuses manifestations d’appui à la protection de l’environnement au cours des années
1950-1960.Avant cette date, l’évaluation des projets, tout comme la prise en compte
de l’environnement en général, était fort rudimentaire et ne s’adressait qu’à certaines
questions de planification du territoire ou au respect des quelques normes environ-
nementales alors en vigueur. Le NEPA représente bien sûr une réponse bureaucra-
tique du gouvernement central américain aux pressions publiques. La réglementa-
tion américaine ne s’adressait qu’à un certain nombre de projets de développement.
Elle ne concernait que les projets ayant un lien direct ou indirect, sous la forme du
financement des projets, par exemple, avec les autorités fédérales américaines.
L’acte législatif américain requiert l’incorporation des préoccupations environ-
nementales dans les administrations fédérales et, conséquemment, la préparation
d’études d’impacts pour tous les projets ou programmes «significatifs pour l’envi-
ronnement» issus de l’administration fédérale. L’obligation de réaliser une évalua-
tion des impacts environnementaux (Environmental Impact Assessment (EIA)) fait
partie intégrante de la procédure américaine. La législation fédérale poursuivait aussi
un autre but, plus implicite celui-là, à savoir la prise en charge de l’environnement
de la part des administrations «locales», les États américains. Le NEPA devant ainsi
servir d’exemple et d’incitatif en la matière, le gouvernement fédéral canadien suivra
dans la même voie quelques années plus tard en 1973.
La démarche entreprise par le NEPA focalisait l’attention sur le forum public et
les procédures d’application étaient laissées au libre arbitre des intéressés. En accord
avec la pratique du pouvoir aux États-Unis, l’approche retenue n’était pas rigide, ni
dirigiste à outrance. Elle ne s’appuyait pas nécessairement sur des bases scientifiques
solides. De toute façon, celles-ci n’étaient pas très élaborées à l’époque. Dans un tel
contexte général, il y eut donc un grand foisonnement d’approches méthodologiques
en réponse aux nouvelles exigences du NEPA (Beanlands, 1985). Le développement
de méthodologies prit alors une très grande importance et les premières années de
40. 17
mise en place du processus américain virent l’émergence de nombreuses approches
d’ÉIE. Le début des années 1970 représente l’époque pionnière de l’ÉIE; c’est à cette
époque que fut développée la plus grande partie des grandes méthodes «reconnues»:
McHarg (1969), Léopold (1971), Sorensen (1971), Battelle (1972) et Holmes (1972).
L’acte pionnier des États-Unis représentait la réponse politique et législative de
l’administration fédérale à certaines des préoccupations croissantes de la population
américaine. Cependant, cette première législation a eu une influence déterminante
sur l’ensemble des procédures instaurées un peu partout à travers le monde.Les orien-
tations ultérieures prises ailleurs en faveur de l’ÉIE sont en grande partie tributaires
des approches et des réponses particulières développées en fonction des exigences amé-
ricaines. Le modèle et les exigences américaines influencèrent grandement les inter-
ventions en ce sens dans les autres pays.Cette influence américaine se poursuit encore,
notamment du simple fait de la puissance économique et idéologique des États-Unis
en cette ère de mondialisation des marchés.
Après la mise en place du NEPA, plusieurs pays emboîtèrent le pas. Le gouver-
nement fédéral du Canada se dota d’une procédure d’évaluation dès 1973. Il ne s’agis-
sait alors que d’un simple décret gouvernemental grandement influencé par la pro-
cédure américaine. L’Australie fit de même l’année suivante. Le premier pays
d’Amérique latine à se prononcer en faveur de l’ÉIE fut la Colombie dès 1974.Certains
États furent beaucoup plus lents à réagir. C’est ainsi que les Pays-Bas n’instituèrent
chez eux la pratique de l’ÉIE qu’en 1981, le Japon, en 1984, la Communauté Écono-
mique Européenne (CÉE), en juillet 1985, après une décennie de tergiversations, et
enfin,la Suisse,en 1989.En Afrique,le Gabon se dota d’une procédure d’ÉIE dès 1976,
la Guinée,en 1987,mais le Maroc n’a toujours pas mis en œuvre la législation attendue
depuis près de dix ans.
Nous verrons, lors de la présentation des aspects législatifs de l’ÉIE, que plusieurs
législations antérieures au NEPA concernaient certains aspects bien précis de l’envi-
ronnement. C’est le cas notamment de la qualité de l’air en milieu urbain, une très
ancienne préoccupation en Europe, ainsi que de la protection de sites naturels
exceptionnels, comme aux États-Unis et au Canada. Toutefois, il ne s’agissait alors
que de législations sectorielles, sans aucune conception d’ensemble face à la problé-
matique environnementale. Ce type de législation ne dictait que la formulation de
normes particulières et partielles. Avec l’arrivée du NEPA, on privilégiait désormais
une vision d’ensemble de l’environnement, tout en rendant obligatoire la tenue d’éva-
luation des impacts environnementaux pour certains projets parmi les plus suscep-
tibles d’atteintes à l’environnement.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
41. 18
L’évaluation des impacts environnementaux
Évolution historique de la démarche d’ÉIE
Au cours des ans,le contexte de l’ÉIE s’est élargi aux multiples facettes de l’étude d’im-
pacts telles que nous les connaissons aujourd’hui. C’est ainsi que le concept d’envi-
ronnement s’est étendu à un plus grand domaine, que les projets soumis couvrent
un plus vaste éventail et que la participation publique est de plus en plus présente.
Cette évolution n’est pas complétée. Dans beaucoup d’endroits et en plusieurs
domaines, il reste encore beaucoup à faire. Ces exemples illustrent toutefois les ten-
dances en cours. Même si une partie importante des projets est encore soustraite à
l’examen d’impacts,par exemple,des progrès sont réalisés dans ce domaine.C’est ainsi
que près de vingt ans après sa promulgation, les dispositions du règlement québé-
cois relatif à la procédure d’ÉIE et qui concernent une fraction importante des grands
projets industriels ont finalement été mises en œuvre (1997).
L’évolution de l’ÉIE est grandement tributaire de l’étendue accordée au concept
même d’environnement.C’est ainsi que l’extension du concept d’environnement,vers
les dimensions sociales, culturelles et économiques, accroissent les possibilités d’in-
tervention de l’ÉIE. En pratique, même si le concept d’environnement n’est pas tou-
jours, ni partout, perçu de la même façon, il tend de plus en plus à représenter l’en-
semble des composantes biophysiques et socioculturelles du milieu, en interaction
avec un organisme ou un ensemble d’organismes vivants.Le développement progressif
de cette conception large de l’environnement au cours des trente dernières années a
favorisé l’extension du mandat et de la portée de l’ÉIE, ainsi que son domaine d’étude.
Les «règles de l’art» en ÉIE, telles que reconnues par les experts internationaux,
ont évolué sensiblement sur certains aspects, même si plusieurs de ceux-ci sont à peu
près fixés depuis les débuts. C’est surtout du point de vue des pratiques que les choses
ont évolué et tout particulièrement vers un élargissement des domaines d’interven-
tion. C’est avant tout dans la mise en œuvre concrète des principes et des théories
de l’ÉIE que l’évolution fut la plus remarquable. Dans la société réelle, des contraintes
de toutes sortes viennent freiner la mise en pratique des meilleurs principes. C’est
ainsi que plusieurs éléments importants de l’ÉIE, même parmi les plus rationnels et
les plus sages, prennent beaucoup de temps avant d’être officiellement mis en œuvre.
Plusieurs épisodes jalonnent le développement des procédures, des méthodes et
des pratiques. L’évolution historique de l’ÉIE est couramment caractérisée par l’exis-
tence de trois grandes périodes ou phases de développement. La première période
dite «classique» débute en 1969 avec la promulgation de la politique nationale amé-
ricaine (NEPA).Vient ensuite la période dite «moderne», au cours des années 1980,
42. 19
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
et, enfin, une troisième période dite «contemporaine» se poursuit aujourdhui
(Lévesque, 1994).
La période classique marque les efforts pionniers en ÉIE. Elle s’épanouit de la fin
des années 1960 à la fin de la décennie suivante. Elle est caractérisée par la mise au
point d’une série d’outils visant à accorder une valeur mesurable,le plus souvent quan-
titative, à l’ensemble des impacts. La rationnalité déterministe de cette période devait
servir à la comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Le but ultime sem-
blait être d’attribuer une valeur unicritère à chacun des impacts environnementaux.
Plusieurs font remarquer qu’il s’agit d’une approche réductionniste et mécaniste,
concernée avant tout par l’examen de certaines nuisances, notamment dans l’eau, le
sol et l’air (Sadar et coll., 1994), ainsi que caractérisée par l’accent sur la prévision,
selon le modèle technique, et l’emploi de la participation uniquement à des fins de
validation (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).
La seconde période, dite moderne, s’installe au cours des années 1980. Elle est
caractérisée par un oubli marqué des aspects méthodologiques et par une caractéri-
sation excessive des éléments du milieu,ce dernier aspect devenant même omniprésent
au détriment de l’évaluation des impacts. L’objectif de cette période semblait être une
appréciation globale et complète des éléments du milieu (Lévesque, 1994). Elle s’ac-
compagnait bien sûr d’une préoccupation de plus en plus grande du public pour la
question de l’évaluation des impacts des projets soumis. Deux grandes questions pre-
naient ainsi de plus en plus d’importance, sans toutefois recevoir des réponses
encore bien satisfaisantes: celle des impacts sociaux et celle des impacts cumulatifs,
deux questions d’ailleurs intimement liées. Certains y décèlent déjà un élargissement
de la portée de l’examen (milieu urbain, impacts cumulatifs ainsi qu’évaluation des
politiques et programmes) ainsi qu’une participation du public dans l’optique de la
négociation environnementale (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).
La dernière période, l’époque contemporaine, semble se diriger, depuis le début
des années 1990, vers une recherche d’intégration de l’ensemble des éléments de l’en-
vironnement avec ceux du développement. C’est bien sûr la conciliation souhaitée
dans le cadre du développement durable. Elle se caractérise par une recherche inter-
disciplinaire d’analyse environnementale intégrée comprenant les composantes du
projet et les éléments du milieu. Elle vise avant tout à minimiser l’impact environ-
nemental du développement par une plus grande intégration des composantes du
projet dans le milieu d’insertion. Les impacts cumulatifs et sociaux prennent alors
de plus en plus de place dans les préoccupations des différents acteurs, sans néces-
sairement entraîner de consensus sur les démarches et les méthodes d’évaluation.C’est
43. 20
L’évaluation des impacts environnementaux
aussi l’époque de l’émergence des outils de prise de décisions et de l’extension du maté-
riel informatisé en ÉIE. Enfin, la participation publique et l’évaluation des risques
font de plus en plus partie désormais des «règles de l’art» (Sadar et coll., 1994).
Montrant une vision similaire, mais sans pour autant reprendre la même
approche, Sadler et Jacobs (1991) subdivisaient l’évolution de l’ÉIE, jusqu’en 1990,
en six périodes particulières, marquées avant tout par l’innovation des techniques ou
des méthodes. Ces six périodes sont:
• Avant 1970: techniques analytiques,surtout études de la faisabilité économique
et technique;
• 1970: analyses coûts-avantages, comptabilisation des gains et des pertes;
• 1970-1975: description et prédiction des changements écologiques;
• 1975-1980: évaluation pluridimensionnelle, incluant le social et la participa-
tion publique, ainsi que la justification et l’évaluation des risques;
• 1980-1986: liens plus étroits entre les impacts et les étapes de planification et
de mise en œuvre;
• Depuis 1986: remise en question à la suite du développement durable, impacts
cumulatifs, aide internationale et évaluation régionale.
Depuis quelques années, la mondialisation entraîne un certain degré d’«har-
monisation» des pratiques et des législations de l’ÉIE.Dans ce domaine,l’International
Association for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essentiel de promotion et de
formation en ÉIE partout sur la planète3. L’IAIA favorise aussi la coordination et la
concertation des diverses interventions en vue d’une éventuelle codification des «règles
de l’art» en ÉIE. Il n’existe toutefois pas encore de démarche complète et universelle
de prise en compte des impacts environnementaux.Une panoplie de méthodes et d’ap-
proches méthodologiques (démarche et procédure) furent donc développées et pro-
posées, sans toutefois qu’aucune n’engendre encore l’unanimité. Les nombreux
échanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impacts ont cependant permis
l’émergence d’un relatif consensus autour d’un nombre minimum d’éléments
méthodologiques communs.
Jusqu’à un certain point et sans trop caricaturer l’évolution des pratiques et des
procédures en ÉIE, on peut avancer que chacune des trois périodes que nous venons
d’examiner correspond grosso modo à la dominance de l’un des trois objectifs de l’ÉIE.
3. Depuis 1997, il existe une contrepartie francophone à l’association internationale, le Secrétariat fran-
cophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts (Interface, 1999).
44. 21
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
Nous verrons en détail dans la section «Concepts,définitions et objectifs de l’ÉIE» que
ces trois objectifs correspondent aussi à trois niveaux d’études de l’ÉIE: politique,tech-
nique et scientifique.Ainsi,au cours de la période classique,le niveau technique semble
avoir orienté les efforts de développement et de mise en œuvre. La période moderne
semble quant à elle se préoccuper avant tout du niveau scientifique. Enfin, la période
contemporaine paraît mettre de l’avant les aspects politiques du processus d’ÉIE.
Prospectives internationales en ÉIE
L’emploi de l’ÉIE, d’abord limité à certains pays industrialisés, s’est lentement
répandu à la majorité des pays de la planète. Le récent enthousiasme en faveur de la
mise en place de procédures d’ÉIE, par la plupart des divers gouvernements et
administrations, tant publiques que privées, est sans doute grandement tributaire de
l’adoption de procédure de la part des grands bailleurs de fonds internationaux,notam-
ment par la Banque mondiale. D’ici quelques années, la plupart des pays disposeront
d’une politique environnementale et d’une procédure d’ÉIE; il ne restera plus alors
qu’à les mettre en œuvre.
Les grandes rencontres internationales en environnement participent activement
à la diffusion et à l’influence grandissante de la pratique de l’ÉIE. La première ini-
tiative en ce sens émergea peu après la première conférence des Nations Unies sur
l’environnement tenue à Stockholm en 1972.Dès 1974,l’Organisation de Coopération
et de Développement Économique (OCDE),organisme regroupant la plupart des grands
pays industrialisés, recommanda à ses membres l’adoption de procédures particu-
lières d’ÉIE. En 1979, une nouvelle série de recommandations venait réitérer cette
demande initiale de l’OCDE, puis en 1985 l’organisme proposa des procédures bien
spécifiques pour les projets d’aide au développement. D’autre part, lors de la tenue
de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) au
milieu des années 1980, et en particulier à la suite de la publication de son rapport
(rapport Brundtland) en 1987, la plupart des pays indifférents jusque-là à la prise en
compte de l’environnement dans leurs processus de décision prirent conscience de
la pertinence des procédures d’ÉIE. Le rapport de la Commission Brundtland
(CMED, 1988) proposait la prise en compte de l’environnement au même titre que
le développement économique et il recommandait formellement la tenue d’ÉIE pour
tous les projets significatifs pour l’environnement.
L’ascendant des conférences internationales jumelé aux pressions publiques,notam-
ment par de nombreux groupes environnementaux, favorisa une plus grande prise
en compte de l’environnement et de l’ÉIE par diverses instances internationales et
nationales.Ce fut le cas de la Banque mondiale à la fin des années 1980,même si depuis