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La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 1
UNIVERSITE PAUL CEZANNE – AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
La force majeure en droit du contrat de transport
maritime de marchandises
Mémoire présenté par Alexis Lemarié –septembre 2007
Directeur de mémoire : M. Christian Scapel
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 2
Ô combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !
Victor Hugo in Oceano Nox
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 3
Sommaire
- Introduction
- Chapitre 1er
La force majeure en matière de responsabilité
contractuelle
- Section 1ère
Qualification de la force majeure en matière contractuelle
Sous-section 1 Force majeure et notions proches
Sous-section 2 Les critères de qualification de la force majeure
-Section 2nde
Effets de la force majeure en matière contractuelle
Sous-section 1 Fondements théoriques des effets de la force majeure
Sous-section 2 Effets pratiques de la force majeure
- Chapitre 2nd
La force majeure en droit du contrat de transport
maritime
- Section 1ère
Force majeure et cas exceptés
Sous-section préliminaire Précisions théoriques relatives aux rapports entre force majeure et
cas exceptés
Sous-section 1 Les cas exceptés ne présentant pas les caractères de la force majeure
Sous-section 2nde
Les cas exceptés devant présenter les caractéristiques de la force majeure
- Section 2 La force majeure in nominem
Sous-section 1ère
Les diverses applications de la force majeure
Sous-section 2nde
Particularisme de la force majeure en droit du contrat de transport maritime
de marchandises ?
- Conclusion
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 4
Introduction
Le droit régit des situations à la variété infinie au moyen de règles nécessairement limitées ; il
est dès lors exercice délicat usant, en France, de règles souples et générales. Si sa légitimité
première provient de son origine -le parlement- il ne peut s’affranchir totalement, sauf à
perdre celle-ci, de la notion d’équité.
La notion de force majeure découle de cette dernière1
autant que de la conscience des limites
de la puissance humaine. Elle admet que l’Homme ne puisse être comptable de situations
auxquelles, malgré ses efforts, il n’a pu obvier. Ce faisant elle introduit un certain fatalisme
dans un système juridique de responsabilité fondé sur la faute, elle-même basée sur l’idée que
l’Homme est responsable de ses actes parce que libre : « la responsabilité est liée à la liberté,
l’une sert de fondement à l’autre. »2
Se trouvant contraint par une « force majeure » il perd sa liberté et n’est donc plus
responsable. Cette conception originelle se trouve néanmoins atténuée par le déclin de la
notion de responsabilité au profit de la « solidarité collective ». Ce n’est plus tant la
responsabilité qui est recherchée qu’une indemnisation, passant ainsi au plan juridique d’une
responsabilité subjective à une responsabilité objectivée. Cette nouvelle conception
correspond à l’application de la théorie du risque développée au début du 20ème
siècle3
qui
veut, selon les termes employés par Josserand que « lorsqu’on crée un risque, on doit, si ce
risque vient à se réaliser, en subir les coups ».
Dans cette conception ce n’est donc plus tant la « responsabilité » qui est en jeu que la
possibilité d’imputer la réparation du dommage. Partant, la force majeure elle même peut être
écartée par la loi (Cf. loi du 25 juillet 1985 sur les accidents de la circulation, dite « loi
Badinter »), voire par une convention par laquelle les parties peuvent définir tant les
1
Cf. l’étude sociologique menée au sein de l’université de Tours et consacrée au sentiment de responsabilité
citée in Antonmattei.
2
Introduction historique au droit des obligations, Jean Louis Gazzaniga, PUF 1992.
3
Cf. p. 263 et suivantes de « Introduction historique au droit des obligations », Jean Louis Gazzaniga, PUF
1992.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 5
caractères de ce qui sera considéré comme évènement de force majeure que les conséquences
attachés à celle-ci.
La force majeure n’en reste pas moins une notion, essentielle en matière de responsabilité,
non définie par les textes : « la force majeure est un concept de notre droit dont l’importance
apparaît comme inversement proportionnelle à sa précision »4
. Concept juridique, elle
correspond ainsi à la volonté de Portalis de créer un droit flexible pouvant s’adapter aux
évolutions temporelles et politiques : « L’office des lois est de fixer, par de grandes vues, les
maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de
descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C’est au
magistrat et aux jurisconsultes, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger
l’application »5
.
Si l’idée de force majeure semble immuable6
, ses caractères sont atteints d’une grande
mutabilité7
. Ceci explique que sa définition ne soit pas des plus aisées : si la réunion des trois
critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité de l’évènement est traditionnellement
considérée comme la caractérisant, il est relativement fréquent qu’elle soit admise en
l’absence de certains de ces critères. Il semble que le point d’ancrage le plus sûr de cette
notion réside dans son effet : elle est « une cause exonératoire de responsabilité civile
lorsqu’elle a seule fait obstacle à l’exécution du contrat (article 1148 du Code civil) ou, en
matière délictuelle, contribué à la réalisation du dommage »8
. Ainsi, en matière contractuelle,
la force majeure contraint à l’inexécution et « en excuse » le débiteur9
.
Cette difficulté à définir la notion de force majeure ne fait, en réalité, que dévoiler son
caractère de « concept ». En effet, la force majeure est une « représentation générale et
abstraite des objets » qui ne peut être déterminée « qu’en fonction du droit positif et des
réalités sociales », réalités mouvantes10
. Plus précisément, la notion de force majeure est un
4
J-Y Cholet, note sous TI St Denis, 25 août 1983, D 1985, p.26.
5
Discours préliminaire prononcé par Portalis devant le CE lors de la présentation du Code civil in « Naissance
du Code civil », présentation de François Ewald, Flammarion, 2004.
6
Apparaissant ainsi appartenir au monde des idées cher à Aristote !
7
Pour reprendre l’opposition relevée dans sa thèse par P-H Antonmattei, p.9 et suivantes.
8
Guide du langage juridique, 2ème
édition, S. Bissardon, collection Objectif droit, Litec, 2005.
9
Cécile Chabas in « L’inexécution licite du contrat », thèse préfacée par J. Ghestin, avant propos de D.
Mazeaud, LGDJ, 2002, n°2, p.3.
10
Théorie générale du droit, 4ème
édition, J-L Bergel, Dalloz 2003, n°181 et suivants, p.211 et suivantes.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 6
« concept soupape »11
, une notion à « contenu variable »12
, relativement indéterminé afin de
laisser au juge une certaine latitude dans son application.
Concept du droit civil, la force majeure a vocation à intervenir dans toutes matières, droit
maritime compris. Ce droit, celui des activités que la mer détermine13
, connaît toutefois un
certain particularisme dû à trois causes principales :
- Tout d’abord son objet même : élément mobile et changeant, la mer si elle ne peut
être considérée comme totalement hostile à l’homme doit au moins être reconnue
comme milieu non naturel. Les activités ayant pour cadre la mer connaissent, ainsi,
des risques particuliers. Si les progrès techniques ont indubitablement permis de
réduire ces dangers, ils n’en restent pas moins plus prégnants qu’ailleurs. Ces risques
propres au milieu maritime paraissent, intuitivement, devoir influer sur la notion de
force majeure. Le milieu étant plus hostile il devrait, logiquement, modifier la
perception de ce qu’est un évènement de force majeure et les circonstances
constitutives d’une force majeure devraient dès lors se trouver modifiées. Au-delà de
la logique, quelle est l’influence réelle de ce particularisme « maritime » sur la notion
de force majeure ?
- Ensuite, par la tradition de solidarité qui règne chez les « gens de mer ». Or, la force
majeure est toujours présentée comme exonérant un débiteur de son obligation.
Exonérant l’un, le droit, en ne prévoyant aucun mécanisme de solidarité, fait reposer le
risque sur l’autre ! Cette équité à « sens unique » est-elle conforme à la philosophie du
droit maritime ?
- Enfin, par son caractère international : les mers servent fréquemment de liaison
entre différents pays. Ces étendues d’eau connaissent ainsi des souverainetés diverses
aux frontières immatérielles et mettent très fréquemment en contact des personnes,
lieux et meubles dont les nationalités sont différentes. Le droit maritime est donc par
essence international, caractère encore renforcé par la mondialisation. A cet
11
Expression de P. Roubier in « Théorie générale du droit », JL Bergel.
12
Expression de Ch. Perelman in « Théorie générale du droit », JL Bergel.
13
P. Bonassies et Ch. Scapel.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 7
internationalisme du droit maritime correspond le caractère universel de la force
majeure. Présente à Athènes ou Rome, cette notion se retrouve aussi bien dans les
systèmes romano-germanistes, que dans ceux des pays de common law, de droit
socialiste ou de droit à caractère religieux –ce qui donne à penser que cette notion
correspond à un certain « droit naturel ». Retrouver l’idée de force majeure (à travers
des vocables parfois différents) ne signifie pas nécessairement retrouver les caractères
du concept, ce qui pose la question de savoir comment la notion de force majeure est
appliquée par les juridictions françaises dans le cadre de contrats de transports
maritime internationaux de marchandises.
Ce particularisme du milieu maritime, et du droit afférent : un droit original mais
« dominé »14
, est doublé d’un particularisme lié au contrat considéré : celui de transport de
marchandises, que l’on peut définir comme « la convention par laquelle une personne, le
transporteur, s’oblige moyennant rémunération, à déplacer une marchandise d’un lieu à un
autre »15
. De contrat spécial, le contrat de transport, lorsqu’il est maritime (c'est-à-dire
effectué par voie maritime) et concerne des marchandises, devient « très spécial », selon les
termes du professeur Delebecque.
Le contrat de transport maritime de marchandises est ainsi, pour l’essentiel, soumis à un
régime largement homogène constitué de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924,
éventuellement modifiée par les protocoles de 1968 et 1979, et de la loi française du 18 juin
1966.
Le régime particulier déterminé par ces textes instaure une responsabilité de plein droit : dès
lors que les marchandises transportées subissent un dommage pendant le transport, la
responsabilité du transporteur est présumée engagée. Cette présomption reste toutefois simple
et le transporteur peut l’écarter en prouvant que le dommage est survenu dans des conditions
correspondant à l’un des cas exceptés expressément prévus par le texte applicable16
.
14
P. Bonassies in « Evolutions et perspectives du droit maritime français », AFCM 2000, Le droit maritime
français de l’an 2000.
15
Définition donnée par les professeurs Delebecque et Germain in Droit commercial, tome 2, 17ème
édition,
LGDJ, 2004, n°2700, p.698.
16
L’ayant droit marchandise pourra alors opposer la faute éventuelle du transporteur -à condition de la prouver-
afin de voir cette exonération de responsabilité réduite en proportion de la faute commise.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 8
Il est donc possible, de même que pour les autres cas de responsabilité de plein droit, d’établir
que l’on n’est pas responsable. A la démonstration d’un cas de force majeure est ici substituée
la démonstration d’un cas excepté. Si la « technique » est différente, la finalité est identique :
exonérer le débiteur de la responsabilité découlant de l’inexécution de l’une de ses
obligations.
Le doyen Carbonnier a ainsi considéré que l’énumération des cas exceptés réalisée à l’article
38 de la loi du 18 juin 1966 s’apparentait à un « catalogue des forces majeures »17
, soulignant
par là même la proximité des deux notions.
Visant notamment cette loi, les professeurs Viney et Jourdain considèrent que « parfois, la loi
se contente de mentionner certains faits comme cause d’exonération sans préciser si la force
majeure est écartée ou au moins si la liste des faits visés est limitative. Il faut semble-t-il en
déduire d’une part que la force majeure n’est pas écartée et peut toujours être invoquée
comme cause d’exonération, d’autre part que les circonstances énumérées n’ont pas à
présenter les caractères de la force majeure. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcée la
jurisprudence [Cass. Com 20 février 1990] à propos de l’application de l’article 4-2-g de la
Convention de Bruxelles du 24 août 1924 »18
.
S’il semble que, contrairement à cette assertion, la notion française de force majeure soit
écartée par la Convention de Bruxelles et par la loi du 18 juin 1966, on peut s’interroger quant
à l’utilité de caractériser les éléments constitutifs de la force majeure pour reconnaître
l’existence d’un cas excepté. Les juges, de manière consciente ou non, ne cherchent ils pas à
vérifier que le cas excepté présente ces caractères ? Si tel est bien le cas, comment
l’expliquer ? Recherche d’équité ? Force de l’habitude ?
La volonté clairement exprimée du Doyen Rodière, principal acteur de la réforme du droit
maritime dans les années 60, était de calquer le régime français sur les textes internationaux
afin d’obtenir une réglementation aussi homogène que possible. Fut ainsi repris la méthode
d’énumération exhaustive des cas exceptés dégageant le transporteur de sa responsabilité,
avec toutefois une différence quant aux nombres de cas exceptés reconnus. S’il n’y a là, a
priori, que différence de méthodes, se pose la question de savoir si les juges tranchent de
17
Carbonnier, n°162, p.309.
18
Viney et Jourdain, n°404.1, p.287.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 9
manière identique suivant que le texte applicable soit la Convention de Bruxelles ou la loi
française. Et, pour le cas où les solutions adoptées seraient différentes, d’en comprendre les
raisons tant explicites qu’implicites.
Mais, si la Convention de Bruxelles et la loi du 18 juin 1966 régissent une grande majorité des
contrats de transport maritime de marchandises, il reste des contrats échappant à leur champ
d’application. Ces derniers se trouvent dès lors régis par le droit commun et, potentiellement,
par le droit commun français… la notion de force majeure trouvant ainsi à s’appliquer in
nominem. Le particularisme de la matière influe-t’il sur les caractères de celle-ci ?
Echappe aussi à la réglementation issue des lois de 1966 et de la Convention de Bruxelles de
1924, les questions de responsabilité délictuelle pouvant naître lors de l’exécution du contrat
de transport. Bien que la force majeure s’applique tant aux responsabilités délictuelle que
contractuelle, nous écarterons cet aspect de nos investigations afin de nous consacrer aux
relations contractuelles au contrat de transport.
De même n’étudierons-nous pas en détail la réglementation issue des Règles de Hambourg eu
égard au peu d’importance pratique de celles-ci (situation qui devrait se renforcer avec
l’entrée en vigueur de la convention CNUDCI actuellement en cours de rédaction).
L’étude de la force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises
nécessite de s’entendre sur les termes du sujet. Si la notion de « contrat de transport maritime
de marchandise » ne pose pas de problèmes particuliers19
, celle de force majeure est bien plus
incertaine. La difficulté à définir cette notion, principalement liée aux divergences
jurisprudentielles et doctrinales, impose de consacrer un premier développement à la force
majeure en matière contractuelle (partie 1ère
). L’objet autant que référent de notre étude ainsi
défini, nous pourrons étudier son application en matière de contrat de transport maritime de
marchandises (partie 2nde
)20
.
19
Bien qu’il en existe à la marge !
20
Si cette présentation peut paraître surprenante, elle nous semble justifiée par l’impossibilité d’étudier une
notion aussi floue que celle de force majeure sans avoir essayé, au préalable, d’en cerner les contours.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 10
-
Chapitre 1er
La force majeure en matière contractuelle
Si les incertitudes semblent principalement concerner la notion de force majeure en elle-
même, c'est-à-dire les éléments nécessaires à sa qualification (Section 1ère
), les effets de celle-
ci (Section 2nde
) ne sont pas exempts d’interrogations.
Section 1ère
Qualification de la force majeure en matière contractuelle
La notion de force majeure est proche d’autres notions dont il convient de la distinguer (sous-
section 1ère
), avant d’étudier les critères nécessaires à sa qualification (sous-section 2nde
).
Ss. 1ère
Force majeure et notions proches
Si les rapports entre force majeure et cas fortuit focalisèrent tout d’abord l’attention de la
doctrine (sous-section 1ère
), les interrogations actuelles portent plutôt sur les rapports de la
force majeure et des causes étrangères (sous-section 2nde
).
I- Force majeure et cas fortuit
Force majeure et cas fortuit sont elles des notions équivalentes ? La distinction opérée par le
droit romain (A), qui semblait obsolète après avoir fait débat, pourrait retrouver une certaine
actualité avec l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile (B).
A/ Une distinction opérée par le droit romain
Le droit romain connaissait une gradation de la faute à l’origine d’une inexécution
contractuelle allant du dol, faute la plus grave, aux cas fortuit et force majeure, notions
distinctes.
- Le cas fortuit (casus) était un évènement imprévu mais non irrésistible. La prévision
du fait aurait ainsi permis d’en éviter les conséquences.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 11
- La force majeure (vis maior), au contraire, était un évènement irrésistible même dans
l’hypothèse où il eût été prévisible.
A cette distinction conceptuelle correspondaient des effets différents :
- La force majeure exonérait toujours le débiteur de son obligation lorsqu’elle portait
sur un corps certain, contrairement au cas où elle portait sur une chose de genre
(origine de l’adage « Genera non pereunt », aujourd’hui encore utilisé).
- Le cas fortuit, s’il entraînait la destruction d’un corps certain, exonérait également le
débiteur de sa responsabilité. Cette règle connaissait néanmoins des exceptions, cas
dans lesquels le débiteur prenait le risque à sa charge (par convention spéciale ou pour
certains contrats).
Des traces de cette distinction originelle, encore en vigueur au Moyen Age, sont décelables
dans le Code civil de 1804 qui mentionnent successivement ces deux notions aux articles
1148 et 1348, et se contente de se référer au cas fortuit en ses articles 1722 et 1882.
B/ Une distinction révolue puis réactivée ?
Le Code Napoléon est plus qu’ambigu sur la question : en plus de mentionner
successivement, et à plusieurs reprises, les notions de force majeure et cas fortuit, il utilise
aussi les termes « évènement casuel imprévu » (art 1306) et « cause étrangère » (art 1147),
tout en semblant attacher les mêmes effets à ces quatre notions.
Cette imprécision entraîna, dans le première moitié du 20ème
siècle, de nombreuses
controverses doctrinales21
entre les tenants de la distinction des notions de cas fortuit et de
force majeure22
(position doctrinale au sein de laquelle tous n’étaient pas d’accord) et ceux
qui considéraient que ces deux vocables recouvraient une même notion23
.
21
Pour un aperçu plus complet de celles-ci cf. mémoire de Melle Landon « La force majeure en droit maritime »
CDMT 87.
22
Notamment Beudant, Radouant (« Du cas fortuit et de la force majeure », thèse Paris 1920), Colin, Capitant et
Juliot de la Morandière.
23
Parmi lesquels Josserand, Tunc, Bonnecase, Planiol ou Ripert.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 12
Les premiers appuyaient leur analyse sur un double distinction : quant à l’origine du
dommage, le cas de force majeure étant extérieur alors que le cas fortuit était un obstacle
interne, et quant au caractère principal de ces deux faits, le cas de force majeure étant
essentiellement insurmontable et le cas fortuit principalement imprévisible –reprenant ainsi la
distinction romaine.
La seconde école, celle de l’unité de ces notions, l’a aujourd’hui emportée. Le vocable de
force majeure a largement englobé celui de cas fortuit, ce qui s’explique probablement par la
prédominance du caractère d’irrésistibilité au détriment de celui d’imprévisibilité24
(cf. infra).
Ainsi, messieurs Marty et Raynaud considéraient en 1988 qu’ « il est difficile d’attacher à ces
différences de terminologie de véritable différences de régime. On comprend donc que
l’accord se soit pratiquement fait dans la doctrine récente pour renoncer à établir une
distinction générale entre cas fortuit et force majeure qui ont un même effet exonérateur » 25
.
Dix ans plus tard la pertinence de ces propos est confirmée par les professeurs Mazeaud et
Chabas qui estiment qu’ « un évènement de force majeure est un évènement anonyme,
imprévisible et irrésistible. On le désigne également sous le nom de cas fortuit. Dans le
langage juridique moderne, les deux expressions sont synonymes. Les rédacteurs de l’article
1148 les ont employées concurremment comme telles, et les tribunaux recourent
indifféremment à l’une ou à l’autre » 26
.
L’assimilation des deux notions est telle que les ouvrages les plus récents passent sous silence
cette divergence doctrinale : le professeur Bénabent se contente ainsi de préciser « notion de
force majeure –que le code vise aussi volontiers sous l’appellation de cas fortuit » ; les
professeurs Viney et Jourdain27
considérant quant à eux que « bien qu’elle soit synonyme de
« cas fortuit » […] elle (l’expression force majeure) évoque plus directement la force
supérieure à celle de l’homme».
24
« La chance et le droit », thèse de A. Bénabent, LGDJ 1973.
25
Marty et Raynaud, n°552, p.694.
26
Mazeaud par Chabas, n°573, p.663.
27
Viney et Jourdain, n°392, p.264 et s.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 13
De même, nombre de sommaires d’ouvrages récents renvoient-ils pour la notion de « cas
fortuit » à celle de « force majeure », passant ainsi sous silence une controverse doctrinale
apparemment caduque.
L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile, en mentionnant les deux notions
ne risque-t’il pas de réactiver la controverse ?
Si, par définition, le devenir d’un avant-projet de réforme n’est pas certain, son origine
prestigieuse devrait lui assurer, a minima, un succès d’estime propre à influencer les avis
doctrinaux et le droit positif.
Il dispose ainsi en son article 1349, le premier relatif aux causes d’exonération, que :
« La responsabilité n’est pas engagée lorsque le dommage est dû à une cause étrangère
présentant les caractères de la force majeure.
La cause étrangère peut provenir d’un cas fortuit, du fait de la victime ou du fait d’un tiers
dont le défendeur n’a pas à répondre.
La force majeure consiste en un évènement irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont
on ne pouvait éviter les effets par des mesures appropriées ».
Ce projet distingue donc la force majeure, qu’il définit, et le cas fortuit qui ne semble être
qu’un « phénomène naturel ou évènement anonyme »28
, présentant potentiellement les
caractères d’un cas de force majeure.
C’est ainsi un retour linguistique au droit romain qui est effectué ! Linguistique seulement car,
à bien lire le projet de réforme, le cas fortuit n’est qu’une des différentes causes étrangères
envisagées.
Lorsque la qualification de force majeure est juridique et entraîne l’application d’un régime
juridique particulier, le cas fortuit ne semble être qu’un phénomène physique participant de la
diversité des causes étrangères -cette dernière notion entraînant l’application d’un régime
juridique distinct de celui de la force majeure.
28
Selon la définition donnée par les professeurs Viney et Jourdain (participants à l’élaboration de l’avant-projet
de réforme) lorsqu’ils entendent distinguer force majeure et cas fortuit -Viney et Jourdain, n° 395, p.269.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 14
Le fond du droit ne serait donc pas modifié et cette distinction sémantique paraît tout à fait
justifiée.
Si celle-ci devait réactiver une controverse oubliée, les auteurs de manuels de droit civil
devraient veiller à ne plus employer indistinctement un terme pour un autre. Mais, la lecture
de ceux-ci amène à constater qu’après avoir professé que force majeure et cas fortuit sont
synonymes, une majorité d’auteurs s’abstient d’utiliser une notion pour l’autre.
L’avant-projet de réforme semble dévoiler au grand jour une distinction qui, malgré les
apparences, est actuellement effectuée par les auteurs… louons leur sagesse et gageons que
les affres d’une nouvelle controverse doctrinale (source d’insécurité juridique) seront évités.
Si la distinction entre cas fortuit et force majeure apparaît, actuellement, implicite, celle des
notions de force majeure et cause étrangère est aussi claire qu’explicite.
II- Les relations entre force majeure et cause étrangère
La cause étrangère est « un évènement dont la personne à laquelle la responsabilité d’un
dommage est imputée cherche à se prévaloir pour démontrer que le fait qui lui est reproché
n’est pas la seule cause ni même peut-être la cause principale du préjudice invoqué »29
. Son
caractère principal est donc de briser le lien de causalité entre les actes du défendeur et le
dommage subi par une autre en démontrant que la cause du dommage est « étrangère », soit
extérieur, aux agissements du défendeur, ainsi que des personnes ou biens dont il répond.
Cette notion est donc très large, et de ce fait généreuse. Elle vise tous les éléments ou facteurs
sur lesquels le défendeur n’a pas de prise –tel que le cas fortuit de l’avant-projet de réforme.
Elle se révèle aussi plus « malléable » que celle de « force majeure », c'est-à-dire plus
accueillante. En effet, son caractère principal est « l’extériorité », lorsque la force majeure
nécessite la réunion de critères distincts ou complémentaires (irrésistibilité, voire
imprévisibilité), qui se révèlent plus difficiles à établir.
29
Viney et Jourdain, n°383, p.251.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 15
Notion moins précise, la cause étrangère engendre aussi des conséquences plus variées,
notamment en ce que l’exonération engendrée par la preuve d’une cause étrangère peut n’être
que partielle (ce qui n’est pas le cas de la force majeure selon une majorité de la doctrine –cf
infra).
Comme le soulignent les professeurs Carbonnier30
, Fabre-Magnan31
ou Bénabent32
, chacune
des notions mentionnées évoquent un caractère particulier : la « cause étrangère » :
l’extériorité, le « cas fortuit » : l’imprévisibilité et la « force majeure » : l’irrésistibilité.
Chaque expression, employée pour désigner des réalités souvent très proches les unes des
autres, met ainsi en exergue l’un des caractères traditionnellement exigé par la jurisprudence
pour qualifier un évènement de cas de force majeure.
30
Carbonnier, n°162, p.308.
31
Fabre-Magnan, n°270, p.736.
32
Bénabent, n°332, p.252.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 16
Ss. 2nde
Les critères de qualification de la force majeure
Que l’on considère les vocables de « force majeure », « cas fortuit » ou « cause étrangère »,
force est de constater que le Code civil n’en donne aucune définition. Ceci s’explique par la
volonté des rédacteurs du Code civil de rédiger un « Code ouvert », selon J.L. Halpérin
« Convaincus que les détails devaient être l’œuvre des jurisconsultes, les rédacteurs du Code
civil ont laissé une assez large carrière à l’interprétation jurisprudentielle »33
; idée que l’on
retrouve dans le discours de présentation du Code civil prononcé par Portalis.34
La définition des critères de qualification d’un évènement en cas de force majeure a ainsi été
l’œuvre de la jurisprudence, influencée par la doctrine. De manière traditionnelle trois critères
furent ainsi dégagés. Si leur réunion semble devoir entraîner une qualification incontestable
de l’évènement en cas de force majeure, la réunion de deux de ceux-ci, ou même parfois la
présence de l’unique critère d’irrésistibilité35
, peut s’avérer suffisante pour engendrer une
qualification aux conséquences importantes.
La détermination des critères nécessaires à la qualification de force majeure n’est donc pas
évidente, mais la complexité réside aussi, si ce n’est surtout, dans l’appréhension de chacun
d’entre eux. En effet, suivant que l’on opte pour une appréciation in abstracto ou in concreto
la définition du critère se trouve bouleversée.
De plus, si chaque critère doit en principe faire l’objet d’une qualification autonome, ils ne
sont pas totalement indépendants. Ainsi, un évènement imprévisible sera plus difficilement
résistible qu’un évènement annoncé.
Nous étudierons donc chacun de ces trois critères en nous attachant à la manière dont ils sont
appréciés, en commençant par l’irrésistibilité (I) qui « dans l’océan de controverses que
suscite la qualification de force majeure […] semble être un îlot de certitudes »36
, avant de
nous intéresser aux critères d’imprévisibilité (II) et d’extériorité (III).
33
« Le Code civil », JL Halpérin, 2ème
édition, Dalloz, Connaissance du droit, 2003.
34
Cf. introduction. .
35
En ce sens : Cass. Civ. 1ère
9 mars 1994, Com 1er
octobre 1997, 16 mars 1999, Civ. 1ère
6 novembre 2002.
36
Antonmattéi, n°77, p.58.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 17
I- L’irrésistibilité –« A l’impossible nul n’est tenu »
Plus que dans la définition (A), la difficulté réside, pour le caractère irrésistible, dans son
appréciation (B).
A / Définition de l’irrésistibilité
Est irrésistible l’évènement contre lequel le débiteur ne peut rien faire lorsqu’il se produit,
celui qu’il ne peut combattre et qui rend impossible l’exécution de l’obligation contractuelle37
.
Cette définition abstraite ne prend tout son sens qu’à travers l’appréciation de la capacité du
débiteur à résister à un évènement.
Celle-ci paraît résulter de la conjonction de deux facteurs :
- les caractéristiques de l’évènement en tant que tel,
- la capacité de résistance du débiteur.
La jurisprudence française a toujours opté pour une appréciation relativiste de la force
majeure, c'est-à-dire prenant en compte les circonstances de temps, de lieu, économiques…
par opposition à une appréciation « absolue » qui considère que certains faits sont par eux
mêmes des cas de force majeure38
. Si cette dernière solution présente les avantages de
simplicité et sécurité juridiques, l’appréciation « relative » des caractéristiques de l’évènement
pourrait sembler relativement aisée dès lors qu’elle dépend de faits objectifs le plus souvent
quantifiables, par exemple des vents d’une force déterminée, une décision d’une autorité
imposant une quarantaine, un glissement de terrain d’une surface donnée…
S’il est effectivement des cas dans lesquels les faits sont ainsi établis, la réalité n’est pas
toujours aussi univoque. Peut ainsi se poser la question de savoir à quel moment précis une
tempête est devenue irrésistible. Puisque, si le navire a sombré avant cet instant, n’est pas en
cause un évènement de force majeure.
L’appréciation de la capacité de résistance du débiteur est, quant à elle, systématiquement
délicate et dépend largement du référent servant à la mesurer.
37
D’après Jourdain, « Les principes de la responsabilité civile », 5ème
édition, Dalloz, 2000.
38
Viney et Jourdain, n°398, p.274.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 18
En matière contractuelle l’irrésistibilité n’est plus caractérisée par l’impossibilité absolue
d’exécuter, contrairement à ce que considéraient les professeurs Mazeaud et Chabas39
. Cette
impossibilité doit cependant être définitive pour jouer pleinement : si elle n’est que
temporaire40
elle n’entraînera que la suspension de l’exécution du contrat41
. Cette solution,
que le bon sens autant que l’équité approuvent, interroge tout de même quant au caractère
« irrésistible ». Admettre une irrésistibilité temporaire est, a minima, très souple.
Il semble, en réalité, qu’il n’existe pas d’irrésistibilité temporaire puisque l’écoulement
du temps rend résistible l’évènement. La modulation de l’effet attaché à cette « force
majeure temporaire » (formule quasiment antinomique), rend toutefois cette solution
particulièrement adaptée42
.
Ne se pose au final qu’une question : n’ayant pas réellement les caractères d’un cas de force
majeure (il n’est même pas réellement irrésistible) et n’en produisant pas les effets
traditionnels [il y a suspension du contrat43
et non résolution (ou caducité cf. infra)] peut-on
parler de cas de force majeure, même temporaire ?
Nous ne sommes pas persuadés qu’une rigueur, toute juridique, sa satisfasse de cette notion.
Pourtant, force est de constater qu’elle n’est pas contestée. Elle présente, en outre, le mérite
d’être appliquée « dans la plupart des Etats européens ainsi que dans la Convention de Vienne
de 1980 »44
. Nous ne pousserons donc pas plus loin la critique d’une notion acceptée par tous
et dont les effets paraissent satisfaisants.
39
Mazeaud par Chabas, n°576, p.665.
40
Il est toutefois notable que « dans bien des situations, la détermination de la durée de l’impossibilité est
malaisée : d’un côté, l’obstacle que l’on croyait définitif disparaît (l’interdiction est levée contre toutes attentes) ;
de l’autre l’obstacle provisoire se prolonge (la maladie du cocontractant s’aggrave) ou s’éternise (le malade
décède. » Yves-Marie Laithier, dans sa thèse « Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat »,
préface de Horatia Muir Watt, LGDJ, 2004, n°241 et suivants, p.326 et suivantes.
41
Civ. 15 février 1888, Req. 12 décembre 1922, Cass. Civ.1ère
24 février 1981, Cass. Com. 27 mars 1990, Cass.
Civ. 3ème
22 février 2006.
42
Cf. sur ce point « La suspension du contrat a exécution successive », J-F Artz, Dalloz 1979, chronique XV qui
écrit notamment que « tant que subsiste une chance de survie du contrat, sa suspension apparaît préférable à sa
disparition pure et simple ».
43
Sur les interrogations relatives au fondement juridique de cet effet, cf. l’article de J-F Artz précité.
44
Christophe Radé in « Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des
contrats », sous la direction de Pauline Rémy-Corlay et Dominique Fenouillet, Dalloz, 2003.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 19
De même le caractère irrésistible signifie que tout moyen permettant d’atteindre un même
résultat doit être mis en œuvre : il n’existe pas de « force majeure financière »45
, ni de force
majeure concernant la disparition des choses de genre qui, en vertu de l’adage latin « genera
non pereunt », ne périssent pas46
.
Le rejet de la « force majeure financière », fondé sur le principe de la force obligatoire du
contrat (art 1134 alinéa 1er
), fait l’économie de la notion de bonne foi (art 1134 alinéa 3) qui
voudrait qu’un bouleversement de l’économie du contrat entraîne une discussion quant à ses
conditions d’exécution. Si elle apparaît cohérente avec le rejet de la théorie de l’imprévision47
,
elle semble faire primer un principe juridique sur un autre, tout aussi légitime, et sur le
principe de réalité48
. Quitte à faire primer un principe sur un autre, ce qui apparaît inévitable
face à une telle confrontation, nous préférerions que celui de bonne foi l’emporte, au profit du
réalisme économique, en veillant ainsi à faire respecter l’impératif représenté par le concept
de l’équilibre contractuel49
.
Nous souscrivons ainsi entièrement aux propos du professeur Pascal Ancel lorsqu’il écrit
« Christophe Jamin a montré en d’autres lieux, à propos du problème de l’imprévision, que,
dans l’article 1134, l’alinéa 1 ne pouvait être lu indépendamment de l’alinéa 3, il ne peut pas
l’être non plus sans le complément de l’article 1135. La bonne foi du premier, l’équité visée
par le second peuvent alors être comprises comme des éléments permettant de déterminer le
contenu exact de la norme contractuelle ; ces notions ouvrent au juge le pouvoir, sans
aucunement violer le principe de la force obligatoire de cette norme, de s’écarter d’une
application stricte, mécanique, de ce qui a été voulu par les parties »50
.
Nous ferons d’ailleurs remarquer qu’il est, en pratique, abscons d’obliger un contractant à
exécuter un contrat qui le ruine : cette solution rigoriste n’aura aucun avenir puisqu’il va
mener à la faillite de l’une des parties, c'est-à-dire à la fin du contrat. Cela n’est bénéfique ni
au créancier, ni au débiteur, ni à la société. Si la parole donnée engage, il faut se conduire en
45
Selon l’expression des professeurs Malaurie et Aynès ; Cass. Civ. 4 août 1915, Civ. 5 décembre 1927, Com 12
novembre 1969, Com. 4 janvier 1980, Soc. 20 février 1996, Civ.1ère
16 novembre 2004.
46
Cf. notamment Cass. Com. 4 janvier 1980, Soc. 19 décembre 1990, CA Paris 19 avril 1991.
47
Cass. Civ. 6 mars 1876, affaire du « Canal de Craponne », puis Civ. 2 décembre 1947 ou Soc. 12 mai 1965.
48
Le doyen Carbonnier souligne que cette solution est « marqué(e) par un libéralisme économique qui ne
s’interdisait pas de paraître impitoyable » -Carbonnier, n° 166, p.313.
49
Cf. « L’équilibre contractuel », thèse de L. Fin-Langer, LGDJ 2002.
50
« La force obligatoire, jusqu’où faut il la défendre », article de P. Ancel in La nouvelle crise du contrat, sous la
direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz, 2003, p.163 et s.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 20
adultes responsables : le bouleversement des conditions d’exécution d’un contrat doit
connaître des effets juridiques adaptés permettant sa continuation à des conditions acceptables
par chacun des cocontractants.
Disant cela nous ne voulons aucunement remettre en cause la force obligatoire du contrat qui
interdit, avec la bonne foi, que le contrat soit renégocié pour tout évènement imprévu. Si
l’exécution d’un contrat s’avère plus onéreuse que prévue pour le débiteur en raison d’un
évènement imprévisible et irrésistible, il doit, sauf à engager sa responsabilité contractuelle,
exécuter son obligation. La jurisprudence tranche en ce sens.51
Un même évènement menant à la ruine l’un des cocontractants doit, à notre sens, être qualifié
de force majeure : il échappe aux capacités humaines de résistance.
Enfin, le fait que l’exécution du contrat soit devenue sans intérêt pour l’une des parties n’est
pas non plus un cas de force majeure puisque l’exécution reste possible (ex : com 23 janvier
1968). Cette solution est bonne : si l’équité ne doit mener à la ruine, elle ne doit pas non plus
rendre le contrat trop fragile.
B/ Une appréciation in abstracto contestable
Le professeur Tunc soulignait que la force majeure n’est pas la vis maxima, mais bien la vis
maior, concept moins exigeant52
. Cette idée est reprise par les professeurs Malaurie, Aynès et
Stoffel-Munck qui considèrent qu’il n’est pas attendu du débiteur d’être un surhomme, ce que
le doyen Carbonnier exprime en ces termes : « philosophiquement, c’est la conception relative
qui a raison : l’absolu n’est pas de ce monde »53
.
Le débiteur ne doit donc résister que dans la mesure du possible, tout au moins depuis
que la Cour de cassation a « humanisé les standards en adjoignant l’adverbe « normalement »
51
Ex : le transporteur maritime qui s’est engagée à emmener des pèlerins en Terre sainte ne peut invoquer la
grève des marins dès lors qu’il pouvait recourir à un transport aérien pour exécuter son obligation (à des
conditions plus onéreuses) –Cass. Civ. 1ère
8 décembre 1998. Mais aussi Civ. 4 août 1915, 17 novembre 1925,
Com. 18 janvier 1950, Soc. 8 mars 1972.
52
« Force majeure et absence de faute contractuelle », RT, 1945.
53
Carbonnier, n°165, p.312. Le « Doyen maritime » partageait d’ailleurs cette vision : il préconisait d’entendre
imprévisibilité et insurmontabilité de façon humaine et non absolue –Traité, t. II, n°630, p.271.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 21
aux mots d’imprévisibilité et d’irrésistibilité »54
. Est alors posée la question de savoir si l’on
doit apprécier le possible en fonction de l’homme raisonnable, du fameux « bon père de
famille » -ici mué en « débiteur normalement diligent »- c'est-à-dire in abstracto ou en prenant
en compte les caractéristiques propres au débiteur, c'est-à-dire in concreto.
Il est généralement considéré que l’appréciation in abstracto rend les décisions plus
prévisibles, au bénéfice de la sécurité juridique, dès lors qu’elle doit (en principe) donner une
même solution pour deux situations identiques quelque soit le débiteur.
Mais, à cet égard une remarque doit être faite : le créancier contracte avec un débiteur donné,
jamais avec le débiteur moyen ! Il prend donc en considération les caractéristiques de celui-ci
qui peuvent être moins bonnes ou meilleures que celles du cocontractant normalement
diligent. En général le prix de la prestation s’en trouve affecté. Celui-ci, qui constitue la
contrepartie la plus fréquente dans le cadre d’un contrat synallagmatique, correspond tout à la
fois au contenu de l’obligation et à la personnalité du débiteur.
Or, de ces deux notions découle la diligence due et attendue. Si les débiteurs offrent leur
service pour un prix différent c’est, souvent, que la qualité de ceux-ci n’est pas en tout point
égale (tous les professionnels ne sont pas aussi compétents). De même, est-il fréquent qu’un
débiteur propose un service similaire pour un prix plus ou moins élevé en fonction de la
qualité du service rendu, c'est-à-dire de la diligence que le créancier est en droit d’exiger.
Finalement, ce qui singularise la situation contractuelle réside dans la liberté de choix de
son cocontractant. L’appréciation de la résistibilité des évènements doit nécessairement
s’en trouver affectée.
Ainsi, l’affréteur de l’Erika ne devait-il pas s’attendre, payant un fret deux fois
inférieur à celui du marché, à se voir offert un navire en très bon état et réellement « apte à
affronter les périls de la mer ». Certes, le navire était classé et la navigabilité est une condition
essentielle dans le cadre d’un affrètement. Pour autant, un certain réalisme incite à considérer
que, le plus souvent, « on en a pour son argent ». En payant peu, un créancier ne peut
s’attendre à beaucoup en retour, l’économie est sur ce point implacable.
54
« Le fait du créancier contractuel », thèse de Christophe André, LGDJ, 2002, n°481, p.145 mentionnant à
l’appui de cette assertion plusieurs arrêts : Cass. Civ.2ème
25 janvier 1956, 29 juin 1966, 6 juillet 1977 & 21
janvier 1981.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 22
Surtout, en cas d’évènement imprévu (sans même parler ici de cas de force majeure) tel qu’un
retard ou la nécessité de réaliser une escale imprévue, les obligations du transporteur à l’égard
du passager seront différentes. Certes la loi impose un certain standard de prise en charge des
passagers dans de telles situations. Dépendra cependant du prix acquitté la qualité des
prestations offertes : il est peu probable que le passager « low cost » ait accès au même salon
privé que le passager de la classe affaire. Il est aussi vraisemblable que le confort de l’hôtel ou
la qualité du restaurant proposés par la compagnie aérienne seraient quelque peu différents.
Le créancier, suivant la personne avec laquelle il a contracté et suivant la contrepartie versée
(le plus souvent un prix) va donc pouvoir s’attendre à une capacité de résistance plus ou
moins grande de son débiteur. On retrouve ici la notion de « degré de diligence » que le
professeur Stoffel-Munck mentionne à propos de l’imprévisibilité en matière contractuelle (cf.
infra).
Sauf à considérer le cas du débiteur « moyen » correspondant en tout point au référent, la
solution engendrée par une conception abstraite sera injustifiée :
- Si le créancier choisit un débiteur dont il est en droit d’attendre un niveau d’excellence
(au regard de sa réputation, du prix facturé ou des dires de celui-ci) il risque de se
trouver lésé55
par un niveau d’exigence moyen des juges à l’égard du débiteur.
- Au contraire, en choisissant un débiteur offrant ses services à moindre coût le
créancier privilégie le prix à la qualité. Partant, il n’est en droit d’attendre de son
débiteur qu’une résistance inférieure à celle du débiteur moyen. Ce dernier risque donc
de se trouver lésé par une appréciation abstraite du caractère résistible.
Pour autant, la jurisprudence semble privilégier une appréciation in abstracto de
l’irrésistibilité et recherche si un individu moyen placé dans les mêmes circonstances aurait
pu normalement y résister56
. Cette conception, parfaitement justifiée en matière délictuelle,
est à nos yeux injustifiée en matière contractuelle de part le choix d’un cocontractant et de
toutes ses caractéristiques.
55
Dans le sens commun de ce terme et non dans son acception juridique.
56
Cependant « plus rarement, les tribunaux sont plus indulgents et font état de considérations personnelles au
débiteur afin de juger l’évènement » in Malaurie, Aynès, Stoffel-Munck.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 23
A nos yeux, l’importance de la prévision en matière contractuelle (spécificité que l’on
retrouve notamment en matière de réparation des préjudices subis –art 1150 du Code civil :
« Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu
prévoir lors du contrat […] ») justifierait une appréciation in concreto.
Le caractère irrésistible est la condition sine qua non de la qualification de force majeure :
malgré les controverses jurisprudentielles aucun arrêt n’a, à ce jour et à notre connaissance,
fait l’économie de ce critère pour qualifier un cas de force majeure57
–contrairement à celui
d’imprévisibilité.
II- L’imprévisibilité –« Un homme avisé en vaut deux »
Sauf à dire qu’est imprévisible ce qui ne peut être prévu, la définition de cette notion nécessite
de s’intéresser à la manière dont elle est appréciée (A). La doctrine n’en reste pas moins
hostile à ce critère (B).
A/ Appréciation de l’imprévisibilité
Une appréciation adéquate de cette notion semble délicate tant l’excès est aisé : il est tentant
de considérer que tout évènement, dès lors qu’il n’est pas nouveau, était prévisible58
ou, a
contrario, qu’il est impossible de tout prévoir. Le danger réside d’ailleurs tout autant dans une
appréciation trop abstraite de la notion de prévisibilité, tendance à laquelle la jurisprudence
succomba selon Radouant qui écrit, en 1920, « en réalité ce n’est pas la prévisibilité que l’on
envisage, mais la probabilité »59
.
La jurisprudence a opté, depuis, pour une appréciation in abstracto « raisonnée »
consistant à estimer qu’un évènement est imprévisible dès lors qu’il n’y avait « aucune raison
57
Cf. arrêts de la Cour de cassation supra, note 15.
58
Ainsi la Cour de cassation refusait elle, dans un premier temps de reconnaître la grève comme un cas de force
majeure en considérant qu’une grève est toujours prévisible dans une entreprise -Civ. 1ère
7 mars 1966. Fut aussi
avancée l’idée selon laquelle la souscription d’une assurance pour un type de dommages démontrait son
caractère prévisible –conception aujourd’hui abandonnée.
59
In « Du cas fortuit et de la force majeure », thèse, Paris, 1920.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 24
particulière pour un homme raisonnablement avisé de penser qu’il se produirait »60
. Ce n’est
donc pas une prévisibilité abstraite et générale, pour chaque type d’évènements, mais bien par
rapport à « l’homme normalement attentif et prévoyant placé dans les mêmes
circonstances »61
.
Au crédit de l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006 doit être porté la confirmation
d’une jurisprudence constante : en matière contractuelle l’imprévisibilité s’apprécie lors de la
conclusion du contrat62
. Ce rappel est particulièrement bienvenu car, comme le souligne une
doctrine importante63
, si un évènement était prévisible lors de la conclusion du contrat il est
entré dans la sphère contractuelle et les contractants devaient en tenir compte lors de la
définition des obligations de chacun.
Les effets sur le contrat de la survenue de cet évènement imprévisible lors de sa conclusion
dépendent du « degré de diligence »64
attendu du débiteur. Celui-ci sera normal faute de
stipulation précise, accru si l’obligation est de résultat, et pourra être modulé par les clauses
contractuelles.
Cette notion de « degré de diligence attendu » est particulièrement importante, elle
s’attache au caractère imprévisible et non pas imprévu de l’évènement. La comparaison
de ces deux termes souligne le caractère intrinsèquement abstrait de la notion :
- Si le terme employé avait été « imprévu » eut été en cause la force obligatoire du
contrat et le rejet de la théorie de l’imprévision aurait trouvé à s’appliquer. Il eut alors
fallu s’intéresser aux prévisions concrètes des parties.
- Par contre l’emploi du terme « imprévisible » s’attache clairement a ce qui aurait dû
être prévu, et non ce qui a été réellement envisagé.
60
Civ. 21 janvier 1918, Civ. 1ère
7 mars 1966.
61
Les principes de la responsabilité civile, 5ème
édition, Patrice Jourdain, Dalloz, 2000, p.86.
62
Cass. Civ.1ère
7 mars 1966, Com 21 novembre 1967, Chambre mixte 4 février 1983, 3ème
espèce, Civ.1ère
18
mai 1989, Com 3 octobre 1989, Civ.1ère
4 février 1997.
63
Les professeurs Stoffel-Munck, Jourdain, Carbonnier, Terré, Simler, Lequette, Larroumet et Sériaux
notamment.
64
Selon l’expression du professeur Stoffel-Munck, note JCP édition générale, 2006, I, 1646.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 25
L’évaluation de l’ampleur de ce qui devait être prévu par le débiteur correspond, en
réalité, au degré de diligence attendu du débiteur. Les professeurs Viney et Jourdain
écrivent ainsi que « l’imprévisibilité n’est autre, finalement, que l’absence de faute dans la
prévision de la cause étrangère : l’évènement imprévisible est celui que l’agent n’est pas en
faute de ne pas avoir prévu »65
.
L’appréciation de la prévisibilité lors de la conclusion du contrat correspond donc à la force
obligatoire du contrat, aux suites normales du contrat66
et au principe de bonne foi : comment
se prévaloir de la survenance d’un élément dont on devait avoir conscience lors de la
conclusion du contrat ? Cela reviendrait à se prévaloir de sa faute pour s’exonérer de sa
responsabilité ! L’imprévisibilité n’est donc qu’ « un critère d’attribution des risques »67
.
De ce que la prévisibilité d’un évènement est appréciée lors de la conclusion du contrat il ne
faudrait toutefois pas tirer de conclusions excessives : si un évènement devient prévisible
entre la conclusion et l’exécution de son obligation par le débiteur, celui-ci ne devrait pouvoir
s’abriter derrière l’imprévisibilité lors de la conclusion du contrat. Le risque lié à une
conception trop manichéenne de ce principe est d’autant plus grand que le contrat produit ses
effets sur une période longue.
Là encore, le principe de bonne foi doit prendre le relais et venir tempérer une appréciation
qui risquerait d’être trop rigoriste pour régir une réalité nuancée : la prévisibilité d’un
évènement lors de la conclusion du contrat le fait entrer dans la sphère contractuelle (art 1134
al 1er
du Code civil). Si un évènement devient prévisible en cours d’exécution le débiteur doit
prendre toutes les mesures pour en prévenir la survenance et les conséquences fâcheuses, la
bonne foi et les suites normales du contrat l’imposent (art 1134 al3 et 1135 du Code civil).
L’appréciation de l’imprévisibilité en matière contractuelle, pour laquelle nous tenons, n’a
plus grand-chose à voir avec la notion d’impossibilité d’exécution… le critère
d’imprévisibilité est-il bien adapté à la caractérisation de la force majeure en matière
contractuelle ? Avec d’autres, plus nombreux et surtout plus savants, nous en doutons.
65
Viney et Jourdain, n°399, p.279.
66
C'est-à-dire « à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » pour
reprendre les termes exacts de l’article 1135 du Code civil.
67
Antonmattei, n°74, p.56.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 26
B/ Un critère controversé
L’imprévisibilité est la condition la plus controversée tant au plan doctrinal que
jurisprudentiel. Ce critère a successivement été abandonné par la 1ère
chambre civile68
, suivie
da la chambre commerciale69
, de la chambre sociale70
et enfin de la chambre criminelle71
. Au
final, et avant l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006, seule la 2ème
chambre civile72
continuait à se référer à cette notion pour caractériser un évènement de « force majeure ».
A cet égard, les arrêts d’Assemblée plénière du 14 avril 2006 ont été considérés par la
doctrine comme particulièrement obscurs : s’ils constatent la présence des critères
d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ils n’imposeraient pas pour autant la réunion de ces deux
critères. Il ne fait donc pas de doute qu’un évènement imprévisible et irrésistible soit un cas de
force majeure… mais pour un évènement irrésistible et prévisible, qu’en est -il ?
Dans un communiqué rédigé par la Cour de cassation au sujet de cet arrêt, celle-ci précise que
la condition de prévisibilité est toujours exigée. S’il on peut s’interroger sur la portée de ce
communiqué73
, il doit toutefois être remarqué que les différents commentateurs furent
quelque peu partiaux dans leur exégèse de ces arrêts.
Certes, les deux arrêts de la Cour de cassation semblent caractériser un cas de force majeure
en présence d’un évènement imprévisible et irrésistible sans préciser que la réunion de ces
deux critères est consubstantielle à la notion de force majeure. Pour autant, le fait que ces
deux arrêts soient rendus le même jour par la formation la plus solennelle de la plus haute
juridiction de l’ordre judiciaire, et que celle-ci vienne ensuite rédiger un communiqué
explicite, laisse à penser que ces deux arrêts n’avaient pas pour vocation unique de confirmer
une solution jurisprudentielle acquise.
68
Cass. Civ.1ère
: 9 mars 1994, 17 novembre 1999, 6 novembre 2002.
69
Cass. Com. 1er
octobre 1997, 16 mars 1999, 29 mai 2001, 26 juin 2001.
70
Cass. Soc. 12 février 2003.
71
Cass. Crim. 15 novembre 2005.
72
Cass. Civ.2ème
13 juillet 2000, 11 janvier 2001, 12 décembre 2002, 23 janvier 2003 (2 arrêts).
73
« Sources du droit en droit interne », Pascale Deumier et Rafael Encinas de Munagorri, RTD civ.
juillet/septembre 2006, p.510 et suivantes.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 27
Bien que leur formulation soit maladroite, il semble que la volonté de la Cour de cassation de
trancher une controverse doctrinale est suffisamment claire pour ne pas prétendre que les
décisions ne posent pas une solution certaine… tout au moins formellement, comme le
soulignent les professeurs Jacques et Brun.74
S’il faut sans doute critiquer ces décisions, il paraît difficile de s’abriter derrière leur
formulation approximative pour en contester la portée : la confirmation de l’exigence du
critère d’imprévisibilité comme participant de la notion de force majeure. Reste à savoir,
notamment en raison de l’opposition d’une grande majorité de la doctrine, quel sort sera
réservé à cette solution de principe.
Nombreux sont les auteurs considérant que l’imprévisibilité n’est qu’un « indice »75
du
caractère irrésistible, qu’elle ne prend son sens qu’en ce qu’elle facilite ou rend plus difficile
la résistance à l’évènement.
Nous partageons cet avis, en effet l’appréciation du caractère irrésistible devrait, a minima,
être modulée en fonction de la possibilité de l’anticiper :
- Si l’évènement était prévisible, c'est-à-dire que dans le contrat considéré le débiteur
(avec ses compétences propres et suivant la diligence à laquelle il s’est obligé) devait
le prévoir, l’appréciation devra alors être plus stricte. En effet la bonne foi
contractuelle, autant que son engagement initial, lui impose de prendre les dispositions
pour parer à cet évènement.
- S’il n’était pas prévisible, c'est-à-dire que dans le contrat considéré le débiteur (avec
ses compétences propres et suivant la diligence à laquelle il s’est obligé) n’avait pas à
le prévoir, le juge devra être plus indulgent. L’effet de surprise venant alors réduire la
capacité de résistance que le créancier pouvait attendre du débiteur (à qui il n’est pas
demandé d’être un surhomme).
74
Ph. Brun et Ph. Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy, supplément au n°35, février 2007.
75
Terme utilisé par le professeur Antonmattei dans sa thèse, auquel se sont ralliés les professeurs Viney,
Jourdain, Brun ou Moury (dans son article « Force majeure : éloge de la sobriété », RTD 2004, p.477).
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 28
Mais, à vrai dire, une solution encore plus convaincante, proposée par le professeur
Antonmattei dans sa thèse et aujourd’hui soutenue par nombre d’auteurs, consisterait à
remplacer le critère de l’irrésistibilité par celui de l’inévitabilité76
pour obtenir une nouvelle
trilogie : irrésistibilité, inévitabilité et impossibilité d’exécution.
Est inévitable un évènement qui, même prévu, n’aurait pu être empêché ni ses conséquences
éludées (par exemple : glissement de terrain, fait du prince, tsunami, ouragans saisonniers ou
autre évènement naturel d’une violence exceptionnelle). Dans ce cas le fait que toutes les
précautions possibles77
aient été prises par le débiteur pour éviter l’évènement de force
majeure et ses conséquences ou, à tout le moins et faute de mieux, en réduire les effets
dommageables, caractériserait le critère d’irrésistibilité.
Il est un fait, encore démontré en ce mois d’août 2007 par le tremblement de terre survenu au
Pérou ou par l’ouragan Dean, qu’un évènement prévu peut être totalement irrésistible. Le
caractère inévitable de l’évènement rend sa prévision largement inutile.
Cette substitution de critère serait avant tout sémantique car, comme le démontre le professeur
Antonmattei, ce critère semble déjà être appliqué de manière implicite78
ou explicite, par
exemple à travers la formule « l’irrésistibilité de l’évènement est à elle seule constitutive de la
force majeure lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve
que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de
l’évènement »79
.
Au final, le caractère imprévisible reste donc contesté. Si l’Assemblée Plénière a tenté de lui
redonner ses lettres de noblesse, il est fort probable que, influencés par les critiques de la
doctrine, les juges du fond et certaines chambres de la Cour de cassation continuent à
s’abstenir d’exiger ce critère pour caractériser la force majeure.
76
Critère connu du droit espagnol (art 1105 du Code civil) et de la CMR (art 17 §2), et auquel se réfère l’avant-
projet de réforme de la responsabilité (art 1349 du Code civil envisagé) –cf. supra. La jurisprudence le
caractérise d’ailleurs parfois –Cf. infra, note 59.
77
Devant, à notre sens, être là aussi appréciées in concreto c'est-à-dire en fonction des compétences du débiteur
et de la diligence à laquelle il s’est obligé.
78
A bien y regarder il semble ainsi que l’exonération de responsabilité pour maladie réalisée par l’arrêt
d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006, corresponde plus à une inévitabilité de la maladie qu’à un caractère
réellement imprévisible de celle-ci.
79
Cass. Com. 1er
octobre 1997 et, avec des motifs semblables : Civ. 1ère
7 mars 1966, Civ. 1ère
9 mars 1994,
Com. 30 juin 2004.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 29
Plus qu’un critère autonome l’imprévisibilité devrait être considéré comme modulant la
notion d’irrésistibilité. Le professeur Fabre-Magnan80
considère même que pour la doctrine
et la jurisprudence les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité tendent à ne plus faire
qu’un, le second critère étant celui de l’extériorité.
III- L’extériorité
Le critère d’extériorité est « probablement celui qui suscite le plus grand nombre
d’interrogations, celui qu’il convient d’isoler car il est, d’une certaine façon et plus que
d’autres, symbolique de toute l’évolution suivie par les mécanismes de responsabilité
civile »81
! Si une doctrine majoritaire considère qu’il n’est pas consubstantiel à la notion de
force majeure (B), sa définition (A) semble en elle-même problématique.
A/ Définition
Si les auteurs s’accordent pour qualifier d’extérieur au débiteur ce qui est étranger à sa
personne ou aux biens et/ ou personnes dont il doit répondre, se pose la question de savoir si
l’extériorité doit être entendue au sens physique ou moral. Les professeurs Malaurie, Aynès et
Stoffel-Munck considèrent, en outre, que cette notion « flottante » « doit être appréciée non en
fonction de critères exclusivement juridiques, mais des relations effectives entre le débiteur et
la « cause » du dommage »82
. A ces divergences doctrinales correspond une jurisprudence qui
n’est pas réellement homogène sur ce point83
.
La notion d’extériorité ne visait, dans un premier temps, que « la responsabilité du fait des
choses en matière délictuelle afin que le gardien n’échappe pas à la construction que la
jurisprudence élevait à son encontre »84
. Elle exprimait ainsi l’idée que la défaillance d’un
80
Fabre-Magnan, n° 270, p.736.
81
Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.216.
82
Malaurie, Aynès, Stoffel-Munck, n°956, p.502.
83
Cf. par exemple les arrêts relatifs à la grève –infra, note 66.
84
Ph. Brun et Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy, supplément au n°35, février 2007.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 30
objet nécessaire à la réalisation de son obligation ne pouvait être invoquée par le débiteur.
C'est-à-dire qu’un évènement ne peut être libératoire qu’à condition de se produire en dehors
de la sphère dont le débiteur doit répondre (cf. supra les développements relatifs à
l’imprévisibilité).
Ce n’est donc, dans cette conception, que « l’expression d’une garantie » et la « traduction,
en négatif, et au regard des caractères de la force majeure, de l’existence positive des diverses
responsabilités (délictuelle ou contractuelle) du fait d’autrui et du fait des choses » pour
reprendre les propos du conseiller rapporteur Petit lors des arrêts d’Assemblée Plénière du 14
avril 2006.
Cette règle paraît de bon sens, ainsi un transporteur routier ne peut invoquer la défaillance de
la motorisation de son tracteur pour dégager sa responsabilité (seul le transporteur maritime le
peut, mais sous conditions comme nous le verrons). Là encore, la détermination des limites
de l’obligation contractuelle du créancier paraît primordiale : est extérieur, en tant que
critère de la force majeure, ce qui n’est pas inclus dans celles-ci.
Les professeurs Viney et Jourdain écrivent, ainsi, à propos de la notion de cause étrangère qu’
« elle signifie tout simplement que le défendeur ne peut invoquer, pour échapper à sa
responsabilité ni un fait qu’il aurait lui même provoqué ou à l’origine duquel il serait, ni un
fait dont une règle juridique quelconque lui impose précisément de garantir les conséquences
dommageables pour les tiers »85
.
Ils s’accordent ainsi avec les professeurs Jacques et Yvonne Flour, Aubert et Savaux qui
considèrent avec sagesse que si la nécessité de ce caractère est contestée « elle s’impose
cependant, en ce sens qu’il paraît inconcevable que le débiteur puisse revendiquer
l’exonération de sa responsabilité en considération d’un évènement qui lui serait
personnellement imputable »86
.
85
Viney et Jourdain .
86
Flour, Aubert, Flour et Savaux, n°211, p.158.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 31
En réalité, l’idée que l’évènement doit être extérieur au débiteur paraît redondante soit par
rapport à son caractère irrésistible soit par rapport à la notion de bonne foi :
- Soit le débiteur a la capacité d’empêcher la survenance de l’évènement, auquel cas
celui n’est de toute évidence pas irrésistible. Et, en plus de ne pouvoir invoquer la
force majeure, le débiteur serait de mauvaise foi dans le cadre de l’exécution du
contrat.
- Soit le débiteur ne dispose pas du pouvoir d’influer sur la survenance de l’évènement
et ce dernier ne pourra être réellement considéré comme non extérieur : seul
l’apparence des choses le rend « intérieur »87
. Le fait que l’évènement soit ou non
extérieur n’influera donc pas sur la problématique principale de la force majeure : cet
évènement entraîne-t’il une impossibilité d’exécuter dont le débiteur n’est pas
comptable?
Si ce fait est inclus dans « la sphère dont le débiteur doit répondre »88
il devra en
supporter les conséquences.
Par contre, si ce fait n’est pas inclus dans cette sphère, on retrouve le critère principal :
celui du caractère irrésistible de l’évènement, le critère d’extériorité (de même que
celui d’imprévisibilité) venant uniquement faciliter la preuve de ce critère essentiel.
Selon le professeur Brun, si l’extériorité est considérée dans sa dimension
psychologique elle se rattache en fait au caractère évitable de l’évènement89
. Pour
prendre l’exemple de la maladie : certes l’évènement n’est pas extérieur, pour autant il
échappe au pouvoir du débiteur. Il y a là, à notre sens, un évènement dépassant les
forces de l’homme ; il serait inique de considérer comme une faute contractuelle la
maladie du débiteur90
(sauf bien sûr à ce que celui-ci s’expose en petite tenue aux 4
vents dans l’espoir de ne pas exécuter ses obligations… cas peu fréquent !).
87
Nous adoptons, ici, l’appréciation psychologique.
88
Carbonnier, n°162, p.308.
89
Recueil Dalloz 2006, n°28, p.1934, « Panorama ».
90
Voir cependant la note de David Noguero qui considère que la maladie ne devrait pas être considérée comme
un cas de force majeure –Recueil Dalloz, 2006, n°23, p.1566 et suivantes.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 32
Au demeurant, il est le plus souvent enseigné que l’extériorité n’est pas requise en matière
contractuelle, solution que l’on retrouve à travers l’acceptation jurisprudentielle, dans certains
cas, de la grève91
, de la maladie92
ou du chômage93
comme cas de force majeure pour le
débiteur.
La jurisprudence, elle-même, « manifeste en effet depuis longtemps une rigueur teintée
d’incertitudes à l’égard du caractère extérieur, principalement en matière contractuelle »94
.
Ainsi « on peut dire qu’en matière contractuelle, la jurisprudence dominante fond la condition
d’extériorité dans celle d’irrésistibilité »95
.
Si la définition de l’extériorité se conçoit aisément, la pratique semble indiquer que cette
notion n’est que redondance. D’où la sévère critique d’une doctrine majoritaire à son endroit.
B/ Une notion controversée
Si ce n’est le professeur Fabre-Magnan, qui considère l’extériorité comme une « condition
autonome de la qualification de la force majeure»96
ou le professeur Tunc pour qui
« l’extériorité de la cause du dommage par rapport à la chose constitue le seul vrai critère de
la force majeure, les prétendus caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité n’ayant aucune
valeur propre »97
, peu d’auteurs font grand cas de ce critère.
Le professeur Larroumet écrit ainsi « En réalité, si l’extériorité ne révèle pas à elle seule
l’impossibilité d’exécuter, elle est souvent un élément de cette impossibilité », avant de
considérer que cette condition ne s’impose pas nécessairement dans les « situations
marginales »98
telles que la maladie ou le chômage.
91
Cass. Soc. 12 mars 1959, chambre mixte 4 décembre 1981 « Paquebot France », CA Paris 11 juillet 1991 et 29
janvier 1997.
92
Cass. Soc. 18 janvier 1967, Civ. 1ère
. 10 février 1998, AP 14 avril 2006.
93
Cass. Civ.3ème
14 mai 1969, 19 avril 1972, 10 avril 1975, Soc. 12 octobre 1983.
94
Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.215.
95
Bénabent, n°335, p.254.
96
Fabre-Magnan, n°270, p.738.
97
Mais ce à propos de la responsabilité délictuelle in « Force majeure et responsabilité délictuelle », RTD civ.
1946, p.199.
98
Larroumet, n°725, p.785.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 33
Le professeur Le Tourneau, tout comme le professeur Antonmattéi99
, considère que le critère
de l’extériorité n’est pas inhérent à la notion de force majeure. Ce dernier considère ainsi que
la recherche de l’extériorité se confond avec celle du caractère inévitable (Cf. paragraphe
précédent, nos explications relatives à la définition de l’extériorité).
Le professeur Jourdain, quant à lui, considère qu’il n’est pas possible d’attribuer à l’extériorité
une portée générale, sauf à la réduire à l’extériorité par rapport à la volonté de l’agent, c'est-à-
dire que l’évènement ne doit pas être imputable au défendeur ou à une personne dont les
intérêts sont étroitement liés. Dire cela revient à se référer au caractère extérieur à la sphère
dont le débiteur doit répondre et au caractère résistible.
Enfin, les professeurs Viney et Jourdain expliquent que les controverses doctrinales, autant
que les divergences jurisprudentielles, proviennent de deux causes :
- Une conception inexacte de la notion d’extériorité, qui devrait uniquement se référer à
la sphère dont doit répondre le débiteur.
- Une absence de distinction dans l’appréciation du caractère «extérieur » suivant que
soit en cause le fait personnel, le fait des choses ou d’autrui.
Il nous semble, finalement, que les deux conceptions : matérielle et psychologique sont
également fondées et devraient trouver à s’appliquer. Après avoir vérifié que l’évènement
considéré est en dehors de la sphère dont le débiteur doit répondre (extériorité
matérielle), il convient de vérifier que le débiteur ne pouvait en prévenir la survenance
(extériorité psychologique, qui n’est autre que le caractère irrésistible).
Ce critère, majoritairement décrié par la doctrine, ne fait plus guère l’objet de caractérisation
dans les arrêts de la Cour de cassation. L’arrêt d’Assemblée Plénière de la Cour de cassation
du 14 avril 2006 ne déroge d’ailleurs pas à cette généralité : elle ne le mentionne pas et si elle
le prend en compte, c’est de la manière la plus restrictive, c'est-à-dire psychologique. En effet,
une maladie ne peut être considérée extérieure au plan matériel100
.
99
« En toute hypothèse l’extériorité n’est pas un critère inhérent à la Force majeure », in « Ouragan sur la force
majeure », JCP 1996, édition générale, I, 3907, n°6.
100
Cf. cependant : Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.215, qui
explique que l’on subit la maladie.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 34
Reste néanmoins, que le communiqué accompagnant les arrêts du 14 février 2006, en ce qu’il
ce réfère à la trilogie classique, suscite un certain trouble. Comment expliquer que le
communiqué réaffirme que la force majeure est caractérisée par la trilogie classique
« irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité » lorsque les arrêts ne mentionnent pas le
caractère extérieur ?
L’acception de l’extériorité en son sens psychologique nous semble la seule acceptable. Or,
elle revient à vider le critère de toute utilité.
Finalement des incertitudes subsistent autour des critères nécessaires à caractériser un cas de
force majeure, incertitudes que l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006 ne semble pas
résoudre.101
Quelques certitudes peuvent toutefois être dégagées :
- Un évènement irrésistible, imprévisible et extérieur est un cas de force majeure,
- Il est quasi certain qu’un évènement irrésistible et imprévisible serait aussi considéré
cas de force majeure,
- Par contre n’est pas un évènement de force majeure celui qui n’est qu’extérieur ou
uniquement imprévisible.
Cet état de la jurisprudence est critiqué à raison par une doctrine largement majoritaire.
Comme nombre d’auteurs, nous considérons que le critère essentiel doit être l’irrésistibilité, le
critère d’imprévisibilité et, dans une moindre mesure celui d’extériorité, n’agissant que
comme indices de celle-ci.
Dans notre opinion, la spécificité de la matière contractuelle devrait commander une
appréciation in concreto de chacun de ces critères, laissant une grande place à la
détermination des évènements devant être inclus dans le domaine de diligence auquel s’oblige
le débiteur. La question de l’appréciation, plus encore que celle des critères, nous semble
déterminante.
101
Cf. Cass. Civ. 1ère
, 30 mai 2006 et Ph. Brun et Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy,
supplément au n°35, février 2007.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 35
Face à ces critiques doctrinales se dresse la jurisprudence relative à la question, et « le moins
qu’on puisse dire c’est que la matière est subtile et nuancée. Un examen exhaustif des
décisions judiciaires justifierait sans doute un jugement plus sévère, en faisant apparaître bien
des contradictions. Bien malin qui peut prédire la qualification du juge ! Compte tenu de
l’effet attaché à la force majeure, une telle solution est assurément regrettable »102
.
102
Flour, Aubert, Flour et Savaux, n°213, p.160.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 36
Section 2nde
Effets de la force majeure en matière contractuelle
Il semble, à première vue, que les effets « pratiques » de la force majeure ne sont pas
discutés : elle entraîne l’exonération de responsabilité du débiteur de l’obligation contractuelle
dont elle empêche l’exécution (Sous-section 2). L’explication de cette conséquence reste
néanmoins sujette à controverses et interrogations, ce qui impose de s’attacher aux aspects
théoriques des effets de la force majeure (Sous-section 1ère
).
Ss. 1ère
Fondements théoriques des effets de la force majeure
Les effets d’un cas de force majeure sont dépendants de deux grands débats doctrinaux : le
premier la dépasse, c’est celui de la causalité (I), alors que le second lui est propre : quels sont
les fondements de l’exonération de responsabilité qu’elle engendre (II) ?
I- Force majeure et causalité
Un dommage, ou une inexécution en matière contractuelle, est quasi systématiquement la
résultante de plusieurs causes parmi lesquelles il convient d’ « opérer un tri […] afin d’isoler
celui qui, rationnellement, a contribué effectivement à la réalisation du dommage »103
. La
question, d’importance en matière judiciaire, n’est pas aisée. Le professeur Durry a même pu
considérer que ce problème, « fascinant mais insoluble », « était une énigme de notre
droit »104
. A cet égard deux grandes théories s’affrontent. Après les avoir présentées (A), nous
tenterons de synthétiser l’état du droit positif (B).
103
Droit des obligations, Responsabilité civile, Délit et quasi délit, 3ème
édition, Ph. Delebecque et F-J Pansier,
Litec, 2006, n°136, p.93.
104
Durry, Rev. Trim., 1977, p.326 cité in. Bénabent, n°556, p.383.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 37
A/ Les théories de la causalité
S’il est fréquent de ne répertorier que deux théories de la causalité, c’est que les juristes
omettent fréquemment la théorie de la causalité efficiente. Cette théorie, fondée sur le sens
commun, considère que la cause d’un dommage est l’évènement l’ayant produit au sens
mécanique, physique. La simplicité de cette théorie explique qu’elle soit rarement présentée :
elle n’est utile qu’en l’absence de difficultés… ce qui la distingue peu de l’inutilité!
Pour les cas plus complexes, fréquents et sources de toutes les interrogations, deux théories
ont été proposées :
- La théorie de l’équivalence des conditions, du professeur Von Buri, retient comme
cause du préjudice tous les éléments, toutes les conditions nécessaires, sans lesquels
celui-ci ne se serait pas produit. Chaque évènement est donc soumis au « but-for
test »105
, c'est-à-dire la question de savoir si le dommage se serait produit sans
l’évènement considéré. Sont retenues toutes les causes ayant rendu possible la
survenance du dommage.
La définition du lien de causalité ainsi donnée est assez souple, ce qui conduit, en
général, à admettre un grand nombre de causes pour un dommage unique. Elle procède
d’une conception mécaniste, fondée sur la stricte réalité physique.
- La théorie de la causalité adéquate, mise au point par les professeurs Von Kries et
Rümelin, considère comme fait causal ceux qui entraînent normalement, c'est-à-dire
de façon prévisible et habituelle, ce type de dommage. Sont ainsi écartés les
évènements qui n’ont contribué au dommage qu’à travers le concours de circonstances
extraordinaires.
L’application de cette théorie permet, en général, de retenir un nombre de causes plus
faible. Elle procède d’une conception plus abstraite de la causalité, fondée sur la
prévision et non sur la stricte réalité ; partant, le jugement moral est plus présent.
Pour illustrer chacune de ces théories prenons l’exemple d’une personne oubliant ses clés sur
son bateau à moteur, qui est ensuite volé et impliqué dans un abordage.
105
Expression de droit anglais, mentionnée in Fabre-Magnan, n°268, p.729.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 38
Selon la théorie de l’équivalence des conditions, l’oubli des clés est l’une des conditions de
réalisation du dommage. C’est donc l’une de ses causes. Par contre, de manière abstraite, un
oubli de clé est sans rapport prévisible avec un abordage, ce n’est donc pas l’une des causes
du dommage.
Les professeurs Viney et Jourdain considèrent que ces deux théories sont complémentaires.
Remarquant qu’il est courant qu’un même fait produise des effets très différents, ils préfèrent,
pour définir la nature du lien unissant le fait envisagé au dommage, la théorie de l’équivalence
des conditions, c'est-à-dire une approche concrète. Par contre, quant à la preuve des causes du
dommage, les mêmes auteurs tiennent pour l’utilisation de la théorie de la causalité adéquate,
celle-ci venant « au secours de la victime ». Ils considèrent en effet que, face aux incertitudes
relatives aux conditions nécessaires à la survenance du dommage, il est légitime de recourir à
la notion de probabilité ou de « prévisibilité objective ».106
Ces théories, au final peu précises, laissent aux juges une certaine marge d’appréciation.
B/ Le droit positif
Si les juges relèvent plus ou moins largement le lien de causalité, ils s’abstiennent d’en
donner une définition précise, c'est-à-dire de se référer à l’une ou l’autre de ces
théories107
, et gardent ainsi une grande latitude quant à leur appréciation de la causalité.
Les auteurs décèlent, à travers l’étude de la casuistique judiciaire, une prédominance de
la causalité adéquate, tout en soulignant que « le tri se fait ainsi souvent par une appréciation
morale de la gravité respective des différentes fautes ayant rendu possible le dommage »108
.
Le corollaire inévitable réside dans la contradiction flagrante de certains arrêts. Il fut ainsi
considéré que le suicide d’un adolescent en rentrant chez lui, juste après avoir été humilié par
le gérant d’un magasin dans lequel il avait chapardé, était sans lien de causalité avec la
réprimande car « normalement » celle-ci n’aurait pas du entraîner une telle conséquence.
106
Viney et Jourdain, n°345 et suivants, p.191 et suivantes.
107
Cependant : référence à la théorie de l’équivalence des causes : civ. 2ème
27 mars 2003.
108
Fabre-Magnan, n°268, p.732.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 39
Il fut, par contre, considéré que la chute d’un bagage mal fixé sur le toit d’une voiture ayant
effrayé un cheval qui, s’étant échappé, causa des dommages à des tiers, était l’une des causes
des dommages109
!
La sécurité juridique110
ne gagne certainement pas à ce que des décisions aussi
contradictoires soient rendues. Il paraîtrait donc souhaitable d’adopter l’une ou l’autre de
ces théories ou, solution meilleure à notre sens, de suivre la proposition des professeurs Viney
et Jourdain consistant à appliquer chacune de ces théories à des considérations distinctes : la
causalité adéquate permettant de faciliter la preuve de part les présomptions de fait qu’elle
pose et la théorie de l’équivalence des conditions permettant de considérer de manière
concrète les évènements.
La causalité ainsi (succintement) présentée, se pose la question de la justification de
l’exonération de responsabilité engendrée par la force majeure.
II- Fondement de l’exonération de responsabilité du débiteur
Si deux théories, absence de lien de causalité entre les faits du débiteur et le dommage ou
absence de faute de ce dernier (A), semblent s’opposer, elles peuvent être conciliées (B).
A/ Absence de lien de causalité ou absence de faute ?
A première vue les auteurs paraissent s’accorder sur l’effet de la force majeure : elle
exonère le débiteur de sa responsabilité liée à l’inexécution de son obligation
contractuelle. Celui-ci n’aura donc pas à verser de dommages-intérêts en vu de réparer un
préjudice. Première faille à cette présentation monolithique : dans l’hypothèse où la force
majeure interviendrait après que le débiteur ait été mis en demeure, il serait tout de même
redevable de dommages-intérêts (article 1302 du Code civil), c'est-à-dire responsable de
l’inexécution (Cf. infra.).
109
Arrêts de la 2ème
chambre civile du 20 juin 1985 et du 24 mai 1971, cités in Bénabent, n° 558, p.384.
110
Récemment reconnu comme un principe général du droit –CE Assemblée 24 mars 2006.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 40
Peut être notée, aussi, la remise en cause –non suivie d’effets- de cette présentation par le
professeur Le Tourneau qui écrit « Logiquement, la force majeure ne devrait pas être
considérée comme une cause exonératoire de la défaillance contractuelle, car en réalité elle
constitue un cas d’extinction de l’obligation préexistante (et donc de l’obligation aux
dommages et intérêts) ; […] Mais, puisque le régime de la défaillance contractuelle a été
contaminé par celui de la responsabilité délictuelle, il est devenu habituel d’analyser la force
majeure comme une circonstance exonérant un débiteur contractuel (même si une certaine
spécificité est reconnue) »111
.
Mais, la principale controverse doctrinale provient de l’explication de cette exonération de
responsabilité.
Certains (les professeurs Fabre-Magnan, Le Tourneau, Malinvaud, Mazeaud et Chabas
notamment) expliquent l’exonération par la théorie de la causalité en considérant que
l’existence de la force majeure, de par ses caractères imprévisible (ou inévitable) et
irrésistible, démontre l’absence de lien de causalité entre le fait du débiteur et l’inexécution :
« la raison en est non pas qu’elle fait disparaître la faute du débiteur, mais qu’elle démontre
que cette faute ne peut être la cause du préjudice »112
.
La force majeure viendrait donc annihiler le lien de cause à effet qui aurait pu exister entre le
fait du débiteur et l’inexécution.
Pour d’autres113
, la force majeure serait une preuve renforcée de l’absence de faute, « La
force majeure présente donc bien la combinaison d’un évènement cause du dommage et de
l’absence de faute du débiteur »114
.
Ainsi, le professeur Sériaux considère-t’il que la théorie de l’absence de lien de causalité entre
la faute et le dommage « revient en effet à reconnaître que si faute il y a eu, celle-ci n’a pas eu
de conséquences dommageables. Ce qui conduit logiquement à dire que le dommage
111
In Le Tourneau, n°1802-1, p.483. Cette formule semble, de manière sibylline, marquer la prise de position
de l’auteur en faveur de la caducité du contrat (par opposition à la résolution –cf. infra).
112
In Larroumet, n° 728, p.791.
113
Notamment le professeur Viney dans son ouvrage « Traité de droit civil, la responsabilité : conditions »,
1982, n°383 et suivants.
114
A. Sériaux, n°110, p.85.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 41
s’explique par autre chose qu’une faute du transporteur ; ou encore, que le dommage est
survenu sans la faute du transporteur »115
.
Cette démonstration n’est toutefois pas convaincante116
. Une faute peut être commise
sans pour autant entraîner de dommages (par exemple lorsqu’un navire de plaisance entre
dans le port à une vitesse supérieure à celle autorisée, sans pour autant qu’un préjudice en
résulte ou, en matière contractuelle, lorsqu’un garagiste répare une voiture d’une certaine
manière alors que le propriétaire lui a demandé de réaliser la réparation différemment, sans
pour autant que le résultat de la réparation soit différent). Il est une chose de dire qu’une
inexécution s’explique par autre chose qu’une faute du débiteur et une autre de dire que
ce débiteur n’a pas commis de faute.
Ces théories ne semblent toutefois pas nécessairement inconciliables.
B/ Des théories conciliables
Les professeurs Viney et Jourdain, ainsi que le professeur Antonmattei dans sa thèse, tiennent
pour un fondement de l’exonération de la force majeure combinant les deux explications, « la
« cause étrangère » démontrant, à la fois, que le défendeur n’a joué qu’un rôle très accessoire
dans la réalisation du dommage et que son attitude n’est en rien critiquable ». Ils considèrent
ainsi que :
- La notion de force majeure écarte nécessairement celle de faute car « les standards de
qualification permettent en effet de débusquer tout comportement fautif dans
l’apparition et dans le déroulement du fait perturbateur »117
. Néanmoins, peut coexister
un fait générateur de responsabilité distinct de la notion de force majeure (notamment
dans le temps –cf. infra). Est ainsi adoptée partiellement la théorie selon laquelle il n’y
a pas de faute.
115
A. Sériaux, n°113, p.87-reprenant ainsi le raisonnement de Radouant qui considérait que « la responsabilité,
qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, est fondée sur la faute ; la force majeure consistant dans l’absence de
faute, il est naturel que son effet soit de supprimer la responsabilité » in note sous Cass. Civ. 2ème
13 mars 1957,
Dalloz 1958, p.73.
116
Le professeur Delebecque estime ainsi que « L’imprévisibilité ne semble plus déterminante, tant et si bien que
la force majeure ne se réduit pas à une simple absence de faute », in « Les nouveaux rôles de la force majeure »,
Répertoire Defrénois, 1999, p.370.
117
Antonmattei, n°203, p.147.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 42
- Par la preuve du caractère insurmontable (intrinsèque à la notion de force majeure) le
débiteur démontre le caractère « passif » de son fait, c'est-à-dire que celui-ci, qui a
matériellement participé à la réalisation du dommage, n’est devenu dommageable que
« sous l’influence déterminante de la cause étrangère » 118
.
La question de l’analyse de l’importance en terme de responsabilité de cette faute du
débiteur sera, dès lors, déterminée par la théorie de la causalité adoptée.
La théorie de la causalité adéquate, à laquelle la jurisprudence se rallie parfois, permettrait
alors de considérer que la faute du débiteur n’étant pas la cause déterminante et active, elle se
trouve absorbée par la force majeure. Cette dernière est dès lors considérée comme « cause
exclusive du préjudice selon une formule désormais classique »119
. Le professeur
Antonmattéi, suivant en cela le professeur Viney, considère que « le bon sens impose de
privilégier les thèses de la causalité adéquate »120
.
A contrario, l’application de la théorie de l’équivalence des conditions, généralement choisie
par la jurisprudence (cf. supra), fait que la faute du débiteur pourra être considérée comme
« condition nécessaire » et, de ce fait, entraîner une responsabilité partielle du débiteur.
Le caractère généralement admis par la jurisprudence d’exonération totale de la responsabilité
du débiteur (Cf. infra) indique clairement qu’en la matière c’est bien la théorie de la causalité
adéquate qui est appliquée. Cette solution se comprend eût égard aux caractères que présente
la force majeure : étant irrésistible et imprévisible ou inévitable, la faute du débiteur sera
facilement considérée comme « quantité négligeable », allant même jusqu’à ôter au fait
du débiteur son caractère fautif.
Nous montrerons toutefois (sous-section suivante) que le refus de cette responsabilité partielle
est fondé sur l’absence de distinction des différents moments auxquels peut intervenir la faute
du débiteur. Certes, force majeure et faute sont deux termes antinomiques et ne peuvent être
118
Viney et Jourdain, n°403, p.284.
119
Antonmattei, n°201, p.145.
120
Antonmattei, n°204, p.148.
La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 43
employés concomitamment pour qualifier un même évènement. Par contre, il nous semble
que ces deux qualificatifs peuvent co-exister à des moments différents, voire dans une même
temporalité pour des faits distincts.
Ss. 2nde
Effets pratiques de la force majeure
Selon une majorité de la doctrine, les caractères de la force majeure devraient interdire que
celle-ci puisse être considérée comme un cas d’exonération partielle ; il convient toutefois de
se pencher sur cette délicate question (I) avant de s’intéresser aux effets de la force majeure
sur le contrat et les obligations en découlant (II).
I- Force majeure et exonération
L’effet principal et non discuté de la force majeure réside dans l’exonération de responsabilité
dont bénéficie le débiteur. N’étant pas responsable de l’inexécution celui-ci n’aura pas à
verser de dommages et intérêts au créancier (art 1148 du Code civil).
Il existe toutefois une exception : dans l’hypothèse où le débiteur d’une obligation de
livraison est mis en demeure de livrer, il sera redevable de dommages et intérêts en cas
d’inexécution de son obligation quand bien même celle-ci serait due à un cas de force majeure
(art 1138 du Code civil).
Il y a là une sorte de peine privée reposant sur la volonté d’inciter le débiteur à livrer en
temps et en heure, mais aussi sur l’idée que la faute du débiteur doit entraîner comme
conséquence qu’il supporte les risques liés à la force majeure. Sa faute l’oblige !
Une explication causale, plus juridique, ne paraît pas pleinement satisfaisante. Certes, la faute
initiale du débiteur rend possible la survenance du cas de force majeure. Sans elle, le bien
n’aurait pas subi la force majeure, elle peut donc apparaître comme la cause adéquate ou tout
au moins une cause ayant participé à la survenance du dommage. Mais la théorie de la
causalité adéquate n’est pas ici totalement respectée : il est impensable que de façon générale
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Dess forcemajeure

  • 1. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 1 UNIVERSITE PAUL CEZANNE – AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises Mémoire présenté par Alexis Lemarié –septembre 2007 Directeur de mémoire : M. Christian Scapel
  • 2. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 2 Ô combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis ! Combien ont disparu, dure et triste fortune ! Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, Sous l’aveugle océan à jamais enfouis ! Victor Hugo in Oceano Nox
  • 3. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 3 Sommaire - Introduction - Chapitre 1er La force majeure en matière de responsabilité contractuelle - Section 1ère Qualification de la force majeure en matière contractuelle Sous-section 1 Force majeure et notions proches Sous-section 2 Les critères de qualification de la force majeure -Section 2nde Effets de la force majeure en matière contractuelle Sous-section 1 Fondements théoriques des effets de la force majeure Sous-section 2 Effets pratiques de la force majeure - Chapitre 2nd La force majeure en droit du contrat de transport maritime - Section 1ère Force majeure et cas exceptés Sous-section préliminaire Précisions théoriques relatives aux rapports entre force majeure et cas exceptés Sous-section 1 Les cas exceptés ne présentant pas les caractères de la force majeure Sous-section 2nde Les cas exceptés devant présenter les caractéristiques de la force majeure - Section 2 La force majeure in nominem Sous-section 1ère Les diverses applications de la force majeure Sous-section 2nde Particularisme de la force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises ? - Conclusion
  • 4. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 4 Introduction Le droit régit des situations à la variété infinie au moyen de règles nécessairement limitées ; il est dès lors exercice délicat usant, en France, de règles souples et générales. Si sa légitimité première provient de son origine -le parlement- il ne peut s’affranchir totalement, sauf à perdre celle-ci, de la notion d’équité. La notion de force majeure découle de cette dernière1 autant que de la conscience des limites de la puissance humaine. Elle admet que l’Homme ne puisse être comptable de situations auxquelles, malgré ses efforts, il n’a pu obvier. Ce faisant elle introduit un certain fatalisme dans un système juridique de responsabilité fondé sur la faute, elle-même basée sur l’idée que l’Homme est responsable de ses actes parce que libre : « la responsabilité est liée à la liberté, l’une sert de fondement à l’autre. »2 Se trouvant contraint par une « force majeure » il perd sa liberté et n’est donc plus responsable. Cette conception originelle se trouve néanmoins atténuée par le déclin de la notion de responsabilité au profit de la « solidarité collective ». Ce n’est plus tant la responsabilité qui est recherchée qu’une indemnisation, passant ainsi au plan juridique d’une responsabilité subjective à une responsabilité objectivée. Cette nouvelle conception correspond à l’application de la théorie du risque développée au début du 20ème siècle3 qui veut, selon les termes employés par Josserand que « lorsqu’on crée un risque, on doit, si ce risque vient à se réaliser, en subir les coups ». Dans cette conception ce n’est donc plus tant la « responsabilité » qui est en jeu que la possibilité d’imputer la réparation du dommage. Partant, la force majeure elle même peut être écartée par la loi (Cf. loi du 25 juillet 1985 sur les accidents de la circulation, dite « loi Badinter »), voire par une convention par laquelle les parties peuvent définir tant les 1 Cf. l’étude sociologique menée au sein de l’université de Tours et consacrée au sentiment de responsabilité citée in Antonmattei. 2 Introduction historique au droit des obligations, Jean Louis Gazzaniga, PUF 1992. 3 Cf. p. 263 et suivantes de « Introduction historique au droit des obligations », Jean Louis Gazzaniga, PUF 1992.
  • 5. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 5 caractères de ce qui sera considéré comme évènement de force majeure que les conséquences attachés à celle-ci. La force majeure n’en reste pas moins une notion, essentielle en matière de responsabilité, non définie par les textes : « la force majeure est un concept de notre droit dont l’importance apparaît comme inversement proportionnelle à sa précision »4 . Concept juridique, elle correspond ainsi à la volonté de Portalis de créer un droit flexible pouvant s’adapter aux évolutions temporelles et politiques : « L’office des lois est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C’est au magistrat et aux jurisconsultes, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger l’application »5 . Si l’idée de force majeure semble immuable6 , ses caractères sont atteints d’une grande mutabilité7 . Ceci explique que sa définition ne soit pas des plus aisées : si la réunion des trois critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité de l’évènement est traditionnellement considérée comme la caractérisant, il est relativement fréquent qu’elle soit admise en l’absence de certains de ces critères. Il semble que le point d’ancrage le plus sûr de cette notion réside dans son effet : elle est « une cause exonératoire de responsabilité civile lorsqu’elle a seule fait obstacle à l’exécution du contrat (article 1148 du Code civil) ou, en matière délictuelle, contribué à la réalisation du dommage »8 . Ainsi, en matière contractuelle, la force majeure contraint à l’inexécution et « en excuse » le débiteur9 . Cette difficulté à définir la notion de force majeure ne fait, en réalité, que dévoiler son caractère de « concept ». En effet, la force majeure est une « représentation générale et abstraite des objets » qui ne peut être déterminée « qu’en fonction du droit positif et des réalités sociales », réalités mouvantes10 . Plus précisément, la notion de force majeure est un 4 J-Y Cholet, note sous TI St Denis, 25 août 1983, D 1985, p.26. 5 Discours préliminaire prononcé par Portalis devant le CE lors de la présentation du Code civil in « Naissance du Code civil », présentation de François Ewald, Flammarion, 2004. 6 Apparaissant ainsi appartenir au monde des idées cher à Aristote ! 7 Pour reprendre l’opposition relevée dans sa thèse par P-H Antonmattei, p.9 et suivantes. 8 Guide du langage juridique, 2ème édition, S. Bissardon, collection Objectif droit, Litec, 2005. 9 Cécile Chabas in « L’inexécution licite du contrat », thèse préfacée par J. Ghestin, avant propos de D. Mazeaud, LGDJ, 2002, n°2, p.3. 10 Théorie générale du droit, 4ème édition, J-L Bergel, Dalloz 2003, n°181 et suivants, p.211 et suivantes.
  • 6. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 6 « concept soupape »11 , une notion à « contenu variable »12 , relativement indéterminé afin de laisser au juge une certaine latitude dans son application. Concept du droit civil, la force majeure a vocation à intervenir dans toutes matières, droit maritime compris. Ce droit, celui des activités que la mer détermine13 , connaît toutefois un certain particularisme dû à trois causes principales : - Tout d’abord son objet même : élément mobile et changeant, la mer si elle ne peut être considérée comme totalement hostile à l’homme doit au moins être reconnue comme milieu non naturel. Les activités ayant pour cadre la mer connaissent, ainsi, des risques particuliers. Si les progrès techniques ont indubitablement permis de réduire ces dangers, ils n’en restent pas moins plus prégnants qu’ailleurs. Ces risques propres au milieu maritime paraissent, intuitivement, devoir influer sur la notion de force majeure. Le milieu étant plus hostile il devrait, logiquement, modifier la perception de ce qu’est un évènement de force majeure et les circonstances constitutives d’une force majeure devraient dès lors se trouver modifiées. Au-delà de la logique, quelle est l’influence réelle de ce particularisme « maritime » sur la notion de force majeure ? - Ensuite, par la tradition de solidarité qui règne chez les « gens de mer ». Or, la force majeure est toujours présentée comme exonérant un débiteur de son obligation. Exonérant l’un, le droit, en ne prévoyant aucun mécanisme de solidarité, fait reposer le risque sur l’autre ! Cette équité à « sens unique » est-elle conforme à la philosophie du droit maritime ? - Enfin, par son caractère international : les mers servent fréquemment de liaison entre différents pays. Ces étendues d’eau connaissent ainsi des souverainetés diverses aux frontières immatérielles et mettent très fréquemment en contact des personnes, lieux et meubles dont les nationalités sont différentes. Le droit maritime est donc par essence international, caractère encore renforcé par la mondialisation. A cet 11 Expression de P. Roubier in « Théorie générale du droit », JL Bergel. 12 Expression de Ch. Perelman in « Théorie générale du droit », JL Bergel. 13 P. Bonassies et Ch. Scapel.
  • 7. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 7 internationalisme du droit maritime correspond le caractère universel de la force majeure. Présente à Athènes ou Rome, cette notion se retrouve aussi bien dans les systèmes romano-germanistes, que dans ceux des pays de common law, de droit socialiste ou de droit à caractère religieux –ce qui donne à penser que cette notion correspond à un certain « droit naturel ». Retrouver l’idée de force majeure (à travers des vocables parfois différents) ne signifie pas nécessairement retrouver les caractères du concept, ce qui pose la question de savoir comment la notion de force majeure est appliquée par les juridictions françaises dans le cadre de contrats de transports maritime internationaux de marchandises. Ce particularisme du milieu maritime, et du droit afférent : un droit original mais « dominé »14 , est doublé d’un particularisme lié au contrat considéré : celui de transport de marchandises, que l’on peut définir comme « la convention par laquelle une personne, le transporteur, s’oblige moyennant rémunération, à déplacer une marchandise d’un lieu à un autre »15 . De contrat spécial, le contrat de transport, lorsqu’il est maritime (c'est-à-dire effectué par voie maritime) et concerne des marchandises, devient « très spécial », selon les termes du professeur Delebecque. Le contrat de transport maritime de marchandises est ainsi, pour l’essentiel, soumis à un régime largement homogène constitué de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, éventuellement modifiée par les protocoles de 1968 et 1979, et de la loi française du 18 juin 1966. Le régime particulier déterminé par ces textes instaure une responsabilité de plein droit : dès lors que les marchandises transportées subissent un dommage pendant le transport, la responsabilité du transporteur est présumée engagée. Cette présomption reste toutefois simple et le transporteur peut l’écarter en prouvant que le dommage est survenu dans des conditions correspondant à l’un des cas exceptés expressément prévus par le texte applicable16 . 14 P. Bonassies in « Evolutions et perspectives du droit maritime français », AFCM 2000, Le droit maritime français de l’an 2000. 15 Définition donnée par les professeurs Delebecque et Germain in Droit commercial, tome 2, 17ème édition, LGDJ, 2004, n°2700, p.698. 16 L’ayant droit marchandise pourra alors opposer la faute éventuelle du transporteur -à condition de la prouver- afin de voir cette exonération de responsabilité réduite en proportion de la faute commise.
  • 8. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 8 Il est donc possible, de même que pour les autres cas de responsabilité de plein droit, d’établir que l’on n’est pas responsable. A la démonstration d’un cas de force majeure est ici substituée la démonstration d’un cas excepté. Si la « technique » est différente, la finalité est identique : exonérer le débiteur de la responsabilité découlant de l’inexécution de l’une de ses obligations. Le doyen Carbonnier a ainsi considéré que l’énumération des cas exceptés réalisée à l’article 38 de la loi du 18 juin 1966 s’apparentait à un « catalogue des forces majeures »17 , soulignant par là même la proximité des deux notions. Visant notamment cette loi, les professeurs Viney et Jourdain considèrent que « parfois, la loi se contente de mentionner certains faits comme cause d’exonération sans préciser si la force majeure est écartée ou au moins si la liste des faits visés est limitative. Il faut semble-t-il en déduire d’une part que la force majeure n’est pas écartée et peut toujours être invoquée comme cause d’exonération, d’autre part que les circonstances énumérées n’ont pas à présenter les caractères de la force majeure. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcée la jurisprudence [Cass. Com 20 février 1990] à propos de l’application de l’article 4-2-g de la Convention de Bruxelles du 24 août 1924 »18 . S’il semble que, contrairement à cette assertion, la notion française de force majeure soit écartée par la Convention de Bruxelles et par la loi du 18 juin 1966, on peut s’interroger quant à l’utilité de caractériser les éléments constitutifs de la force majeure pour reconnaître l’existence d’un cas excepté. Les juges, de manière consciente ou non, ne cherchent ils pas à vérifier que le cas excepté présente ces caractères ? Si tel est bien le cas, comment l’expliquer ? Recherche d’équité ? Force de l’habitude ? La volonté clairement exprimée du Doyen Rodière, principal acteur de la réforme du droit maritime dans les années 60, était de calquer le régime français sur les textes internationaux afin d’obtenir une réglementation aussi homogène que possible. Fut ainsi repris la méthode d’énumération exhaustive des cas exceptés dégageant le transporteur de sa responsabilité, avec toutefois une différence quant aux nombres de cas exceptés reconnus. S’il n’y a là, a priori, que différence de méthodes, se pose la question de savoir si les juges tranchent de 17 Carbonnier, n°162, p.309. 18 Viney et Jourdain, n°404.1, p.287.
  • 9. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 9 manière identique suivant que le texte applicable soit la Convention de Bruxelles ou la loi française. Et, pour le cas où les solutions adoptées seraient différentes, d’en comprendre les raisons tant explicites qu’implicites. Mais, si la Convention de Bruxelles et la loi du 18 juin 1966 régissent une grande majorité des contrats de transport maritime de marchandises, il reste des contrats échappant à leur champ d’application. Ces derniers se trouvent dès lors régis par le droit commun et, potentiellement, par le droit commun français… la notion de force majeure trouvant ainsi à s’appliquer in nominem. Le particularisme de la matière influe-t’il sur les caractères de celle-ci ? Echappe aussi à la réglementation issue des lois de 1966 et de la Convention de Bruxelles de 1924, les questions de responsabilité délictuelle pouvant naître lors de l’exécution du contrat de transport. Bien que la force majeure s’applique tant aux responsabilités délictuelle que contractuelle, nous écarterons cet aspect de nos investigations afin de nous consacrer aux relations contractuelles au contrat de transport. De même n’étudierons-nous pas en détail la réglementation issue des Règles de Hambourg eu égard au peu d’importance pratique de celles-ci (situation qui devrait se renforcer avec l’entrée en vigueur de la convention CNUDCI actuellement en cours de rédaction). L’étude de la force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises nécessite de s’entendre sur les termes du sujet. Si la notion de « contrat de transport maritime de marchandise » ne pose pas de problèmes particuliers19 , celle de force majeure est bien plus incertaine. La difficulté à définir cette notion, principalement liée aux divergences jurisprudentielles et doctrinales, impose de consacrer un premier développement à la force majeure en matière contractuelle (partie 1ère ). L’objet autant que référent de notre étude ainsi défini, nous pourrons étudier son application en matière de contrat de transport maritime de marchandises (partie 2nde )20 . 19 Bien qu’il en existe à la marge ! 20 Si cette présentation peut paraître surprenante, elle nous semble justifiée par l’impossibilité d’étudier une notion aussi floue que celle de force majeure sans avoir essayé, au préalable, d’en cerner les contours.
  • 10. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 10 - Chapitre 1er La force majeure en matière contractuelle Si les incertitudes semblent principalement concerner la notion de force majeure en elle- même, c'est-à-dire les éléments nécessaires à sa qualification (Section 1ère ), les effets de celle- ci (Section 2nde ) ne sont pas exempts d’interrogations. Section 1ère Qualification de la force majeure en matière contractuelle La notion de force majeure est proche d’autres notions dont il convient de la distinguer (sous- section 1ère ), avant d’étudier les critères nécessaires à sa qualification (sous-section 2nde ). Ss. 1ère Force majeure et notions proches Si les rapports entre force majeure et cas fortuit focalisèrent tout d’abord l’attention de la doctrine (sous-section 1ère ), les interrogations actuelles portent plutôt sur les rapports de la force majeure et des causes étrangères (sous-section 2nde ). I- Force majeure et cas fortuit Force majeure et cas fortuit sont elles des notions équivalentes ? La distinction opérée par le droit romain (A), qui semblait obsolète après avoir fait débat, pourrait retrouver une certaine actualité avec l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile (B). A/ Une distinction opérée par le droit romain Le droit romain connaissait une gradation de la faute à l’origine d’une inexécution contractuelle allant du dol, faute la plus grave, aux cas fortuit et force majeure, notions distinctes. - Le cas fortuit (casus) était un évènement imprévu mais non irrésistible. La prévision du fait aurait ainsi permis d’en éviter les conséquences.
  • 11. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 11 - La force majeure (vis maior), au contraire, était un évènement irrésistible même dans l’hypothèse où il eût été prévisible. A cette distinction conceptuelle correspondaient des effets différents : - La force majeure exonérait toujours le débiteur de son obligation lorsqu’elle portait sur un corps certain, contrairement au cas où elle portait sur une chose de genre (origine de l’adage « Genera non pereunt », aujourd’hui encore utilisé). - Le cas fortuit, s’il entraînait la destruction d’un corps certain, exonérait également le débiteur de sa responsabilité. Cette règle connaissait néanmoins des exceptions, cas dans lesquels le débiteur prenait le risque à sa charge (par convention spéciale ou pour certains contrats). Des traces de cette distinction originelle, encore en vigueur au Moyen Age, sont décelables dans le Code civil de 1804 qui mentionnent successivement ces deux notions aux articles 1148 et 1348, et se contente de se référer au cas fortuit en ses articles 1722 et 1882. B/ Une distinction révolue puis réactivée ? Le Code Napoléon est plus qu’ambigu sur la question : en plus de mentionner successivement, et à plusieurs reprises, les notions de force majeure et cas fortuit, il utilise aussi les termes « évènement casuel imprévu » (art 1306) et « cause étrangère » (art 1147), tout en semblant attacher les mêmes effets à ces quatre notions. Cette imprécision entraîna, dans le première moitié du 20ème siècle, de nombreuses controverses doctrinales21 entre les tenants de la distinction des notions de cas fortuit et de force majeure22 (position doctrinale au sein de laquelle tous n’étaient pas d’accord) et ceux qui considéraient que ces deux vocables recouvraient une même notion23 . 21 Pour un aperçu plus complet de celles-ci cf. mémoire de Melle Landon « La force majeure en droit maritime » CDMT 87. 22 Notamment Beudant, Radouant (« Du cas fortuit et de la force majeure », thèse Paris 1920), Colin, Capitant et Juliot de la Morandière. 23 Parmi lesquels Josserand, Tunc, Bonnecase, Planiol ou Ripert.
  • 12. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 12 Les premiers appuyaient leur analyse sur un double distinction : quant à l’origine du dommage, le cas de force majeure étant extérieur alors que le cas fortuit était un obstacle interne, et quant au caractère principal de ces deux faits, le cas de force majeure étant essentiellement insurmontable et le cas fortuit principalement imprévisible –reprenant ainsi la distinction romaine. La seconde école, celle de l’unité de ces notions, l’a aujourd’hui emportée. Le vocable de force majeure a largement englobé celui de cas fortuit, ce qui s’explique probablement par la prédominance du caractère d’irrésistibilité au détriment de celui d’imprévisibilité24 (cf. infra). Ainsi, messieurs Marty et Raynaud considéraient en 1988 qu’ « il est difficile d’attacher à ces différences de terminologie de véritable différences de régime. On comprend donc que l’accord se soit pratiquement fait dans la doctrine récente pour renoncer à établir une distinction générale entre cas fortuit et force majeure qui ont un même effet exonérateur » 25 . Dix ans plus tard la pertinence de ces propos est confirmée par les professeurs Mazeaud et Chabas qui estiment qu’ « un évènement de force majeure est un évènement anonyme, imprévisible et irrésistible. On le désigne également sous le nom de cas fortuit. Dans le langage juridique moderne, les deux expressions sont synonymes. Les rédacteurs de l’article 1148 les ont employées concurremment comme telles, et les tribunaux recourent indifféremment à l’une ou à l’autre » 26 . L’assimilation des deux notions est telle que les ouvrages les plus récents passent sous silence cette divergence doctrinale : le professeur Bénabent se contente ainsi de préciser « notion de force majeure –que le code vise aussi volontiers sous l’appellation de cas fortuit » ; les professeurs Viney et Jourdain27 considérant quant à eux que « bien qu’elle soit synonyme de « cas fortuit » […] elle (l’expression force majeure) évoque plus directement la force supérieure à celle de l’homme». 24 « La chance et le droit », thèse de A. Bénabent, LGDJ 1973. 25 Marty et Raynaud, n°552, p.694. 26 Mazeaud par Chabas, n°573, p.663. 27 Viney et Jourdain, n°392, p.264 et s.
  • 13. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 13 De même, nombre de sommaires d’ouvrages récents renvoient-ils pour la notion de « cas fortuit » à celle de « force majeure », passant ainsi sous silence une controverse doctrinale apparemment caduque. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile, en mentionnant les deux notions ne risque-t’il pas de réactiver la controverse ? Si, par définition, le devenir d’un avant-projet de réforme n’est pas certain, son origine prestigieuse devrait lui assurer, a minima, un succès d’estime propre à influencer les avis doctrinaux et le droit positif. Il dispose ainsi en son article 1349, le premier relatif aux causes d’exonération, que : « La responsabilité n’est pas engagée lorsque le dommage est dû à une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure. La cause étrangère peut provenir d’un cas fortuit, du fait de la victime ou du fait d’un tiers dont le défendeur n’a pas à répondre. La force majeure consiste en un évènement irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont on ne pouvait éviter les effets par des mesures appropriées ». Ce projet distingue donc la force majeure, qu’il définit, et le cas fortuit qui ne semble être qu’un « phénomène naturel ou évènement anonyme »28 , présentant potentiellement les caractères d’un cas de force majeure. C’est ainsi un retour linguistique au droit romain qui est effectué ! Linguistique seulement car, à bien lire le projet de réforme, le cas fortuit n’est qu’une des différentes causes étrangères envisagées. Lorsque la qualification de force majeure est juridique et entraîne l’application d’un régime juridique particulier, le cas fortuit ne semble être qu’un phénomène physique participant de la diversité des causes étrangères -cette dernière notion entraînant l’application d’un régime juridique distinct de celui de la force majeure. 28 Selon la définition donnée par les professeurs Viney et Jourdain (participants à l’élaboration de l’avant-projet de réforme) lorsqu’ils entendent distinguer force majeure et cas fortuit -Viney et Jourdain, n° 395, p.269.
  • 14. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 14 Le fond du droit ne serait donc pas modifié et cette distinction sémantique paraît tout à fait justifiée. Si celle-ci devait réactiver une controverse oubliée, les auteurs de manuels de droit civil devraient veiller à ne plus employer indistinctement un terme pour un autre. Mais, la lecture de ceux-ci amène à constater qu’après avoir professé que force majeure et cas fortuit sont synonymes, une majorité d’auteurs s’abstient d’utiliser une notion pour l’autre. L’avant-projet de réforme semble dévoiler au grand jour une distinction qui, malgré les apparences, est actuellement effectuée par les auteurs… louons leur sagesse et gageons que les affres d’une nouvelle controverse doctrinale (source d’insécurité juridique) seront évités. Si la distinction entre cas fortuit et force majeure apparaît, actuellement, implicite, celle des notions de force majeure et cause étrangère est aussi claire qu’explicite. II- Les relations entre force majeure et cause étrangère La cause étrangère est « un évènement dont la personne à laquelle la responsabilité d’un dommage est imputée cherche à se prévaloir pour démontrer que le fait qui lui est reproché n’est pas la seule cause ni même peut-être la cause principale du préjudice invoqué »29 . Son caractère principal est donc de briser le lien de causalité entre les actes du défendeur et le dommage subi par une autre en démontrant que la cause du dommage est « étrangère », soit extérieur, aux agissements du défendeur, ainsi que des personnes ou biens dont il répond. Cette notion est donc très large, et de ce fait généreuse. Elle vise tous les éléments ou facteurs sur lesquels le défendeur n’a pas de prise –tel que le cas fortuit de l’avant-projet de réforme. Elle se révèle aussi plus « malléable » que celle de « force majeure », c'est-à-dire plus accueillante. En effet, son caractère principal est « l’extériorité », lorsque la force majeure nécessite la réunion de critères distincts ou complémentaires (irrésistibilité, voire imprévisibilité), qui se révèlent plus difficiles à établir. 29 Viney et Jourdain, n°383, p.251.
  • 15. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 15 Notion moins précise, la cause étrangère engendre aussi des conséquences plus variées, notamment en ce que l’exonération engendrée par la preuve d’une cause étrangère peut n’être que partielle (ce qui n’est pas le cas de la force majeure selon une majorité de la doctrine –cf infra). Comme le soulignent les professeurs Carbonnier30 , Fabre-Magnan31 ou Bénabent32 , chacune des notions mentionnées évoquent un caractère particulier : la « cause étrangère » : l’extériorité, le « cas fortuit » : l’imprévisibilité et la « force majeure » : l’irrésistibilité. Chaque expression, employée pour désigner des réalités souvent très proches les unes des autres, met ainsi en exergue l’un des caractères traditionnellement exigé par la jurisprudence pour qualifier un évènement de cas de force majeure. 30 Carbonnier, n°162, p.308. 31 Fabre-Magnan, n°270, p.736. 32 Bénabent, n°332, p.252.
  • 16. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 16 Ss. 2nde Les critères de qualification de la force majeure Que l’on considère les vocables de « force majeure », « cas fortuit » ou « cause étrangère », force est de constater que le Code civil n’en donne aucune définition. Ceci s’explique par la volonté des rédacteurs du Code civil de rédiger un « Code ouvert », selon J.L. Halpérin « Convaincus que les détails devaient être l’œuvre des jurisconsultes, les rédacteurs du Code civil ont laissé une assez large carrière à l’interprétation jurisprudentielle »33 ; idée que l’on retrouve dans le discours de présentation du Code civil prononcé par Portalis.34 La définition des critères de qualification d’un évènement en cas de force majeure a ainsi été l’œuvre de la jurisprudence, influencée par la doctrine. De manière traditionnelle trois critères furent ainsi dégagés. Si leur réunion semble devoir entraîner une qualification incontestable de l’évènement en cas de force majeure, la réunion de deux de ceux-ci, ou même parfois la présence de l’unique critère d’irrésistibilité35 , peut s’avérer suffisante pour engendrer une qualification aux conséquences importantes. La détermination des critères nécessaires à la qualification de force majeure n’est donc pas évidente, mais la complexité réside aussi, si ce n’est surtout, dans l’appréhension de chacun d’entre eux. En effet, suivant que l’on opte pour une appréciation in abstracto ou in concreto la définition du critère se trouve bouleversée. De plus, si chaque critère doit en principe faire l’objet d’une qualification autonome, ils ne sont pas totalement indépendants. Ainsi, un évènement imprévisible sera plus difficilement résistible qu’un évènement annoncé. Nous étudierons donc chacun de ces trois critères en nous attachant à la manière dont ils sont appréciés, en commençant par l’irrésistibilité (I) qui « dans l’océan de controverses que suscite la qualification de force majeure […] semble être un îlot de certitudes »36 , avant de nous intéresser aux critères d’imprévisibilité (II) et d’extériorité (III). 33 « Le Code civil », JL Halpérin, 2ème édition, Dalloz, Connaissance du droit, 2003. 34 Cf. introduction. . 35 En ce sens : Cass. Civ. 1ère 9 mars 1994, Com 1er octobre 1997, 16 mars 1999, Civ. 1ère 6 novembre 2002. 36 Antonmattéi, n°77, p.58.
  • 17. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 17 I- L’irrésistibilité –« A l’impossible nul n’est tenu » Plus que dans la définition (A), la difficulté réside, pour le caractère irrésistible, dans son appréciation (B). A / Définition de l’irrésistibilité Est irrésistible l’évènement contre lequel le débiteur ne peut rien faire lorsqu’il se produit, celui qu’il ne peut combattre et qui rend impossible l’exécution de l’obligation contractuelle37 . Cette définition abstraite ne prend tout son sens qu’à travers l’appréciation de la capacité du débiteur à résister à un évènement. Celle-ci paraît résulter de la conjonction de deux facteurs : - les caractéristiques de l’évènement en tant que tel, - la capacité de résistance du débiteur. La jurisprudence française a toujours opté pour une appréciation relativiste de la force majeure, c'est-à-dire prenant en compte les circonstances de temps, de lieu, économiques… par opposition à une appréciation « absolue » qui considère que certains faits sont par eux mêmes des cas de force majeure38 . Si cette dernière solution présente les avantages de simplicité et sécurité juridiques, l’appréciation « relative » des caractéristiques de l’évènement pourrait sembler relativement aisée dès lors qu’elle dépend de faits objectifs le plus souvent quantifiables, par exemple des vents d’une force déterminée, une décision d’une autorité imposant une quarantaine, un glissement de terrain d’une surface donnée… S’il est effectivement des cas dans lesquels les faits sont ainsi établis, la réalité n’est pas toujours aussi univoque. Peut ainsi se poser la question de savoir à quel moment précis une tempête est devenue irrésistible. Puisque, si le navire a sombré avant cet instant, n’est pas en cause un évènement de force majeure. L’appréciation de la capacité de résistance du débiteur est, quant à elle, systématiquement délicate et dépend largement du référent servant à la mesurer. 37 D’après Jourdain, « Les principes de la responsabilité civile », 5ème édition, Dalloz, 2000. 38 Viney et Jourdain, n°398, p.274.
  • 18. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 18 En matière contractuelle l’irrésistibilité n’est plus caractérisée par l’impossibilité absolue d’exécuter, contrairement à ce que considéraient les professeurs Mazeaud et Chabas39 . Cette impossibilité doit cependant être définitive pour jouer pleinement : si elle n’est que temporaire40 elle n’entraînera que la suspension de l’exécution du contrat41 . Cette solution, que le bon sens autant que l’équité approuvent, interroge tout de même quant au caractère « irrésistible ». Admettre une irrésistibilité temporaire est, a minima, très souple. Il semble, en réalité, qu’il n’existe pas d’irrésistibilité temporaire puisque l’écoulement du temps rend résistible l’évènement. La modulation de l’effet attaché à cette « force majeure temporaire » (formule quasiment antinomique), rend toutefois cette solution particulièrement adaptée42 . Ne se pose au final qu’une question : n’ayant pas réellement les caractères d’un cas de force majeure (il n’est même pas réellement irrésistible) et n’en produisant pas les effets traditionnels [il y a suspension du contrat43 et non résolution (ou caducité cf. infra)] peut-on parler de cas de force majeure, même temporaire ? Nous ne sommes pas persuadés qu’une rigueur, toute juridique, sa satisfasse de cette notion. Pourtant, force est de constater qu’elle n’est pas contestée. Elle présente, en outre, le mérite d’être appliquée « dans la plupart des Etats européens ainsi que dans la Convention de Vienne de 1980 »44 . Nous ne pousserons donc pas plus loin la critique d’une notion acceptée par tous et dont les effets paraissent satisfaisants. 39 Mazeaud par Chabas, n°576, p.665. 40 Il est toutefois notable que « dans bien des situations, la détermination de la durée de l’impossibilité est malaisée : d’un côté, l’obstacle que l’on croyait définitif disparaît (l’interdiction est levée contre toutes attentes) ; de l’autre l’obstacle provisoire se prolonge (la maladie du cocontractant s’aggrave) ou s’éternise (le malade décède. » Yves-Marie Laithier, dans sa thèse « Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat », préface de Horatia Muir Watt, LGDJ, 2004, n°241 et suivants, p.326 et suivantes. 41 Civ. 15 février 1888, Req. 12 décembre 1922, Cass. Civ.1ère 24 février 1981, Cass. Com. 27 mars 1990, Cass. Civ. 3ème 22 février 2006. 42 Cf. sur ce point « La suspension du contrat a exécution successive », J-F Artz, Dalloz 1979, chronique XV qui écrit notamment que « tant que subsiste une chance de survie du contrat, sa suspension apparaît préférable à sa disparition pure et simple ». 43 Sur les interrogations relatives au fondement juridique de cet effet, cf. l’article de J-F Artz précité. 44 Christophe Radé in « Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats », sous la direction de Pauline Rémy-Corlay et Dominique Fenouillet, Dalloz, 2003.
  • 19. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 19 De même le caractère irrésistible signifie que tout moyen permettant d’atteindre un même résultat doit être mis en œuvre : il n’existe pas de « force majeure financière »45 , ni de force majeure concernant la disparition des choses de genre qui, en vertu de l’adage latin « genera non pereunt », ne périssent pas46 . Le rejet de la « force majeure financière », fondé sur le principe de la force obligatoire du contrat (art 1134 alinéa 1er ), fait l’économie de la notion de bonne foi (art 1134 alinéa 3) qui voudrait qu’un bouleversement de l’économie du contrat entraîne une discussion quant à ses conditions d’exécution. Si elle apparaît cohérente avec le rejet de la théorie de l’imprévision47 , elle semble faire primer un principe juridique sur un autre, tout aussi légitime, et sur le principe de réalité48 . Quitte à faire primer un principe sur un autre, ce qui apparaît inévitable face à une telle confrontation, nous préférerions que celui de bonne foi l’emporte, au profit du réalisme économique, en veillant ainsi à faire respecter l’impératif représenté par le concept de l’équilibre contractuel49 . Nous souscrivons ainsi entièrement aux propos du professeur Pascal Ancel lorsqu’il écrit « Christophe Jamin a montré en d’autres lieux, à propos du problème de l’imprévision, que, dans l’article 1134, l’alinéa 1 ne pouvait être lu indépendamment de l’alinéa 3, il ne peut pas l’être non plus sans le complément de l’article 1135. La bonne foi du premier, l’équité visée par le second peuvent alors être comprises comme des éléments permettant de déterminer le contenu exact de la norme contractuelle ; ces notions ouvrent au juge le pouvoir, sans aucunement violer le principe de la force obligatoire de cette norme, de s’écarter d’une application stricte, mécanique, de ce qui a été voulu par les parties »50 . Nous ferons d’ailleurs remarquer qu’il est, en pratique, abscons d’obliger un contractant à exécuter un contrat qui le ruine : cette solution rigoriste n’aura aucun avenir puisqu’il va mener à la faillite de l’une des parties, c'est-à-dire à la fin du contrat. Cela n’est bénéfique ni au créancier, ni au débiteur, ni à la société. Si la parole donnée engage, il faut se conduire en 45 Selon l’expression des professeurs Malaurie et Aynès ; Cass. Civ. 4 août 1915, Civ. 5 décembre 1927, Com 12 novembre 1969, Com. 4 janvier 1980, Soc. 20 février 1996, Civ.1ère 16 novembre 2004. 46 Cf. notamment Cass. Com. 4 janvier 1980, Soc. 19 décembre 1990, CA Paris 19 avril 1991. 47 Cass. Civ. 6 mars 1876, affaire du « Canal de Craponne », puis Civ. 2 décembre 1947 ou Soc. 12 mai 1965. 48 Le doyen Carbonnier souligne que cette solution est « marqué(e) par un libéralisme économique qui ne s’interdisait pas de paraître impitoyable » -Carbonnier, n° 166, p.313. 49 Cf. « L’équilibre contractuel », thèse de L. Fin-Langer, LGDJ 2002. 50 « La force obligatoire, jusqu’où faut il la défendre », article de P. Ancel in La nouvelle crise du contrat, sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz, 2003, p.163 et s.
  • 20. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 20 adultes responsables : le bouleversement des conditions d’exécution d’un contrat doit connaître des effets juridiques adaptés permettant sa continuation à des conditions acceptables par chacun des cocontractants. Disant cela nous ne voulons aucunement remettre en cause la force obligatoire du contrat qui interdit, avec la bonne foi, que le contrat soit renégocié pour tout évènement imprévu. Si l’exécution d’un contrat s’avère plus onéreuse que prévue pour le débiteur en raison d’un évènement imprévisible et irrésistible, il doit, sauf à engager sa responsabilité contractuelle, exécuter son obligation. La jurisprudence tranche en ce sens.51 Un même évènement menant à la ruine l’un des cocontractants doit, à notre sens, être qualifié de force majeure : il échappe aux capacités humaines de résistance. Enfin, le fait que l’exécution du contrat soit devenue sans intérêt pour l’une des parties n’est pas non plus un cas de force majeure puisque l’exécution reste possible (ex : com 23 janvier 1968). Cette solution est bonne : si l’équité ne doit mener à la ruine, elle ne doit pas non plus rendre le contrat trop fragile. B/ Une appréciation in abstracto contestable Le professeur Tunc soulignait que la force majeure n’est pas la vis maxima, mais bien la vis maior, concept moins exigeant52 . Cette idée est reprise par les professeurs Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck qui considèrent qu’il n’est pas attendu du débiteur d’être un surhomme, ce que le doyen Carbonnier exprime en ces termes : « philosophiquement, c’est la conception relative qui a raison : l’absolu n’est pas de ce monde »53 . Le débiteur ne doit donc résister que dans la mesure du possible, tout au moins depuis que la Cour de cassation a « humanisé les standards en adjoignant l’adverbe « normalement » 51 Ex : le transporteur maritime qui s’est engagée à emmener des pèlerins en Terre sainte ne peut invoquer la grève des marins dès lors qu’il pouvait recourir à un transport aérien pour exécuter son obligation (à des conditions plus onéreuses) –Cass. Civ. 1ère 8 décembre 1998. Mais aussi Civ. 4 août 1915, 17 novembre 1925, Com. 18 janvier 1950, Soc. 8 mars 1972. 52 « Force majeure et absence de faute contractuelle », RT, 1945. 53 Carbonnier, n°165, p.312. Le « Doyen maritime » partageait d’ailleurs cette vision : il préconisait d’entendre imprévisibilité et insurmontabilité de façon humaine et non absolue –Traité, t. II, n°630, p.271.
  • 21. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 21 aux mots d’imprévisibilité et d’irrésistibilité »54 . Est alors posée la question de savoir si l’on doit apprécier le possible en fonction de l’homme raisonnable, du fameux « bon père de famille » -ici mué en « débiteur normalement diligent »- c'est-à-dire in abstracto ou en prenant en compte les caractéristiques propres au débiteur, c'est-à-dire in concreto. Il est généralement considéré que l’appréciation in abstracto rend les décisions plus prévisibles, au bénéfice de la sécurité juridique, dès lors qu’elle doit (en principe) donner une même solution pour deux situations identiques quelque soit le débiteur. Mais, à cet égard une remarque doit être faite : le créancier contracte avec un débiteur donné, jamais avec le débiteur moyen ! Il prend donc en considération les caractéristiques de celui-ci qui peuvent être moins bonnes ou meilleures que celles du cocontractant normalement diligent. En général le prix de la prestation s’en trouve affecté. Celui-ci, qui constitue la contrepartie la plus fréquente dans le cadre d’un contrat synallagmatique, correspond tout à la fois au contenu de l’obligation et à la personnalité du débiteur. Or, de ces deux notions découle la diligence due et attendue. Si les débiteurs offrent leur service pour un prix différent c’est, souvent, que la qualité de ceux-ci n’est pas en tout point égale (tous les professionnels ne sont pas aussi compétents). De même, est-il fréquent qu’un débiteur propose un service similaire pour un prix plus ou moins élevé en fonction de la qualité du service rendu, c'est-à-dire de la diligence que le créancier est en droit d’exiger. Finalement, ce qui singularise la situation contractuelle réside dans la liberté de choix de son cocontractant. L’appréciation de la résistibilité des évènements doit nécessairement s’en trouver affectée. Ainsi, l’affréteur de l’Erika ne devait-il pas s’attendre, payant un fret deux fois inférieur à celui du marché, à se voir offert un navire en très bon état et réellement « apte à affronter les périls de la mer ». Certes, le navire était classé et la navigabilité est une condition essentielle dans le cadre d’un affrètement. Pour autant, un certain réalisme incite à considérer que, le plus souvent, « on en a pour son argent ». En payant peu, un créancier ne peut s’attendre à beaucoup en retour, l’économie est sur ce point implacable. 54 « Le fait du créancier contractuel », thèse de Christophe André, LGDJ, 2002, n°481, p.145 mentionnant à l’appui de cette assertion plusieurs arrêts : Cass. Civ.2ème 25 janvier 1956, 29 juin 1966, 6 juillet 1977 & 21 janvier 1981.
  • 22. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 22 Surtout, en cas d’évènement imprévu (sans même parler ici de cas de force majeure) tel qu’un retard ou la nécessité de réaliser une escale imprévue, les obligations du transporteur à l’égard du passager seront différentes. Certes la loi impose un certain standard de prise en charge des passagers dans de telles situations. Dépendra cependant du prix acquitté la qualité des prestations offertes : il est peu probable que le passager « low cost » ait accès au même salon privé que le passager de la classe affaire. Il est aussi vraisemblable que le confort de l’hôtel ou la qualité du restaurant proposés par la compagnie aérienne seraient quelque peu différents. Le créancier, suivant la personne avec laquelle il a contracté et suivant la contrepartie versée (le plus souvent un prix) va donc pouvoir s’attendre à une capacité de résistance plus ou moins grande de son débiteur. On retrouve ici la notion de « degré de diligence » que le professeur Stoffel-Munck mentionne à propos de l’imprévisibilité en matière contractuelle (cf. infra). Sauf à considérer le cas du débiteur « moyen » correspondant en tout point au référent, la solution engendrée par une conception abstraite sera injustifiée : - Si le créancier choisit un débiteur dont il est en droit d’attendre un niveau d’excellence (au regard de sa réputation, du prix facturé ou des dires de celui-ci) il risque de se trouver lésé55 par un niveau d’exigence moyen des juges à l’égard du débiteur. - Au contraire, en choisissant un débiteur offrant ses services à moindre coût le créancier privilégie le prix à la qualité. Partant, il n’est en droit d’attendre de son débiteur qu’une résistance inférieure à celle du débiteur moyen. Ce dernier risque donc de se trouver lésé par une appréciation abstraite du caractère résistible. Pour autant, la jurisprudence semble privilégier une appréciation in abstracto de l’irrésistibilité et recherche si un individu moyen placé dans les mêmes circonstances aurait pu normalement y résister56 . Cette conception, parfaitement justifiée en matière délictuelle, est à nos yeux injustifiée en matière contractuelle de part le choix d’un cocontractant et de toutes ses caractéristiques. 55 Dans le sens commun de ce terme et non dans son acception juridique. 56 Cependant « plus rarement, les tribunaux sont plus indulgents et font état de considérations personnelles au débiteur afin de juger l’évènement » in Malaurie, Aynès, Stoffel-Munck.
  • 23. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 23 A nos yeux, l’importance de la prévision en matière contractuelle (spécificité que l’on retrouve notamment en matière de réparation des préjudices subis –art 1150 du Code civil : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat […] ») justifierait une appréciation in concreto. Le caractère irrésistible est la condition sine qua non de la qualification de force majeure : malgré les controverses jurisprudentielles aucun arrêt n’a, à ce jour et à notre connaissance, fait l’économie de ce critère pour qualifier un cas de force majeure57 –contrairement à celui d’imprévisibilité. II- L’imprévisibilité –« Un homme avisé en vaut deux » Sauf à dire qu’est imprévisible ce qui ne peut être prévu, la définition de cette notion nécessite de s’intéresser à la manière dont elle est appréciée (A). La doctrine n’en reste pas moins hostile à ce critère (B). A/ Appréciation de l’imprévisibilité Une appréciation adéquate de cette notion semble délicate tant l’excès est aisé : il est tentant de considérer que tout évènement, dès lors qu’il n’est pas nouveau, était prévisible58 ou, a contrario, qu’il est impossible de tout prévoir. Le danger réside d’ailleurs tout autant dans une appréciation trop abstraite de la notion de prévisibilité, tendance à laquelle la jurisprudence succomba selon Radouant qui écrit, en 1920, « en réalité ce n’est pas la prévisibilité que l’on envisage, mais la probabilité »59 . La jurisprudence a opté, depuis, pour une appréciation in abstracto « raisonnée » consistant à estimer qu’un évènement est imprévisible dès lors qu’il n’y avait « aucune raison 57 Cf. arrêts de la Cour de cassation supra, note 15. 58 Ainsi la Cour de cassation refusait elle, dans un premier temps de reconnaître la grève comme un cas de force majeure en considérant qu’une grève est toujours prévisible dans une entreprise -Civ. 1ère 7 mars 1966. Fut aussi avancée l’idée selon laquelle la souscription d’une assurance pour un type de dommages démontrait son caractère prévisible –conception aujourd’hui abandonnée. 59 In « Du cas fortuit et de la force majeure », thèse, Paris, 1920.
  • 24. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 24 particulière pour un homme raisonnablement avisé de penser qu’il se produirait »60 . Ce n’est donc pas une prévisibilité abstraite et générale, pour chaque type d’évènements, mais bien par rapport à « l’homme normalement attentif et prévoyant placé dans les mêmes circonstances »61 . Au crédit de l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006 doit être porté la confirmation d’une jurisprudence constante : en matière contractuelle l’imprévisibilité s’apprécie lors de la conclusion du contrat62 . Ce rappel est particulièrement bienvenu car, comme le souligne une doctrine importante63 , si un évènement était prévisible lors de la conclusion du contrat il est entré dans la sphère contractuelle et les contractants devaient en tenir compte lors de la définition des obligations de chacun. Les effets sur le contrat de la survenue de cet évènement imprévisible lors de sa conclusion dépendent du « degré de diligence »64 attendu du débiteur. Celui-ci sera normal faute de stipulation précise, accru si l’obligation est de résultat, et pourra être modulé par les clauses contractuelles. Cette notion de « degré de diligence attendu » est particulièrement importante, elle s’attache au caractère imprévisible et non pas imprévu de l’évènement. La comparaison de ces deux termes souligne le caractère intrinsèquement abstrait de la notion : - Si le terme employé avait été « imprévu » eut été en cause la force obligatoire du contrat et le rejet de la théorie de l’imprévision aurait trouvé à s’appliquer. Il eut alors fallu s’intéresser aux prévisions concrètes des parties. - Par contre l’emploi du terme « imprévisible » s’attache clairement a ce qui aurait dû être prévu, et non ce qui a été réellement envisagé. 60 Civ. 21 janvier 1918, Civ. 1ère 7 mars 1966. 61 Les principes de la responsabilité civile, 5ème édition, Patrice Jourdain, Dalloz, 2000, p.86. 62 Cass. Civ.1ère 7 mars 1966, Com 21 novembre 1967, Chambre mixte 4 février 1983, 3ème espèce, Civ.1ère 18 mai 1989, Com 3 octobre 1989, Civ.1ère 4 février 1997. 63 Les professeurs Stoffel-Munck, Jourdain, Carbonnier, Terré, Simler, Lequette, Larroumet et Sériaux notamment. 64 Selon l’expression du professeur Stoffel-Munck, note JCP édition générale, 2006, I, 1646.
  • 25. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 25 L’évaluation de l’ampleur de ce qui devait être prévu par le débiteur correspond, en réalité, au degré de diligence attendu du débiteur. Les professeurs Viney et Jourdain écrivent ainsi que « l’imprévisibilité n’est autre, finalement, que l’absence de faute dans la prévision de la cause étrangère : l’évènement imprévisible est celui que l’agent n’est pas en faute de ne pas avoir prévu »65 . L’appréciation de la prévisibilité lors de la conclusion du contrat correspond donc à la force obligatoire du contrat, aux suites normales du contrat66 et au principe de bonne foi : comment se prévaloir de la survenance d’un élément dont on devait avoir conscience lors de la conclusion du contrat ? Cela reviendrait à se prévaloir de sa faute pour s’exonérer de sa responsabilité ! L’imprévisibilité n’est donc qu’ « un critère d’attribution des risques »67 . De ce que la prévisibilité d’un évènement est appréciée lors de la conclusion du contrat il ne faudrait toutefois pas tirer de conclusions excessives : si un évènement devient prévisible entre la conclusion et l’exécution de son obligation par le débiteur, celui-ci ne devrait pouvoir s’abriter derrière l’imprévisibilité lors de la conclusion du contrat. Le risque lié à une conception trop manichéenne de ce principe est d’autant plus grand que le contrat produit ses effets sur une période longue. Là encore, le principe de bonne foi doit prendre le relais et venir tempérer une appréciation qui risquerait d’être trop rigoriste pour régir une réalité nuancée : la prévisibilité d’un évènement lors de la conclusion du contrat le fait entrer dans la sphère contractuelle (art 1134 al 1er du Code civil). Si un évènement devient prévisible en cours d’exécution le débiteur doit prendre toutes les mesures pour en prévenir la survenance et les conséquences fâcheuses, la bonne foi et les suites normales du contrat l’imposent (art 1134 al3 et 1135 du Code civil). L’appréciation de l’imprévisibilité en matière contractuelle, pour laquelle nous tenons, n’a plus grand-chose à voir avec la notion d’impossibilité d’exécution… le critère d’imprévisibilité est-il bien adapté à la caractérisation de la force majeure en matière contractuelle ? Avec d’autres, plus nombreux et surtout plus savants, nous en doutons. 65 Viney et Jourdain, n°399, p.279. 66 C'est-à-dire « à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » pour reprendre les termes exacts de l’article 1135 du Code civil. 67 Antonmattei, n°74, p.56.
  • 26. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 26 B/ Un critère controversé L’imprévisibilité est la condition la plus controversée tant au plan doctrinal que jurisprudentiel. Ce critère a successivement été abandonné par la 1ère chambre civile68 , suivie da la chambre commerciale69 , de la chambre sociale70 et enfin de la chambre criminelle71 . Au final, et avant l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006, seule la 2ème chambre civile72 continuait à se référer à cette notion pour caractériser un évènement de « force majeure ». A cet égard, les arrêts d’Assemblée plénière du 14 avril 2006 ont été considérés par la doctrine comme particulièrement obscurs : s’ils constatent la présence des critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ils n’imposeraient pas pour autant la réunion de ces deux critères. Il ne fait donc pas de doute qu’un évènement imprévisible et irrésistible soit un cas de force majeure… mais pour un évènement irrésistible et prévisible, qu’en est -il ? Dans un communiqué rédigé par la Cour de cassation au sujet de cet arrêt, celle-ci précise que la condition de prévisibilité est toujours exigée. S’il on peut s’interroger sur la portée de ce communiqué73 , il doit toutefois être remarqué que les différents commentateurs furent quelque peu partiaux dans leur exégèse de ces arrêts. Certes, les deux arrêts de la Cour de cassation semblent caractériser un cas de force majeure en présence d’un évènement imprévisible et irrésistible sans préciser que la réunion de ces deux critères est consubstantielle à la notion de force majeure. Pour autant, le fait que ces deux arrêts soient rendus le même jour par la formation la plus solennelle de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, et que celle-ci vienne ensuite rédiger un communiqué explicite, laisse à penser que ces deux arrêts n’avaient pas pour vocation unique de confirmer une solution jurisprudentielle acquise. 68 Cass. Civ.1ère : 9 mars 1994, 17 novembre 1999, 6 novembre 2002. 69 Cass. Com. 1er octobre 1997, 16 mars 1999, 29 mai 2001, 26 juin 2001. 70 Cass. Soc. 12 février 2003. 71 Cass. Crim. 15 novembre 2005. 72 Cass. Civ.2ème 13 juillet 2000, 11 janvier 2001, 12 décembre 2002, 23 janvier 2003 (2 arrêts). 73 « Sources du droit en droit interne », Pascale Deumier et Rafael Encinas de Munagorri, RTD civ. juillet/septembre 2006, p.510 et suivantes.
  • 27. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 27 Bien que leur formulation soit maladroite, il semble que la volonté de la Cour de cassation de trancher une controverse doctrinale est suffisamment claire pour ne pas prétendre que les décisions ne posent pas une solution certaine… tout au moins formellement, comme le soulignent les professeurs Jacques et Brun.74 S’il faut sans doute critiquer ces décisions, il paraît difficile de s’abriter derrière leur formulation approximative pour en contester la portée : la confirmation de l’exigence du critère d’imprévisibilité comme participant de la notion de force majeure. Reste à savoir, notamment en raison de l’opposition d’une grande majorité de la doctrine, quel sort sera réservé à cette solution de principe. Nombreux sont les auteurs considérant que l’imprévisibilité n’est qu’un « indice »75 du caractère irrésistible, qu’elle ne prend son sens qu’en ce qu’elle facilite ou rend plus difficile la résistance à l’évènement. Nous partageons cet avis, en effet l’appréciation du caractère irrésistible devrait, a minima, être modulée en fonction de la possibilité de l’anticiper : - Si l’évènement était prévisible, c'est-à-dire que dans le contrat considéré le débiteur (avec ses compétences propres et suivant la diligence à laquelle il s’est obligé) devait le prévoir, l’appréciation devra alors être plus stricte. En effet la bonne foi contractuelle, autant que son engagement initial, lui impose de prendre les dispositions pour parer à cet évènement. - S’il n’était pas prévisible, c'est-à-dire que dans le contrat considéré le débiteur (avec ses compétences propres et suivant la diligence à laquelle il s’est obligé) n’avait pas à le prévoir, le juge devra être plus indulgent. L’effet de surprise venant alors réduire la capacité de résistance que le créancier pouvait attendre du débiteur (à qui il n’est pas demandé d’être un surhomme). 74 Ph. Brun et Ph. Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy, supplément au n°35, février 2007. 75 Terme utilisé par le professeur Antonmattei dans sa thèse, auquel se sont ralliés les professeurs Viney, Jourdain, Brun ou Moury (dans son article « Force majeure : éloge de la sobriété », RTD 2004, p.477).
  • 28. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 28 Mais, à vrai dire, une solution encore plus convaincante, proposée par le professeur Antonmattei dans sa thèse et aujourd’hui soutenue par nombre d’auteurs, consisterait à remplacer le critère de l’irrésistibilité par celui de l’inévitabilité76 pour obtenir une nouvelle trilogie : irrésistibilité, inévitabilité et impossibilité d’exécution. Est inévitable un évènement qui, même prévu, n’aurait pu être empêché ni ses conséquences éludées (par exemple : glissement de terrain, fait du prince, tsunami, ouragans saisonniers ou autre évènement naturel d’une violence exceptionnelle). Dans ce cas le fait que toutes les précautions possibles77 aient été prises par le débiteur pour éviter l’évènement de force majeure et ses conséquences ou, à tout le moins et faute de mieux, en réduire les effets dommageables, caractériserait le critère d’irrésistibilité. Il est un fait, encore démontré en ce mois d’août 2007 par le tremblement de terre survenu au Pérou ou par l’ouragan Dean, qu’un évènement prévu peut être totalement irrésistible. Le caractère inévitable de l’évènement rend sa prévision largement inutile. Cette substitution de critère serait avant tout sémantique car, comme le démontre le professeur Antonmattei, ce critère semble déjà être appliqué de manière implicite78 ou explicite, par exemple à travers la formule « l’irrésistibilité de l’évènement est à elle seule constitutive de la force majeure lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l’évènement »79 . Au final, le caractère imprévisible reste donc contesté. Si l’Assemblée Plénière a tenté de lui redonner ses lettres de noblesse, il est fort probable que, influencés par les critiques de la doctrine, les juges du fond et certaines chambres de la Cour de cassation continuent à s’abstenir d’exiger ce critère pour caractériser la force majeure. 76 Critère connu du droit espagnol (art 1105 du Code civil) et de la CMR (art 17 §2), et auquel se réfère l’avant- projet de réforme de la responsabilité (art 1349 du Code civil envisagé) –cf. supra. La jurisprudence le caractérise d’ailleurs parfois –Cf. infra, note 59. 77 Devant, à notre sens, être là aussi appréciées in concreto c'est-à-dire en fonction des compétences du débiteur et de la diligence à laquelle il s’est obligé. 78 A bien y regarder il semble ainsi que l’exonération de responsabilité pour maladie réalisée par l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006, corresponde plus à une inévitabilité de la maladie qu’à un caractère réellement imprévisible de celle-ci. 79 Cass. Com. 1er octobre 1997 et, avec des motifs semblables : Civ. 1ère 7 mars 1966, Civ. 1ère 9 mars 1994, Com. 30 juin 2004.
  • 29. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 29 Plus qu’un critère autonome l’imprévisibilité devrait être considéré comme modulant la notion d’irrésistibilité. Le professeur Fabre-Magnan80 considère même que pour la doctrine et la jurisprudence les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité tendent à ne plus faire qu’un, le second critère étant celui de l’extériorité. III- L’extériorité Le critère d’extériorité est « probablement celui qui suscite le plus grand nombre d’interrogations, celui qu’il convient d’isoler car il est, d’une certaine façon et plus que d’autres, symbolique de toute l’évolution suivie par les mécanismes de responsabilité civile »81 ! Si une doctrine majoritaire considère qu’il n’est pas consubstantiel à la notion de force majeure (B), sa définition (A) semble en elle-même problématique. A/ Définition Si les auteurs s’accordent pour qualifier d’extérieur au débiteur ce qui est étranger à sa personne ou aux biens et/ ou personnes dont il doit répondre, se pose la question de savoir si l’extériorité doit être entendue au sens physique ou moral. Les professeurs Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck considèrent, en outre, que cette notion « flottante » « doit être appréciée non en fonction de critères exclusivement juridiques, mais des relations effectives entre le débiteur et la « cause » du dommage »82 . A ces divergences doctrinales correspond une jurisprudence qui n’est pas réellement homogène sur ce point83 . La notion d’extériorité ne visait, dans un premier temps, que « la responsabilité du fait des choses en matière délictuelle afin que le gardien n’échappe pas à la construction que la jurisprudence élevait à son encontre »84 . Elle exprimait ainsi l’idée que la défaillance d’un 80 Fabre-Magnan, n° 270, p.736. 81 Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.216. 82 Malaurie, Aynès, Stoffel-Munck, n°956, p.502. 83 Cf. par exemple les arrêts relatifs à la grève –infra, note 66. 84 Ph. Brun et Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy, supplément au n°35, février 2007.
  • 30. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 30 objet nécessaire à la réalisation de son obligation ne pouvait être invoquée par le débiteur. C'est-à-dire qu’un évènement ne peut être libératoire qu’à condition de se produire en dehors de la sphère dont le débiteur doit répondre (cf. supra les développements relatifs à l’imprévisibilité). Ce n’est donc, dans cette conception, que « l’expression d’une garantie » et la « traduction, en négatif, et au regard des caractères de la force majeure, de l’existence positive des diverses responsabilités (délictuelle ou contractuelle) du fait d’autrui et du fait des choses » pour reprendre les propos du conseiller rapporteur Petit lors des arrêts d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006. Cette règle paraît de bon sens, ainsi un transporteur routier ne peut invoquer la défaillance de la motorisation de son tracteur pour dégager sa responsabilité (seul le transporteur maritime le peut, mais sous conditions comme nous le verrons). Là encore, la détermination des limites de l’obligation contractuelle du créancier paraît primordiale : est extérieur, en tant que critère de la force majeure, ce qui n’est pas inclus dans celles-ci. Les professeurs Viney et Jourdain écrivent, ainsi, à propos de la notion de cause étrangère qu’ « elle signifie tout simplement que le défendeur ne peut invoquer, pour échapper à sa responsabilité ni un fait qu’il aurait lui même provoqué ou à l’origine duquel il serait, ni un fait dont une règle juridique quelconque lui impose précisément de garantir les conséquences dommageables pour les tiers »85 . Ils s’accordent ainsi avec les professeurs Jacques et Yvonne Flour, Aubert et Savaux qui considèrent avec sagesse que si la nécessité de ce caractère est contestée « elle s’impose cependant, en ce sens qu’il paraît inconcevable que le débiteur puisse revendiquer l’exonération de sa responsabilité en considération d’un évènement qui lui serait personnellement imputable »86 . 85 Viney et Jourdain . 86 Flour, Aubert, Flour et Savaux, n°211, p.158.
  • 31. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 31 En réalité, l’idée que l’évènement doit être extérieur au débiteur paraît redondante soit par rapport à son caractère irrésistible soit par rapport à la notion de bonne foi : - Soit le débiteur a la capacité d’empêcher la survenance de l’évènement, auquel cas celui n’est de toute évidence pas irrésistible. Et, en plus de ne pouvoir invoquer la force majeure, le débiteur serait de mauvaise foi dans le cadre de l’exécution du contrat. - Soit le débiteur ne dispose pas du pouvoir d’influer sur la survenance de l’évènement et ce dernier ne pourra être réellement considéré comme non extérieur : seul l’apparence des choses le rend « intérieur »87 . Le fait que l’évènement soit ou non extérieur n’influera donc pas sur la problématique principale de la force majeure : cet évènement entraîne-t’il une impossibilité d’exécuter dont le débiteur n’est pas comptable? Si ce fait est inclus dans « la sphère dont le débiteur doit répondre »88 il devra en supporter les conséquences. Par contre, si ce fait n’est pas inclus dans cette sphère, on retrouve le critère principal : celui du caractère irrésistible de l’évènement, le critère d’extériorité (de même que celui d’imprévisibilité) venant uniquement faciliter la preuve de ce critère essentiel. Selon le professeur Brun, si l’extériorité est considérée dans sa dimension psychologique elle se rattache en fait au caractère évitable de l’évènement89 . Pour prendre l’exemple de la maladie : certes l’évènement n’est pas extérieur, pour autant il échappe au pouvoir du débiteur. Il y a là, à notre sens, un évènement dépassant les forces de l’homme ; il serait inique de considérer comme une faute contractuelle la maladie du débiteur90 (sauf bien sûr à ce que celui-ci s’expose en petite tenue aux 4 vents dans l’espoir de ne pas exécuter ses obligations… cas peu fréquent !). 87 Nous adoptons, ici, l’appréciation psychologique. 88 Carbonnier, n°162, p.308. 89 Recueil Dalloz 2006, n°28, p.1934, « Panorama ». 90 Voir cependant la note de David Noguero qui considère que la maladie ne devrait pas être considérée comme un cas de force majeure –Recueil Dalloz, 2006, n°23, p.1566 et suivantes.
  • 32. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 32 Au demeurant, il est le plus souvent enseigné que l’extériorité n’est pas requise en matière contractuelle, solution que l’on retrouve à travers l’acceptation jurisprudentielle, dans certains cas, de la grève91 , de la maladie92 ou du chômage93 comme cas de force majeure pour le débiteur. La jurisprudence, elle-même, « manifeste en effet depuis longtemps une rigueur teintée d’incertitudes à l’égard du caractère extérieur, principalement en matière contractuelle »94 . Ainsi « on peut dire qu’en matière contractuelle, la jurisprudence dominante fond la condition d’extériorité dans celle d’irrésistibilité »95 . Si la définition de l’extériorité se conçoit aisément, la pratique semble indiquer que cette notion n’est que redondance. D’où la sévère critique d’une doctrine majoritaire à son endroit. B/ Une notion controversée Si ce n’est le professeur Fabre-Magnan, qui considère l’extériorité comme une « condition autonome de la qualification de la force majeure»96 ou le professeur Tunc pour qui « l’extériorité de la cause du dommage par rapport à la chose constitue le seul vrai critère de la force majeure, les prétendus caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité n’ayant aucune valeur propre »97 , peu d’auteurs font grand cas de ce critère. Le professeur Larroumet écrit ainsi « En réalité, si l’extériorité ne révèle pas à elle seule l’impossibilité d’exécuter, elle est souvent un élément de cette impossibilité », avant de considérer que cette condition ne s’impose pas nécessairement dans les « situations marginales »98 telles que la maladie ou le chômage. 91 Cass. Soc. 12 mars 1959, chambre mixte 4 décembre 1981 « Paquebot France », CA Paris 11 juillet 1991 et 29 janvier 1997. 92 Cass. Soc. 18 janvier 1967, Civ. 1ère . 10 février 1998, AP 14 avril 2006. 93 Cass. Civ.3ème 14 mai 1969, 19 avril 1972, 10 avril 1975, Soc. 12 octobre 1983. 94 Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.215. 95 Bénabent, n°335, p.254. 96 Fabre-Magnan, n°270, p.738. 97 Mais ce à propos de la responsabilité délictuelle in « Force majeure et responsabilité délictuelle », RTD civ. 1946, p.199. 98 Larroumet, n°725, p.785.
  • 33. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 33 Le professeur Le Tourneau, tout comme le professeur Antonmattéi99 , considère que le critère de l’extériorité n’est pas inhérent à la notion de force majeure. Ce dernier considère ainsi que la recherche de l’extériorité se confond avec celle du caractère inévitable (Cf. paragraphe précédent, nos explications relatives à la définition de l’extériorité). Le professeur Jourdain, quant à lui, considère qu’il n’est pas possible d’attribuer à l’extériorité une portée générale, sauf à la réduire à l’extériorité par rapport à la volonté de l’agent, c'est-à- dire que l’évènement ne doit pas être imputable au défendeur ou à une personne dont les intérêts sont étroitement liés. Dire cela revient à se référer au caractère extérieur à la sphère dont le débiteur doit répondre et au caractère résistible. Enfin, les professeurs Viney et Jourdain expliquent que les controverses doctrinales, autant que les divergences jurisprudentielles, proviennent de deux causes : - Une conception inexacte de la notion d’extériorité, qui devrait uniquement se référer à la sphère dont doit répondre le débiteur. - Une absence de distinction dans l’appréciation du caractère «extérieur » suivant que soit en cause le fait personnel, le fait des choses ou d’autrui. Il nous semble, finalement, que les deux conceptions : matérielle et psychologique sont également fondées et devraient trouver à s’appliquer. Après avoir vérifié que l’évènement considéré est en dehors de la sphère dont le débiteur doit répondre (extériorité matérielle), il convient de vérifier que le débiteur ne pouvait en prévenir la survenance (extériorité psychologique, qui n’est autre que le caractère irrésistible). Ce critère, majoritairement décrié par la doctrine, ne fait plus guère l’objet de caractérisation dans les arrêts de la Cour de cassation. L’arrêt d’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 14 avril 2006 ne déroge d’ailleurs pas à cette généralité : elle ne le mentionne pas et si elle le prend en compte, c’est de la manière la plus restrictive, c'est-à-dire psychologique. En effet, une maladie ne peut être considérée extérieure au plan matériel100 . 99 « En toute hypothèse l’extériorité n’est pas un critère inhérent à la Force majeure », in « Ouragan sur la force majeure », JCP 1996, édition générale, I, 3907, n°6. 100 Cf. cependant : Isabelle Guyot, « Le caractère extérieur de la force majeure », RRJ 2002-1, p.215, qui explique que l’on subit la maladie.
  • 34. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 34 Reste néanmoins, que le communiqué accompagnant les arrêts du 14 février 2006, en ce qu’il ce réfère à la trilogie classique, suscite un certain trouble. Comment expliquer que le communiqué réaffirme que la force majeure est caractérisée par la trilogie classique « irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité » lorsque les arrêts ne mentionnent pas le caractère extérieur ? L’acception de l’extériorité en son sens psychologique nous semble la seule acceptable. Or, elle revient à vider le critère de toute utilité. Finalement des incertitudes subsistent autour des critères nécessaires à caractériser un cas de force majeure, incertitudes que l’arrêt d’Assemblée Plénière du 14 avril 2006 ne semble pas résoudre.101 Quelques certitudes peuvent toutefois être dégagées : - Un évènement irrésistible, imprévisible et extérieur est un cas de force majeure, - Il est quasi certain qu’un évènement irrésistible et imprévisible serait aussi considéré cas de force majeure, - Par contre n’est pas un évènement de force majeure celui qui n’est qu’extérieur ou uniquement imprévisible. Cet état de la jurisprudence est critiqué à raison par une doctrine largement majoritaire. Comme nombre d’auteurs, nous considérons que le critère essentiel doit être l’irrésistibilité, le critère d’imprévisibilité et, dans une moindre mesure celui d’extériorité, n’agissant que comme indices de celle-ci. Dans notre opinion, la spécificité de la matière contractuelle devrait commander une appréciation in concreto de chacun de ces critères, laissant une grande place à la détermination des évènements devant être inclus dans le domaine de diligence auquel s’oblige le débiteur. La question de l’appréciation, plus encore que celle des critères, nous semble déterminante. 101 Cf. Cass. Civ. 1ère , 30 mai 2006 et Ph. Brun et Jacques « Responsabilité, panorama 2006 », revue Lamy, supplément au n°35, février 2007.
  • 35. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 35 Face à ces critiques doctrinales se dresse la jurisprudence relative à la question, et « le moins qu’on puisse dire c’est que la matière est subtile et nuancée. Un examen exhaustif des décisions judiciaires justifierait sans doute un jugement plus sévère, en faisant apparaître bien des contradictions. Bien malin qui peut prédire la qualification du juge ! Compte tenu de l’effet attaché à la force majeure, une telle solution est assurément regrettable »102 . 102 Flour, Aubert, Flour et Savaux, n°213, p.160.
  • 36. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 36 Section 2nde Effets de la force majeure en matière contractuelle Il semble, à première vue, que les effets « pratiques » de la force majeure ne sont pas discutés : elle entraîne l’exonération de responsabilité du débiteur de l’obligation contractuelle dont elle empêche l’exécution (Sous-section 2). L’explication de cette conséquence reste néanmoins sujette à controverses et interrogations, ce qui impose de s’attacher aux aspects théoriques des effets de la force majeure (Sous-section 1ère ). Ss. 1ère Fondements théoriques des effets de la force majeure Les effets d’un cas de force majeure sont dépendants de deux grands débats doctrinaux : le premier la dépasse, c’est celui de la causalité (I), alors que le second lui est propre : quels sont les fondements de l’exonération de responsabilité qu’elle engendre (II) ? I- Force majeure et causalité Un dommage, ou une inexécution en matière contractuelle, est quasi systématiquement la résultante de plusieurs causes parmi lesquelles il convient d’ « opérer un tri […] afin d’isoler celui qui, rationnellement, a contribué effectivement à la réalisation du dommage »103 . La question, d’importance en matière judiciaire, n’est pas aisée. Le professeur Durry a même pu considérer que ce problème, « fascinant mais insoluble », « était une énigme de notre droit »104 . A cet égard deux grandes théories s’affrontent. Après les avoir présentées (A), nous tenterons de synthétiser l’état du droit positif (B). 103 Droit des obligations, Responsabilité civile, Délit et quasi délit, 3ème édition, Ph. Delebecque et F-J Pansier, Litec, 2006, n°136, p.93. 104 Durry, Rev. Trim., 1977, p.326 cité in. Bénabent, n°556, p.383.
  • 37. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 37 A/ Les théories de la causalité S’il est fréquent de ne répertorier que deux théories de la causalité, c’est que les juristes omettent fréquemment la théorie de la causalité efficiente. Cette théorie, fondée sur le sens commun, considère que la cause d’un dommage est l’évènement l’ayant produit au sens mécanique, physique. La simplicité de cette théorie explique qu’elle soit rarement présentée : elle n’est utile qu’en l’absence de difficultés… ce qui la distingue peu de l’inutilité! Pour les cas plus complexes, fréquents et sources de toutes les interrogations, deux théories ont été proposées : - La théorie de l’équivalence des conditions, du professeur Von Buri, retient comme cause du préjudice tous les éléments, toutes les conditions nécessaires, sans lesquels celui-ci ne se serait pas produit. Chaque évènement est donc soumis au « but-for test »105 , c'est-à-dire la question de savoir si le dommage se serait produit sans l’évènement considéré. Sont retenues toutes les causes ayant rendu possible la survenance du dommage. La définition du lien de causalité ainsi donnée est assez souple, ce qui conduit, en général, à admettre un grand nombre de causes pour un dommage unique. Elle procède d’une conception mécaniste, fondée sur la stricte réalité physique. - La théorie de la causalité adéquate, mise au point par les professeurs Von Kries et Rümelin, considère comme fait causal ceux qui entraînent normalement, c'est-à-dire de façon prévisible et habituelle, ce type de dommage. Sont ainsi écartés les évènements qui n’ont contribué au dommage qu’à travers le concours de circonstances extraordinaires. L’application de cette théorie permet, en général, de retenir un nombre de causes plus faible. Elle procède d’une conception plus abstraite de la causalité, fondée sur la prévision et non sur la stricte réalité ; partant, le jugement moral est plus présent. Pour illustrer chacune de ces théories prenons l’exemple d’une personne oubliant ses clés sur son bateau à moteur, qui est ensuite volé et impliqué dans un abordage. 105 Expression de droit anglais, mentionnée in Fabre-Magnan, n°268, p.729.
  • 38. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 38 Selon la théorie de l’équivalence des conditions, l’oubli des clés est l’une des conditions de réalisation du dommage. C’est donc l’une de ses causes. Par contre, de manière abstraite, un oubli de clé est sans rapport prévisible avec un abordage, ce n’est donc pas l’une des causes du dommage. Les professeurs Viney et Jourdain considèrent que ces deux théories sont complémentaires. Remarquant qu’il est courant qu’un même fait produise des effets très différents, ils préfèrent, pour définir la nature du lien unissant le fait envisagé au dommage, la théorie de l’équivalence des conditions, c'est-à-dire une approche concrète. Par contre, quant à la preuve des causes du dommage, les mêmes auteurs tiennent pour l’utilisation de la théorie de la causalité adéquate, celle-ci venant « au secours de la victime ». Ils considèrent en effet que, face aux incertitudes relatives aux conditions nécessaires à la survenance du dommage, il est légitime de recourir à la notion de probabilité ou de « prévisibilité objective ».106 Ces théories, au final peu précises, laissent aux juges une certaine marge d’appréciation. B/ Le droit positif Si les juges relèvent plus ou moins largement le lien de causalité, ils s’abstiennent d’en donner une définition précise, c'est-à-dire de se référer à l’une ou l’autre de ces théories107 , et gardent ainsi une grande latitude quant à leur appréciation de la causalité. Les auteurs décèlent, à travers l’étude de la casuistique judiciaire, une prédominance de la causalité adéquate, tout en soulignant que « le tri se fait ainsi souvent par une appréciation morale de la gravité respective des différentes fautes ayant rendu possible le dommage »108 . Le corollaire inévitable réside dans la contradiction flagrante de certains arrêts. Il fut ainsi considéré que le suicide d’un adolescent en rentrant chez lui, juste après avoir été humilié par le gérant d’un magasin dans lequel il avait chapardé, était sans lien de causalité avec la réprimande car « normalement » celle-ci n’aurait pas du entraîner une telle conséquence. 106 Viney et Jourdain, n°345 et suivants, p.191 et suivantes. 107 Cependant : référence à la théorie de l’équivalence des causes : civ. 2ème 27 mars 2003. 108 Fabre-Magnan, n°268, p.732.
  • 39. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 39 Il fut, par contre, considéré que la chute d’un bagage mal fixé sur le toit d’une voiture ayant effrayé un cheval qui, s’étant échappé, causa des dommages à des tiers, était l’une des causes des dommages109 ! La sécurité juridique110 ne gagne certainement pas à ce que des décisions aussi contradictoires soient rendues. Il paraîtrait donc souhaitable d’adopter l’une ou l’autre de ces théories ou, solution meilleure à notre sens, de suivre la proposition des professeurs Viney et Jourdain consistant à appliquer chacune de ces théories à des considérations distinctes : la causalité adéquate permettant de faciliter la preuve de part les présomptions de fait qu’elle pose et la théorie de l’équivalence des conditions permettant de considérer de manière concrète les évènements. La causalité ainsi (succintement) présentée, se pose la question de la justification de l’exonération de responsabilité engendrée par la force majeure. II- Fondement de l’exonération de responsabilité du débiteur Si deux théories, absence de lien de causalité entre les faits du débiteur et le dommage ou absence de faute de ce dernier (A), semblent s’opposer, elles peuvent être conciliées (B). A/ Absence de lien de causalité ou absence de faute ? A première vue les auteurs paraissent s’accorder sur l’effet de la force majeure : elle exonère le débiteur de sa responsabilité liée à l’inexécution de son obligation contractuelle. Celui-ci n’aura donc pas à verser de dommages-intérêts en vu de réparer un préjudice. Première faille à cette présentation monolithique : dans l’hypothèse où la force majeure interviendrait après que le débiteur ait été mis en demeure, il serait tout de même redevable de dommages-intérêts (article 1302 du Code civil), c'est-à-dire responsable de l’inexécution (Cf. infra.). 109 Arrêts de la 2ème chambre civile du 20 juin 1985 et du 24 mai 1971, cités in Bénabent, n° 558, p.384. 110 Récemment reconnu comme un principe général du droit –CE Assemblée 24 mars 2006.
  • 40. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 40 Peut être notée, aussi, la remise en cause –non suivie d’effets- de cette présentation par le professeur Le Tourneau qui écrit « Logiquement, la force majeure ne devrait pas être considérée comme une cause exonératoire de la défaillance contractuelle, car en réalité elle constitue un cas d’extinction de l’obligation préexistante (et donc de l’obligation aux dommages et intérêts) ; […] Mais, puisque le régime de la défaillance contractuelle a été contaminé par celui de la responsabilité délictuelle, il est devenu habituel d’analyser la force majeure comme une circonstance exonérant un débiteur contractuel (même si une certaine spécificité est reconnue) »111 . Mais, la principale controverse doctrinale provient de l’explication de cette exonération de responsabilité. Certains (les professeurs Fabre-Magnan, Le Tourneau, Malinvaud, Mazeaud et Chabas notamment) expliquent l’exonération par la théorie de la causalité en considérant que l’existence de la force majeure, de par ses caractères imprévisible (ou inévitable) et irrésistible, démontre l’absence de lien de causalité entre le fait du débiteur et l’inexécution : « la raison en est non pas qu’elle fait disparaître la faute du débiteur, mais qu’elle démontre que cette faute ne peut être la cause du préjudice »112 . La force majeure viendrait donc annihiler le lien de cause à effet qui aurait pu exister entre le fait du débiteur et l’inexécution. Pour d’autres113 , la force majeure serait une preuve renforcée de l’absence de faute, « La force majeure présente donc bien la combinaison d’un évènement cause du dommage et de l’absence de faute du débiteur »114 . Ainsi, le professeur Sériaux considère-t’il que la théorie de l’absence de lien de causalité entre la faute et le dommage « revient en effet à reconnaître que si faute il y a eu, celle-ci n’a pas eu de conséquences dommageables. Ce qui conduit logiquement à dire que le dommage 111 In Le Tourneau, n°1802-1, p.483. Cette formule semble, de manière sibylline, marquer la prise de position de l’auteur en faveur de la caducité du contrat (par opposition à la résolution –cf. infra). 112 In Larroumet, n° 728, p.791. 113 Notamment le professeur Viney dans son ouvrage « Traité de droit civil, la responsabilité : conditions », 1982, n°383 et suivants. 114 A. Sériaux, n°110, p.85.
  • 41. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 41 s’explique par autre chose qu’une faute du transporteur ; ou encore, que le dommage est survenu sans la faute du transporteur »115 . Cette démonstration n’est toutefois pas convaincante116 . Une faute peut être commise sans pour autant entraîner de dommages (par exemple lorsqu’un navire de plaisance entre dans le port à une vitesse supérieure à celle autorisée, sans pour autant qu’un préjudice en résulte ou, en matière contractuelle, lorsqu’un garagiste répare une voiture d’une certaine manière alors que le propriétaire lui a demandé de réaliser la réparation différemment, sans pour autant que le résultat de la réparation soit différent). Il est une chose de dire qu’une inexécution s’explique par autre chose qu’une faute du débiteur et une autre de dire que ce débiteur n’a pas commis de faute. Ces théories ne semblent toutefois pas nécessairement inconciliables. B/ Des théories conciliables Les professeurs Viney et Jourdain, ainsi que le professeur Antonmattei dans sa thèse, tiennent pour un fondement de l’exonération de la force majeure combinant les deux explications, « la « cause étrangère » démontrant, à la fois, que le défendeur n’a joué qu’un rôle très accessoire dans la réalisation du dommage et que son attitude n’est en rien critiquable ». Ils considèrent ainsi que : - La notion de force majeure écarte nécessairement celle de faute car « les standards de qualification permettent en effet de débusquer tout comportement fautif dans l’apparition et dans le déroulement du fait perturbateur »117 . Néanmoins, peut coexister un fait générateur de responsabilité distinct de la notion de force majeure (notamment dans le temps –cf. infra). Est ainsi adoptée partiellement la théorie selon laquelle il n’y a pas de faute. 115 A. Sériaux, n°113, p.87-reprenant ainsi le raisonnement de Radouant qui considérait que « la responsabilité, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, est fondée sur la faute ; la force majeure consistant dans l’absence de faute, il est naturel que son effet soit de supprimer la responsabilité » in note sous Cass. Civ. 2ème 13 mars 1957, Dalloz 1958, p.73. 116 Le professeur Delebecque estime ainsi que « L’imprévisibilité ne semble plus déterminante, tant et si bien que la force majeure ne se réduit pas à une simple absence de faute », in « Les nouveaux rôles de la force majeure », Répertoire Defrénois, 1999, p.370. 117 Antonmattei, n°203, p.147.
  • 42. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 42 - Par la preuve du caractère insurmontable (intrinsèque à la notion de force majeure) le débiteur démontre le caractère « passif » de son fait, c'est-à-dire que celui-ci, qui a matériellement participé à la réalisation du dommage, n’est devenu dommageable que « sous l’influence déterminante de la cause étrangère » 118 . La question de l’analyse de l’importance en terme de responsabilité de cette faute du débiteur sera, dès lors, déterminée par la théorie de la causalité adoptée. La théorie de la causalité adéquate, à laquelle la jurisprudence se rallie parfois, permettrait alors de considérer que la faute du débiteur n’étant pas la cause déterminante et active, elle se trouve absorbée par la force majeure. Cette dernière est dès lors considérée comme « cause exclusive du préjudice selon une formule désormais classique »119 . Le professeur Antonmattéi, suivant en cela le professeur Viney, considère que « le bon sens impose de privilégier les thèses de la causalité adéquate »120 . A contrario, l’application de la théorie de l’équivalence des conditions, généralement choisie par la jurisprudence (cf. supra), fait que la faute du débiteur pourra être considérée comme « condition nécessaire » et, de ce fait, entraîner une responsabilité partielle du débiteur. Le caractère généralement admis par la jurisprudence d’exonération totale de la responsabilité du débiteur (Cf. infra) indique clairement qu’en la matière c’est bien la théorie de la causalité adéquate qui est appliquée. Cette solution se comprend eût égard aux caractères que présente la force majeure : étant irrésistible et imprévisible ou inévitable, la faute du débiteur sera facilement considérée comme « quantité négligeable », allant même jusqu’à ôter au fait du débiteur son caractère fautif. Nous montrerons toutefois (sous-section suivante) que le refus de cette responsabilité partielle est fondé sur l’absence de distinction des différents moments auxquels peut intervenir la faute du débiteur. Certes, force majeure et faute sont deux termes antinomiques et ne peuvent être 118 Viney et Jourdain, n°403, p.284. 119 Antonmattei, n°201, p.145. 120 Antonmattei, n°204, p.148.
  • 43. La force majeure en droit du contrat de transport maritime de marchandises- Alexis Lemarié CDMT 2007 43 employés concomitamment pour qualifier un même évènement. Par contre, il nous semble que ces deux qualificatifs peuvent co-exister à des moments différents, voire dans une même temporalité pour des faits distincts. Ss. 2nde Effets pratiques de la force majeure Selon une majorité de la doctrine, les caractères de la force majeure devraient interdire que celle-ci puisse être considérée comme un cas d’exonération partielle ; il convient toutefois de se pencher sur cette délicate question (I) avant de s’intéresser aux effets de la force majeure sur le contrat et les obligations en découlant (II). I- Force majeure et exonération L’effet principal et non discuté de la force majeure réside dans l’exonération de responsabilité dont bénéficie le débiteur. N’étant pas responsable de l’inexécution celui-ci n’aura pas à verser de dommages et intérêts au créancier (art 1148 du Code civil). Il existe toutefois une exception : dans l’hypothèse où le débiteur d’une obligation de livraison est mis en demeure de livrer, il sera redevable de dommages et intérêts en cas d’inexécution de son obligation quand bien même celle-ci serait due à un cas de force majeure (art 1138 du Code civil). Il y a là une sorte de peine privée reposant sur la volonté d’inciter le débiteur à livrer en temps et en heure, mais aussi sur l’idée que la faute du débiteur doit entraîner comme conséquence qu’il supporte les risques liés à la force majeure. Sa faute l’oblige ! Une explication causale, plus juridique, ne paraît pas pleinement satisfaisante. Certes, la faute initiale du débiteur rend possible la survenance du cas de force majeure. Sans elle, le bien n’aurait pas subi la force majeure, elle peut donc apparaître comme la cause adéquate ou tout au moins une cause ayant participé à la survenance du dommage. Mais la théorie de la causalité adéquate n’est pas ici totalement respectée : il est impensable que de façon générale