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Sergio POLI                Cours de linguistique française .12.            La sémantique

                                            .12.


                         QUATRIEME PARTIE : LE STYLE




                                 LA STYLISTIQUE. 2.
                                Les théories du style


La rhétorique se préoccupe d’analyser les figures, et son but est essentiellement «
pragmatique » : elle veut analyser le discours pour montrer concrètement « comment »
on doit écrire et « pourquoi » (dans quel but : émouvoir, convaincre, etc.) on le fait. La
stylistique génétique (voir leçon précédente, par. 2) se demandait au contraire «
pourquoi » , en général (quelles forces les poussent ? quels buts généraux peuvent les
motiver ?), les auteurs écrivent. Mais la stylistique, se pose, comme on l’a vu, d’autres
questions, dont la plus essentielle est : qu’est-ce que « le style » ? Ou bien : « quand
est-ce qu’on peut parler de style » ? Pour répondre de façon « scientifique », on a
cherché surtout en trois directions différentes, en élaborant différentes théories.


1. Le style comme écart


Saussure avait parlé de langue et de parole : la langue, c’est le système dont nous nous
servons pour communiquer, la parole c’est notre réalisation concrète (notre « production
» de messages). Entre la langue et la parole s’insère donc notre individualité, avec tous
les « choix », conscients ou inconscients, qui la caractérisent : pour bien des critiques, le
« style » est donc la marque de notre personnalité, et la stylistique, qui s’occupe du
style, devra donc dégager les raisons, la typologies et les composantes des choix du
locuteur, ou, plus souvent, de l’auteur à travers ses textes (la stylistique, malgré les
acquis de la linguistique qui part toujours d’une conception « orale » de la langue, tend à
s’occuper préférablement des textes, et surtout des textes littéraires).
Cette conception du style est assez ancienne. En effet :


1. « Le mot style provient d'une réfection savante (fin XIVe) et erronée de stile (XIVe), le
y étant issu d'un rapprochement abusif avec le grec stulos « colonne ». Mais il est apparu
premièrement au XIIIe s. sous la forme estile, pour désigner une façon personnelle d'agir
jaugée selon des jugements de valeur. De cette acception, nous avons conservé le mot
dans des expressions telles que « style de vie », « avoir du style », et même à partir du
XIXe s. pour parler d'une manière personnelle de pratiquer un sport ».
http://www.ditl.info/art/definition.php?term=4230


2. Buffon, dans son Discours sur le style, prononcé lors de sa réception à l'Académie
Française (1753), affirme que « Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met
dans ses pensées ;


3. et Mounin dans ses Clefs pour la linguistique nomme toute une série de spécialistes
qui ont défini tour à tour le style comme l’étude des préférences de l’écrivain (Von der
Gabelenz, 1875), comme le résultat de choix produisant un écart par rapport à un état «
neutre » de la langue (Marouzeau, 1931, Spitzer 1948, Guiraud, 1954, Riffaterre, 1961),
comme une « surprise » que provoque cet écart (Kibédi-Varga, 1963) ou comme une «
attente déçue (Jakobson, 1958).
De toutes ces définitions, il ressort une conception du style comme écart . Cette
conception oriente les réflexions autour de deux pôles possibles :


1. celui de la « forme ». Cet écart est un écart surtout formel, qui reflète les choix «
techniques » de l’écrivain aussi bien que ses préférences linguistiques ; des choix
pouvant renvoyer à l’une des trois grandes typologies du style, selon la classification
cicéronienne de l’ « oratio » :


a. celle de l’ « oratio humilis » (qui au Moyen Age devient le « style simple » à employer
pour écrire des bergers et de la nature), simple et pleine de grâce naïve (sur le modèle
des «Bucoliques » de Virgile) ;


b. celle de l’ « oratio mediocris», le « style tempéré » qui dans les traités médiévaux
devait servir pour chanter les paysans et la campagne (modèle : les Georgiques), et qui
se distingue par sa vivacité, sa richesse, son énergie ;


c. celle de l’ « oratio gravis», le « style sublime » réservé aux grands personnages et aux
grandes actions, se distinguant par la magnificence de l’expression, la profondeur et la
hardiesse de la pensée et des images (modèle : l’Enéide).
C’est le modèle de « la roue de Virgile », élaboré par les rhétoriciens du Moyen Age ; il
ne s’agit que de l’une parmi une multiplicité de classifications du style, mais qui a
l’avantage d’être schématique et claire. Ce modèle est aussi à l’origine d’une conception
qu’on n’a jamais abandonnée complètement : elle lie la forme à la matière (chaque
domaine, et chaque couche sociale, considère la rhétorique comme un « ornement »
nécessaire qui se superpose, comme un habit, à la pensée.
2. Celui du style comme donnée fondamentale des idées. C’est une conception qui part
de Mme de Staël (« le style ne consiste point seulement dans les tournures
grammaticales : il tient au fond des idées, à la nature des esprits ; il n'est point simple
forme ») pour arriver à une dimension esthétique où il n’y a pas de beaux styles sans de
belles idées (Flaubert) et finalement aux analyses des linguistes et de Jakobson : le style
fait partie de la fonction poétique du langage, et se lie à des choix de genre de la part
des écrivains (et non à une typologie de sujet, comme au Moyen Age).
On voit bien comment la théorie du « style comme écart » peut renvoyer à la rhétorique
et à ses formes. Cette théorie a donné lieu à d’intéressantes analyses de textes, mais se
heurte à un important problème théorique : comment est-il possible, en effet, de
mesurer de façon rigoureuse un écart ne pouvant se définir que par rapport à une «
norme » ou à un état « neutre » qui restent vagues, difficiles à établir ? Sans possibilité
de mesure, aucune possibilité de rigueur « scientifique ». Les solutions proposées ont été
nombreuses. On a essayé, comme on l’a vu plus haut :


a. de se fonder sur la fréquence des mots (Guiraud, 1954) : les mots dont la fréquence
est « anormale » (par rapport aux moyennes établies pour les auteurs contemporains)
seraient les mots-clés caractérisant le style d’un écrivain ;


b. sur la probabilité d’apparition d’une forme (Riffaterre, 1961): une faible probabilité
d’apparition qui pourtant se réalise constituerait l’écart stylistique (la notion de « faible
probabilité » permettrait de ne pas avoir -formellement- recours aux concepts –
problématiques- de « norme » et d’état « neutre » de la langue) ;


c. sur les idées de surprise (Kibédi-Varga) et d’attente déçue (Jakobson), qui dérivent
des précédentes.
Toutes ces variations sur le même thème impliquent le recours à des statistiques ; mais
le style, et les traits esthétiques, peuvent-ils se réduire à une question de mots?
Ces théories sont synthétisées par Martinet, qui observe le problème sous l’angle de la
théorie de l’information
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_de_l'information#Quantit.C3.A9_d.27information_:_cas_.C3.A9l.C3.A9mentaire).


Pour lui, en effet :

a. le style serait un choix original d’éléments linguistiques destinés à élever le contenu
informationnel du message ;


b. l’information qu’apporte l’unité linguistique est inversement proportionnelle à la
probabilité d’apparition dans le discours (plus elle est imprévisible, plus elle « informe »).
Ce point de vue laisse en tout cas des problèmes irrésolus (et Martinet le souligne) :


1. tout écart ne fait pas « style » (exemple : des fautes grossières ) ;

2. au-delà de certaines limites, si le taux d’information s’élève, on risque de dépasser le
seuil de la compréhensibilité, et la réception du message en serait affectée (problème de
l’obscurité...mais sur lequel, par exemple, prospèrent l’ « hermétisme »...
[http://www.franc-maconnerie.org/web-pages/hermetisme/hermetisme.htm], toute
forme d’élitarisme (v. p. ex. , la préciosité, mais aussi le symbolisme, etc.
[http://membres.lycos.fr/barpreciosite/ );


3. le « seuil de compréhensibilité » est difficile à établir. Probablement devrait-on parler
de « seuil de compatibilité » : le « taux d’information » ne devrait pas dépasser, selon
Martinet, l’ intérêt que le message présente. Tous les écarts que je peux fabriquer, sans
l’intervention de la « fonction poétique » ne resteraient, dans la meilleure hypothèse, que
des « jeux » plus que des faits de style (mais comment établir l’ « intérêt » du message ?
Y a–t-il, en outre, un égal intérêt pour tout le monde ?).
http://www.ditl.info/art/definition.php?term=4230
http://www.unibuc.ro/eBooks/lls/RaduToma-PourCoconIdiotiseanul/ChapitreII.htm
http://www.cafe.umontreal.ca/~sr/ur/fr302/c-sty.htm
http://www.hatt.nom.fr/rhetorique/art12c2.htm
http://hypermedia.univ-paris8.fr/jean/infolit/cours/infolit4.html
http://www.cisi.unito.it/arachne/num2/lana2.html#som5
http://www.bmanuel.org/courses/corling1-3.html


2. Le style comme élaboration


Le point de vue de Martinet, quand il parle de « taux d’information » élevé du message
rejoint celui de Jakobson, lorsqu’il définit la fonction poétique en l’attribuant à un
message dont le contenu informationnel ne concerne pas seulement le contenu
sémantique, mais attire l’attention sur la structure du message lui-même (ce n’est,
au fond, qu’ un surplus d’information...).
Cette mise en relief de l’importance de l’élaboration du message qui aboutit à une
forme particulière est typique de bien des réflexions sur le style. C’est une théorie
ancienne, liée à la précédente (dont elle ne constitue qu’ une sorte de variation) et à la
rhétorique. Valéry la condensait déjà en une affirmation célèbre : la poésie serait « l’art
de changer ce qui passe en ce qui subsiste » . De transformer, donc le message «
transitif », oublié tout de suite après qu’il a joué son rôle] en un message résistant au
temps grâce à sa forme, et à l’alliance entre sa forme et son contenu.
Si « élaboration » prend un sens non seulement d’ « élaboration consciente », mais aussi
d’ « élaboration émotive, affective » on retombe presque entièrement dans le modèle de
l’ « écart », et, de ce fait, on retrouve les mêmes obstacles et les mêmes critiques (où se
situe la différence entre l’élaboration « esthétique » et la versification habile ? où se
trouve le « style » ? Comment l’analyser de façon rigoureuse ?).


3. Le style comme connotation


Si l’ « écart » et l’ « élaboration » sont des choix individuels, si le style lui-même n’est
que l’expression de la « parole », et donc de ce qui, dans un écrivain, le rend différent et
unique, c’est peut être alors non pas vers le code et la forme qu’il faut se tourner, pour
cerner le style, mais vers tout ce qui compose cette individualité d’où le style émane, et
qui peut se condenser dans une seule notion : celle de connotation.
La notion de connotation met en jeu, justement, tout ce qui n’appartient pas à tous les
utilisateurs d’une langue, et s’oppose à tout ce qui est général dans le temps ou dans
l’espace :


1. quand on parle de connotations individuelles, en effet, on désigne ce qu’il y a de
plus personnel : la formation, le milieu, les expériences, les voyages, les circonstances
qui nous ont fait tels que nous sommes et qui nous distinguent de tout autre ;


2. quand on parle de connotations partagées on met en jeu des valeurs, des
stéréotypes et des interprétations culturelles transitoires dans le temps (elles changent
d’époque en époque) ou dans l’espace (elles sont le fait d’un groupe social et/ou d’une
zone culturelle particulière) ;


Si on considère le style comme un fait de connotation, les conséquences sont
nombreuses :

1. l’attention se déplace vers un terrain où le signifié augmente son importance
relative par rapport au signifiant : les connotations sont en effet des « signifiés
secondaires » ou « sens figurés »se greffant sur la dénotation, qui constitue le « signifié
universel » ;


2. il est possible de résoudre certains problèmes qu’on n’arrivait pas à éliminer
auparavant : par exemple celui de la différence insaisissable entre un texte et l'autre. Il y
a des textes aux connotations très riches qui sont reconnues par le lecteur, et acceptées
par lui ; ou bien des textes devant lesquels certains lecteurs sont insensibles ;
3. on peut passer du niveau du style à celui de la langue, et montrer comment la «
parole » du poète enrichit la « langue » de tous justement grâce au bagage de ses
connotations individuelles ;


4. on peut expliquer la relation entre le poète et le simple rhétoricien : une fois le
langage enrichi et « agrandi » par des formes nouvelles grâce à la poésie et à l’art, la
rhétorique peut s’emparer des formes élaborées et les appliquer avec méthode.
Finalement, la théorie du « style comme connotation » met en relief la difficulté d’étudier
de façon « scientifique » un phénomène très complexe. Pour l’analyser avec quelques
espoirs de succès, il faut avoir recours à toute une série de disciplines qui possèdent
leurs instruments de d’investigations spécifiques: linguistique, psychanalyse,
psychologie, histoire, sociologie, littérature...
C’est qu’avec le style on sort en réalité du domaine de la langue, pour entrer dans celui
du texte et de la production du sens, où la linguistique peut offrir des moyens d’analyse
utiles, mais sûrement non exhaustifs.

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La stylistique 2ème partie

  • 1. Sergio POLI Cours de linguistique française .12. La sémantique .12. QUATRIEME PARTIE : LE STYLE LA STYLISTIQUE. 2. Les théories du style La rhétorique se préoccupe d’analyser les figures, et son but est essentiellement « pragmatique » : elle veut analyser le discours pour montrer concrètement « comment » on doit écrire et « pourquoi » (dans quel but : émouvoir, convaincre, etc.) on le fait. La stylistique génétique (voir leçon précédente, par. 2) se demandait au contraire « pourquoi » , en général (quelles forces les poussent ? quels buts généraux peuvent les motiver ?), les auteurs écrivent. Mais la stylistique, se pose, comme on l’a vu, d’autres questions, dont la plus essentielle est : qu’est-ce que « le style » ? Ou bien : « quand est-ce qu’on peut parler de style » ? Pour répondre de façon « scientifique », on a cherché surtout en trois directions différentes, en élaborant différentes théories. 1. Le style comme écart Saussure avait parlé de langue et de parole : la langue, c’est le système dont nous nous servons pour communiquer, la parole c’est notre réalisation concrète (notre « production » de messages). Entre la langue et la parole s’insère donc notre individualité, avec tous les « choix », conscients ou inconscients, qui la caractérisent : pour bien des critiques, le « style » est donc la marque de notre personnalité, et la stylistique, qui s’occupe du style, devra donc dégager les raisons, la typologies et les composantes des choix du locuteur, ou, plus souvent, de l’auteur à travers ses textes (la stylistique, malgré les acquis de la linguistique qui part toujours d’une conception « orale » de la langue, tend à s’occuper préférablement des textes, et surtout des textes littéraires). Cette conception du style est assez ancienne. En effet : 1. « Le mot style provient d'une réfection savante (fin XIVe) et erronée de stile (XIVe), le y étant issu d'un rapprochement abusif avec le grec stulos « colonne ». Mais il est apparu premièrement au XIIIe s. sous la forme estile, pour désigner une façon personnelle d'agir jaugée selon des jugements de valeur. De cette acception, nous avons conservé le mot dans des expressions telles que « style de vie », « avoir du style », et même à partir du
  • 2. XIXe s. pour parler d'une manière personnelle de pratiquer un sport ». http://www.ditl.info/art/definition.php?term=4230 2. Buffon, dans son Discours sur le style, prononcé lors de sa réception à l'Académie Française (1753), affirme que « Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées ; 3. et Mounin dans ses Clefs pour la linguistique nomme toute une série de spécialistes qui ont défini tour à tour le style comme l’étude des préférences de l’écrivain (Von der Gabelenz, 1875), comme le résultat de choix produisant un écart par rapport à un état « neutre » de la langue (Marouzeau, 1931, Spitzer 1948, Guiraud, 1954, Riffaterre, 1961), comme une « surprise » que provoque cet écart (Kibédi-Varga, 1963) ou comme une « attente déçue (Jakobson, 1958). De toutes ces définitions, il ressort une conception du style comme écart . Cette conception oriente les réflexions autour de deux pôles possibles : 1. celui de la « forme ». Cet écart est un écart surtout formel, qui reflète les choix « techniques » de l’écrivain aussi bien que ses préférences linguistiques ; des choix pouvant renvoyer à l’une des trois grandes typologies du style, selon la classification cicéronienne de l’ « oratio » : a. celle de l’ « oratio humilis » (qui au Moyen Age devient le « style simple » à employer pour écrire des bergers et de la nature), simple et pleine de grâce naïve (sur le modèle des «Bucoliques » de Virgile) ; b. celle de l’ « oratio mediocris», le « style tempéré » qui dans les traités médiévaux devait servir pour chanter les paysans et la campagne (modèle : les Georgiques), et qui se distingue par sa vivacité, sa richesse, son énergie ; c. celle de l’ « oratio gravis», le « style sublime » réservé aux grands personnages et aux grandes actions, se distinguant par la magnificence de l’expression, la profondeur et la hardiesse de la pensée et des images (modèle : l’Enéide). C’est le modèle de « la roue de Virgile », élaboré par les rhétoriciens du Moyen Age ; il ne s’agit que de l’une parmi une multiplicité de classifications du style, mais qui a l’avantage d’être schématique et claire. Ce modèle est aussi à l’origine d’une conception qu’on n’a jamais abandonnée complètement : elle lie la forme à la matière (chaque domaine, et chaque couche sociale, considère la rhétorique comme un « ornement » nécessaire qui se superpose, comme un habit, à la pensée.
  • 3. 2. Celui du style comme donnée fondamentale des idées. C’est une conception qui part de Mme de Staël (« le style ne consiste point seulement dans les tournures grammaticales : il tient au fond des idées, à la nature des esprits ; il n'est point simple forme ») pour arriver à une dimension esthétique où il n’y a pas de beaux styles sans de belles idées (Flaubert) et finalement aux analyses des linguistes et de Jakobson : le style fait partie de la fonction poétique du langage, et se lie à des choix de genre de la part des écrivains (et non à une typologie de sujet, comme au Moyen Age). On voit bien comment la théorie du « style comme écart » peut renvoyer à la rhétorique et à ses formes. Cette théorie a donné lieu à d’intéressantes analyses de textes, mais se heurte à un important problème théorique : comment est-il possible, en effet, de mesurer de façon rigoureuse un écart ne pouvant se définir que par rapport à une « norme » ou à un état « neutre » qui restent vagues, difficiles à établir ? Sans possibilité de mesure, aucune possibilité de rigueur « scientifique ». Les solutions proposées ont été nombreuses. On a essayé, comme on l’a vu plus haut : a. de se fonder sur la fréquence des mots (Guiraud, 1954) : les mots dont la fréquence est « anormale » (par rapport aux moyennes établies pour les auteurs contemporains) seraient les mots-clés caractérisant le style d’un écrivain ; b. sur la probabilité d’apparition d’une forme (Riffaterre, 1961): une faible probabilité d’apparition qui pourtant se réalise constituerait l’écart stylistique (la notion de « faible probabilité » permettrait de ne pas avoir -formellement- recours aux concepts – problématiques- de « norme » et d’état « neutre » de la langue) ; c. sur les idées de surprise (Kibédi-Varga) et d’attente déçue (Jakobson), qui dérivent des précédentes. Toutes ces variations sur le même thème impliquent le recours à des statistiques ; mais le style, et les traits esthétiques, peuvent-ils se réduire à une question de mots? Ces théories sont synthétisées par Martinet, qui observe le problème sous l’angle de la théorie de l’information (http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_de_l'information#Quantit.C3.A9_d.27information_:_cas_.C3.A9l.C3.A9mentaire). Pour lui, en effet : a. le style serait un choix original d’éléments linguistiques destinés à élever le contenu informationnel du message ; b. l’information qu’apporte l’unité linguistique est inversement proportionnelle à la probabilité d’apparition dans le discours (plus elle est imprévisible, plus elle « informe »).
  • 4. Ce point de vue laisse en tout cas des problèmes irrésolus (et Martinet le souligne) : 1. tout écart ne fait pas « style » (exemple : des fautes grossières ) ; 2. au-delà de certaines limites, si le taux d’information s’élève, on risque de dépasser le seuil de la compréhensibilité, et la réception du message en serait affectée (problème de l’obscurité...mais sur lequel, par exemple, prospèrent l’ « hermétisme »... [http://www.franc-maconnerie.org/web-pages/hermetisme/hermetisme.htm], toute forme d’élitarisme (v. p. ex. , la préciosité, mais aussi le symbolisme, etc. [http://membres.lycos.fr/barpreciosite/ ); 3. le « seuil de compréhensibilité » est difficile à établir. Probablement devrait-on parler de « seuil de compatibilité » : le « taux d’information » ne devrait pas dépasser, selon Martinet, l’ intérêt que le message présente. Tous les écarts que je peux fabriquer, sans l’intervention de la « fonction poétique » ne resteraient, dans la meilleure hypothèse, que des « jeux » plus que des faits de style (mais comment établir l’ « intérêt » du message ? Y a–t-il, en outre, un égal intérêt pour tout le monde ?). http://www.ditl.info/art/definition.php?term=4230 http://www.unibuc.ro/eBooks/lls/RaduToma-PourCoconIdiotiseanul/ChapitreII.htm http://www.cafe.umontreal.ca/~sr/ur/fr302/c-sty.htm http://www.hatt.nom.fr/rhetorique/art12c2.htm http://hypermedia.univ-paris8.fr/jean/infolit/cours/infolit4.html http://www.cisi.unito.it/arachne/num2/lana2.html#som5 http://www.bmanuel.org/courses/corling1-3.html 2. Le style comme élaboration Le point de vue de Martinet, quand il parle de « taux d’information » élevé du message rejoint celui de Jakobson, lorsqu’il définit la fonction poétique en l’attribuant à un message dont le contenu informationnel ne concerne pas seulement le contenu sémantique, mais attire l’attention sur la structure du message lui-même (ce n’est, au fond, qu’ un surplus d’information...). Cette mise en relief de l’importance de l’élaboration du message qui aboutit à une forme particulière est typique de bien des réflexions sur le style. C’est une théorie ancienne, liée à la précédente (dont elle ne constitue qu’ une sorte de variation) et à la rhétorique. Valéry la condensait déjà en une affirmation célèbre : la poésie serait « l’art de changer ce qui passe en ce qui subsiste » . De transformer, donc le message « transitif », oublié tout de suite après qu’il a joué son rôle] en un message résistant au temps grâce à sa forme, et à l’alliance entre sa forme et son contenu.
  • 5. Si « élaboration » prend un sens non seulement d’ « élaboration consciente », mais aussi d’ « élaboration émotive, affective » on retombe presque entièrement dans le modèle de l’ « écart », et, de ce fait, on retrouve les mêmes obstacles et les mêmes critiques (où se situe la différence entre l’élaboration « esthétique » et la versification habile ? où se trouve le « style » ? Comment l’analyser de façon rigoureuse ?). 3. Le style comme connotation Si l’ « écart » et l’ « élaboration » sont des choix individuels, si le style lui-même n’est que l’expression de la « parole », et donc de ce qui, dans un écrivain, le rend différent et unique, c’est peut être alors non pas vers le code et la forme qu’il faut se tourner, pour cerner le style, mais vers tout ce qui compose cette individualité d’où le style émane, et qui peut se condenser dans une seule notion : celle de connotation. La notion de connotation met en jeu, justement, tout ce qui n’appartient pas à tous les utilisateurs d’une langue, et s’oppose à tout ce qui est général dans le temps ou dans l’espace : 1. quand on parle de connotations individuelles, en effet, on désigne ce qu’il y a de plus personnel : la formation, le milieu, les expériences, les voyages, les circonstances qui nous ont fait tels que nous sommes et qui nous distinguent de tout autre ; 2. quand on parle de connotations partagées on met en jeu des valeurs, des stéréotypes et des interprétations culturelles transitoires dans le temps (elles changent d’époque en époque) ou dans l’espace (elles sont le fait d’un groupe social et/ou d’une zone culturelle particulière) ; Si on considère le style comme un fait de connotation, les conséquences sont nombreuses : 1. l’attention se déplace vers un terrain où le signifié augmente son importance relative par rapport au signifiant : les connotations sont en effet des « signifiés secondaires » ou « sens figurés »se greffant sur la dénotation, qui constitue le « signifié universel » ; 2. il est possible de résoudre certains problèmes qu’on n’arrivait pas à éliminer auparavant : par exemple celui de la différence insaisissable entre un texte et l'autre. Il y a des textes aux connotations très riches qui sont reconnues par le lecteur, et acceptées par lui ; ou bien des textes devant lesquels certains lecteurs sont insensibles ;
  • 6. 3. on peut passer du niveau du style à celui de la langue, et montrer comment la « parole » du poète enrichit la « langue » de tous justement grâce au bagage de ses connotations individuelles ; 4. on peut expliquer la relation entre le poète et le simple rhétoricien : une fois le langage enrichi et « agrandi » par des formes nouvelles grâce à la poésie et à l’art, la rhétorique peut s’emparer des formes élaborées et les appliquer avec méthode. Finalement, la théorie du « style comme connotation » met en relief la difficulté d’étudier de façon « scientifique » un phénomène très complexe. Pour l’analyser avec quelques espoirs de succès, il faut avoir recours à toute une série de disciplines qui possèdent leurs instruments de d’investigations spécifiques: linguistique, psychanalyse, psychologie, histoire, sociologie, littérature... C’est qu’avec le style on sort en réalité du domaine de la langue, pour entrer dans celui du texte et de la production du sens, où la linguistique peut offrir des moyens d’analyse utiles, mais sûrement non exhaustifs.