Poetry Translation French - English Whitmarsh Poem 6 - 10
1. IL PLEUT
IT IS RAINING
Il pleut
Les vitres tintent
Le vent de mai fait dans le parc un bruit d’automne
Une porte, en battant sans fin, grince une plainte
Mineure et monotone.
Il pleut…
On dirait par moments qu’un million d’épingles
Se heurte aux vitres et les cingle.
Il pleut,
Les vitres tintent.
Le ciel cache un à un ses coins épars de bleu
Sous de rapides nuées grises
Il pleut:
– La vie est triste!
N’importe!
Souffle le vent, batte la porte!
Tombe la pluie!
N’importe!
It is raining
The panes clink
The May wind makes autumn-noises in the park
A door, banging endlessly, grinds out a complaint
Minor and monotone
It is raining…
One would say at times that a million pins
Crash into the panes and lash them
It is raining,
The panes clink
The sky hides its scattered blue corners one by one
Under the swift grey clouds
It is raining:
- Life is sad!
Never mind!
Let the wind whistle, let the door bang!
Let the rain fall!
Never mind!
Fernand Gregh Les clartés Humaines Fasquelle 1904
Hibah Shabkhez 2014
2. JARDINS
GARDENS
Il a plu. Le jardin, dans l’ombre, se recueille
Les chrysanthèmes vont mourir sans qu’on les cueille
Dans les sentiers mouillés, effeuillaisons de fleurs
Trop pâles; sur le sable, ou pas un bruit ne bouge,
Évanouissement des grands dahlias rouges.
Murmure indéfini de toutes ces douleurs
De choses écoutant agoniser les fleurs
Et de blancs pigeonniers veillent le crépuscule…
Mon enfance, de moi, comme tu te recules,
Parmi ce soir qui tombe et ce jardin qui meurt!
Tu pars et tu ne reviendras jamais, peut-être;
Ton souvenir, déjà, n’est plus qu’une rumeur
Dans un halo et qui, bientôt, va disparaitre.
Et je reste à rêver, tout seul, à la fenêtre.
It has rained. The garden, in the dark, reflects
The chrysanthemums will die without being picked
On the wet paths, the fallen petals of flowers
Too pale; on the sand, where no sound moves
The fading of large red dahlias
The indefinite murmurs of all these sorrows
Of things listening to the agony of the flowers
Of the white dovecotes watching over the twilight
My childhood, from me, how you recoil
In this evening that is falling and this garden that is dying!
You are leaving and you will never return, perhaps;
Your memory, already, is only a rumour
In a halo and which, soon, is going to disappear
And I stay to dream, all alone, at the window
Francis Carco Poètes d’Aujourd’hui 13 Pierre Seghers 1946
Hibah Shabkhez 2014
3. LES COLOMBES
THE DOVES
Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
Un beau palmier, comme un panache vert,
Dresse sa tête, où le soir les colombes
Viennent nicher et se mettre à couvert
Mais le matin elles quittent les branches :
Comme un collier qui s’égrène, on les voit
S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
Et se poser plus loin sur quelque toit.
Mon âme est l’arbre où tous les soirs, comme elles
Des blancs essaims de folles visions
Tombent des cieux, en palpitant des ailes,
Pour s’envoler dès les premiers rayons
On the coast, where the tombs are,
A beautiful palm tree, like a tuft of green
Raises its head, where in the evening the doves
Come to nest and to find shelter
But in the morning they leave the branches:
Like a necklace that scatters, one sees them
Flutter in the blue air, all white,
And come to rest further off on a roof.
My soul is like the tree where every evening, like them
White swarms of mad visions
Fall from the skies, beating their wings,
To take off at the first rays of day
Théophile Gautier Poésies Diverses 1838
Hibah Shabkhez 2014
4. COLLOQUE SENTIMENTALE
SENTIMENTAL MEETING
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?
- Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? – Non.
- Ah ! Les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignons nos bouches ! – C’est possible.
- Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
- L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
In the old lonely and frozen park
Two forms passed just now
Their eyes are dead and their lips are slack
And one scarcely hears their words
In the old lonely and frozen park
Two spectres evoked the past
Do you remember our old ecstasy?
Why do you want me to remember it?
- Does your heart still beat at the very mention of my name?
Do you still see my soul in your dreams? – No.
- Ah! The beautiful days of unspeakable happiness
When we joined our lips! – It’s possible
- How blue it was, the sky, and how great our hopes!
- Hope has fled, vanquished, towards the dark sky.
Thus they walked through the mad oats,
And only the night heard their words.
Paul Verlaine Fêtes Galantes 1869
Hibah Shabkhez 2014
5. POUR VIVRE ICI
TO LIVE HERE
Je fis un feu, l’azur m’ayant abandonné,
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m’introduire dans la nuit d’hiver,
Un feu pour vivre mieux
Je lui donnai ce que le jour m’avait donné :
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes
Les nids et les oiseaux, les maisons et leurs clés.
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,
Au seul parfum de leur chaleur ;
J’étais comme un bateau coulant dans l’eau fermée
Comme un mort je n’avais qu’un unique élément
The sky having abandoned me, I made a fire,
A fire to be its friend,
A fire to introduce myself in the winter night
A fire to live better
Igave it what the day had given me:
The forests, the bushes, the fields of wheat, the vines
The nests and their birds, the houses and their keys.
The insects, the flowers, the furs, the feasts
I lived only off the sound of the crackling flames,
Only off the scent of their warmth;
I was like a boat flowing on closed water
Like a dead man I had but one sole element
Paul Eluard Choix de Poèmes Gallimard 1946
Hibah Shabkhez 2014