La Revolution Un Contexte Politique Et Des Perspectives
1. La révolution : Un contexte politique & des perspectives
Ben Gayess.A
Le contexte, médiatique et politique, actuel en Tunisie semble propice. Les médias ont
changés le cap au point de l'émergence d'un marché médiatique où le flux de
l'information et la personnalité des commentateurs sont devenus une marchandise à
haute valeur ajoutée. Des politiciens, des académiciens, des journalistes et des portes
paroles de la société civile se bousculent sur les plateaux. La surenchère médiatique
est arrivée au point d'inviter des sportifs afin d'analyser la relation entre le ratage d'un
pénalty et la révolution! Sur le plan politique, les partis comme les individus se sont
troussés la manche pour étaler leur savoir, leur savoir-faire et la pertinence de leur
d'analyse. Les partis politiques pilules, les communiqués tombent en avalanche, les
alliances se tissent, les forums et assemblées sont nombreuses...Un rassasiement
médiatique et politique au point de provoquer une indigestion aigüe!
A/ Comment? Pourquoi?
Il est évident que le vide politique méticuleusement créé et la mainmise médiatique
étaient des actions choisies pour affamer le peuple politiquement, l'assoiffer
médiatiquement. Cette politique s'est basée sur trois procédures distinctes:
multiplication des médias partisanes du RCD, légalisation de partis décors, ouverture
de la porte des institutions législatives aux partisans de la politique dictatoriale. La
ligne éditoriale des médias est tissée par l'Agence Tunisienne de Communication
Extérieur(ATCE) qui détient la vanne de financement des médias. Certains médias
sont allés jusqu'à rétrécir le cercle des lignes rouges tracés par la dictature, une
autocensure qui valait un flux financier plus important. Le rôle de ces médias est de
maquiller la vie politique, sociale et économique du pays, en manipulant les
indicateurs de développement humain(IDH),en multipliant les entretiens et en
diffusant les reportages truqués. Le RCD, cet ogre politique, s'est parfaitement
imbriqué à l'appareil de l'état au point de gêner la bureaucratie classique, bien infiltré
dans les institutions civiles lui permettant d'imposer une stratégie de "développement".
Une stratégie imposée par les multinationales via les instructions de la BM, la FMI et
l'OMC. La mondialisation (globalisation) visait à défricher la voie à la libre circulation
du capital, des biens produits et des hommes. Mais les préalables pour un marché
concurrentiel ne sont pas respectés. Ni le marché financier, ni le potentiel productif, ni
la liberté d'investissement ne sont réhabilités pour ce nouveau contexte. La
privatisation des unités productives parfois rentable)a été une source d'accumulation
de richesses de la myriade familiale du président déchu et ce à travers l'escroquerie
financière, les pots de vin et l'acquisition au moindre prix de ces unités. Quant au
secteur qui a le plus bénéficié de ce contexte, il s'agit du secteur des services. Les
secteurs productifs (agriculture, industrie d'extraction, industrie agroalimentaire)
étaient relativement délaissés. Pourtant, l'efficience économique (Part du volume
d'investissement/PIB) et sociale (Part du volume d'investissement/Nombre d'emploi
créé) sont en faveur des secteurs de production de biens réels. En dépit de cela, la
politique dictatoriale s'est contentée d'ouvrir les frontières devant les IDE qui sont
2. placés pour promouvoir la production de biens destinés à l'exportation. Bénéficiant
d'une législation favorable (exonération fiscale, convertibilité monétaire, coût de la
main d'œuvre, partenariat), les IDE sont devenus le goulot d'étranglement du
processus d'accumulation du capital national et de l'élargissement du marché intérieur.
Ainsi, le gouvernement et les commis de l'état sont devenus les serviteurs des
multinationales et du camp mafieux de la famille du président. La politique de la
mondialisation a réduit le rôle de l'état, d'un état planificateur et productif à un état
d'exécution des recommandations des institutions internationales. Le second rôle de
l'état est d'ordre sécuritaire, un "chien de garde" qui veille sur le climat social et
politique. Vue ces nouvelles attributions, il est normal qu'aux yeux des défenseurs du
capital financier la collaboration avec la dictature est justifiable.
L'état, en jouant ce rôle facilitateur, a préparé les conditions propices à
l'investissement et la liberté des échanges. La législation, en rapport avec le rôle que
jouait l'état, peut éventuellement constituer le talon d'Achille à cette politique. Dans un
pays démocratique, où la séparation et/ou l'équilibre constitutionnel des pouvoirs
existe, le risque reste minime. Pour attirer les IDE, le gouvernement tunisien a choisi
le chemin le plus court en neutralisant l'instance législative par la technique de la
mainmise. Le chef d'orchestre n'est autre que l'appareil de propagande du
gouvernement: le parti au pouvoir(PSD).Ce dernier a, lui même, été sujet d'un
réaménagement qui l'a mis au sillage des choix préétablis. Entre autre, tous les partis
politiques et les instances civiles ont signés la "charte nationale" et sont devenus des
partenaires de la relève dictatoriale.
Le RCD, par ses manipulations et son imbrication dans l'appareil de l'état, les partisans
décors (partis politiques et institutions collaboratrices) ont ainsi légitimé le pouvoir de
Ben Ali contre des miettes politico-financières. Une stratégie politique qui a enfanté
une Chambre Parlementaire sous l'égide du RCD et les ramasseurs de miettes et la
Chambre des conseillers, occupée par les "Unionistes"(UGTT, UTICA, UTAP,
UNFT) et les désignées de l’exécutif (1/3)!
Deux chambres constitutionnelles complètement acquises au profit du RCD dont le
premier dirigeant n'est autre que le président de la république. Enfin, c’est aux médias,
ce 4ème pouvoir, de faciliter la tâche de l’état. La ligne directrice reposait sur deux
solides piliers :
1/Médiatiser la « judicieuse » politique de l’état ;
2/Avorter tout message constructif.
La médiatisation de la politique de l’état était accès sur les éventuels effets et impacts
positifs de la mondialisation. Les tables rondes, les forums et les publications
excluaient tout avis ou réflexion contraire aux messages voulus. Les indicateurs de
développement sont généralement présentés sous formes de pourcentages comparatifs
aveuglant la répartition réelle des richesses. L’ATCE était là pour encourager le
maquillage de la vie en Tunisie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. La censure
est l’outil fréquemment utilisé pour anéantir tout essai d’éclaircissement ou d’analyse
de la réalité. La liberté d’expression et de la presse ne sont que de mots casés derrière
une fausse bibliothèque. C’est à l’intérieur de cette dernière qu’on a caché l’appât des
maquilleurs de la politique désastreuse de l’état-famille.
3. Le second pilier est une alchimie abortive de tout message constructif. Aucun secteur
n’a été épargné : culturel, scientifique, sportif, éducatif, historique…La subvention de
l’état pour promouvoir ces secteurs n’était allouée qu’à la médiocrité. Nombreux sont
ceux qui se hâtaient aux portes des ministères de tutelles pour ramasser les miettes de
la subvention. La corruption est la porte d’entrée aux salons des commissions
d’évaluation et d’allocution de la subvention.
Bref, le contenu politique et médiatique était d’une qualité et d’une quantité
indigestes. Les gens avertis sont allés chercher la réalité sous d’autres cieux
médiatiques. Les médias satellitaires et l’internet, malgré la censure, étaient le refuge
idéal pour ceux qui en disposent.
Que faisaient les partis politiques qui se vantent de la pertinence de leur analyse ?
Où étaient les nouveaux messagers (groupes et individus)?
Einstein disait: "celui qui désire représenter un phénomène vivant dans son évolution,
doit se trouver devant le dilemme suivant: être en avant ou en arrière, pas au milieu".
Nul parti n'était en avant, c'est à dire avant-gardiste! Personne n'a prédit la révolte!
Une preuve irréfutable que les partis politiques avaient d’autres chats à fouettés. Ils
étaient à la recherche d’une légalité constitutionnelle ou d’une légitimité étrangère
d’une part, et ils sont démunis des outils scientifiques pour une judicieuse analyse,
d’autre part. Pour les raisons ci-citées, tout le monde était surpris par une émeute
spontanée qui a évolué en une révolte populaire organisée. Une révolte qui s'est
distinguée par son caractère social, la vitesse de sa propagation, la créativité
organisationnelle, l'amplitude croissante de ses objectifs et la sympathie acquise au
niveau tant régionale qu'internationale. Certes que les conditions étaient favorables
aux contestations (carence d'investissement, chômage, bas niveau de vie) mais le
moment du déclenchement a pris en contrepied tous les politiciens. Tous les
subterfuges politiques (RCD et ses satellites) les manœuvres politiciennes des partis
politiques de décor de la seconde génération (PDP, Ettajdid) et les tractations actuelles
n'ont pu et ne peuvent étouffer la révolution. Les conseils, fronts et forums que se
partagent les partis politiques sont verticaux et non viables. Les parties constituantes
manquent de programmes clairs, la plate forme politique est étroite tant d'un point de
vue des objectifs et que dans le temps. Donc, des coalitions éphémères. D'ailleurs, l es
derniers événements confirment cette hypothèse.
B/ Que faire ?
Les enjeux politiques sont énormes, les forces progressistes devraient s'aligner à la
population en adoptant et développant ses slogans (objectifs) et ses méthodes
organisationnelles. Pour que les acquis de la révolution ne soient pas accaparer par une
myriade de partis politiques, et pour que le chemin de la révolution ne soit pas dévié
en faveur d'une poignée d'opportunistes, la vigilance est de mise. Une meilleure
vigilance consiste en l'adoption de deux activités primordiales:
1/ Concevoir des instances représentatives et horizontales (toutes les catégories
sociales, toutes les régions). Des structures de concertation, de décision et de gestion.
4. 2/ Approfondir l'analyse de la situation actuelle (sectaire et globale) afin de développer
le programme de développement d'une Tunisie libre et démocratique.
Un programme qui tient compte des objectifs assignés par la révolution, de sa capacité
innovatrice sur le plan organisationnel, politique, social et économique.
L'infantilisme politique de ceux qui se brandissent l'étendard d'une légitimité
historique(ex-prisonniers, expatriés) pour un partage de pouvoir, n'est qu'un
entêtement devant les sacrifices de la révolution qui, a bel et bien, résisté à toutes les
tentatives de son assujettissement politique et organisationnelle.
Annexes :
Des questions en attente de réponses !
1/ Ya-t-il des potentialités spécifiques territoriales, locales et régionales (humaines,
naturelles, facteurs de production, circuits courts et longs de commercialisation..)?
2/ Les citoyens de ces régions, appuyés par des facilitateurs ou modérateurs, ne sont-ils pas
les mieux placés à identifier les problèmes, analyser la relation de causalité et proposer les
alternatives de développement?
3/ Les commis de l'état, les hauts responsables administrateurs ou les honorables politiciens
siégeant à Tunis et les grandes villes, ont-ils l'aval de continuer à méditer à la place des
autres?
4/ Les citoyens de ces régions (politisés ou apolitiques) n'ont-ils pas le droit de s'organiser et
participer à la conception et à l'élaboration des projets de développement de leur propre
potentialités?
5/ N'est-il pas temps de couper avec les approches descendantes et centralisées?
6/ N'est-il pas à l’ordre du jour de rompre avec les projets stéréotypés?
7/ N'est-il pas pertinent de reconsidérer les droits et devoirs du citoyen?
8/ Si les réponses aux questions précédentes sont affirmatives, quel est le rôle des partis
politiques, syndicats, associations, ONG et les personnalités indépendantes?
9/ Si les réponses sont mitigées, comment peut-on concevoir un espace où la LIBERTE (pas
uniquement la liberté d'organisation et d'info), la DIGNITE (pas seulement un changement
comportemental civique), l'EGALITE REGIONALE (qui n'est pas une aumône, un
saupoudrage de quelques institutions de services ou industrielles) et LE DROIT AU
TRAVAIL(qui n'est possible que par l'initiation d'une nouvelle dynamique économique).