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L’alcoolisme : l’au-delà de l’oralité.
Le tableau clinique de l’alcoolique est suffisamment
caractéristique pour constituer une entité psychopathologique à part
entière. L’ivresse occasionnelle même fréquente relève de l’éthylisme
mais ne cadre pas avec ce que nous connaissons du profil de
l’alcoolique tant celui-ci est stéréotypé. A tel point que ne buvant plus,
l’ancien alcoolique peut se définir lui-même comme alcoolique
abstinent. C’est donc au-delà de la satisfaction orale que se définit la
pathologie de l’alcoolique.
L’alcoolique est soumis à un impératif auquel il ne peut pas se
dérober et qui lui demande de consommer : « ça demande à boire ».
Sa relation au grand Autre duquel il reçoit son propre message est
interprétée comme une demande irrépressible de consommer, il ne
peut que s’y soumettre. Lacan a pu dire qu’il n’y a pas de sujet à la
pulsion : l’exigence de satisfaction ne tient aucunement compte du
sujet, même si l’alcoolique peut penser que satisfaire à cette demande
ce serait être sujet.
Se soumettant à cette exigence de boire, il n’est plus alors
qu’une machine vouée dans l’ivresse à la satisfaction de ce grand
Autre qui réclame. S’il s’y refuse, s’il reste à jeun, c’est au prix des
pires angoisses, d’une menace de dépersonnalisation et d’une
confusion mentale envahissante.
« Ainsi même lorsque les magasins étaient fermés, il y avait bien
malgré tout une pharmacie d’ouverte quelque part. Et jusqu’à présent,
il n’est pas nécessaire de présenter une ordonnance pour se procurer
de quoi désinfecter une coupure. (Et même si cela avait été, il se serait
coupé sans hésitation afin d’obtenir ce qu’il voulait – abîmé un peu
plus un peu moins…) Et puis il y avait bien aussi quelque vieux
parfums qui restaient encore chez lui. De toute manière le goût infect
n’avait aucune importance. Il fallait avoir l’essentiel. » (1)
Le grand Autre tout puissant auquel est soumis l’alcoolique
exige de lui qu’il aille jusqu’au bout d’une jouissance enfin réussie. Il
est remarquable que le lieu d’exercice de cette jouissance soit clivé
entre un espace publique, lieu de réjouissance collective et un espace
privé supposé être la source de ses malheurs et de sa souffrance.
Du côté de l’espace privé, familial, celui de son domicile, il se
sent diminué, bafoué, non reconnu, ni comme homme ni comme père.
Du côté de l’espace publique il est alors autorisé de jouir sans
vergogne de l’objet dont la consommation est d’autant plus valorisée
qu’elle est collective, au sein du bistrot.
L’homme alcoolique au domicile va reprocher à sa femme de ne
pas lui accorder la possibilité d’une jouissance toute, sans défaut. Elle
lui dissimule cet objet de jouissance qu’elle recèle, elle le lui refuse, la
traître. Cet objet caché elle va bien arriver à lui céder et il va aller le
chercher dans la violence. C’est en traitant ce corps sans ménagement
que l’alcoolique espère qu’il va révéler ce qu’il cache.
Despote au sein de sa famille, c’est néanmoins dans ce lieu qu’il
va rendre les armes et il en rend l’épouse et les enfants responsables.
La tentative d’être reconnu par sa famille est un échec puis qu’elle est
invalidée par la futilité et l’absence de légitimité de ces êtres fautifs.
Atteint dans sa puissance paternelle et virile, l’homme alcoolique
va compenser cette minoration par une attitude violente et tyrannique
qui provoquera drames et traumatismes dans son entourage. Son souci
d’affirmer sans frein une virilité qu’il juge défaillante peut l’amener
jusqu’au viol, jusqu’à l’inceste.
Pourquoi alors la femme de l’alcoolique – dont le tableau
clinique n’est pas moins stéréotypé que celui de son conjoint – tolère-
t-elle cette violence et cette haine à son égard ? Le bénéfice qu’elle en
obtient est l’exercice d’une toute puissance qui la met en place de
grand Autre de son conjoint, grand Autre dont le caractère maternel
réduit celui-ci à une position infantile. Du coup c’est le cycle de la
demande qui se réarme.
Mais cette tolérance de la part de l’épouse peut avoir une fin et le
couple peut se séparer, la femme peut partir. Ce départ ne marque
cependant pas la fin du cycle : soit elle revient et ça recommence, soit
elle rencontre un autre homme et ça recommence aussi… Peut-on
repérer ce qui provoque cette séparation ? Est-ce au moment où
l’homme alcoolique cesse d’attribuer à sa femme cette toute puissance
dont elle jouissait ?
La figure du semblable que représente l’épouse est doublée par
la présentification du grand Autre qu’elle incarne. L’alcoolique n’aura
de cesse d’en dénoncer la présence par sa jalousie maladive. Il y a là
au foyer une présence fuyante, inatteignable et dont il voie les signes :
un mégot, un lit selon lui défait… Il est à la recherche des preuves qui
toujours lui échappent que l’autre était bien là l’instant auparavant,
qu’il vient juste de disparaître. Ne serait-ce pas son image à lui qu’il
recherche ainsi et qu’on lui aurait soustraite ? (2) Ce serait une
défense contre la précarité de son propre moi dont la consistance n’a
jamais été établie.
De cette précarité nous en avons la preuve dans le déni des
stigmates physiques. L’alcoolique, malgré son faciès marqué, malgré
ses blessures et contusions dues à ses nombreuses chutes et accidents
va nier et son alcoolisme et ses conséquences sur son intégrité
physique. Il préfère se penser comme travailleur généreux, dévoué,
subvenant aux besoins familiaux bien qu’il souffre de l’image qu’on
lui renvoie, celle d’un être dégradé, peu fiable, amoindri.
Il est ainsi renvoyé à son propre père, fréquemment jugé lui aussi
diminué et défaillant, maillon d’une généalogie déchue. L’alcoolique
est atteint au plus profond de son intégrité narcissique. Ce rapport au
père peut évoquer la structure hystérique d’autant que le théâtralisme,
les modalités de la demande et l’oralité comme mode privilégié de
jouissance font partie du tableau. Mais alors que l’hystérique va
manifester un profond dégoût à l’approche de l’objet, l’alcoolique va
éprouver une appétence sans réticence pour le déchet jusqu’à ce qu’il
s’exhibe lui-même comme déchet. Là encore le malentendu règne
avec l’entourage et en particulier avec le médecin : ce qui est
pathologique pour eux est naturel pour l’alcoolique. Tout ça ne lui
pose pas de problème et il ment en toute bonne foi.
« L’alcoolique dont on dénonce la mauvaise foi justement mais
une mauvaise foi entendue comme telle par ceux de dehors, ceux d’un
autre monde où règnent d’autres références et d’où, lui, s’est
délibérément exclu. C’est alors le malentendu. » (3)
L’abord thérapeutique de l’alcoolique n’est pas sans poser de
problèmes. En effet, le pousser à reconnaître son alcoolisme qu’il nie
le plus souvent, c’est risquer d’accroitre la dépréciation narcissique
dont il souffre et de ce fait de relancer de plus belle l’alcoolisation.
Dans sa tentative de résoudre les impasses du désir par la
satisfaction de la demande, l’alcoolique est soumis à la tyrannie de la
demande orale. Il souffre d’être dépendant de cette contrainte à céder
à cet impératif - effectivement catégorique pour lui – et le traitement
comportemental risque de surenchérir sur cette dépendance.
Sortons maintenant de l’espace domestique où l’alcoolique se
montre violent et tyrannique pour constater qu’il investit d’une
manière contrastée l’espace du dehors.
Dans cet espace il ne peut établir que des relations fraternelles et
homosexuées. L’échange se doit d’être égalitaire. La dissymétrie
habituelle à l’échange verbale est corrigée : il ne peut pas y avoir de
différence de valeur avec l’interlocuteur, l’autre, le double, il ne peut
pas y avoir de perte ni pour l’un ni pour l’autre. C’est ainsi que se
justifie le rituel des tournées au bistrot : ce que tu m’as offert, je me
dois de te le rendre pour être quitte.
Dans cet espace il va donner à un semblable homme des gages
de son estime, de sa loyauté sans réticence, de sa fidélité, de son souci
d’égalité. Bref, c’est tout l’inverse des reproches adressés à sa femme.
L’alcoolique veut la vérité : il réclame qu’on aille droit au but, il
exige de son semblable une franchise et une transparence totales. Mais
l’attente de réciprocité est toujours déçue : l’interlocuteur manque de
clarté, ses propos restent obscurs, voire manipulateurs.
L’investissement massif de son double spéculaire n’est pas sans
inconvénient puis qu’il peut déclencher de l’agressivité et de la
violence contre son semblable mais aussi contre lui-même puisque
c’est la même chose.
Cette facilité de renversement va également se retrouver dans les
changements d’humeur de l’alcoolique : joyeux, bavard, expansif,
éloquent il peut devenir quasiment mélancolique, déprimé, peut
évoquer le suicide, rongé par des sentiments de culpabilité et
d’indignité.
La consommation de l’objet oral présent dans la réalité se fait
dans un moment de réjouissance exaltée auquel succède un état
dépressif quand la fête est finie, quand tout est absorbé. Pour obtenir
les mêmes effets d’excitation il faut augmenter la consommation qui
dès lors va croître régulièrement.
En état d’ivresse, le discours de l’alcoolique n’est pas orienté car
il se dispense du signifiant refoulé qui l’arrimerait, qui le lesterait, le
fonderait. Le plus souvent sur un ton péremptoire, l’alcoolique articule
un discours qui se déroule sans participation subjective, il déroule une
chaîne qui parle toute seule. Il peut arriver que l’alcoolique s’amène
imbibé à sa séance chez son analyste - bien qu’il soit réticent à
consulter, il peut effectuer la démarche- il est alors absent à lui-même,
il n’y sera pas dans les paroles qu’il va dérouler.
Le signifiant en tant qu’unité et élément discret introduit une
discontinuité dans le déroulement de la chaîne. Entre deux éléments il
y a un vide. C’est ce que l’alcoolique ne peut tolérer puis qu’il attend
de sa parole qu’elle soit fluide, de l’ordre du continu, du flux. Car ce
qui lui parait le plus précieux c’est ce qui se situe entre deux
signifiants et qui lui échappe.
L’alcoolique oublie généralement ce que, ivre, il a pu proférer la
veille et même s’il a écrit, cet écrit lui reste énigmatique et
hermétique. La perte du sens confirmerait que c’est bien la défaillance
de l’imaginaire qui est à l’œuvre puis que les sens relèvent de
l’imaginaire.
« C’est moi qui aie le pouvoir du discours, le tien est impuissant,
incomplet, futile, insignifiant. Je dépasse ton discours pour te faire
taire. »
« Souffrance de ce qu’on disait sur lui mais sur le coup
seulement. Ensuite méticuleusement, avec une précision et une
patience infinie, il se mettait à découper silencieusement les différents
états de ceux qui se donnaient la prétention de le juger. Là où il se
sentait encore plus seul, plus désolé, c’était précisément l’endroit où il
se voulait considérablement plus fort que quiconque tant le mépris
était là. »
« C’est quelqu’un [l’alcoolique] qui la ramène, fait la leçon, a
l’illusion de produire l’expression claire d’un savoir complet,
supérieur, absolu. »(4)
Adopter cette place d’exception c’est avant tout par défense
contre la dissymétrie de l’interlocution qui implique alternativement
d’occuper une place d’agent, de commandement puis de venir à une
place passive de soumission. Car cette place il va la vivre comme celle
du déchet. Cette oscillation entre l’excellence et le rebut constitue une
grand part de la souffrance de l’alcoolique.
« Ainsi pour ce qu’il en était d’être lui d’abord, c’était dérisoire,
tant il savait qu’être lui c’était être ou bien difforme ou bien
totalement éclaté au point qu’il ne semblait n’y avoir ni de sens ni de
lieu. On l’avait gommé quelque part. »(5)
La jouissance c’est l’Autre qui se l’est accaparée. Alors que c’est
par le travail que l’alcoolique tente d’être reconnu, l’exploitation de sa
force de travail est vécue douloureusement comme une grande
injustice, infligée au collectif qu’il constitue avec ses camarades. C’est
dans l’ivresse partagée avec eux qu’il va trouver une compensation à
ce « gommage ».
L’alcoolique dispose de son objet à volonté, il doit l’avoir sous
la main pour s’en saisir et le consommer sans délai. La présence de cet
objet dans la réalité n’est pas sans conséquence, comme le développe
Charles Melman. (6) En effet la jouissance dite phallique s’appuie sur
une limite derrière laquelle s’abrite l’objet convoité, mais
définitivement perdu. L’enfant est sommé par l’intervention paternelle
d’abandonner le type de jouissance partagée avec l’instance
maternelle : je me réjouis car tu te réjouis de ma réjouissance, tu me le
donnes, je te le donne. Le père intervient en rendant irréversible la
perte des objets infantiles. Il garantit la stabilité de l’objet dans le réel
qui ne pourra plus, sauf circonstances exceptionnelles, venir s’infiltrer
dans la réalité et provoquer de l’angoisse. La saisie de l’objet devenue
impossible, la jouissance sera certes limitée, incomplète,
insatisfaisante mais subjectivement possible.
Que se passe-t-il lorsque cette jouissance, comme c’est le cas
chez l’alcoolique, ne trouve pas cette limite ? Elle va chercher une
opposition, une résistance dans le corps lui-même, dans le corps
biologique. La réussite et l’accomplissement de la jouissance visent la
destruction de ce corps jusqu’à la mort. La préservation de la vie est
pour l’alcoolique une entrave, un empêchement qu’il va dénoncer
jusqu’au bout. Il n’a de cesse de « liquider » ce souffle de vie qui
habite son corps. Demander à l’alcoolique de renoncer à extraire ce
plus de jouir de son propre corps qu’il est en train de détruire est vain :
il estime que c’est tout ce qui lui reste comme possibilité de jouir. Il
n’est pas question de se dispenser de son objet car faute de pouvoir en
disposer, c’est tout son univers qui s’écroule.
« Quatre jours de délire, quatre jours après son arrivée où il fut
agité par des images venues de sa mémoire sans qu’il puisse savoir
quoi faire, pourquoi il était là ni même où il était, quelque chose de la
totale confusion des lieux et des moments, quelque chose du
cauchemar, de la psychose, de la confusion et de l’agonie .»
« Parfois même l’écriture - d’un écrit sans sujet ni discours, sans
début ni fin – ne parvenait plus à se former tant les tremblements du
soir devenaient insupportables. Il n’y avait alors sur la feuille que de
vagues traits hachés, que des traces informelles quand ce n’était pas
des taches et des ratures. »
« Lorsqu’il ne bégayait plus ainsi ses aliénations, il restait figé
sur une chaise, face à son bureau, laissant venir des « idées » qu’il
essayait toujours d’inscrire sur une feuille mais qui ne pouvaient être
que chaotiques tant en lui se confondaient l’espace et le temps – il
avait toujours sur lui de quoi écrire. »(6)
Faut-il voir dans l’exercice de l’écriture – si réussi parfois – une
tentative ultime de saisir ce fameux objet qui lui échappe et qu’il
voudrait « inscrire » dans son corps ? L’économie psychique de la
femme alcoolique n’est pas différente de celle de l’homme,
quoiqu’elle accorde souvent plus d’importance à la jouissance tirée de
la lettre, en tant qu’elle commémore l’objet perdu et qu’elle en a
conservé cet attrait d’être répugnante. On sait que Lacan fait ce
rapprochement en anglais entre letter et litter, la lettre et l’ordure.(7)
(1) « Histoire d’en faire. Histoire d’en être. » Philippe Marois.
Académie européenne du livre. 1990.
(2) « Ça, ne je ne l’ai jamais vu. » « Sacrée bouteille.” Chansons
de Graeme Allwhright. « The best of Graeme Allwhright”,
2003. Label Philips.
(3) “Clinique psychanalytique, articles et communications.”
Charles Melman. Bibliothèque du trimestre psychanalytique,
publication de l’Association freudienne. Paris, 1991.
(4) Philippe Marois, ibidem.
(5) Philippe Marois, ibidem.
(6) Philippe Marois, ibidem.
(7) « Autres écrits. » Jacques Lacan. Le Seuil. Paris, 2001.
Cet écrit a fait l’objet d’un exposé dans le cadre de l’atelier
d’introduction à une clinique psychanalytique, un des ateliers de Alef-
Ali Orléans.
Bernard Frannais, le 24 juillet 2017.

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L'alcoolisme, l'au delà de l'oralité

  • 1. L’alcoolisme : l’au-delà de l’oralité. Le tableau clinique de l’alcoolique est suffisamment caractéristique pour constituer une entité psychopathologique à part entière. L’ivresse occasionnelle même fréquente relève de l’éthylisme mais ne cadre pas avec ce que nous connaissons du profil de l’alcoolique tant celui-ci est stéréotypé. A tel point que ne buvant plus, l’ancien alcoolique peut se définir lui-même comme alcoolique abstinent. C’est donc au-delà de la satisfaction orale que se définit la pathologie de l’alcoolique. L’alcoolique est soumis à un impératif auquel il ne peut pas se dérober et qui lui demande de consommer : « ça demande à boire ». Sa relation au grand Autre duquel il reçoit son propre message est interprétée comme une demande irrépressible de consommer, il ne peut que s’y soumettre. Lacan a pu dire qu’il n’y a pas de sujet à la pulsion : l’exigence de satisfaction ne tient aucunement compte du sujet, même si l’alcoolique peut penser que satisfaire à cette demande ce serait être sujet. Se soumettant à cette exigence de boire, il n’est plus alors qu’une machine vouée dans l’ivresse à la satisfaction de ce grand Autre qui réclame. S’il s’y refuse, s’il reste à jeun, c’est au prix des pires angoisses, d’une menace de dépersonnalisation et d’une confusion mentale envahissante. « Ainsi même lorsque les magasins étaient fermés, il y avait bien malgré tout une pharmacie d’ouverte quelque part. Et jusqu’à présent, il n’est pas nécessaire de présenter une ordonnance pour se procurer de quoi désinfecter une coupure. (Et même si cela avait été, il se serait coupé sans hésitation afin d’obtenir ce qu’il voulait – abîmé un peu plus un peu moins…) Et puis il y avait bien aussi quelque vieux parfums qui restaient encore chez lui. De toute manière le goût infect n’avait aucune importance. Il fallait avoir l’essentiel. » (1) Le grand Autre tout puissant auquel est soumis l’alcoolique exige de lui qu’il aille jusqu’au bout d’une jouissance enfin réussie. Il est remarquable que le lieu d’exercice de cette jouissance soit clivé entre un espace publique, lieu de réjouissance collective et un espace privé supposé être la source de ses malheurs et de sa souffrance.
  • 2. Du côté de l’espace privé, familial, celui de son domicile, il se sent diminué, bafoué, non reconnu, ni comme homme ni comme père. Du côté de l’espace publique il est alors autorisé de jouir sans vergogne de l’objet dont la consommation est d’autant plus valorisée qu’elle est collective, au sein du bistrot. L’homme alcoolique au domicile va reprocher à sa femme de ne pas lui accorder la possibilité d’une jouissance toute, sans défaut. Elle lui dissimule cet objet de jouissance qu’elle recèle, elle le lui refuse, la traître. Cet objet caché elle va bien arriver à lui céder et il va aller le chercher dans la violence. C’est en traitant ce corps sans ménagement que l’alcoolique espère qu’il va révéler ce qu’il cache. Despote au sein de sa famille, c’est néanmoins dans ce lieu qu’il va rendre les armes et il en rend l’épouse et les enfants responsables. La tentative d’être reconnu par sa famille est un échec puis qu’elle est invalidée par la futilité et l’absence de légitimité de ces êtres fautifs. Atteint dans sa puissance paternelle et virile, l’homme alcoolique va compenser cette minoration par une attitude violente et tyrannique qui provoquera drames et traumatismes dans son entourage. Son souci d’affirmer sans frein une virilité qu’il juge défaillante peut l’amener jusqu’au viol, jusqu’à l’inceste. Pourquoi alors la femme de l’alcoolique – dont le tableau clinique n’est pas moins stéréotypé que celui de son conjoint – tolère- t-elle cette violence et cette haine à son égard ? Le bénéfice qu’elle en obtient est l’exercice d’une toute puissance qui la met en place de grand Autre de son conjoint, grand Autre dont le caractère maternel réduit celui-ci à une position infantile. Du coup c’est le cycle de la demande qui se réarme. Mais cette tolérance de la part de l’épouse peut avoir une fin et le couple peut se séparer, la femme peut partir. Ce départ ne marque cependant pas la fin du cycle : soit elle revient et ça recommence, soit elle rencontre un autre homme et ça recommence aussi… Peut-on repérer ce qui provoque cette séparation ? Est-ce au moment où l’homme alcoolique cesse d’attribuer à sa femme cette toute puissance dont elle jouissait ? La figure du semblable que représente l’épouse est doublée par la présentification du grand Autre qu’elle incarne. L’alcoolique n’aura de cesse d’en dénoncer la présence par sa jalousie maladive. Il y a là au foyer une présence fuyante, inatteignable et dont il voie les signes :
  • 3. un mégot, un lit selon lui défait… Il est à la recherche des preuves qui toujours lui échappent que l’autre était bien là l’instant auparavant, qu’il vient juste de disparaître. Ne serait-ce pas son image à lui qu’il recherche ainsi et qu’on lui aurait soustraite ? (2) Ce serait une défense contre la précarité de son propre moi dont la consistance n’a jamais été établie. De cette précarité nous en avons la preuve dans le déni des stigmates physiques. L’alcoolique, malgré son faciès marqué, malgré ses blessures et contusions dues à ses nombreuses chutes et accidents va nier et son alcoolisme et ses conséquences sur son intégrité physique. Il préfère se penser comme travailleur généreux, dévoué, subvenant aux besoins familiaux bien qu’il souffre de l’image qu’on lui renvoie, celle d’un être dégradé, peu fiable, amoindri. Il est ainsi renvoyé à son propre père, fréquemment jugé lui aussi diminué et défaillant, maillon d’une généalogie déchue. L’alcoolique est atteint au plus profond de son intégrité narcissique. Ce rapport au père peut évoquer la structure hystérique d’autant que le théâtralisme, les modalités de la demande et l’oralité comme mode privilégié de jouissance font partie du tableau. Mais alors que l’hystérique va manifester un profond dégoût à l’approche de l’objet, l’alcoolique va éprouver une appétence sans réticence pour le déchet jusqu’à ce qu’il s’exhibe lui-même comme déchet. Là encore le malentendu règne avec l’entourage et en particulier avec le médecin : ce qui est pathologique pour eux est naturel pour l’alcoolique. Tout ça ne lui pose pas de problème et il ment en toute bonne foi. « L’alcoolique dont on dénonce la mauvaise foi justement mais une mauvaise foi entendue comme telle par ceux de dehors, ceux d’un autre monde où règnent d’autres références et d’où, lui, s’est délibérément exclu. C’est alors le malentendu. » (3) L’abord thérapeutique de l’alcoolique n’est pas sans poser de problèmes. En effet, le pousser à reconnaître son alcoolisme qu’il nie le plus souvent, c’est risquer d’accroitre la dépréciation narcissique dont il souffre et de ce fait de relancer de plus belle l’alcoolisation. Dans sa tentative de résoudre les impasses du désir par la satisfaction de la demande, l’alcoolique est soumis à la tyrannie de la demande orale. Il souffre d’être dépendant de cette contrainte à céder à cet impératif - effectivement catégorique pour lui – et le traitement comportemental risque de surenchérir sur cette dépendance.
  • 4. Sortons maintenant de l’espace domestique où l’alcoolique se montre violent et tyrannique pour constater qu’il investit d’une manière contrastée l’espace du dehors. Dans cet espace il ne peut établir que des relations fraternelles et homosexuées. L’échange se doit d’être égalitaire. La dissymétrie habituelle à l’échange verbale est corrigée : il ne peut pas y avoir de différence de valeur avec l’interlocuteur, l’autre, le double, il ne peut pas y avoir de perte ni pour l’un ni pour l’autre. C’est ainsi que se justifie le rituel des tournées au bistrot : ce que tu m’as offert, je me dois de te le rendre pour être quitte. Dans cet espace il va donner à un semblable homme des gages de son estime, de sa loyauté sans réticence, de sa fidélité, de son souci d’égalité. Bref, c’est tout l’inverse des reproches adressés à sa femme. L’alcoolique veut la vérité : il réclame qu’on aille droit au but, il exige de son semblable une franchise et une transparence totales. Mais l’attente de réciprocité est toujours déçue : l’interlocuteur manque de clarté, ses propos restent obscurs, voire manipulateurs. L’investissement massif de son double spéculaire n’est pas sans inconvénient puis qu’il peut déclencher de l’agressivité et de la violence contre son semblable mais aussi contre lui-même puisque c’est la même chose. Cette facilité de renversement va également se retrouver dans les changements d’humeur de l’alcoolique : joyeux, bavard, expansif, éloquent il peut devenir quasiment mélancolique, déprimé, peut évoquer le suicide, rongé par des sentiments de culpabilité et d’indignité. La consommation de l’objet oral présent dans la réalité se fait dans un moment de réjouissance exaltée auquel succède un état dépressif quand la fête est finie, quand tout est absorbé. Pour obtenir les mêmes effets d’excitation il faut augmenter la consommation qui dès lors va croître régulièrement. En état d’ivresse, le discours de l’alcoolique n’est pas orienté car il se dispense du signifiant refoulé qui l’arrimerait, qui le lesterait, le fonderait. Le plus souvent sur un ton péremptoire, l’alcoolique articule un discours qui se déroule sans participation subjective, il déroule une chaîne qui parle toute seule. Il peut arriver que l’alcoolique s’amène imbibé à sa séance chez son analyste - bien qu’il soit réticent à
  • 5. consulter, il peut effectuer la démarche- il est alors absent à lui-même, il n’y sera pas dans les paroles qu’il va dérouler. Le signifiant en tant qu’unité et élément discret introduit une discontinuité dans le déroulement de la chaîne. Entre deux éléments il y a un vide. C’est ce que l’alcoolique ne peut tolérer puis qu’il attend de sa parole qu’elle soit fluide, de l’ordre du continu, du flux. Car ce qui lui parait le plus précieux c’est ce qui se situe entre deux signifiants et qui lui échappe. L’alcoolique oublie généralement ce que, ivre, il a pu proférer la veille et même s’il a écrit, cet écrit lui reste énigmatique et hermétique. La perte du sens confirmerait que c’est bien la défaillance de l’imaginaire qui est à l’œuvre puis que les sens relèvent de l’imaginaire. « C’est moi qui aie le pouvoir du discours, le tien est impuissant, incomplet, futile, insignifiant. Je dépasse ton discours pour te faire taire. » « Souffrance de ce qu’on disait sur lui mais sur le coup seulement. Ensuite méticuleusement, avec une précision et une patience infinie, il se mettait à découper silencieusement les différents états de ceux qui se donnaient la prétention de le juger. Là où il se sentait encore plus seul, plus désolé, c’était précisément l’endroit où il se voulait considérablement plus fort que quiconque tant le mépris était là. » « C’est quelqu’un [l’alcoolique] qui la ramène, fait la leçon, a l’illusion de produire l’expression claire d’un savoir complet, supérieur, absolu. »(4) Adopter cette place d’exception c’est avant tout par défense contre la dissymétrie de l’interlocution qui implique alternativement d’occuper une place d’agent, de commandement puis de venir à une place passive de soumission. Car cette place il va la vivre comme celle du déchet. Cette oscillation entre l’excellence et le rebut constitue une grand part de la souffrance de l’alcoolique. « Ainsi pour ce qu’il en était d’être lui d’abord, c’était dérisoire, tant il savait qu’être lui c’était être ou bien difforme ou bien totalement éclaté au point qu’il ne semblait n’y avoir ni de sens ni de lieu. On l’avait gommé quelque part. »(5) La jouissance c’est l’Autre qui se l’est accaparée. Alors que c’est par le travail que l’alcoolique tente d’être reconnu, l’exploitation de sa
  • 6. force de travail est vécue douloureusement comme une grande injustice, infligée au collectif qu’il constitue avec ses camarades. C’est dans l’ivresse partagée avec eux qu’il va trouver une compensation à ce « gommage ». L’alcoolique dispose de son objet à volonté, il doit l’avoir sous la main pour s’en saisir et le consommer sans délai. La présence de cet objet dans la réalité n’est pas sans conséquence, comme le développe Charles Melman. (6) En effet la jouissance dite phallique s’appuie sur une limite derrière laquelle s’abrite l’objet convoité, mais définitivement perdu. L’enfant est sommé par l’intervention paternelle d’abandonner le type de jouissance partagée avec l’instance maternelle : je me réjouis car tu te réjouis de ma réjouissance, tu me le donnes, je te le donne. Le père intervient en rendant irréversible la perte des objets infantiles. Il garantit la stabilité de l’objet dans le réel qui ne pourra plus, sauf circonstances exceptionnelles, venir s’infiltrer dans la réalité et provoquer de l’angoisse. La saisie de l’objet devenue impossible, la jouissance sera certes limitée, incomplète, insatisfaisante mais subjectivement possible. Que se passe-t-il lorsque cette jouissance, comme c’est le cas chez l’alcoolique, ne trouve pas cette limite ? Elle va chercher une opposition, une résistance dans le corps lui-même, dans le corps biologique. La réussite et l’accomplissement de la jouissance visent la destruction de ce corps jusqu’à la mort. La préservation de la vie est pour l’alcoolique une entrave, un empêchement qu’il va dénoncer jusqu’au bout. Il n’a de cesse de « liquider » ce souffle de vie qui habite son corps. Demander à l’alcoolique de renoncer à extraire ce plus de jouir de son propre corps qu’il est en train de détruire est vain : il estime que c’est tout ce qui lui reste comme possibilité de jouir. Il n’est pas question de se dispenser de son objet car faute de pouvoir en disposer, c’est tout son univers qui s’écroule. « Quatre jours de délire, quatre jours après son arrivée où il fut agité par des images venues de sa mémoire sans qu’il puisse savoir quoi faire, pourquoi il était là ni même où il était, quelque chose de la totale confusion des lieux et des moments, quelque chose du cauchemar, de la psychose, de la confusion et de l’agonie .» « Parfois même l’écriture - d’un écrit sans sujet ni discours, sans début ni fin – ne parvenait plus à se former tant les tremblements du soir devenaient insupportables. Il n’y avait alors sur la feuille que de
  • 7. vagues traits hachés, que des traces informelles quand ce n’était pas des taches et des ratures. » « Lorsqu’il ne bégayait plus ainsi ses aliénations, il restait figé sur une chaise, face à son bureau, laissant venir des « idées » qu’il essayait toujours d’inscrire sur une feuille mais qui ne pouvaient être que chaotiques tant en lui se confondaient l’espace et le temps – il avait toujours sur lui de quoi écrire. »(6) Faut-il voir dans l’exercice de l’écriture – si réussi parfois – une tentative ultime de saisir ce fameux objet qui lui échappe et qu’il voudrait « inscrire » dans son corps ? L’économie psychique de la femme alcoolique n’est pas différente de celle de l’homme, quoiqu’elle accorde souvent plus d’importance à la jouissance tirée de la lettre, en tant qu’elle commémore l’objet perdu et qu’elle en a conservé cet attrait d’être répugnante. On sait que Lacan fait ce rapprochement en anglais entre letter et litter, la lettre et l’ordure.(7) (1) « Histoire d’en faire. Histoire d’en être. » Philippe Marois. Académie européenne du livre. 1990. (2) « Ça, ne je ne l’ai jamais vu. » « Sacrée bouteille.” Chansons de Graeme Allwhright. « The best of Graeme Allwhright”, 2003. Label Philips. (3) “Clinique psychanalytique, articles et communications.” Charles Melman. Bibliothèque du trimestre psychanalytique, publication de l’Association freudienne. Paris, 1991. (4) Philippe Marois, ibidem. (5) Philippe Marois, ibidem. (6) Philippe Marois, ibidem. (7) « Autres écrits. » Jacques Lacan. Le Seuil. Paris, 2001. Cet écrit a fait l’objet d’un exposé dans le cadre de l’atelier d’introduction à une clinique psychanalytique, un des ateliers de Alef- Ali Orléans. Bernard Frannais, le 24 juillet 2017.