L’enjeu de fond qui motive la première étape de cette démarche méthodologique est de savoir où se joue la coordination. Entre les espaces qui affichent de la coordination et n’en font pas, et ceux où elle se fait sans se dire, il convient de clarifier ce qui la rend nécessaire, à quel moment, entre quels professionnels, et quelle fin elle vise.
1. RÉSUMÉ DU PREMIER LIVRABLE
L’enjeu de fond qui motive la première étape de cette démarche méthodologique est de savoir où se
joue la coordination. Entre les espaces qui affichent de la coordination et n’en font pas, et ceux où
elle se fait sans se dire, il convient de clarifier ce qui la rend nécessaire, à quel moment, entre quels
professionnels, et quelle fin elle vise.
Les éléments qui incitent à la coordination
L’étude met en exergue trois grandes catégories de constats qui contribuent à expliquer à la fois la
difficulté à se coordonner, et la nécessité pour les acteurs de pouvoir le faire.
- Le médico-social ne constitue pas un champ unique qui s’inscrirait entre le sanitaire et le
social. Il s’agit plus vraisemblablement d’un champ double, comprenant des structures
médico-sociales issues du médical et d’autres nées du social. Le médico-social a donc moins
une identité propre que des identités respectives, liées à leur champ d’appartenance. Or, le
sentiment d’appartenance au groupe professionnel (identité) apparait comme un élément
facilitant la coordination dans la mesure où il réduit la crainte d’être destitué d’une fonction
par l’arrivée d’un tiers professionnel.
- Les tensions ne s’exercent pas seulement entre les champs professionnels, mais également
au sein de chacun d’entre eux. La sectorisation en psychiatrie a bousculé l’équilibre des
pouvoirs, et la « rénovation du secteur » qui se profile annonce la possibilité de remaniements.
Le champ social quant à lui est peu structuré, et les informations circulent difficilement entre
les différentes thématiques (hébergement, travail, vie sociale). La santé mentale représente
pour certaines structures une part minime de l’activité, pour d’autre, un domaine d’activités
récent qui s’est rapidement développé. Entre sanitaire et social, les tensions se cristallisent sur
des situations de repli où chacun renvoie vers la responsabilité de l’autre.
- L’enchevêtrement des territoires nécessite d’identifier les niveaux de coordination des
acteurs. La psychiatrie « aménage » son territoire de santé et continue à se référer au
département, notamment comme échelon de participation à la gouvernance. Le social
« pense » majoritairement le territoire selon les découpages des comités départementaux
d’action sociale. Et nombre d’acteurs associés (Education nationale, PJJ…) ont leurs propres
références territoriales. Une dynamique de clarification des territoires tend à :
Rendre visible les espaces de référence des uns et des autres.
Reconnaitre la souplesse nécessaire au niveau de proximité.
Rendre lisible l’hétérogénéité de l’offre sur les territoires.
Les temps qui nécessitent la coordination
Dans le parcours d’une personne, la coordination doit permettre de faciliter le passage d’une étape à
une autre. La personne n’est pas monolithique (un patient, un malade, un usager, un résidant…). Elle
a une histoire, elle existait avant sa prise en charge par tel ou tel service et elle existera après ! Elle a
un entourage, une famille, un contexte. L’envisager dans sa globalité nécessite d’associer plusieurs
points de vue (dont celui de la personne elle-même). Il y a là une autre conception de l’usager que,
par exemple, en médecine générale, où l’on ne va pas l’impliquer de la même façon dans ce que les
professionnels auront à faire pour elle.
De plus, la chronologie (avant, pendant, après) reste centrée sur les soins et est copiée sur le modèle
de la médecine générale. En psychiatrie, les réponses dépassent largement la seule hospitalisation. Le
2. temps et l’investissement impartis sont généralement bien plus importants (avant pour limiter) et
surtout après pour le suivi (qui peut durer des années). Il faut donc penser un type de coordination
capable d’envisager la globalité de la personne (avant, pendant, après) et, peut-être, un type de
coordinations plus spécifiques au moment d’un passage. Les espaces de coordination se situent donc
de part et d’autre de chaque point de passage. C’est seulement après avoir identifié ces besoins de
coordination que l’on pourra explorer les étapes des processus de coordination et les conditions de
leur fonctionnement (en admettant que processus et règles puissent différer en fonction des espaces
identifiés de coordination).
Les préalables à la notion de coordination
Définition de la notion
a) L’accompagnement : pour construire et conduire un parcours, les personnes ont besoin
d’être accompagnées (SAVS, SAMSAH…), c’est un élément de compensation du handicap.
b) La coopération : dans le parcours de la personne, plusieurs moments nécessitent que des
ressources diverses soient mobilisées de façon concomitante ; c’est le « faire-ensemble » des
professionnels. Afin d’assurer une prise en compte globale de la personne, cette coopération
doit mutualiser et assurer une mise en œuvre cohérente de compétences pluri
professionnelles, plurisectorielles et pluri-institutionnelles.
c) La coordination : Co organiser, co ordonnancer. Co-élaborer, collaborer = Association pour
des raisons professionnelles (autour d’une mission pour quelqu’un). La coordination :
- c’est penser ensemble ce qui pourra être fait par les uns et/ou les autres - la
distribution des rôles implique nécessairement un travail sur les identités et les
missions professionnelles, donc centrée sur la professionnalité,
- c’est une forme de prescription commune – donc centrée sur l’usager.
Cela détermine deux formes (ou deux temps ?) de la coordination.
La coordination est un acte d’anticipation particulièrement nécessaire en amont des passages.
Définition des passages
Les « passages » dans les parcours se font selon deux axes du temps différents :
Le temps de l’existence et le temps du parcours.
Les passages se négocient au fil des âges de la vie et créent des besoins de coordination :
Entre l’adolescence et l’âge adulte
Entre l’âge adulte et la personne âgée
Les passages se négocient au fil du parcours et créent des besoins de coordination entre :
Avant le temps de la priorité au soin : Prévention primaire et Accès au soin (incluant la
gestion de la crise)
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Pendant le temps de la priorité au soin - rémission (enjeu = éviter la désaffiliation sociale et
définir des perspectives de réhabilitation)
Entre la psychiatrie, la médecine de ville, et l’action sociale (logement, travail, famille, économie).
Après le temps de la priorité au soin : Temps de la réhabilitation et Temps de la prévention
tertiaire (éviter la rechute).
Les parcours des personnes se distinguent en fonction des âges de la vie, conférant une importance
différente aux coordinations « pendant le temps de la priorité au soin » : le risque de désaffiliation
sociale ne prend pas le même sens à l’âge adulte que pour les deux autres classes d’âges. La question
de l’autonomie se pose différemment puisque sa limitation constitue l’état « normal » des enfants,
adolescents, et des personnes âgées.
Identification des espaces de coordination
Pour les passages dans les parcours individuels, des espaces de coordination existent :
En Amont :
- les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) répondent principalement à la fonction
de gestion de la crise,
- et la Cellule pilotée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse à Brest à la fonction
plus générale de l’accès aux soins.
Cette fonction auprès des enfants et adolescents fait l’objet d’initiatives locales
diverses qui relèvent davantage de l’informel ou de l’accompagnement que de la
coordination (liens entre des services de psychiatrie ou des établissements médico-
sociaux avec des personnes de l’éducation nationale, soutien aux enseignants et
médecins de ville par le biais de réseau d’écoute…)
Le temps de la priorité au soin :
- Il aurait pu y avoir les Maisons des Adolescents mais nous avons vu que les missions
contrastées de ces maisons (soin et coordination), ne permettaient pas que la
mission de la coordination se dégage lisiblement.
- De façon tout aussi hypothétique, les Comités de Secteur tels que décrits
théoriquement auraient certainement pu endosser cette fonction.
En aval : pour assurer le passage de sortie de soins intensifs, nous identifions trois types
d’espaces de coordination potentiels (mais qui ne se définissent pas forcément comme tels) :
- les Cellules de gestion de situations complexes (Instance de Concertation et de
Coordination notamment), qui n’ont pas toutes le même objet, ni le même
fonctionnement, ni la même composition,
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4. - la cellule d’évaluation du Morbihan, qui s’est constituée à l’initiative concertée de la
psychiatrie et du médico-social afin de réduire les délais et de soutenir la cohérence
des orientations,
- les équipes techniques des MDPH, qui sont interprofessionnelles dans leur
composition interne et se sont ouvertes pour certaines à des acteurs extérieurs,
permettant le croisement des regards au temps de l’évaluation.
Pour les passages d’âge, nous n’avons pu identifier d’espaces de coordination institutionnalisés.
Une coopération est organisée dans les côtes d’Armor entre des professionnels du soin et des
professionnels de l’aval (résidences, services d’accompagnement), des conventions sont également
passées entre établissements de santé mentale et du médico-social.
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L’efficacité des espaces de coordination
Critères d’évaluation du fonctionnement des coordinations
Que signifie « les espaces de coordinations fonctionnent » ? Plusieurs indices déterminent le
fonctionnement des espaces de coordination :
Sont-ils pérennes ?
Sont-ils reconnus par tous les acteurs concernés ? (reconnaissance et légitimité partagées par
le sanitaire comme le médico-social – ce sans quoi fonctionnent des espaces de coordination
du sanitaire d’une part et du social d’autre part)
Permettent-ils d’éviter les ruptures dans les parcours ?
Les 5 conditions de la coordination
1. Eclaircissement de la fonction : en ne nommant pas l’objet de la coordination, les
professionnels ne savent pas précisément ce qu’ils font ensemble. Or ils ont besoin de le
savoir nommément.
2. Interconnaissance préalable : il est ressorti comme axe majeur des réunions
départementales que l’interconnaissance, entendue comme connaissance réciproque des
acteurs, de leurs missions et limites d’action respectives, mais aussi comme moyen de
partage de connaissances, était un préalable indispensable à l’action commune. Cela ne
signifie pas qu’il y ait besoin de passer un temps indéfini à ne rien faire ensemble mais plutôt
à privilégier dans un premier temps des échanges portant sur des « enjeux raisonnables » et
permettant la stabilisation d’un langage et d’objectifs communs.
Pour exemple, nous pouvons évoquer le comité de circonscription de Janzé qui a permis la
création de RAMPES en 1998, ainsi que la SISM en 1998 et « Chemins d’expressions » en 2005
…. Et passe actuellement par une phase de « reconnaissance » entre les professionnels
renouvelés, ne permettant pas de mener de concert de nouvelles actions communes.
Cela implique que chacun clarifie quelles sont ses propres limites, les expose et les explique.
Se connaître, c’est être informé sur les possibilités (capacités) des autres mais c’est aussi avoir
une connaissance partagée, élaborée ensemble, au-delà des informations sur l’exercice du
métier de l’autre, de ses concepts de sa manière de se positionner…et de savoir, sur un
territoire, quels sont les moyens à disposition.
3. Stabilisation des coordinations sur des enjeux moindres : Proche de la condition précédente,
les coordinations sur des « enjeux forts », se feront d’autant mieux que les acteurs partageront
également des actions communes sur des enjeux moindres. Les « coordinations sur des enjeux
forts » sont celles qui activent la question des responsabilités et/ou des pouvoirs, ou qui
demandent une grande réactivité -comme celle de gestion de la crise.
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6. Par exemple, l’analyse comparée des conseils locaux de santé mentale a montré qu’une action
concertée de formation au long court, et soutenue par une université, constituait un socle de
coordination facilitant la gestion commune et ordonnée de la crise.
Cette troisième condition pourrait se traduire notamment par « Définir des règles du jeu
provisoires ». Des espaces pourraient ainsi fonctionner avec l’idée d’avoir à faire évoluer les
règles avec le temps et la « vie » de la coordination.
4. Association de tous dès le début : Il est manifeste à l’écoute des échanges qui ont eu lieu,
que le mouvement initial de chacun est décisif. Ainsi, une structure qui est « raccrochée » a
posteriori, toute sincère que soit l’invitation, se reconnait difficilement dans l’espace de
coordination et continue à douter de la place qui lui est réservée. Il convient ici de resituer les
craintes majeures et connexes qui freinent l’engagement dans des espaces communs : « on va
nous coordonner » et « nous ne sommes pas prestataires de service ». (Crainte de
l’instrumentalisation, complexe d’ « infériorité » car le nouveau ne connaît pas l’histoire et
n’a pas ce bagage de l’interconnaissance). Or cette crainte est particulièrement activée par
l’association a posteriori d’une part, et par le pilotage unique d’une des partie d’autre part.
Ces arguments s’illustrent notamment par l’observation de la cellule d’évaluation du
Morbihan : malgré l’invitation motivée et répétée, l’association La Sauvegarde a du mal à
intégrer la cellule. L’on ne peut cependant négliger les autres facteurs freinant : propres au
territoire (cloisonnement entre Vannes et Lorient), à l’histoire commune des acteurs
(divergences entre des professionnels du soin et du médico-social sur un dossier commun
précédent), et aux restructurations internes de l’association (problèmes de circulation des
informations et de transmission de dossiers). Une certaine réserve par rapport à la cellule, et
plus globalement aux coordinations, a été évoquée par le médico-social qui se méfie d’une
logique de « sélection », de « recrutement »dans ces espaces.
5. Equilibrage interprofessionnel des espaces de coordination : Il en va là de la cohérence des
espaces de coordination. De la même façon que faire venir des professionnels lors d’un
échange qui ne les concerne pas diminue sérieusement les chances qu’ils reviennent la fois
suivante, les espaces de coordination dans lesquels ils manquent des acteurs ne permettent
pas concrètement d’éviter les ruptures dans les parcours. La fonction de gestion des parcours,
tout particulièrement, nécessite d’associer dans un même espace de coordination l’ensemble
des acteurs concernés par ce parcours.
C’est ainsi que les MDPH, par exemple, connaissent sur les territoires des stratégies
différentes pour favoriser la pluridisciplinarité nécessaire aux évaluations.
Les acteurs, notamment de l’aval, proposent comme piste d’amélioration de la fluidité des
parcours d’être plus systématiquement associés à ces temps d’évaluation, ou alors qu’elles se
fassent de façon provisoire en leur délivrant des « périodes d’essai » permettant de vérifier la
pertinence des orientations.
Conclusion
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7. Résumé 14 novembre 2012
La question des coordinations est traversée par des paradoxes qui contribuent à expliquer l’oscillation
entre engouement et freins. L’un d’eux notamment oppose :
le « bricolage » : système informel de coordination qui s’inscrit dans des pratiques
professionnelles (et contribue de ce fait à une identité professionnelle), est associé à une
forme de liberté d’agir, mais comporte des limites notamment en termes de « perso-
dépendance », et de reconnaissance de cette fonction,
et « l’institutionnalisation » : formalisation qui permettrait cette reconnaissance,
notamment du temps consacré à la coordination, et la pérennisation des dispositifs. Les
craintes qui s’expriment sont relatives à la «protocolisation » des pratiques pour les
professionnels et à une systématisation des réponses par rapport aux usagers (qui nierait la
spécificité des situations).
Au-delà des paradoxes se manifestent une nécessité, mais aussi une envie, de les dépasser
(particulièrement sensible à travers la mobilisation et l’engagement des acteurs rencontrés dans le
cadre de cette démarche).
La première phase de cette démarche a permis d’identifier certaines nécessités qui permettent de
soutenir, en tenant compte des paradoxes, ce mouvement vers la coordination :
Permettre une lisibilité des espaces en clarifiant leurs enjeux : à ce jour, deux espaces
nommés de la même façon peuvent différer à bien des titres. Il s’agit moins d’harmoniser ces
espaces que de clarifier leurs différences, principalement au regard de leur fonction.
Améliorer la visibilité des coordinations,
Adapter les stratégies en fonction des objets de coordination :
- De l’informel au réglementaire
- Du piloté au coopératif
- Du ponctuel au permanent.
Tenir compte des paradoxes inhérents à l’organisation collective des pensées et des actes implique
d’envisager des modalités de coordination différentes selon les espaces concernés. Ce sont
précisément ces manières de se coordonner en fonction des objets qui sont explorées et débattues
au cours des réunions de la seconde phase.
Cinq conditions de fonctionnement ont été identifiées par l’observation comparative de
coordinations existantes. Elles posent les axes majeurs de développement et/ou de renforcement de
dispositifs de coordinations. Elles définissent le cadre des échanges à venir qui cherchent les
modalités concrètes de coordination, autant que la mise en lien, en réflexion, et en action des acteurs
de la santé mentale.
Ce premier bilan conduit à envisager des espaces de coordination par niveau de territoire, certes,
mais qui permettent aussi une cohérence entre ces niveaux. A quelles conditions le territoire
d’organisation pourrait-il assurer une fonction d’interface entre territoires de proximité et territoire
régional ? La première phase a également permis de réaliser que les acteurs tiennent à se réunir par
département : leur implication est plus importante à ce niveau. Il conviendra peut-être de revoir la
démarche en conséquences, notamment pour le temps de présentation des scenarii.
Une autre distinction importante est apparue entre les coordinations autour du parcours des
personnes et les coordinations sur la structuration des réponses. Si les premières ont fait l’objet de
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8. la majeure partie des échanges, les secondes représentent un enjeu rarement évoqué et pourtant
incontournable de développement des dispositifs de coordination.
Des perspectives différenciées de coordination émergent en filigrane de ces travaux. L’on voit se profiler
des types d’articulation différents, plus ou moins coopératifs, associatifs, ou intégratifs. Le second temps
de la démarche vise à préciser et vérifier la pertinence de ces pistes, et/ou en développer de nouvelles.
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