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12 novembre 2013 Le Soir Mardi 12 novembre 2013 4 LE BULLETIN CLIMATIQUE LE BULLETIN CLIMATIQUE 5 VOUS Ces petits gestes qui ouvrent la porte au changement Se loger, manger, se déplacer, consommer autrement… Des Belges s’interrogent. Des groupes se mobilisent. La crise est passée par là. Audit énergétique en vue La famille Spira loge dans une maison depuis 15 ans, à Nivelles. « Nous avons refait toute l’isolation du toit il y a quatre ans, car il faisait vraiment très froid dans le grenier. Et nous avons souhaité rentabiliser cet espace en chambre d’ami », explique Michaël. Selon une enquête de Test Achats, 40 % des Belges seraient dans ce cas. Bien vu : entre une maison mal isolée et une maison « basse énergie », les dépenses de chauffage sont divisées par deux. Et il y a encore de la marge. La consommation d’énergie par m2 du secteur résidentiel belge est à plus de 70 % supérieure à la moyenne européenne. Une étude du bureau de consultant McKinsey a montré qu’il est encore possible de réduire de moitié la consommation à l’horizon 2030. Tant à Bruxelles qu’en Wallonie, on en fait beaucoup trop peu, jugent tous les experts. Mathieu Sonck, secrétaire général d’Inter Environnement Bruxelles : « Il faut un plan à l’échelle régionale visant à rénover tous les logements et singulièrement les logements locatifs très importants. Pour cela, il faut mettre des grosses sommes sur la table et cibler les plus pauvres. » Encore faudra-t-il, tant dans la capitale qu’en Wallonie, simplifier les procédures et accélérer le mouvement. Les gestes qui sauvent ? Double vitrage (37 % des Belges l’ont fait), vannes thermostatiques et chaudière à condensation. Comme 45 % des Belges, les C hanger quelques habitudes a un impact positif pour l’environnement, pour la santé et pour le portefeuille. Sans affecter le confort et la qualité de vie. Et si beaucoup s’y mettent, les bénéfices seront très importants. Si ce n’est pas par altruisme, pourquoi ne pas le faire pour alléger la facture ou se sentir en meilleure forme ? Voilà pour la théorie, rabâchée par des campagnes d’informations. Ça marche ? Moyennement, si l’on en croit les études et les chiffres. Depuis le temps qu’on lui parle du changement climatique et de la hausse des prix de l’énergie, de l’impact négatif des gaspillages et de l’obsession de surconsommer, le Belge est loin d’avoir modifié radicalement son comportement. Certains perçoivent tout de même des frémissements. La famille Spira que nous avons rencontrée à Nivelles n’est pas un exemple représentatif. Mais comme d’autres, elle se pose des questions. Elle change. Evolutions, contradictions Si le Belge évolue, toute contradiction n’a pas disparu : « On va payer une caution pour un gobelet recyclable dans un festival de musique, mais on va prendre l’avion à 50 euros pour assister à un concert celtique à Dublin », lâche un syndicaliste. « Les sondages montrent un recul généralisé des préoccupations strictement environnementales et une fuite-refuge dans l’individualisme, soulève Ann Wulf (Ecoconso). Mais en même temps, des initiatives de transition se multiplient. » La transition vers une société plus sobre et plus solidaire. Un mythe ? « On a tendance à penser que les gens ne sont pas ambitieux, dit Gwendoline Viatour (WWF). Nous pensons au contraire qu’il y a une prise de conscience. » « Les gens sont peut-être un peu plus conscients qu’il y a vingt ans. Mais ils n’ont pas dramatiquement changé leurs comportements de consommation, nuance Pierre Ozer, chargé de recherche en environnement à l’ULg. Les campagnes d’information n’ont qu’un impact limité. Chassez le naturel, il revient au galop. » Les initiatives de citoyens mobilisés ? « Pas plus de 8 à 9 % de la population. » Un autre chercheur : « Nous vivons toujours dans un monde où les gens qui n’ont rien aspirent d’abord à posséder avant de partager. » Deux choses avérées : de plus en plus de gens s’interrogent et aspirent à des changements. Mais pour que ce mouvement contamine la population, il faudra davantage que des campagnes d’informations et que des « carottes ». Des mesures politiques s’imposeront. ■ ANN-CHARLOTTE BERSIPONT et MICHEL DE MUELENAERE S’ALIMENTER SE LOGER Privilégier le frais et les produits locaux Spira y sont passés : récemment, ils ont remplacé leur vieille chaudière âgée de 25 ans. Nos Nivellois avaient aussi commencé les démarches pour poser des panneaux photovoltaïques, mais celles-ci n’ont pas abouti : « Nous n’avons pas une grande surface de toiture et la maison n’est pas bien orientée. Nous n’avons pas pris le temps d’approfondir la question et nous avons préféré investir dans l’isolation. » Michaël pense réaliser un audit énergétique, notamment pour améliorer l’isolation des châssis et du sol. « On ne mange presque jamais de produits préparés. Cela arrive, mais c’est vraiment très rare », explique Martine. Les Spira vont parfois au marché mais ce n’est pas systématique. En général, ils achètent leurs produits de base à la boulangerie ou à la boucherie du coin. Et le reste, en grande surface. Le jour de notre visite, Emilie venait de préparer des madeleines. « On fait souvent des soupes, des gâteaux ou des cakes nous-mêmes », explique la jeune fille. Cette préoccupation rejoint celle de nombreux Belges. Trois personnes sur quatre disent en effet acheter des légumes et des fruits de saison et 4 sur 10 achètent surtout des produits locaux. Dans ce domaine, les ménages s’estiment toujours trop peu informés. Selon une enquête de Test Achats, 48 % des consommateurs veulent savoir si le produit d’origine est belge, 45 % voudraient pouvoir mieux évaluer l’empreinte écologique de leurs achats. Chez les Spira, on essaie aussi de limiter la viande : des portions quotidiennes de moins de 100 grammes par personne et deux repas végétariens par semaine. Pile-poil la quantité recommandée par les autorités sanitaires. Mais la consommation moyenne en Belgique reste bien supérieure : 247 grammes par jour, note le Bureau du Plan qui a mis la consommation de viande parmi ses « indicateurs phares » du développement durable. Une consommation excessive de viande est un problème sanitaire. Et un problème environnemental (production de gaz à effet de serre). Un potager ? La famille Spira n’en a pas le temps. Mais elle profite des légumes du potager des grands-parents : courgettes, salades, tomates, pommes… « Le week-end, on essaie d’accommoder les restes pour éviter le gaspillage, précise Michaël. Mais ce n’est pas toujours évitable. » La famille Spira a accepté de nous ouvrir les portes de sa maison et de réfléchir sur sa manière de consommer : alimentation, transports, bio, logement... Tout a été passé au crible dans le salon d’Emilie, Michaël, Martine et Maxime. © THOMAS BLAIRON SE DÉPLACER En voiture et à pied Chacun son moyen de transport, chez les Spira : « Les enfants ont la chance de pouvoir aller à l’école à pied, 8 fois sur 10, raconte Martine. Nous essayons aussi de faire nos petites courses en ville à pied, d’autant plus que nous habitons dans le centre. Mais pour le travail, mon mari et moi sommes forcés de prendre la voiture. J’ai la mienne et lui utilise sa voiture de société. » Les transports en commun, ils y ont pensé, mais la perte de temps serait trop importante : 35-40 minutes en voiture contre 1h30 en transport en commun pour Michaël, par exemple. Et le vélo ? Réservé aux balades du dimanche et aux vacances. « Dans la circulation, je trouve cela un peu dangereux », précise la mère de famille. Pour les vacances, les Spira optent majoritairement pour la voiture parce qu’ils aiment rayonner à partir de leur endroit de location. Pour les trajets entre son domicile et son lieu de travail, le Belge est, en Europe, le plus gros « navetteur automobile ». Idem pour les courses (60 % utilisent la voiture pour faire des achats en ville contre 16 % à pied, 11 % en bus, 6 % à vélo et 2 % en train). Pour les achats en périphérie, dans un centre commercial, 83 % des Belges utilisent la voiture. Outre l’omniprésence de la voiture de société, « c’est à la fois le résultat des infrastructures développées depuis l’après-guerre et d’un aménagement du territoire qui ont mis la priorité sur la route, indique un cadre d’une administration de l’environnement. Difficile de revenir en arrière compte tenu des conservatismes et qu’il règne encore chez une série d’acteurs économiques l’idée que la voiture est le sang de l’économie ». Un cercle vicieux qui explique notamment la frilosité à investir massivement dans le rail. Difficile cependant de poursuivre dans cette voie. Avec la congestion qui atteint des sommets et les prix de l’énergie qui ne cesseront de croître, le réveil sera brutal. Un frémissement déjà ? En Région bruxelloise, les déplacements courts se font désormais plus à pied qu’en voiture, il y a de plus en plus de cyclistes et le service Cambio d’autos partagées compte près de 10.000 clients. En Wallonie, l‘idée d’une autre mobilité fait également son chemin chez certains. S’ÉQUIPER Ne pas acheter trop vite Les Spira mettent un point d’honneur à utiliser leurs appareils le plus longtemps possible. D « Nous avons acheté une nouvelle télévision il y a E F deux ans, mais nous avons gardé l’ancienne jusqu’au bout, même si les couleurs n’étaient plus terribles. » Lorsqu’ils achètent, ils sont attentifs à la consommation énergétique, par exemple, celle du frigo, acquis récemment. Il y a un ordinateur familial, pas plus. « On essaie de résister à la tentation, on ne veut pas être débordés d’écrans. Pour nous, c’est important de maintenir des contacts sociaux chaleureux dans la famille. » Maxime a récupéré un vieux GSM et Emilie en a eu un neuf parce qu’elle entrait en secondaire. Pour un nombre croissant de Belges (50 % environ), la consommation énergétique est un critère important dans l’achat d’électroménager. La Belgique arrive 3e (sur 23) dans le classement des pays européens pour l’achat de produits labellisés A++ et A+++. Le prix de l’électricité est clairement en cause. On est en revanche moins regardant quand il s’agit de multimédia et de matériel high-tech. Comme les Spira, une partie croissante de la population réfléchit à deux fois avant de se jeter sur le dernier équipement à la mode (télé, GSM, ordinateur, électro…) alors que l’ancien fonctionne correctement ou peut être réparé. Il s’agit encore d’une tendance marginale – parfois motivée par le manque de moyens – et agir de la sorte va à contre-courant des messages envoyés par la publicité et les médias oublieux de leur responsabilité sociale. Mais le message progresse, en témoigne notamment le succès des Repair Café où l’on peut redonner une nouvelle vie à des engins qu’on aurait naguère jetés. A B C CONSOMMER € ACHETER BIO Un panier de fruits et légumes bio par semaine Martine explique que depuis près d’un an, elle passe par une coopérative d’achats groupés pour se procurer ses fruits et légumes. « Cela fonctionne très bien, je fais cela en moyenne une fois par semaine. » « On peut choisir d’avoir un panier soit de fruits, soit de légumes, ou un mélange des deux », précise Emilie. Son père renchérit : « Nous essayons d’acheter bio pour tout ce qui est lait, jus de fruits ou purée de tomates. Dans la mesure du possible bien sûr. » La famille Spira essaie donc d’être attentive au bio, surtout pour les produits frais ou basiques. Mais cela n’est pas envisageable pour la totalité des aliments. Le liquide vaisselle est, par contre, toujours labellisé écologique. Les achats bio progressent fortement en Belgique, l’exemple de la famille Spira n’en est qu’un énième exemple. Logiquement – l’une des premières préoccupations des Belges est leur santé –, c’est surtout dans le domaine alimentaire que cette tendance se marque. Soixante pour cent des ventes de l’alimentation bio se font aujourd’hui via la grande distribution, mais les coopératives, la vente chez les producteurs, les groupements d’achats qui proposent des « paniers bio » connaissent de plus en plus de succès, souligne-t-on à l’ASBL Ecoconso. Résultat : depuis 1987, les terres consacrées à l’agriculture biologique ont vu leurs surfaces multipliées par presque soixante. Reste un souci : pour deux Belges sur trois interrogés par Test Achats en 2012, les produits bio restent trop chers. Une enquête réalisée en Allemagne a effectivement montré que les consommateurs payent en moyenne 30 % plus cher, dit-on chez Nature et Progrès. Mais que leur budget alimentation est de 8 % moins élevé que celui des autres consommateurs. Moins de gaspillage, plus de matière sèche, plus de goût… Au moment de comparer, il est bon de savoir ce qu’il y a derrière l’étiquette tant en termes de respect de l’environnement que de la santé. 4 Seconde main et achat groupé Livres, vêtements, vélos pour les enfants… les achats de seconde main ont la cote chez Spira. Les membres de la famille se rendent parfois dans une brocante permanente et donnent leurs propres objets à revendre en seconde main. Pendant longtemps, Martine a roulé avec une voiture d’occasion mais, depuis 2008, elle en a une neuve. « Question de confort, mais j’ai eu une prime énergétique car le nouveau véhicule consomme moins que le précédent. » Si les Spira achètent du neuf, ils essaient d’acheter belge : c’est le cas des vélos des parents et de leur matelas. Les achats groupés font aussi partie du paysage : « Il y a un groupement d’achat collectif solidaire à Nivelles. On passe par là ponctuellement, lorsque des produits nous intéressent, comme le vin par exemple. » Les nouveaux modes de consommation attirent de plus en plus, confirme Ann Wulf (Ecosonso). En témoigne le succès des associations qui organisent la récupération (souvent des entreprises d’économie sociale), mais aussi des brocantes, des initiatives de troc comme les « gratiferia », de la consommation collaborative, du prêt de matériel, des services d’échanges locaux ou du partage d’automobiles. Ici aussi on navigue à contre-courant du modèle classique ; mais il apparaît à un nombre croissant de gens qu’il n’est souvent pas nécessaire d’acheter du neuf, qu’il n’est pas indispensable de posséder, surtout lorsqu’il s’agit d’outils dont on se sert finalement très peu (6 minutes par an en moyenne pour une foreuse…). Dans cette « économie de la fonctionnalité », on n’achèterait désormais plus un bien, mais on achète l’usage de ce bien pour un temps déterminé. Autant d’économies. Pour le consommateur comme pour l’environnement. PLACER SON ARGENT € Une épargne très classique Les Spira placent leurs économies sur des comptes d’épargne. « Le taux n’est pas très efficace, mais nous n’avons jamais pris le temps de nous renseigner pour avoir autre chose », détaille Michaël. Son épouse ajoute : « Par contre, au salon Valériane, nous étions tombés sur le stand de Triodos et les arguments nous avaient vraiment interpellés. Mais ce n’est pas pour autant que nous avons changé. » La famille a aussi une épargne-pension déductible fiscalement. Michaël a juste investi une petite somme en sicav. Un placement financier n’est pas l’autre. Or l’épargnant ignore généralement ce que l’on fait de son argent placé sur un compte, dans une sicav, une assurance-vie ou une épargne-pension. A y regarder de près cependant, l’affaire n’est pas sans intérêt. Et l’on ne parle pas seulement de celui qui tombe en fin de mois. Notre argent peut ainsi servir à des investissements néfastes pour l’environnement ou pour le développement durable (énergies polluantes, activités néfastes pour le milieu, spéculation alimentaire, soutien à des entreprises non socialement responsable…). Voilà qui accroît considérablement notre empreinte carbone. Inversement, cette épargne peut soutenir des projets, des entreprises qui contribuent à réduire les émissions de CO2, soutenir une agriculture respectueuse de l’environnement, financer le développement d’énergies renouvelables, soutenir des activités dans les pays en développement. Tout cela intéresse-t-il les Belges ? Leur épargne reste massivement logée dans des institutions et des outils « classiques ». Mais plus de 43.000 coopérateurs et 101 organisations ont récemment apporté leur soutien à la création de New B, une nouvelle banque dont l’un des engagements est d’exclure « tout produit ou projet nuisible à l’environnement et à la société ». 5
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