1. Lancement du Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe
Introduction.
Nous sommes très heureux de vous accueillir à la Cinémathèque française, à l’occasion du lancement du
Programme-Cadre pour l’Education au Cinéma en Europe.
Nous sommes européens, venus de divers pays, issus de diverses langues et diverses cultures. Notre
horizon commun est celui de l’Europe, un continent qui connaît une grande diversité d’approches, de
langues, de coutumes, d’usages, de lois. Beaucoup de choses nous unissent et nous réunissent, et pourtant
nous ne sommes pas les mêmes. Nous tenons à nos particularités, à nos manières de vivre, souvent
sophistiquées, qui font la belle diversité de ce continent. Sa richesse.
Une chose nous fait nous ressembler : le Cinéma. Au cinéma chaque spectateur au fond est délaissé de
tout lorsqu’il s’assoit devant l’écran dans une salle. Être spectateur c’est justement se laisser aller à l’autre,
se laisser aller à accueillir l’autre, sous la forme et le langage selon lesquels l’autre est libre d’apparaître et de
disparaître.
Faire le noir, pour que la lumière jaillisse.
Comme nous, le cinéma a appris à bouger, à marcher et à parler. Il est lié à l’âge d’Homme. C’est un art,
une technique, une industrie, tout cela à la fois. C’est aussi un médium qui suppose que le spectateur fasse le
vide, laisse place à l’imaginaire, au rêve et au voyage. Et bien sûr à la pensée. Combien de fois faut-il
répéter que le cinéma véhicule de la pensée, une pensée qui apparaît grâce à des formes, narratives,
expressives, qui touchent le plus grand nombre. Quelle que soit la langue parlée, quels que soient les
paysages filmés, les villes ou les campagnes, le vaste monde.
Le médium cinéma est un formidable « passeur » de cultures, de langues, de modes de vie, de gestes,
d’émotions. Il traverse nos frontières, vole au-dessus de nous et plane dans les airs, atterrit là où il veut,
s’installe et déménage aussitôt. Le cinéma bouge et nous fait bouger. Cela a déjà été dit : il regarde notre
enfance. Il fait de nous sans cesse des enfants, d’un art jeune, d’une technique encore neuve, de gestes et de
mots inédits, joués pour la première fois.
Puisque cette journée est dédiée à l’éducation au cinéma en Europe, j’aimerais dire ceci : si nous voulons
former le regard de nouvelles générations, un regard « éduqué », critique, amoureux des formes et des
contenus, des paysages et des êtres, il faut alors soi-même se remettre en enfance, accepter l’enfant de cinéma
que nous avons été et que d’une certaine manière nous sommes restés. Le regard, le point de vue et l’empathie
que nous voulons transmettre aux jeunes générations, ce doit être ceux de jeunes spectateurs que nous
sommes encore, et que nous resterons toujours. Le cinéma, l’art du cinéma réclame ce droit à l’enfance,
quel que soit notre âge. Il faut l’assumer. Le revendiquer. Le cinéma : 100 ans, que dis-je : 120 ans de
jeunesse !
C’est à cette condition que nous serons de plain-pied avec les jeunes spectateurs d’aujourd’hui et de
demain. Le cinéma a cette force secrète de maintenir dans l’enfance cette part intime de nous-mêmes, qui
aime s’en remettre à l’autre, au regard de l’autre.
Pour finir, j’ose dire, en tant que directeur de la Cinémathèque, que nous avons la chance ici de cumuler
plusieurs fonctions et plusieurs accès au cinéma : à travers nos programmations, nos collections, nos
expositions, notre musée, nos équipes éducatives, passionnées de cinéma.
L’Europe est notre horizon, nous aimerions partager nos expériences, faire voyager nos idées, échanger
avec le plus grand nombre. Nous avons besoin de l’Europe, de son écoute et de son soutien.
Je vous remercie.
Serge Toubiana