1. Saudoyez : et de deux !
1er
National en yearling à Châteauroux
L’an dernier, en décrochant la timbale avec une victoire nationale en yearling à Argenton, Kevin Saudoyez avait
frappé fort. Et pour beaucoup, il confirmait là le bien que l’on pensait de lui avec une carrière ascentionnelle
depuis ses débuts en 2008. Certains amateurs, doués, jouent toute une vie en flirtant avec une victoire
nationale sans jamais l’obtenir. Les superlatifs peuvent désormais pleuvoir. Car le jeune homme de Tertre
vient d’inscrire une nouvelle victoire nationale à son palmarès en raflant la mise sur le Châteauroux, de
nouveau chez les yearlings. A 28 ans, Kevin Saudoyez entre dans le club très restreint des champions qui ont
signé deux victoires nationales en douze mois !
Le propre des vrais, des grands champions, est de toujours revoir ses objectifs à la hausse. De ne pas se
contenter d’un succès. Le plus difficile n’est pas d’atteindre une fois le sommet mais c’est d’y rester. C’est vrai
pour tout, y compris la colombophilie. Un art dont beaucoup peuvent parler pendant des heures. Même ceux
qui n’ont pas obtenu le dixième du quart des résultats acquis par Kevin Saudoyez en neuf années de pratique
seulement.
Diable ! Victoire nationale et 2e
As Pigeon National Grand Demi-Fond en 2016 et victoire nationale en 2017,
avec une première licence signée en 2008, on peut parler de prodige. « Il est comme ça, Kevin ! Quand il se
consacre à quelque chose, c’est à fond et pour gagner. C’est un perfectionniste. » C’est Ingrid, sa compagne qui
le dit. On la croit sans sourciller. Les résultats parlent d’eux-mêmes. Et lorsque Kevin parle lui-même de
colombophilie, il en parle vite, très vite. Il en parle bien , très bien. Et avec passion. Une petite visite de
courtoisie à Tertre et on ne voit pas le temps passer.
2. « RYTHME SOUTENU »
Avant ce nouvel exploit, la colonie Saudoyez avait déjà fait parler d’elle tout au long de la saison. « C’est vrai
que j’étais plutôt satisfait. L’objectif était de briller en championnat provincial. Cela a été le cas et, en plus, on
avait accroché un 1er
AWC sur Montluçon et sur Bourges. Avec des 1er
au noyau/1000 et un pourcentage de
prix légèrement supérieur à 65% j’étais déjà content. Ce succès sur Châteauroux décuple évidemment ce
sentiment. Pourtant, même si je mets toujours mes pigeons dans l’intention de gagner, je ne pensais pas que ce
serait pour moi ce jour-là ». Kevin poursuit plus loin son explication : « En voyant les conditions sur la ligne de
vol, je m’attendais à ce que ça rentre par le Tournaisis. Je m’étais dis que ça allait d’abord tomber là-bas. Plus la
matinée avançait, plus j’en étais persuadé. Le vent poussait par là. Mon papa m’a appelé et je lui ai livré mon
pressentiment. A peine je lui dit ça, je vois mon pigeon. Je raccroche et le pigeon, qui ne revient pas droit mais
comme s’il revenait de Tournai, file dans le pigeonnier des jeunes. Je le prends, je le remets dans son
pigeonnier et quand j’annonce, je constate qu’il n’y a rien d’autre chez les yearlings. J’ai attendu deux bonnes
heures avant de crier victoire. Je sais que pour les longs points, ça peut tomber comme des rafales. »
Cette fusée de Châteauroux est une femelle. Pas un hasard sans doute si elle a filé dans le pigeonnier des jeunes
à son arrivée. « Depuis quelque temps, histoire de garder le niveau de forme et de motivation, les volées
d‘entraînement se font par sexe. Mais vieux, yearlings et jeunes sortent ensemble. Je joue mes pigeons à un
rythme soutenu. L’équipe pour les nationaux à plus de dix concours, cela va de 4000 à 5200 kilomètres volés
en concours depuis le début de la saison. Je leur demande beaucoup et seuls les meilleurs pigeons peuvent
tenir un tel rythme. Celle qui a gagné Châteauroux était sur 8 plumes. J’ai poussé plus encore la méthode de
l’obscurcissement cette saison et je suis convaincu que cela a payé. »
« OBSCURCISSEMENT ET MUE »
Kevin Saudoyez avait déjà mis en pratique la méthode de l’obscurcissement ces dernières saisons. Mais il
affine encore sa méthode, la pousse davantage : « J’essaye de m’adapter à ce que mes pigeons aiment. Je change
constamment de saison en saison. Je fais des essais. Raccourcir les heures de luminosité à telle période de la
saison pour les uns, l’augmenter à telle autre période, pour les autres, cela influence les temps de mue, la
forme, la motivation. J’ai aussi changé mes mélanges par rapport à l’an passé. Et pour les entraînements, je
m’adapte à ce qui se passe dans mes colombiers. Il faut constamment s’adapter, surtout pour la motivation.
Dès que je repère un changement chez les pigeons, je change quelque chose. Pour le vent et la masse, je ne sais
rien y faire. Mais pour le reste, l’amateur a les cartes en main. »
Vent et masse, parlons-en ! D’autant que pour les concours de grand demi-fond, on sait que les pigeons du nord
du pays sont quatre fois plus nombreux que ceux du sud… L’avis du champion : « On entend souvent dire qu’on
est bien mis, nous, ici dans le Borinage. Mais c’est une idée toute faite. Selon le vent, on peut être très mal mis,
hein ! J’épluche les classements et je constate tout de même que pour tous les francophones, cela a été une
saison très rude. Combien va-t-on en retrouver dans les classements des championnats nationaux. On a sans
doute assez avec une seule main pour compter ceux qui sont dans le top 30. Donc, bien mis ou mal mis, c’est
toujours vite dit. Quand je disais que la femelle qui remporte Châteauroux revenait de Tournai, je ne sais pas si
elle vraiment allée jusque-là. Soyons clairs : elle revenait de cette direction. Peut-être a-t-elle crocheté au bord
du bois ici ou alors plus loin ? Je n’en sais rien. Mais elle a crocheté au bon moment pour l’emporter, c’est
finalement ce qui compte. Pour la majorité des concours qui me concernent, on sait qu’il y a deux grandes
lignes de vol avec une masse importante. Une qui file entre Gand et Bruges et l’autre qui file droit sur Anvers.
Le Borinage est entre les deux. Si tes pigeons veulent avec les meilleurs, tu seras dans le bon. Après, pour les
pigeons qui continuent vers le nord, il faut voir les conditions dans les plaines belges. Si le vent est favorable,
t’es dans le bon mais t’es loin. S’il l’est moins, tu peux espérer un très bon classement. Le reste, c’est de la
littérature. »
3. DES PIGEONS HARGNEUX
Tester, chercher, trouver, Kevin Saudoyez le fait dans tous les domaines. A fortiori dans la reproduction, base
de tout succès en colombophilie. La gagnante de ce Châteauroux III est issue de la fameuse souche Cirier-
Ruelle (lui-même issu des Roosens) côté paternel. La mère, elle, est un pur produit Saudoyez dont elle est la
troisième génération.
« J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des pigeons issus des croisements avec les pigeons de Cirier-Ruelle. Je
remarque une constante dans leurs caractéristiques : la hargne. Ce sont des pigeons qui ont du caractère et
c’est ce que je recherche. Même les femelles sont hargneuses. Celle-ci, il était même difficile de l’accoupler. On a
fini par pouvoir le faire en juin !! Avant cela, elle avait repoussé, et pas gentiment, une foule de prétendants.
D’habitude, c’est ta femelle que tout retrouve parfois avec une sale tête mais avec elle, c’était le mâle qui en
prenait pour son grade. Je ne dis pas que je cherche des pigeons qui te démontent le reste du colombier mais il
faut un minimum de caractère. »
La saison s’est passée sans trop de heurts du côté de Tertre. Comprenez par là que les pertes ne sont pas légion
dans les yearlings et les pigeonneaux. Or, le niveau est devenu tellement élevé dans la colonie Saudoyez qu’il
faut aligner de sacrées performances pour y garder sa place. Des pigeonneaux, j’en ai perdu très peu. Et encore,
c’était sur des concours préparatoires. Je continue leur formation en les entraînant avec les vieux et en les
jouant sur les concours de vitesse. Les yearlings qui ont fait la saison des nationaux en ont bientôt fini. Ce sera
bientôt le tri. » Il sera drastique. Unique base : les résultats. Et on n’en est plus à ne conserver que les auteurs
de prix par 10. « Non car il y en a trop. Je ne conserverai que ceux qui ont fait des premiers prix. Je n’ai pas
assez de places dans les pigeonniers si je veux garder tout le monde. » C’est dire à quel niveau on se situe
désormais dans la colonie. « Pour ce qui est du passage à la reproduction, je prends aussi comme base les
résultats mais la prise en main intervient aussi. Parce que je connais désormais mes pigeons et que je veux
qu’ils correspondent aux critères qui sont les miens pour des reproducteurs. »
Il faut croire que ce sont de bons critères puisque les purs produits Saudoyez engendrent déjà leur propre
lignée avec des résultats retentissants.
4. Quant aux changements prévus pour aborder la saison 2018, ils ne seront pas légion. « Je vais changer le
pigeonnier des femelles histoire de prolonger encore l’obscurcissement. Cela demande quelques
aménagements. Je veux voir jusqu’où je peux aller avec cette méthode. Et chez les reproducteurs, je pousserai
encore la construction de la lignée actuelle basée sur le croisement entre mon As Pigeon et « Ambre ». Cela
donne des pigeons capables de décrocher de la masse, ce qui peut faire toute la différence. »
Les journées d’Ingrid et Kevin seront toujours bien remplies en 2018, avec le petit dernier de la famille qui
désormais passe bien toutes ses nuits et des pigeons que Kevin continuera de soigner et entraîner chaque
matin avant de se rendre au travail.
Elle n’est pas belle la vie de champion ?