1. Désiré Badot (Gouy)
l’art de faire mouche
Le sport colombophile n’est pas mort. Qu’on se rassure. Tant qu’il y aura des amateurs comme Désiré Badot
(Gouy-Lez-Piéton), la passion perdurera et se transmettra. La colombophilie business, les lofts géants, les pros
et leurs grosses écuries n’ont pas encore fait totalement main basse sur la passion de milliers d’amateurs qui
méritent de sortir de l’ombre de ces géants voraces. Démonstration que patience et force de temps associées à
une méthodologie performante permettent de pointer régulièrement le bout du bec, et même un peu plus, en
pleine lumière.
Gouy-Lez-Piéton est une charmante petite bourgade hennuyère. A un jet de pierre de Charleroi mais déjà en
zone rurale. Si vous lancez la pierre dans le sens cardinal opposé, c’est dans le Brabant Wallon qu’elle se
posera. Un village, une région où on fleuri dans le passé des colombiers renommés, parmi les plus réputés de
Wallonie. On est d’ailleurs juste à côté de Pont-à-Celles, un local, certes situé à Luttre désormais mais qui
rassemble encore de fameuses pointures et où il faut déjà signer de belles performances pour être dans les
prix. La réputation de ce local n’a jamais été désavouée depuis plus de quarante ans.
2. Désiré Badot profite pleinement de sa retraite dans le cadre champêtre de Gouy-Lez-Piéton. Une retraite
professionnelle qui a surtout signifié pour lui le début d’une colombophilie pleinement vécue. Méticuleux,
concret, Désiré Badot est adepte d’une méthode classique, factuelle. Une déformation professionnelle sans
doute puisqu’il est un ancien gendarme. Pour les plus jeunes, la gendarmerie, qui a disparu dans une réforme
de l’Etat suite à la pénible affaire Dutroux, est un mot français. Les jeunes ne connaissent que la police dans son
état actuel. Avec le recul et tout en reconnaissant qu’une meilleure organisation était indispensable, l’état belge
a sans doute été vite en besogne en jetant en pâture ses gendarmes, pointés du doigt dans un dossier qui a
tellement mis le pays sens dessus dessous qu’on a fait tout et n’importe quoi dans la hâte. Après tout, d’autres
pays, bien plus grands et même des plus petits, ont toujours une police fédérale et une gendarmerie nationale.
Mais bon, dans notre Royaume, on aime faire et défaire et refaire. C’est toujours travailler, comme dirait
l’autre.
Gendarme, cela signifiait surtout pour Désiré Badot de brider sa passion. « Clairement. On avait une formation
militaire au départ et puis un statut qui restait très proche de ce que connaissaient les militaires de carrière.
Pour faire simple, nous étions sensés être toujours joignables, on pouvait nous rappeler à tout moment. Le
week-end, en congé, en vacances, vraiment à tout moment. Le règlement était comme cela. Il fallait d’ailleurs
renseigner, sur une fiche, l’endroit où vous alliez, un numéro où l’on pouvait vous joindre, et pour les vacances,
aussi définir les sites que vous comptiez visiter. Dès lors, le week-end, j’étais parfois de service mais même si je
ne l’étais pas, j’étais parfois rappelé. Pour le sport colombophile, cela n’est évidemment pas sans conséquence.
J’ai signé ma première licence en 1972 mais jusqu’à ma pension, en 1999, je n’ai pas pu jouer aux pigeons
comme je le voulais vraiment. C’est donc surtout depuis 2001 que je m’y suis mis pleinement, en jouant plus
sérieusement si j’ose m’exprimer comme ça. »
Après les chevaux de la gendarmerie, Désiré Badot s’est donc attaché à d’autres attelages : ses pigeons. « Mon
grand-père, mon père, mon oncle, il y avait déjà des coulonneux dans la famille. Quelques pigeons du papa, une
colonie qui comportait quelques pièces issues de chez Roosen et Sibille, pour débuter et servir de base. Puis,
plus tard, quelques pigeons Graindorge, Verspreet et aussi Murez pour apporter du sang frais et du renouveau.
« Directement, il y a eu une différence avec les résultats en yearling sur des concours de vitesse mais surtout
de demi)fond », insiste Désiré Badot.
Plongé à fond dans sa passion, il y consacre tout son temps. Et il apprend vite. Ses préceptes de jeu, il les tient
de Gabriel Bourquin. Un excellent amateur qui vient malheureusement de nous quitter, en ce mois de juillet.
Gabriel Bourquin était né à Wingene mais vivait depuis de nombreuses années à Pont-à-Celles. Il était connu
pour ne pas être avare de conseils avec les amateurs débutants qui venaient lui demander conseil. Il en aidé
quelques-uns à découvrir tous les méandres du sport colombophile. « L’alimentation, l’apprentissage des
jeunes, les accouplements, opérer une sélection sans concession, tout ou presque je l’ai appris de Gabriel
Bourquin. J’applique toujours la même méthode aujourd’hui. Je n’y déroge pas. J’ai aussi pu jouir des conseils
de Noé De Coster. Quand on veut progresser, il faut savoir écouter mais surtout appliquer les conseils de ceux
qui s’y connaissent. »
3. PRIX PAR 10 SINON RIEN
Un principe de base est appliqué dans le pigeonnier au moment de faire la sélection en fin de saison.
« Plusieurs prix par dix pendant la saison sinon c’est une place qui se libère dans le pigeonnier. Il n’y a pas de
raison de garder des pigeons qui ne rentrent pas dans ce critère. Garder en se disant que les origines sont ce
qu’elles sont ou autre chose alors que le pigeon ne pointe jamais dans les prix, c’est retarder l’inévitable à
savoir une déception ou une perte. J’aime me baser sur des faits, du concret. Et il n’y a pas plus concret que les
résultats. Se fier sur des impressions ? Je n’ai pas la science infuse ! »
Précis, méticuleux, Désiré Badot l’est aussi dans sa méthode de préparation. Pour l’alimentation, il faut
effectivement de la précision. Une alimentation de récupération après les concours et une autre avant les
concours. Pour les entraînements, c’est pareil. Les volées quotidiennes, c’est bien mais ça ne suffit pas. Alors,
c’est entraînement même avant un concours. On fait une petite balade de quelques kilomètres avec madame
(Christiane, son épouse depuis 49 ans) et on lâche les pigeons. » C’est encore ce qui fut la semaine précédant ce
superbe résultat à Argenton : une 6e
place en Vieux (2942 pigeons) sur l’Interprovincial d’Argenton qui
équivaut à la 15e
place générale (6176 pigeons). Quand on vous dit que Désiré Badot est un amateur qui
apprend vite et sort de l’ombre, ce ne sont pas de belles paroles en l’air. C’est du concret.
La colonie de Gouy-Lez-Piéton est actuellement composée de 17 couples reproducteurs, 36 pigeonneaux (sur
43 au début de la saison) et 13 voeufs. « C’est largement assez pour bien m’amuser ».
Récemment, Désiré Badot a réintroduit des pigeons de Jean Hausoul dans la lignée. Faut-il encore présenter
Jean Hausoul ? En duo avec Giel Janssens, ils ont rapporté aux Pays-Bas de nombreux prix de tête sur les
concours les plus prestigieux en grand fond, y compris le mythique Barcelone. L’objectif de Désiré Badot, c’est
de pouvoir « allonger la distance prochainement. Jouer sur des Limoges, des Montauban, sur la ligne du
Rhône. » Autrement dit, il faut effectivement du sang de vrais spécialistes pour s’attaquer à cette ligne de vol.
« Il n’y a pas de secret. Si tu n’as pas de pigeons taillés pour ça, il ne faut même pas rêver, ça sera une
catastrophe. La référence absolue sur ces concours, c’est Stéphane Depasse », lance Désiré. Il est vrai que celui
qu’on surnomme « Monsieur Barcelone » a encore été à la hauteur de sa réputation cette saison.
Très respectueux face à tous ces champions, Désiré reste humble : « J’enloge au local de Pont-à-Celles. Il y a de
fameuses pointures, c’est le local de référence. Pour y faire des prix, il faut déjà pointer tôt dans les concours
car il y a beaucoup d’excellents amateurs. Mais bon, j’aime la colombophilie pour l’ensemble de ce que ça
représente : voir mes pigeons revenir, aller au local, y boire un coup avec les autres colombophiles, rencontrer
du monde, causer de notre passion. S’il n’y avait pas tout ça, cela serait nettement moins amusant comme
passion. »
4. CALENDRIER ET COMMUNICATION
Vivant désormais sa passion pleinement depuis plusieurs années, Désiré Badot la partage avec des amateurs
débutants. « Comme on l’a fait avec moi quand j’ai débuté, je trouve que c’est normal d’aider des amateurs qui
débutent. J’aide actuellement deux amateurs de Forchies qui ont récemment mordu à la passion des pigeons.
C’est ma façon de voir les choses. Je n’ai pas une vision égoïste de la colombophilie. »
Le Gouytois a même une vision panoramique de la chose. Il la connaît suffisamment pour asséner un avis
tranché sur certains aspects. D’abord sur le calendrier : « Il a des choses à revoir à la Fédération. Parmi les
points urgents sur le plan sportif, il y a le calendrier. Il y a trop de concours. Faut limiter pour rassembler
davantage. Je n’ai rien contre l’AWC mais il faut que cela apporte un plus et arrêter les discussions stériles. Si
l’AWC permet la multiplication des concours et chargent le calendrier, ça ne servirait pas les amateurs. »
Ensuite, l’autre domaine qu’il pointe du doigt : « RFCB ou AWC , c’est pareil pour le problème de la
communication. Entre la fédération et les colombophiles, il y a un réel manque de communication. Il n’y a
qu’une solution pour améliorer ce point : engager une personne qui sera en charge de toute la communication,
avec les médias et les amateurs. Et engager un pro de la communication, quelqu’un dont cela est le métier, la
spécialité, pas quelqu’un qui n’y connaît rien. »
Enfin, s’il concède que son objectif est de « continuer à prendre du plaisir avec ses pigeons et ses amis
colombophiles », Désiré Badot est, comme tout amateur, habité par un rêve de colombophile, un concours
particulier sur lequel il aimerait briller un jour. « J’en vois deux qui me ferait plus rêver que d’autres : Limoges
et Montélimar. »
C’est tout le mal qu’on souhaite à ce sympathique amateur dont on reparlera assurément !
HUPEZ