Éditorial d’Achim Steiner, Patricia Espinosa et Robert Glasser
Achim Steiner est l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le
développement, www.undp.org
Patricia Espinosa est la Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations
Unies sur les Changements climatiques, www.unfccc.int
Robert Glasser est le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction
des risques de catastrophe et le Chef du Bureau des Nations Unies pour la
réduction des risques de catastrophe, www.unisdr.org
Riches ou pauvres, tous concernés par le changement climatique
1. Riches ou pauvres, tous concernés par le changement climatique
Éditorial d’Achim Steiner, Patricia Espinosa et Robert Glasser
(Coïncidant avec la Journée internationale de la prévention des catastrophes, le 13
octobre 2017)
De Miami à Porto Rico, en passant par Barbuda et La Havane, les ravages de la
saison des ouragans, cette année, dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes est
un rappel que les effets du changement climatique ne connaissent pas de
frontières.
Ces dernières semaines, des ouragans de catégorie 5 ont réduit à néant la vie de
millions de gens dans les Caraïbes et sur le continent américain. Harvey, Irma et
Maria ont particulièrement été dévastateurs. Les 3,4 millions d’habitants de Porto
Rico essaient par tous les moyens d’obtenir des produits de base, tels que de la
nourriture et de l’eau, l’île de Barbuda est devenue inhabitable, et des dizaines de
personnes sont portées disparues ou décédées sur l’île de la Dominique classée
au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les conséquences ne se limitent pas à cette région. Le niveau record
d’inondations enregistré au Bangladesh, en Inde et au Népal a rendu la vie
pénible à quelque 40 millions de personnes. Plus de 1 200 personnes ont péri et
plusieurs autres ont perdu leurs maisons, des cultures ont été détruites, et de
nombreux lieux de travail ont été inondés. Parallèlement, au cours des 18
derniers mois, l’état d’urgence provoqué par la sécheresse a été déclaré dans 20
pays en Afrique, avec d’importants déplacements observés dans toute la région
de la corne.
Pour les pays les moins avancés, l’impact des catastrophes naturelles peut être
sévère, privant de moyens d’existence et retardant les progrès dans la santé et
l’éducation ; en ce qui concerne les pays développés et à revenu intermédiaire,
les pertes économiques d’infrastructures seules peuvent être énormes ; pour les
deux catégories, ces évènements rappellent la nécessité d’agir face au
changement climatique dont la menace de catastrophe est non seulement plus
fréquente mais plus grave.
2. Un signe (inquiétant) avant-coureur ?
Les effets d’un climat plus chaud sur ces récents évènements climatiques, tant
pour leur sévérité que pour leur fréquence, ont été révélateurs pour beaucoup,
car, même la grande majorité qui accepte la science a reconnu que le
réchauffement de la planète est le fait de l’homme.
Si la catastrophe silencieuse de la mort prématurée de 4,2 millions de personnes
chaque année à cause de la pollution ambiante, davantage liée à l’utilisation des
combustibles fossiles, est relativement peu médiatisée, l’incidence des gaz à effet
de serre qui capturent la chaleur sur les phénomènes météorologiques extrêmes,
elle, fait l’objet d’une attention croissante.
Comment pourrait-il en être autrement quand, les impacts de ces évènements
météorologiques sont si lourds. Au cours des deux dernières années, plus de 40
millions de personnes, notamment dans des pays qui contribuent le moins au
réchauffement climatique, ont été forcées d’abandonner leurs foyers soit
définitivement soit temporairement à cause des catastrophes.
Un consensus se dégage clairement : la hausse des températures augmente la
quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, entrainant des précipitations plus
intenses et des inondations à certains endroits, et des sécheresses à d’autres.
Certaines zones vivent les deux, comme ce fut le cas cette année en Californie, où
des inondations record ont succédé à des années d’intense sécheresse.
TOPEX/Poseidon, le premier satellite à mesurer avec précision l’élévation du
niveau de la mer, avait été lancé deux semaines avant l’ouragan Andrew qui avait
touché la côte de la Floride il y a 25 ans. Ces mesures ont observé une
augmentation globale de 3,4 millimètres par an et depuis lors, un total de 85
millimètres sur 25 ans, ou 3,34 pouces.
La hausse du niveau de la mer et son réchauffement contribuent à l’intensité des
tempêtes tropicales dans le monde. Nous continuerons à subir les conséquences
anormales et souvent imprévues des niveaux existants des gaz à effet de serre
dans l’atmosphère, au cours des nombreuses années à venir.
En 2009, la Suisse a publié à nouveau une étude de cas portant sur les comtés de
Miami-Dade, Broward et Palm Beach, qui envisageait un scénario de montée du
niveau de la mer pour les années 2030 correspondant à ce qui s’est déjà produit
3. aujourd’hui. Si une tempête de l’ampleur d’Andrew avait frappé ce coin riche des
États-Unis aujourd’hui, les dégâts économiques auraient varié entre 100 et 300
milliards $ US. D’après les estimations actuelles, les pertes économiques liées à
Harvey, Irma et Maria pourraient dépasser ces chiffres.
Réduction des risques de catastrophes maintenant, lutte contre les
changements climatiques à long terme
Miami fait tout son possible pour développer son programme de protection
contre les inondations ; 400 millions $ US ont été alloués au financement des
pompes à eau de mer, de routes améliorées et de digues. Cependant, ce niveau
de dépense est hors de portée des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire
qui risquent de perdre une bonne partie de leur PIB chaque fois qu’ils sont
frappés par des inondations et des tempêtes.
Si l’Accord de Paris a mis le monde sur la voie d’un avenir faible en carbone à long
terme, ce chemin n’en est pas moins hasardeux, ce qui reflète un pragmatisme et
des réalités propres à chaque pays. Or, s’il est prévu que les émissions de dioxyde
de carbone diminuent à mesure que les pays atteignent leurs cibles déclarées, les
effets du changement climatique pourraient se faire sentir pendant un certain
temps encore, ne laissant d’autre choix au monde que d’investir, simultanément,
dans des efforts pour s’adapter au changement climatique et réduire le risque de
catastrophe naturelle. Les avantages de telles actions se justifient sur le plan
économique si on les compare au coût de reconstruction.
Ceci nécessitera une coopération internationale à une échelle jusqu’ici sans
précédent, alors que nous nous attaquons à la tâche la plus ardue qui est de faire
de notre planète un lieu plus résilient face aux effets à retardement des émissions
de gaz à effet de serre que nous continuerons à vivre pendant les prochaines
années. La restauration de l’équilibre écologique entre les émissions et la capacité
d’absorption naturelle de la planète est un objectif à long terme. Il est important
de rappeler que la réduction à long terme des émissions est LA tactique de
réduction des risques la plus importante dont nous disposons, et nous devons
parvenir à cette ambition.
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tiendra
à Bonn, en novembre, présidée par la petite île des Fidji, offre une opportunité
non seulement d’accélérer la réduction des émissions, mais aussi de soutenir le
4. travail sérieux consistant à s’assurer que la gestion du risque climatique est
incluse dans la gestion des risques de catastrophes dans son ensemble. La
pauvreté, l’urbanisation rapide, la mauvaise utilisation de terres, la dégradation
des écosystèmes et d’autres facteurs de risques accroissent les impacts du
changement climatique. À l’occasion de la journée internationale de la prévention
des catastrophes, nous demandons que des mesures soient prises à cet égard de
façon holistique.
Achim Steiner est l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le
développement, www.undp.org
Patricia Espinosa est la Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations
Unies sur les Changements climatiques, www.unfccc.int
Robert Glasser est le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction
des risques de catastrophe et le Chef du Bureau des Nations Unies pour la
réduction des risques de catastrophe, www.unisdr.org