« L’Avenir ne se prévoit pas ; il se prépare » Maurice Blondel
Plaidoyer pour un « Cœur écologique marin » menacé
Par Mohamed Lamine SIDIBE Ingénieur en sciences de l'Environnement Directeur Général du Milieu Marin et des Zones Côtières (Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts)
A la fois capitale politique et économique de la Guinée, Conakry est une presqu’île d’environ 308 Km2, s’étendant sur une longueur de près de 47 km, et une largeur variable de 1 à 6 km par endroit. Sur le plan environnemental marin et côtier, on peut souligner de phénomènes notables :
➢ L’occupation abusive du littoral par des immeubles de grande hauteur, notamment au niveau de Corniche nord, modifie l'intensité et la direction du vent marin.
➢ La dégradation massive des superficies forestières, dans et autour de la ville, due à la pression urbaine, et au non-respect du plan d’urbanisme local.
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Mohamed Lamine SIDIBE
Ingénieur en sciences de l'Environnement
Directeur Général du Milieu Marin et des Zones Côtières
(Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts)
Conakry – GUINEE
: (+224) 622 93 66 99
@mail: ml.sidibe@yahoo.fr
Conakry le 25/05/2018
« L’Avenir ne se prévoit pas ; il se prépare » Maurice Blondel
Plaidoyer pour un « Cœur écologique marin » menacé
Contexte général
Un environnement bien géré est créateur de projets, de mieux être et de mieux
vivre. Cependant, l’environnement côtier guinéen, autrefois très florissant, est
aujourd’hui fortement agressé et menacé par l’urbanisation anarchique, qui
modifie constamment la cartographie du paysage.
La Guinée est un pays minier, dont l’essentiel des infrastructures liées au secteur
sont situées sur la zone côtière ; ce qui est à la fois une opportunité de
développement économique, et un enjeu majeur pour la protection de
l’environnement. En effet, les activités d’exploration, d’exploitation, de
transport de minerais constituent des sources de pollution, de dégradation, et
de perturbation du milieu naturel.
A part sur les îles, peu de sites naturels du littoral guinéen, dans la partie
continentale, gardent leur intégrité. Ce qui rend plus urgent la nécessité de
protéger et conserver certains sites présentant un intérêt écologique particulier.
Cas particulier de la ville de Conakry
A la fois capitale politique et économique de la Guinée, Conakry est une
presqu’île d’environ 308 Km2, s’étendant sur une longueur de près de 47 km, et
une largeur variable de 1 à 6 km par endroit.
Sur le plan environnemental marin et côtier, on peut souligner de phénomènes
notables :
➢ L’occupation abusive du littoral par des immeubles de grande
hauteur, notamment au niveau de Corniche nord, modifie l'intensité et
la direction du vent marin.
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➢ La dégradation massive des superficies forestières, dans et
autour de la ville, due à la pression urbaine, et au non-respect du plan
d’urbanisme local.
Autrefois considérée comme la perle de l’Afrique de l’Ouest, la ville connaît
actuellement des pics exceptionnels de chaleur, et une urbanisation galopante
et anarchique, qui a presque fini de grignoter toutes ses forêts urbaines et
périurbaines. De ce fait, il ne reste plus que les forêts de mangrove, qui
entourent et protège la ville contre l'érosion côtière et les inondations.
Des promoteurs immobiliers peu scrupuleux
Le phénomène insidieux, actuellement en vogue en Guinée, est de défricher la
mangrove pour en faire des « champs maraichers », sans la moindre activité
agricole, pour ensuite le reconvertir progressivement en zone d’habitation, hors
de toute procédure réglementaire, et en faisant fi du plan d’urbanisme national.
C’est ainsi que, pour la première fois, des promoteurs immobiliers, peu sensibles
aux enjeux environnementaux, ont réalisé un pont, pour franchir le bras de mer,
qui constituait jusqu’à ce jour une barrière naturelle contre les intrusions et
l’urbanisation.
Un rempart contre les menaces climatiques
C'est bien de planter des arbres, mais il est préférable de préserver le capital
forestier et naturel dont nous avons été dotés. A ce propos, la ville de Conakry
bénéficie de deux zones humides, constituées de forêts de mangrove, qui
l’entourent et la protègent des phénomènes climatiques, tout en la servant de
poumon écologique. En effet, en plus d’avoir un taux exceptionnel d’absorption
du gaz carbonique, cinq à six fois supérieur à celui des forêts classiques, ces
zones sont indispensables à la faune et à la flore marine, et à l'équilibre du
littoral.
Les zones humides ont un rôle multifonctionnel, qui correspond à la fois à une
valeur écologique, biologique, hydrologique, économique, patrimoniale, et
sociale. Pour le cas particulier de la zone de Conakry, où il pleut abondamment
et longuement, cette fonction hydrologique s’exprime par le fait que les zones
humides réduisent les risques d’inondation, comme une éponge, en participant
au stockage et à la restitution progressive de grandes quantités d'eau.
L’air humide qu’elles exhalent refroidit et allège l’atmosphère environnante en
contribuant ainsi à l'atténuation de l'îlot de chaleur urbaine. Mieux, les zones
préservées, non encore profanées par les activités humaines, constituent les
derniers refuges des espèces menacées, rares et en voie de disparition.
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Des outils juridiques qui permettent d’agir
Plusieurs textes et accords juridiques nous permettent d’agir afin de protéger le
patrimoine naturel commun, et de veiller à son équilibre.
➢ Les Conventions internationales
- La convention sur la Diversité Biologique :
L’article 8 sur la conservation in situ, de ladite convention énonce que :
« Chaque partie contractante, dans la mesure du possible, et selon qu’il
conviendra :
a) Etablit un système de zones protégées ou de zones où des mesures
spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique ; ….
c) Réglemente ou gère les ressources biologiques présentant une
importance pour la conservation de la diversité biologique à
l'intérieur comme à l'extérieur des zones protégées afin d'assurer leur
conservation et leur utilisation durable ;
d) Favorise la protection des écosystèmes et des habitats naturels,
ainsi que le maintien de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel;
- La Convention de Ramsar :
L’article 4 de la Convention de Ramsar, à laquelle la Guinée est partie prenante,
stipule que :
« Chaque partie contractante favorise la conservation des zones humides et des
oiseaux d’eaux en créant des réserves naturelles dans les zones
humides, que celles-ci soient ou non inscrites sur la liste, et pourvoit de façon
adéquate à sa surveillance ».
➢ La législation nationale
- Le Code de l’Environnement :
L’article 56 dudit code fait explicitement référence à la nécessité de préservation
et de classement des forêts, y compris des forêts de mangroves :
« Les forêts, en tant que patrimoine national ; doivent être protégées contre
toute forme de dégradation, de pollution ou de destruction causées notamment
par la surexploitation, le surpâturage, les défrichements abusifs, les incendies,
les brûlis, les maladies ou l’introduction d’espèces inadaptées.
Lorsque le maintien de l’équilibre écologique l’exige, toutes portions
de bois ou de forêts, quel que soient leurs propriétaires, peuvent être classés
comme forêts protégées, interdisant par là même tout changement
d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la
qualité des boisements et fixant les conditions d’utilisation de ladite forêt ».
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Les deux Zones humides de Conakry,
véritables poumons écologiques,
menacées de disparation
Intrusion dans la Forêts de
Mangrove de MATOTO
Un véritable « cœur écologique »
avec de nombreux bras de mer,
formant un écosystème exceptionnel
Un « cœur écologique » de 134 Km2
qui bat
au rythme de la nature
Une Zone naturelle vierge ; avec une forêt de
mangrove dense et particulièrement irriguée.
Cette intrusion immobilière est un véritable
cancer pour cet écosystème, et une menace pour
l’environnement marin et côtier de Conakry.
Ex-Forêt de mangrove de Ratoma
(Transformée en champ maraichers, puis
aujourd’hui remblayé au profit de la
construction immobilière)
Forêt de mangrove de Matoto
(134 Km2)
(Préservée à 95%, mais actuellement
menacée par la construction immobilière)
Champs maraichers
Remblayage et
urbanisation
(Quartier Tombolia)
Zone remblayée pouvant être
transformée en Centre de
surveillance environnementale
Champs maraichers
à restaurer
Légende :
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Intrusion de l’urbanisation dans la Forêts
de Mangrove de MATOTO
60 ha de mangrove détruite et remblayée
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Conclusions et sollicitations
Le degré de méconnaissance du rôle écologique de ces milieux, par les
populations et les décideurs publiques, est un facteur aggravant et préoccupant.
En effet, on n’est sensible qu’à ce qu’on appréhende le mieux.
Les actes, que nous posons aujourd’hui, sont ceux qui engagent notre avenir
commun, et celui des générations futures. Une solution rapide et durable de la
préservation de cette zone ne pourrait être trouvée qu’à travers des actions
concertée, coordonnée, et soutenues par les partenaires engagés, que vous êtes,
dans le cadre d’un projet ou programme, international, régional, ou national.
Mohamed lamine SIDIBÉ