1. Vendredi 23 et samedi 24 octobre 2020 Les Echos
LE POINT
DE VUE
de Patrick Groc
Laissezvivrelesport
amateur !
La quinzaine de Roland-Garros
s’estachevéeilyaquelquesjours,
etlacouverturemédiatiqueaété
au rendez-vous.
Peu importe que la crainte du coro-
navirus ait ramené la fréquentation à
1.000 visiteurs par jour au lieu des
20.000attendus.Ladiminutionde10 %
des primes n'empêcha pas les joueuses
et les joueurs de se partager tout de
même les 38 millions d’euros de « prize
money ».
Faut-il considérer qu'en réponse aux
mesures sanitaires, lesportprofession-
nel, toutes disciplines confondues, s’est
inventé un modèle de fonctionnement
d’un genre nouveau, sans spectacle
vivant, sans l’enthousiasme de ses sup-
porters, suffisamment artificiel pour
abandonnertoutpartagesocialavecun
public mélangé d'amoureux du sport,
de pratiquants ou non, et ce, juste pour
répondre aux besoins d’un système
commercial capable finalement de
s’auto-alimenter ?
Pourtant généreux et rassembleur,
doit-on considérer que le sport se
scinde désormais en deux mondes : le
sport spectacle, transmis sur les écrans
et que l'on regarde passivement, et
celui, actif et abordable, que l’on aime
pratiquer régulièrement, proche de
chez soi ou à proximité de son lieu de
travail ?
Je comprends malheureusement
qu'aujourd'hui les amoureux du sport
sontaussidivisésentreceuxquisuivent
lesdirects,lesreplaysetceuxquinepra-
tiquentplusparcequ’ilsseheurtentàla
fermeture de leurs clubs, de leurs ter-
rains. Vont-ils aussi finir comme les
premiers, en attendant peut-être de
reprendre l'entraînement ou de laisser
tomber ?
Oui, les temps sont difficiles, humai-
nementetsocialement,etlesportama-
teur, qui regroupe une majorité d’indi-
vidusmotivés,soucieuxdeleursantéet
enrecherched’unepratiquefinancière-
mentaccessibleetbienfaisante,suscep-
tibledelesdynamiserdansuncontexte
psychologiquement pénible, est parti-
culièrement malmené.
Pourtant, leur pratique sportive
participe à leur bien-être, contribue
fondamentalement à les maintenir en
bonnesantéetamélioreleurrésistance
physique.
Le sport décline des valeurs morales
et il est un vecteur de bonne ou de
meilleuresanté,ilpeutprotégeretréta-
blir.Ildoitdoncpouvoirêtreexercépar
tous ceux qui le souhaitent en cette
période de crise sanitaire, de doutes et
d’inquiétude.
Aussi,lesmesuresprisesàl’égarddes
clubs amateurs sont pour moi difficiles
à comprendre. Elles accusent davan-
tage la double scission malheureuse
entrelesportquel’onregardeetlesport
que l’on pratique et entre les sportifs
eux-mêmes.
Alors, j'aime penser que le sport
spectacle est aussi un moteur et qu'il
doit inspirer le sport amateur. Mais,
pourqu'ilensoitainsi,ilfautqu'ilserap-
proche d'une unicité d'esprit, d'un col-
lectifcommunallantau-delàdel'action
caritative ou des programmes télé.
Le sport spectacle doit être inspiré
autantqu'inspirant,maisilfautparallè-
lement aussi redonner une respiration,
un souffle au sport amateur.
Patrick Groc est maître d'armes,
médaillé olympique d'escrime
au fleuret.
Le maintien
d’événements tels
que Roland-Garros
et la fermeture
concomitante des salles
de sport laisse penser
que l’on favorise le
spectacle au détriment
de la pratique.