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L’individualisation ou
 la personnalisation
   de la formation
    en entreprise?
               Stéphane DIEBOLD
                     Agitateur d’idées

L’individualisation est un des marronniers de la formation. Certains
auteurs font remonter cette histoire à l’antiquité avec, soit les sophistes,
soit la maïeutique de Socrate. C’est toujours un peu étrange de faire
naître une idée à un moment précis, qui n’est au fond elle-même, que
l’aboutissement d’un processus précédant. Faut-il alors remonter à
l’australopithèque ou plus en amont encore, car l’animal apprend aussi
de façon individuelle ? Peu importe les origines de l’individualisation,
la problématique de l’un et du multiple restera au cœur des interroga-
tions formatives. Acceptons sans trop s’interroger la convention qui
pose la naissance de la formation contemporaine à la réforme de 1971.
Et bien, dès cette réforme, l’individualisation avait droit de cité, avec
son avenant de juillet 1978, qui crée le CIF (Congé Individuel de For-
mation). Pour picorer des réformes autour de l’individualisation, il y a,
en 2002, la VAE (Validation des Acquis d’Expériences) qui permet à
chaque individu de faire reconnaître son expérience au regard des di-
plômes. Mais, c’est avec la réforme du 4 mai 2004 et la création du
DIF (Droit Individuel de Formation) que l’individualisation reprend
toute son actualité avec la création d’un droit cumulable bien que non
opposable. Et l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 07 janvier
2009, renforce la portabilité du DIF et se propose d’articuler DIF et
CIF, autour de la sécurisation des parcours professionnels. Acronymes
après acronymes, l’individualisation s’impose comme un niveau de ré-
gularisation de plus en plus pertinent, encore faut-il s’entendre sur les
enjeux organisationnels de ce paradigme. C’est ce que nous envisage-
rons à travers deux modèles différents de déploiements, l’individualisa-
tion et la personnalisation de la formation. Quels sont les différences et
les modes opératoires?



                                1/14
SOMMAIRE

      I.    Quelles sont les nouvelles exigences liées à l’individualisation?                02
                  Les NBIC et la puissance infinie.
                  L’obsolescence accrue des connaissances.
                  La massification de l’individu.

      II.   Comment cibler l’individualisation en entreprise?                                04
                  Le marketing formatif, la stratégie push/pull
                  La construction d’un projet d’individualisation de la formation
                  L’univers de l’immédiateté

      III. Comment produire une formation ciblée?                                            08
                  Le mix formatif
                        La production de formation
                        La communication formative
                        La distribution de formation
                  Les 5 étapes du développement marketing

      IV. Le modèle de personnalisation de la formation                                      11
                  Le service de formation n’est pas la formation
                  Les nouveaux comportements formatifs
                  La nouvelle place de la formation
                  Les 3 modes opératoires de la personnalisation




                            PARTIE 1 :
  Quelles sont les exigences nouvelles liées à l’individualisation ?


Une des premières nouveautés est la règle de l’abondance. Comme le dit Jean-Michel Cornu,
« aujourd’hui, il y a plus de puissance informatique dans une simple carte de vœux musicale
jouant happy birthday que sur l'ensemble de la planète en 1950 ». Depuis 1965, en informa-
tique, la loi de Moore montre que la puissance des systèmes double tous les 18 mois, et s'im-
pose comme un phénomène dominant. La formation est touchée directement par cette virtuali-
sation avec la généralisation de la e-formation dans le processus d'individualisation (pure
player ou en blended learning ) Mais la virtualisation va beaucoup plus loin puisque d'ores et
déjà les avatars formatifs existent, avec des systèmes fermés, ou ouverts, sur le modèle de
«life», et demain, l'avatar laissera la place aux cyborgs qui assureront une nouvelle interface
entre l'homme et la machine avec ce que l'on appelle la réalité augmentée. L'individu peut à
tout moment être accompagné ou formé en fonction des situations qu'il rencontre. Déjà l'intel-
ligence artificielle forte permet de créer des robots qui apprennent et particulièrement de leurs
interactions avec l'homme pour mieux le comprendre et lui apporter ce dont il a besoin avant
même qu'il ait eu besoin de le demander. Le Sobot (Software Robot) avec une personnalité
                                                       2/14
numérique opérationnelle sera sur le marché dès 2050. La puissance de l'individu n'a d'égale
que celle de la machine et de son interface. Nous n'en sommes qu'au début. Joël de Rosnay
parle déjà de l'ère de l'abondance.

Jean Michel Cornu considère que chacun va pouvoir tirer profit d’un nouveau gisement de
potentialités que sont les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cogni-
tions) et on en aurait pour au moins 30 ans de croissances ininterrompues, si on sait s’y pren-
dre. Cette nouvelle approche va permettre de répondre au paradoxe que Jacques Attali avait
soulevé au Comité mondial pour la formation tout au long de la vie, en 2008 : on parle beau-
coup d’innovation pédagogique et pourtant si l’on compare le temps nécessaire pour ap-
                                                               prendre une langue étrangère il
                                                               faut exactement le même nombre
                                                               d’heures qu’il y a 20 ans. Si on
         INDIVIDUALISATION OU                                  compare avec d’autres secteurs
           PERSONNALISASTION,                                  comme la santé, on peut considé-
                                                               rer qu’il y a productivité puisque,
            LE CHOIX DES MOTS                                  chaque année, la durée de vie
                                                               moyenne de chaque individu ne
La terminologie est intéressante pour lever une ambi-          cesse de croître. Il propose donc
guïté. De quoi s’agit-il ? L’individualisation vient éty-      d’ouvrir la porte à une industrie
mologiquement d’indivisible. Tout comme l’étymolo-             nouvelle de l’apprentissage qui
gie de l’atome, il s’agit du plus petit élément indivi-        dégagerait de véritables gains de
sible qui sert de fondement ou de brique élémentaire           productivité grâce aux NBIC.
au système. Ainsi, l’individualisation consiste à orga-        L’industrialisation des apprentis-
niser les individus en vue de produire un collectif.           sages va permettre à l’individu
L’individu est pensé dans son rapport au groupe, cela          d’acquérir une puissance jamais
se traduit par une réification de l’individu. Alors que        égalée.
la personnalisation raisonne à partir du sujet ou de la
personne, au sens étymologique, les masques, c'est-à-          L’innovation accroît et cela se
dire l’être qui se cache derrière plusieurs figures. La        traduit par une accélération de
personnalisation focalise sur l’être qu’il y a derrière        l’obsolescence des connais-
les postures sociales. La personnalisation conduit à           sances. L’institut Manpower
la singularité. Comme on le voit, le choix des mots            avait calculé qu’aujourd’hui la
conduit à un choix de projet formatif.                         connaissance technique, tous sec-
                                                               teurs confondus, doublait tous les
                                                               7 ans. En 2030, le doublement se
                                                               fera…tous les 72 jours. Ces sta-
tistiques renouent avec d’autres de l’UNESCO qui au bout de 10 ans stipulaient 80 % des
compétences initiales étaient devenues obsolètes. Certains organismes de formation se propo-
sent de répondre à la situation, comme ce leader de la e-formation qui proposait de faire face
un « taux d’obsolescence de 3 ans » des savoirs, innovation marketing ? Oui, mais pas seule-
ment, la réalité est là, même s’il y a une dramatisation marketing. Le monde s’accélère et le
savoir-faire aussi. Ce lieu commun a une conséquence importante sur l’organisation de la for-
mation. Traditionnellement si un individu veut être formé il doit en faire la demande à son
(N+1) pour qu’il valide la demande et qu’il la transmette au responsable de formation. Ce der-
nier devra centraliser la formation, lancer un appel d’offre auprès des prestataires et enfin ap-
porter une réponse ad hoc. Dans le meilleur des cas, la connaissance technique a encore dou-
blé. Il est donc nécessaire de réduire le circuit de décisions et la meilleure façon de le réduire
c'est de redonner à l'individu la possibilité de choisir lui-même sa formation. L'auto-

                                                       3/14
prescription formative est une réponse au besoin de réagir rapidement dans un monde erra-
tique.

La difficulté de l’organisation des connaissances est de savoir comment former des individus,
par définition différents, pour créer une démarche collective fédérative. Cela nous ramène à la
notion de masse au sens sociologique du terme c'est-à-dire une agglomération d’individus qui
n’ont comme déterminant commun que d’être ensemble. Comment piloter cette masse d’indi-
vidus ? Pour valoriser ce concept traditionnellement dévalorisé, James Surowiecki a dévelop-
pé la notion de masse intelligente, en prenant l’exemple suivant. En 1906, Francis Galton, en
Grande-Bretagne, lors d’une exposition agricole avait pour la première fois, a son insu, dé-
montré l’existence de foules intelligentes. Il avait demandé à chacun d’évaluer le poids d’un
bœuf. Les spécialistes se sont d’un côté exprimés et de l’autres les badauds, près de 800 per-
sonnes. Les experts n’ont pas réussi à estimer approximativement le poids de la bête alors que
la moyenne arithmétique de l’ensemble des propositions des badauds a trouvé à 1 livre près le
poids exact de l’animal. On pensait que la foule était immature et enfantine, Francis Galton
nous apprend qu’elle est experte. Une masse d’incultes permet de construire une culture d’ex-
pertise. La politique d’individualisation n’a plus besoin de structurer la masse, l’équilibre est
« spontané », ce n’est pas sans nous rappeler Adam Smith. Les individus non enfermés dans
des savoirs suivent mieux les «faibles» de l’environnement. L’individualisation et la massifi-
cation des individus dans un environnement virtuel sans limite et l’obsolescence accrue, né-
cessite de repenser la formation en entreprise pour assurer un pilotage qui répondent aux en-
jeux contemporains.


                               PARTIE 2
                Comment cibler l’individuel en formation ?

C’est tout l’enjeu d’un concept nouveau, le marketing de la formation. Nouveau dans le sens
où il ne fait pas appel aux référentiels de compétences traditionnelles de la formation. Vendre
la formation, a-t-il un sens ? La question est culturellement iconoclaste, car dans le paradigme
dominant, chacun n’aspire qu’à progresser, et la formation est le levier naturel du progrès.
L’appétence formative devant être naturellement donnée et non pas à construire par l’entre-
prise. Or, nombre de responsables de formation se retrouvent dans la situation suivante, après
avoir créé une formation qui répond à un besoin, les stagiaires ne sont pas au rendez-vous. Il
faut les motiver au sens premier, les mettre en œuvre, les faire agir pour qu’ils assistent à la
formation. Pire les enquêtes d’opinions montrent qu’ils sont favorables à la formation et que
« s’ils pouvaient… ». La relation entre les obligations des apprenants et les propositions du
service de formation ne sont pas aussi évidentes qu’il y parait. Comment faire?

Avant de répondre à la problématique, une remarque liminaire s’impose. La politique d’indi-
vidualisation ne peut pas souffrir l’absence de pilotage, il est donc nécessaire de construire un
système d’information et un tableau de bord de l’individualisation. Il s’agit d’ailleurs d’une
obligation légale. Chaque individu est en droit d’exiger la délivrance de son passeport de for-
mation qui reprend l’ensemble de ses expériences formatives. L’industrialisation du passeport
nécessite un système d’informations individuelles satisfaisant. Il est donc nécessaire de créer
un data mining, que l’on qualifie souvent de relation employé ou d’ERM (Employe Rela-
tionship Management). L’individualisation ne peut plus être que relationnelle par opposition à
l’individualisation transactionnelle. Au lieu de s’intéresser aux évènements séquentiels de la
vie professionnelle d’un collaborateur comme l’embauche ou l’évolution de carrière. On relie
                                                       4/14
l’ensemble de ces évènements pour créer une relation cohérente autour d’un parcours indivi-
duel. D’ores et déjà Google fait une forte publicité sur un algorithme qui anticipe les attentes
de ses cadres avant qu’ils y pensent. Cette relation employé devient leur outil pour la politique
de bien-être de l’entreprise. L’individualisation ne retire rien au pilotage centralisé, bien au
contraire. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle la CNIL intervient régulièrement… bien que
ponctuellement.

Qu’il soit relationnel ou transactionnel, le marketing formatif devient un outil pertinent,
mieux un avantage concurrentiel pour ceux qui l’utilisent avant les autres. Le marketing est
dans son acceptation la plus fonctionnelle, la mise en relation entre une offre et une demande.
La notion de marketing pose problème toutefois, car le fait de considérer la formation comme
une marchandise, c’est-à-dire une chose marchande peut choquer certaines cultures qui asso-
cient formation et promotion sociale, dans un acte politique. Sous réserve de cette remarque,
                                                               le marketing est un outil de ré-
                                                               gulation entre l’offre et la de-
                                                               mande.
        FORME OU APPRENANT,
                                                            Laissons de côté les interroga-
         LE CHOIX DES MOTS                                  tions ontologiques, le marketing
                                                            est un outil qui analyse les at-
Les appellations pour rendre compte de l’individu ou
                                                            tentes des apprenants, ou futurs
la personne en formation ne sont pas neutres. Tradi-
                                                            apprenants, les prospects, et per-
tionnellement, on parlait de « formés », et avant en-
                                                            met ainsi de construire une offre
core, d’instruit, aujourd’hui, on parle de moins en
                                                            de formation en relation avec les
moins de «formés» pour lui préférer le terme « l’ap-
                                                            futurs bénéficiaires. La relation
prenant ». Le « formé » est un participe passé qui
                                                            offre/demande positionne l’ana-
rend compte d’un individu passif dans sa formation
                                                            lyse de l’individualisation dans
alors que « l’apprenant, verbe d’action, parle d’un
                                                            une relation interactive push/
individu acteur de sa formation. Avec l’apprenant,
                                                            pull : pousser un produit de for-
chacun est responsable et autonome au sens d’Emma-
                                                            mation et tirer les attentes indi-
nuel Kant. L’apprenant construit sa propre dyna-
                                                            viduelles des apprenants. Un
mique qui conduit au progrès de tous.
                                                            marketing réussi est lorsque la
                                                            rencontre a eu lieu et qu’elle ré-
                                                            pond aux contraintes écono-
                                                            miques de l’entreprise. Regar-
dons de plus prêt ce que cela peut recouvrir comme réalité, commençons par l’analyse de la
demande.

L’analyse de la demande n’est pas neutre. Il s’agit d’apprendre à connaître ses interlocuteurs,
la fameuse étude de marché. Le moment privilégié de cette analyse est l’évaluation annuelle,
et/ou l’entretien de professionnalisation, demain peut-être le bilan d’étape professionnel. Mais
avec la génération zapping, l’interactivité est au mieux faible. C’est la raison pour laquelle
certains proposent toute une batterie de baromètres sociaux de satisfaction avec des tech-
niques de choix aléatoires. D’autres proposent le blog d’entreprise qui permet davantage de
connaître l’état d’esprit à un instant donné. Mais cela suppose que chacun puisse s’exprimer
librement dans les entreprises, là où la dictature du politiquement correct fait souvent loi. La
traçabilité devient une problématique pour l’entreprise avec l’interrogation sur l’alimentation
des bases de données. Qui doit tracer ? L’entreprise ? L’individu ? Ou un mixte ?



                                                       5/14
Revenons aux comportements individualisés : comme le remarquait Robert Putman, pour la
société américaine, la société se désagrège. De la même façon, en France, le même phéno-
mène s’observe, les individus ont des cercles d’amis de plus en plus restreints. Ce constat est
à nuancer, les personnes ont de moins en moins d’amis physiques mais de plus en plus d’amis
virtuels. La relation se virtualise. D’ailleurs même les associations d’individus connaissent ce
phénomène, leur nombre explose grâce à Internet mais les associations se virtualisent. Les
individus n’assistent plus régulièrement à leurs réunions, traditionnellement les deux tiers des
membres y assistaient, aujourd’hui seulement un tiers fait l’effort du contact physique. Les
individus ne se rencontrent plus physiquement. En formation, cela a ouvert les formations à
distance : pourquoi réunir les individus quand on peut avoir des classes virtuelles ? Les neu-
rosciences donnent une explication intéressante autour de la perception de la confiance. Et
pourquoi imposer des moments communs quand chacun peut travailler à son rythme ? L’ob-
jectif de la formation quand je veux et où je veux sera de plus en plus possible grâce aux sup-
ports nomades. La m-formation (mobile formation) s’impose comme segment à part entière et
à terme devrait poser la question du support sous un angle complètement différent. Le poten-
tiel formatif des individus est infini.

Mais plus le potentiel est grand, plus la place du choix est important et dans un monde où la
visibilité est faible, cela pose un problème de taille. Comment l’individu peut-il choisir dans
un monde sans visibilité ? C’est un peu comme si, faute de savoir collectivement, on deman-
dait à l’individu d’assumer le poids de la responsabilité. Il est responsable, donc en cas
d’échec coupable… Il est à rappeler que si la GPEC est obligatoire pour les entreprises de
plus de 150 salariés, cela ne garantie en rien la qualité de l’analyse qui est prévisionnelle et
non prospective et encore moins sur la gestion de ces orientations, qui pour une large part est
devenu un outil de gestion en direction des partenaires sociaux. Bernard Masingue a très tôt
soulevé le problème de l’orientation tout particulièrement dans le cas de démarche indivi-
duelle. Il a proposé une prise en charge par les pouvoirs publics de ce travail d’orientation et
d’information autour de cette problématique, créant ainsi une externalité dans le choix indivi-
duel du collaborateur. Faute de cette prise en compte, Monique Benaily propose la création
d’un DIO (Droit Individuel à l’Orientation), sur le modèle du DIF, qui d’ailleurs conjugué
avec un bilan de compétences permettrait à chaque individu de construire des projets forma-
tifs sans en avoir à supporter l’ensemble du poids individuellement.

Le problème n’est pas tant de motiver les collaborateurs au changement, selon une étude ré-
cente sur les salariés européens, 74 % songent à se reconvertir. Chacun a compris que dans un
environnement incertain il était nécessaire d’aborder le changement. Les trois quart veulent
bien changer mais il n’est pas facile de passer du rêve à la réalité. Il est nécessaire de rappeler
que toujours selon les sondages, 50 % des français ne se projettent pas, dans le sens ne cons-
truisent pas de projet. On ne voit pas très bien pourquoi soudainement, ils devraient le faire
dans le domaine de la formation. D’ailleurs, cette attitude est généralisée avec les jeunes gé-
nérations qui selon Michel Mafesoli, développent une stratégie opportuniste qui est particuliè-
rement efficace en situation de crise. Les salariés d’Arcelor Mital avaient une entreprise qui
gagnait de l’argent, une dynamique forte, une garantie de l’état représentée par son chef, un
engagement de son dirigeant, et pourtant… à quoi sert alors de faire des projets ?

Sur cette lignée, si l’on regarde de plus prêt la réalité des entretiens professionnels, eux qui
devaient être un moment de coproduction individuelle privilégié, s’est révélé au final d’une
platitude saisissante… pour quoi faire ? L’orientation, c’est bien mais encore faut-il construire
l’accompagnement du projet au DIO, il faudrait rajouter un DIA (Droit Individuel à l’Accom-
pagnement). Sortons des acronymes pour dire que l’entreprise doit réfléchir aux modes opéra-

                                                        6/14
toires qui permettraient d’individualiser la formation autour d’une démarche projet, le coa-
ching s’inscrit dans cette démarche avec les mêmes remarques que précédemment. Ce n’est
pas parce qu’on sait où on doit aller qu’on va y aller. C’est tout le problème du passage à
l’acte. Combien de fumeur savent que c’est nuisible, se disent même qu’il faudrait arrêter et
qui pourtant fument toujours ? La construction d’un projet individuel en formation n’est pas
une chose aisée pour un individu. Et il n’y a aucune raison pour que le projet soit la seule voie
d’adaptabilité. On ne peut pas imposer aux individus de se construire une nouvelle forme
d’exigence sans leur donner les moyens de son application. C’est ce qu’Yves Saint Arnaud
appelle le changement assisté, le bilan d’étape pourrait devenir cet outil d’accompagnement
pour la création d’un futur individuel. Or qu’est-ce qu’on observe aujourd’hui ?

L’entreprise, comme la société, est devenue l’univers de l’immédiateté ? Tout ce gère dans
l’immédiateté avec une perte de profondeur et de distance… c’est l’actualité de l’actualité. Il
devient de plus en plus difficile de hiérarchiser ses activités, de dégager ses priorités. La tech-
nologie renforce cette immédiateté. Ainsi, les courriels et les fameuses listes de diffusion, l’on
se retrouve en copie de sujets qui ne nous concernent pas et si on rajoute les SPAM alors la
première activité au bureau est la gestion des mails ; ou encore le sentiment d’urgence, avec
les outils nomades chacun peut en wifi se connecter sur des hot spots pour recevoir et en-
voyer, non seulement ses mails mais aussi ses présentations en temps réel, comme avec le té-
léphone portable, concentré de bureau mobile, l’ordinateur permet d’être joint en tout point
pour traiter tout sujet, alors pourquoi s’organiser, si l’on oublie quelque chose, il suffit de se
connecter. Tout comme il existe le fast-food qui répond au besoin d’immédiateté de la fonc-
tion de nutrition, il est important de penser au fast-training, des formations faciles à digérer,
avec les mêmes débats qu’a connus la cuisine : « mal formation, comme la mal bouffe, ne
remplacera pas la formation », et la même réponse « cela assure quand même de la formation
». Autrement dit la formation ne peut être que polymorphique et c’est dans l’articulation de
ces formes que l’individu pourra trouver le parcours qui lui convient le mieux.

Dans ce cadre là, la courbe en U renversée permet de nous donner un éclairage intéressant.
Les neurosciences nous indiquent que pour optimiser la performance formative, il est néces-
saire d’éviter deux écueils, l’ennui et l’anxiété, dans les deux cas l’apprentissage sera au
mieux de qualités médiocres. L’optimum permet de capter l’attention, c’est pour cela que les
formations développent des contenus de plus en plus ludique, à forte composante de dévelop-
pement personnel dans des univers formatifs qui deviennent des aventures personnelles.
L’innovation pédagogique doit répondre à cette demande et le présentiel prend toute sa di-
mension dans la cadre de l’individualisation, le collectif est le meilleur moyen de motiver et
de créer un événement affectif, une cristallisation diraient les ethnologues, qui fonde l’action.
Et l’individualisation de la formation ne sera qu’un produit dérivé de ce moment de cristalli-
sation. C’est en cela que l’on peut comprendre la remarque d’Edgar Morin quand il appelait
de ses vœux le fait que la formation sorte du tout rationnel pour développer une complémen-
tarité affective, une formation humaine en quelque sorte. Comme disait la chanson, « qu’on
me donne l’envie, l’envie d’avoir envie ». Et c’est du rôle de l’organisation de la formation
individuelle que de penser la motivation, cœur de la réussite de tout projet formatif indivi-
duel.

Si l’étude de marché de la formation est importante, elle permet surtout de proposer un mix
formatif qui correspond au mieux aux attentes de l’individu. Le mix formatif composé d’un
produit, d’une communication et d’une distribution. Comme dans toute définition de mix mar-
keting, l’ensemble des signaux doivent être cohérents sinon l’individu, in fine, n’adhèrera pas
au mix. Faute d’adhésion individuel, il reste toujours la décision d’autorité, mais là encore

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l’efficacité ne sera pas au rendez-vous dans le sens où l’effort pour imposer s’inscrit mal dans
un monde où tout bouge y compris les règles. L’autoritarisme sera classé dans les outils d’un
autre âge, c’est ce qu’Alain Renault appelle la fin de l’autorité, conçu comme la fin de l’auto-
ritarisme et le début de l’autorité coproduite, un nouveau mode de régulation à construire.


                              PARTIE 3
                 Comment produire de la formation ciblée ?

La réponse passe par la création d’un produit au sens élargi pour reprendre Théodore Levitt
ou d’un mix qui présente une cohérence de l’ensemble des signaux des éléments qui la com-
posent.

Le produit. Il doit être attractif, c’est tout l’enjeu des formations spectaculaires. L’usage des
pédagogies décalées par rapport à la norme (et qui deviennent, de plus en plus, la norme)
comme le théâtre, l’improvisation, l’opéra, le chant, le dessin, … montre que tout est bon pour
apprendre. Il est interdit d’ennuyer l’apprenant. Mais encore faut-il ne pas confondre spec-
tacle et pédagogie. S’il s’agit de faire impression, pourquoi ne pas f      aire venir un Yannick
Noah ou un Zinedine Zidane, les personnalités préférées des Français ? L’impact sera assuré,
même avec un propos fade. La mémorisation forte, tout le monde se rappellera de la forma-
tion comme « la formation Zidane » et s’il s’agit de cohésion d’équipe avec le fait de partager
une expérience commune, comment faire mieux, même les dirigeants retrouvent leur âme de
midinette ? Mais si on parle d’apprentissage… Donner du poisson à quelqu’un qui a faim n’a
pas le même sens que de lui apprendre à pêcher. Les organisateurs de formation doivent réin-
vestir le champ pédagogique pour réaliser un produit impactant, il est nécessaire de travailler
le contenu de la formation ainsi que les modes d’apprentissages. Par exemple, une formation
vente nécessite de s’interroger sur le contenu, quelle relation client l’entreprise développe et
anticipe ? Et le multicanal ? Si la prospection se fait dans le hard en appel sortant, comment
articuler mail, site, phoning ? Et pour le phoning, il y a l’argumentaire prédéfini… autant de
questions essentielles en amont de la création. Mais aussi sur les modes d’apprentissages. Si
l’on reste sur le phoning, la qualité vocale est importante, alors pourquoi pas la chorale pour
apprendre à poser sa voix et ainsi gagner en assertivité ou encore la sophrologie ou la médita-
tion pour poser son souffle ? Tout est bon. Le tout, c’est d’associer l’aventure personnelle et
l’efficacité pédagogique. Sortir de l’ennui sans jamais entrer dans l’anxiété. Le créateur de
formation devient un créatif de formation.

La communication. Pour reprendre la notion de cohésion, le premier argument est le produit :
apprendre à chanter pour mieux vendre, deux bonnes raisons d’adhérer à la formation, deux
produits en un, dirait un communiquant, et ainsi, développer l’appétence. Dans un monde lu-
dens, le ludique est une clé d'entrée, mais aussi une compétence transversale sur l'apprendre à
apprendre. Un produit ne communique qu'à travers son plan de communication. Prenons
l'exemple des catalogues, « développer son assertivité en situation professionnelle » est un
titre à destination des seuls organisateurs de formation, alors que « en autorité en moins de
deux minutes » s'adresse à ceux qui veulent résoudre un problème rapidement, même si le
contenu de la formation est le même, tout est une question de savoir mettre en commun. Il
s'agit de passer de la réclame plus ou moins efficace à la publicité de la formation. Tout est à
construire. Aujourd'hui, par exemple, le pair à pair ou la communication virale est particuliè-
rement impactante. Le catalogue peut proposer des photos de stagiaires, qui ont vécus le stage
ou le pilote avec leurs identifiants : noms, fonctions, lieus, et de présenter leurs avis sortis de
                                                        8/14
formation. L'impact est fort ; « lui l'a fait ». Le passage à l'acte est plus facile. La communica-
tion doit aussi s'inscrire dans la culture de l'entreprise.

La distribution de la formation. Les enquêtes montrent que 61 % des informations sur la for-
mation sont données par le (N + 1), et 20 % par le catalogue (physique ou virtuel) et souvent
avec cette dernière information, le collaborateur se retourne vers le (N + 1). Autrement dit, 81
% de l’information formative passe par le management de proximité. Le manager de proximi-
té doit être l’allier de la formation pour que le produit formatif soit distribué efficacement et
suscite l’adhésion individuelle. Or le manager de proximité est déjà fortement sollicité pour
être le relais opérationnel de la qualité, des RH, de la finance, de la vente, de la motivation, et
on ne sait quoi encore. La concurrence est rude. La formation se doit de construire et d’animer
les relais formatifs, et la meilleure solution n’est pas de leur imposer une contrainte supplé-
mentaire mais de leur apporter des solutions à leur problème. Le responsable de formation
doit être à l’écoute et accompagner le manager dans une posture de coach ou de consultant,
savoir construire un réseau, au sens premier du terme, un filet d’entraide favorise la réciproci-
té. D’ailleurs, cette ligne hiérarchique est aussi un espace de détection des difficultés indivi-
duelles, si elle accepte de veiller, le responsable de formation a davantage de visibilité pour
hiérarchiser les priorités de chacun au vue de l’intérêt de l’entreprise. Mais rien n’est sponta-
née, tout est à construire.

L’ensemble de cette démarche push / pull est dynamique. Pour capter l’individu, il faut non
seulement lui proposer un mix qui réponde ou qui suscite ses attentes mais encore multiplier
l’actualité de la formation, sinon, l’individu se lasse, l’immédiateté de la formation. Il s’agit
de développer un plan approprié à la culture de l’entreprise, un plan d’événementiels. A trop
en faire on lasse, à en faire trop peu on se fait oublier. Le spectaculaire est un nouveau mode
de communication qui prend ses quartiers en entreprise.

Concrètement, comment faire ? Quels sont les étapes de l’individualisation de la formation?
Tout d’abord, il existe autant de procédures qu’il existe d’entreprise. Les entreprises ne sont
pas monolithiques même si parfois, on le dit, il s’agit surtout d’une posture pédagogique. Cela
ne nous empêche pas de dégager quelques pistes d’action génériques.

1.    Impliquer la direction
L’individualisation de la formation est un projet qui implique toute l’entreprise, l’implication
des plus hautes instances est un signal fort donné à l’ensemble des collaborateurs sur l’impor-
tance que l’entreprise lui accorde.
Encore faut-il s’avoir parler dans un CODIR (comité de direction). Un directeur comme son
nom l’indique définit la direction à suivre, il réfléchit en termes d’objectifs et de moyens ad
hoc. Prenons un exemple, un responsable de formation qui propose de développer une forma-
tion dans un site de balnéothérapie aurait peu de chance d’être entendu dans un CODIR,
« L’entreprise n’est pas faite pour se détendre, mais pour travailler ». C’est une question de
présentation, « de nouvelles techniques de management qui assurent une plus grande acquisi-
tion des compétences en moins de temps », semble plus acceptable. Nous parlions du théâtre,
la brochure d’un organisme proposait d’apprendre deux fois plus de choses dans le même
temps. Le pilote est souvent un moyen de calculer l’impact et de construire un argumentaire
adapté, le langage de la stratégie. Il est important de ne pas confondre les objectifs et les
moyens en œuvre. C’est toute la différence entre un directeur et un exécutant.
Toutefois, sans cette implication le déploiement peut demeurer à condition d’utiliser des tech-
niques de développement de projet sans autorité hiérarchique, c’est simplement plus long.
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2. Favoriser la concourance
Christophe Midler avait montré l’intérêt de cette démarche, impliquer au plus tôt les per-
sonnes qui devront concourir au déploiement du projet. Ainsi, les relais formations doivent
être particulièrement impliqués dans la démarche mais pas seulement, la communauté forma-
tive (animateurs, pédagogues et organisateurs) doit aussi être mobilisée pour quelle devienne
le fer de lance du projet, un commando formatif.
Plus le spectacle est cohérent dans les signaux qu’il diffuse, plus l’impact sera fort. Quel im-
pact aurait un formateur qui à contre courant critiquerait le projet ? Le buzz serait divergeant,
on entrerait dans le débat, ce qui mettrait à plat toute tentative de teasing. Le spectacle devien-
                                                                  drait la critique du projet et non
                                                                  le projet lui-même.

  L’ESCALADE DE LA FORMATION                                     3. Développer          le    plan
         ( IVAN ILLICH )                                         marketing
Apprendre ne signifie pas s’élever, vers quoi d’ail-          Le plan marketing doit prendre
leurs ? Mais d’accepter la véritable autonomie de la          en compte son déploiement avec
personne. Les neurosciences nous apprennent qu’ap-            l’analyse de risques et des forces
prendre est vital pour l’homme, tout comme se nour-           du projet, et la scénarisation en
rir. Sans apprentissage l’homme se meurt. Il ne vien-         cas de plan B. L’axe principal
drait à personne l’idée, sous réserve des comporte-           est de conserver une cohérence
ments de régime, de planifier rationnellement la              entre les différentes compo-
nourriture pour manger plus, et pourtant, c’est ce que        santes du mix et le temps néces-
l’on fait avec la formation. Il faut apprendre toujours       saires au déploiement. A annon-
plus et l’apprentissage est qualifiée ou au moins cali-       cer trop tôt un projet, on risque
brée. Pourquoi ne pas libérer l’homme des trajec-             de lasser, même si le teasing,
toires formatives prédéterminées qui détruisent la            technique qui consiste à tenir en
spontanéité du plaisir d’apprendre ? C’est une ques-          haleine est un atout important.
tion décalée qui ouvre des perspectives originales.           Le projet dans la durée sera ainsi
                                                              toujours dans l’immédiateté, qui
                                                              est de plus en plus le temps de
                                                              l’entreprise; et à l’annoncer trop
tard, la «risque de ne pas prendre», faute de temps pour le buzz.

4. Développer le pilote du projet
Il s’agit du test formatif mais qu’on ne s’y trompe pas l’objet n’est pas tant de faire un test
que de créer son premier événement de déploiement. Il ne s’agit pas de prendre les personnes
les plus complexe de l’entreprise, qui seraient efficace en situation de test, mais de prendre les
« d’opinions », les mêmes d’ailleurs qui ont dû participer à la concourance de l’étape 2.
C’est un outil d’argumentaires. D’abord en direction des collègues, faire savoir qu’ils ont ap-
précié, comme nous l’avons vu en communication mais aussi de créer un phénomène de rare-
té. Une grande entreprise d’énergie, avait créé une école interne transversale, spontanément
personne n’était prêt à adhérer. Ils ont prévenu tout le monde de ne pas venir, car le nombre
de place était limité et qu’un petit nombre avait déjà validé leur présence. La réaction ne s’est

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pas faite attendre, chacun a fait jouer ses relations pour avoir la possibilité d’y assister… la
rareté ajoutée à une concurrence, a fait la différence.

5. L'industrialisation du pilote.
L’individualisation et sa stratégie push / pull reste toutefois très classique dans une stratégie
descendante d’organisation de la formation. Suivant la culture de l’entreprise, il peut exister
une autre forme d’individualisation qui peut ouvrir voie à la singularité et donc à la personna-
lisation.


                               PARTIE 4
              Le modèle de personnalisation de la formation.

A la manière d’Ivan Illich, on peut s’interroger sur l’intérêt que peut avoir une entreprise à se
passer de l’institution formative, pour en finir avec l’encadrement de la formation, en dehors
des obligations légales. La formation n’est pas liée à l’entreprise, déjà selon Jean-Marie Lus-
tringer, il existe environ un million de personnes, en France, qui en dehors de toute structure
se financent leur propre formation et leur nombre est en croissance.

Il ne faut pas confondre l’institution de la formation et la formation elle-même. Le service for-
mation n’est pas la formation. Il y a besoin de recréer des institutions ou services avec des in-
teractions personnelles nouvelles, construire la déformation. La déformation est profitable à la
formation en réinterrogeant sa raison d’être et donc sa contribution au développement de l’en-
treprise. Ecartons d’ores et déjà les remarques du style : «faut s’occuper des apprenants», car
on peut répondre que la formation n’est pas une résidence surveillée par les formateurs ou le
service de formation. Et qu’il ne s’agit pas de créer des détenus ou des robots apprenants.

Quelle forme la personnalisation peut-elle prendre?

Les nouvelles technologies peuvent nous aider dans cette démarche. Le modèle de Google est
intéressant : avec son algorithme, il sélectionne, trie et organise les données et chacun à son
rythme tisse sa toile (« a web ») pour constituer un réseau social sans domination extérieure,
chacun s’informe et se forme. De nouveaux comportements apprenants ont émergé par
exemple, la « sérendipité » (néologisme anglais qui signifie « découvertes inattendues »), l’art
de trouver quelque chose au détour d’une autre recherche, l’apprentissage est opportuniste,
plus besoin de projets… ou encore le « sample » (l’échantillonnage en bon français), qui con-
siste à prendre un morceau de ce que les autres ont écrits et d’y ajouter sa patte. De nouveaux
comportements qui s’inscrivent dans la démarche de la fast formation, facilement digérable
mais aussi en y ajoutant le facilement propageable afin de faciliter la réplication. L’informa-
tion circule et si l’on facilite cette circulation on développe une formation virale autoproduite.
On sort ainsi du cadre de l’autoformation où l’apprenant suit une formation qui a été préparée
par quelqu’un d’autre, mais là, l’apprenant devient formateur pour apprendre.

Une question se pose alors, si tout le monde devient formateur, que deviennent les formateurs
traditionnels, est-ce la fin de l’institution formative ou une simple évolution de la fonction Si
tout le monde a le même statut, cela ne signifie nullement un nivellement, il existe une réelle
hiérarchisation. Il existe une posture intéressante, l’expert de réseau. Il fédère autour de son

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expertise dans une démarche interactive. Il suscite le buzz (ce mot vient du bourdonnement
que fait l’abeille dans la ruche, on parle aussi de rumeurs ou d’humeurs), à condition de savoir
communiquer du savoir. L’expert doit partager son expertise, et c’est le partage et l’interacti-
vité qui fait le buzz, et donc l’expert. Un expert classique qui sait mais qui ne partage pas, ne
serait donc pas un expert de réseau. Comment faire du buzz ? Tout dépend de la culture de
l’entreprise mais pour sortir du lot, il existe quelques règles : aborder les sujets tabous en sor-
tant du politiquement correct, parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure, aborder des sujets
du quotidien, aborder les sujets avec humour,… c’est ce qui circule le mieux.

                                                              La communication est le cœur
                                                              du système. Prenons un exemple
                                                              connu, après les attentats du
       LES DIFFERENTS TYPES DE                                World Trade Center, la théorie
                                                              du complot s’est développer sur
             REGULATION PRIVE                                 le Net, pourquoi ? Parce que
                A LA MANIÈRE DE                               l’information est un jaillisse-
               FABRIZIO CAFAGGI                               ment, qu’elle n’est pas contrô-
                                                              lable, et qu’elle circule. La ques-
                                                              tion du complot est parfaitement
 1. L'autorégulation
                                                              légitime en une telle situation
 Lorsqu'il y a parfaite correspondance entre les régu-
                                                              mais l’absence de réponse des
 lateurs, l'appreneur et les régulés, les apprenants.
                                                              autorités, et des experts du ré-
                                                              seau, a permis à la rumeur de
 2. La régulation privée participative                        s’imposer comme une vérité ca-
 Lorsque les parties prenantes participent différem-          chée… « tout le monde le dit…
 ment au processus de régulation.                             ». La participation est donc un
                                                              pré requis. L’expertise n’a de
 3. La régulation privée déléguée                             valeur que si elle est partagée. Et
 Lorsque l'appreneur délègue son pouvoir de régula-           le formateur expert retrouve sa
 tion.                                                        légitimité comme modérateur et
                                                              contre-point de vue grâce à sa
 4. La corégulation                                           production partagée. L’exemple
 Lorsque les régulateurs appreneurs participent en-           de Wikipédia est significatif,
 semble au processus de régulation.                           chacun peut apporter librement
                                                              sa contribution et au final, les
                                                              tests montrent qu’elle est aussi
                                                              fiable que les encyclopédies tra-
ditionnelles et en plus elle est en temps réel… La personnalisation sans contrainte permet de
construire un collectif au moins égal aux processus traditionnels.

Dans un autre cadre, Pierre Landry, Président de l’AGRAF (Association du Groupe de Re-
cherche sur l’Auto-Formation) propose de conceptualiser le phénomène autour de la notion
d’autodaxie, c’est-à-dire une auto-formation qui se positionne hors de toute institution. Il
complète la définition par ses quatre composantes : cognitive, éducative, sociale, et expérien-
tielle. L’autodidacte exploite ses marges de manœuvre au profit de son développement per-
sonnel et le réseau, cela ouvre des potentialités énormes.

Mais lesquelles pour l’entreprise ? James Surowiecki a montré que les foules étaient intelli-
gentes mais pas pour tout. Elles sont intelligentes pour les problèmes de cognition (définir un
problème, une solution, définir une information) et de coordination (quand il faut agir en
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fonction des autres). Mais l’intelligence ne s’applique pas dans la coopération. L’intermédia-
tion est indispensable pour que le système fonctionne et les outils de régulation privée exis-
tent, comme l’illustre le travail de Fabrizio Cafaggi. Le formateur est tout à fait légitime
pour assumer cette fonction de coopération. Une nouvelle perspective à la fonction de for-
mation, facilitateur d’intelligence collective.


Quels sont les modes opératoires de la personnalisation de la formation ?

1. Créer l'accès aux ressources existantes
Cette étape n’est pas si aisée que cela, il ne s’agit pas de créer des bases de données sur
l’intranet en laissant au salarié la problématique du passage à l’acte. Suivant les études, il
existe entre 8 et 10 millions de technopathes en France, comment faire pour qu’ils aient ac-
cès à la numérisation (c’est sans aborder le problème de l’illettrisme ou l’analphabétisation).
Il est à rappeler que selon Jérémy Rikfin, l’accès sera la problématique majeure des années à
venir, et de construire les coûts à l’entrée les plus faibles pour favoriser la coproduction.
Un fois la problématique de l’accès résolue par l’entreprise, il reste le travail de décryptage
de l’information. Cela peut prendre plusieurs formes, soit autour du fait de cerner le sujet
(savoir ce que l’on sait déjà, ce que l’on aimerait savoir, définir un plan de travail, identifier
les informations dont on a besoin, …), soit rechercher l’information pertinente (savoir identi-
fier les sources d’information, les sélectionner, les synthétiser, …) et soit traiter l’informa-
tion. Construire une cohérence dans l’ensemble des informations pour favoriser le quand je
veux et où je veux.

2. Créer des espaces de partage
Il s’agit pour l’entreprise de créer ces lieux d’échange réel ou virtuel, avec l’interrogation sur
la confiance, et l’apprentissage de la confiance. Une fois la confiance acquise, le collabora-
teur peut se transformer en formateur de réseau, qu’est-ce qui pousse une personne à être
producteur ? Si l’on suit la Dominique Caron, le producteur de contenu le fait pour profiter
de la publicité lié à l’échange, et cela recouvre deux réalités, la première est que le produc-
teur va profiter du plaisir de l’échange, avec par exemple, le plaisir de se confronter à ses
pairs, et la seconde le fait de se construire une réputation, on parle déjà de e-réputation, et de
la préserver… La notion de réputation est importante et versatile. Un jour ont est star, et le
lendemain, on est rien… Avec Wikipedia, on peut trouver un modèle transposable, le fait
que les administrateurs du réseau, les modérateurs, sont élus par les autres usagers sur la
base de leur production. Les membres experts sont élus par leurs pairs. Dans ce cadre, le for-
mateur pour être élus par la base sur son activité et sa production… un modèle de formateurs
tournants. Le partage transforme le consommateur de formation en producteur. C’est l’es-
pace essentiel à la régulation. Et autre bonne nouvelle… gratuitement. En effet, les expé-
riences de pécunarisation ne sont pas des succès car la monétarisation change la réputation
de l’expert du réseau. Cela remet en selle des comportements comme le don ou la gratuité
autour de la formation.

3. Donner l'envie
Sans entrer dans les théories particulièrement riches de la motivation. On peut parler d’ani-
mation, au sens étymologique, comme le disait Aristophane, « c’est allumer un feu ». La

                                                       13/14
confrontation favorise les apprentissages. C’est la rencontre qui permet les transmissions, et
donne l’envie comme l’a montré, Emmanuel Levinas ou Jürgen Habermas, dans des philoso-
phies différentes. Tout formateur, apprenant dans l’échange, administrateur ou expert de ré-
seau, suivant les moments. Mais pas seulement, le formateur reconnu a aussi un rôle d’agita-
teur de compétences avec le mimétisme qui ne nécessite pas de domination, mais suscite
l’envie de l’imiter dans une démarche similaire au monde de la mode. Il devient un créatif de
la formation et l’apprenant une Fashion victime de l’apprendre.

Une nouvelle façon de penser le rapport de la personne au savoir, avec un cadre épistémolo-
gique celui de Paul Feyeraband… Tout reste à construire.


                                     CONCLUSION

On peut rejoindre Carl Rogers quand il dit que « l’individu formé, c’est celui qui a appris
comment apprendre, comment s’adapter, comment changer, c’est celui qui a saisi qu’aucune
connaissance n’est certaine et que seule la capacité d’acquérir des connaissances peut con-
duire à une sécurité fondée ». Et Gaston Bachelard d’ajouter « n’est pas acquérir une culture
mais changer de culture », tout un programme dans un monde qui change si rapidement de
culture. La personnalisation, comme l’individualisation, nous oblige à penser un nouveau
modèle, et cette construction est artisanal: une vraie créativité pour les formations créatrices
de performances.


                                                                        Sèvres, le 20 juin 2009
                                     Paru dans le Guide pratique de la formation, ESF Editions



                                        TEMNA, Directeur
                                      GARF, Vice-président
                                     GARF Lab., responsable
                                      ETDF, Vice-président
                                       Art in Fine, Président

                                              Vos réactions
                                       www.learnpositive.fr
                        Facebook : Stephane Diebold Temna
                               Viadéo : Stéphane Diebold
                               Linkedin : Stephane Diebold
                              Courriel : sdiebold@temna.fr
                                Contact : +33 6 11 81 55 35

                       Docteur en économie, il a débuté son parcours professionnel par la direction
                       d’écoles de commerce puis la direction de la formation en entreprise, aujourd’hui
                       spécialiste de l’innovation formative, agitateur d’idées avec une présence sur les
                       hot spots de la formation : conférencier, chroniqueur, auteur,...



                                                          14/14

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L’individualisation ou la personnalisation de la formation en entreprise ?

  • 1. L’individualisation ou la personnalisation de la formation en entreprise? Stéphane DIEBOLD Agitateur d’idées L’individualisation est un des marronniers de la formation. Certains auteurs font remonter cette histoire à l’antiquité avec, soit les sophistes, soit la maïeutique de Socrate. C’est toujours un peu étrange de faire naître une idée à un moment précis, qui n’est au fond elle-même, que l’aboutissement d’un processus précédant. Faut-il alors remonter à l’australopithèque ou plus en amont encore, car l’animal apprend aussi de façon individuelle ? Peu importe les origines de l’individualisation, la problématique de l’un et du multiple restera au cœur des interroga- tions formatives. Acceptons sans trop s’interroger la convention qui pose la naissance de la formation contemporaine à la réforme de 1971. Et bien, dès cette réforme, l’individualisation avait droit de cité, avec son avenant de juillet 1978, qui crée le CIF (Congé Individuel de For- mation). Pour picorer des réformes autour de l’individualisation, il y a, en 2002, la VAE (Validation des Acquis d’Expériences) qui permet à chaque individu de faire reconnaître son expérience au regard des di- plômes. Mais, c’est avec la réforme du 4 mai 2004 et la création du DIF (Droit Individuel de Formation) que l’individualisation reprend toute son actualité avec la création d’un droit cumulable bien que non opposable. Et l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 07 janvier 2009, renforce la portabilité du DIF et se propose d’articuler DIF et CIF, autour de la sécurisation des parcours professionnels. Acronymes après acronymes, l’individualisation s’impose comme un niveau de ré- gularisation de plus en plus pertinent, encore faut-il s’entendre sur les enjeux organisationnels de ce paradigme. C’est ce que nous envisage- rons à travers deux modèles différents de déploiements, l’individualisa- tion et la personnalisation de la formation. Quels sont les différences et les modes opératoires? 1/14
  • 2. SOMMAIRE I. Quelles sont les nouvelles exigences liées à l’individualisation? 02 Les NBIC et la puissance infinie. L’obsolescence accrue des connaissances. La massification de l’individu. II. Comment cibler l’individualisation en entreprise? 04 Le marketing formatif, la stratégie push/pull La construction d’un projet d’individualisation de la formation L’univers de l’immédiateté III. Comment produire une formation ciblée? 08 Le mix formatif La production de formation La communication formative La distribution de formation Les 5 étapes du développement marketing IV. Le modèle de personnalisation de la formation 11 Le service de formation n’est pas la formation Les nouveaux comportements formatifs La nouvelle place de la formation Les 3 modes opératoires de la personnalisation PARTIE 1 : Quelles sont les exigences nouvelles liées à l’individualisation ? Une des premières nouveautés est la règle de l’abondance. Comme le dit Jean-Michel Cornu, « aujourd’hui, il y a plus de puissance informatique dans une simple carte de vœux musicale jouant happy birthday que sur l'ensemble de la planète en 1950 ». Depuis 1965, en informa- tique, la loi de Moore montre que la puissance des systèmes double tous les 18 mois, et s'im- pose comme un phénomène dominant. La formation est touchée directement par cette virtuali- sation avec la généralisation de la e-formation dans le processus d'individualisation (pure player ou en blended learning ) Mais la virtualisation va beaucoup plus loin puisque d'ores et déjà les avatars formatifs existent, avec des systèmes fermés, ou ouverts, sur le modèle de «life», et demain, l'avatar laissera la place aux cyborgs qui assureront une nouvelle interface entre l'homme et la machine avec ce que l'on appelle la réalité augmentée. L'individu peut à tout moment être accompagné ou formé en fonction des situations qu'il rencontre. Déjà l'intel- ligence artificielle forte permet de créer des robots qui apprennent et particulièrement de leurs interactions avec l'homme pour mieux le comprendre et lui apporter ce dont il a besoin avant même qu'il ait eu besoin de le demander. Le Sobot (Software Robot) avec une personnalité 2/14
  • 3. numérique opérationnelle sera sur le marché dès 2050. La puissance de l'individu n'a d'égale que celle de la machine et de son interface. Nous n'en sommes qu'au début. Joël de Rosnay parle déjà de l'ère de l'abondance. Jean Michel Cornu considère que chacun va pouvoir tirer profit d’un nouveau gisement de potentialités que sont les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cogni- tions) et on en aurait pour au moins 30 ans de croissances ininterrompues, si on sait s’y pren- dre. Cette nouvelle approche va permettre de répondre au paradoxe que Jacques Attali avait soulevé au Comité mondial pour la formation tout au long de la vie, en 2008 : on parle beau- coup d’innovation pédagogique et pourtant si l’on compare le temps nécessaire pour ap- prendre une langue étrangère il faut exactement le même nombre d’heures qu’il y a 20 ans. Si on INDIVIDUALISATION OU compare avec d’autres secteurs PERSONNALISASTION, comme la santé, on peut considé- rer qu’il y a productivité puisque, LE CHOIX DES MOTS chaque année, la durée de vie moyenne de chaque individu ne La terminologie est intéressante pour lever une ambi- cesse de croître. Il propose donc guïté. De quoi s’agit-il ? L’individualisation vient éty- d’ouvrir la porte à une industrie mologiquement d’indivisible. Tout comme l’étymolo- nouvelle de l’apprentissage qui gie de l’atome, il s’agit du plus petit élément indivi- dégagerait de véritables gains de sible qui sert de fondement ou de brique élémentaire productivité grâce aux NBIC. au système. Ainsi, l’individualisation consiste à orga- L’industrialisation des apprentis- niser les individus en vue de produire un collectif. sages va permettre à l’individu L’individu est pensé dans son rapport au groupe, cela d’acquérir une puissance jamais se traduit par une réification de l’individu. Alors que égalée. la personnalisation raisonne à partir du sujet ou de la personne, au sens étymologique, les masques, c'est-à- L’innovation accroît et cela se dire l’être qui se cache derrière plusieurs figures. La traduit par une accélération de personnalisation focalise sur l’être qu’il y a derrière l’obsolescence des connais- les postures sociales. La personnalisation conduit à sances. L’institut Manpower la singularité. Comme on le voit, le choix des mots avait calculé qu’aujourd’hui la conduit à un choix de projet formatif. connaissance technique, tous sec- teurs confondus, doublait tous les 7 ans. En 2030, le doublement se fera…tous les 72 jours. Ces sta- tistiques renouent avec d’autres de l’UNESCO qui au bout de 10 ans stipulaient 80 % des compétences initiales étaient devenues obsolètes. Certains organismes de formation se propo- sent de répondre à la situation, comme ce leader de la e-formation qui proposait de faire face un « taux d’obsolescence de 3 ans » des savoirs, innovation marketing ? Oui, mais pas seule- ment, la réalité est là, même s’il y a une dramatisation marketing. Le monde s’accélère et le savoir-faire aussi. Ce lieu commun a une conséquence importante sur l’organisation de la for- mation. Traditionnellement si un individu veut être formé il doit en faire la demande à son (N+1) pour qu’il valide la demande et qu’il la transmette au responsable de formation. Ce der- nier devra centraliser la formation, lancer un appel d’offre auprès des prestataires et enfin ap- porter une réponse ad hoc. Dans le meilleur des cas, la connaissance technique a encore dou- blé. Il est donc nécessaire de réduire le circuit de décisions et la meilleure façon de le réduire c'est de redonner à l'individu la possibilité de choisir lui-même sa formation. L'auto- 3/14
  • 4. prescription formative est une réponse au besoin de réagir rapidement dans un monde erra- tique. La difficulté de l’organisation des connaissances est de savoir comment former des individus, par définition différents, pour créer une démarche collective fédérative. Cela nous ramène à la notion de masse au sens sociologique du terme c'est-à-dire une agglomération d’individus qui n’ont comme déterminant commun que d’être ensemble. Comment piloter cette masse d’indi- vidus ? Pour valoriser ce concept traditionnellement dévalorisé, James Surowiecki a dévelop- pé la notion de masse intelligente, en prenant l’exemple suivant. En 1906, Francis Galton, en Grande-Bretagne, lors d’une exposition agricole avait pour la première fois, a son insu, dé- montré l’existence de foules intelligentes. Il avait demandé à chacun d’évaluer le poids d’un bœuf. Les spécialistes se sont d’un côté exprimés et de l’autres les badauds, près de 800 per- sonnes. Les experts n’ont pas réussi à estimer approximativement le poids de la bête alors que la moyenne arithmétique de l’ensemble des propositions des badauds a trouvé à 1 livre près le poids exact de l’animal. On pensait que la foule était immature et enfantine, Francis Galton nous apprend qu’elle est experte. Une masse d’incultes permet de construire une culture d’ex- pertise. La politique d’individualisation n’a plus besoin de structurer la masse, l’équilibre est « spontané », ce n’est pas sans nous rappeler Adam Smith. Les individus non enfermés dans des savoirs suivent mieux les «faibles» de l’environnement. L’individualisation et la massifi- cation des individus dans un environnement virtuel sans limite et l’obsolescence accrue, né- cessite de repenser la formation en entreprise pour assurer un pilotage qui répondent aux en- jeux contemporains. PARTIE 2 Comment cibler l’individuel en formation ? C’est tout l’enjeu d’un concept nouveau, le marketing de la formation. Nouveau dans le sens où il ne fait pas appel aux référentiels de compétences traditionnelles de la formation. Vendre la formation, a-t-il un sens ? La question est culturellement iconoclaste, car dans le paradigme dominant, chacun n’aspire qu’à progresser, et la formation est le levier naturel du progrès. L’appétence formative devant être naturellement donnée et non pas à construire par l’entre- prise. Or, nombre de responsables de formation se retrouvent dans la situation suivante, après avoir créé une formation qui répond à un besoin, les stagiaires ne sont pas au rendez-vous. Il faut les motiver au sens premier, les mettre en œuvre, les faire agir pour qu’ils assistent à la formation. Pire les enquêtes d’opinions montrent qu’ils sont favorables à la formation et que « s’ils pouvaient… ». La relation entre les obligations des apprenants et les propositions du service de formation ne sont pas aussi évidentes qu’il y parait. Comment faire? Avant de répondre à la problématique, une remarque liminaire s’impose. La politique d’indi- vidualisation ne peut pas souffrir l’absence de pilotage, il est donc nécessaire de construire un système d’information et un tableau de bord de l’individualisation. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation légale. Chaque individu est en droit d’exiger la délivrance de son passeport de for- mation qui reprend l’ensemble de ses expériences formatives. L’industrialisation du passeport nécessite un système d’informations individuelles satisfaisant. Il est donc nécessaire de créer un data mining, que l’on qualifie souvent de relation employé ou d’ERM (Employe Rela- tionship Management). L’individualisation ne peut plus être que relationnelle par opposition à l’individualisation transactionnelle. Au lieu de s’intéresser aux évènements séquentiels de la vie professionnelle d’un collaborateur comme l’embauche ou l’évolution de carrière. On relie 4/14
  • 5. l’ensemble de ces évènements pour créer une relation cohérente autour d’un parcours indivi- duel. D’ores et déjà Google fait une forte publicité sur un algorithme qui anticipe les attentes de ses cadres avant qu’ils y pensent. Cette relation employé devient leur outil pour la politique de bien-être de l’entreprise. L’individualisation ne retire rien au pilotage centralisé, bien au contraire. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle la CNIL intervient régulièrement… bien que ponctuellement. Qu’il soit relationnel ou transactionnel, le marketing formatif devient un outil pertinent, mieux un avantage concurrentiel pour ceux qui l’utilisent avant les autres. Le marketing est dans son acceptation la plus fonctionnelle, la mise en relation entre une offre et une demande. La notion de marketing pose problème toutefois, car le fait de considérer la formation comme une marchandise, c’est-à-dire une chose marchande peut choquer certaines cultures qui asso- cient formation et promotion sociale, dans un acte politique. Sous réserve de cette remarque, le marketing est un outil de ré- gulation entre l’offre et la de- mande. FORME OU APPRENANT, Laissons de côté les interroga- LE CHOIX DES MOTS tions ontologiques, le marketing est un outil qui analyse les at- Les appellations pour rendre compte de l’individu ou tentes des apprenants, ou futurs la personne en formation ne sont pas neutres. Tradi- apprenants, les prospects, et per- tionnellement, on parlait de « formés », et avant en- met ainsi de construire une offre core, d’instruit, aujourd’hui, on parle de moins en de formation en relation avec les moins de «formés» pour lui préférer le terme « l’ap- futurs bénéficiaires. La relation prenant ». Le « formé » est un participe passé qui offre/demande positionne l’ana- rend compte d’un individu passif dans sa formation lyse de l’individualisation dans alors que « l’apprenant, verbe d’action, parle d’un une relation interactive push/ individu acteur de sa formation. Avec l’apprenant, pull : pousser un produit de for- chacun est responsable et autonome au sens d’Emma- mation et tirer les attentes indi- nuel Kant. L’apprenant construit sa propre dyna- viduelles des apprenants. Un mique qui conduit au progrès de tous. marketing réussi est lorsque la rencontre a eu lieu et qu’elle ré- pond aux contraintes écono- miques de l’entreprise. Regar- dons de plus prêt ce que cela peut recouvrir comme réalité, commençons par l’analyse de la demande. L’analyse de la demande n’est pas neutre. Il s’agit d’apprendre à connaître ses interlocuteurs, la fameuse étude de marché. Le moment privilégié de cette analyse est l’évaluation annuelle, et/ou l’entretien de professionnalisation, demain peut-être le bilan d’étape professionnel. Mais avec la génération zapping, l’interactivité est au mieux faible. C’est la raison pour laquelle certains proposent toute une batterie de baromètres sociaux de satisfaction avec des tech- niques de choix aléatoires. D’autres proposent le blog d’entreprise qui permet davantage de connaître l’état d’esprit à un instant donné. Mais cela suppose que chacun puisse s’exprimer librement dans les entreprises, là où la dictature du politiquement correct fait souvent loi. La traçabilité devient une problématique pour l’entreprise avec l’interrogation sur l’alimentation des bases de données. Qui doit tracer ? L’entreprise ? L’individu ? Ou un mixte ? 5/14
  • 6. Revenons aux comportements individualisés : comme le remarquait Robert Putman, pour la société américaine, la société se désagrège. De la même façon, en France, le même phéno- mène s’observe, les individus ont des cercles d’amis de plus en plus restreints. Ce constat est à nuancer, les personnes ont de moins en moins d’amis physiques mais de plus en plus d’amis virtuels. La relation se virtualise. D’ailleurs même les associations d’individus connaissent ce phénomène, leur nombre explose grâce à Internet mais les associations se virtualisent. Les individus n’assistent plus régulièrement à leurs réunions, traditionnellement les deux tiers des membres y assistaient, aujourd’hui seulement un tiers fait l’effort du contact physique. Les individus ne se rencontrent plus physiquement. En formation, cela a ouvert les formations à distance : pourquoi réunir les individus quand on peut avoir des classes virtuelles ? Les neu- rosciences donnent une explication intéressante autour de la perception de la confiance. Et pourquoi imposer des moments communs quand chacun peut travailler à son rythme ? L’ob- jectif de la formation quand je veux et où je veux sera de plus en plus possible grâce aux sup- ports nomades. La m-formation (mobile formation) s’impose comme segment à part entière et à terme devrait poser la question du support sous un angle complètement différent. Le poten- tiel formatif des individus est infini. Mais plus le potentiel est grand, plus la place du choix est important et dans un monde où la visibilité est faible, cela pose un problème de taille. Comment l’individu peut-il choisir dans un monde sans visibilité ? C’est un peu comme si, faute de savoir collectivement, on deman- dait à l’individu d’assumer le poids de la responsabilité. Il est responsable, donc en cas d’échec coupable… Il est à rappeler que si la GPEC est obligatoire pour les entreprises de plus de 150 salariés, cela ne garantie en rien la qualité de l’analyse qui est prévisionnelle et non prospective et encore moins sur la gestion de ces orientations, qui pour une large part est devenu un outil de gestion en direction des partenaires sociaux. Bernard Masingue a très tôt soulevé le problème de l’orientation tout particulièrement dans le cas de démarche indivi- duelle. Il a proposé une prise en charge par les pouvoirs publics de ce travail d’orientation et d’information autour de cette problématique, créant ainsi une externalité dans le choix indivi- duel du collaborateur. Faute de cette prise en compte, Monique Benaily propose la création d’un DIO (Droit Individuel à l’Orientation), sur le modèle du DIF, qui d’ailleurs conjugué avec un bilan de compétences permettrait à chaque individu de construire des projets forma- tifs sans en avoir à supporter l’ensemble du poids individuellement. Le problème n’est pas tant de motiver les collaborateurs au changement, selon une étude ré- cente sur les salariés européens, 74 % songent à se reconvertir. Chacun a compris que dans un environnement incertain il était nécessaire d’aborder le changement. Les trois quart veulent bien changer mais il n’est pas facile de passer du rêve à la réalité. Il est nécessaire de rappeler que toujours selon les sondages, 50 % des français ne se projettent pas, dans le sens ne cons- truisent pas de projet. On ne voit pas très bien pourquoi soudainement, ils devraient le faire dans le domaine de la formation. D’ailleurs, cette attitude est généralisée avec les jeunes gé- nérations qui selon Michel Mafesoli, développent une stratégie opportuniste qui est particuliè- rement efficace en situation de crise. Les salariés d’Arcelor Mital avaient une entreprise qui gagnait de l’argent, une dynamique forte, une garantie de l’état représentée par son chef, un engagement de son dirigeant, et pourtant… à quoi sert alors de faire des projets ? Sur cette lignée, si l’on regarde de plus prêt la réalité des entretiens professionnels, eux qui devaient être un moment de coproduction individuelle privilégié, s’est révélé au final d’une platitude saisissante… pour quoi faire ? L’orientation, c’est bien mais encore faut-il construire l’accompagnement du projet au DIO, il faudrait rajouter un DIA (Droit Individuel à l’Accom- pagnement). Sortons des acronymes pour dire que l’entreprise doit réfléchir aux modes opéra- 6/14
  • 7. toires qui permettraient d’individualiser la formation autour d’une démarche projet, le coa- ching s’inscrit dans cette démarche avec les mêmes remarques que précédemment. Ce n’est pas parce qu’on sait où on doit aller qu’on va y aller. C’est tout le problème du passage à l’acte. Combien de fumeur savent que c’est nuisible, se disent même qu’il faudrait arrêter et qui pourtant fument toujours ? La construction d’un projet individuel en formation n’est pas une chose aisée pour un individu. Et il n’y a aucune raison pour que le projet soit la seule voie d’adaptabilité. On ne peut pas imposer aux individus de se construire une nouvelle forme d’exigence sans leur donner les moyens de son application. C’est ce qu’Yves Saint Arnaud appelle le changement assisté, le bilan d’étape pourrait devenir cet outil d’accompagnement pour la création d’un futur individuel. Or qu’est-ce qu’on observe aujourd’hui ? L’entreprise, comme la société, est devenue l’univers de l’immédiateté ? Tout ce gère dans l’immédiateté avec une perte de profondeur et de distance… c’est l’actualité de l’actualité. Il devient de plus en plus difficile de hiérarchiser ses activités, de dégager ses priorités. La tech- nologie renforce cette immédiateté. Ainsi, les courriels et les fameuses listes de diffusion, l’on se retrouve en copie de sujets qui ne nous concernent pas et si on rajoute les SPAM alors la première activité au bureau est la gestion des mails ; ou encore le sentiment d’urgence, avec les outils nomades chacun peut en wifi se connecter sur des hot spots pour recevoir et en- voyer, non seulement ses mails mais aussi ses présentations en temps réel, comme avec le té- léphone portable, concentré de bureau mobile, l’ordinateur permet d’être joint en tout point pour traiter tout sujet, alors pourquoi s’organiser, si l’on oublie quelque chose, il suffit de se connecter. Tout comme il existe le fast-food qui répond au besoin d’immédiateté de la fonc- tion de nutrition, il est important de penser au fast-training, des formations faciles à digérer, avec les mêmes débats qu’a connus la cuisine : « mal formation, comme la mal bouffe, ne remplacera pas la formation », et la même réponse « cela assure quand même de la formation ». Autrement dit la formation ne peut être que polymorphique et c’est dans l’articulation de ces formes que l’individu pourra trouver le parcours qui lui convient le mieux. Dans ce cadre là, la courbe en U renversée permet de nous donner un éclairage intéressant. Les neurosciences nous indiquent que pour optimiser la performance formative, il est néces- saire d’éviter deux écueils, l’ennui et l’anxiété, dans les deux cas l’apprentissage sera au mieux de qualités médiocres. L’optimum permet de capter l’attention, c’est pour cela que les formations développent des contenus de plus en plus ludique, à forte composante de dévelop- pement personnel dans des univers formatifs qui deviennent des aventures personnelles. L’innovation pédagogique doit répondre à cette demande et le présentiel prend toute sa di- mension dans la cadre de l’individualisation, le collectif est le meilleur moyen de motiver et de créer un événement affectif, une cristallisation diraient les ethnologues, qui fonde l’action. Et l’individualisation de la formation ne sera qu’un produit dérivé de ce moment de cristalli- sation. C’est en cela que l’on peut comprendre la remarque d’Edgar Morin quand il appelait de ses vœux le fait que la formation sorte du tout rationnel pour développer une complémen- tarité affective, une formation humaine en quelque sorte. Comme disait la chanson, « qu’on me donne l’envie, l’envie d’avoir envie ». Et c’est du rôle de l’organisation de la formation individuelle que de penser la motivation, cœur de la réussite de tout projet formatif indivi- duel. Si l’étude de marché de la formation est importante, elle permet surtout de proposer un mix formatif qui correspond au mieux aux attentes de l’individu. Le mix formatif composé d’un produit, d’une communication et d’une distribution. Comme dans toute définition de mix mar- keting, l’ensemble des signaux doivent être cohérents sinon l’individu, in fine, n’adhèrera pas au mix. Faute d’adhésion individuel, il reste toujours la décision d’autorité, mais là encore 7/14
  • 8. l’efficacité ne sera pas au rendez-vous dans le sens où l’effort pour imposer s’inscrit mal dans un monde où tout bouge y compris les règles. L’autoritarisme sera classé dans les outils d’un autre âge, c’est ce qu’Alain Renault appelle la fin de l’autorité, conçu comme la fin de l’auto- ritarisme et le début de l’autorité coproduite, un nouveau mode de régulation à construire. PARTIE 3 Comment produire de la formation ciblée ? La réponse passe par la création d’un produit au sens élargi pour reprendre Théodore Levitt ou d’un mix qui présente une cohérence de l’ensemble des signaux des éléments qui la com- posent. Le produit. Il doit être attractif, c’est tout l’enjeu des formations spectaculaires. L’usage des pédagogies décalées par rapport à la norme (et qui deviennent, de plus en plus, la norme) comme le théâtre, l’improvisation, l’opéra, le chant, le dessin, … montre que tout est bon pour apprendre. Il est interdit d’ennuyer l’apprenant. Mais encore faut-il ne pas confondre spec- tacle et pédagogie. S’il s’agit de faire impression, pourquoi ne pas f aire venir un Yannick Noah ou un Zinedine Zidane, les personnalités préférées des Français ? L’impact sera assuré, même avec un propos fade. La mémorisation forte, tout le monde se rappellera de la forma- tion comme « la formation Zidane » et s’il s’agit de cohésion d’équipe avec le fait de partager une expérience commune, comment faire mieux, même les dirigeants retrouvent leur âme de midinette ? Mais si on parle d’apprentissage… Donner du poisson à quelqu’un qui a faim n’a pas le même sens que de lui apprendre à pêcher. Les organisateurs de formation doivent réin- vestir le champ pédagogique pour réaliser un produit impactant, il est nécessaire de travailler le contenu de la formation ainsi que les modes d’apprentissages. Par exemple, une formation vente nécessite de s’interroger sur le contenu, quelle relation client l’entreprise développe et anticipe ? Et le multicanal ? Si la prospection se fait dans le hard en appel sortant, comment articuler mail, site, phoning ? Et pour le phoning, il y a l’argumentaire prédéfini… autant de questions essentielles en amont de la création. Mais aussi sur les modes d’apprentissages. Si l’on reste sur le phoning, la qualité vocale est importante, alors pourquoi pas la chorale pour apprendre à poser sa voix et ainsi gagner en assertivité ou encore la sophrologie ou la médita- tion pour poser son souffle ? Tout est bon. Le tout, c’est d’associer l’aventure personnelle et l’efficacité pédagogique. Sortir de l’ennui sans jamais entrer dans l’anxiété. Le créateur de formation devient un créatif de formation. La communication. Pour reprendre la notion de cohésion, le premier argument est le produit : apprendre à chanter pour mieux vendre, deux bonnes raisons d’adhérer à la formation, deux produits en un, dirait un communiquant, et ainsi, développer l’appétence. Dans un monde lu- dens, le ludique est une clé d'entrée, mais aussi une compétence transversale sur l'apprendre à apprendre. Un produit ne communique qu'à travers son plan de communication. Prenons l'exemple des catalogues, « développer son assertivité en situation professionnelle » est un titre à destination des seuls organisateurs de formation, alors que « en autorité en moins de deux minutes » s'adresse à ceux qui veulent résoudre un problème rapidement, même si le contenu de la formation est le même, tout est une question de savoir mettre en commun. Il s'agit de passer de la réclame plus ou moins efficace à la publicité de la formation. Tout est à construire. Aujourd'hui, par exemple, le pair à pair ou la communication virale est particuliè- rement impactante. Le catalogue peut proposer des photos de stagiaires, qui ont vécus le stage ou le pilote avec leurs identifiants : noms, fonctions, lieus, et de présenter leurs avis sortis de 8/14
  • 9. formation. L'impact est fort ; « lui l'a fait ». Le passage à l'acte est plus facile. La communica- tion doit aussi s'inscrire dans la culture de l'entreprise. La distribution de la formation. Les enquêtes montrent que 61 % des informations sur la for- mation sont données par le (N + 1), et 20 % par le catalogue (physique ou virtuel) et souvent avec cette dernière information, le collaborateur se retourne vers le (N + 1). Autrement dit, 81 % de l’information formative passe par le management de proximité. Le manager de proximi- té doit être l’allier de la formation pour que le produit formatif soit distribué efficacement et suscite l’adhésion individuelle. Or le manager de proximité est déjà fortement sollicité pour être le relais opérationnel de la qualité, des RH, de la finance, de la vente, de la motivation, et on ne sait quoi encore. La concurrence est rude. La formation se doit de construire et d’animer les relais formatifs, et la meilleure solution n’est pas de leur imposer une contrainte supplé- mentaire mais de leur apporter des solutions à leur problème. Le responsable de formation doit être à l’écoute et accompagner le manager dans une posture de coach ou de consultant, savoir construire un réseau, au sens premier du terme, un filet d’entraide favorise la réciproci- té. D’ailleurs, cette ligne hiérarchique est aussi un espace de détection des difficultés indivi- duelles, si elle accepte de veiller, le responsable de formation a davantage de visibilité pour hiérarchiser les priorités de chacun au vue de l’intérêt de l’entreprise. Mais rien n’est sponta- née, tout est à construire. L’ensemble de cette démarche push / pull est dynamique. Pour capter l’individu, il faut non seulement lui proposer un mix qui réponde ou qui suscite ses attentes mais encore multiplier l’actualité de la formation, sinon, l’individu se lasse, l’immédiateté de la formation. Il s’agit de développer un plan approprié à la culture de l’entreprise, un plan d’événementiels. A trop en faire on lasse, à en faire trop peu on se fait oublier. Le spectaculaire est un nouveau mode de communication qui prend ses quartiers en entreprise. Concrètement, comment faire ? Quels sont les étapes de l’individualisation de la formation? Tout d’abord, il existe autant de procédures qu’il existe d’entreprise. Les entreprises ne sont pas monolithiques même si parfois, on le dit, il s’agit surtout d’une posture pédagogique. Cela ne nous empêche pas de dégager quelques pistes d’action génériques. 1. Impliquer la direction L’individualisation de la formation est un projet qui implique toute l’entreprise, l’implication des plus hautes instances est un signal fort donné à l’ensemble des collaborateurs sur l’impor- tance que l’entreprise lui accorde. Encore faut-il s’avoir parler dans un CODIR (comité de direction). Un directeur comme son nom l’indique définit la direction à suivre, il réfléchit en termes d’objectifs et de moyens ad hoc. Prenons un exemple, un responsable de formation qui propose de développer une forma- tion dans un site de balnéothérapie aurait peu de chance d’être entendu dans un CODIR, « L’entreprise n’est pas faite pour se détendre, mais pour travailler ». C’est une question de présentation, « de nouvelles techniques de management qui assurent une plus grande acquisi- tion des compétences en moins de temps », semble plus acceptable. Nous parlions du théâtre, la brochure d’un organisme proposait d’apprendre deux fois plus de choses dans le même temps. Le pilote est souvent un moyen de calculer l’impact et de construire un argumentaire adapté, le langage de la stratégie. Il est important de ne pas confondre les objectifs et les moyens en œuvre. C’est toute la différence entre un directeur et un exécutant. Toutefois, sans cette implication le déploiement peut demeurer à condition d’utiliser des tech- niques de développement de projet sans autorité hiérarchique, c’est simplement plus long. 9/14
  • 10. 2. Favoriser la concourance Christophe Midler avait montré l’intérêt de cette démarche, impliquer au plus tôt les per- sonnes qui devront concourir au déploiement du projet. Ainsi, les relais formations doivent être particulièrement impliqués dans la démarche mais pas seulement, la communauté forma- tive (animateurs, pédagogues et organisateurs) doit aussi être mobilisée pour quelle devienne le fer de lance du projet, un commando formatif. Plus le spectacle est cohérent dans les signaux qu’il diffuse, plus l’impact sera fort. Quel im- pact aurait un formateur qui à contre courant critiquerait le projet ? Le buzz serait divergeant, on entrerait dans le débat, ce qui mettrait à plat toute tentative de teasing. Le spectacle devien- drait la critique du projet et non le projet lui-même. L’ESCALADE DE LA FORMATION 3. Développer le plan ( IVAN ILLICH ) marketing Apprendre ne signifie pas s’élever, vers quoi d’ail- Le plan marketing doit prendre leurs ? Mais d’accepter la véritable autonomie de la en compte son déploiement avec personne. Les neurosciences nous apprennent qu’ap- l’analyse de risques et des forces prendre est vital pour l’homme, tout comme se nour- du projet, et la scénarisation en rir. Sans apprentissage l’homme se meurt. Il ne vien- cas de plan B. L’axe principal drait à personne l’idée, sous réserve des comporte- est de conserver une cohérence ments de régime, de planifier rationnellement la entre les différentes compo- nourriture pour manger plus, et pourtant, c’est ce que santes du mix et le temps néces- l’on fait avec la formation. Il faut apprendre toujours saires au déploiement. A annon- plus et l’apprentissage est qualifiée ou au moins cali- cer trop tôt un projet, on risque brée. Pourquoi ne pas libérer l’homme des trajec- de lasser, même si le teasing, toires formatives prédéterminées qui détruisent la technique qui consiste à tenir en spontanéité du plaisir d’apprendre ? C’est une ques- haleine est un atout important. tion décalée qui ouvre des perspectives originales. Le projet dans la durée sera ainsi toujours dans l’immédiateté, qui est de plus en plus le temps de l’entreprise; et à l’annoncer trop tard, la «risque de ne pas prendre», faute de temps pour le buzz. 4. Développer le pilote du projet Il s’agit du test formatif mais qu’on ne s’y trompe pas l’objet n’est pas tant de faire un test que de créer son premier événement de déploiement. Il ne s’agit pas de prendre les personnes les plus complexe de l’entreprise, qui seraient efficace en situation de test, mais de prendre les « d’opinions », les mêmes d’ailleurs qui ont dû participer à la concourance de l’étape 2. C’est un outil d’argumentaires. D’abord en direction des collègues, faire savoir qu’ils ont ap- précié, comme nous l’avons vu en communication mais aussi de créer un phénomène de rare- té. Une grande entreprise d’énergie, avait créé une école interne transversale, spontanément personne n’était prêt à adhérer. Ils ont prévenu tout le monde de ne pas venir, car le nombre de place était limité et qu’un petit nombre avait déjà validé leur présence. La réaction ne s’est 10/14
  • 11. pas faite attendre, chacun a fait jouer ses relations pour avoir la possibilité d’y assister… la rareté ajoutée à une concurrence, a fait la différence. 5. L'industrialisation du pilote. L’individualisation et sa stratégie push / pull reste toutefois très classique dans une stratégie descendante d’organisation de la formation. Suivant la culture de l’entreprise, il peut exister une autre forme d’individualisation qui peut ouvrir voie à la singularité et donc à la personna- lisation. PARTIE 4 Le modèle de personnalisation de la formation. A la manière d’Ivan Illich, on peut s’interroger sur l’intérêt que peut avoir une entreprise à se passer de l’institution formative, pour en finir avec l’encadrement de la formation, en dehors des obligations légales. La formation n’est pas liée à l’entreprise, déjà selon Jean-Marie Lus- tringer, il existe environ un million de personnes, en France, qui en dehors de toute structure se financent leur propre formation et leur nombre est en croissance. Il ne faut pas confondre l’institution de la formation et la formation elle-même. Le service for- mation n’est pas la formation. Il y a besoin de recréer des institutions ou services avec des in- teractions personnelles nouvelles, construire la déformation. La déformation est profitable à la formation en réinterrogeant sa raison d’être et donc sa contribution au développement de l’en- treprise. Ecartons d’ores et déjà les remarques du style : «faut s’occuper des apprenants», car on peut répondre que la formation n’est pas une résidence surveillée par les formateurs ou le service de formation. Et qu’il ne s’agit pas de créer des détenus ou des robots apprenants. Quelle forme la personnalisation peut-elle prendre? Les nouvelles technologies peuvent nous aider dans cette démarche. Le modèle de Google est intéressant : avec son algorithme, il sélectionne, trie et organise les données et chacun à son rythme tisse sa toile (« a web ») pour constituer un réseau social sans domination extérieure, chacun s’informe et se forme. De nouveaux comportements apprenants ont émergé par exemple, la « sérendipité » (néologisme anglais qui signifie « découvertes inattendues »), l’art de trouver quelque chose au détour d’une autre recherche, l’apprentissage est opportuniste, plus besoin de projets… ou encore le « sample » (l’échantillonnage en bon français), qui con- siste à prendre un morceau de ce que les autres ont écrits et d’y ajouter sa patte. De nouveaux comportements qui s’inscrivent dans la démarche de la fast formation, facilement digérable mais aussi en y ajoutant le facilement propageable afin de faciliter la réplication. L’informa- tion circule et si l’on facilite cette circulation on développe une formation virale autoproduite. On sort ainsi du cadre de l’autoformation où l’apprenant suit une formation qui a été préparée par quelqu’un d’autre, mais là, l’apprenant devient formateur pour apprendre. Une question se pose alors, si tout le monde devient formateur, que deviennent les formateurs traditionnels, est-ce la fin de l’institution formative ou une simple évolution de la fonction Si tout le monde a le même statut, cela ne signifie nullement un nivellement, il existe une réelle hiérarchisation. Il existe une posture intéressante, l’expert de réseau. Il fédère autour de son 11/14
  • 12. expertise dans une démarche interactive. Il suscite le buzz (ce mot vient du bourdonnement que fait l’abeille dans la ruche, on parle aussi de rumeurs ou d’humeurs), à condition de savoir communiquer du savoir. L’expert doit partager son expertise, et c’est le partage et l’interacti- vité qui fait le buzz, et donc l’expert. Un expert classique qui sait mais qui ne partage pas, ne serait donc pas un expert de réseau. Comment faire du buzz ? Tout dépend de la culture de l’entreprise mais pour sortir du lot, il existe quelques règles : aborder les sujets tabous en sor- tant du politiquement correct, parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure, aborder des sujets du quotidien, aborder les sujets avec humour,… c’est ce qui circule le mieux. La communication est le cœur du système. Prenons un exemple connu, après les attentats du LES DIFFERENTS TYPES DE World Trade Center, la théorie du complot s’est développer sur REGULATION PRIVE le Net, pourquoi ? Parce que A LA MANIÈRE DE l’information est un jaillisse- FABRIZIO CAFAGGI ment, qu’elle n’est pas contrô- lable, et qu’elle circule. La ques- tion du complot est parfaitement 1. L'autorégulation légitime en une telle situation Lorsqu'il y a parfaite correspondance entre les régu- mais l’absence de réponse des lateurs, l'appreneur et les régulés, les apprenants. autorités, et des experts du ré- seau, a permis à la rumeur de 2. La régulation privée participative s’imposer comme une vérité ca- Lorsque les parties prenantes participent différem- chée… « tout le monde le dit… ment au processus de régulation. ». La participation est donc un pré requis. L’expertise n’a de 3. La régulation privée déléguée valeur que si elle est partagée. Et Lorsque l'appreneur délègue son pouvoir de régula- le formateur expert retrouve sa tion. légitimité comme modérateur et contre-point de vue grâce à sa 4. La corégulation production partagée. L’exemple Lorsque les régulateurs appreneurs participent en- de Wikipédia est significatif, semble au processus de régulation. chacun peut apporter librement sa contribution et au final, les tests montrent qu’elle est aussi fiable que les encyclopédies tra- ditionnelles et en plus elle est en temps réel… La personnalisation sans contrainte permet de construire un collectif au moins égal aux processus traditionnels. Dans un autre cadre, Pierre Landry, Président de l’AGRAF (Association du Groupe de Re- cherche sur l’Auto-Formation) propose de conceptualiser le phénomène autour de la notion d’autodaxie, c’est-à-dire une auto-formation qui se positionne hors de toute institution. Il complète la définition par ses quatre composantes : cognitive, éducative, sociale, et expérien- tielle. L’autodidacte exploite ses marges de manœuvre au profit de son développement per- sonnel et le réseau, cela ouvre des potentialités énormes. Mais lesquelles pour l’entreprise ? James Surowiecki a montré que les foules étaient intelli- gentes mais pas pour tout. Elles sont intelligentes pour les problèmes de cognition (définir un problème, une solution, définir une information) et de coordination (quand il faut agir en 12/14
  • 13. fonction des autres). Mais l’intelligence ne s’applique pas dans la coopération. L’intermédia- tion est indispensable pour que le système fonctionne et les outils de régulation privée exis- tent, comme l’illustre le travail de Fabrizio Cafaggi. Le formateur est tout à fait légitime pour assumer cette fonction de coopération. Une nouvelle perspective à la fonction de for- mation, facilitateur d’intelligence collective. Quels sont les modes opératoires de la personnalisation de la formation ? 1. Créer l'accès aux ressources existantes Cette étape n’est pas si aisée que cela, il ne s’agit pas de créer des bases de données sur l’intranet en laissant au salarié la problématique du passage à l’acte. Suivant les études, il existe entre 8 et 10 millions de technopathes en France, comment faire pour qu’ils aient ac- cès à la numérisation (c’est sans aborder le problème de l’illettrisme ou l’analphabétisation). Il est à rappeler que selon Jérémy Rikfin, l’accès sera la problématique majeure des années à venir, et de construire les coûts à l’entrée les plus faibles pour favoriser la coproduction. Un fois la problématique de l’accès résolue par l’entreprise, il reste le travail de décryptage de l’information. Cela peut prendre plusieurs formes, soit autour du fait de cerner le sujet (savoir ce que l’on sait déjà, ce que l’on aimerait savoir, définir un plan de travail, identifier les informations dont on a besoin, …), soit rechercher l’information pertinente (savoir identi- fier les sources d’information, les sélectionner, les synthétiser, …) et soit traiter l’informa- tion. Construire une cohérence dans l’ensemble des informations pour favoriser le quand je veux et où je veux. 2. Créer des espaces de partage Il s’agit pour l’entreprise de créer ces lieux d’échange réel ou virtuel, avec l’interrogation sur la confiance, et l’apprentissage de la confiance. Une fois la confiance acquise, le collabora- teur peut se transformer en formateur de réseau, qu’est-ce qui pousse une personne à être producteur ? Si l’on suit la Dominique Caron, le producteur de contenu le fait pour profiter de la publicité lié à l’échange, et cela recouvre deux réalités, la première est que le produc- teur va profiter du plaisir de l’échange, avec par exemple, le plaisir de se confronter à ses pairs, et la seconde le fait de se construire une réputation, on parle déjà de e-réputation, et de la préserver… La notion de réputation est importante et versatile. Un jour ont est star, et le lendemain, on est rien… Avec Wikipedia, on peut trouver un modèle transposable, le fait que les administrateurs du réseau, les modérateurs, sont élus par les autres usagers sur la base de leur production. Les membres experts sont élus par leurs pairs. Dans ce cadre, le for- mateur pour être élus par la base sur son activité et sa production… un modèle de formateurs tournants. Le partage transforme le consommateur de formation en producteur. C’est l’es- pace essentiel à la régulation. Et autre bonne nouvelle… gratuitement. En effet, les expé- riences de pécunarisation ne sont pas des succès car la monétarisation change la réputation de l’expert du réseau. Cela remet en selle des comportements comme le don ou la gratuité autour de la formation. 3. Donner l'envie Sans entrer dans les théories particulièrement riches de la motivation. On peut parler d’ani- mation, au sens étymologique, comme le disait Aristophane, « c’est allumer un feu ». La 13/14
  • 14. confrontation favorise les apprentissages. C’est la rencontre qui permet les transmissions, et donne l’envie comme l’a montré, Emmanuel Levinas ou Jürgen Habermas, dans des philoso- phies différentes. Tout formateur, apprenant dans l’échange, administrateur ou expert de ré- seau, suivant les moments. Mais pas seulement, le formateur reconnu a aussi un rôle d’agita- teur de compétences avec le mimétisme qui ne nécessite pas de domination, mais suscite l’envie de l’imiter dans une démarche similaire au monde de la mode. Il devient un créatif de la formation et l’apprenant une Fashion victime de l’apprendre. Une nouvelle façon de penser le rapport de la personne au savoir, avec un cadre épistémolo- gique celui de Paul Feyeraband… Tout reste à construire. CONCLUSION On peut rejoindre Carl Rogers quand il dit que « l’individu formé, c’est celui qui a appris comment apprendre, comment s’adapter, comment changer, c’est celui qui a saisi qu’aucune connaissance n’est certaine et que seule la capacité d’acquérir des connaissances peut con- duire à une sécurité fondée ». Et Gaston Bachelard d’ajouter « n’est pas acquérir une culture mais changer de culture », tout un programme dans un monde qui change si rapidement de culture. La personnalisation, comme l’individualisation, nous oblige à penser un nouveau modèle, et cette construction est artisanal: une vraie créativité pour les formations créatrices de performances. Sèvres, le 20 juin 2009 Paru dans le Guide pratique de la formation, ESF Editions TEMNA, Directeur GARF, Vice-président GARF Lab., responsable ETDF, Vice-président Art in Fine, Président Vos réactions www.learnpositive.fr Facebook : Stephane Diebold Temna Viadéo : Stéphane Diebold Linkedin : Stephane Diebold Courriel : sdiebold@temna.fr Contact : +33 6 11 81 55 35 Docteur en économie, il a débuté son parcours professionnel par la direction d’écoles de commerce puis la direction de la formation en entreprise, aujourd’hui spécialiste de l’innovation formative, agitateur d’idées avec une présence sur les hot spots de la formation : conférencier, chroniqueur, auteur,... 14/14