CompLit - Journal of European Literature, Arts and Society - n. 7 - Table of ...
Monz un bas de chez crim
1. monz
Un bas de chez Crim
- Collection Romans / Nouvelles -
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3. Table des matières
Un bas de chez Crim...................................................................................1
UN BAS DE CHEZ CRIM..................................................................2
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4. Un bas de chez Crim
Auteur : monz
Catégorie : Romans / Nouvelles
Ca n'aurait pas pu se passer plus mal.
Quand elle est entrée, j'avais le bas à la main et m'apprêtais à le cacher
sous le matelas.
Licence : Licence Creative Commons (by-nc-nd)
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5. UN BAS DE CHEZ CRIM
Ca n'aurait pas pu se passer plus mal.
Quand elle est entrée, j'avais le bas à la main et m'apprêtais à le cacher
sous le matelas. Son regard s'est porté droit dessus, en connaisseuse, un bas
de chez Crim, le salaud a-t-elle dû penser ! Elle a ouvert la bouche, s'est
ravisée, m'a lancé au visage ce qu'elle avait à la main, ses clés de voiture,
m'a manqué, a juré, a fait demi-tour, me laissant une vague de son
parfum... J'ai entendu la porte de la salle de bain claquer, le clic-clac du
verrou et sa douce et tendre voix qui disait :
« Salaud ! Salaud !
Je me sentais stupide, ce bas à la main, et triste, et pourquoi tout n'est-il pas
plus facile, et...
Je me relevais, fatigué. Mal à mon aise. Un bas de chez Crim, quelle
imbécillité ! Et dans notre chambre encore ! La gaffe ! Comment lui
expliquer ? A quel prix acheter le pardon ? Comprendrait-elle ? L'aveu.
C'était la voie la plus raisonnable maintenant, avouer tout, tout avouer et
tant pis pour le mal qui nous en découlerait... Depuis le commencement...
« Salaud ! Salaud !
Ma belle n'avait jamais su pleurer en silence.
Je m'approchais de la porte, étourdi. Le commencement, c'était revenir sur
la douleur, la honte et... Mes forces m'abandonnaient, la tension
accumulée, le poids de la trahison, l'incertitude des mensonges, leur acidité
au fond de la gorge, pour si peu...
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6. Un bas de chez Crim
« Aline, ouvre-moi...
-Salaud ! Salaud !
-Laisse-moi t'expliquer... Ce n'est pas ce que tu crois...
-Salaud ! Salaud !
La variation n'était pas sa tasse de thé. Mais pour ce que ça changeait...
-Tu sais, je ne sais plus trop où j'en suis... Tout s'est passé si vite, tu
comprends ?
-Sal...
-Si tu veux ! Si tu veux ! Mais il fallait bien faire quelque chose ! Je n'en
pouvais plus d'attendre ! De ne rien faire ! C'était trop dur ! Rester là,
quand tu partais travailler pour nous deux ! Me sentir si inutile ! Un poids
mort ! Et tout ces gens, là, autour, calfeutrés dans leur petite vie bien
rémunérée... Je n'en pouvais plus ! J'ai craqué ! Tu m'entends ? J'ai craqué !
Ca été comme une petite vengeance pour moi !
-Hector ?
-Oui ?
-Salaud ! Salaud ! Tu peux raconter ce que tu veux, je ne t'écoute pas ! Je
ne veux plus entendre parler de toi ! Jamais ! T'es qu'un pauvre... Un
pauvre... Un pauvre vieux... Un pauvre vieux salaud ! Voilà tout ce que tu
es ! Un salaud ! Salaud !
-Aline !
-Et elles sont trop faciles tes excuses ! Le chômage ! Les autres ! Ce que tu
me dois ! Comme si c'était une partie de plaisir pour moi ! Me lever
pendant que monsieur roupille d'avoir regardé la télé toute la nuit ! Me
taper mes huit heures de travail ! Les courses ! Les trajets ! Et revenir ! Te
voir tirer la gueule, les petites annonces à tes pieds ! L'oeil comme un
chien et le désir éteint ! C'est depuis que tu ne travailles plus que je suis
devenue moche ? Elle est comment l'autre sous ses bas de chez Crim ? Elle
ne sent pas trop la bourgeoise, ta donzelle ? Elle fait pas des manières des
fois ?
-Aline ! Tu te trompes, ce...
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7. Un bas de chez Crim
-Salaud ! Salaud ! C'est toi qui me trompes ! Et avec une grosse riche
encore ! Mais si tu voulais bien faire, fallait qu'elle banque ta salope ! Au
lieu d'oeuvrer pour le plaisir ! Un bas de chez Crim ! C'est tout ce qu'elle
t'a laissé cette morue ?
Eberlué, sonné, je regardais la porte : ça, c'était fort de café ! Aline avait
changé de marque de thé, ou bien ?
Elle s'était tue. Un répit. Réfléchir. Comment parler de ça avec quelqu'un
qui ne voulait rien entendre ? Je voyais bien une solution, mais sortir
maintenant faisait un peu trop provocation...
-Aline...
J'étais contre la porte, je murmurais, l'oreille plaquée sur le battant, juste
devant son silence. Bon sang, Aline ! Je comprenais qu'elle soit à cran, que
ce n'était pas le luxe en ce moment dans notre vie, mais... On s'aime, pas
vrai ? Et puis nous en avions connu d'autres ! Des trucs bien plus durs !
Des déménagements en catastrophe ! Des fins de mois plus que ric-rac !
Nous n'allions pas rester sur ce...
-Aline !
Ma toute belle... Tu penses bien que je n'aurais jamais pu... Comment
dire ? J'allais pas lui faire un cours sur la honte, le remords, le sentiment de
culpabilité ! Sur l'autre côté ! Le bien et le mal ! Le bon et le malhonnête !
Qu'est-ce qu'elle croyait ? Je ne pouvais plus rester là, à attendre !
Attendre ! Voir le temps passer ! Par paquet d'heures !
-Aline ! Merde !
Un petit geste, je ne demandais pas grand chose... Un truc, un signe de
vie !
-Aline ? Tu ne fais pas de conneries ? Hein ? On s'aime, pas vrai ? Je veux
dire... Tu sais... Le... Je... Je regrette de... Mais je ne pouvais pas te le dire,
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8. Un bas de chez Crim
j'ai essayé, mais... Tu comprends ? C'était trop...
-Salaud ! Salaud !
J'aimais mieux ça...
C'était une battante, mon Aline ! Une fois la première impression passée,
nous pourrions discuter, mettre les choses à plat, et elle verrait bien qu'il
n'y avait pas de quoi fouetter un chat... Enfin, fallait espérer ! Manquerait
plus qu'elle me quitte... Non ? Elle ne ferait jamais ça ! Non ?
-Aline ! Tu ne vas pas me quitter ! Dis ? Tu ne vas pas me quitter ! Je t'en
supplie ! Aline !
J'avais tout à coup la tête qui me tournait, toute la tension accumulée qui se
déversait d'un trait dans mon cerveau, je voyais noir, je m'écroulais.
BONG.
Quand j'émergeai, Aline était penchée au-dessus de moi, elle m'épongeait
le front avec un gant froid. Elle ne souriait pas. Je clignai des yeux. Elle
arrêta aussi net son geste, se releva, s'éloigna, je tendis le bras, en vain, il
retombait dans le vide.
-Aline...
-Salaud ! Salaud !
Je pris le gant en pleine figure. Elle avait bien visé cette fois.
-Aline...
Clic-Clac. La salle de bain m'était de nouveau interdite. Que pouvait-elle
bien y faire ? Les circonstances ne se prêtaient pourtant pas au
remaquillage... Qu'attendait-elle ? Je me levais en vertigeant : le sol était
rond et j'avais les pieds si plats. Au secours ! Bon sang, Aline ! Respirer.
Respirer fort.
-Aline !
Pas de réponse. Lui dire ? Elle ne me croirait pas. Il n'y avait plus qu'un
moyen... Prendrais-je le risque ? Je marchais jusqu'à la porte d'entrée...
J'avais retrouvé mon équilibre. C'était risqué mais au point où j'en étais...
Je sortais.
***
Cela n'aurait pas pu continuer plus mal.
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9. Un bas de chez Crim
Quand je suis revenu, j'ai trouvé la porte de l'immeuble fermée et un
interphone muet. J'ai sonné pourtant ! Plus que de raison. Mais Aline n'est
pas raisonnable quand elle pleure. Pas davantage quand elle ne pleure pas
d'ailleurs. En fait, sa raisonnabilité s'en tient à son pouvoir d'achat... Voilà
pourquoi elle ne s'était jamais acheté de bas de chez Crim et pourquoi elle
m'avait fait cette scène ! Voilà ! C'était la seule raison, ce bas ! Enfin,
presque la seule... Mais ce qu'elle est belle mon Aline ! Même quand elle
colère... Ca non, je ne veux pas la perdre !
J'ai sonné, et re-sonné, et défoncé le bouton de la sonnerie ! Rien ! Pas un
grésillement, pas un mot. J'ai reculé dans la rue et j'ai gueulé aux fenêtres :
« Aline ! C'est moi ! Ouvre ! Aline !
Et elles m'ont regardé, coincées dans leur façade façadante. Je me suis
senti bête au milieu de ma rue, abandonné.
Je me suis assis sur le trottoir, les semelles dans le caniveau, plein de
pensées incompréhensiblement fugitives...
« Aline...
Bien sûr, elle avait raison, ses griefs, sa colère, ses pleurs, mes fautes, mon
abattement, mon désengagement, son corps, mes mains, mes retards...
Aline, te souviens-tu de notre rencontre ? Dans ce bar d'A. un soir de
pluie ? De tes cheveux mouillés et de la cigarette que tu ne parvenais pas à
allumer ? J'ai si peur maintenant... Dieu du ciel, pourquoi le temps n'est-il
pas réversible ? Pourquoi l'argent ? J'aimerais tant...
Une fenêtre. Une fenêtre venait de s'ouvrir. Je me suis retourné, levant les
yeux vers la façadante : la fenêtre de notre appartement était ouverte !
Victoire !
« Aline !
-Salaud ! Salaud !
Une valise a basculé dans la rue, puis un pull en laine, un pantalon, un
deuxième, un troisième, un short, des chaussettes de toutes les couleurs,
deux livres, une brosse à dent, une couverture rouge et...
« Aline ! Arrête ! Tu es folle ! Aline !
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10. Un bas de chez Crim
J'allais à droite, à gauche, à droite, à gauche, récupérant ce que je pouvais,
enfournant le tout dans la valise, première atterrie...
« Aline !
Mon livre de photos ! Ma paire de basket ! Ma cravate ! Ma seule cravate !
Celle de notre mariage ! Le... Nom de Dieu !
CHUTTT ! BOUM ! DZOING ! PATATRA ! PSHIIIIT ! FUMMM !
« Le téléviseur !
Je m'étais écarté à temps.
La fenêtre s'est refermée sur un dernier « Salaud ! Salaud ! » et je suis resté
là, terminant le rassemblement des objets si généreusement expédiés...
Mon sac de sport bleu ! Où est-il ? Bon sang ! Non... Ouf ! Il est là... Tout
y était.
Je regardais le machin cathodique pulvérisé sur le trottoir... Tout ces soirs
passés...
« Aline...
On s'aime pourtant.
***
Cela n'aurait pas pu se terminer plus mal.
Après avoir soudoyé le concierge, je suis monté. Il voulait me coller au
train, mais son poids l'a retardé. Les divorces, ça le connaissait, qu'il m'a
dit ! Pour sûr qu'il en avait vu dans son immeuble ! Même qu'une fois il
avait trouvé un joli petit brin de bonne femme, nue, dans sa loge...
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11. Un bas de chez Crim
Elle voulait se venger de son mari, qu'elle lui avait dit, avec le premier
venu... Ca avait le mérite d'être franc et direct, mais il n'en avait pas
profité... C'est qu'il avait une morale notre concierge, nom de Dieu !
Je suis donc arrivé devant la porte. Evidemment, elle l'avait fermée et
laissé la clé dans la serrure. J'ai frappé.
« Aline ! Ouvre ! Il faut que je te parle !
Pas plus de réponse en haut qu'en bas. Et le gros qui allait débarquer...
« Aline ! Regarde !
Je glissais le billet de 500 sous la porte.
« Regarde sous la porte !
Le billet ne bougeait pas.
« Aline ! Merde ! Reg...
Le billet avait disparu d'un coup. Je pensais qu'elle allait m'ouvrir et me
demander des comptes, je l'ai entendu hurler :
« Tu t'es fait payer en plus ! Tu t'es fait payer ! Salaud ! Salaud !
-Aline ! Ce n'est pas ça !
-Salaud ! Salaud !
-Aline ! Tu m'écoutes, oui ! J'ai braqué une banque...
Je parlais bas. Je n'étais pas sûr d'avoir été entendu. J'allais me répéter
lorsque la porte s'est entrouverte. Aline me regardait.
« Tu as quoi ?
-Laisse-moi entrer...
-Tu as fait quoi ?
-J'ai braqué une banque...
-T'es complètement fou !
-Y en a pour plus de 200 000 francs !
-Fou ! T'es devenu complètement fou !
Profitant de son étonnement, je poussai la porte et entrai. Je refermai
derrière moi, non sans avoir jeté un oeil dans le couloir.
-Mais alors, l'autre bas...
-Quoi, l'autre bas ?
-Tu l'as ! Hector ! T'as une paire de bas de chez Crim ! Ô mon Amour !
Elle se ruait sur moi et m'embrassait sauvagement.
TOC-TOC.
Je m'arrachai tant bien que mal à notre baiser et quémandai doucement :
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12. Un bas de chez Crim
« Qui c'est ?
-C'est le concierge. J'ai tout entendu. Je veux la moitié du magot.
Tu parles, qu'il avait une morale celui-là, nom de Dieu !
« Tue-le.
-Quoi ? : je sursautais, le poil entièrement hérissé.
-Fais-le entrer et tue-le !
-T'es complètement folle !
-On va tout de même pas partager avec ce gros porc !
-Mais Aline...
Elle m'a bousculé et a ouvert la porte, un sourire carnassier sur les lèvres.
Aline, est-ce bien toi ? Ce n'est pas possible, je rêve...
Le concierge est entré, tout sourire, lui aussi.
« Venez, l'argent est dans la chambre » qu'elle lui a susurré à l'oreille. Les
yeux du gros se sont mis à briller. Il l'a suivie. Elle tortillait des hanches,
l'observant en coin, de dessous ses longs cils noirs...
Ce n'était pas un rêve, mais un cauchemar...
Elle a refermé la porte sur eux.
***
Cela n'aurait pas pu mieux se passer.
Quand il est entré, j'avais encore le bas à la main, sacrée qualité
d'ailleurs. Le bas, je veux dire... Ses yeux sont allés droit dessus, il ne
voulait pas y croire, il n'osait plus bouger. Le cadavre était pourtant bien
là, à mes pieds. Ce gros porc, proprement étranglé. L'en était devenu tout
violet... Je me suis tournée vers Hector et je lui ai dit :
« J'ai fait d'un bas deux coups !
Il n'a pas ri. Faut dire, l'humour, ce n'est pas son fort à mon Hector ! Le
chômage, tout ça... J'avais bien vu qu'il était à cran depuis quelques jours,
mais j'ai bon espoir, nous nous sommes tirés de situation plus critique que
celle-la ! Du genre les déménagements en catastrophe...
Et puis on s'aime, pas vrai ?
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