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L’ÉTUDE DE CAS AU SERVICE DE LA RECHERCHE
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“1: INTRODUCTION4
L’étude de cas est une méthode largement utilisée pour
des fins d’enseienement tant dans les universités sue
kr dans les ce”tres”de formation, plus spécialement dans
,3le domaine des sciences administratives. Ce procédé
“1 peut aussi être d’un apport précieux en recherche et il
1’; a dë fait été régulièrement utilisé en sociologie, en
Iltl anthropologie et en sciences politiques. Cependant, le
i:: sujet est relativement peu traité dans la littérature scien-
tifique. Cet article propose une revue de l’étude de cas
outil de recherche, principalement dans la
de la recherche qualitative.
;*
1 1
1. CERNONS LE SUJET
Ii
!Y:
11 YIN (1984) présente l’étude de cas comme « une en-
FJ quête empirique qui étudie un phénomène contempo-
;? rai” dans SO” contexte de vie réelle, où les limites entre
11 le phénomène et le contexte ne sont pas nettement
“j évidentes, et dans laquelle des sources d’information
i i
multiples sont utilisées » (p. 23). LESSARD-HEBERT et
al. (1990), s’inspirant entre autres de DE BRUYNE et al.,
1
expliquent qu’il s’agit d’un mode d’investigation parti-
culièrement ouvert aux caractéristiques du monde réel.
STAKE (1994) précise qu’un cas : <g est un système
Intégré » ; ses composantes n’ont pas à bien fonction-
ner ; elles sont comme on les trouve dans la réalité.
id
il
Au&me”t dit, un cas n’a pas à être un exemple de
>.,
quélque chose ou un modèle à suivre ; c’est d’abord et
LT:, avant tout un système comportant ses propres dynami-
‘{ ques qui demandent à être explicitées et qui feront
l’objet d’une recherche méthodique.
vue sous l’angle de la recherche, l’étude de cas
est.« une technique particulière de cueillette, de
en forme et de traitement de l’information qui
à rendre compte du caractère évolutif et
complexe des phénomènes concernant un systPme
soci.al comportant ses propres dynamiques » (COL-
1996). C’est l’une des caractéristiques fon-
damentalesdecettetechniquedevouloirrendrecomp-
te de phénomènes qui se manifestent dans des contex-
tes qui évoluent. L’étude de cas cherche alors à faire
apparaîtrelatrajectoiresuivieparlesphénomènesétu-
diés afin d’en relever les particularités. C’est une autre
de ses caractéristiques de chercher à décrire la com-
;_i
plexitéd’unesituationafind’éclairerlesliensmultiples ,;
1”
et dynamiques qui unissent les divers éléments. Sou- pi
venten recherche lesexigencesdecontrôleobligentà li
réduirelenombred’élémentsconsidérés.AvecI’étude II
de cas, on s’efforce de faire l’inverse; on l’utilise pré-
cisément en vue d’entrer sur cette scène de la com-
plexité pour en saisir les éléments et les processus les
plus déterminants.
L’étude de cas consiste donc à rapporter une situation
réelle, prise dans son contexte, et à l’analyser pour
découvrir comment se manifestent et évoluent les phé-
nomènes auxquels le chercheur s’intéresse. Un des
intérêts de l’étude de cas consiste alors à fournir une
situation où l’on peut observer le jeu d’un grand nom- 11
bre de facteurs interagissant ensemble, ce qui permet F$
de rendre compte de la complexité et de la richesse des 11
situations comportant des interactions humaines, et de
faire état des significations que leur attribuent les ac-
teurs concernés.
HUBERMAN et MILES (19911, de même que YIN b/
(19841, traitent l’étude de cas comme une catégorie “1
spécifique. MUCCHIELLI (1991~) pour sa part l’insère
Pparmi les techniques d’analyses situationnelles, ce à ;;,I
quoi “qus souscrivons car, comme l’explique STAKE :,,!
(1994), « le cas est d’un intérêt secondaire ; il joue un 1;
rôle de support, facilitant notre compréhension de F*,
quelque chose d’autre » (p. 237). Le cas sous étude i’i
fournit en fait un site d’observation permettant de dé- /;!
couvrir et de suivre à la trace des processus particuliers, :’
mais il est lui-même accessoire. C’est un prétexte, ou
plutôt une occasioti pour observer, analyser des dyna- ,,
miqurs et en extraire des conclusions susceptibles $
d’enrichir l’univers des connaissances. Ce serait exces- 1.1
sif d’élever ce procédé au rang de méthode de recher- ;
che. Comme le suggère MUCCHIELLI, c’est l’une des ‘1
techniques disponibles pour faire de l’analyse situa- 11,<;
tionnelle.
Recherche en soins infirmiers N” 50 -Septembre 1997
2. RECHERCHE QUALITATIVE
ET RECHERCHE QUANTITATIVE
YIN (1984) explique que l’étude de cas peut servir
autant dans le cadre de recherches quantitatives que de
recherches qualitatives. Lorsqu’utilisée dans un con-
texte de recherches quantitatives, on cherche’à consti-
tuer une sorte d’échantillon de plusieurs cas,qui de-
viennent autant de sujets qui feront Ikhjet de
comparaisons pour faire apparaître les constantes et les
différences entre eux. La logique de ce type de kcher-
che suppose que le traitement des informations pour
chacun des cas aura été fait à partir d’une grille stand-
ardisée, qui rendra les données comparables, avec
moins d’égard pour les éléments originaux qui échap-
peraient à cette grille. Cette approche a entre autres été
utilisée pour comparer les pratiques d’agriculteurs
américains (ROGERS, 1983).
Dans les recherches quantitatives, on est probablement
à la limite de la définition d’une étude de cas. En effet,
le chercheur est moins attentif aux phénomènes spéci-
fiques, évolutifs et complexes de la situation; II met son
observation au service de l’accumulation d’informa-
tions qui pourront ensuite être compilées et comparées.
L’étude de cas constitue alors principalement une stra-
tégie de cueillette et d’organisation des données brutes,
l’analyse devant porter principalement sur les données
agrégées. Dans ces situations, les critères de validité
qui sont appliqués sont ceux de la tradition positiviste,
ce qui peut rendre les choses difficiles car le contrôle
des divers facteurs agissant sur les situations peut s’avé-
rer impossible, la validité de l’échantillon peut être
mise en doute facilement et les possibilités de traite-
ment statistique des données peuvent être limitées.
C’est sans doute dans la pratique de la recherche qua-
litatiwque l’on peut le mieux tirer profit des propriétés
de l’étude de cas. Mentionnons quelques traits distinc-
tifs de la recherche qualitative pour mieux mettre en
lumière la contribution que peut y apporter la techni-
que de l’étude de cas. VAN DE VEN et ROGERS (1988),
se référant à EISENBERG (1986), disent que « la ques-
tion centrale dans la recherche qualitative est la signi-
fication ». MUCCHIELLI (1991) ajoute que «‘cette acti-
vité d’analyse se fait sans grille de lecture a priori des
phénomènes. On recherche des « formes », des « ré-
currences », un « sens global »... Cette n recherche
sans filet » constitue le caractère le plus spécifique des
analyses qualitatives ».
Les méthodes qualitatives se caractérisent par une dé-
marche tantôt inductive (MICCHIELLI, 1991 b), tantôt
déductive ou confirmative (HUBERMAN et MILES,
1991 ; ‘COLLERETTE, 19951, qui cherche à saisir les
phénotiènes réels vécus en situation, avec l’intention
de formuler des théories ou des modèles permettant
d’intwpréter (saisir le sens) des phénomènes, et d’en
prédire éventuellement le cours. La démarche induc-
tive consiste à travailler à partir d’observations tirées
d’utie ou plusieurs situations pour graduellement for-
maliser les données obtenues et évoluer vers une théo-
rie..Elle cherche donc à faire émerger la connaissance
à partir de la réalité. Elle s’utilise principalement dans
les situations où un travail de déblayage sur un sujet
donné n’a pas déjà été réalisé, ou encore pour les cas
où un premier effort de modélisation n’a pas déjà été
fait. La -démarche déductive pour sa part consiste à
passer d’une représentation théorique à une vérifica-
tion sur un cas particulier, pour ensuite revenir sur la
représentation théorique et l’améliorer, et ainsi de
suite. Elle cherche donc à vérifier la qualité d’une
élaboration théorique tout en respectant la complexité
et la fluidité des phénomènes dans leur contexte natu-
rel, et,en tenant compte de leurs significations pour les
acteurs.
L’étude de cas peut emprunter autant la forme induc-
tive que la forme déductive. Elle peut servir à faire
émerger des phénomènes, leur évolution et la significa-
tion qu’ils ont pour les acteurs concernés, tout comme
elle peut servir à vérifier si une élaboration théorique
rend compte adéquatement des phénomènes présents
dans diverses situations.
3. UNE TECHNIQUE SCIENTIFIQUE ?
Lorsqu’elle est utilisée dans le cadre d’une recherche
quantitative, la technique de l’étude de cas doit se
conformer aux exigences de rigueur, de contrôle et de
reproductivité du positivisme scientifique pour que les
résultats.obtenus soient jugés crédibles. Dans le con-
texte, d’une recherche qualitative, la situation est un
peu plus complexe. Comme la tradition scientifique est
dominée par le positivisme, il faut souvent faire une
démonstration serrée de la rigueur de la méthodologie
suivie pour établir la valeur des conclusions tirées. En
plus, il faut faire valoir que la recherche qualitative
s’évalue avec des critères différents de la recherche
quantitative parce qu’elle s’inscrit dans un paradigme
de recherche différent, ayant sa propre épistémologie.
Le positivisme scientifique a créé l’impression large-
ment répandue que l’expérimentation contrôlée cons-
titue la seule véritable méthode de production du sa-
L’ÉTUDE DE CAS AU SERVICE DE LA RECHERCHE
voir (KUHN, 1970), et a du même coup établi une sorte
de nonne dans le milieu de la recherche, voulant que
les méthodes quantitatives soient les seules valides. II
se trouve de plus en plus de spécialistes pour contester
cette croyance (MUCCHIELLI, 1991~ ; ~m4uRhws,
1987 ; MORIN, 1990) et proposer d’autres concep-
tions. Nous n’entrerons pas dans le coeur de ce débat ;
rions nous limiterons à poser comme postulat que I’ac-
cès au savoir peut emprunter des voies diverses, et que
chacune comporte ses facteurs de contingence. Si les
méthodes quantitatives sont particulièrement indi-
quées dans certaines circonstances, les méthodes qua-
litatives le sont tout autant dans d’autres. De surcroît,
dans le domaine des sciences humaines et sociales, les
approches quantitatives et qualitatives peuvent sans
doute cohabiter et se complêter dans un même pro-
gramme de recherche, que ce soit à différents stades
d’une recherche ou pour examiner un objet sous des
angles variés. Ces deux grandes approches relèvent
d’une épistémologie différente et permettent en consé-
quence d’accéder à des ordres de connaissance diffé-
rents, tout aussi réels et importants. L’enjeu n’est pas de
déterminer si l’une ou l’autre est valide, mais bien de
circonscrire leurs criteres de validité à l’intérieur même
de leur paradigme.
Dans le domaine de la recherche qualitative, on ne
peut pas juger de la valeur d’une étude de cas avec des
critères de validité statistique comme on le fait en
recherche quantitative. Comme le dit YIN (19841, et
cette conception est partagée par d’autres auteurs, << les
études de cas, comme les expérimentations, peuvent
être généralisables à des propositions théoriques et non
à des populations ou des univers. En ce sens, l’étude de
cas, comme l’expérience, ne représente pas un échan-
tillon, et le but de l’investigateur est d’enrichir et de
généraliser des théories (généralisation analytique) et
non d’énumérer des fréquences (généralisation statisti-
que) » (p. 21).
STAKE (1994) note que si on aborde l’étude de cas sur
une base de représentativité, son intérêt épistémologi-
que semble faible, mais que si on l’aborde sous un
angle qualitatif, on peut « apprendre des choses impor-
tantes à partir d’à peu près n’importe quel cas. le
potentiel d’apprentissage est un critère différent de la
représentativité et parfois supérieur » fp. 243). Ainsi
une des qualités de l’étude de cas est de fournir des
éléments nouveaux sur un sujet, qui pourront enrichir
ou nuancer une théorie. La question de la représentati-
vité perd alors de son sens au profit de la question de
la qualité du cas lui-même pour l’enrichissement qu’on
peut en tirer dans le processus de construction d’une
théorie (EISENHARDT, 1989). II faut par ailleurs s’assu-
rer que le travail de préparation et d’analyse du cas se
conforme aux exigences de la recherche qualitative
(MUCCHIELLI, i 991 c).
4. À QUOI SERT L’ÉTUDE DE CAS ?
L’étude de cas s’avère particulièrement utile dans les
situations où l’on veut éclairer les comment et les
pourquoi des phénomènes, dans les situations où les
chercheurs ont peu de contrôle sur les événements
étudiés, et dans les situations où l’attention est dirigée
vers des phénomènes contemporains dans un contexte
de vie réelle (YIN, 1984 ; EISENHARDT, 1989 ;
SMELTZER et ZENER, 1992). Comme le dit YIN (1984),
l’étude de cas est appropriée lorsque l’on s’intéresse
davantage aux liens dans le temps qui unissent des
éléments, qu’aux fréquences ou aux incidences, et cela
plus spécialement lorsque les liens sont trop complexes
pour des stratégies d’enquêtes ou des stratégies expéri-
mentales.
L’étude de cas est utile aussi pour tirer des apprentissa-
ges d’événements qui se produisent rarement, comme
par exemple étudier l’efficacité d’une procédure d’ur-
gence pour le personnel infirmier dans le cas d’un
incendie d’un hôpital. C’est une situation très rare qui
se prêterait mal à un traitement par échantillon. Par
contre, une étude attentive d’une reconstitution précise
permettrait d’apprendre des choses fort utiles, ce qui
n’empêcherait pas le recours à des données quantjtati-
ves pour décrire certains aspects de la situation. Etant
par définition réalisée à posteriori l’étude de cas, serait
particulièrement pertinente ici.
On peut également y recourir pour des situations qui
sans être rares, semblent particulièrement riches en
informations. La fameuse étude de cas réalisée par
ALLISON (1971) sur le processus décisionnel ayant
entouré la tentative d’invasion de la Baie de Cochons à
Cuba illustre bien cette utilisation de l’étude de cas. À
titre d’exemple, prenons la question de recherche sui-
vante : comment s’opère le processus décisionnel chez
une infirmière aux prises avec des demandes simulta-
nées de soins provenant de plusieurs patients en état de
trauma ? Cette situation n’est pas vraiment rare. II est
toutefois difficile d’obtenir des informations à son sujet
car il s’agit de processus internes chez l’acteur. La
technique de l’étude de cas, avec la collaboration de
l’acteur, permettrait de reconstituer le processus suivi
pour le scénariser et le documenter. Dans une appro-
che inductive, on pourrait procéder avec plusieurs étu-
des de cas et les comparer pour détecter les récurrences
et établir si une modélisation est possible. Dans une
approche déductive, on pourrait comparer un modèle
prédictif de l’efficacité d’un modèle de prise de déci-
sion, avec les résultats des diverses études de’tas pour
valider ou invalider le modèle, ou encore!6 modifier
en vue de le parfaire.
Quelle approche serait la plus efficace pour une equipe
de soin ayant à transiger avec un patient et sa famille
récemment arrivés du tiers-monde ? Le rec&~rs à une
standardisation a priori serait peu efficace dans une
telle situation. Non seulement on perdrait de vue les
aspects dynamiques de la relation, mais en plus il serait
difficile de rendre compte des significations de la situa-
tion tant pour le personnel infirmier que pour le patient
et sa famille, qui ne partagent pas les mêmes référents
culturels. L’étude de cas, constituée après des entrevue
avec les acteurs en cause et après observation, permet-
trait de mettre en lumière l’évolution de la relation, les
incidents critiques ayant influencé son cours, la contri-
bution des schèmes culturels dans la progression des
interactions, l’influence des attentes respectives à
l’égard des rôles et des statuts, et ainsi de suite. Le
chercheur devrait sans doute constituer plusieurs étu-
des de cas pour enrichir progressivement son modèle
ou encore pour tester celui qu’il aurait préalablement
élaboré.
Complexité des phénomènes, souci pour les processus
évolutifs, recherche des significations pour les acteurs,
reconstitution de scénarios, rareté d’un phénomène,
difficulté à objectiver ou standardiser l’information,
sont autant de motifs qui justifient le recours à l’étude
de cas comme technique de recherche.
Bien que cette technique puisse à première vue sem-
bler facile à utiliser à cause de son aspect anecdotique,
le critère de facilité ne doit pas être celui qui amène à
la choisir. En effet, malgré les apparences, elle est
complexe et demande beaucoup de temps, la narration
elle-même ne représentant qu’une toute petite partie
du travail, bien qu’elle exige une sélection minutieuse
et structurée de l’information.
5. LES TYPES D’ÉTUDES DE CAS
Selon STAKE (19941, on peut classer les études de cas
en trois catégories : intrinsèques, instrumentales et
multiples.
L’étude de cas intrinsèque porte sur un cas ayant un
caractère unique ou très rare, ou encore difficile d’ac-
cès pour la science, et susceptible de permettre de
découvrir des choses qui ne sont pas déjà connues de
la scknce. Par exemple, un médecin étudie les carac-
téristiques d’une maladie rare chez un patient.
L’étude de cas instrumentale traite d’une situation qui
compprte un grand nombre de traits typiques par rap-
port à l’objet d’étude, fournissant une occasion d’étude
à potentiel élevé. Par exemple, une infirmière choisit
d’étudier le processus de récupération post-opératoire
chez un patient pour qui le pronostic était sombre, mais
qui montre une grande détermination à recouvrer ses
capacités. L’auteur a réalisé en 1995 une étude de cas
de type instrumentale dans un établissement pour ma-
lades chroniques ; la situation décrite et analysée a
permis d’examiner dans un même site la plupart des
phénomènes habituellement présents lors d’un effort
de changement dans une organisation. STAKE estime
que l’étude de cas instrumentale est particulièrement
indiquée dans les situations où le chercheur veut illus-
trer des phénomènes préalablement définis dans un
modèle théorique, ce qui était notre cas.
L’étude de cas de type multiple consiste à identifier des
phénomènes récurrents parmi un certain nombre de
situations. Par exemple, une équipe de recherche étu-
die la dynamique interactionnelle de plusieurs familles
qui comptent un jeune enfant atteint d’un cancer.
YIN (1984) aborde les choses sous un angle différent. II
distingue entre des études de cas uniques et des études
de cas multiples. L’étude de cas multiples est du même
type que celle définie par STAKE alors que l’étude de
cas unique quant à elle regroupe les types intrinsèque
et instrumental. L’étude de cas unique suppose une
analyse en profondeur des divers aspects d’une situa-
tion pour en faire apparaître le5 éléments significatifs et
les liens qui les unissent, dans un effort pour saisir la
dynamique particulière de cette situation. Une « raison
qui justifie l’usage d’une étude de cas unique, c’est
lorsqu’elle représente un cas-type permettant de tester
une théorie bien formulée. (...) Pour confirmer, mettre
à l’épreuve ou enrichir la théorie, il peut se trouver un
cas rencontrant toutes les conditions permettant de le
faire. » (YIN, 1984, p. 43). La recherche que l’auteur a
réalisée dans un établissement pour malades chroni-
ques’correspond exactement à cette description ; il a
voulu tester les propositions d’un modèle théorique
préliminaire et les enrichir.
6. COMMENT PRÉPARER
UNE ETUDE DE CAS 1
De façon concrète, on peut distinguer trois grands
stades dans la production d’une étude de cas : I’élabo-
ration du cadre général de la recherche, la cueillette
des informations et la mise en forme du cas, l’analyse
du cas.
Au niveau du cadre général, YIN (1984) estime que le
plan de recherche devrait comporter cinq composantes
indispensables, qui sont typiques d’une recherche qua-
litative bien faite (MUCCHIELLI, 1991~) : une question
de recherche, ses propositions (s’il en est), son (ses)
unité(s) d’analyse, la logique qui relie les données aux
propositions, et les critères pour interpréter les observa-
tions bb (p. 29).
Pour la cueillette de l’information, YIN explique que les
informations requises pour préparer une étude de cas
proviennent habituellement de six sources : des docu-
ments, des archives, des entrevues, l’observation di-
recte, l’observation participante et des objets physi-
ques. Le chercheur doit s’obliger à recourir à plusieurs
sources d’information pour s’assurer d’avoir couvert
l’objet d’analyse sous divers angles (principe de trian-
gulation).
La mise en forme du cas lui-même pose le problème
particulier de la sélection des informations à retenir.
HUBERMAN et MILES (1991) suggèrent de bien clari-
fier le sujet à étudier afin d’être capable de ne retenir
que les informations qui y sont liées. Ils suggèrent aussi
de procéder avec une matrice dont la forme sera con-
Fue pour les besoins spécifiques du cas, permettant
ainsi de bien cibler les caractéristiques que l’on désire
étudier. En d’autres termes, il faut bien définir l’angle
par lequel on veut examiner la situation et structurer la
présentation d’une manière qui rende intelligible le
type de phénomènes auxquels on s’intéresse. Ils expli-
quent que l’on trouve dans une étude de casdeux
niveaux de compréhension. Le premier niveau porte
sur la narration de la situation étudiée dans le cas ; on
devrait pouvoir y suivre aisément l’évolution des évé-
nements et trouver les éléments pertinents pour en
saisir les divers aspects. L’autre niveau, d’un ordre
d’abstraction supérieur, porte sur les significations. II
inclut l’analyse et l’explication du cas ; le lecteur doit
pouvoir saisir les liens de causalité circulaire entre les
évenements qui sont présentés. Traitant plus spécifi-
quement du niveau descriptif et citant BERNARD
(1988), ils disent qu’il s’agit de « rendre des choses
compliquées compréhensibles (...) » (p. 432). Ajoutons
que la narration de la situation et de son évolution doit
être faite à partir du point de vue des acteurs et celui du
narrateur.
En ce qui concerne l’analyse du cas, YIN (1984) expli-
que que l’on peut recourir à une stratégie inductive ou
à une stratégie déductive. La stratégie déductive con-
siste à s’appuyer sur des propositions théoriques à
vérifier : « une des stratégies les plus souhaitables con-
siste à recourir à une logique de “patternmatching”,
Une telle logique compare des phénomènes empiri-
ques avec des phénomènes prédits (ou avec des prédic-
tions alternatives) » (p: 103). La stratégie inductive de
son côté consiste à induire un modèle théorique à partir
des phénomènes récurrents qui apparaissent.
Pour illustrer la démarche de préparation d’une étude
de cas, nous allons utiliser la situation fictive suivante :
une chercheuse en soins infirmiers dans un centre de
cardiologie veut connaître les besoins de soutien du
milieu naturel éprouvés par les personnes ayant survé-
cu à une attaque cardiaque, et elle veut le faire à l’aide
de l’étude de cas.
Pour préparer le cadre de sa recherche :
- elle devrait préciser sa question de recherche ; par
exemple <t dans les trois mois suivant une attaque car-
diaque, quels comportements de la famille immédiate
(conjoint et enfants) du patient lui fournissent un sou-
tien qu’il recherche ? » ;
- elle devrait formuler un cadre théorique et des
propositions. Celles-ci devraient découler d’une revue
de la~littérature sur le sujet et prendre la forme d’hypo-
thèses formelles, ou d’énoncés descriptifs. S’il s’agit
d’un sujet peu documenté, elle devra en faire état, et
alors soit utiliser une approche inductive pour faire
apparaître un premier modèle, soit élaborer un modèle
théorique provisoire dérivé des connaissances traitant
de questions semblables ;
- elle devrait cerner son unité d’analyse, c’est-à-dire
préciser et circonscrire l’objet de son étude. Par exem-
ple, elle étudiera la problématique des hommes mariés
de plus de 40 ans ayant des enfants et qui en sont à leur
premier incident cardiaque. Elle pourrait ici établir si
elle utilisera l’étude de cas unique ou multiple. Imagi-
nons que cette chercheuse aurait choisi l’étude de cas
multiple afin d’avoir accès à diverses variantes sur le
sujet. Elle devra aussi préciser les types d’informations
qu’elle recueillera pour étudier le phénomène ;
- elle devrait expliquer en quoi les informations
qu’elle veut recueillir et analyser sont pertinentes et
suffisantes pour alimenter son sujet d’étude. Elle devrait
à cette occasion déterminer les sources d’informations
qu’elle compte utiliser. II faudrait sûrement qu’elle
conduise des entrevues avec les patients ainsi que
quelques membres de leurs familles. Elle devrait con-
sulter les notes au dossier du médecin traitant pour voir
l’évolution du patient. Elle pourrait observer la dynami-
que familiale afin d’en documenter les éléments parti-
culiers, etc. ;
- elle devrait spécifier les critères qu’elle utilisera
pour analyser les informations recueillies et leur don-
ner un sens,
Imaginons qu’elle a décidé d’étudier six situations dif-
férentes. Elle devrait recueillir les mêmes types.d%for-
mations sur chaque situation pour ensuite rédiger cha-
cune des histoires de cas. Si chacun des casdevrait
rapporter la même sorte d’information, la narration de
chacun devrait par ailleurs faire apparaître les traits
particuliers de chaque situation. En d’autres termes;
chaque cas devrait être écrit pour rendre compte de sa
dynamique propre. Ainsi, la chercheuse devrait rappor-
ter les situations et les événements critiques témoignant
des besoins des patients par rapport à leur famille,
d’une part en décrivant les dynamiques familiales et
d’autre part en montrant leur évolution dans le temps.
Pour être validée, chaque narration devrait être relue
par les acteurs concernés, c’est-à-dire les patients de
même que les membres de leur famille.
Chaque cas devrait ensuite faire l’objet d’une analyse
spécifique. La grille d’analyse devrait contenir les indi-
cateurs identifiés dans le cadre de la recherche et être
la même pour les six cas. II faudrait néanmoins que la
grille autorise l’ajout d’informations nouvelles appa-
raissant en cours d’analyse. Dans le cas d’une appro-
che inductive, l’analyse devrait entre autres servir à
repérer les phénomènes récurrents et leur évolution.
Une façon de faire serait de les quantifier à l’aide d’une
matrice ; une autre serait de les disséquer au fur et à
mesure de leur apparition pour en expliciter le sens et
en saisir les mécanismes. Une fois l’analyse de chaque
cas terminée et les phénomènes dominants isolés, il
resterait à comparer les six analyses pour voir quelles
constances apparaissent, pour ensuite en tirer des pro-
positions théoriques. Une variante consisterait à con-
fronter ces constances avec le modèle préliminaire
déjà élaboré pour en établir la qualité prédictive et
pour le corriger au besoin.
Dans le cas d’une approche déductive, l’analyse de-
vrait comporter une comparaison méthodique des phé-
nomènes apparaissant dans chaque cas avec les propo-
sitions du modèle théorique provisoire afin d’établir
celles qui sont fondées, afin d’enrichir ou de modifier
celles qui le nécessitent, et afin d’en retrancher ou d’en
ajouter pour rendre justice à la situation.
7. QUELQUES RÈGLES
Plusieurs éléments peuvent introduire de la distorsion
aux divers stades de la préparation d’une étude de cas,
et c’est pourquoi le chercheur doit s’imposer des règles
qui garantiront la rigueur de sa démarche,
La prépwation du cas expose le chercheur à une sélec-
tivité inconsciente s’il n’y prête garde. Si la préparation
du cas permet de relever des aspects qui seront source
d’apprentissage, en même temps la sélection et le trai-
tement qui sont faits de l’information sur la situation
découlent déjà d’un apprentissage sur cette situation,
lequel risque de voiler des aspects qui ne sont pas
conformes aux croyances à priori du chercheur. II faut
donc être prudent et s’assurer d’avoir bien rapporté la
situation. telle qu’elle a été vécue par les acteurs con-
cernés.
Pour la préparation du cas, nous proposons trois règles
fondamentales et minimales qui devraient être respec-
tées par le chercheur rigoureux, soucieux d’une rédac-
tion qui respecte la réalité des acteurs. D’une part, le
chercheur doit recourir à la triangulation (ZAMANOU
et GLASER, 1989 ; ZAJC, 1989 ; YIN, 1984 ; HUBER-
MAN et MILES, 1991) et donc utiliser plusieurs sources
d’information. D’autre part, il doit constituer une ban-
que d’informations à laquelle quiconque peut retour-
ner au besoin ; il s’agit d’une sorte de fichier primaire
où sont colligées toutes les notes et données permettant
de remonter aux sources. Enfin, il doit soumettre son
texte à des acteurs avant vécu la situation afin qu’ils
repèrent les erreurs, ‘les biais, et afin qu’ils puissent
enrichir ,des aspects qui seraient négligés
(SCHATZMAN et STRAUSS, 1973 ; HUBERMAN et
MILES, 1991).
En ce qui concerne l’analyse du cas, il n’existe pas
vraiment de méthode formelle et chaque chercheur
doit développer son propre style. Sur le plan des prin-
cipes, on doit se rabattre sur les deux stratégies propo-
sées par YIN. Ainsi dans le cas d’une approche déduc-
tive on doit s’appuyer sur des propositions théoriques à
vérifier en utilisant une logique d’appariement ; on
compare méthodiquement les phénomènes empiriques
avec les phénomènes prédits. Dans le cas d’une appro-
che inductive, on étudie minutieusement les situations
observées pour induire un modèle théorique à partir
des phénomènes récurrents. YIN note que l’on peut
coder les informations recueillies pour en faire un trai-
tement statistique et tenter de faire apparaître des ten-
dances, mais il reconnaît que c’est une approche limi-
tée, qui entre autres fait perdre la perspective globale
du cas, l’une des richesses de la recherche qualitative,
HUBERMAN et MILES (1991) de leur côté suggèrent de
se doter de matrices pour organiser l’information de
façon méthodique et ainsi accroître la rigueur dans
l’analyse ; en fait, c’est un moyen d’éviter d’errer au gré
des fantaisies de l’analyste. Ils recommandent de cons-
truire la grille d’analyse après la rédaction du cas afin
d’éviter le risque d’une trop grande sélectivité a priori
dans la rédaction. Dans une recherche de type déduc-
tive, la grille devrait être assez structurée pour faciliter
l’appariement des informations, mais devrait aussi pré-
voir la possibilité d’ajouter des catégories pour rendre
compte de phénomènes qui n’avaient pas été anticipés.
Dans une recherche de type inductive, la grille devrait
être construite au fur et à mesure que progresse I’ana-
lyse, en regroupant les éléments observés, afin de faire
émerger la théorie graduellement.
Au-delà des moyens eux-mêmes, il faut insister sur
l’importance que le chercheur se dote d’outils d’ana-
lyse qui le contraindront à s’attarder aux éléments
significatifs de la situation, à ne pas négliger des élé-
ments importants, et à ne pas s’écarter des significa-
tions que la situation a pour les acteurs.
Nous reprenons une mise en garde très importante
formulée par YIN (1984). La généralisation, à partir
d’une étude de cas, ne doit pas être automatique :
« une théorie doit être testée par la reproduction des
résultats dans un second et même un troisième voisi-
nage (site) où la théorie est présumée reproduire les
mêmes résultats » (p, 40). En conséquence, lorsque
l’on travaille avec un cas unique pour tester une théo-
rie, il faut éviter une généralisation hâtive. On doit
plutôt considérer le résultat comme un modèle provi-
soire qui demande à être vérifié à nouveau dans d’au-
tres situations avant d’espérer pouvoir le généraliser.
II ne faut pas faire jouer à l’étude de cas le rôle de
révélateur absolu du réel ; c’est une technique qui
permet, par un jeu d’itérations entre la réalité et la
théorie, de formaliser et d’enrichir un modèle théori-
que, et ce n’est qu’après plusieurs applications de ce
modèle, lorsqu’il s’est stabilisé, que l’on peut espérer
proposer une certaine généralisation théorique.
CONCLUSION
Si la technique de l’étude de cas permet de s’approcher
de la fluidité et de la complexité des situations humai-
nes et sociales, il est indispensable qu’elle soit utilisée
de façon très méthodique et très rigoureuse pour pro-
duire des résultats crédibles. C’est là le défi que cette
technique pose au chercheur. S’il sait le relever, il
disposera d’un outil précieux pour produire des con-
naissances nouvelles ou révisées, et c’est un outil qui
présente d’excellentes qualités pédagogiques pour la
diffusion de ces connaissances.
Toutefois, avant de se lancer dans l’aventure d’une
étude de cas, il faut s’assurer d’avoir accès à toutes les
informations requises pour documenter la situation. II
faut aussi savoir faire preuve de persévérance car il
s’agit d’un travail long qui demande beaucoup de mi-
nutie et qui suppose le traitement de beaucoup d’infor-
mation. La cueillette de l’information est exigeante, la
rédaction du cas est une opération délicate et son
analyse demande beaucoup de soin.
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  • 1. ,*z ii’ i? L / ,; 1~’ ‘1 L’ÉTUDE DE CAS AU SERVICE DE LA RECHERCHE ;$j k ! i!/L ,:: il! “1: INTRODUCTION4 L’étude de cas est une méthode largement utilisée pour des fins d’enseienement tant dans les universités sue kr dans les ce”tres”de formation, plus spécialement dans ,3le domaine des sciences administratives. Ce procédé “1 peut aussi être d’un apport précieux en recherche et il 1’; a dë fait été régulièrement utilisé en sociologie, en Iltl anthropologie et en sciences politiques. Cependant, le i:: sujet est relativement peu traité dans la littérature scien- tifique. Cet article propose une revue de l’étude de cas outil de recherche, principalement dans la de la recherche qualitative. ;* 1 1 1. CERNONS LE SUJET Ii !Y: 11 YIN (1984) présente l’étude de cas comme « une en- FJ quête empirique qui étudie un phénomène contempo- ;? rai” dans SO” contexte de vie réelle, où les limites entre 11 le phénomène et le contexte ne sont pas nettement “j évidentes, et dans laquelle des sources d’information i i multiples sont utilisées » (p. 23). LESSARD-HEBERT et al. (1990), s’inspirant entre autres de DE BRUYNE et al., 1 expliquent qu’il s’agit d’un mode d’investigation parti- culièrement ouvert aux caractéristiques du monde réel. STAKE (1994) précise qu’un cas : <g est un système Intégré » ; ses composantes n’ont pas à bien fonction- ner ; elles sont comme on les trouve dans la réalité. id il Au&me”t dit, un cas n’a pas à être un exemple de >., quélque chose ou un modèle à suivre ; c’est d’abord et LT:, avant tout un système comportant ses propres dynami- ‘{ ques qui demandent à être explicitées et qui feront l’objet d’une recherche méthodique. vue sous l’angle de la recherche, l’étude de cas est.« une technique particulière de cueillette, de en forme et de traitement de l’information qui à rendre compte du caractère évolutif et complexe des phénomènes concernant un systPme soci.al comportant ses propres dynamiques » (COL- 1996). C’est l’une des caractéristiques fon- damentalesdecettetechniquedevouloirrendrecomp- te de phénomènes qui se manifestent dans des contex- tes qui évoluent. L’étude de cas cherche alors à faire apparaîtrelatrajectoiresuivieparlesphénomènesétu- diés afin d’en relever les particularités. C’est une autre de ses caractéristiques de chercher à décrire la com- ;_i plexitéd’unesituationafind’éclairerlesliensmultiples ,; 1” et dynamiques qui unissent les divers éléments. Sou- pi venten recherche lesexigencesdecontrôleobligentà li réduirelenombred’élémentsconsidérés.AvecI’étude II de cas, on s’efforce de faire l’inverse; on l’utilise pré- cisément en vue d’entrer sur cette scène de la com- plexité pour en saisir les éléments et les processus les plus déterminants. L’étude de cas consiste donc à rapporter une situation réelle, prise dans son contexte, et à l’analyser pour découvrir comment se manifestent et évoluent les phé- nomènes auxquels le chercheur s’intéresse. Un des intérêts de l’étude de cas consiste alors à fournir une situation où l’on peut observer le jeu d’un grand nom- 11 bre de facteurs interagissant ensemble, ce qui permet F$ de rendre compte de la complexité et de la richesse des 11 situations comportant des interactions humaines, et de faire état des significations que leur attribuent les ac- teurs concernés. HUBERMAN et MILES (19911, de même que YIN b/ (19841, traitent l’étude de cas comme une catégorie “1 spécifique. MUCCHIELLI (1991~) pour sa part l’insère Pparmi les techniques d’analyses situationnelles, ce à ;;,I quoi “qus souscrivons car, comme l’explique STAKE :,,! (1994), « le cas est d’un intérêt secondaire ; il joue un 1; rôle de support, facilitant notre compréhension de F*, quelque chose d’autre » (p. 237). Le cas sous étude i’i fournit en fait un site d’observation permettant de dé- /;! couvrir et de suivre à la trace des processus particuliers, :’ mais il est lui-même accessoire. C’est un prétexte, ou plutôt une occasioti pour observer, analyser des dyna- ,, miqurs et en extraire des conclusions susceptibles $ d’enrichir l’univers des connaissances. Ce serait exces- 1.1 sif d’élever ce procédé au rang de méthode de recher- ; che. Comme le suggère MUCCHIELLI, c’est l’une des ‘1 techniques disponibles pour faire de l’analyse situa- 11,<; tionnelle. Recherche en soins infirmiers N” 50 -Septembre 1997
  • 2. 2. RECHERCHE QUALITATIVE ET RECHERCHE QUANTITATIVE YIN (1984) explique que l’étude de cas peut servir autant dans le cadre de recherches quantitatives que de recherches qualitatives. Lorsqu’utilisée dans un con- texte de recherches quantitatives, on cherche’à consti- tuer une sorte d’échantillon de plusieurs cas,qui de- viennent autant de sujets qui feront Ikhjet de comparaisons pour faire apparaître les constantes et les différences entre eux. La logique de ce type de kcher- che suppose que le traitement des informations pour chacun des cas aura été fait à partir d’une grille stand- ardisée, qui rendra les données comparables, avec moins d’égard pour les éléments originaux qui échap- peraient à cette grille. Cette approche a entre autres été utilisée pour comparer les pratiques d’agriculteurs américains (ROGERS, 1983). Dans les recherches quantitatives, on est probablement à la limite de la définition d’une étude de cas. En effet, le chercheur est moins attentif aux phénomènes spéci- fiques, évolutifs et complexes de la situation; II met son observation au service de l’accumulation d’informa- tions qui pourront ensuite être compilées et comparées. L’étude de cas constitue alors principalement une stra- tégie de cueillette et d’organisation des données brutes, l’analyse devant porter principalement sur les données agrégées. Dans ces situations, les critères de validité qui sont appliqués sont ceux de la tradition positiviste, ce qui peut rendre les choses difficiles car le contrôle des divers facteurs agissant sur les situations peut s’avé- rer impossible, la validité de l’échantillon peut être mise en doute facilement et les possibilités de traite- ment statistique des données peuvent être limitées. C’est sans doute dans la pratique de la recherche qua- litatiwque l’on peut le mieux tirer profit des propriétés de l’étude de cas. Mentionnons quelques traits distinc- tifs de la recherche qualitative pour mieux mettre en lumière la contribution que peut y apporter la techni- que de l’étude de cas. VAN DE VEN et ROGERS (1988), se référant à EISENBERG (1986), disent que « la ques- tion centrale dans la recherche qualitative est la signi- fication ». MUCCHIELLI (1991) ajoute que «‘cette acti- vité d’analyse se fait sans grille de lecture a priori des phénomènes. On recherche des « formes », des « ré- currences », un « sens global »... Cette n recherche sans filet » constitue le caractère le plus spécifique des analyses qualitatives ». Les méthodes qualitatives se caractérisent par une dé- marche tantôt inductive (MICCHIELLI, 1991 b), tantôt déductive ou confirmative (HUBERMAN et MILES, 1991 ; ‘COLLERETTE, 19951, qui cherche à saisir les phénotiènes réels vécus en situation, avec l’intention de formuler des théories ou des modèles permettant d’intwpréter (saisir le sens) des phénomènes, et d’en prédire éventuellement le cours. La démarche induc- tive consiste à travailler à partir d’observations tirées d’utie ou plusieurs situations pour graduellement for- maliser les données obtenues et évoluer vers une théo- rie..Elle cherche donc à faire émerger la connaissance à partir de la réalité. Elle s’utilise principalement dans les situations où un travail de déblayage sur un sujet donné n’a pas déjà été réalisé, ou encore pour les cas où un premier effort de modélisation n’a pas déjà été fait. La -démarche déductive pour sa part consiste à passer d’une représentation théorique à une vérifica- tion sur un cas particulier, pour ensuite revenir sur la représentation théorique et l’améliorer, et ainsi de suite. Elle cherche donc à vérifier la qualité d’une élaboration théorique tout en respectant la complexité et la fluidité des phénomènes dans leur contexte natu- rel, et,en tenant compte de leurs significations pour les acteurs. L’étude de cas peut emprunter autant la forme induc- tive que la forme déductive. Elle peut servir à faire émerger des phénomènes, leur évolution et la significa- tion qu’ils ont pour les acteurs concernés, tout comme elle peut servir à vérifier si une élaboration théorique rend compte adéquatement des phénomènes présents dans diverses situations. 3. UNE TECHNIQUE SCIENTIFIQUE ? Lorsqu’elle est utilisée dans le cadre d’une recherche quantitative, la technique de l’étude de cas doit se conformer aux exigences de rigueur, de contrôle et de reproductivité du positivisme scientifique pour que les résultats.obtenus soient jugés crédibles. Dans le con- texte, d’une recherche qualitative, la situation est un peu plus complexe. Comme la tradition scientifique est dominée par le positivisme, il faut souvent faire une démonstration serrée de la rigueur de la méthodologie suivie pour établir la valeur des conclusions tirées. En plus, il faut faire valoir que la recherche qualitative s’évalue avec des critères différents de la recherche quantitative parce qu’elle s’inscrit dans un paradigme de recherche différent, ayant sa propre épistémologie. Le positivisme scientifique a créé l’impression large- ment répandue que l’expérimentation contrôlée cons- titue la seule véritable méthode de production du sa-
  • 3. L’ÉTUDE DE CAS AU SERVICE DE LA RECHERCHE voir (KUHN, 1970), et a du même coup établi une sorte de nonne dans le milieu de la recherche, voulant que les méthodes quantitatives soient les seules valides. II se trouve de plus en plus de spécialistes pour contester cette croyance (MUCCHIELLI, 1991~ ; ~m4uRhws, 1987 ; MORIN, 1990) et proposer d’autres concep- tions. Nous n’entrerons pas dans le coeur de ce débat ; rions nous limiterons à poser comme postulat que I’ac- cès au savoir peut emprunter des voies diverses, et que chacune comporte ses facteurs de contingence. Si les méthodes quantitatives sont particulièrement indi- quées dans certaines circonstances, les méthodes qua- litatives le sont tout autant dans d’autres. De surcroît, dans le domaine des sciences humaines et sociales, les approches quantitatives et qualitatives peuvent sans doute cohabiter et se complêter dans un même pro- gramme de recherche, que ce soit à différents stades d’une recherche ou pour examiner un objet sous des angles variés. Ces deux grandes approches relèvent d’une épistémologie différente et permettent en consé- quence d’accéder à des ordres de connaissance diffé- rents, tout aussi réels et importants. L’enjeu n’est pas de déterminer si l’une ou l’autre est valide, mais bien de circonscrire leurs criteres de validité à l’intérieur même de leur paradigme. Dans le domaine de la recherche qualitative, on ne peut pas juger de la valeur d’une étude de cas avec des critères de validité statistique comme on le fait en recherche quantitative. Comme le dit YIN (19841, et cette conception est partagée par d’autres auteurs, << les études de cas, comme les expérimentations, peuvent être généralisables à des propositions théoriques et non à des populations ou des univers. En ce sens, l’étude de cas, comme l’expérience, ne représente pas un échan- tillon, et le but de l’investigateur est d’enrichir et de généraliser des théories (généralisation analytique) et non d’énumérer des fréquences (généralisation statisti- que) » (p. 21). STAKE (1994) note que si on aborde l’étude de cas sur une base de représentativité, son intérêt épistémologi- que semble faible, mais que si on l’aborde sous un angle qualitatif, on peut « apprendre des choses impor- tantes à partir d’à peu près n’importe quel cas. le potentiel d’apprentissage est un critère différent de la représentativité et parfois supérieur » fp. 243). Ainsi une des qualités de l’étude de cas est de fournir des éléments nouveaux sur un sujet, qui pourront enrichir ou nuancer une théorie. La question de la représentati- vité perd alors de son sens au profit de la question de la qualité du cas lui-même pour l’enrichissement qu’on peut en tirer dans le processus de construction d’une théorie (EISENHARDT, 1989). II faut par ailleurs s’assu- rer que le travail de préparation et d’analyse du cas se conforme aux exigences de la recherche qualitative (MUCCHIELLI, i 991 c). 4. À QUOI SERT L’ÉTUDE DE CAS ? L’étude de cas s’avère particulièrement utile dans les situations où l’on veut éclairer les comment et les pourquoi des phénomènes, dans les situations où les chercheurs ont peu de contrôle sur les événements étudiés, et dans les situations où l’attention est dirigée vers des phénomènes contemporains dans un contexte de vie réelle (YIN, 1984 ; EISENHARDT, 1989 ; SMELTZER et ZENER, 1992). Comme le dit YIN (1984), l’étude de cas est appropriée lorsque l’on s’intéresse davantage aux liens dans le temps qui unissent des éléments, qu’aux fréquences ou aux incidences, et cela plus spécialement lorsque les liens sont trop complexes pour des stratégies d’enquêtes ou des stratégies expéri- mentales. L’étude de cas est utile aussi pour tirer des apprentissa- ges d’événements qui se produisent rarement, comme par exemple étudier l’efficacité d’une procédure d’ur- gence pour le personnel infirmier dans le cas d’un incendie d’un hôpital. C’est une situation très rare qui se prêterait mal à un traitement par échantillon. Par contre, une étude attentive d’une reconstitution précise permettrait d’apprendre des choses fort utiles, ce qui n’empêcherait pas le recours à des données quantjtati- ves pour décrire certains aspects de la situation. Etant par définition réalisée à posteriori l’étude de cas, serait particulièrement pertinente ici. On peut également y recourir pour des situations qui sans être rares, semblent particulièrement riches en informations. La fameuse étude de cas réalisée par ALLISON (1971) sur le processus décisionnel ayant entouré la tentative d’invasion de la Baie de Cochons à Cuba illustre bien cette utilisation de l’étude de cas. À titre d’exemple, prenons la question de recherche sui- vante : comment s’opère le processus décisionnel chez une infirmière aux prises avec des demandes simulta- nées de soins provenant de plusieurs patients en état de trauma ? Cette situation n’est pas vraiment rare. II est toutefois difficile d’obtenir des informations à son sujet car il s’agit de processus internes chez l’acteur. La technique de l’étude de cas, avec la collaboration de l’acteur, permettrait de reconstituer le processus suivi pour le scénariser et le documenter. Dans une appro- che inductive, on pourrait procéder avec plusieurs étu- des de cas et les comparer pour détecter les récurrences
  • 4. et établir si une modélisation est possible. Dans une approche déductive, on pourrait comparer un modèle prédictif de l’efficacité d’un modèle de prise de déci- sion, avec les résultats des diverses études de’tas pour valider ou invalider le modèle, ou encore!6 modifier en vue de le parfaire. Quelle approche serait la plus efficace pour une equipe de soin ayant à transiger avec un patient et sa famille récemment arrivés du tiers-monde ? Le rec&~rs à une standardisation a priori serait peu efficace dans une telle situation. Non seulement on perdrait de vue les aspects dynamiques de la relation, mais en plus il serait difficile de rendre compte des significations de la situa- tion tant pour le personnel infirmier que pour le patient et sa famille, qui ne partagent pas les mêmes référents culturels. L’étude de cas, constituée après des entrevue avec les acteurs en cause et après observation, permet- trait de mettre en lumière l’évolution de la relation, les incidents critiques ayant influencé son cours, la contri- bution des schèmes culturels dans la progression des interactions, l’influence des attentes respectives à l’égard des rôles et des statuts, et ainsi de suite. Le chercheur devrait sans doute constituer plusieurs étu- des de cas pour enrichir progressivement son modèle ou encore pour tester celui qu’il aurait préalablement élaboré. Complexité des phénomènes, souci pour les processus évolutifs, recherche des significations pour les acteurs, reconstitution de scénarios, rareté d’un phénomène, difficulté à objectiver ou standardiser l’information, sont autant de motifs qui justifient le recours à l’étude de cas comme technique de recherche. Bien que cette technique puisse à première vue sem- bler facile à utiliser à cause de son aspect anecdotique, le critère de facilité ne doit pas être celui qui amène à la choisir. En effet, malgré les apparences, elle est complexe et demande beaucoup de temps, la narration elle-même ne représentant qu’une toute petite partie du travail, bien qu’elle exige une sélection minutieuse et structurée de l’information. 5. LES TYPES D’ÉTUDES DE CAS Selon STAKE (19941, on peut classer les études de cas en trois catégories : intrinsèques, instrumentales et multiples. L’étude de cas intrinsèque porte sur un cas ayant un caractère unique ou très rare, ou encore difficile d’ac- cès pour la science, et susceptible de permettre de découvrir des choses qui ne sont pas déjà connues de la scknce. Par exemple, un médecin étudie les carac- téristiques d’une maladie rare chez un patient. L’étude de cas instrumentale traite d’une situation qui compprte un grand nombre de traits typiques par rap- port à l’objet d’étude, fournissant une occasion d’étude à potentiel élevé. Par exemple, une infirmière choisit d’étudier le processus de récupération post-opératoire chez un patient pour qui le pronostic était sombre, mais qui montre une grande détermination à recouvrer ses capacités. L’auteur a réalisé en 1995 une étude de cas de type instrumentale dans un établissement pour ma- lades chroniques ; la situation décrite et analysée a permis d’examiner dans un même site la plupart des phénomènes habituellement présents lors d’un effort de changement dans une organisation. STAKE estime que l’étude de cas instrumentale est particulièrement indiquée dans les situations où le chercheur veut illus- trer des phénomènes préalablement définis dans un modèle théorique, ce qui était notre cas. L’étude de cas de type multiple consiste à identifier des phénomènes récurrents parmi un certain nombre de situations. Par exemple, une équipe de recherche étu- die la dynamique interactionnelle de plusieurs familles qui comptent un jeune enfant atteint d’un cancer. YIN (1984) aborde les choses sous un angle différent. II distingue entre des études de cas uniques et des études de cas multiples. L’étude de cas multiples est du même type que celle définie par STAKE alors que l’étude de cas unique quant à elle regroupe les types intrinsèque et instrumental. L’étude de cas unique suppose une analyse en profondeur des divers aspects d’une situa- tion pour en faire apparaître le5 éléments significatifs et les liens qui les unissent, dans un effort pour saisir la dynamique particulière de cette situation. Une « raison qui justifie l’usage d’une étude de cas unique, c’est lorsqu’elle représente un cas-type permettant de tester une théorie bien formulée. (...) Pour confirmer, mettre à l’épreuve ou enrichir la théorie, il peut se trouver un cas rencontrant toutes les conditions permettant de le faire. » (YIN, 1984, p. 43). La recherche que l’auteur a réalisée dans un établissement pour malades chroni- ques’correspond exactement à cette description ; il a voulu tester les propositions d’un modèle théorique préliminaire et les enrichir. 6. COMMENT PRÉPARER UNE ETUDE DE CAS 1 De façon concrète, on peut distinguer trois grands stades dans la production d’une étude de cas : I’élabo- ration du cadre général de la recherche, la cueillette
  • 5. des informations et la mise en forme du cas, l’analyse du cas. Au niveau du cadre général, YIN (1984) estime que le plan de recherche devrait comporter cinq composantes indispensables, qui sont typiques d’une recherche qua- litative bien faite (MUCCHIELLI, 1991~) : une question de recherche, ses propositions (s’il en est), son (ses) unité(s) d’analyse, la logique qui relie les données aux propositions, et les critères pour interpréter les observa- tions bb (p. 29). Pour la cueillette de l’information, YIN explique que les informations requises pour préparer une étude de cas proviennent habituellement de six sources : des docu- ments, des archives, des entrevues, l’observation di- recte, l’observation participante et des objets physi- ques. Le chercheur doit s’obliger à recourir à plusieurs sources d’information pour s’assurer d’avoir couvert l’objet d’analyse sous divers angles (principe de trian- gulation). La mise en forme du cas lui-même pose le problème particulier de la sélection des informations à retenir. HUBERMAN et MILES (1991) suggèrent de bien clari- fier le sujet à étudier afin d’être capable de ne retenir que les informations qui y sont liées. Ils suggèrent aussi de procéder avec une matrice dont la forme sera con- Fue pour les besoins spécifiques du cas, permettant ainsi de bien cibler les caractéristiques que l’on désire étudier. En d’autres termes, il faut bien définir l’angle par lequel on veut examiner la situation et structurer la présentation d’une manière qui rende intelligible le type de phénomènes auxquels on s’intéresse. Ils expli- quent que l’on trouve dans une étude de casdeux niveaux de compréhension. Le premier niveau porte sur la narration de la situation étudiée dans le cas ; on devrait pouvoir y suivre aisément l’évolution des évé- nements et trouver les éléments pertinents pour en saisir les divers aspects. L’autre niveau, d’un ordre d’abstraction supérieur, porte sur les significations. II inclut l’analyse et l’explication du cas ; le lecteur doit pouvoir saisir les liens de causalité circulaire entre les évenements qui sont présentés. Traitant plus spécifi- quement du niveau descriptif et citant BERNARD (1988), ils disent qu’il s’agit de « rendre des choses compliquées compréhensibles (...) » (p. 432). Ajoutons que la narration de la situation et de son évolution doit être faite à partir du point de vue des acteurs et celui du narrateur. En ce qui concerne l’analyse du cas, YIN (1984) expli- que que l’on peut recourir à une stratégie inductive ou à une stratégie déductive. La stratégie déductive con- siste à s’appuyer sur des propositions théoriques à vérifier : « une des stratégies les plus souhaitables con- siste à recourir à une logique de “patternmatching”, Une telle logique compare des phénomènes empiri- ques avec des phénomènes prédits (ou avec des prédic- tions alternatives) » (p: 103). La stratégie inductive de son côté consiste à induire un modèle théorique à partir des phénomènes récurrents qui apparaissent. Pour illustrer la démarche de préparation d’une étude de cas, nous allons utiliser la situation fictive suivante : une chercheuse en soins infirmiers dans un centre de cardiologie veut connaître les besoins de soutien du milieu naturel éprouvés par les personnes ayant survé- cu à une attaque cardiaque, et elle veut le faire à l’aide de l’étude de cas. Pour préparer le cadre de sa recherche : - elle devrait préciser sa question de recherche ; par exemple <t dans les trois mois suivant une attaque car- diaque, quels comportements de la famille immédiate (conjoint et enfants) du patient lui fournissent un sou- tien qu’il recherche ? » ; - elle devrait formuler un cadre théorique et des propositions. Celles-ci devraient découler d’une revue de la~littérature sur le sujet et prendre la forme d’hypo- thèses formelles, ou d’énoncés descriptifs. S’il s’agit d’un sujet peu documenté, elle devra en faire état, et alors soit utiliser une approche inductive pour faire apparaître un premier modèle, soit élaborer un modèle théorique provisoire dérivé des connaissances traitant de questions semblables ; - elle devrait cerner son unité d’analyse, c’est-à-dire préciser et circonscrire l’objet de son étude. Par exem- ple, elle étudiera la problématique des hommes mariés de plus de 40 ans ayant des enfants et qui en sont à leur premier incident cardiaque. Elle pourrait ici établir si elle utilisera l’étude de cas unique ou multiple. Imagi- nons que cette chercheuse aurait choisi l’étude de cas multiple afin d’avoir accès à diverses variantes sur le sujet. Elle devra aussi préciser les types d’informations qu’elle recueillera pour étudier le phénomène ; - elle devrait expliquer en quoi les informations qu’elle veut recueillir et analyser sont pertinentes et suffisantes pour alimenter son sujet d’étude. Elle devrait à cette occasion déterminer les sources d’informations qu’elle compte utiliser. II faudrait sûrement qu’elle conduise des entrevues avec les patients ainsi que quelques membres de leurs familles. Elle devrait con- sulter les notes au dossier du médecin traitant pour voir l’évolution du patient. Elle pourrait observer la dynami- que familiale afin d’en documenter les éléments parti- culiers, etc. ;
  • 6. - elle devrait spécifier les critères qu’elle utilisera pour analyser les informations recueillies et leur don- ner un sens, Imaginons qu’elle a décidé d’étudier six situations dif- férentes. Elle devrait recueillir les mêmes types.d%for- mations sur chaque situation pour ensuite rédiger cha- cune des histoires de cas. Si chacun des casdevrait rapporter la même sorte d’information, la narration de chacun devrait par ailleurs faire apparaître les traits particuliers de chaque situation. En d’autres termes; chaque cas devrait être écrit pour rendre compte de sa dynamique propre. Ainsi, la chercheuse devrait rappor- ter les situations et les événements critiques témoignant des besoins des patients par rapport à leur famille, d’une part en décrivant les dynamiques familiales et d’autre part en montrant leur évolution dans le temps. Pour être validée, chaque narration devrait être relue par les acteurs concernés, c’est-à-dire les patients de même que les membres de leur famille. Chaque cas devrait ensuite faire l’objet d’une analyse spécifique. La grille d’analyse devrait contenir les indi- cateurs identifiés dans le cadre de la recherche et être la même pour les six cas. II faudrait néanmoins que la grille autorise l’ajout d’informations nouvelles appa- raissant en cours d’analyse. Dans le cas d’une appro- che inductive, l’analyse devrait entre autres servir à repérer les phénomènes récurrents et leur évolution. Une façon de faire serait de les quantifier à l’aide d’une matrice ; une autre serait de les disséquer au fur et à mesure de leur apparition pour en expliciter le sens et en saisir les mécanismes. Une fois l’analyse de chaque cas terminée et les phénomènes dominants isolés, il resterait à comparer les six analyses pour voir quelles constances apparaissent, pour ensuite en tirer des pro- positions théoriques. Une variante consisterait à con- fronter ces constances avec le modèle préliminaire déjà élaboré pour en établir la qualité prédictive et pour le corriger au besoin. Dans le cas d’une approche déductive, l’analyse de- vrait comporter une comparaison méthodique des phé- nomènes apparaissant dans chaque cas avec les propo- sitions du modèle théorique provisoire afin d’établir celles qui sont fondées, afin d’enrichir ou de modifier celles qui le nécessitent, et afin d’en retrancher ou d’en ajouter pour rendre justice à la situation. 7. QUELQUES RÈGLES Plusieurs éléments peuvent introduire de la distorsion aux divers stades de la préparation d’une étude de cas, et c’est pourquoi le chercheur doit s’imposer des règles qui garantiront la rigueur de sa démarche, La prépwation du cas expose le chercheur à une sélec- tivité inconsciente s’il n’y prête garde. Si la préparation du cas permet de relever des aspects qui seront source d’apprentissage, en même temps la sélection et le trai- tement qui sont faits de l’information sur la situation découlent déjà d’un apprentissage sur cette situation, lequel risque de voiler des aspects qui ne sont pas conformes aux croyances à priori du chercheur. II faut donc être prudent et s’assurer d’avoir bien rapporté la situation. telle qu’elle a été vécue par les acteurs con- cernés. Pour la préparation du cas, nous proposons trois règles fondamentales et minimales qui devraient être respec- tées par le chercheur rigoureux, soucieux d’une rédac- tion qui respecte la réalité des acteurs. D’une part, le chercheur doit recourir à la triangulation (ZAMANOU et GLASER, 1989 ; ZAJC, 1989 ; YIN, 1984 ; HUBER- MAN et MILES, 1991) et donc utiliser plusieurs sources d’information. D’autre part, il doit constituer une ban- que d’informations à laquelle quiconque peut retour- ner au besoin ; il s’agit d’une sorte de fichier primaire où sont colligées toutes les notes et données permettant de remonter aux sources. Enfin, il doit soumettre son texte à des acteurs avant vécu la situation afin qu’ils repèrent les erreurs, ‘les biais, et afin qu’ils puissent enrichir ,des aspects qui seraient négligés (SCHATZMAN et STRAUSS, 1973 ; HUBERMAN et MILES, 1991). En ce qui concerne l’analyse du cas, il n’existe pas vraiment de méthode formelle et chaque chercheur doit développer son propre style. Sur le plan des prin- cipes, on doit se rabattre sur les deux stratégies propo- sées par YIN. Ainsi dans le cas d’une approche déduc- tive on doit s’appuyer sur des propositions théoriques à vérifier en utilisant une logique d’appariement ; on compare méthodiquement les phénomènes empiriques avec les phénomènes prédits. Dans le cas d’une appro- che inductive, on étudie minutieusement les situations observées pour induire un modèle théorique à partir des phénomènes récurrents. YIN note que l’on peut coder les informations recueillies pour en faire un trai- tement statistique et tenter de faire apparaître des ten- dances, mais il reconnaît que c’est une approche limi- tée, qui entre autres fait perdre la perspective globale du cas, l’une des richesses de la recherche qualitative, HUBERMAN et MILES (1991) de leur côté suggèrent de se doter de matrices pour organiser l’information de façon méthodique et ainsi accroître la rigueur dans l’analyse ; en fait, c’est un moyen d’éviter d’errer au gré des fantaisies de l’analyste. Ils recommandent de cons- truire la grille d’analyse après la rédaction du cas afin d’éviter le risque d’une trop grande sélectivité a priori
  • 7. dans la rédaction. Dans une recherche de type déduc- tive, la grille devrait être assez structurée pour faciliter l’appariement des informations, mais devrait aussi pré- voir la possibilité d’ajouter des catégories pour rendre compte de phénomènes qui n’avaient pas été anticipés. Dans une recherche de type inductive, la grille devrait être construite au fur et à mesure que progresse I’ana- lyse, en regroupant les éléments observés, afin de faire émerger la théorie graduellement. Au-delà des moyens eux-mêmes, il faut insister sur l’importance que le chercheur se dote d’outils d’ana- lyse qui le contraindront à s’attarder aux éléments significatifs de la situation, à ne pas négliger des élé- ments importants, et à ne pas s’écarter des significa- tions que la situation a pour les acteurs. Nous reprenons une mise en garde très importante formulée par YIN (1984). La généralisation, à partir d’une étude de cas, ne doit pas être automatique : « une théorie doit être testée par la reproduction des résultats dans un second et même un troisième voisi- nage (site) où la théorie est présumée reproduire les mêmes résultats » (p, 40). En conséquence, lorsque l’on travaille avec un cas unique pour tester une théo- rie, il faut éviter une généralisation hâtive. On doit plutôt considérer le résultat comme un modèle provi- soire qui demande à être vérifié à nouveau dans d’au- tres situations avant d’espérer pouvoir le généraliser. II ne faut pas faire jouer à l’étude de cas le rôle de révélateur absolu du réel ; c’est une technique qui permet, par un jeu d’itérations entre la réalité et la théorie, de formaliser et d’enrichir un modèle théori- que, et ce n’est qu’après plusieurs applications de ce modèle, lorsqu’il s’est stabilisé, que l’on peut espérer proposer une certaine généralisation théorique. CONCLUSION Si la technique de l’étude de cas permet de s’approcher de la fluidité et de la complexité des situations humai- nes et sociales, il est indispensable qu’elle soit utilisée de façon très méthodique et très rigoureuse pour pro- duire des résultats crédibles. C’est là le défi que cette technique pose au chercheur. S’il sait le relever, il disposera d’un outil précieux pour produire des con- naissances nouvelles ou révisées, et c’est un outil qui présente d’excellentes qualités pédagogiques pour la diffusion de ces connaissances. Toutefois, avant de se lancer dans l’aventure d’une étude de cas, il faut s’assurer d’avoir accès à toutes les informations requises pour documenter la situation. II faut aussi savoir faire preuve de persévérance car il s’agit d’un travail long qui demande beaucoup de mi- nutie et qui suppose le traitement de beaucoup d’infor- mation. La cueillette de l’information est exigeante, la rédaction du cas est une opération délicate et son analyse demande beaucoup de soin. BIBLIOGRAPHIE ALLISON (C.T.) (1971). - Essence of Decision : Fx- plaining the Cuban Missile Crisis. Boston, Liffle- Brown. COLLERETTE (P.) (1996). - In Dictionnaire des métho- des qualiratives en sciences humaines et sociales. Sous la direction de Alex Mucchielli. Armand Colin, Paris. COLLERETTE (PJ (1995). - Les enjeux communica- rionnels de /a gestion d ‘un changement dans une organisation. Thèse de doctorat. Montpellier, Universi- té Paul Valéry. DESLAURIERS (J.P.) (1987). - Les méthodes de /a recherche qualitative. Québec, Presses de l’Université du Québec. EISENBERG (E.M.) (1984). - Ambiguity as Strategy in Organizational Communication. CommunicaTion Mo- nographs, Vol. 51, September 1984, p. 227-242. EISENHARDT (R.M.) (1989). - Building Theories from Case Study Research. Academy of Management Re- view, vol. 14, #4, 532-550. HUBERMAN (A.M.), MILES (M.B.) <?991>. -analyse des données qualitatives. Bruxelles, Editions du renou- veau pédagogique. (Traduit par Catherine De Backer et Vivian Lamongie). KUHN (T.S.) (1970). - Jhe Structure of Scientifk Re- volurion. Chicago, University of Chicago Press. LESSARD-HÉBERT CM.), COYETTE CG.), BOUTIN CG.) (1990). - Recherche qualitative : fondements et prati- ques. Montréal, Editions Agence d’Arc. MORIN CE.1 (1990). - Inrroduction à /a pensée com- plexe. Paris, ESF éditeur. MUCCHIELLI (A.) (1991). - Les situations de commu- nication. Éditions Eyrolles.
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