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Mensuel sur l’énergie et l’environnement
S
Mai 2020 N°153
PERSPECTIVES SUR LA
RÉDUCTION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR
AÉRONAUTIQUE
page: 12
DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE:
PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
page: 18
FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE
DÉLICATE DE GO
page: 22
LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
page: 26
NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
page: 30
Chères lectrices, chers lecteurs,
À l’heure du déconfinement pour certains
pays dont le nôtre, les élèves du mastère
OSE se sont attelés à la rédaction d’articles
en faveur de la lutte contre le réchauffe-
ment climatique. Ceux-ci sont à l’image
d’une remise en question de certains choix
de société, nécessaire à la survie de notre
espèce : mieux et moins consommer afin
d’assurer une gestion équitable et durable de ressources
existantes, pour la plupart en quantités limitées.
Le premier article de cette édition est l’occasion de revenir
sur le secteur du transport aéronautique en mettant l’accent
sur les leviers à mettre en œuvre pour réduire son impact
environnemental.
En marge d’un secteur du transport particulièrement ralenti ces
derniers temps, d’autres en revanche font état d’une augmen-
tation constante, liée à la digitalisation de la société. Aussi,
nous évoquerons dans ce numéro l’adéquation de l’utilisation
des centres de stockage de données avec les enjeux de la tran-
sition énergétique.
Étroitement liée à cette dernière, une présentation des garan-
ties d’origine dans le cadre du financement des énergies
renouvelables sera faite afin d’éclairer le lecteur et de mettre
en lumière certaines limites de ce type de mécanisme.
Les deux derniers articles de cet Inf’Ose se focaliseront sur
l’exploitation de deux types de ressources indispensables au
maintien de la vie sur terre, tout en gardant une vision éner-
gétique des sujets traités. Ils présenteront, d’une part, un
état des lieux de la production d’eau potable à l’aide d’eau
de mer, puis, d’autre part, un aperçu de la production agricole
mondiale et un horizon des options possibles pour nourrir les
citoyens de demain.
Outre une agréable lecture, nous souhaitons à chacun de nos
lecteurs une bonne santé en cette période incertaine et vous
donnons rendez-vous au mois de juillet pour notre prochain
numéro !
Emmanuel GASSE MUÑOZ
2 EDITO
ADRESSE E-MAIL
infose@mastere-ose.fr
TELEPHONE
04 97 15 70 73
ADRESSE
Centre de
Mathématiques
Appliquées
Mines Paristech
Rue Claude Daunesse
CS 10 207
06904 Sophia Antipolis
Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj
Maquettiste - Younes Baghdad
Toute reproduction, représentation, traduction
ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle,
quel qu’en soit le procèdé, le support ou le
média, est strictement interdite sans l’autori-
sation des auteurs sauf cas prévus par l’article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
CONTACTS
SOMMAIRE
Actualités Mai 20204
Les énergies renouvelables face au COVID-19 	 4
Vers une relance verte de l’économie ? 	 5
La production solaire pendant le confinement	 6
Les estimations de l’AIE sur la consommation
énergétique en 2020  7
La Stratégie énergie-climat française pour 2028  8
En route pour la neutralité carbone en 2050 du groupe
Total  10
Perspectives sur la réduction des
impacts environnementaux du
secteur aéronautique12
Data Centers VS transition énergé-
tique: plutôt « high-tech » ou « low-
tech » ? Focus sur le cas de l’Irlande18
Financement des renouvelables :
Une affaire délicate de GO 22
La Terre, son eau et nos besoins26
Nourrir l’humanité en 205030
3SOMMAIRE
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
4 ACTUALITÉS MAI 2020
Les énergies renouvelables face au COVID-19
L
a propagation du COVID-19 et la mise en place des mesures de confinement ont fortement
impacté le secteur énergétique. Toutes les filières ont été concernées et les énergies renouv-
elables n’ont pas été épargnées. En effet, bien que la production d’électricité renouvelable
ait augmenté d’environ 3% par rapport au premier trimestre 2019 [1], [2], les nouvelles prévisions
récemment publiées par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) indiquent pourtant un ralen-
tissement en 2020 [3].
Selon cette étude, on assistera pour la première fois depuis l’année 2000 à une baisse des installa-
tions de capacités de production d’électricité renouvelable (-13% par rapport à 2019), prévision bien
différente de celle faite avant la propagation du virus, qui voyait 2020 comme une année record pour
le développement de cette filière. Le ralentissement résulte notamment du rallongement des délais de
construction des sites de production à cause des mesures de confinement, mais également des blocages
financiers. Une reprise est prévue en 2021, mais la croissance combinée de 2020 et 2021 pourrait
tout de même être 10%
plus faible que celle
prévue par l’AIE avant la
crise [3].
À la suite de la publication
de ces résultats, un appel
a été lancé par le directeur
de l’AIE, Fatih Birol, pour
le soutien des énergies
renouvelables après la crise
: « Avant que la pandémie
de COVID-19 ne frappe, le
monde devait absolument
accélérer, et ce significative-
ment, le déploiement des
renouvelables pour avoir
une chance d’atteindre ses
objectifs énergétiques et climatiques. […] Avec les extraordinaires défis sanitaires et économiques d’aujourd’hui,
les gouvernements ne doivent pas perdre de vue cette tâche essentielle de transition vers une énergie propre,
pour nous permettre de sortir de cette crise sur une voie sûre et durable » [4].
Actualités Mai 2020
Amala SIVARAMOU  Giulia GRAZIOLI
Figure 1 : prévisions d’installation de capacités d’énergie renouvelable
(Source : AIE)
Sources :
[1]	 IEA, ‘Global Energy Review 2020’, Apr. 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2020.
[2]	P. Mouterde, ‘La résilience des énergies renouvelables à l’épreuve du coronavirus’, mai 2020.
[3]	 IEA, ‘Renewable energy market update’, May 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/
renewable-energy-market-update.
[4]	 Le Figaro - AFP, ‘L’AIE appelle à placer les énergies renouvelables au coeur des plans de relance’, mai 2020.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
5ACTUALITÉS MAI 2020
Vers une relance verte de l’économie ?
S
uite au ralentissement de l’activité économique par la pandémie du COVID-19, 92 entreprises
françaises dont LVMH, BNP Paribas, Air France-KLM, Engie, Thales et Airbus, membres de
l’association Entreprises Pour l’Environnement (EPE), ont signé une tribune dans Le Monde
pour appeler à une relance « verte » de l’activité économique axée sur l’économie circulaire[1].
Plusieurs leviers d’actions ont été mentionnés dans cette tribune. Un des principaux objectifs
d’après crise est d’avancer vers une économie décarbonée et de soutenir les secteurs contribuant
à la préservation de l’environnement[2] tels que : la rénovation énergétique des logements et
bâtiments, le développement de mobilités décarbonées, l’expansion et le stockage des énergies
renouvelables et décarbonées.
Cette crise sanitaire a mis en avant la faiblesse des chaînes de valeur mondialisée et les signataires
appellent au développement d’une économie circulaire et à une alimentation durable et locale.
La réalisation de ces objectifs doit passer par plusieurs efforts : une prise de conscience collec-
tive, des transformations plus profondes dans les façons de produire et les modèles d’affaires, de
Figure 1 : Paris La Défense [3]
nouvelles manières de consommer et des changements de modes de vie ainsi qu’une refonte ver-
tueuse des rapports à l’environnement afin de voir des résultats sur le long terme[2].
Perspectives et ambitions ont été lancées mais quelles seront les actions qui permettront de rée-
llement mettre en place une relance respectueuse de l’environnement ?
La production solaire pendant le confinement
L
e faible usage des véhicules,
le quasi-arrêt des usines et
des vols, lors de la période
de confinement suite à la crise
sanitaire du COVID-19, a permis
d’améliorer drastiquement la
qualité de l’air et de réduire la
pollution atmosphérique.
Cet environnement plus sain et
plus propre a contribué à des
records de production solaire
dans plusieurs pays européens
: l’Espagne, l’Allemagne et le
Royaume-Uni[1].
Le Royaume-Uni a enregistré une baisse de 25% de dioxyde d’azote dans l’air, voire 50% dans les
régions les plus polluées. Ceci a permis à la production solaire du pays d’atteindre 9,7 GW[2] pour
des températures moyennes assez basses (14°C), même plus faibles que la température moyenne
habituelle du fait de la pollution. Cette situation inédite a permis au Royaume-Uni de ne pas uti-
liser de charbon pour satisfaire ses besoins énergétiques durant deux semaines.
Sources :
[1]	 Le Point, « Coronavirus : 92 grands patrons français militent pour une relance « verte » », Le Point, mai 04, 2020. https://
www.lepoint.fr/economie/coronavirus-92-grands-patrons-francais-militent-pour-une-relance-verte-04-05-2020-2374011_28.php (con-
sulté le mai 22, 2020).
[2]	M. ROOSEN, « BNP, Engie, Air France… 90 entreprises s’engagent pour une reprise green », L’ADN, mai 05, 2020.
https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/marques-engagees/90-entreprises-sengagent-pour-une-reprise-ecologique/ (consulté le
mai 22, 2020).
[3]	 allo18-lemag, « PARIS - LA DÉFENSE : La sécurité en priorité ». https://allo18-lemag.fr/paris-la-defense-la-securite-en-pri-
orite/ (consulté le mai 22, 2020).
Figure 1 : Le plus grand parc solaire allemand à Lieberose [3]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
6 ACTUALITÉS MAI 2020
L’Allemagne et l’Espagne ont également assisté à des phénomènes similaires avec des records de
production solaire atteignant respectivement 32 GW et 6,3 GW[2].
La pollution de l’air a des conséquences néfastes sur le rendement des panneaux photovoltaïques.
En effet, elle bloque une partie des rayonnements et contribue à la dégradation du matériel. A titre
d’exemple, selon une étude réalisée sur la production solaire chinoise, la pollution de l’air a pro-
voqué une perte de production de l’ordre de 11 à 15% entre 1960 et 2015[2].
Outre un instant de répit pour la nature, cette période de confinement aura permis de récupérer
davantage d’énergie de notre belle étoile !
Sources :
[1]	B. Théry, « La baisse de la pollution booste-t-elle la production solaire en Europe ? », Clubic.com, avr. 23, 2020. https://
www.clubic.com/energie-renouvelable/actualite-892506-baisse-pollution-booste-production-solaire-europe.html (consulté le mai 22,
2020).
[2]	 L’Actualité du Solaire, « La pandémie améliore l’atmosphère et augmente la production solaire ». https://www.actu-solaire.
fr/a-12219-la-pandemie-ameliore-latmosphere-et-augmente-la-production-solaire.html (consulté le mai 22, 2020).
[3]	 L’Usine Nouvelle, « Comment les énergies renouvelables sont devenues la principale source d’électricité en Allemagne -
Infos Reuters », janv. 2019, Consulté le: mai 22, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.usinenouvelle.com/article/comment-
les-energies-renouvelables-sont-devenues-la-principale-source-d-electricite-en-allemagne.N788519.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
7ACTUALITÉS MAI 2020
Les estimations de l’AIE sur la consommation énergétique en 2020
E
n cette fin de confinement, il est temps pour le système énergétique de rendre des comptes.
À cet égard, une étude quantifiant les effets de l’épidémie du COVID-19 sur les consomma-
tions énergétiques a été publiée le 30 avril dernier par l’Agence Internationale de l’Energie
(AIE) [1].
L’Agence décrit cette période comme le « plus grand choc depuis plus de sept décennies » pour
le système énergétique mondial [2]. En effet, la baisse de la consommation tout secteur confondu
(-3,8% au premier trimestre 2020 par rapport à celui du 2019 [1]) qui a accompagné le confinement
a fortement impacté le secteur énergétique.
Selon l’étude, la filière la plus touchée a été le charbon, avec une baisse de consommation de 8%
par rapport au premier semestre 2019 notamment à cause de la réduction des consommations en
Chine, pays qui compte pour plus de la moitié de la demande mondiale de ce combustible [2]. La
demande de pétrole a également connu une période de crise extrême. La baisse des consomma-
tions pour cette filière a été de 5%, avec une réduction importante dans les secteurs du transport
routier et de l’aviation (respectivement 50% et 60% par rapport à 2019). Les effets du COVID-19
Sources :
[1]	 IEA, ‘Global Energy Review 2020’, Apr. 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2020.
[2]	 Connaissances des énergies, ‘Covid-19 : les estimations de l’AIE sur la consommation énergétique en 2020’, mai 2020.
[3]	J. Spaes, ‘Covid-19 : un choc historique pour le système énergétique mondial (AIE)’, avril 2020.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
8 ACTUALITÉS MAI 2020
sont un peu plus modérés pour le gaz, avec une chute des consommations d’environ 2%, et le
nucléaire (3%). Seules les filières renouvelables ont vu leur demande augmenter, principalement
du fait de leur injection prioritaire sur le réseau et les faibles coûts de fonctionnement. Le bilan
est cependant bien différent pour les énergies renouvelables non-électriques, notamment pour les
biocarburants.
Les impacts sur la totalité de l’année
2020 pourraient être encore plus forts.
En effet, l’étude prévoit une baisse
totale des consommations énergétiques
mondiales de 6%, avec des effets
importants surtout sur la consomma-
tion de charbon et de pétrole (respec-
tivement une baisse de près de 8 et
9% par rapport à 2019); la production
nucléaire pourrait quant à elle chuter
de 3% en 2020 [2]. Une augmentation de
la demande est prévue seulement pour
les renouvelables.
Pourtant, l’AIE reste tout de même prudente dans ses conclusions : « Il est encore trop tôt
pour déterminer les impacts à long terme, mais l’industrie énergétique qui sortira de cette
crise sera sensiblement différente de celle qui l’a précédée » [3].
Figure 1 : Prévision de variation de la demande d’énergie
primaire pour 2020 par rapport à 2019 (Source : AIE)
La Stratégie énergie-climat française pour 2028
S
’interroger sur la transition énergétique aujourd’hui demande de repenser le mix énergé-
tique, le développement des énergies renouvelables, la réduction des émissions de gaz à effet
de serre, etc. Deux décrets relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en
France métropolitaine continentale et à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été publiés
le 23 avril 2020 au Journal Officiel[1]. Ces deux textes redéfinissent les ambitions de la France pour
atteindre les objectifs de sa stratégie énergie-climat.
Le décret relatif à la PPE définit les orientations énergétiques et les priorités d’actions de la France
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
9ACTUALITÉS MAI 2020
pour la période 2019-2028. Cette programmation repose sur six objectifs principaux à horizon
2028[2].
Introduite par la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) suite aux engage-
ments pris lors des accords de Paris en 2015, la Stratégie Nationale Bas Carbone est la feuille de
route française présentant les différentes orientations pour atteindre les objectifs de réduction
des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés dans tous les secteurs d’activités. Elle a deux
ambitions principales : l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 et la diminution significative
de l’empreinte carbone des français.
Pour cela, elle fixe à court terme des plafonds d’émissions à ne pas dépasser sur des périodes
Figure 1 : Principaux objectifs du décret relatif à la PPE en France à horizon 2028 [2]
Figure 2 : Évolution des budgets carbone tous secteurs SNBC[2]
Sources :
[1]	 Connaissances des énergies, « Stratégie énergie-climat de la France : la PPE et la SNBC enfin publiées », avr. 23, 2020.
https://www.connaissancedesenergies.org/la-strategie-energie-climat-de-la-france-enfin-publiee-200423-0 (consulté le mai 22,
2020).
[2]	 Vie publique.fr, « PPE, SNBC : la nouvelle stratégie énergie-climat de la France pour 2028 », mai 04, 2020. https://vie-pub-
lique.fr/en-bref/274237-ppe-snbc-la-nouvelle-strategie-energie-climat-de-la-france-pour-2028 (consulté le mai 22, 2020).
[3]	 L’Actualité du Solaire, « Deux décrets parus : sur la PPE et sur le SNBC », avr. 26, 2020. https://www.actu-solaire.fr/a-
12232-deux-decrets-parus-sur-la-ppe-et-sur-le-snbc.html (consulté le mai 22, 2020).
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
10 ACTUALITÉS MAI 2020
de cinq ans appelés « budgets carbone »[3]. Dans cette nouvelle version de la SNBC, ces budgets
carbone ont été réévalués à la hausse.
Ces deux feuilles de route, la SNBC et la PPE , ne sont pas encore figées et sont amenées à évoluer
pour intégrer les objectifs européens en matière de réduction des émissions de GES d’ici 2030
(“Green Deal”) ou encore les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat (groupe
composé de 150 citoyens).
En route pour la neutralité carbone en 2050 du groupe Total
E
n janvier 2020, quinze collectivités locales et cinq associations de défense de l’environnement
ont assigné Total en justice pour non-conformité à la loi de 2017 sur le devoir de vigilance
des grandes entreprises en demandant au groupe de prendre des mesures concrètes pour
prévenir le réchauffement climatique[1].
Le groupe pétrolier français a annoncé en ce début de mois de mai son ambition d’atteindre la neu-
tralité carbone d’ici 2050 pour l’ensemble de ses activités mondiales depuis la production jusqu’à
l’utilisation par ses clients de ses produits énergétiques vendus [2].
Total annonce trois axes majeurs pour atteindre la neutralité carbone1
[4]:
1.	 Objectif de neutralité carbone (Net Zéro Emissions) pour les opérations mondiales de Total
en 2050 ou avant
2.	 Engagement de neutralité carbone (Net Zéro Emissions) en Europe pour l’ensemble de sa
production et des produits énergétiques de Total utilisés par ses clients en 2050 ou avant
3.	 Ambition de réduction de 60% ou plus de l’intensité carbone moyenne des produits énergé-
1	 « La neutralité carbone consiste à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique,
qu’on ne peut en absorber via par exemple les forêts, les sols ou les océans »[3].
Sources :
[1]	 Les Echos, « Réchauffement climatique : Total assigné en justice par des collectivités locales », Les Echos, janv. 28, 2020.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/rechauffement-climatique-total-assigne-en-justice-par-des-collec-
tivites-locales-1166991 (consulté le mai 22, 2020).
[2]	 L’Actualité du Solaire, « Total veut parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 ». https://www.actu-solaire.fr/a-12360-total-
veut-parvenir-a-la-neutralite-carbone-dici-2050.html (consulté le mai 22, 2020).
[3]	 Connaissances des énergies, « La « neutralité carbone », un objectif ambitieux pour limiter le réchauffement climatique
», déc. 12, 2019. https://www.connaissancedesenergies.org/afp/la-neutralite-carbone-un-objectif-ambitieux-pour-limiter-le-change-
ment-climatique-191212-0 (consulté le mai 26, 2020).
[4]	 Total, « Total se dote d’une nouvelle Ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 », Total.com.
https://www.total.com/fr/medias/actualite/total-se-dote-dune-nouvelle-ambition-climat-pour-atteindre-la-neutralite-carbone (consulté
le mai 22, 2020).
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
11ACTUALITÉS MAI 2020
tiques de Total utili-
sés dans le monde par
ses clients d’ici 2050
(moins de 27,5 gCO2
/
MJ) avec des étapes
intermédiaires de 15%
en 2030 et de 35% en
2040
C e t t e t r a j e c t o i r e
s’intègre dans la stra-
tégie de l’entreprise
qui souhaite devenir
un groupe multi-énergies, avec du pétrole et du gaz, de l’électricité bas-carbone et des solutions
de neutralité carbone[4].
Figure 1 : Nouvelle ambition du groupe Total [Twitter Groupe Total]
Perspectives sur la réduction des
impacts environnementaux du
secteur aéronautique
L
a crise sanitaire que traverse le monde
actuellement est sans doute le sujet le plus
commenté de ces derniers mois. Nous avons
donc décidé d’apporter une pierre à l’édifice en
participant au débat, mais de quelle manière ?
Sans occulter et en laissant le soin aux médias
adéquats de commenter le préjudice économique
et humain que cette crise a fait subir à de nom-
breuses familles à travers le monde, notre con-
tribution à ce débat sera tout autre. Elle aura
pour but de mettre en lumière et commenter les
perspectives énergétiques et environnementa-
les que cette crise a laissé entrevoir.
En effet, depuis le mois de février, plusieurs
secteurs ont vu leurs activités en constante
baisse. C’est le cas notamment du secteur aérien
(et si l’on regarde un peu plus loin, le secteur
du tourisme) qui a accusé sur le seul mois de
février une baisse d’activité mondiale d’environ
14 % par rapport à son activité normale. Selon
l’IATA1
, « Il s’agit de la plus forte baisse du trafic
depuis le 11-Septembre »[1]. Pour de nombreux
opérateurs du secteur, cette baisse d’activité
s’évalue en pertes financières et/ou en réduc-
tion de personnel pour limiter les dégâts, mais,
vu sous un autre angle, elle apparaît comme un
soulagement non seulement pour l’atmosphère
qui voit les émissions de CO2 liées au trafic
aérien réduites, mais aussi pour les riverains
des différents aéroports qui auront profité de
la réduction des nuisances sonores provoquées
1	 Association Internationale du Transport Aérien
par le passage des avions.
Le secteur de l’aviation représente aujourd’hui
environ 2 % des émissions mondiales de CO2[2].
Le transport aérien intérieur français, pour sa
part, constitue environ 1% des émissions fran-
çaises. Malgré la volonté affichée par les acteurs
du secteur de maîtriser les émissions de CO2
imputées à l’aviation, les projections de crois-
sance2
du trafic aérien dans les années à venir
contrastent avec les objectifs de réduction des
émissions de CO2 du secteur. Cela nous amène
à nous interroger sur la manière dont le secteur
« envisage sa décarbonation ».
Après plusieurs années de négociations entre les
différentes parties prenantes, l’Organisation de
l’Aviation Civile Internationale (OACI) a mis en
œuvre une stratégie qui a pour objectif la sta-
bilisation, au fil des années, des émissions de
CO2 de l’aviation mondiale au niveau qu’elles
atteindront en 2020. Bien qu’il soit utopique de
prétendre à un maintien du niveau actuel3
des
émissions du secteur, cette crise pourrait servir
d’impulsion au déploiement du plan élaboré par
l’OACI. En l’état actuel des choses, la crise actu-
elle constituera un test de la robustesse des
mesures mises en place par l’OACI, à travers
sa stratégie, et de la volonté réelle des états
à converger vers les objectifs de réduction des
émissions.
2	 5 % par an
3	 Niveau constaté du fait de la crise sanitaire
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
12 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
L’atteinte de l’objectif de croissance neutre en
carbone à partir de 20204
retenue par l’OACI
s’articule autour de quatre leviers qui, pour
être efficaces, doivent simultanément être
actionnés. Les moyens d’action constituant ce
panier de mesures sont :
-	 L e s p r o g r è s t e c h n o l o g i q u e s p o u r
l’amélioration de la performance environnemen-
tale des avions
-	 L’optimisation opérationnelle de la nav-
igation aérienne
-	 Le développement et le déploiement des
biocarburants aéronautiques
-	 La mise en œuvre de mesures économiques
visant à inciter à la sobriété énergétique. En
l’occurrence le CORSIA5
, qui est un mécanisme
de compensation des émissions de CO2 dues à
l’aviation.
4	 Carbon neutral growth 2020
5	 Carbon Offset-ting and Reduction Scheme for Interna-
tional Aviation
La mise en application de telles mesures pour
la réduction des émissions de CO2 d’un secteur
qui dispose de peu d’alternatives énergétiques
passera non seulement par la mobilisation des
différents acteurs mais aussi par les avancées
techniques et technologiques de certains dis-
positifs. C’est le cas notamment des biocar-
burants aéronautiques6
qui représentent l’un
des principaux piliers autour duquel s’articule
ce plan d’action. Ces carburants sont utilisés
en mélange avec le kérosène fossile. Certains
sont incorporables jusqu’à hauteur de 50%.
Toutefois, il convient de noter que l’utilisation
de ces biocarburants n’induit aucune modifi-
cation technique ou structurelle sur les appa-
reils ou les infrastructures aéroportuaires.
Pour être conforme à l’usage sur un vol, les
« Biojets » font l’objet d’une certification par
l’ASTM7
qui s’assure que ces derniers répon-
dent à des caractéristiques techniques par-
ticulières pour garantir un niveau optimal de
sécurité des passagers pendant les trajets. À
l’heure actuelle, seuls six biocarburants aéro-
nautiques sont certifiés par l’ASTM.8
6	 Biokérosène ou encore biojet
7	 American Society for Testing Material
8	 Le TRL « technology readiness level » ou « niveau de
maturité technologique » en français est un système de mesure
employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie.
L’échelle d’évaluation s’étend de 1 (correspondant au premier
niveau) à 9 (correspondant au dernier niveau).
Figure 1 : Les technologies biocarburants aéronautiques certifiées ASTM en juin 2018 (Source : [3])
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
13PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
Figure 1 (suite): Les technologies biocarburants aéronautiques certifiées ASTM en juin 2018 (Source : [3])
On estimait, entre 2011 et fin 2017, à plus de
45 000 les vols commerciaux réalisés de manière
expérimentale à partir du biokérosène[4]. En
dépit des avancées considérables réalisées
ces dernières années sur les mécanismes de
synthèse et des effor ts de recherches dans
le domaine, le prix de revient des biocarbu-
rants aéronautiques reste plus élevé9
que
celui du carburant d’origine fossile[2]. À titre
d’illustration, le coût de la tonne de CO2 évitée
par l’incorporation de biocarburants est estimé
à 230 € [2], alors que le prix de la taxe carbone
peine à franchir la barre de 100 €/t [5]. En effet,
les biocarburants (en fonction de la source de
9	 Environ deux fois
la biomasse d’entrée) permettent d’éviter sur
l’ensemble de leur cycle de vie jusqu’à 80%
de CO2 par rapport au kérosène convention-
nel10
. Tout comme le kérosène fossile, le bio-
kérosène émet du CO2 dans ses phases de pro-
duction et d’usage. L’essentiel des émissions
évitées provient principalement du CO2 capté
dans l’atmosphère par la biomasse qui a servi
à la synthèse du Biojet au cours de sa vie.
L a re n t a b i l i t é é c o n o m i q u e d e l a f i l i è re
représente le principal frein à l’utilisation
massive du biokérosène. Le challenge pour les
différentes parties est de repenser le modèle
économique d’un tel dispositif pour assurer la
viabilité économique de l’ensemble des acteurs
de la filière. Cela passerait inévitablement
par la multiplication de la RD (Recherche et
Développement) sur les procédés de produc-
tion de biocarburants pour réduire les OPEX11
et
par l’optimisation de la chaîne logistique pour
minimiser les dépenses et surtout éviter de
générer encore plus CO2 sur le cycle de vie des
produits. À côté de cela, subsiste la question
centrale des ressources d’approvisionnement
de la filière, leurs origines, leurs durabilités
au sens environnemental et socio-économique,
notamment avec d’éventuelles substitutions
10	 À volume égal
11	 « Operating Expenditures » ou « dépenses
d’exploitation » en français, correspondent aux charges couran-
tes d’exploitation un produit, une entreprise, ou un système.
Figure 2 : Réduction comparée des émissions sur
la totalité du cycle de vie de différentes biomasses
s u i v a n t d i f f é r e n t s p r o c é d é s d e p r o d u c t i o n
(Source : [6])
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
14 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
d’usages. Autant de questions qui méritent
d’être prises en compte dans l’élaboration des
politiques nationales en la matière.
Outre le développement des technologies de
production du biokérosène, l’amélioration
des aéronefs constitue le second volet tech-
nologique de la stratégie de réduction des
émissions du secteur. Le but étant d’obtenir
des appareils consommant de moins en moins
de carburant pour leurs trajets. L’objectif à
l’horizon 2030 est de réduire leurs consom-
mations énergétiques de 10% par rapport à la
consommation actuelle.
Si l’on s’intéresse à présent au dispositif
CORSIA, toutes les émissions de CO2 dépassant
le niveau cible des émissions12
seront compen-
sées par l’acquisition de crédits de réduction
des émissions de CO2. Pour ce faire, l’OACI
avec le concours de ses états membres, entend
mettre en place un mécanisme (MRV13
) de suivi
et de vérification des émissions qui serait
applicable à l’ensemble de ses adhérents. Le
calcul des émissions se fera chaque année sur
toutes les routes aériennes entre deux États
participant au dispositif. Les émissions de CO2
mesurées sur ces routes à une année donnée
12	 Celui qui sera atteint à la fin de l’année 2020
13	 Monitoring Reporting Verification
seront comparées à celles de 2020 sur ces
mêmes routes. La mise en œuvre de ce
mécanisme d’évaluation des émissions se fera
en deux grandes phases :
-	 De 2021 à 2026 : sur cette période,
l’adhésion au dispositif se fera sur la base du
volontariat.
-	 A partir de 2027 : le dispositif s’étendra
à l’ensemble des membres de l’organisation,
excepté un certain nombre d’États. Il s’agit
principalement des États insulaires et/ou des
pays participant très peu ou faiblement au
trafic aérien.
Pour la phase de lancement,
70 États se sont portés volo-
ntaires à l’application du
dispositif CORSIA. Ces pays
représentent près de 88% de
l’activité aérienne internatio-
nale (voir Figure 4).
Sur le plan national, le déploi-
e m e n t d e s b i o c a r b u r a n t s
aéronautiques est en cohérence avec la SNBC
(Stratégie Nationale Bas-Carbone) qui fixe un
objectif de substitution du kérosène fossile
par des biocarburants de 50% en 2050 [9]. Pour
jalonner cet objectif, la France, à travers ses
différents ministères14
, a défini une feuille de
route qui précise son ambition et sa straté-
gie pour promouvoir le développement du bio-
kérosène dès 202515
. Certains acteurs indus-
triels français sont d’ores et déjà position-
nés sur la chaîne de production. C’est le cas
de Total avec sa plateforme de raffinage de
14	 Ministères de la transition écologique et solidaire,
ministères de l’économie et de l’agriculture
15	 Substitution du kérosène fossile à hauteur de 2% en
2025 et de 5% en 2030
Figure 3 : Evolution de la consommation de carburant des différentes
générations d’avions de 1970 à 2030 (Source : [7])
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
15PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
la Mède. D’autres pays européens, à l’instar
du Royaume-Uni, mettent en place des straté-
gies nationales de promotion de ces biocar-
burants. Le gouvernement britannique prévoit
la construction de 14 sites de production d’ici
2035. L’objectif étant de fournir l’équivalent
de 30 % des besoins de l’aviation britannique
en 2050 [10].
De nombreux pays semblent concernés par la
problématique environnementale liée aux émis-
sions CO2 du secteur aérien. Cependant, les
moyens mis en place, bien que louables, restent
en deçà de l’importance d’un tel enjeu clima-
tique global. Une stratégie à la hauteur de ces
enjeux se doit d’être forte et résiliente. Cela se
caractérise par la mise en place de mesures qui
favoriseraient l’atteinte de la neutralité carbone
par la réduction des émissions directes. En tout
état de cause, les mécanismes de compensa-
tion ne doivent en aucun cas éclipser la pro-
blématique centrale de diminution en absolu
des émissions de CO2, et cela concerne égale-
ment les autres secteurs d’activités. En fin de
compte, cette crise sanitaire, au-delà de ses
méfaits, aura permis d’ouvrir le champ des pos-
sibles que nous nous devons d’élargir. Cela ne
se fera qu’à travers une prise de conscience
collective de l’urgence climatique. Nous avons
le devoir en tant qu’individu d’inciter les entre-
prises en apportant quelques changements à
notre mode de vie, par exemple en consommant
dans la limite du nécessaire. Pour la définition
de ‘’limite du nécessaire’’, je m’en remets à
Figure 4 : Cartographie de participation des états au dispositif CORSIA (Source : [8] )
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
16 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
René Descartes qui disait « le bon sens est la
chose du monde la mieux partagée. », pour-
quoi s’en priver ?
Sources:
[1]	 Journal aviation, « IATA : Le trafic aérien passager enregistre sa plus forte chute depuis la crise du 11 Septembre », avr. 20,
2020.
[2]	 MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, « Feuille de route française pour le déploiement des bio-
carburants aéronautiques durables ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Feuille%20
de%20route%20fran%C3%A7aise%20pour%20le%20d%C3%A9ploiement%20des%20biocarburants%20a%C3%A9ronautiques%20
durables.pdf.
[3]	 ANCRE, « Feuille de route pour le développement de filières biocarburants aéronautiques en France ». juin 2018, [En ligne].
Disponible sur: https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2018/06/synthese_ANCRE_biocarburants-aviation.pdf.
[4]	 Connaissance des énergies, « Biokérosène », avr. 06, 2018. https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/
biokerosene.
[5]	 Adrien LAILLE, « BILANS ET PERSPECTIVES SOUHAITABLES DE LA TAXE CARBONE », INFOSE, avr. 2020.
[6]	 EPE, « Emissions évitées - Les entreprises évaluent leurs solutions pour le climat ». sept. 2017, [En ligne]. Disponible sur:
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-29591-emissions-evitees-epe.pdf.
[7]	 Direction Générale de l’Aviation Civile, «AVIATION  CHANGEMENT CLIMATIQUE ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.
ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Aviation_et_changement_climatique.pdf.
[8]	 MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIREDIRECTION GÉNÉRALE DE L’AVIATION CIVILE, «
L’AVIATION, PREMIER SECTEUR À SE DOTER D’UN DISPOSITIF MONDIAL DE MAÎTRISE DE SES ÉMISSIONS DE CO2 ». juin
2017, [En ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/plaquette%20GMBMpap.pdf.
[9]	 MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, « Stratégie Nationale Bas-Carbone ». mars 2020, [En
ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf.
[10]	 SustainableAviation, « SUSTAINABLEAVIATION FUELS ROAD-MAP ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.sustainablea-
viation.co.uk/wp-content/uploads/2020/02/SustainableAviation_FuelReport_20200231.pdf.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
17PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
Habib OUATTARA
À
l’heure où la crise sanitaire, économique
et financière chamboule nos modes de
vie, d’impor tants débats s’animent
autour de la relance économique : « Plus verte
? », « Low-tech ? », « Progressive ? ».
Le télétravail en masse : provisoire ou durable ?
Autant de questions qui relancent de vifs débats
en cette période clé, vue comme une fin ou un
départ.
Conscient de l’urgence environnementale,
l’homme redouble de créativité : «optimiser»,
« innover », « connecter », «regrouper», « dével-
opper », « digitaliser ».
Digitaliser ? Oui, vous avez bien lu. À l’heure
où les entreprises tentent de concilier sécurité
et productivité, s’affrontent en coulisse deux
écoles de pensées : plutôt « high-tech » ou
« low-tech » ?
Cet article s’intéresse au développement massif
des Data Centers dans un contexte de transi-
tion énergétique. Après un rappel sur les Data
Centers et leurs impacts soumis à controverse,
nous nous intéresserons au cas de l’Irlande,
territoire privilégié pour l’implantation de Data
Centers.
L’ère du numérique, en adéquation
avec les objectifs climatiques ?
Les Data Centers qu’est-ce que c’est ?
Un Data Center se définit comme un bâti-
ment d’hébergement qui accueille un ensem-
ble d’infrastructures numériques (équipe-
ments de calculs, de stockage, de transport de
données). Il est doté de systèmes de refroid-
issement et de récupération de chaleur ainsi
que d’équipements de secours : batteries,
onduleurs, groupes électrogènes.
Celui-ci sert à organiser, traiter et stocker
d e g r a n d e s q u a n t i t é s d e d o n n é e s p o u r
le compte d’entreprises ou organisations
gouvernementales.
Quels impacts sont sujets à controverse ?-
Les infrastructures numériques souffrent d’une
invisibilité persistante, qui minimise la per-
ception de leurs impacts environnementaux. Si
on a longtemps présenté les données numéri-
ques comme immatérielles, flottant dans un
« cloud », elles nécessitent pourtant des
serveurs physiques à forte consommation éner-
gétique, alimentés en continu.
Stockés aux quatre coins du monde, les Data
Centers impactent très concrètement tous types
d’espaces, des cœurs métropolitains aux péri-
phéries d’activités, et entraînent un accroisse-
ment non négligeable de la consommation éner-
gétique mondiale.
Data Centers VS transition énergétique:
plutôt « high-tech » ou « low-tech » ?
Focus sur le cas de l’Irlande
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
18 DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
Une étude de 2015 de Anders Andrae et Tomas
Edler du centre RD de Huawei à Stockholm
estimait que le secteur numérique consom-
mait 7% de l’électricité mondiale en 2013,
soit la puissance de 210 réacteurs nuclé-
aires pendant un an (pour sa phase de pro-
duction et de consommation). Les centres de
données représentaient eux 2% de l’ensemble
mondial, soit 420 TWh ou 60 tranches nucléaires
en fonctionnement continu. Leurs prévisions
atteignent un maximum de 13% de l’électricité
mondiale consommée par les Data Centers en
2030, et 51% pour le secteur informatique dans
sa totalité, soit respectivement 1130 et 4400
réacteurs nucléaires.
Le groupe de travail numérique du think-
tank «  The Shift Project » a revu récemment
à la baisse ce scénario du pire mais estime
cependant que le secteur numérique pour-
rait représenter 25% de l’électricité mondi-
ale en 2025 (5% pour les data centers), sans
se prononcer sur 2030. Enfin, pour la France,
l’association Négawatt a tenté l’exercice et
estime que le numérique consommait 8,5% de
l’électricité du pays en 2015 dont 2% pour les
data centers (soit 10 TWh/an). Il n’existe cepen-
dant pas d’étude territorialisant les projections
mondiales en France aujourd’hui. [1] (Source :
ADEME, 2019).
De plus, chaque centre de données — générale-
ment connecté par sécurité à une double arrivée
d’électricité — est équipé de générateurs de
secours et de salles de batteries assurant une
autonomie en cas de coupure sur le réseau.
Cette démultiplication infrastructurelle crée
une redondance des équipements, dont la mise
en utilité pose aujourd’hui question.
Finalement, du fait de la délocalisation des
impacts, les technologies numériques sont
souvent présentées comme un levier fonda-
mental pour la transition énergétique, oubliant
de mentionner les éléments clés à prendre en
compte pour rester cohérent avec les objectifs
de la transition.
Zoom sur le cas de l’Irlande, tiraillée
entre l’économie et l’écologie
L’Irlande, le paradis des infrastructures
numériques
S’ils sont présents partout dans le monde,
l’implantation des Data Centers se concentre
aux États-Unis, en Europe et en Asie. Ils seront
l’un des plus importants postes de consomma-
tion électrique du XXIe siècle, portés par une
démultiplication du trafic internet, l’explosion
des échanges de données, la croissance du
cloud et les prévisions de 100 milliards d’objets
connectés pour 2030.
L’Irlande présente de nombreux atouts, qui en
font un territoire très plébiscité pour le dével-
oppement des Data Centers.
La fiscalité avantageuse du pays (12,5% d’impôt
pour les entreprises), le climat tempéré limitant
les coûts de refroidissement, la politique incita-
tive du gouvernement qui considère le secteur
« stratégique », ainsi que les délais raccourcis
pour l’obtention de permis de construire sont
autant de facteurs participant à l’attractivité
du pays vis-à-vis des investisseurs.
Aujourd’hui, l’Irlande compte 54 Data Centers
en activité (données au 8 janvier 2020), 10 en
construction et 31 nouveaux permis ont été
délivrés.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
19DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
La face obscure d’un développement massif
des Data Centers
En septembre 2019, la chaîne RTE diffusait un
documentaire sur l’impact environnemental de
ces Data Centers : selon les chiffres de l’Irish
Academy of Engineering, ils devraient ajouter
1,5 million de tonnes d’émissions carbone aux
émissions de l’Irlande d’ici 2030.
Si les Data Centers émettent autant si ce n’est
pas plus de CO2 que toute l’aviation mon-
diale, c’est à cause de leur consommation
d’électricité. Les experts de l’Irish Academy of
Engineering affirment que, d’ici huit ans, ces
bâtiments représenteront à eux seuls 31% de
la consommation d’énergie du pays. À l’échelle
du monde, ils engloutissent au moins 10% de
la production électrique totale. Et ce n’est là
qu’un début, car l’augmentation annuelle de la
consommation des Data Centers tourne autour
de 7 %.
Situation de l’Irlande et compromis
Dans le cadre du Plan d’Action pour le Climat
(« Climate Action Plan »), l’Irlande s’est fixée
pour objectif d’atteindre 40% d’énergies renouv-
elables en 2020, et 70% en 2030.
A u j o u r d ’ h u i l e s é n e r g i e s r e n o u v e l a b l e s
représentent 30%, essentiellement d’origine
éolienne, de la consommation énergétique du
pays (voir figure ci-dessous).
Selon un représentant du ministère DCCAE
(Ministère des télécommunications, de l’action
climatique et de l’environnement) : « Des
progrès importants ont été réalisés en 2019
quant à l’approvisionnement durable des Data
Centers : un programme de soutien aux éner-
gies renouvelables a été mis en place et nous
faisons la promotion des énergies vertes auprès
des gros consommateurs d’électricité. »
Figure 1 : Graphique prévisionnel de la consommation énergétique de l’Irlande © AIE
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
20 DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
Sources:
[1]	 ADEME, février 2019, « L’impact spatial et énergétique des Data Centers sur les territoires ». Cécile Diguet IAU IdF et Fanny
Lopez Eavt, avec Laurent Lefevre.
[2]	 Mr Mondialisation, 12 mai 2020, « Irlande : l’invasion des Data Centers menace la transition énergétique », Victoria Garmier.
[3]	 SciencesPo, Cities and Digital Technology Chair, Avril 2019, « Territoires numériques et transition énergétique : les limites de
la croissance » , Cécile Diguet et Fanny Lopez.
Aujourd’hui, l’Irlande est un des plus mauvais
élèves de l’Union Européenne en termes
d’émissions de CO2 et doit déjà lui payer
250 millions d’euros d’amende pour ne pas
avoir atteint ses objectifs en 2020.
Malgré leurs Data Centers énergivores, les mul-
tinationales misent sur une image « green »
et engagée :
- Facebook a construit un Data Center d’un
montant de 300 millions d’euros à Clonee dans
le comté de Meath, qui fonctionne à 100% aux
énergies renouvelables.
- Amazon a annoncé que la chaleur générée
par son Data Center situé à Tallaght (au sud-
ouest de Dublin) sera réutilisée pour chauffer
les maisons et bureaux aux alentours, ce qui
permettrait une réduction des émissions de CO2
de presque 2000 tonnes par an.
D a n s s o n r a p p o r t , l ’ I r i s h A c a d e m y o f
Engineering explique que 9 milliards d’euros
d’investissements dans le secteur énergétique
d’ici 2027 seront nécessaires pour subvenir aux
seuls besoins des Data Centers.
Gerry Duggan, membre senior de l’IAE se veut
réaliste : « C’est techniquement possible
d’atteindre nos objectifs en termes d’énergies
renouvelables. Mais pour être honnête, il va
falloir beaucoup d’éoliennes. » Le ministère
des télécommunications, de l’action climatique
et de l’environnement, affirme que l’installation
des Data Centers est maîtrisée : « Le gouver-
nement s’est engagé en prenant des mesures
pour faciliter l’installation des Data Centers
de manière à ce qu’ils soient bien répartis à
travers les régions, mais aussi pour minimiser
l’impact sur notre réseau électrique » explique
un représentant du ministère. » [2]( Mr mon-
dialisation, 2020).
Pour conclure,
L’impact des Data Centers sur l’environnement
est non négligeable et souvent inconnu du grand
public. Néanmoins, ces éléments s’inscrivent
dans un contexte particulier où le numérique est
un facteur clé et prépondérant de l’économie
mondialisée du 21ème siècle.
L e s i n d u s t r i e s a i n s i q u e l e s t e r r i t o i re s
s’organisent autour des technologies du numéri-
que, qui présentent des atouts indéniables.
Le numérique est un des piliers de la société
actuelle et ne peut être retiré de l’équation.
En revanche, il est primordial d’avoir connais-
sance des limites du numérique d’un point de
vue environnemental pour le développer avec
parcimonie.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
21DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
Axelle DE CADIER
A
vec l’émergence de plus en plus forte
de nouveaux courants de pensée autour
de la protection de l’environnement, de
nombreux fournisseurs d’énergie se sont mis
à proposer des offres adaptées. Ainsi, depuis
1990, nous avons pu voir un véritable boom des
offres « vertes » proposées par la majorité des
fournisseurs d’électricité. Plus de deux millions
de celles-ci visent à proposer de l’énergie dite
« verte » en développant les réseaux d’énergies
renouvelables.
En France, selon le bilan publié par le Ministère
de la Transition écologique et solidaire, ces
énergies renouvelables représentent 16,3 % de
la consommation finale brute d’énergie. Cela
devrait continuer d’augmenter progressivement
puisque l’objectif visé par la Loi de Transition
Énergétique pour la croissance ver te est de
32% en 2030.
Vendre de l’énergie verte, c’est beau, certes,
mais les électrons de toutes provenances se
mélangent dans les réseaux. Alors comment
transformer ces techniques commerciales en
réelles promesses ? Comment assurer au con-
sommateur qu’on lui fournit ce qu’il recherche?
Grâce aux GO1
! Décrivons leur fonctionnement.
Les garanties d’origine de l’électricité
verte
C’est simple, une GO est un document qui
atteste qu’une énergie est issue de production
1	 Garanties d’Origine
renouvelable. Selon l’article R.314-53 du code
de l’énergie, une GO se définit comme « un
document électronique ser vant uniquement
à prouver au client final qu’une part ou une
quantité déterminée d’énergie a été produite
à partir de sources renouvelables ou par cogé-
nération. » (1)
Pour ce faire, on fait appel à la société indépen-
dante Powernext. Cette dernière est la seule
capable de générer des garanties d’origine à
l’échelle européenne. Le producteur, dès lors
que de l’énergie verte est produite, demande
un certificat de Garantie d’Origine auprès de
Powernext. L’organisme vérifie l’origine de
cette énergie et sa qualité grâce à des audits,
puis délivre un numéro d’identification unique
de l’électricité produite. Ce numéro permet
d’obtenir toutes les informations qui lui sont
liées (type d’énergie, date et lieu de production,
nom et qualité du demandeur, aides perçues
pour les installations de production) (2).
Mais les garanties d’origine soutien-
nent-elles vraiment le développe-
ment des parcs EnR2
?
Les GO sont loin d’être le principal levier de
développement des capacités EnR. Elles sont,
en effet, très peu chères par rapport au prix
moyen annuel de l’électricité3
et par rapport
aux coûts nécessaires à un éventuel investisse-
ment dans de nouvelles infrastructures d’EnR
2	 Énergies renouvelables
3	 Le prix moyen du MWh est autour des ~50€ sur une
année, contre ~2€ pour une GO.
Financement des renouvelables :
Une affaire délicate de GO
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
22 FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
(3). Les investissements sont surtout déclen-
chés par les mécanismes de soutien public, à
savoir les tarifs de rachats et les compléments
de rémunération (4). À titre de comparaison,
l’éolien terrestre bénéficie d’un soutien dont
le montant est de l’ordre de 31€/MWh (5).
Notons enfin que, d’un pays à l’autre, la législa-
tion peut être très différente et avoir un impact
considérable sur les GO. Jusqu’à décembre 2018,
la France avait des lois qui empêchaient les
producteurs bénéficiant de soutiens publics
de générer des GO. De telles lois n’existaient
pas en Nor vège ou en Finlande. Ces derni-
ers ont donc eu l’opportunité d’exporter mas-
sivement des GO vers les pays où la loi était
plus rigide. Cette « injustice » envers les pro-
ducteurs locaux a été corrigée en janvier 2019,
date à laquelle une nouvelle loi a permis aux
producteurs bénéficiant d’aides de l’État de
générer des GO, de les vendre aux enchères
puis de remettre les recettes à l’État qui les
réinvestit ensuite dans les aides publiques.
Des offres vertes, en veux-tu en voilà!
En fait, les fournisseurs, ne garantissent pas
que les consommations sont issues d’une
production verte mais qu’un volume égal au
volume desdites consommations sur la période
d’une année a été injecté dans le réseau par
un producteur d’énergies renouvelables.
Il existe plusieurs types d’offres « vertes »
mais on s’intéresse ici aux deux suivantes :
-	 Dans un premier cas, le fournisseur
achète son électricité sur le marché de gros,
d’une part, et achète des garanties d’origine,
d’autre part. Ces GO peuvent provenir de pro-
ductions issues de l’Europe entière. Dans ce
cas, le consommateur contribue au développe-
ment des EnR via l’achat de GO.
-	 Dans un second cas, le fournisseur
achète l’électricité et les GO directement auprès
de producteurs français en signant des con-
trats d’achat. Dans ce cas-là, le prix d’achat
de l’électricité peut être supérieur à celui
du marché grâce à un consommateur motivé
à payer davantage pour permettre le dével-
oppement des EnR. Le consommateur va ainsi
directement contribuer au développement des
EnR nationales notamment en payant directe-
ment l’électricité auprès du producteur à des
prix supérieurs. De plus, le consommateur a
la possibilité de choisir de soutenir des pro-
ducteurs « locaux » ou plus lointains(5).
Pour ce qui est du prix de vente des garanties
d’origine, il faut savoir qu’il est compris entre
0,15 et 5 €/MWh. Les GO s’échangent de gré à
gré, ce qui rend leur prix très variable. L’offre
et la demande sont les principaux leviers qui
Figure 1 : Cycle de vie d’une GO
Source : Powernext (6)
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
23FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
influent sur ces prix4
. Ainsi, certains pays à
fortes capacités d’EnR5
inondent le marché de
GO et exercent en conséquence une forte pres-
sion sur lesdits prix.
Dans le premier cas cité ci-dessus, le fournis-
seur fait le choix de payer moins cher les GO en
les achetant dans des pays où les EnR sont plus
développées. Il achète donc des GO europée-
nnes à moindre prix ainsi que de l’électricité
sur le marché de gros (mix énergétique). La
garantie quant à la provenance de l’électricité
est alors inexistante. Le consommateur se
retrouve alors à financer en majeure partie
des énergies d’origine fossile ou nucléaire et
seule une très faible partie (liée à la garan-
tie d’origine) à un producteur délocalisé. On
observe ici un potentiel vice de marketing (7).
4	 La qualité des installations, l’âge des infrastructures
peut aussi influencer les prix, mais dans de plus faibles propor-
tions.
5	 On peut citer la Norvège dont 95% de la production
électrique est issue de l’hydraulique.
Des paroles dans le vent ou du vent
dans les réseaux ?
Dans les deux cas
mentionnés ci-des-
sus, le soutien aux
EnR est prôné. Mais
qu’en est-il réelle-
ment ?	 Pour le
1e
cas ici nommé   
« c l a s s i q u e » ,
l a r é m u n é r a t i o n
a l l o u é e a u p r o -
ducteur serait de
5€/ an, soit 1,1%
de la facture du
c o n s o m m a t e u r .
Po u r l e 2 n d
c a s ,
la part de revient
au producteur est
131€/an, soit 29%
du montant de la
facture.
Source : Pngtree
Figure 2 : Composition de la facture d’un foyer (Source : ADEME)
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
24 FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
Sources:
[1]. 	 Traçabilité des ENR : les garanties d’origine [Internet]. 2017 [cité 17 mai 2020]. Disponible sur: https://www.connaissancede-
senergies.org/tracabilite-des-enr-les-garanties-dorigine-170407
[2]. 	 Garanties d’origine : la traçabilité de l’électricité verte [Internet]. Selectra. 2018 [cité 13 mai 2020]. Disponible sur: https://selec-
tra.info/energie/guides/comprendre/garanties-origine
[3]. 	 Webinar Electricité verte et garanties d’origine - Carbone 4 - YouTube [Internet]. [cité 21 mai 2020]. Disponible sur: https://
www.youtube.com/watch?v=kjfYQr9ExQAt=1709s
[4]. 	 Dispositifs de soutien aux énergies renouvelables [Internet]. Ministère de la Transition écologique et solidaire. [cité 21 mai
2020]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/dispositifs-soutien-aux-energies-renouvelables
[5]. 	 avis-de-lademe_offres_vertes_decembre2018.pdf [Internet]. [cité 20 mai 2020]. Disponible sur: https://www.ademe.fr/sites/
default/files/assets/documents/avis-de-lademe_offres_vertes_decembre2018.pdf
[6]. 	 Registre des Garanties d’Origine | Powernext [Internet]. [cité 21 mai 2020]. Disponible sur: https://www.powernext.com/fr/
donnees-du-registre
[7]. 	 Electricité : l’imposture des « offres vertes ». Le Monde.fr [Internet]. 26 août 2019 [cité 16 mai 2020]; Disponible sur: https://
www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/26/electricite-l-imposture-des-offres-vertes_5502811_3234.html
Le consommateur qui désire simplement par-
ticiper au financement des énergies renouvel-
ables ne comprend pas toujours où va exacte-
ment son argent et dans quelles proportions.
Les campagnes de marketing des fournisseurs
ne sont pas toutes transparentes à ce sujet.
L’Ademe recommande aux pouvoirs publics de
« définir un référentiel normatif obligeant les
fournisseurs à décrire leurs offres plus préci-
sément et sur la base de critères communs »
pour pallier ce problème. Elle estime aussi que
le niveau de qualité des offres vertes et leur
impact sur le développement des EnR peuvent
être améliorés par la réduction des durées
d’utilisation des GO, qui sont aujourd’hui annu-
elles. Une loi est prévue en ce sens pour 2021
et permettrait d’acheter des GO mensuelles,
ce qui exercerait plus de tensions sur les prix.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
25FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
Tarek FAKOUDI
La Terre, son eau et nos besoins
Une ressource inégalement répartie
Si l’eau constitue 72% de la surface de la Terre,
seul 2,5 % de son volume est constitué d’eau
douce dont près de 70 % provient des glaciers
et surfaces enneigées. Le reste se situe princi-
palement dans les aquifères, qui sont des for-
mations géologiques dont la porosité permet
leur stockage (30%), ainsi que dans les lacs et
cours d’eau (moins d’1%) [1].
La planète bleue accueille désormais plus de
7,77 milliards d’habitants, lesquels dépendent
vitalement de ces ressources. Avec l’explosion
démographique, les aléas climatiques grandis-
sants ainsi que l’inégalité de la répartition de
l’eau1
(visible sur la carte ci-dessous [2]), la
gestion que l’Homme fait de cette ressource
est de plus en plus cruciale. En effet, en plus
d’être indispensable à la vie humaine, elle est
1	 « Le stress hydrique physique désigne ici le rapport
entre la quantité totale d’eau douce prélevée annuellement par
tous les grands secteurs, y compris les besoins environnemen-
taux en eau, et la quantité totale de ressources renouvelables en
eau douce. Il est exprimé en pourcentage. » [2].
aussi présente dans la plupart des secteurs
d’activité.
La répartition géographique des ressources en
eau potable ne coïncide pas forcément avec la
demande et la densité démographique. Ainsi,
selon [1] : « Certaines régions bénéficient
d’excédents considérables, c’est le cas par
exemple du Canada, du Chili, de la Nouvelle-
Zélande ou de la Norvège où les disponibili-
tés en eau dépassent les 50 000 m3
par per-
sonne et par an. D’autres, au contraire, souf-
frent de pénuries chaque année plus graves,
c’est le cas des pays du Maghreb, du Golfe ou
de l’Asie Centrale où les disponibilités en eau
sont inférieures à 1 000 m3
par personne et
par an. »
Fort de ce constat, certains pays, notamment
situés sur les littoraux, se sont vite tournés
Figure 1 : Niveau de stress hydrique physique [2]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
26 LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
vers la solution du dessalement de l’eau de
mer, si bien que l’on compte désormais près
de 16 000 usines de dessalement réparties dans
177 pays à travers le monde. « Les capacités
de production actuelles [des usines de des-
salement] atteignent donc les 95 millions de
mètres cubes par jour, dont presque la moitié
est concentrée au Moyen-Orient et en Afrique
du Nord, notamment en Arabie saoudite,
aux Émirats arabes unies et au Koweït. Dans
huit pays - Antigua-et-Barbuda, les Bahamas,
Bahreïn, le Koweït, les Maldives, Malte, le Qatar
et Singapour -, le dessalement permet même
de répondre à l’ensemble des besoins nation-
aux en eau potable. » [3]
Procédés de dessalement les plus
courants
Les premiers systèmes de dessalement d’eau de
mer étaient basés sur la distillation à simple
effet. À l’origine, la chaleur fatale (non récu-
pérée) des navires équipés de moteurs ther-
miques permettait de chauffer l’eau afin de
n’en récupérer que l’eau douce par condensa-
tion de la phase vapeur.
Des progrès technologiques ont permis de
diminuer la consommation énergétique de ce
type de systèmes de dessalement thermique
avec les méthodes suivantes : distillation à
multiple effets (MED), distillation par détentes
successives ou flash (MSF) et distillation par
compression de vapeur (MVC, TVC). [4] [5]
Basé sur un tout autre concept, une autre
technique appelée osmose inverse repose sur
l’application d’une pression mécanique suf-
fisamment forte pour faire passer l’eau de mer
salée à travers des membranes semi-permé-
ables laissant passer l’eau tout en arrêtant les
sels dissous [6]. En effet, le phénomène
d’osmose réside dans la migration naturelle
des molécules présentes dans un milieu peu
concentré vers un autre milieu plus concentré.
L’électrodialyse, quant à elle, se base, sous
l’effet d’un champ électrique, sur l’extraction
de minéraux2
de l’eau salée migrant vers des
membranes sélectives (selon la nature posi-
tive ou négative du minéral considéré) [5]. Ce
type de procédé est cependant plutôt réservé
aux eaux saumâtres (eau légèrement à moy-
ennement salée avec une tenue de sel de 1 à
10 grammes par litres d’eau [7]) car la consom-
mation électrique devient vite importante pour
de fortes concentrations en sels
2	 « L’eau de mer contient en moyenne 35 grammes de
sels par litre, constitués à 86% de chlorure de sodium et 13% de
carbonate et sulfate de magnésium et de calcium. » [5]
Figure 3: Principe de l’osmose inverse [6]
Figure 2: Distillation à simple effet [6]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
27LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
Coûts énergétiques et économiques
Comme indiqué précédemment, les technolo-
gies industrielles de dessalement de l’eau de
mer s’articulent majoritairement sur des procé-
dés thermiques ou membranaires.
Concernant les ressources utilisées pour la
production d’énergie, qu’elle soit thermique
ou électrique, celles-ci dépendent évidem-
ment des potentiels géographiques de chaque
pays dans lequel un système est installé. Au
Moyen-Orient, par exemple, les États possé-
dant une certaine manne d’or noir l’ont long-
temps exploitée et continuent de l’exploiter en
grande partie pour les usages thermiques. En
effet, selon [8] « En Arabie Saoudite, premier
pays producteur d’eau dessalée au monde avec
5,5 millions de mètres cubes traités par jour
(…), la Saline Water Conversion Corporation
évoque un besoin équivalent à 350 000 barils
de pétrole par jour pour assurer la conversion
d’eau salée en eau douce ».
Néanmoins, avec l’essor du renouvelable,
l’association du système par osmose inverse à
la technologie solaire photovoltaïque permet-
tra de mettre en lumière une forte baisse de
l’impact environnemental du dessalement d’eau
de mer, comme le montre l’exemple du projet
solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum Solar
Park à Dubaï (5 000 MW d’ici 2030) [8].
La répartition relative des systèmes ci-dessus
montre globalement un développement certain
de la méthode « mécanique » liée à l’osmose
inverse, présentant des coûts intéressants
tant sur le plan économique qu’énergétique.
De plus, la conception modulaire de ce procédé
permet l’installation d’une capacité de traite-
ment facilement adaptable aux besoins.
Quels impacts environnementaux pour
une telle production d’eau potable ?
Outre l’existence de techniques exigeantes sur
le plan énergétique, ces procédés assurent la
séparation de deux produits liquides : l’un
propre à la consommation humaine et l’autre
constituant la partie finalement rejetée avec
une salinité pouvant atteindre les 70 grammes
par litre [8]. Ceux-ci repartent le plus souvent
à l’état brut dans les mers, non sans impacts
délétères sur la faune et flore marine. À cela
s’ajoute également des effluents chimiques
utilisés dans les processus de traitement [9].
Néanmoins, certains débouchés de valorisation
existent pour la saumure (eau dont la salinité
Figure 4 : Analyse comparative des différentes technologies de dessalement (données 2013) [8]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
28 LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
est supérieure à celle de l’eau de mer). Elle
peut être exploitée en aquaculture et utilisée
pour l’irrigation de certaines plantes tolérantes
au sel (algue spiruline, etc.) [3] et [9].
Quels procédés pour le monde de
demain ?
Les technologies citées précédemment, bien
que capables de produire d’importants volumes,
nécessitent, en plus d’investissements massifs,
d’avoir accès à des réseaux de distribution
d’eau adéquats afin d’assurer en aval la répar-
tition de la ressource [8].
Ainsi, certains territoires ne bénéficiant pas de
ces prérequis pourraient être intéressés par des
systèmes décentralisés de plus petite enver-
gure. En lien avec ce type de besoins, plusieurs
technologies françaises comme Helio (Marine
Tech) [10] ou Osmosun (Mascara) [11], pour ne
citer qu’elles, pourraient bien être à même de
répondre à ce type de demande.
Emmanuel GASSE MUÑOZ
Sources:
[1]	 La Cité de la Mer, « La mer à boire », La Cité de la Mer - Technopole Cherbourg-Normandie, Technopole Cherbourg-
Normandie, Dossier thématique, avr. 2012. Consulté le: avr. 18, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://mediathequedelamer.com/
wp-content/uploads/dossier-la-mer-a-boire.pdf.
[2]	 WWAP (Programme mondial de l’UNESCO pour l’évaluation des ressources en eau), « Rapport mondial des Nations Unies
sur la mise en valeur des ressources en eau 2019 : Ne laisser personne pour compte. », UNESCO, Paris, 2019. [En ligne]. Disponible
sur: https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000367305.
[3]	G. Gamberini, « Dessalement de l’eau : l’ONU s’inquiète des risques pour l’environnement », La Tribune, janv. 14, 2019.
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/dessalement-de-l-eau-l-onu-s-inquiete-des-risques-pour-
l-environnement-803570.html (consulté le avr. 18, 2020).
[4]	J. Dunglas, « Le dessalement de l’eau de mer : une nouvelle méthode pour accroître la ressource en eau », p. 10, févr. 2014,
[En ligne]. Disponible sur: https://www.agri-mutuel.com/wp-content/uploads/2018/02/dessalement-de-l-eau-de-mer.pdf.
[5]	P. Bandelier, « Le dessalement d’eau de mer et des eaux saumâtres », Encyclopédie de l’énergie, nov. 29, 2016. https://
www.encyclopedie-energie.org/le-dessalement-deau-de-mer-et-des-eaux-saumatres/ (consulté le mai 03, 2020).
[6]	J.-M. Rovel, « Dessalement de l’eau de mer ». Techniques de l’Ingénieur, févr. 10, 2010, Consulté le: avr. 18,
2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/environnement-securite-th5/
procedes-de-traitement-des-eaux-potables-industrielles-et-urbaines-42318210/dessalement-de-l-eau-de-mer-w5700/.
[7]	 Connaissance des Énergies, « Dessalement d’eau : consommation d’énergie, procédés, pays producteurs », sept. 23, 2015.
https://www.connaissancedesenergies.org/combien-denergie-faut-il-pour-dessaler-de-leau-de-mer-150923 (consulté le avr. 30, 2020).
[8]	 Sia Partners, « Dessalement de l’eau de mer : des évolutions nécessaires pour accompagner l’essor du secteur », janv. 15,
2017. https://energie.sia-partners.com/20170112/dessalement-de-leau-de-mer-des-evolutions-necessaires-pour-accompagner-les-
sor-du-secteur (consulté le avr. 30, 2020).
[9]	J. Cossardeaux, « Eau : l’impact de la désalinisation sur l’environnement s’aggrave », Les Echos, janv. 14, 2019. https://www.
lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/eau-limpact-de-la-desalinisation-sur-lenvironnement-saggrave-389146 (consulté le avr. 18, 2020).
[10]	 Marine Tech, « Production d’eau ». http://www.marinetech.fr/Production-d-eau#a741 (consulté le mai 06, 2020).
[11]	 Mascara, « Applications OSMOSUN® | Mascara Renewable Water ». https://www.osmosunwater.solutions/applications/
(consulté le mai 06, 2020).
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
29LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
Nourrir l’humanité en 2050
L
e changement climatique est l’affaire de
tous et se répercute sur de nombreux
aspects de notre vie. Il est notamment
intimement lié à notre besoin le plus fonda-
mental : se nourrir. Nourrir le monde à horizon
2050 constitue en soi un véritable challenge qui
devient d’autant plus complexe et insoluble s’il
doit se faire dans le respect de l’environnement
et du climat.
Les besoins nutritifs de l’homme
D’un point de vue énergétique, un humain se
trouve en situation d’insécurité alimentaire
lorsqu’il dispose de moins de 1 680 kcal/jour1
(2,0 kWh/jour2
) [1]. C’est la valeur seuil pour
1	 Une calorie correspond à la quantité d’énergie néces-
saire pour élever la température d’un gramme d’eau liquide de
14,5 à 15,5 °C.
2	 1 000 kcal = 1,16 kWh
le maintien de la survie. Cependant, pour se
maintenir en bonne santé, nos besoins éner-
gétiques sont en moyenne de 2 353 kcal/jour
(2,7 kWh/jour) [2].
Il est évident que, cet apport calorique doit
également répondre aux besoins nutrition-
nels de l’être humain en protéines (44 g/j/p),
vitamine A (721 μg/j/p), fer (11mg/j/p), zinc
(9 mg/j/p) et autres nutriments [2].
Néanmoins, le présent article s’intéresse exclu-
sivement aux moyens d’assurer la production
d’apports caloriques nécessaires pour nourrir
la planète en 2050.
Figure 1 : Utilisation des terres pour la production de nourriture [3]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
30 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
Situation de la production agricole
mondiale
Aujourd’hui, l’agriculture occupe 50% des sur-
faces habitables sur Terre et, contrairement à
ce que nous pourrions penser, l’urbanisation
des sols ne représente que 1% de ces surfaces
[3]. Ainsi, l’artificialisation des terres est avant
tout agricole.
Le graphique précédent montre la répartition
des usages des différentes surfaces du globe
et met en exergue un fait assez marquant
sur les rendus énergétiques de certaines sur-
faces agricoles. En effet, 77% de ces surfaces
servent à nourrir le bétail (cultures et pâture)
pour finalement ne produire que 18% des calo-
ries mondiales utiles à l’homme. En revanche,
les cultures directement destinées à nourrir
l’homme fournissent 82% des calories mondi-
ales en occupant seulement 23% des surfaces
agricoles.
Malgré la faible efficacité de la production
de calories d’origine animale et du système
agricole en général, le fonctionnement actuel
permet néanmoins de nourrir la population
mondiale.
Initialement, le nombre de calories disponibles
à l’issue des cultures est de 5 935 kcal/j/p
en récolte comestible et de 3 812 kcal/j/p
en pâturage. A priori, la production agricole
actuelle est suffisante pour nourrir la popu-
lation d’aujourd’hui et même les 9,7 milliards
d’individus attendus pour 2050.
Cependant, de la récolte à nos assiettes, le
système global présente des pertes à toutes
les étapes : lors des récoltes, des distributions
et par les consommateurs.
Sur le critère nutritif, les pertes les plus
importantes proviennent de l’usage des
r é c o l t e s c o m e s t i b l e s p o u r p r o d u i r e d e
l ’ é n e r g i e ( b i o g a z o u b i o c a r b u r a n t ) a v e c
808 kcal/j/p et également du faible rendement
pour la production de calories animales avec
4956 kcal/j/p de perte.
Figure 2 : Flux énergétiques globaux du monde agricole en kcal/jour/personne [2]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
31NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
Ce dernier point peut être analysé de deux
manières différentes. L’usage des pâtures et
des prairies constitue dans tous les cas une
perte sèche car ce que fournit la nature en
ces lieux n’est pas comestible par l’homme.
Finalement, la perte serait de 1 144 kcal/j/p
(=4 956-3 821). Dans un monde où la produc-
tion agricole est suffisante, la perte de calo-
ries engendrée par l’élevage est acceptable. En
revanche si elle venait à être insuffisante en
raison de la hausse de la population ou des
effets du changement climatique, les pâtures
pourraient être converties en cultures comesti-
bles. Dans ce cas, nous pourrions la considérer
comme une perte à part entière.
D’ailleurs, si nous continuons à vivre « busi-
ness as usual»3
en dédiant la même quantité
de nourriture au bétail (impliquant notamment
une baisse de consommation de viande par per-
sonne, 441 kcal/j/p), en considérant une con-
servation des pertes à la récolte et la distri-
bution et un gaspillage par consommateur des
denrées constantes, il n’y aurait pas suffisam-
ment de calories pour nourrir le monde en 2050.
Même en supprimant l’usage des récoltes à des
fins énergétiques pour accroître les calories
nourrissant l’humanité, nous serions confron-
tés à un déficit de 40 kcal/j/p.
Ce déficit s’aggrave si nous considérons les
projections de consommation de viande par la
FAO. La hausse de consommation de viande et
de produits laitiers apparaîtra dans les pays en
développement comme l’Inde ou la Chine [4].
Ainsi, au niveau mondial, la consommation de
produits d’origine animale pourrait croître à 730
kcal/j/p. Dans le cas d’un « business as usual »
3	 Fait de maintenir le fonctionnement d’un système ou
d’une activité sur de vieilles habitudes malgré les difficultés et
les perturbations du futur qui forceraient à modifier la méthode
de management.
intégrant cette hausse de consommation, une
part encore plus importante des récoltes comes-
tibles serait dédiée à l’alimentation du bétail.
Le déficit atteindrait 1 337 kcal/j/p : plus de la
moitié de la population mondiale serait alors
en situation d’insécurité alimentaire.
Vue d’une autre manière, en considérant une
augmentation de la population de 35% et une
modification des régimes alimentaires des pays
en développement, la production agricole rem-
plissant nos assiettes devrait augmenter de
70%. [5]
Relever le défi de demain
Devant ce constat alarmant, quelles solutions
s’ouvrent à nous pour nourrir 9,7 milliards
d’individus ?
Il existe plusieurs angles d’attaque pour
résoudre ce problème. Nous pouvons décider
d’augmenter la production (en augmentant
les rendements agricoles ou les surfaces agri-
coles), en améliorant l’efficacité énergétique de
toute la chaîne agricole ou en modifiant notre
demande et notre régime alimentaire. Toutes
ces solutions seront analysées pour évaluer
leur faisabilité.
Augmenter la surface des terres agricoles
Cette solution permettrait de répondre aisé-
ment au problème sachant que 48% des terres
habitables sont encore composées de forêts ou
de zones arbustives. Il existe donc un potentiel
important de conversion des terres naturelles
en zone agricole.
Cependant, nous sommes déjà engagés mondi-
alement dans une lutte contre la déforestation
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
32 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
car les forêts sont des puits de carbone limi-
tant le réchauffement climatique et garantes
de la biodiversité. Il n’est donc aucunement
souhaitable d’accroître les surfaces agricoles
car cela pourrait avoir des effets désastreux
sur l’environnement.
Les seules zones vierges qui pourraient être
converties en zone de culture sont celles
rendant peu de services à l’environnement et
présentant de bonnes dispositions pour obtenir
des rendements agricoles élevés [4].
Augmenter les rendements agricoles
Pour augmenter la production de 70%, il suf-
firait d’augmenter les rendements agricoles
d’autant. Une observation bien plus facile à dire
qu’à réaliser. Il n’est cependant pas possible
de toujours demander plus de croissance des
terres. En 50 ans, nous avons plus que doublé
nos rendements en passant de 1,5 t/hectare de
céréales à 4 t/hectare [4]. Néanmoins, si nous
regardons cet exploit en détail, le taux de crois-
sance des rendements était de 3,2% par an en
1960, alors qu’il n’était que de 1,5% par an en
2000 [5]. Nous observons donc une baisse de
la croissance des rendements. Est-il possi-
ble aujourd’hui de demander aux agriculteurs
d’accélérer ce taux de croissance ?
À terme, il s’agirait donc de passer d’une pro-
duction de blé de 4 tonnes l’hectare à 8 tonnes
l’hectare en 2050 [7].
Pour relever ce défi, il faudra sûrement avoir
encore plus recours à l’usage d’engrais, de
pesticides ou autres substances chimiques.
Ces molécules ont un impact négatif sur
l’environnement en polluant les sols et les
eaux. Des boucles de rétroaction négatives
pourrait alors impacter les rendements à la
baisse [4].
Bruno Parmentier, spécialiste des questions
agricoles et alimentaires, considère qu’une
agriculture plus durable peut relever ce défi à
travers les nouvelles technologies en utilisant
la chimie en quantités raisonnées et la per-
maculture pour faire travailler les plantes en
synergie [7].
Figure 3 : Projection des accroissements nécessaires de rendement pour nourrir l’humanité en 2050 [6]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
33NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
Réduire les pertes
Le gaspillage alimentaire mondial s’élève à
22% des récoltes comestibles, soit un total
de 1 329 kcal/j/p [2]. En France, cette propor-
tion atteint même le tiers [7] avec 180 kg/an/p
pour non-conformité en sortie des champs,
80 kg/an/p pour non-conformité le long de la
chaîne agroalimentaire, 40 kg/an/p de gâchis
chez soi et 40 kg/an/p de gâchis en cantine [7].
Des efforts considérables peuvent donc être
déployés pour réduire cette inefficience de la
chaîne alimentaire. Ces pertes sont avant tout
d’ordre culturel. Les produits sont évalués non-
conformes en raison de critères esthétiques
alors qu’ils restent tout à fait comestibles.
Limiter le gaspillage entrainerait une modifica-
tion de nos habitudes alimentaires. [7]
Changer notre régime alimentaire
Enfin, la dernière solution est la plus sou-
haitable car elle ne présente pas de contre-
partie environnementale. Il s’agit de modifier
notre régime alimentaire. Nous l’avons vu :
pour une hausse de 35% de la population, la
production alimentaire doit augmenter de 70%
parce que le régime alimentaire sera de plus
en plus carné alors que l’efficacité énergétique
de ce produit est médiocre.
Cette volonté de manger plus de viande est lég-
itime pour les pays en développement qui ont
désormais plus facilement accès à cette source
d’énergie dont ils étaient jusqu’à présent en
partie privés. Cependant, du côté des pays
développés, la consommation de viande et de
produits laitiers à outrance n’est pas justifiée.
En effet, si certains avancent que la consom-
mation de viande est nécessaire pour ingérer
des protéines, l’excès de protéines consom-
mées dans le monde est aujourd’hui de 84%
par rapport à une alimentation saine [2]. Il est
évident que cet excès est disparate selon les
régions du monde et que l’excès est exacerbé
dans les pays industrialisés.
Ainsi, les pays industrialisés ont une respon-
sabilité à prendre et un exemple à montrer
en réduisant leur consommation de produits
d’origine animale. Les pertes de calorie en
sortie de récolte seraient fortement réduites
et permettraient d’éviter l’accroissement des
inégalités et des crises sociales dans le monde.
Ces considérations sont prises d’un point de
vue énergétique pour définir le régime alimen-
taire à adopter pour le futur que nous souhai-
tons mais nous aboutirions aussi aux mêmes
conclusions si la question était abordée sous
contrainte environnementale ou climatique [3].
Dans un scénario où les pertes ainsi que la
consommation de viande au niveau mondial
seraient réduites de 50%, il serait possible de
nourrir l’humanité en 2050 sans devoir étendre
les surfaces agricoles et sans espérer une crois-
sance des rendements agricoles. Ce nouveau
mode de vie supposerait notamment que la
réduction de consommation de produits carnés
dans les pays développés soit supérieure à 50%
pour que la consommation dans les pays en
développement augmente [2].
Les usages énergétiques
Une politique cohérente doit être menée pour
à la fois nourrir la population et lui fournir de
l’énergie. L’usage alimentaire doit être prior-
itaire à l’usage énergétique au risque de se
confronter à des crises sociales.
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
34 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
Le développement de la bioénergie à partir des
récoltes comestibles semble avoir un poten-
tiel limité suite aux constats déjà mentionnés.
Des disparités selon les régions
Comme nous l’avons vu plus haut dans l’article,
le monde agricole d’aujourd’hui produit
suffisamment de nourriture pour nourrir
l’humanité. Pourtant 800 millions d’êtres
humains « meurent de faim »4
. Cette constante
s’est maintenue au cours de l’histoire alors que
5 milliards d’hommes supplémentaires ont pu
être nourri [7].
Ce paradoxe s’explique en partie par la logique
du système capitaliste où prévaut avant tout la
recherche du profit. Au-delà de ce fait, certains
États ne reçoivent pas les outils pour atteindre
leur autonomie alimentaire et parfois le con-
traire est même observé.
En effet, les produits agroalimentaires venant
4	 Il faut comprendre ce terme dans le sens d’individus
chroniquement sous-nourris, c’est-à-dire souffrant de la faim.
A noter que 1,8 milliards d’individus supplémentaires n’ont pas
un accès régulier à des aliments sains et nutritifs en quantité
suffisante, il s’agit d’insécurité alimentaire modéré. A l’inverse,
2 milliards d’individus souffrent de malnutrition, en d’autres
termes, de surpoids. [8]
d’Europe qui sont vendus en Afrique sont sub-
ventionnés et sont donc vendus à perte. C’est
un fait couramment qualifié de concurrence
déloyale ou de dumping. Cette pratique a pour
effet de rendre l’agriculture locale non rent-
able et d’entretenir l’économie du pays dans
la pauvreté [7]. C’est donc en partie pour cette
raison que l’Afrique fournit à peine les apports
énergétiques nécessaires pour sa population
[9]. Ce n’est donc pas une coïncidence si les
pays souffrants de sous-nutrition se trouvent
majoritairement en Afrique [8].
Il faudrait donc cesser ce dumping et donner
aux pays les outils et les connaissances pour
atteindre une agriculture productive [7]. À
titre d’exemple, le rendement céréalier est de
4 t/hectare dans plusieurs régions du monde
alors qu’il n’est que de 1,5 t/hectare en Afrique
Subsaharienne [4].
Conclusion
Cet article voulait apporter une réponse au
challenge « nourrir le monde de demain d’un
point de vue énergétique ». La solution à cette
équation est complexe mais elle existe.
L’article a aussi effleuré d’autres enjeux qui
mériteraient un article spécifique. En effet,
l’agriculture et l’industrie agroalimentaire ont
des impacts non négligeables sur le climat
et l’environnement [3]. Notre agriculture con-
somme de plus en plus d’énergie pour fournir
une calorie alimentaire [10].
Toutes les difficultés auxquelles fait face
l’agriculture obligent la société à réfléchir sur
le monde agricole de demain pour être plau-
sible et souhaitable. À une plus petite échelle
et dans notre devoir citoyen, nous devons
Figure 4 : Cohérence des apports énergétiques fournis
selon les régions de monde [9]
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
35NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
réfléchir au régime alimentaire que nous
voulons adopter. Par prolongement, je deviens
ce que je mange. Adrien LAILLÉ
Sources:
[1]	 FAO, « FAO methodology for the measurement of food deprivation ». 2008, [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/fil-
eadmin/templates/ess/documents/food_security_statistics/metadata/undernourishment_methodology.pdf.
[2]	 Berners-Lee, Kennelly, Watson, et Hewitt, « Current global food production is sufficient to meet human nutritional needs in
2050 provided there is radical societal adaptation », ELEMENTA Science of Anthropocene, 2018. https://www.elementascience.org/
articles/10.1525/elementa.310/.
[3]	H. Ritchie et M. Roser, « Environmental impacts of food production », Our World in Data, 2020. https://ourworldindata.org/
environmental-impacts-of-food#environmental-impacts-of-food-and-agriculture.
[4]	J. Ranganathan, « The Global Food Challenge Explained in 18 Graphics », World Ressources Institute, 2013. https://www.
wri.org/blog/2013/12/global-food-challenge-explained-18-graphics.
[5]	 FAO, « Comment nourrir le monde en 2050 », 2010. [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/fileadmin/templates/wsfs/
docs/Issues_papers/Issues_papers_FR/Comment_nourrir_le_monde_en_2050.pdf.
[6]	J. Ranganathan, R. Waite, T. Searchinger, et C. Hanson, « How sustainably feed 10 billion people by 2050, in 21 charts »,
World Ressources Institute, 2018. https://www.wri.org/blog/2018/12/how-sustainably-feed-10-billion-people-2050-21-charts.
[7]	B. Parmentier, « Bruno Parmentier : Nourrir l’humanité ? », 2017.
[8]	 FAO, L’ETAT DE LA SECURITE ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION DANS LE MONDE 2019 : se prémunir contre les ral-
entissements et les fléchissements économiques. S.l.: FOOD  AGRICULTURE ORG, 2019.
[9]	 FAO, « World food and agriculture : statistical pocketbook », 2018. [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/3/CA1796EN/
ca1796en.pdf.
[10]	N. J. Church, « Why our food is so dependent on oil », Resilience, 2005. https://www.resilience.org/stories/2005-04-01/
why-our-food-so-dependent-oil/.
SMensuel sur l’énergie et l’environnement
I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0
36 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
153 infose mai2020

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  • 1. Mensuel sur l’énergie et l’environnement S Mai 2020 N°153 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE page: 12 DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ? page: 18 FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO page: 22 LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS page: 26 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050 page: 30
  • 2. Chères lectrices, chers lecteurs, À l’heure du déconfinement pour certains pays dont le nôtre, les élèves du mastère OSE se sont attelés à la rédaction d’articles en faveur de la lutte contre le réchauffe- ment climatique. Ceux-ci sont à l’image d’une remise en question de certains choix de société, nécessaire à la survie de notre espèce : mieux et moins consommer afin d’assurer une gestion équitable et durable de ressources existantes, pour la plupart en quantités limitées. Le premier article de cette édition est l’occasion de revenir sur le secteur du transport aéronautique en mettant l’accent sur les leviers à mettre en œuvre pour réduire son impact environnemental. En marge d’un secteur du transport particulièrement ralenti ces derniers temps, d’autres en revanche font état d’une augmen- tation constante, liée à la digitalisation de la société. Aussi, nous évoquerons dans ce numéro l’adéquation de l’utilisation des centres de stockage de données avec les enjeux de la tran- sition énergétique. Étroitement liée à cette dernière, une présentation des garan- ties d’origine dans le cadre du financement des énergies renouvelables sera faite afin d’éclairer le lecteur et de mettre en lumière certaines limites de ce type de mécanisme. Les deux derniers articles de cet Inf’Ose se focaliseront sur l’exploitation de deux types de ressources indispensables au maintien de la vie sur terre, tout en gardant une vision éner- gétique des sujets traités. Ils présenteront, d’une part, un état des lieux de la production d’eau potable à l’aide d’eau de mer, puis, d’autre part, un aperçu de la production agricole mondiale et un horizon des options possibles pour nourrir les citoyens de demain. Outre une agréable lecture, nous souhaitons à chacun de nos lecteurs une bonne santé en cette période incertaine et vous donnons rendez-vous au mois de juillet pour notre prochain numéro ! Emmanuel GASSE MUÑOZ 2 EDITO ADRESSE E-MAIL infose@mastere-ose.fr TELEPHONE 04 97 15 70 73 ADRESSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines Paristech Rue Claude Daunesse CS 10 207 06904 Sophia Antipolis Coordinatrice - Catherine Auguet-Chadaj Maquettiste - Younes Baghdad Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle, quel qu’en soit le procèdé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’autori- sation des auteurs sauf cas prévus par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. CONTACTS
  • 3. SOMMAIRE Actualités Mai 20204 Les énergies renouvelables face au COVID-19 4 Vers une relance verte de l’économie ? 5 La production solaire pendant le confinement 6 Les estimations de l’AIE sur la consommation énergétique en 2020 7 La Stratégie énergie-climat française pour 2028 8 En route pour la neutralité carbone en 2050 du groupe Total 10 Perspectives sur la réduction des impacts environnementaux du secteur aéronautique12 Data Centers VS transition énergé- tique: plutôt « high-tech » ou « low- tech » ? Focus sur le cas de l’Irlande18 Financement des renouvelables : Une affaire délicate de GO 22 La Terre, son eau et nos besoins26 Nourrir l’humanité en 205030 3SOMMAIRE
  • 4. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 4 ACTUALITÉS MAI 2020 Les énergies renouvelables face au COVID-19 L a propagation du COVID-19 et la mise en place des mesures de confinement ont fortement impacté le secteur énergétique. Toutes les filières ont été concernées et les énergies renouv- elables n’ont pas été épargnées. En effet, bien que la production d’électricité renouvelable ait augmenté d’environ 3% par rapport au premier trimestre 2019 [1], [2], les nouvelles prévisions récemment publiées par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) indiquent pourtant un ralen- tissement en 2020 [3]. Selon cette étude, on assistera pour la première fois depuis l’année 2000 à une baisse des installa- tions de capacités de production d’électricité renouvelable (-13% par rapport à 2019), prévision bien différente de celle faite avant la propagation du virus, qui voyait 2020 comme une année record pour le développement de cette filière. Le ralentissement résulte notamment du rallongement des délais de construction des sites de production à cause des mesures de confinement, mais également des blocages financiers. Une reprise est prévue en 2021, mais la croissance combinée de 2020 et 2021 pourrait tout de même être 10% plus faible que celle prévue par l’AIE avant la crise [3]. À la suite de la publication de ces résultats, un appel a été lancé par le directeur de l’AIE, Fatih Birol, pour le soutien des énergies renouvelables après la crise : « Avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe, le monde devait absolument accélérer, et ce significative- ment, le déploiement des renouvelables pour avoir une chance d’atteindre ses objectifs énergétiques et climatiques. […] Avec les extraordinaires défis sanitaires et économiques d’aujourd’hui, les gouvernements ne doivent pas perdre de vue cette tâche essentielle de transition vers une énergie propre, pour nous permettre de sortir de cette crise sur une voie sûre et durable » [4]. Actualités Mai 2020 Amala SIVARAMOU Giulia GRAZIOLI Figure 1 : prévisions d’installation de capacités d’énergie renouvelable (Source : AIE)
  • 5. Sources : [1] IEA, ‘Global Energy Review 2020’, Apr. 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2020. [2] P. Mouterde, ‘La résilience des énergies renouvelables à l’épreuve du coronavirus’, mai 2020. [3] IEA, ‘Renewable energy market update’, May 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/ renewable-energy-market-update. [4] Le Figaro - AFP, ‘L’AIE appelle à placer les énergies renouvelables au coeur des plans de relance’, mai 2020. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 5ACTUALITÉS MAI 2020 Vers une relance verte de l’économie ? S uite au ralentissement de l’activité économique par la pandémie du COVID-19, 92 entreprises françaises dont LVMH, BNP Paribas, Air France-KLM, Engie, Thales et Airbus, membres de l’association Entreprises Pour l’Environnement (EPE), ont signé une tribune dans Le Monde pour appeler à une relance « verte » de l’activité économique axée sur l’économie circulaire[1]. Plusieurs leviers d’actions ont été mentionnés dans cette tribune. Un des principaux objectifs d’après crise est d’avancer vers une économie décarbonée et de soutenir les secteurs contribuant à la préservation de l’environnement[2] tels que : la rénovation énergétique des logements et bâtiments, le développement de mobilités décarbonées, l’expansion et le stockage des énergies renouvelables et décarbonées. Cette crise sanitaire a mis en avant la faiblesse des chaînes de valeur mondialisée et les signataires appellent au développement d’une économie circulaire et à une alimentation durable et locale. La réalisation de ces objectifs doit passer par plusieurs efforts : une prise de conscience collec- tive, des transformations plus profondes dans les façons de produire et les modèles d’affaires, de Figure 1 : Paris La Défense [3]
  • 6. nouvelles manières de consommer et des changements de modes de vie ainsi qu’une refonte ver- tueuse des rapports à l’environnement afin de voir des résultats sur le long terme[2]. Perspectives et ambitions ont été lancées mais quelles seront les actions qui permettront de rée- llement mettre en place une relance respectueuse de l’environnement ? La production solaire pendant le confinement L e faible usage des véhicules, le quasi-arrêt des usines et des vols, lors de la période de confinement suite à la crise sanitaire du COVID-19, a permis d’améliorer drastiquement la qualité de l’air et de réduire la pollution atmosphérique. Cet environnement plus sain et plus propre a contribué à des records de production solaire dans plusieurs pays européens : l’Espagne, l’Allemagne et le Royaume-Uni[1]. Le Royaume-Uni a enregistré une baisse de 25% de dioxyde d’azote dans l’air, voire 50% dans les régions les plus polluées. Ceci a permis à la production solaire du pays d’atteindre 9,7 GW[2] pour des températures moyennes assez basses (14°C), même plus faibles que la température moyenne habituelle du fait de la pollution. Cette situation inédite a permis au Royaume-Uni de ne pas uti- liser de charbon pour satisfaire ses besoins énergétiques durant deux semaines. Sources : [1] Le Point, « Coronavirus : 92 grands patrons français militent pour une relance « verte » », Le Point, mai 04, 2020. https:// www.lepoint.fr/economie/coronavirus-92-grands-patrons-francais-militent-pour-une-relance-verte-04-05-2020-2374011_28.php (con- sulté le mai 22, 2020). [2] M. ROOSEN, « BNP, Engie, Air France… 90 entreprises s’engagent pour une reprise green », L’ADN, mai 05, 2020. https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/marques-engagees/90-entreprises-sengagent-pour-une-reprise-ecologique/ (consulté le mai 22, 2020). [3] allo18-lemag, « PARIS - LA DÉFENSE : La sécurité en priorité ». https://allo18-lemag.fr/paris-la-defense-la-securite-en-pri- orite/ (consulté le mai 22, 2020). Figure 1 : Le plus grand parc solaire allemand à Lieberose [3] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 6 ACTUALITÉS MAI 2020
  • 7. L’Allemagne et l’Espagne ont également assisté à des phénomènes similaires avec des records de production solaire atteignant respectivement 32 GW et 6,3 GW[2]. La pollution de l’air a des conséquences néfastes sur le rendement des panneaux photovoltaïques. En effet, elle bloque une partie des rayonnements et contribue à la dégradation du matériel. A titre d’exemple, selon une étude réalisée sur la production solaire chinoise, la pollution de l’air a pro- voqué une perte de production de l’ordre de 11 à 15% entre 1960 et 2015[2]. Outre un instant de répit pour la nature, cette période de confinement aura permis de récupérer davantage d’énergie de notre belle étoile ! Sources : [1] B. Théry, « La baisse de la pollution booste-t-elle la production solaire en Europe ? », Clubic.com, avr. 23, 2020. https:// www.clubic.com/energie-renouvelable/actualite-892506-baisse-pollution-booste-production-solaire-europe.html (consulté le mai 22, 2020). [2] L’Actualité du Solaire, « La pandémie améliore l’atmosphère et augmente la production solaire ». https://www.actu-solaire. fr/a-12219-la-pandemie-ameliore-latmosphere-et-augmente-la-production-solaire.html (consulté le mai 22, 2020). [3] L’Usine Nouvelle, « Comment les énergies renouvelables sont devenues la principale source d’électricité en Allemagne - Infos Reuters », janv. 2019, Consulté le: mai 22, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.usinenouvelle.com/article/comment- les-energies-renouvelables-sont-devenues-la-principale-source-d-electricite-en-allemagne.N788519. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 7ACTUALITÉS MAI 2020 Les estimations de l’AIE sur la consommation énergétique en 2020 E n cette fin de confinement, il est temps pour le système énergétique de rendre des comptes. À cet égard, une étude quantifiant les effets de l’épidémie du COVID-19 sur les consomma- tions énergétiques a été publiée le 30 avril dernier par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) [1]. L’Agence décrit cette période comme le « plus grand choc depuis plus de sept décennies » pour le système énergétique mondial [2]. En effet, la baisse de la consommation tout secteur confondu (-3,8% au premier trimestre 2020 par rapport à celui du 2019 [1]) qui a accompagné le confinement a fortement impacté le secteur énergétique. Selon l’étude, la filière la plus touchée a été le charbon, avec une baisse de consommation de 8% par rapport au premier semestre 2019 notamment à cause de la réduction des consommations en Chine, pays qui compte pour plus de la moitié de la demande mondiale de ce combustible [2]. La demande de pétrole a également connu une période de crise extrême. La baisse des consomma- tions pour cette filière a été de 5%, avec une réduction importante dans les secteurs du transport routier et de l’aviation (respectivement 50% et 60% par rapport à 2019). Les effets du COVID-19
  • 8. Sources : [1] IEA, ‘Global Energy Review 2020’, Apr. 2020. [Online]. Available: https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2020. [2] Connaissances des énergies, ‘Covid-19 : les estimations de l’AIE sur la consommation énergétique en 2020’, mai 2020. [3] J. Spaes, ‘Covid-19 : un choc historique pour le système énergétique mondial (AIE)’, avril 2020. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 8 ACTUALITÉS MAI 2020 sont un peu plus modérés pour le gaz, avec une chute des consommations d’environ 2%, et le nucléaire (3%). Seules les filières renouvelables ont vu leur demande augmenter, principalement du fait de leur injection prioritaire sur le réseau et les faibles coûts de fonctionnement. Le bilan est cependant bien différent pour les énergies renouvelables non-électriques, notamment pour les biocarburants. Les impacts sur la totalité de l’année 2020 pourraient être encore plus forts. En effet, l’étude prévoit une baisse totale des consommations énergétiques mondiales de 6%, avec des effets importants surtout sur la consomma- tion de charbon et de pétrole (respec- tivement une baisse de près de 8 et 9% par rapport à 2019); la production nucléaire pourrait quant à elle chuter de 3% en 2020 [2]. Une augmentation de la demande est prévue seulement pour les renouvelables. Pourtant, l’AIE reste tout de même prudente dans ses conclusions : « Il est encore trop tôt pour déterminer les impacts à long terme, mais l’industrie énergétique qui sortira de cette crise sera sensiblement différente de celle qui l’a précédée » [3]. Figure 1 : Prévision de variation de la demande d’énergie primaire pour 2020 par rapport à 2019 (Source : AIE) La Stratégie énergie-climat française pour 2028 S ’interroger sur la transition énergétique aujourd’hui demande de repenser le mix énergé- tique, le développement des énergies renouvelables, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc. Deux décrets relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en France métropolitaine continentale et à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été publiés le 23 avril 2020 au Journal Officiel[1]. Ces deux textes redéfinissent les ambitions de la France pour atteindre les objectifs de sa stratégie énergie-climat. Le décret relatif à la PPE définit les orientations énergétiques et les priorités d’actions de la France
  • 9. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 9ACTUALITÉS MAI 2020 pour la période 2019-2028. Cette programmation repose sur six objectifs principaux à horizon 2028[2]. Introduite par la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) suite aux engage- ments pris lors des accords de Paris en 2015, la Stratégie Nationale Bas Carbone est la feuille de route française présentant les différentes orientations pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés dans tous les secteurs d’activités. Elle a deux ambitions principales : l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 et la diminution significative de l’empreinte carbone des français. Pour cela, elle fixe à court terme des plafonds d’émissions à ne pas dépasser sur des périodes Figure 1 : Principaux objectifs du décret relatif à la PPE en France à horizon 2028 [2] Figure 2 : Évolution des budgets carbone tous secteurs SNBC[2]
  • 10. Sources : [1] Connaissances des énergies, « Stratégie énergie-climat de la France : la PPE et la SNBC enfin publiées », avr. 23, 2020. https://www.connaissancedesenergies.org/la-strategie-energie-climat-de-la-france-enfin-publiee-200423-0 (consulté le mai 22, 2020). [2] Vie publique.fr, « PPE, SNBC : la nouvelle stratégie énergie-climat de la France pour 2028 », mai 04, 2020. https://vie-pub- lique.fr/en-bref/274237-ppe-snbc-la-nouvelle-strategie-energie-climat-de-la-france-pour-2028 (consulté le mai 22, 2020). [3] L’Actualité du Solaire, « Deux décrets parus : sur la PPE et sur le SNBC », avr. 26, 2020. https://www.actu-solaire.fr/a- 12232-deux-decrets-parus-sur-la-ppe-et-sur-le-snbc.html (consulté le mai 22, 2020). I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 10 ACTUALITÉS MAI 2020 de cinq ans appelés « budgets carbone »[3]. Dans cette nouvelle version de la SNBC, ces budgets carbone ont été réévalués à la hausse. Ces deux feuilles de route, la SNBC et la PPE , ne sont pas encore figées et sont amenées à évoluer pour intégrer les objectifs européens en matière de réduction des émissions de GES d’ici 2030 (“Green Deal”) ou encore les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat (groupe composé de 150 citoyens). En route pour la neutralité carbone en 2050 du groupe Total E n janvier 2020, quinze collectivités locales et cinq associations de défense de l’environnement ont assigné Total en justice pour non-conformité à la loi de 2017 sur le devoir de vigilance des grandes entreprises en demandant au groupe de prendre des mesures concrètes pour prévenir le réchauffement climatique[1]. Le groupe pétrolier français a annoncé en ce début de mois de mai son ambition d’atteindre la neu- tralité carbone d’ici 2050 pour l’ensemble de ses activités mondiales depuis la production jusqu’à l’utilisation par ses clients de ses produits énergétiques vendus [2]. Total annonce trois axes majeurs pour atteindre la neutralité carbone1 [4]: 1. Objectif de neutralité carbone (Net Zéro Emissions) pour les opérations mondiales de Total en 2050 ou avant 2. Engagement de neutralité carbone (Net Zéro Emissions) en Europe pour l’ensemble de sa production et des produits énergétiques de Total utilisés par ses clients en 2050 ou avant 3. Ambition de réduction de 60% ou plus de l’intensité carbone moyenne des produits énergé- 1 « La neutralité carbone consiste à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, qu’on ne peut en absorber via par exemple les forêts, les sols ou les océans »[3].
  • 11. Sources : [1] Les Echos, « Réchauffement climatique : Total assigné en justice par des collectivités locales », Les Echos, janv. 28, 2020. https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/rechauffement-climatique-total-assigne-en-justice-par-des-collec- tivites-locales-1166991 (consulté le mai 22, 2020). [2] L’Actualité du Solaire, « Total veut parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 ». https://www.actu-solaire.fr/a-12360-total- veut-parvenir-a-la-neutralite-carbone-dici-2050.html (consulté le mai 22, 2020). [3] Connaissances des énergies, « La « neutralité carbone », un objectif ambitieux pour limiter le réchauffement climatique », déc. 12, 2019. https://www.connaissancedesenergies.org/afp/la-neutralite-carbone-un-objectif-ambitieux-pour-limiter-le-change- ment-climatique-191212-0 (consulté le mai 26, 2020). [4] Total, « Total se dote d’une nouvelle Ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 », Total.com. https://www.total.com/fr/medias/actualite/total-se-dote-dune-nouvelle-ambition-climat-pour-atteindre-la-neutralite-carbone (consulté le mai 22, 2020). I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 11ACTUALITÉS MAI 2020 tiques de Total utili- sés dans le monde par ses clients d’ici 2050 (moins de 27,5 gCO2 / MJ) avec des étapes intermédiaires de 15% en 2030 et de 35% en 2040 C e t t e t r a j e c t o i r e s’intègre dans la stra- tégie de l’entreprise qui souhaite devenir un groupe multi-énergies, avec du pétrole et du gaz, de l’électricité bas-carbone et des solutions de neutralité carbone[4]. Figure 1 : Nouvelle ambition du groupe Total [Twitter Groupe Total]
  • 12. Perspectives sur la réduction des impacts environnementaux du secteur aéronautique L a crise sanitaire que traverse le monde actuellement est sans doute le sujet le plus commenté de ces derniers mois. Nous avons donc décidé d’apporter une pierre à l’édifice en participant au débat, mais de quelle manière ? Sans occulter et en laissant le soin aux médias adéquats de commenter le préjudice économique et humain que cette crise a fait subir à de nom- breuses familles à travers le monde, notre con- tribution à ce débat sera tout autre. Elle aura pour but de mettre en lumière et commenter les perspectives énergétiques et environnementa- les que cette crise a laissé entrevoir. En effet, depuis le mois de février, plusieurs secteurs ont vu leurs activités en constante baisse. C’est le cas notamment du secteur aérien (et si l’on regarde un peu plus loin, le secteur du tourisme) qui a accusé sur le seul mois de février une baisse d’activité mondiale d’environ 14 % par rapport à son activité normale. Selon l’IATA1 , « Il s’agit de la plus forte baisse du trafic depuis le 11-Septembre »[1]. Pour de nombreux opérateurs du secteur, cette baisse d’activité s’évalue en pertes financières et/ou en réduc- tion de personnel pour limiter les dégâts, mais, vu sous un autre angle, elle apparaît comme un soulagement non seulement pour l’atmosphère qui voit les émissions de CO2 liées au trafic aérien réduites, mais aussi pour les riverains des différents aéroports qui auront profité de la réduction des nuisances sonores provoquées 1 Association Internationale du Transport Aérien par le passage des avions. Le secteur de l’aviation représente aujourd’hui environ 2 % des émissions mondiales de CO2[2]. Le transport aérien intérieur français, pour sa part, constitue environ 1% des émissions fran- çaises. Malgré la volonté affichée par les acteurs du secteur de maîtriser les émissions de CO2 imputées à l’aviation, les projections de crois- sance2 du trafic aérien dans les années à venir contrastent avec les objectifs de réduction des émissions de CO2 du secteur. Cela nous amène à nous interroger sur la manière dont le secteur « envisage sa décarbonation ». Après plusieurs années de négociations entre les différentes parties prenantes, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) a mis en œuvre une stratégie qui a pour objectif la sta- bilisation, au fil des années, des émissions de CO2 de l’aviation mondiale au niveau qu’elles atteindront en 2020. Bien qu’il soit utopique de prétendre à un maintien du niveau actuel3 des émissions du secteur, cette crise pourrait servir d’impulsion au déploiement du plan élaboré par l’OACI. En l’état actuel des choses, la crise actu- elle constituera un test de la robustesse des mesures mises en place par l’OACI, à travers sa stratégie, et de la volonté réelle des états à converger vers les objectifs de réduction des émissions. 2 5 % par an 3 Niveau constaté du fait de la crise sanitaire I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 12 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
  • 13. L’atteinte de l’objectif de croissance neutre en carbone à partir de 20204 retenue par l’OACI s’articule autour de quatre leviers qui, pour être efficaces, doivent simultanément être actionnés. Les moyens d’action constituant ce panier de mesures sont : - L e s p r o g r è s t e c h n o l o g i q u e s p o u r l’amélioration de la performance environnemen- tale des avions - L’optimisation opérationnelle de la nav- igation aérienne - Le développement et le déploiement des biocarburants aéronautiques - La mise en œuvre de mesures économiques visant à inciter à la sobriété énergétique. En l’occurrence le CORSIA5 , qui est un mécanisme de compensation des émissions de CO2 dues à l’aviation. 4 Carbon neutral growth 2020 5 Carbon Offset-ting and Reduction Scheme for Interna- tional Aviation La mise en application de telles mesures pour la réduction des émissions de CO2 d’un secteur qui dispose de peu d’alternatives énergétiques passera non seulement par la mobilisation des différents acteurs mais aussi par les avancées techniques et technologiques de certains dis- positifs. C’est le cas notamment des biocar- burants aéronautiques6 qui représentent l’un des principaux piliers autour duquel s’articule ce plan d’action. Ces carburants sont utilisés en mélange avec le kérosène fossile. Certains sont incorporables jusqu’à hauteur de 50%. Toutefois, il convient de noter que l’utilisation de ces biocarburants n’induit aucune modifi- cation technique ou structurelle sur les appa- reils ou les infrastructures aéroportuaires. Pour être conforme à l’usage sur un vol, les « Biojets » font l’objet d’une certification par l’ASTM7 qui s’assure que ces derniers répon- dent à des caractéristiques techniques par- ticulières pour garantir un niveau optimal de sécurité des passagers pendant les trajets. À l’heure actuelle, seuls six biocarburants aéro- nautiques sont certifiés par l’ASTM.8 6 Biokérosène ou encore biojet 7 American Society for Testing Material 8 Le TRL « technology readiness level » ou « niveau de maturité technologique » en français est un système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie. L’échelle d’évaluation s’étend de 1 (correspondant au premier niveau) à 9 (correspondant au dernier niveau). Figure 1 : Les technologies biocarburants aéronautiques certifiées ASTM en juin 2018 (Source : [3]) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 13PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
  • 14. Figure 1 (suite): Les technologies biocarburants aéronautiques certifiées ASTM en juin 2018 (Source : [3]) On estimait, entre 2011 et fin 2017, à plus de 45 000 les vols commerciaux réalisés de manière expérimentale à partir du biokérosène[4]. En dépit des avancées considérables réalisées ces dernières années sur les mécanismes de synthèse et des effor ts de recherches dans le domaine, le prix de revient des biocarbu- rants aéronautiques reste plus élevé9 que celui du carburant d’origine fossile[2]. À titre d’illustration, le coût de la tonne de CO2 évitée par l’incorporation de biocarburants est estimé à 230 € [2], alors que le prix de la taxe carbone peine à franchir la barre de 100 €/t [5]. En effet, les biocarburants (en fonction de la source de 9 Environ deux fois la biomasse d’entrée) permettent d’éviter sur l’ensemble de leur cycle de vie jusqu’à 80% de CO2 par rapport au kérosène convention- nel10 . Tout comme le kérosène fossile, le bio- kérosène émet du CO2 dans ses phases de pro- duction et d’usage. L’essentiel des émissions évitées provient principalement du CO2 capté dans l’atmosphère par la biomasse qui a servi à la synthèse du Biojet au cours de sa vie. L a re n t a b i l i t é é c o n o m i q u e d e l a f i l i è re représente le principal frein à l’utilisation massive du biokérosène. Le challenge pour les différentes parties est de repenser le modèle économique d’un tel dispositif pour assurer la viabilité économique de l’ensemble des acteurs de la filière. Cela passerait inévitablement par la multiplication de la RD (Recherche et Développement) sur les procédés de produc- tion de biocarburants pour réduire les OPEX11 et par l’optimisation de la chaîne logistique pour minimiser les dépenses et surtout éviter de générer encore plus CO2 sur le cycle de vie des produits. À côté de cela, subsiste la question centrale des ressources d’approvisionnement de la filière, leurs origines, leurs durabilités au sens environnemental et socio-économique, notamment avec d’éventuelles substitutions 10 À volume égal 11 « Operating Expenditures » ou « dépenses d’exploitation » en français, correspondent aux charges couran- tes d’exploitation un produit, une entreprise, ou un système. Figure 2 : Réduction comparée des émissions sur la totalité du cycle de vie de différentes biomasses s u i v a n t d i f f é r e n t s p r o c é d é s d e p r o d u c t i o n (Source : [6]) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 14 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
  • 15. d’usages. Autant de questions qui méritent d’être prises en compte dans l’élaboration des politiques nationales en la matière. Outre le développement des technologies de production du biokérosène, l’amélioration des aéronefs constitue le second volet tech- nologique de la stratégie de réduction des émissions du secteur. Le but étant d’obtenir des appareils consommant de moins en moins de carburant pour leurs trajets. L’objectif à l’horizon 2030 est de réduire leurs consom- mations énergétiques de 10% par rapport à la consommation actuelle. Si l’on s’intéresse à présent au dispositif CORSIA, toutes les émissions de CO2 dépassant le niveau cible des émissions12 seront compen- sées par l’acquisition de crédits de réduction des émissions de CO2. Pour ce faire, l’OACI avec le concours de ses états membres, entend mettre en place un mécanisme (MRV13 ) de suivi et de vérification des émissions qui serait applicable à l’ensemble de ses adhérents. Le calcul des émissions se fera chaque année sur toutes les routes aériennes entre deux États participant au dispositif. Les émissions de CO2 mesurées sur ces routes à une année donnée 12 Celui qui sera atteint à la fin de l’année 2020 13 Monitoring Reporting Verification seront comparées à celles de 2020 sur ces mêmes routes. La mise en œuvre de ce mécanisme d’évaluation des émissions se fera en deux grandes phases : - De 2021 à 2026 : sur cette période, l’adhésion au dispositif se fera sur la base du volontariat. - A partir de 2027 : le dispositif s’étendra à l’ensemble des membres de l’organisation, excepté un certain nombre d’États. Il s’agit principalement des États insulaires et/ou des pays participant très peu ou faiblement au trafic aérien. Pour la phase de lancement, 70 États se sont portés volo- ntaires à l’application du dispositif CORSIA. Ces pays représentent près de 88% de l’activité aérienne internatio- nale (voir Figure 4). Sur le plan national, le déploi- e m e n t d e s b i o c a r b u r a n t s aéronautiques est en cohérence avec la SNBC (Stratégie Nationale Bas-Carbone) qui fixe un objectif de substitution du kérosène fossile par des biocarburants de 50% en 2050 [9]. Pour jalonner cet objectif, la France, à travers ses différents ministères14 , a défini une feuille de route qui précise son ambition et sa straté- gie pour promouvoir le développement du bio- kérosène dès 202515 . Certains acteurs indus- triels français sont d’ores et déjà position- nés sur la chaîne de production. C’est le cas de Total avec sa plateforme de raffinage de 14 Ministères de la transition écologique et solidaire, ministères de l’économie et de l’agriculture 15 Substitution du kérosène fossile à hauteur de 2% en 2025 et de 5% en 2030 Figure 3 : Evolution de la consommation de carburant des différentes générations d’avions de 1970 à 2030 (Source : [7]) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 15PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
  • 16. la Mède. D’autres pays européens, à l’instar du Royaume-Uni, mettent en place des straté- gies nationales de promotion de ces biocar- burants. Le gouvernement britannique prévoit la construction de 14 sites de production d’ici 2035. L’objectif étant de fournir l’équivalent de 30 % des besoins de l’aviation britannique en 2050 [10]. De nombreux pays semblent concernés par la problématique environnementale liée aux émis- sions CO2 du secteur aérien. Cependant, les moyens mis en place, bien que louables, restent en deçà de l’importance d’un tel enjeu clima- tique global. Une stratégie à la hauteur de ces enjeux se doit d’être forte et résiliente. Cela se caractérise par la mise en place de mesures qui favoriseraient l’atteinte de la neutralité carbone par la réduction des émissions directes. En tout état de cause, les mécanismes de compensa- tion ne doivent en aucun cas éclipser la pro- blématique centrale de diminution en absolu des émissions de CO2, et cela concerne égale- ment les autres secteurs d’activités. En fin de compte, cette crise sanitaire, au-delà de ses méfaits, aura permis d’ouvrir le champ des pos- sibles que nous nous devons d’élargir. Cela ne se fera qu’à travers une prise de conscience collective de l’urgence climatique. Nous avons le devoir en tant qu’individu d’inciter les entre- prises en apportant quelques changements à notre mode de vie, par exemple en consommant dans la limite du nécessaire. Pour la définition de ‘’limite du nécessaire’’, je m’en remets à Figure 4 : Cartographie de participation des états au dispositif CORSIA (Source : [8] ) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 16 PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE
  • 17. René Descartes qui disait « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. », pour- quoi s’en priver ? Sources: [1] Journal aviation, « IATA : Le trafic aérien passager enregistre sa plus forte chute depuis la crise du 11 Septembre », avr. 20, 2020. [2] MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, « Feuille de route française pour le déploiement des bio- carburants aéronautiques durables ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Feuille%20 de%20route%20fran%C3%A7aise%20pour%20le%20d%C3%A9ploiement%20des%20biocarburants%20a%C3%A9ronautiques%20 durables.pdf. [3] ANCRE, « Feuille de route pour le développement de filières biocarburants aéronautiques en France ». juin 2018, [En ligne]. Disponible sur: https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2018/06/synthese_ANCRE_biocarburants-aviation.pdf. [4] Connaissance des énergies, « Biokérosène », avr. 06, 2018. https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/ biokerosene. [5] Adrien LAILLE, « BILANS ET PERSPECTIVES SOUHAITABLES DE LA TAXE CARBONE », INFOSE, avr. 2020. [6] EPE, « Emissions évitées - Les entreprises évaluent leurs solutions pour le climat ». sept. 2017, [En ligne]. Disponible sur: https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-29591-emissions-evitees-epe.pdf. [7] Direction Générale de l’Aviation Civile, «AVIATION CHANGEMENT CLIMATIQUE ». [En ligne]. Disponible sur: https://www. ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Aviation_et_changement_climatique.pdf. [8] MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIREDIRECTION GÉNÉRALE DE L’AVIATION CIVILE, « L’AVIATION, PREMIER SECTEUR À SE DOTER D’UN DISPOSITIF MONDIAL DE MAÎTRISE DE SES ÉMISSIONS DE CO2 ». juin 2017, [En ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/plaquette%20GMBMpap.pdf. [9] MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, « Stratégie Nationale Bas-Carbone ». mars 2020, [En ligne]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf. [10] SustainableAviation, « SUSTAINABLEAVIATION FUELS ROAD-MAP ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.sustainablea- viation.co.uk/wp-content/uploads/2020/02/SustainableAviation_FuelReport_20200231.pdf. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 17PERSPECTIVES SUR LA RÉDUCTION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR AÉRONAUTIQUE Habib OUATTARA
  • 18. À l’heure où la crise sanitaire, économique et financière chamboule nos modes de vie, d’impor tants débats s’animent autour de la relance économique : « Plus verte ? », « Low-tech ? », « Progressive ? ». Le télétravail en masse : provisoire ou durable ? Autant de questions qui relancent de vifs débats en cette période clé, vue comme une fin ou un départ. Conscient de l’urgence environnementale, l’homme redouble de créativité : «optimiser», « innover », « connecter », «regrouper», « dével- opper », « digitaliser ». Digitaliser ? Oui, vous avez bien lu. À l’heure où les entreprises tentent de concilier sécurité et productivité, s’affrontent en coulisse deux écoles de pensées : plutôt « high-tech » ou « low-tech » ? Cet article s’intéresse au développement massif des Data Centers dans un contexte de transi- tion énergétique. Après un rappel sur les Data Centers et leurs impacts soumis à controverse, nous nous intéresserons au cas de l’Irlande, territoire privilégié pour l’implantation de Data Centers. L’ère du numérique, en adéquation avec les objectifs climatiques ? Les Data Centers qu’est-ce que c’est ? Un Data Center se définit comme un bâti- ment d’hébergement qui accueille un ensem- ble d’infrastructures numériques (équipe- ments de calculs, de stockage, de transport de données). Il est doté de systèmes de refroid- issement et de récupération de chaleur ainsi que d’équipements de secours : batteries, onduleurs, groupes électrogènes. Celui-ci sert à organiser, traiter et stocker d e g r a n d e s q u a n t i t é s d e d o n n é e s p o u r le compte d’entreprises ou organisations gouvernementales. Quels impacts sont sujets à controverse ?- Les infrastructures numériques souffrent d’une invisibilité persistante, qui minimise la per- ception de leurs impacts environnementaux. Si on a longtemps présenté les données numéri- ques comme immatérielles, flottant dans un « cloud », elles nécessitent pourtant des serveurs physiques à forte consommation éner- gétique, alimentés en continu. Stockés aux quatre coins du monde, les Data Centers impactent très concrètement tous types d’espaces, des cœurs métropolitains aux péri- phéries d’activités, et entraînent un accroisse- ment non négligeable de la consommation éner- gétique mondiale. Data Centers VS transition énergétique: plutôt « high-tech » ou « low-tech » ? Focus sur le cas de l’Irlande I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 18 DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
  • 19. Une étude de 2015 de Anders Andrae et Tomas Edler du centre RD de Huawei à Stockholm estimait que le secteur numérique consom- mait 7% de l’électricité mondiale en 2013, soit la puissance de 210 réacteurs nuclé- aires pendant un an (pour sa phase de pro- duction et de consommation). Les centres de données représentaient eux 2% de l’ensemble mondial, soit 420 TWh ou 60 tranches nucléaires en fonctionnement continu. Leurs prévisions atteignent un maximum de 13% de l’électricité mondiale consommée par les Data Centers en 2030, et 51% pour le secteur informatique dans sa totalité, soit respectivement 1130 et 4400 réacteurs nucléaires. Le groupe de travail numérique du think- tank «  The Shift Project » a revu récemment à la baisse ce scénario du pire mais estime cependant que le secteur numérique pour- rait représenter 25% de l’électricité mondi- ale en 2025 (5% pour les data centers), sans se prononcer sur 2030. Enfin, pour la France, l’association Négawatt a tenté l’exercice et estime que le numérique consommait 8,5% de l’électricité du pays en 2015 dont 2% pour les data centers (soit 10 TWh/an). Il n’existe cepen- dant pas d’étude territorialisant les projections mondiales en France aujourd’hui. [1] (Source : ADEME, 2019). De plus, chaque centre de données — générale- ment connecté par sécurité à une double arrivée d’électricité — est équipé de générateurs de secours et de salles de batteries assurant une autonomie en cas de coupure sur le réseau. Cette démultiplication infrastructurelle crée une redondance des équipements, dont la mise en utilité pose aujourd’hui question. Finalement, du fait de la délocalisation des impacts, les technologies numériques sont souvent présentées comme un levier fonda- mental pour la transition énergétique, oubliant de mentionner les éléments clés à prendre en compte pour rester cohérent avec les objectifs de la transition. Zoom sur le cas de l’Irlande, tiraillée entre l’économie et l’écologie L’Irlande, le paradis des infrastructures numériques S’ils sont présents partout dans le monde, l’implantation des Data Centers se concentre aux États-Unis, en Europe et en Asie. Ils seront l’un des plus importants postes de consomma- tion électrique du XXIe siècle, portés par une démultiplication du trafic internet, l’explosion des échanges de données, la croissance du cloud et les prévisions de 100 milliards d’objets connectés pour 2030. L’Irlande présente de nombreux atouts, qui en font un territoire très plébiscité pour le dével- oppement des Data Centers. La fiscalité avantageuse du pays (12,5% d’impôt pour les entreprises), le climat tempéré limitant les coûts de refroidissement, la politique incita- tive du gouvernement qui considère le secteur « stratégique », ainsi que les délais raccourcis pour l’obtention de permis de construire sont autant de facteurs participant à l’attractivité du pays vis-à-vis des investisseurs. Aujourd’hui, l’Irlande compte 54 Data Centers en activité (données au 8 janvier 2020), 10 en construction et 31 nouveaux permis ont été délivrés. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 19DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
  • 20. La face obscure d’un développement massif des Data Centers En septembre 2019, la chaîne RTE diffusait un documentaire sur l’impact environnemental de ces Data Centers : selon les chiffres de l’Irish Academy of Engineering, ils devraient ajouter 1,5 million de tonnes d’émissions carbone aux émissions de l’Irlande d’ici 2030. Si les Data Centers émettent autant si ce n’est pas plus de CO2 que toute l’aviation mon- diale, c’est à cause de leur consommation d’électricité. Les experts de l’Irish Academy of Engineering affirment que, d’ici huit ans, ces bâtiments représenteront à eux seuls 31% de la consommation d’énergie du pays. À l’échelle du monde, ils engloutissent au moins 10% de la production électrique totale. Et ce n’est là qu’un début, car l’augmentation annuelle de la consommation des Data Centers tourne autour de 7 %. Situation de l’Irlande et compromis Dans le cadre du Plan d’Action pour le Climat (« Climate Action Plan »), l’Irlande s’est fixée pour objectif d’atteindre 40% d’énergies renouv- elables en 2020, et 70% en 2030. A u j o u r d ’ h u i l e s é n e r g i e s r e n o u v e l a b l e s représentent 30%, essentiellement d’origine éolienne, de la consommation énergétique du pays (voir figure ci-dessous). Selon un représentant du ministère DCCAE (Ministère des télécommunications, de l’action climatique et de l’environnement) : « Des progrès importants ont été réalisés en 2019 quant à l’approvisionnement durable des Data Centers : un programme de soutien aux éner- gies renouvelables a été mis en place et nous faisons la promotion des énergies vertes auprès des gros consommateurs d’électricité. » Figure 1 : Graphique prévisionnel de la consommation énergétique de l’Irlande © AIE I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 20 DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ?
  • 21. Sources: [1] ADEME, février 2019, « L’impact spatial et énergétique des Data Centers sur les territoires ». Cécile Diguet IAU IdF et Fanny Lopez Eavt, avec Laurent Lefevre. [2] Mr Mondialisation, 12 mai 2020, « Irlande : l’invasion des Data Centers menace la transition énergétique », Victoria Garmier. [3] SciencesPo, Cities and Digital Technology Chair, Avril 2019, « Territoires numériques et transition énergétique : les limites de la croissance » , Cécile Diguet et Fanny Lopez. Aujourd’hui, l’Irlande est un des plus mauvais élèves de l’Union Européenne en termes d’émissions de CO2 et doit déjà lui payer 250 millions d’euros d’amende pour ne pas avoir atteint ses objectifs en 2020. Malgré leurs Data Centers énergivores, les mul- tinationales misent sur une image « green » et engagée : - Facebook a construit un Data Center d’un montant de 300 millions d’euros à Clonee dans le comté de Meath, qui fonctionne à 100% aux énergies renouvelables. - Amazon a annoncé que la chaleur générée par son Data Center situé à Tallaght (au sud- ouest de Dublin) sera réutilisée pour chauffer les maisons et bureaux aux alentours, ce qui permettrait une réduction des émissions de CO2 de presque 2000 tonnes par an. D a n s s o n r a p p o r t , l ’ I r i s h A c a d e m y o f Engineering explique que 9 milliards d’euros d’investissements dans le secteur énergétique d’ici 2027 seront nécessaires pour subvenir aux seuls besoins des Data Centers. Gerry Duggan, membre senior de l’IAE se veut réaliste : « C’est techniquement possible d’atteindre nos objectifs en termes d’énergies renouvelables. Mais pour être honnête, il va falloir beaucoup d’éoliennes. » Le ministère des télécommunications, de l’action climatique et de l’environnement, affirme que l’installation des Data Centers est maîtrisée : « Le gouver- nement s’est engagé en prenant des mesures pour faciliter l’installation des Data Centers de manière à ce qu’ils soient bien répartis à travers les régions, mais aussi pour minimiser l’impact sur notre réseau électrique » explique un représentant du ministère. » [2]( Mr mon- dialisation, 2020). Pour conclure, L’impact des Data Centers sur l’environnement est non négligeable et souvent inconnu du grand public. Néanmoins, ces éléments s’inscrivent dans un contexte particulier où le numérique est un facteur clé et prépondérant de l’économie mondialisée du 21ème siècle. L e s i n d u s t r i e s a i n s i q u e l e s t e r r i t o i re s s’organisent autour des technologies du numéri- que, qui présentent des atouts indéniables. Le numérique est un des piliers de la société actuelle et ne peut être retiré de l’équation. En revanche, il est primordial d’avoir connais- sance des limites du numérique d’un point de vue environnemental pour le développer avec parcimonie. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 21DATA CENTERS VS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE: PLUTÔT « HIGH-TECH » OU « LOW-TECH » ? Axelle DE CADIER
  • 22. A vec l’émergence de plus en plus forte de nouveaux courants de pensée autour de la protection de l’environnement, de nombreux fournisseurs d’énergie se sont mis à proposer des offres adaptées. Ainsi, depuis 1990, nous avons pu voir un véritable boom des offres « vertes » proposées par la majorité des fournisseurs d’électricité. Plus de deux millions de celles-ci visent à proposer de l’énergie dite « verte » en développant les réseaux d’énergies renouvelables. En France, selon le bilan publié par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, ces énergies renouvelables représentent 16,3 % de la consommation finale brute d’énergie. Cela devrait continuer d’augmenter progressivement puisque l’objectif visé par la Loi de Transition Énergétique pour la croissance ver te est de 32% en 2030. Vendre de l’énergie verte, c’est beau, certes, mais les électrons de toutes provenances se mélangent dans les réseaux. Alors comment transformer ces techniques commerciales en réelles promesses ? Comment assurer au con- sommateur qu’on lui fournit ce qu’il recherche? Grâce aux GO1 ! Décrivons leur fonctionnement. Les garanties d’origine de l’électricité verte C’est simple, une GO est un document qui atteste qu’une énergie est issue de production 1 Garanties d’Origine renouvelable. Selon l’article R.314-53 du code de l’énergie, une GO se définit comme « un document électronique ser vant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogé- nération. » (1) Pour ce faire, on fait appel à la société indépen- dante Powernext. Cette dernière est la seule capable de générer des garanties d’origine à l’échelle européenne. Le producteur, dès lors que de l’énergie verte est produite, demande un certificat de Garantie d’Origine auprès de Powernext. L’organisme vérifie l’origine de cette énergie et sa qualité grâce à des audits, puis délivre un numéro d’identification unique de l’électricité produite. Ce numéro permet d’obtenir toutes les informations qui lui sont liées (type d’énergie, date et lieu de production, nom et qualité du demandeur, aides perçues pour les installations de production) (2). Mais les garanties d’origine soutien- nent-elles vraiment le développe- ment des parcs EnR2 ? Les GO sont loin d’être le principal levier de développement des capacités EnR. Elles sont, en effet, très peu chères par rapport au prix moyen annuel de l’électricité3 et par rapport aux coûts nécessaires à un éventuel investisse- ment dans de nouvelles infrastructures d’EnR 2 Énergies renouvelables 3 Le prix moyen du MWh est autour des ~50€ sur une année, contre ~2€ pour une GO. Financement des renouvelables : Une affaire délicate de GO I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 22 FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
  • 23. (3). Les investissements sont surtout déclen- chés par les mécanismes de soutien public, à savoir les tarifs de rachats et les compléments de rémunération (4). À titre de comparaison, l’éolien terrestre bénéficie d’un soutien dont le montant est de l’ordre de 31€/MWh (5). Notons enfin que, d’un pays à l’autre, la législa- tion peut être très différente et avoir un impact considérable sur les GO. Jusqu’à décembre 2018, la France avait des lois qui empêchaient les producteurs bénéficiant de soutiens publics de générer des GO. De telles lois n’existaient pas en Nor vège ou en Finlande. Ces derni- ers ont donc eu l’opportunité d’exporter mas- sivement des GO vers les pays où la loi était plus rigide. Cette « injustice » envers les pro- ducteurs locaux a été corrigée en janvier 2019, date à laquelle une nouvelle loi a permis aux producteurs bénéficiant d’aides de l’État de générer des GO, de les vendre aux enchères puis de remettre les recettes à l’État qui les réinvestit ensuite dans les aides publiques. Des offres vertes, en veux-tu en voilà! En fait, les fournisseurs, ne garantissent pas que les consommations sont issues d’une production verte mais qu’un volume égal au volume desdites consommations sur la période d’une année a été injecté dans le réseau par un producteur d’énergies renouvelables. Il existe plusieurs types d’offres « vertes » mais on s’intéresse ici aux deux suivantes : - Dans un premier cas, le fournisseur achète son électricité sur le marché de gros, d’une part, et achète des garanties d’origine, d’autre part. Ces GO peuvent provenir de pro- ductions issues de l’Europe entière. Dans ce cas, le consommateur contribue au développe- ment des EnR via l’achat de GO. - Dans un second cas, le fournisseur achète l’électricité et les GO directement auprès de producteurs français en signant des con- trats d’achat. Dans ce cas-là, le prix d’achat de l’électricité peut être supérieur à celui du marché grâce à un consommateur motivé à payer davantage pour permettre le dével- oppement des EnR. Le consommateur va ainsi directement contribuer au développement des EnR nationales notamment en payant directe- ment l’électricité auprès du producteur à des prix supérieurs. De plus, le consommateur a la possibilité de choisir de soutenir des pro- ducteurs « locaux » ou plus lointains(5). Pour ce qui est du prix de vente des garanties d’origine, il faut savoir qu’il est compris entre 0,15 et 5 €/MWh. Les GO s’échangent de gré à gré, ce qui rend leur prix très variable. L’offre et la demande sont les principaux leviers qui Figure 1 : Cycle de vie d’une GO Source : Powernext (6) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 23FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
  • 24. influent sur ces prix4 . Ainsi, certains pays à fortes capacités d’EnR5 inondent le marché de GO et exercent en conséquence une forte pres- sion sur lesdits prix. Dans le premier cas cité ci-dessus, le fournis- seur fait le choix de payer moins cher les GO en les achetant dans des pays où les EnR sont plus développées. Il achète donc des GO europée- nnes à moindre prix ainsi que de l’électricité sur le marché de gros (mix énergétique). La garantie quant à la provenance de l’électricité est alors inexistante. Le consommateur se retrouve alors à financer en majeure partie des énergies d’origine fossile ou nucléaire et seule une très faible partie (liée à la garan- tie d’origine) à un producteur délocalisé. On observe ici un potentiel vice de marketing (7). 4 La qualité des installations, l’âge des infrastructures peut aussi influencer les prix, mais dans de plus faibles propor- tions. 5 On peut citer la Norvège dont 95% de la production électrique est issue de l’hydraulique. Des paroles dans le vent ou du vent dans les réseaux ? Dans les deux cas mentionnés ci-des- sus, le soutien aux EnR est prôné. Mais qu’en est-il réelle- ment ? Pour le 1e cas ici nommé    « c l a s s i q u e » , l a r é m u n é r a t i o n a l l o u é e a u p r o - ducteur serait de 5€/ an, soit 1,1% de la facture du c o n s o m m a t e u r . Po u r l e 2 n d c a s , la part de revient au producteur est 131€/an, soit 29% du montant de la facture. Source : Pngtree Figure 2 : Composition de la facture d’un foyer (Source : ADEME) I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 24 FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO
  • 25. Sources: [1]. Traçabilité des ENR : les garanties d’origine [Internet]. 2017 [cité 17 mai 2020]. Disponible sur: https://www.connaissancede- senergies.org/tracabilite-des-enr-les-garanties-dorigine-170407 [2]. Garanties d’origine : la traçabilité de l’électricité verte [Internet]. Selectra. 2018 [cité 13 mai 2020]. Disponible sur: https://selec- tra.info/energie/guides/comprendre/garanties-origine [3]. Webinar Electricité verte et garanties d’origine - Carbone 4 - YouTube [Internet]. [cité 21 mai 2020]. Disponible sur: https:// www.youtube.com/watch?v=kjfYQr9ExQAt=1709s [4]. Dispositifs de soutien aux énergies renouvelables [Internet]. Ministère de la Transition écologique et solidaire. [cité 21 mai 2020]. Disponible sur: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/dispositifs-soutien-aux-energies-renouvelables [5]. avis-de-lademe_offres_vertes_decembre2018.pdf [Internet]. [cité 20 mai 2020]. Disponible sur: https://www.ademe.fr/sites/ default/files/assets/documents/avis-de-lademe_offres_vertes_decembre2018.pdf [6]. Registre des Garanties d’Origine | Powernext [Internet]. [cité 21 mai 2020]. Disponible sur: https://www.powernext.com/fr/ donnees-du-registre [7]. Electricité : l’imposture des « offres vertes ». Le Monde.fr [Internet]. 26 août 2019 [cité 16 mai 2020]; Disponible sur: https:// www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/26/electricite-l-imposture-des-offres-vertes_5502811_3234.html Le consommateur qui désire simplement par- ticiper au financement des énergies renouvel- ables ne comprend pas toujours où va exacte- ment son argent et dans quelles proportions. Les campagnes de marketing des fournisseurs ne sont pas toutes transparentes à ce sujet. L’Ademe recommande aux pouvoirs publics de « définir un référentiel normatif obligeant les fournisseurs à décrire leurs offres plus préci- sément et sur la base de critères communs » pour pallier ce problème. Elle estime aussi que le niveau de qualité des offres vertes et leur impact sur le développement des EnR peuvent être améliorés par la réduction des durées d’utilisation des GO, qui sont aujourd’hui annu- elles. Une loi est prévue en ce sens pour 2021 et permettrait d’acheter des GO mensuelles, ce qui exercerait plus de tensions sur les prix. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 25FINANCEMENT DES RENOUVELABLES : UNE AFFAIRE DÉLICATE DE GO Tarek FAKOUDI
  • 26. La Terre, son eau et nos besoins Une ressource inégalement répartie Si l’eau constitue 72% de la surface de la Terre, seul 2,5 % de son volume est constitué d’eau douce dont près de 70 % provient des glaciers et surfaces enneigées. Le reste se situe princi- palement dans les aquifères, qui sont des for- mations géologiques dont la porosité permet leur stockage (30%), ainsi que dans les lacs et cours d’eau (moins d’1%) [1]. La planète bleue accueille désormais plus de 7,77 milliards d’habitants, lesquels dépendent vitalement de ces ressources. Avec l’explosion démographique, les aléas climatiques grandis- sants ainsi que l’inégalité de la répartition de l’eau1 (visible sur la carte ci-dessous [2]), la gestion que l’Homme fait de cette ressource est de plus en plus cruciale. En effet, en plus d’être indispensable à la vie humaine, elle est 1 « Le stress hydrique physique désigne ici le rapport entre la quantité totale d’eau douce prélevée annuellement par tous les grands secteurs, y compris les besoins environnemen- taux en eau, et la quantité totale de ressources renouvelables en eau douce. Il est exprimé en pourcentage. » [2]. aussi présente dans la plupart des secteurs d’activité. La répartition géographique des ressources en eau potable ne coïncide pas forcément avec la demande et la densité démographique. Ainsi, selon [1] : « Certaines régions bénéficient d’excédents considérables, c’est le cas par exemple du Canada, du Chili, de la Nouvelle- Zélande ou de la Norvège où les disponibili- tés en eau dépassent les 50 000 m3 par per- sonne et par an. D’autres, au contraire, souf- frent de pénuries chaque année plus graves, c’est le cas des pays du Maghreb, du Golfe ou de l’Asie Centrale où les disponibilités en eau sont inférieures à 1 000 m3 par personne et par an. » Fort de ce constat, certains pays, notamment situés sur les littoraux, se sont vite tournés Figure 1 : Niveau de stress hydrique physique [2] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 26 LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
  • 27. vers la solution du dessalement de l’eau de mer, si bien que l’on compte désormais près de 16 000 usines de dessalement réparties dans 177 pays à travers le monde. « Les capacités de production actuelles [des usines de des- salement] atteignent donc les 95 millions de mètres cubes par jour, dont presque la moitié est concentrée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, notamment en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unies et au Koweït. Dans huit pays - Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Bahreïn, le Koweït, les Maldives, Malte, le Qatar et Singapour -, le dessalement permet même de répondre à l’ensemble des besoins nation- aux en eau potable. » [3] Procédés de dessalement les plus courants Les premiers systèmes de dessalement d’eau de mer étaient basés sur la distillation à simple effet. À l’origine, la chaleur fatale (non récu- pérée) des navires équipés de moteurs ther- miques permettait de chauffer l’eau afin de n’en récupérer que l’eau douce par condensa- tion de la phase vapeur. Des progrès technologiques ont permis de diminuer la consommation énergétique de ce type de systèmes de dessalement thermique avec les méthodes suivantes : distillation à multiple effets (MED), distillation par détentes successives ou flash (MSF) et distillation par compression de vapeur (MVC, TVC). [4] [5] Basé sur un tout autre concept, une autre technique appelée osmose inverse repose sur l’application d’une pression mécanique suf- fisamment forte pour faire passer l’eau de mer salée à travers des membranes semi-permé- ables laissant passer l’eau tout en arrêtant les sels dissous [6]. En effet, le phénomène d’osmose réside dans la migration naturelle des molécules présentes dans un milieu peu concentré vers un autre milieu plus concentré. L’électrodialyse, quant à elle, se base, sous l’effet d’un champ électrique, sur l’extraction de minéraux2 de l’eau salée migrant vers des membranes sélectives (selon la nature posi- tive ou négative du minéral considéré) [5]. Ce type de procédé est cependant plutôt réservé aux eaux saumâtres (eau légèrement à moy- ennement salée avec une tenue de sel de 1 à 10 grammes par litres d’eau [7]) car la consom- mation électrique devient vite importante pour de fortes concentrations en sels 2 « L’eau de mer contient en moyenne 35 grammes de sels par litre, constitués à 86% de chlorure de sodium et 13% de carbonate et sulfate de magnésium et de calcium. » [5] Figure 3: Principe de l’osmose inverse [6] Figure 2: Distillation à simple effet [6] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 27LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
  • 28. Coûts énergétiques et économiques Comme indiqué précédemment, les technolo- gies industrielles de dessalement de l’eau de mer s’articulent majoritairement sur des procé- dés thermiques ou membranaires. Concernant les ressources utilisées pour la production d’énergie, qu’elle soit thermique ou électrique, celles-ci dépendent évidem- ment des potentiels géographiques de chaque pays dans lequel un système est installé. Au Moyen-Orient, par exemple, les États possé- dant une certaine manne d’or noir l’ont long- temps exploitée et continuent de l’exploiter en grande partie pour les usages thermiques. En effet, selon [8] « En Arabie Saoudite, premier pays producteur d’eau dessalée au monde avec 5,5 millions de mètres cubes traités par jour (…), la Saline Water Conversion Corporation évoque un besoin équivalent à 350 000 barils de pétrole par jour pour assurer la conversion d’eau salée en eau douce ». Néanmoins, avec l’essor du renouvelable, l’association du système par osmose inverse à la technologie solaire photovoltaïque permet- tra de mettre en lumière une forte baisse de l’impact environnemental du dessalement d’eau de mer, comme le montre l’exemple du projet solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum Solar Park à Dubaï (5 000 MW d’ici 2030) [8]. La répartition relative des systèmes ci-dessus montre globalement un développement certain de la méthode « mécanique » liée à l’osmose inverse, présentant des coûts intéressants tant sur le plan économique qu’énergétique. De plus, la conception modulaire de ce procédé permet l’installation d’une capacité de traite- ment facilement adaptable aux besoins. Quels impacts environnementaux pour une telle production d’eau potable ? Outre l’existence de techniques exigeantes sur le plan énergétique, ces procédés assurent la séparation de deux produits liquides : l’un propre à la consommation humaine et l’autre constituant la partie finalement rejetée avec une salinité pouvant atteindre les 70 grammes par litre [8]. Ceux-ci repartent le plus souvent à l’état brut dans les mers, non sans impacts délétères sur la faune et flore marine. À cela s’ajoute également des effluents chimiques utilisés dans les processus de traitement [9]. Néanmoins, certains débouchés de valorisation existent pour la saumure (eau dont la salinité Figure 4 : Analyse comparative des différentes technologies de dessalement (données 2013) [8] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 28 LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
  • 29. est supérieure à celle de l’eau de mer). Elle peut être exploitée en aquaculture et utilisée pour l’irrigation de certaines plantes tolérantes au sel (algue spiruline, etc.) [3] et [9]. Quels procédés pour le monde de demain ? Les technologies citées précédemment, bien que capables de produire d’importants volumes, nécessitent, en plus d’investissements massifs, d’avoir accès à des réseaux de distribution d’eau adéquats afin d’assurer en aval la répar- tition de la ressource [8]. Ainsi, certains territoires ne bénéficiant pas de ces prérequis pourraient être intéressés par des systèmes décentralisés de plus petite enver- gure. En lien avec ce type de besoins, plusieurs technologies françaises comme Helio (Marine Tech) [10] ou Osmosun (Mascara) [11], pour ne citer qu’elles, pourraient bien être à même de répondre à ce type de demande. Emmanuel GASSE MUÑOZ Sources: [1] La Cité de la Mer, « La mer à boire », La Cité de la Mer - Technopole Cherbourg-Normandie, Technopole Cherbourg- Normandie, Dossier thématique, avr. 2012. Consulté le: avr. 18, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://mediathequedelamer.com/ wp-content/uploads/dossier-la-mer-a-boire.pdf. [2] WWAP (Programme mondial de l’UNESCO pour l’évaluation des ressources en eau), « Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2019 : Ne laisser personne pour compte. », UNESCO, Paris, 2019. [En ligne]. Disponible sur: https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000367305. [3] G. Gamberini, « Dessalement de l’eau : l’ONU s’inquiète des risques pour l’environnement », La Tribune, janv. 14, 2019. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/dessalement-de-l-eau-l-onu-s-inquiete-des-risques-pour- l-environnement-803570.html (consulté le avr. 18, 2020). [4] J. Dunglas, « Le dessalement de l’eau de mer : une nouvelle méthode pour accroître la ressource en eau », p. 10, févr. 2014, [En ligne]. Disponible sur: https://www.agri-mutuel.com/wp-content/uploads/2018/02/dessalement-de-l-eau-de-mer.pdf. [5] P. Bandelier, « Le dessalement d’eau de mer et des eaux saumâtres », Encyclopédie de l’énergie, nov. 29, 2016. https:// www.encyclopedie-energie.org/le-dessalement-deau-de-mer-et-des-eaux-saumatres/ (consulté le mai 03, 2020). [6] J.-M. Rovel, « Dessalement de l’eau de mer ». Techniques de l’Ingénieur, févr. 10, 2010, Consulté le: avr. 18, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/environnement-securite-th5/ procedes-de-traitement-des-eaux-potables-industrielles-et-urbaines-42318210/dessalement-de-l-eau-de-mer-w5700/. [7] Connaissance des Énergies, « Dessalement d’eau : consommation d’énergie, procédés, pays producteurs », sept. 23, 2015. https://www.connaissancedesenergies.org/combien-denergie-faut-il-pour-dessaler-de-leau-de-mer-150923 (consulté le avr. 30, 2020). [8] Sia Partners, « Dessalement de l’eau de mer : des évolutions nécessaires pour accompagner l’essor du secteur », janv. 15, 2017. https://energie.sia-partners.com/20170112/dessalement-de-leau-de-mer-des-evolutions-necessaires-pour-accompagner-les- sor-du-secteur (consulté le avr. 30, 2020). [9] J. Cossardeaux, « Eau : l’impact de la désalinisation sur l’environnement s’aggrave », Les Echos, janv. 14, 2019. https://www. lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/eau-limpact-de-la-desalinisation-sur-lenvironnement-saggrave-389146 (consulté le avr. 18, 2020). [10] Marine Tech, « Production d’eau ». http://www.marinetech.fr/Production-d-eau#a741 (consulté le mai 06, 2020). [11] Mascara, « Applications OSMOSUN® | Mascara Renewable Water ». https://www.osmosunwater.solutions/applications/ (consulté le mai 06, 2020). I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 29LA TERRE, SON EAU ET NOS BESOINS
  • 30. Nourrir l’humanité en 2050 L e changement climatique est l’affaire de tous et se répercute sur de nombreux aspects de notre vie. Il est notamment intimement lié à notre besoin le plus fonda- mental : se nourrir. Nourrir le monde à horizon 2050 constitue en soi un véritable challenge qui devient d’autant plus complexe et insoluble s’il doit se faire dans le respect de l’environnement et du climat. Les besoins nutritifs de l’homme D’un point de vue énergétique, un humain se trouve en situation d’insécurité alimentaire lorsqu’il dispose de moins de 1 680 kcal/jour1 (2,0 kWh/jour2 ) [1]. C’est la valeur seuil pour 1 Une calorie correspond à la quantité d’énergie néces- saire pour élever la température d’un gramme d’eau liquide de 14,5 à 15,5 °C. 2 1 000 kcal = 1,16 kWh le maintien de la survie. Cependant, pour se maintenir en bonne santé, nos besoins éner- gétiques sont en moyenne de 2 353 kcal/jour (2,7 kWh/jour) [2]. Il est évident que, cet apport calorique doit également répondre aux besoins nutrition- nels de l’être humain en protéines (44 g/j/p), vitamine A (721 μg/j/p), fer (11mg/j/p), zinc (9 mg/j/p) et autres nutriments [2]. Néanmoins, le présent article s’intéresse exclu- sivement aux moyens d’assurer la production d’apports caloriques nécessaires pour nourrir la planète en 2050. Figure 1 : Utilisation des terres pour la production de nourriture [3] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 30 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 31. Situation de la production agricole mondiale Aujourd’hui, l’agriculture occupe 50% des sur- faces habitables sur Terre et, contrairement à ce que nous pourrions penser, l’urbanisation des sols ne représente que 1% de ces surfaces [3]. Ainsi, l’artificialisation des terres est avant tout agricole. Le graphique précédent montre la répartition des usages des différentes surfaces du globe et met en exergue un fait assez marquant sur les rendus énergétiques de certaines sur- faces agricoles. En effet, 77% de ces surfaces servent à nourrir le bétail (cultures et pâture) pour finalement ne produire que 18% des calo- ries mondiales utiles à l’homme. En revanche, les cultures directement destinées à nourrir l’homme fournissent 82% des calories mondi- ales en occupant seulement 23% des surfaces agricoles. Malgré la faible efficacité de la production de calories d’origine animale et du système agricole en général, le fonctionnement actuel permet néanmoins de nourrir la population mondiale. Initialement, le nombre de calories disponibles à l’issue des cultures est de 5 935 kcal/j/p en récolte comestible et de 3 812 kcal/j/p en pâturage. A priori, la production agricole actuelle est suffisante pour nourrir la popu- lation d’aujourd’hui et même les 9,7 milliards d’individus attendus pour 2050. Cependant, de la récolte à nos assiettes, le système global présente des pertes à toutes les étapes : lors des récoltes, des distributions et par les consommateurs. Sur le critère nutritif, les pertes les plus importantes proviennent de l’usage des r é c o l t e s c o m e s t i b l e s p o u r p r o d u i r e d e l ’ é n e r g i e ( b i o g a z o u b i o c a r b u r a n t ) a v e c 808 kcal/j/p et également du faible rendement pour la production de calories animales avec 4956 kcal/j/p de perte. Figure 2 : Flux énergétiques globaux du monde agricole en kcal/jour/personne [2] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 31NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 32. Ce dernier point peut être analysé de deux manières différentes. L’usage des pâtures et des prairies constitue dans tous les cas une perte sèche car ce que fournit la nature en ces lieux n’est pas comestible par l’homme. Finalement, la perte serait de 1 144 kcal/j/p (=4 956-3 821). Dans un monde où la produc- tion agricole est suffisante, la perte de calo- ries engendrée par l’élevage est acceptable. En revanche si elle venait à être insuffisante en raison de la hausse de la population ou des effets du changement climatique, les pâtures pourraient être converties en cultures comesti- bles. Dans ce cas, nous pourrions la considérer comme une perte à part entière. D’ailleurs, si nous continuons à vivre « busi- ness as usual»3 en dédiant la même quantité de nourriture au bétail (impliquant notamment une baisse de consommation de viande par per- sonne, 441 kcal/j/p), en considérant une con- servation des pertes à la récolte et la distri- bution et un gaspillage par consommateur des denrées constantes, il n’y aurait pas suffisam- ment de calories pour nourrir le monde en 2050. Même en supprimant l’usage des récoltes à des fins énergétiques pour accroître les calories nourrissant l’humanité, nous serions confron- tés à un déficit de 40 kcal/j/p. Ce déficit s’aggrave si nous considérons les projections de consommation de viande par la FAO. La hausse de consommation de viande et de produits laitiers apparaîtra dans les pays en développement comme l’Inde ou la Chine [4]. Ainsi, au niveau mondial, la consommation de produits d’origine animale pourrait croître à 730 kcal/j/p. Dans le cas d’un « business as usual » 3 Fait de maintenir le fonctionnement d’un système ou d’une activité sur de vieilles habitudes malgré les difficultés et les perturbations du futur qui forceraient à modifier la méthode de management. intégrant cette hausse de consommation, une part encore plus importante des récoltes comes- tibles serait dédiée à l’alimentation du bétail. Le déficit atteindrait 1 337 kcal/j/p : plus de la moitié de la population mondiale serait alors en situation d’insécurité alimentaire. Vue d’une autre manière, en considérant une augmentation de la population de 35% et une modification des régimes alimentaires des pays en développement, la production agricole rem- plissant nos assiettes devrait augmenter de 70%. [5] Relever le défi de demain Devant ce constat alarmant, quelles solutions s’ouvrent à nous pour nourrir 9,7 milliards d’individus ? Il existe plusieurs angles d’attaque pour résoudre ce problème. Nous pouvons décider d’augmenter la production (en augmentant les rendements agricoles ou les surfaces agri- coles), en améliorant l’efficacité énergétique de toute la chaîne agricole ou en modifiant notre demande et notre régime alimentaire. Toutes ces solutions seront analysées pour évaluer leur faisabilité. Augmenter la surface des terres agricoles Cette solution permettrait de répondre aisé- ment au problème sachant que 48% des terres habitables sont encore composées de forêts ou de zones arbustives. Il existe donc un potentiel important de conversion des terres naturelles en zone agricole. Cependant, nous sommes déjà engagés mondi- alement dans une lutte contre la déforestation I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 32 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 33. car les forêts sont des puits de carbone limi- tant le réchauffement climatique et garantes de la biodiversité. Il n’est donc aucunement souhaitable d’accroître les surfaces agricoles car cela pourrait avoir des effets désastreux sur l’environnement. Les seules zones vierges qui pourraient être converties en zone de culture sont celles rendant peu de services à l’environnement et présentant de bonnes dispositions pour obtenir des rendements agricoles élevés [4]. Augmenter les rendements agricoles Pour augmenter la production de 70%, il suf- firait d’augmenter les rendements agricoles d’autant. Une observation bien plus facile à dire qu’à réaliser. Il n’est cependant pas possible de toujours demander plus de croissance des terres. En 50 ans, nous avons plus que doublé nos rendements en passant de 1,5 t/hectare de céréales à 4 t/hectare [4]. Néanmoins, si nous regardons cet exploit en détail, le taux de crois- sance des rendements était de 3,2% par an en 1960, alors qu’il n’était que de 1,5% par an en 2000 [5]. Nous observons donc une baisse de la croissance des rendements. Est-il possi- ble aujourd’hui de demander aux agriculteurs d’accélérer ce taux de croissance ? À terme, il s’agirait donc de passer d’une pro- duction de blé de 4 tonnes l’hectare à 8 tonnes l’hectare en 2050 [7]. Pour relever ce défi, il faudra sûrement avoir encore plus recours à l’usage d’engrais, de pesticides ou autres substances chimiques. Ces molécules ont un impact négatif sur l’environnement en polluant les sols et les eaux. Des boucles de rétroaction négatives pourrait alors impacter les rendements à la baisse [4]. Bruno Parmentier, spécialiste des questions agricoles et alimentaires, considère qu’une agriculture plus durable peut relever ce défi à travers les nouvelles technologies en utilisant la chimie en quantités raisonnées et la per- maculture pour faire travailler les plantes en synergie [7]. Figure 3 : Projection des accroissements nécessaires de rendement pour nourrir l’humanité en 2050 [6] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 33NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 34. Réduire les pertes Le gaspillage alimentaire mondial s’élève à 22% des récoltes comestibles, soit un total de 1 329 kcal/j/p [2]. En France, cette propor- tion atteint même le tiers [7] avec 180 kg/an/p pour non-conformité en sortie des champs, 80 kg/an/p pour non-conformité le long de la chaîne agroalimentaire, 40 kg/an/p de gâchis chez soi et 40 kg/an/p de gâchis en cantine [7]. Des efforts considérables peuvent donc être déployés pour réduire cette inefficience de la chaîne alimentaire. Ces pertes sont avant tout d’ordre culturel. Les produits sont évalués non- conformes en raison de critères esthétiques alors qu’ils restent tout à fait comestibles. Limiter le gaspillage entrainerait une modifica- tion de nos habitudes alimentaires. [7] Changer notre régime alimentaire Enfin, la dernière solution est la plus sou- haitable car elle ne présente pas de contre- partie environnementale. Il s’agit de modifier notre régime alimentaire. Nous l’avons vu : pour une hausse de 35% de la population, la production alimentaire doit augmenter de 70% parce que le régime alimentaire sera de plus en plus carné alors que l’efficacité énergétique de ce produit est médiocre. Cette volonté de manger plus de viande est lég- itime pour les pays en développement qui ont désormais plus facilement accès à cette source d’énergie dont ils étaient jusqu’à présent en partie privés. Cependant, du côté des pays développés, la consommation de viande et de produits laitiers à outrance n’est pas justifiée. En effet, si certains avancent que la consom- mation de viande est nécessaire pour ingérer des protéines, l’excès de protéines consom- mées dans le monde est aujourd’hui de 84% par rapport à une alimentation saine [2]. Il est évident que cet excès est disparate selon les régions du monde et que l’excès est exacerbé dans les pays industrialisés. Ainsi, les pays industrialisés ont une respon- sabilité à prendre et un exemple à montrer en réduisant leur consommation de produits d’origine animale. Les pertes de calorie en sortie de récolte seraient fortement réduites et permettraient d’éviter l’accroissement des inégalités et des crises sociales dans le monde. Ces considérations sont prises d’un point de vue énergétique pour définir le régime alimen- taire à adopter pour le futur que nous souhai- tons mais nous aboutirions aussi aux mêmes conclusions si la question était abordée sous contrainte environnementale ou climatique [3]. Dans un scénario où les pertes ainsi que la consommation de viande au niveau mondial seraient réduites de 50%, il serait possible de nourrir l’humanité en 2050 sans devoir étendre les surfaces agricoles et sans espérer une crois- sance des rendements agricoles. Ce nouveau mode de vie supposerait notamment que la réduction de consommation de produits carnés dans les pays développés soit supérieure à 50% pour que la consommation dans les pays en développement augmente [2]. Les usages énergétiques Une politique cohérente doit être menée pour à la fois nourrir la population et lui fournir de l’énergie. L’usage alimentaire doit être prior- itaire à l’usage énergétique au risque de se confronter à des crises sociales. I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 34 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 35. Le développement de la bioénergie à partir des récoltes comestibles semble avoir un poten- tiel limité suite aux constats déjà mentionnés. Des disparités selon les régions Comme nous l’avons vu plus haut dans l’article, le monde agricole d’aujourd’hui produit suffisamment de nourriture pour nourrir l’humanité. Pourtant 800 millions d’êtres humains « meurent de faim »4 . Cette constante s’est maintenue au cours de l’histoire alors que 5 milliards d’hommes supplémentaires ont pu être nourri [7]. Ce paradoxe s’explique en partie par la logique du système capitaliste où prévaut avant tout la recherche du profit. Au-delà de ce fait, certains États ne reçoivent pas les outils pour atteindre leur autonomie alimentaire et parfois le con- traire est même observé. En effet, les produits agroalimentaires venant 4 Il faut comprendre ce terme dans le sens d’individus chroniquement sous-nourris, c’est-à-dire souffrant de la faim. A noter que 1,8 milliards d’individus supplémentaires n’ont pas un accès régulier à des aliments sains et nutritifs en quantité suffisante, il s’agit d’insécurité alimentaire modéré. A l’inverse, 2 milliards d’individus souffrent de malnutrition, en d’autres termes, de surpoids. [8] d’Europe qui sont vendus en Afrique sont sub- ventionnés et sont donc vendus à perte. C’est un fait couramment qualifié de concurrence déloyale ou de dumping. Cette pratique a pour effet de rendre l’agriculture locale non rent- able et d’entretenir l’économie du pays dans la pauvreté [7]. C’est donc en partie pour cette raison que l’Afrique fournit à peine les apports énergétiques nécessaires pour sa population [9]. Ce n’est donc pas une coïncidence si les pays souffrants de sous-nutrition se trouvent majoritairement en Afrique [8]. Il faudrait donc cesser ce dumping et donner aux pays les outils et les connaissances pour atteindre une agriculture productive [7]. À titre d’exemple, le rendement céréalier est de 4 t/hectare dans plusieurs régions du monde alors qu’il n’est que de 1,5 t/hectare en Afrique Subsaharienne [4]. Conclusion Cet article voulait apporter une réponse au challenge « nourrir le monde de demain d’un point de vue énergétique ». La solution à cette équation est complexe mais elle existe. L’article a aussi effleuré d’autres enjeux qui mériteraient un article spécifique. En effet, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire ont des impacts non négligeables sur le climat et l’environnement [3]. Notre agriculture con- somme de plus en plus d’énergie pour fournir une calorie alimentaire [10]. Toutes les difficultés auxquelles fait face l’agriculture obligent la société à réfléchir sur le monde agricole de demain pour être plau- sible et souhaitable. À une plus petite échelle et dans notre devoir citoyen, nous devons Figure 4 : Cohérence des apports énergétiques fournis selon les régions de monde [9] I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 35NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050
  • 36. réfléchir au régime alimentaire que nous voulons adopter. Par prolongement, je deviens ce que je mange. Adrien LAILLÉ Sources: [1] FAO, « FAO methodology for the measurement of food deprivation ». 2008, [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/fil- eadmin/templates/ess/documents/food_security_statistics/metadata/undernourishment_methodology.pdf. [2] Berners-Lee, Kennelly, Watson, et Hewitt, « Current global food production is sufficient to meet human nutritional needs in 2050 provided there is radical societal adaptation », ELEMENTA Science of Anthropocene, 2018. https://www.elementascience.org/ articles/10.1525/elementa.310/. [3] H. Ritchie et M. Roser, « Environmental impacts of food production », Our World in Data, 2020. https://ourworldindata.org/ environmental-impacts-of-food#environmental-impacts-of-food-and-agriculture. [4] J. Ranganathan, « The Global Food Challenge Explained in 18 Graphics », World Ressources Institute, 2013. https://www. wri.org/blog/2013/12/global-food-challenge-explained-18-graphics. [5] FAO, « Comment nourrir le monde en 2050 », 2010. [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/fileadmin/templates/wsfs/ docs/Issues_papers/Issues_papers_FR/Comment_nourrir_le_monde_en_2050.pdf. [6] J. Ranganathan, R. Waite, T. Searchinger, et C. Hanson, « How sustainably feed 10 billion people by 2050, in 21 charts », World Ressources Institute, 2018. https://www.wri.org/blog/2018/12/how-sustainably-feed-10-billion-people-2050-21-charts. [7] B. Parmentier, « Bruno Parmentier : Nourrir l’humanité ? », 2017. [8] FAO, L’ETAT DE LA SECURITE ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION DANS LE MONDE 2019 : se prémunir contre les ral- entissements et les fléchissements économiques. S.l.: FOOD AGRICULTURE ORG, 2019. [9] FAO, « World food and agriculture : statistical pocketbook », 2018. [En ligne]. Disponible sur: http://www.fao.org/3/CA1796EN/ ca1796en.pdf. [10] N. J. Church, « Why our food is so dependent on oil », Resilience, 2005. https://www.resilience.org/stories/2005-04-01/ why-our-food-so-dependent-oil/. SMensuel sur l’énergie et l’environnement I N F ’ O S E | M a i 2 0 2 0 36 NOURRIR L’HUMANITÉ EN 2050