More Related Content More from Jérôme Havet (20) Residence secondaire acquise par une societe1. 20 Le journal du Médecin | 21 décembre 2018 | N° 2568
C
ette pratique est parfaite-
ment autorisée, mais le fisc
prétend depuis de nom-
breuses années que les
dépenses de la société doivent nécessai-
rement avoir un lien étroit avec son
objet social. Cette théorie de « l’objet
social » invoquée par le fisc pour récu-
ser l’admissibilité fiscale des
opérations qui n’ont pas un lien
direct et étroit avec l’objet social
de la société, est largement criti-
quée par l’ensemble des auteurs
et de nombreuses décisions de
jurisprudence.
Il est d’ailleurs très courant et
tout à fait légal que les sociétés
qui se livrent à des activités
civiles ou commerciales telles
que l’exercice de la médecine,
par exemple, sont également
autorisées par leurs statuts à
effectuer des opérations immo-
bilières, même si celles-ci n’ont
aucun lien avec leur objet social
principal.
Histoire de revenus
Dans l’affaire tranchée par la
Cour de cassation, la Cour d’ap-
pel d’Anvers avait d’abord
refusé la déduction des frais
d’acquisition d’une habitation à la côte
en arguant que la société n’avait pas
démontré que cette acquisition avait
pour but « d’acquérir ou de conserver des
revenus imposables », ce qui est une des
conditions de déduction des frais profes-
sionnels fixées par l’article 49 du code
des impôts sur les revenus qui fixe. La
Cour a constaté en l’espèce que la société
n’avait pas apporté la preuve qu’elle
souhaitait rentabiliser le bien laissé à la
disposition des gérants moyennant le
paiement d’une indemnité modique.
La Cour de cassation a ensuite
confirmé l’analyse de la Cour d’appel
d’Anvers et le rejet de la déduction des
frais d’acquisition et d’entretien de
cette habitation à la mer.
Dans une autre affaire récente tran-
chée par la Cour d’appel de Gand, une
société de médecins avait acquis un
appartement au Coq pour le motif que
l’un de ses associés devait assurer des
services de garde dans un hôpital situé à
Ostende et que son domicile situé à
Deinze ne lui permettait pas d’atteindre
l’hôpital dans le délai requis de 15
minutes en cas d’appel. La Cour d’appel
de Gand avait admis la déduction des
frais professionnels relatifs à l’acquisi-
tion de cette résidence, mais en avait
toutefois rejeté 30%, considérant que
cet appartement dépassait les besoins
du médecin pour ses services de garde
(l’appartement comportait deux
chambres).
Oui pour le bien professionnel
Ces décisions de justice posent donc
la question de savoir s’il est toujours
possible de faire acquérir un bien
immobilier avec par société. La réponse
est indiscutablement affirmative
lorsque ce bien immobilier est un bien
professionnel, c’est-à-dire un bien qui
est affecté à l’exercice de l’activité prin-
cipale de la société.
Une société peut également acquérir
d’autres biens immobiliers, même si son
activité principale n’a aucun lien avec
ce secteur d’activité, à condition que ses
statuts l’autorisent à se livrer à des opé-
rations immobilières, même étrangères à
son « core business ».
Ces acquisitions génèrent des charges
importantes au sein de la société, qui
sont déductibles et qui permettent donc
de réduire sa base imposable. Il est éga-
lement possible, dans une optique d’op-
timisation fiscale un peu plus auda-
cieuse, mais qui est permis lorsqu’elle
est minutieusement préparée, de mettre
en place une acquisition scindée entre le
gérant et la société, qui permettra au
gérant de récupérer l’intégralité de
l’immeuble à la fin de l’usufruit ou de
l’emphytéose.
Non pour le bien privé
Le dirigeant d’entreprise qui se livre
à une telle opération ne doit toutefois
pas perdre de vue les conditions de
déductibilité des dépenses
professionnelles imposées par
l’article 49 du code des
impôts sur les revenus. Il doit
ainsi se rappeler, comme la
Cour d’appel d’Anvers n’a
pas manqué de le faire, que la
dépense doit être réalisée
dans le but d’acquérir ou de
conserver des revenus impo-
sables.
Il est donc exclu qu’un
dirigeant acquière une rési-
dence secondaire pour ses
seuls besoins privés, même
s’il paye un avantage de toute
nature pour l’occupation de
ce bien. En effet, la théorie
selon laquelle la mise à dispo-
sition d’une résidence secon-
daire par une société à son
dirigeant constitue une forme
alternative de rémunération
(sur laquelle un avantage de
toute nature est dû) n’est plus défenda-
ble devant le fisc et les tribunaux.
Il nous semble raisonnable qu’un
bien acquis par une société, quelle que
soit sa nature doit être exploité pendant
une partie substantielle de l’année dans
un objectif de rentabilité, sauf à démon-
trer, comme dans le cas soumis à la Cour
d’appel de Gand, qu’il existe une justi-
fication économique ou sociale raison-
nable pour que ce bien ne soit pas
occupé.
Jérôme Havet, avocat
Résidence secondaire acquise
par une société : gare à l’impôt
La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 septembre 2018, confirme une
fois de plus que les frais d’acquisition et d’entretien d’une résidence secondaire par une
société ne sont pas déductibles à l’impôt des sociétés. Nous analyserons les
conséquences de cet arrêt dans les lignes qui suivent et tenterons de procurer quelques
pistes de solution aux personnes qui contrôlent des sociétés propriétaires de biens
immobiliers pour leur éviter des embûches fiscales.
IMMOBILIER
Gestion Coordination: laurent.zanella@roularta.be
Un appartement à la Côte, oui, mais seulement s’il est en relation avec l’exercice de la profession.
©BelgaImage
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