Rapport 2015 de l'agence Réciproque (Paris) destiné au programme CreaTIC de l'université Paris VIII.
Rédacteurs : Stéphane Bezombes, Jean-Pierre Dalbéra, Yves Armel Martin, Isabelle Jouve, François Forge
2. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
TABLE DES MATIÈRES
40 ANS D'INNOVATIONS NUMÉRIQUES POUR LA VALORISATION DU
PATRIMOINE
Les débuts de l’informatique et des réseaux (1960-1979)
Les années 1980 : le mariage entre culture et technologies
La décennie 1990 : le tournant vers la société de l’information
Le ministère de la culture face à la société de l'information
ANALYSE ET RECENSEMENT HISTORIQUE DES DISPOSITIFS
NUMÉRIQUES DANS LES MUSÉES ET LES ÉTABLISSEMENTS
CULTURELS
Intentions des établissements culturels
Engagement des publics
Typologie des dispositifs
LES NOUVELLES FORGES DE LA MÉDIATION NUMÉRIQUE ET DE LA
DÉMOCRATIE CULTURELLE 2005 - 2015
Lanceurs d’alertes et activistes numériques
Communautés d’échanges et de pratiques
Démarches de Living Labs
Démarches de Mix
Les lieux historiques
3. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra, https://www.flickr.com/photos/dalbera/8124615647/in/album-72157651513514086/
4. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
40 ANS D'INNOVATIONS
NUMÉRIQUES POUR
LA VALORISATION
DU PATRIMOINE
1
5. 5
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
INTRODUCTION
La valorisation numérique du patrimoine culturel est,
dans notre pays, le résultat d’une histoire qui débute
au milieu des années 1970 et qui s’inscrit étroitement,
lors des premières décennies, dans les politiques
publiques qui y sont menées.
Les particularités administratives françaises
conduisent deux ministères : celui chargé de la
culture et celui chargé de la recherche, ainsi que leurs
établissements publics respectifs, à jouer un rôle de
premier plan dans ce domaine qui relève avant tout
des sciences humaines mais aussi de la recherche-
développement notamment en informatique et en
télécommunications.
Dans ce panorama, la place des projets de médiation,
de nature privée ou commerciale, est elle aussi
significative, en particulier dans le secteur de l’édition
électronique, mais il convient de souligner que
beaucoup de projets d’hier ou d’aujourd’hui, ont fait
ou font l’objet de partenariat avec des établissements
publics comme la réunion des musées nationaux,
premier éditeur d’art européen, ou avec les grands
musées nationaux eux-mêmes : musée du Louvre,
Centre Georges Pompidou...
L’analyse des grands projets engagés durant
ces quarante années montre que les politiques
industrielles, d’aménagement du territoire, de
financement de l’innovation ou que les programmes
européens qui se sont succédés, sont à l’origine de
nombreuses réalisations.
Certaines d’entre elles se sont avérées être des
impasses techniques en raison de l’instabilité des
standards internationaux ou de l’obsolescence rapide
de certains matériels et supports informatiques,
mais un examen historique attentif montre que
l’expérience acquise par les acteurs de terrain
est rarement perdue en cas d’échec car elle est le
plus souvent cumulative et bénéficie pleinement
aux projets suivants. Par contre, ces changements
techniques continuels obèrent gravement la mémoire
du numérique en raison des difficultés rencontrées
pour faire fonctionner aujourd’hui des produits ou des
dispositifs à peine vieux d’une vingtaine d’années.
Comme dans les autres grands pays industrialisés,
le passage de l’écrit à l’écran a lieu en très peu
d’années, il connaît des débuts difficiles, et la France a
d’abord du retard en raison de ses choix télématiques
volontairement incompatibles avec l’internet. Seuls
quelques pionniers visionnaires ouvrent la voie dans
le monde culturel comme ailleurs.
Ces entrepreneurs culturels, publics ou privés,
perçoivent avant les autres les conséquences de la
révolution numérique qui s’annonce, sur les modes
d’organisation du travail, sur le besoin de structuration
des contenus multimédias, sur les nouvelles
créativités artistiques, sur l’accès au savoir, sur les
transformations de l’édition, de la médiation ou des
formes d’échanges avec les publics.
Leurs réussites permettent à d’autres de progresser
avec ou sans l’aide des pouvoirs publics. Ces succès
tiennent certes aux compétences techniques des
équipes multimédias mobilisées sur les projets mais
aussi à la qualité des contenus et à l’imagination
artistique des concepteurs.
Ce constat rappelle à ceux qui l’oublient un peu trop
vite que des contenus culturels de haut niveau ne
s’élaborent pas en l’espace de quelques semaines
comme dans une démarche journalistique mais qu’ils
nécessitent des années de travail de chercheurs
et l’existence d’institutions de conservation et de
diffusion des connaissances capables elles aussi
d’innover.
Dès le milieu des années 1980 et tout au long de la
décennie suivante, les milieux culturels connaissent
de profondes transformations avec le développement
et l’extension du numérique à toutes les sphères
d’activités.
Malgré tous les changements politiques et les
réorganisations qu’ils connaissent, les services
scientifiques et techniques du ministère de la culture
et de certains établissements publics culturels savent
prendre à temps le virage du numérique et s’engagent
résolument dans la dématérialisation des contenus.
A l’aube du nouveau millénaire, la politique culturelle
numérique française, notamment en matière de
numérisation et de nouveaux services aux publics,
est parmi les plus avancées en Europe.
Grâce au soutien du ministère chargé de la recherche,
6. 6
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
les services culturels à vocation scientifique
disposent d’ingénieurs et de techniciens compétents
qui, avec certains conservateurs et personnels
de documentation, apportent une contribution
importante à l’effort national de recherche sur le
patrimoine culturel français, à sa numérisation et à
sa médiation en direction de tous les publics.
Le partenariat de recherche du ministère de la
culture avec des laboratoires universitaires, du
CNRS, du CEA ou de l’INRIA est un facteur décisif
pour la structuration des données et des documents
numérisés comme pour la conception des plateformes
en vue de faciliter les échanges et l’adaptation
progressive aux exigences du web sémantique.
Il en est de même pour les progrès accomplis pour la
reconnaissance de formes artistiques, la numérisation
de haut niveau en 2D ou 3D et la simulation en 3D du
patrimoine archéologique ou bâti.
Depuis une vingtaine d’années, la multiplication des
établissements publics culturels et les moyens dont
ils disposent, en personnels et crédits, les incitent à
mener leurs propres programmes de recherche, de
numérisation et de médiation, souvent avec le soutien
de mécènes à l’occasion de grandes expositions.
La création des pôles de compétitivité en 2004,
de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) en
2005, puis des structures créées dans le cadre
de la politique des « Investissements d’avenir »,
lancée en 2010, incite au regroupement des acteurs
scientifiques et culturels et multiplie les sources de
financement, tout en concentrant les moyens en
certains points du territoire et tout particulièrement
en Île-de-France pour les sciences humaines.
Cette politique redonne aux universités le rôle moteur
qu’elles avaient perdu dans certains domaines
au profit des grands organismes de recherche et
permet les innovations pédagogiques nécessaires
à l’adaptation des enseignements à la société
d’aujourd’hui.
Dans ce contexte, l’enjeu principal pour les
établissements culturels est de s’insérer dans cette
nouvelle organisation, où leur tutelle ministérielle
est beaucoup moins présente qu’autrefois, tout en
parvenant à faire entendre leurs besoins en matière
de recherche et d’expérimentation.
La fin des appels à projets de « services numériques
culturels innovants », annoncée en 2015 par le
ministère de la culture, due en réalité à la baisse
généralisée des crédits publics, montre que la
recherche de moyens pour des expérimentations de
ce type devra dorénavant se diversifier et que les
acteurs culturels devront trouver de nouvelles formes
de financement par le mécénat ou la participation
volontaire d’amateurs.
En matière de médiation du patrimoine culturel,
la tendance est déjà à la commercialisation
systématique de produits sur supports mobiles, cette
orientation mérite d’être contrebalancée par une
politique volontariste de soutien aux logiciels libres
et à des plate formes d’accès gratuit au patrimoine
pour que la notion de service public culturel ne perde
pas tout son sens et que les institutions culturelles
les plus modestes ne restent pas au bord de la route.
Ces évolutions très importantes imposent de
repenser fondamentalement la politique de pilotage
de la recherche culturelle et de redéfinir la place
de ses différents acteurs pour éviter les risques de
dispersion des efforts et maintenir la cohérence des
politiques et des investissements publics.
En décrivant plus de quarante années d’initiatives
et de programmes, les difficultés rencontrées, les
revirements techniques, les succès et les échecs, les
chapitres qui suivent, ont pour seule ambition d’aider
les nouveaux acteurs du numérique à inscrire leurs
projets dans la continuité et à éviter les écueils que
d’autres ont tenté de surmonter avant eux.
7. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
LES DÉBUTS DE
L’INFORMATIQUE
ET DES RÉSEAUX (1960-1979)
8. 8
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Au milieu des années 1960, le lancement du Plan
Calcul par le Général de Gaulle a pour but de rattraper
le retard pris par la France vis à vis des États-Unis
d’Amérique en matière d’équipements informatiques,
un marché dominé à l’époque par la firme IBM.
La construction d’ordinateurs français est inscrite
au Vè Plan (1966-1970) dans le cadre de l’essor
industriel qui y est programmé. La société CII
(Compagnie Internationale pour l’Informatique) est
créée avec l’aide de l’État en 1967.
Dans le monde de la recherche, après l’échec du
CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique)
dans la conception de nouveaux ordinateurs, le
gouvernement, créé en 1967, l’IRIA (Institut de
Recherche en Informatique et en Automatique,
devenu ensuite l’INRIA) pour accélérer les formations
et les applications de l’informatique, tout en soutenant
le monde industriel et notamment la CII.
L’informatique est alors reconnue en France comme
une discipline scientifique et les études dans ce
1 Huitema, Christian. Et Dieu créa l’Internet ... Paris: Eyrolles, 1996.
domaine sont sanctionnées par de nouveaux
diplômes de l’enseignement supérieur.
ARPAnet, le premier réseau par paquets, est créé en
1969-1970 par le ministère de la Défense des États-
Unis d’Amérique entre l’université de Stanford, deux
universités de Californie et l’université de l’Utah. Le
nombre de sites connectés à l’ARPAnet croît très
rapidement dans les années qui suivent (23 sites en
1971).
Parmi les chercheurs à l’initiative de ce réseau figure
Vint Cerf qui invente en 1973, avec son collègue Bob
Kahn, le concept d’Internet, à savoir les protocoles
permettant la communication entre ordinateurs (TCP/
IP..).
Dans les petites et moyennes entreprises comme
dans les laboratoires de la recherche publique, le
début des années 1970 est marqué dans notre pays
par l’arrivée des mini-ordinateurs de la CII mais aussi
des modèles PDP et VAX de la société DEC (Digital
Equipment Corporation) moins chers que ceux d’IBM.
Les français ne sont pas absents de ce mouvement
de mise en réseau d’ordinateurs utilisant la
commutation par paquets avec le réseau Cyclades
développé dans les locaux de l’IRIA par Louis Pouzin
et ses collègues dès 1971.
Leurs idées influencent les américains avec
lesquels ils collaborent mais Cyclades se trouve en
concurrence avec le réseau Transpac, développé par
l’administration française des télécommunications, il
est abandonné en 1978 pour des raisons de stratégie
industrielle.
« Transpac, bien que dédié aux échanges de
données, ressemblait beaucoup plus que Cyclades
ou ARPAnet à un réseau téléphonique classique :
il était beaucoup plus facile d’y prélever des taxes.
» écrit Christian Huitema, un chercheur de l’INRIA,
spécialiste des réseaux, dans un ouvrage publié en
1995 qui fait date1
.
Le développement du système d’exploitation UNIX
sur les mini-ordinateurs permet leur mise en réseau
progressive dans une même entreprise ou laboratoire
puis, dès 1976, la communication à distance entre
les machines via le réseau téléphonique grâce à desCrédits : Jean-Pierre Dalbéra
9. 9
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
modems.
Ignorant la révolution, qui allait donner naissance
quelques années plus tard aux prémisses de
l’Internet, la France lui préfère à cette époque un
standard fermé, soutenu, de manière très volontariste,
par le ministère des postes et télécommunications
pour des motifs de politique industrielle française et
européenne.
Il faudra attendre le 28 juillet 1988 pour que les
premiers laboratoires de recherche français, d’abord
à l’INRIA de Sophia-Antipolis et de Rocquencourt,
soient raccordés à l’Internet américain grâce à la
mise au point de passerelles complexes entre les
protocoles TCP-IP et ceux de Transpac.
LE RAPPORT NORA MINC SUR
L’INFORMATISATION DE LA
SOCIÉTÉ
2 Nora, S., and A. Minc. L’informatisation de La Société: Industrie et Services Informatiques. L’Informatisation de La Société : Rapport À
Monsieur Le Président de La République. Documentation Française, 1978
3 Lussato, Bruno. Le Défi Informatique. Paris: Fayard, 1981
A la fin de la décennie 1970, hors des milieux
scientifiques français, le pays prend conscience
de ce qui se prépare avec la publication du rapport
sur l’informatisation de la société, rédigé par Simon
Nora et Alain Minc, et remis, en décembre 1977, au
président Valéry Giscard d’Estaing.
Les deux auteurs entendent sensibiliser leurs
concitoyens aux profondes transformations
industrielles et sociales que va engendrer
l’informatique.
Ils lancent le terme de télématique (informatique et
télécommunications) qui préfigure le réseau Minitel
national2
.
La direction générale des télécommunications
annonce en 1978 la mise en place d’un réseau
vidéotex grand public qui sera accessible avec des
terminaux peu onéreux.
Des expérimentations commencent d’abord avec
l’annuaire électronique sur minitel en 1980 à Saint-
Malo et en Ile-et-Vilaine, d’autres nouveaux services
sont ensuite testés notamment à Vélizy.
D’autres auteurs comme Jean-Jacques Servan-
Schreiber, dans son ouvrage « Le défi mondial
» édité en 1980, ou Bruno Lussato, professeur
au conservatoire national des arts et métiers,
pressentent les conséquences de la révolution qui
s’annonce avec l’arrivée de la micro-informatique et
ses promesses en termes de création et d’expression
individuelle3
.
Jean-Jacques Servan-Schreiber est à l’origine de
la création en 1981 du Centre mondial informatique
et ressource humaine, une institution située à Paris
qui finance des recherches, mais qui est aussi une
vitrine des applications des nouvelles technologies
pour le grand public.
Le Centre organise des animations pour les jeunes
qui sont initiés au langage Logo.
Il est dirigé dès sa création par Nicholas Negroponte,
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
10. 10
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
professeur au MIT et Seymour Papert4
, disciple
de Jean Piaget, chercheur au MIT, pionnier de
l’intelligence artificielle et de l’apprentissage,
inventeur du langage de programmation Logo.
Le centre sera fermé en 1986 sous la présidence de
Jacques Chirac pour des raisons essentiellement
politiques.
INFORMATIQUE ET PATRIMOINE,
LES PREMIERS PROJETS
CULTURELS
Créée en 1959 par le général de Gaulle, et attribuée
à André Malraux sous le nom de « ministère d’État
chargé des Affaires culturelles », cette administration
a, dès son origine, pour mission « de rendre
accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et
d’abord de la France, au plus grand nombre possible
de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre
patrimoine culturel, et de favoriser la création des
œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent.»
Ces missions ne sont élargies qu’en 1982 sous
l’impulsion du ministre Jack Lang, en vue de favoriser
4 Papert, Seymour, and Rose-Marie Vassallo-Villaneau pour la traduction française. Jaillissement de l’esprit: ordinateurs et
apprentissage. [Paris]: Flammarion, 1981.
5 Dalbéra, Jean-Pierre. “La recherche au ministère chargé de la Culture (1959-2000).” Histoire de la recherche contemporaine. La revue
du Comité pour l’histoire du CNRS, no. Tome II - N°2 (December 15, 2013): 108–121.
également l’éducation artistique, de développer
les pratiques des amateurs et de contribuer au
rayonnement de la culture française dans le monde.
Durant la première décennie d’existence du nouveau
ministère, la production de connaissances objectives
sur l’art, le patrimoine ou les pratiques culturelles
n’est pas une priorité d’André Malraux qui affirme
alors, selon André Holleaux, un de ses directeurs
de cabinet, « que la culture est une question de
transcendance par les émotions »5
.
Malgré le peu d’intérêt du ministre pour la recherche
et les études, l’administration culturelle va néanmoins
devoir leur faire appel pour accomplir ses missions car
elle a besoin d’expertises techniques pointues pour
la connaissance et la conservation du patrimoine, de
statistiques, d’études socio-économiques...
La création de services scientifiques au
ministère de la culture
Grâce au soutien du Commissariat général au
Plan puis de la Délégation générale à la recherche
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
11. 11
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
scientifique et technique (DGRST), divers services
d’études et de recherche sont créés dans le ministère
d’André Malraux intégrant des sociologues, des
statisticiens, des archéologues, des historiens de
l’art, des architectes, des physiciens et chimistes.
Ces services développent dès le début des
collaborations avec des laboratoires de grands
organismes de recherche et avec des universités
pour renforcer leurs capacités d’expertise et mener
en partenariat des études et recherches spécialisées.
Parmi ceux-ci, est institué en 1964, le bureau des
fouilles et antiquités puis, en 1966, la direction des
recherches archéologiques sous-marines (DRASM).
En cette même année 1964, est également créée
la commission nationale chargée de l’inventaire
général des monuments et des richesses artistiques
de la France.
Celle-ci est présentée comme la plus vaste entreprise
d’information fondamentale jamais réalisée dans
le domaine artistique français. Son objectif est
de constituer une documentation complète sur la
totalité des œuvres de l’architecture et de l’art de la
France en retenant une approche topographique et
en mettant au point un système d’analyse de nature
sémantique.
Le musée national des arts et traditions
populaires
Le Musée National des Arts et Traditions Populaires
(MNATP), associé au CNRS dans le centre
d’ethnologie française, et issu du musée de l’Homme
du Trocadéro, est le premier musée à être doté
d’un service d’informatisation des collections sur les
objets domestiques.
Dans ses nouveaux locaux du bois de Boulogne, les
dispositifs de médiation sont nombreux et modernes
pour l’époque.
Ils font appel à des vidéos, des photographies,
des maquettes, des enregistrements sonores, des
dioramas sonorisés, présentés au sein de la galerie
6 in 1980, la base compte 11.251 monuments
7 fin 1980, 17.000 sites archéologiques sont répertoriés sur 120.000 sites connus.
d’étude, ouverte en 1972, et dans la galerie culturelle,
ouverte en 1975.
Ces ressources accompagnant les collections, sont
issues des recherches et des collectes effectuées sur
le terrain, elles seront progressivement numérisées
dès la fin de la décennie 1990 et illustreront les
sites web et CD-ROM produits par ce « musée-
laboratoire » hors normes qui deviendra le Musée
des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.
Pour coordonner les programmes de recherche
menés dans l’ensemble du ministère, le secrétariat
d’État à la culture se dote, en 1976, d’un Conseil de
la recherche et, quelques temps après, d’une mission
de la recherche qui prépare les travaux du Conseil
et assure la liaison avec la DGRST, pourvoyeuse
d’emplois et de crédits de recherche.
C’est dans ce contexte scientifique et culturel que
l’usage des outils informatiques débute au ministère
de la culture au milieu de la décennie 70.
LES BASES DE DONNÉES
INFORMATISÉES SUR LE
PATRIMOINE
A coté des applications de gestion, l’informatique
s’impose au ministère chargé de la culture
pour gérer et traiter les masses considérables
d’informations et de ressources documentaires sur
le patrimoine national générées par les activités des
services de cette administration centrale.
En relation directe avec les missions législatives
et réglementaires de ce ministère, les premières
grandes bases de données créées portent sur :
• les monuments historiques protégés par la
loi et sur leur état sanitaire6
,
• la carte des sites archéologiques et des
chantiers menaçant le patrimoine enfoui7
,
• l’inventaire général des monuments et
richesses artistiques de la France,
• les collections publiques conservées dans
12. 12
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
les musées8
,
• les grands fonds d’archives,
• diverses données physico-chimiques liées
aux recherches effectuées dans les laboratoires
du ministère sur les biens culturels publics.
Le système d’information de cette époque, contrôlé
par le bureau de l’informatique du ministère, est doté
d’un ordinateur central (IRIS 80 de la CII) traitant les
données, et relié à des terminaux situés dans les
services.
Le choix du logiciel « Mistral » comme système de
recherche d’information, conçu et réalisé par la CII/
Bull dans le cadre du Plan Calcul, est fait dès le début
du programme d’informatisation documentaire afin
d’unifier les modes d’utilisation des différentes bases
de données et de permettre l’édition de catalogues
photo-composés pour la diffusion et la médiation.
Ainsi, dans les services culturels traitant d’archéologie
et d’histoire de l’art, l’arrivée de l’informatique est due
au volontarisme des informaticiens et de quelques
scientifiques intéressés par les possibilités nouvelles
offertes en matière de stockage, de traitement et de
diffusion des données.
Cette innovation n’est pas toujours été bien perçue
par certains conservateurs qui craignent de se
voir dépossédés de leurs connaissances une fois
stockées dans une mémoire collective centralisée.
Jusque dans les années 80, les réticences restent
grandes notamment au sein des musées et la
mission de la recherche du ministère doit recruter
des personnels spécialisés en « documentation
informatisée » pour alimenter les bases de données
scientifiques car de nombreux conservateurs ne
veulent pas travailler sur ces outils.
Une démarche de normalisation inédite en
histoire de l’art
Les contraintes techniques des systèmes
documentaires des années 70 nécessitent
l’élaboration de vocabulaires et de systèmes
descriptifs très élaborés, destinés à la description des
collections muséales, archéologiques, du patrimoine
8 fin 1980, les bases des musées nationaux ou classés comprennent : 18.000 peintures, 4.000 sculptures, 3.000 dessins, 3.500 objets
d’art, 25.000 antiquités égyptiennes, 2.000 antiquités grecques et romaines, 12.000 objets domestiques,
9 La commissaire générale de cette exposition est Madeleine Hours, directrice du laboratoire de recherche des musées de France. Le
catalogue de cette manifestation, impulsée par la DGRST, est préfacé par Hubert Curien qui est à l’origine du soutien apporté à la
mobilier et architectural, des fonds d’archives.
Les critères d’analyse d’une œuvre sont définis
finement dans les systèmes descriptifs où sont
précisés le contenu des rubriques et les règles
d’écriture à utiliser.
Les ouvrages de la collection « Principes d’analyse
scientifique » de l’Inventaire général définissent
les vocabulaires dans chaque grand domaine :
tapisserie, architecture, sculpture, objets civils et
domestiques, vitrail..
L’analyse iconographique des œuvres est effectuée
dans les bases consacrées aux beaux-arts à l’aide
du thésaurus iconographique de François Garnier,
chercheur au CNRS.
Le besoin d’accéder aux images
Pour compléter la documentation informatisée sur
les collections d’objets répertoriées et étudiées
à la direction des musées de France comme à
l’Inventaire général, un accès immédiat à l’image
s’avère rapidement indispensable.
En effet, la précision et la richesse des systèmes
descriptifs mis en place pour chaque type d’objet, ne
peut remplacer in fine la visualisation de l’œuvre.
Des photothèques traditionnelles, alimentées par les
photographes du ministère, existent depuis plusieurs
années dans les centres de documentation du
patrimoineetdesgrandsmuséesmaislamanipulation
manuelle des images (tirages, diapositives,
ektachromes..) et des films est fastidieuse et risque
de dégrader les originaux en cas de consultation
intensive.
Des solutions nouvelles sont recherchées pour
moderniser les outils documentaires.
La science au service de l’art et le premier
vidéodisque
La grande exposition « La vie mystérieuse des chefs-
d’œuvre. La science au service de l’art »9
, organisée
au Grand Palais en 1980 dans le cadre de l’année du
patrimoine, offre l’occasion aux services du ministère
13. 13
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
de la culture de montrer l’état d’avancement des
recherches qu’ils mènent sur le patrimoine national
en collaboration avec des laboratoires publics
extérieurs10
.
Cette grande opération de vulgarisation scientifique
et de promotion culturelle, orchestrée par les deux
ministères partenaires, remporte un grand succès
populaire car elle montre que la science dispose de
nouveaux outils pour percer les mystères de l’art
et favoriser, grâce à l’informatique, la diffusion des
connaissances au plus grand nombre.
En complément de nombreuses démonstrations de
sciences et techniques appliquées au patrimoine,
les visiteurs de l’exposition peuvent consulter sur
des terminaux informatiques les bases de données
naissantes mais aussi voir fonctionner un vidéodisque
Thomson11
qui présente les collections du musée du
Louvre en images.
Cette initiative qui étonne le public, traduit le
dynamisme des services scientifiques culturels et
leur volonté d’innovation car le vidéodisque vient à
peine d’être commercialisé.
Le dispositif d’interrogation mis à la disposition des
utilisateurs est constitué par un terminal standard
relié à un lecteur de vidéodisque, qui alimente un
écran de télévision couleur.
Un module du logiciel documentaire « Mistral »
permet l’affichage d’une image vidéo de l’objet dont
la notice textuelle apparaît sur l’écran du terminal.
La qualité des images vidéo est encore loin d’être
au niveau des photographies analogiques mais
l’intégration du texte et de l’image est prometteuse
pour l’avenir des systèmes d’information de ce type.
La visualisation d’images par vidéodisque couplée
à des informations textuelles détaillées sur l’œuvre
ou le monument sera perfectionnée au cours
de la décennie 80 pour aboutir à des dispositifs
interactifs intégrés et faciles d’accès proposant des
informations, des visites guidées, des jeux, des
produits d’enseignement ou des renseignements
touristiques dans certaines régions.
recherche culturelle.
10 Hours, Madeleine, La vie mystérieuse des chefs-d’oeuvre: la science au service de l’art; Galeries nationales du Grand Palais, 10 oct.
1980 - 5 janvier 1981. Paris: Réunion des musées nationaux, 1980.
11 Le vidéodisque a été commercialisé par Thomson à partir de 1978.
PLURIDISCIPLINARITÉ, CRÉATION
ET INNOVATION
Le Centre Georges Pompidou
La décennie 70 est fortement marquée sur le plan
culturel par l’ouverture en 1977 du centre d’art et de
culture Georges Pompidou (CNACGP).
La volonté du second président de la Vè République,
lui-même amateur d’art, est de rendre accessible au
plus grand nombre la création contemporaine dans
toutes ses dimensions.
En créant cet établissement pluridisciplinaire
d’un nouveau genre, unique en Europe, Georges
Pompidou va au-devant de préoccupations qui se
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
14. 14
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
sont révélées en mai 1968 : besoins de formation,
d’éducation, d’expression culturelle pour chacun. Ce
sont ces arguments qui sont mis en avant dans le
premier bulletin du centre publié en janvier 1977 et
destiné aux visiteurs.
Le projet architectural est confié à deux jeunes
architectes révolutionnaires pour l’époque : Renzo
Piano et Richard Rogers. Leur projet tourne
totalement le dos à l’architecture officielle en
privilégiant l’ouverture du bâtiment sur l’extérieur
(la piazza) et en favorisant la flexibilité des espaces
d’exposition par la mise à disposition de grand
plateaux suspendus.
Malgré les critiques acerbes émises sur le concept
architectural comme sur le caractère pluridisciplinaire
du centre, celui-ci lance un défi à l’académisme des
institutions culturelles de l’époque contraintes de se
moderniser dans son sillage.
L’édification de ce centre est aussi une source
d’inspiration pour la politique des grands travaux
qui sera menée par le président François Mitterrand
et un signal majeur sur le rôle joué par les grands
architectes dans la rénovation ou la création des
grands établissements culturels.
En accord avec sa nature pluridisciplinaire, le
CNACGP comprend à son ouverture le musée
national d’art moderne (MNAM), le centre de
création industrielle (CCI), la bibliothèque publique
d’information (BPI) mais également de grandes
salles polyvalentes, un atelier des enfants et l’Institut
de recherche et de coordination acoustique/musique
(IRCAM) confié au compositeur Pierre Boulez et dont
les locaux enterrés sont voisins du bâtiment principal.
A ses débuts, la politique du centre en direction
de ses publics est particulièrement dynamique,
avec notamment l’animation d’un réseau de
correspondants actifs dans les entreprises, dans les
associations ou les centres culturels qui sont autant
de relais privilégiés pour informer sur ses activités et
attirer des visiteurs. Des catalogues sont distribués
gratuitement, de nombreux avantages sont offerts
aux communautés d’amis.
Au sein du centre, les fonctions de médiation sont
fortement valorisées, incluant même des agents
de surveillance, connaissant l’histoire de l’art, et
capables d’informer le public au moins à un premier
niveau de complexité. Une certaine utopie règne
dans l’établissement mais le succès populaire arrive
rapidement et étonne même les décideurs.
L’IRCAM, recherche et création artistique
En matière d’informatique, c’est l’IRCAM qui au sein
du centre Georges Pompidou est le département le
plus avancé.
En effet, les synthétiseurs
de musique électronique
existent depuis le milieu
de la décennie 1950 avec
les synthétiseurs d’Harry
Olson et Herbert Belar
de RCA puis du célèbre
Robert Moog. Ils sont
largement utilisés par les
compositeurs mais ces
derniers s’intéressent
aussi aux capacités des
premiers ordinateurs.
Au sein des laboratoires
Bell, Max Mathews et ses
collègues mettent au point
au milieu des années
1950, la synthèse sonore
sur ordinateur.Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
15. 15
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Pierre Boulez y est très attentif car il comprend que
« ces sons nouveaux doivent être spécifiés non en
termes d’instruments ou d’indications de jeu, mais en
termes de détails sur la nature de l’onde »12
.
Dans les années 1970, c’est le coût des ordinateurs
qui limite encore les applications musicales mais les
chercheurs s’efforcent de fabriquer des circuits et
des machines spécialisées pour accélérer les calculs
et mieux comprendre les caractéristiques des sons
musicaux : John Chowning à l’université de Stanford
et Jean-Claude Risset et Peppino Di Giugno à
l’IRCAM.
En 1980, le prototype d’une machine révolutionnaire:
la 4X, est mis au point à l’IRCAM par P. Di Giugno,
après 5 ans de travail, avec le soutien de la mission
de la recherche du ministère de la culture.
A travers, l’IRCAM, le centre G. Pompidou dispose
dès lors d’un laboratoire scientifique unique en
Europe qui, à coté de la création artistique, travaille
sur la structuration des matériaux musicaux
nouveaux et sur l’interaction de l’ordinateur et de la
pensée musicale.
Cette présence scientifique et technologique
permanentedansungrandétablissementcultureljoue
un rôle moteur jusqu’à aujourd’hui pour maintenir des
relations étroites entre l’art et la science et favoriser
la pénétration des innovations dans la création et
l’éducation artistique.
L’IRCAM est également, dans les années 1990, le
lieu de référence, de formation et de médiation pour la
numérisation des ressources sonores qui commence
à être réalisée à grande échelle à l’initiative de la
mission de la recherche.
La place singulière de Iannis Xenakis
En février 1962, le compositeur Iannis Xenakis, qui
a une double formation d’architecte-ingénieur et de
compositeur, crée la « famille » des œuvres ST
entièrement calculées sur un ordinateur IBM 7090.
En 1966, il fonde l’EMAMu (Equipe de Mathématique
et d’Automatique musicales) qui « veut procurer un
12 Rivière, Yves, Catherine Pouillon, and IRCAM (Research institute : France), Passage du XXe Siècle: [catalogue de l’exposition],
Janvier-Juillet 1977. Paris: IRCAM, 1976
13 Mâche, François Bernard, Portrait(s) de Iannis Xenakis. Portrait(s). Paris: Bibliothèque nationale de France, 2001.
14 Chion, Michel, and Guy Reibel. Les Musiques Électroacoustiques. s.l.: INA-GRM, 1976.
instrument interdisciplinaire, pour l’expansion de la
connaissance et de la créativité musicales afin de
contribuer au développement et à la revitalisation
de la musique en tant qu’art dans l’éducation et la
société. »13
.
En 1972, année de création de son Polytope de
Cluny, « un spectacle automatique, abstrait avec des
lumières, des lasers et des flashs électroniques » sur
une musique électroacoustique pour bande 8 pistes,
Yannis Xenakis transforme l’EMAMu en CEMAMu,
centre de Mathématiques et Automatique musicales.
C’est au CEMAMu qu’il mettra au point l’UPIC, avec
l’aide du ministère de la culture (MRT et direction de la
musique). L’UPIC (Unité Polyagogique Informatique
du CEMAMu) est un outil de composition musicale,
composé d’une tablette graphique avec affichage
vectoriel reliée à un ordinateur. Le compositeur
dessine les formes d’ondes et les enveloppes de
volume qui sont ensuite calculées par l’ordinateur.
Le Groupe de Recherches Musicales
Le Groupe de Recherches Musicales (GRM) est créé
en 1958 autour de Pierre Schaeffer. Commence à
cette date un long travail de recherche collectif qui
aboutira au célèbre « Traité des Objets Musicaux ».
Le GRM est un lieu d’intense création artistique qui
s’intègre en 1960 au service de recherche de la
Radiodiffusion Télévision Française, puis de l’INA en
1975.14
Au sein de l’INA, le GRM poursuit ses activités de
création électroacoustique mais aussi de recherche
avec la réalisation du processeur SYTER, en 1984
qui est un système en temps réel audionumérique,
interactif et ouvert pour la création sonore.
16. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
LES ANNÉES 1980 :
LE MARIAGE
ENTRE CULTURE
ET TECHNOLOGIES
17. 17
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Le rapprochement entre culture et nouvelles
technologies s’intensifie tout au long de la décennie
1980, il est facilité par la double priorité budgétaire
accordée à la recherche et à la culture par l’arrivée
de la gauche au pouvoir en 1981.
Les assises de la recherche et de la technologie
organisées dans les régions puis au niveau national
entre 1981 et 1982 créent une véritable dynamique
dans la communauté scientifique, grâce aux débats
qui sont organisés sur les priorités scientifiques,
les conditions et moyens nécessaires, les missions
nouvelles des chercheurs dans la société.
La loi d’orientation et de programmation de la
recherche (LOP), votée en 1982, conclut et traduit
juridiquement ces rencontres.
Cette loi a des conséquences majeures sur
l’organisation de la recherche en France et sur son
insertion socio-économique.
Parmi les nouvelles orientations et missions des
scientifiques figure explicitement la diffusion de
l’information et de la culture scientifique et technique.
C’est une nouveauté qui incite à la médiation de
la science sous toutes ses formes : publications,
édition scientifique, bases de données, conférences,
journalisme, animations pour les jeunes, journées
portes ouvertes, création de centres culturels
scientifiques et techniques, relations entre artistes et
scientifiques. De nombreux chercheurs et ingénieurs
se mobilisent et les initiatives se multiplient.
Le doublement du budget de la culture en 1982
offre au ministère de la culture de Jack Lang des
possibilités d’intervention sans commune mesure
avec celles de ses prédécesseurs.
De nombreuses réformes sont engagées, notamment
en faveur de la décentralisation, et de nouveaux
champs culturels sont explorés parmi lesquels
figurent la recherche et les technologiques appliquées
à la création artistique et au patrimoine ainsi que la
culture scientifique, technique et industrielle.
UNE NOUVELLE DYNAMIQUE
CULTURELLE ET ÉDUCATIVE
1 Weissberg, Jean-Louis, Centre de création industrielle, “1984” et Les Présents de L’univers Informationnel: 34 Auteurs, Pour Un
Colloque. Collection Alors. Paris: Centre Georges Pompidou, Centre de création industrielle, 1985.
Les années 1980 connaissent un véritable
bouillonnement d’initiatives culturelles, scientifiques
et technologiques.
• les industriels explorent les nouveaux
marchés de la communication avec le plan câble
sous maîtrise d’ouvrage des PTT ;
• les artistes s’approprient les nouveaux outils
de création de l’image, du son, du texte, du film
d’animation ou de la vidéo ;
• les scientifiques transforment leurs méthodes
de travail avec l’arrivée des micro-ordinateurs ;
• la conception assistée par ordinateur
et à l’intelligence artificielle sont en plein
développement ;
• le jeune public découvre les premiers jeux
sur écran ;
• les enseignants sont confrontés au « Plan
informatique pour tous », aux micro-ordinateurs
Thomson et aux langages Basic et Logo ;
• la Cité des sciences et la Géode ouvrent
leurs portes en 1986.
Les Immatériaux, menace ou opportunité de
sortie de crise
Trente six années après la publication du livre
d’Orwell, un colloque « 1984 et les présents de
l’univers informationnel » est organisé en octobre
1984 par le centre de création industrielle du centre
Georges Pompidou, pour débattre des rapports
entre informatique et pouvoir à l’heure des réseaux
mondiaux de l’information et de la propagation de la
micro-informatique autonome1
.
Une des grandes interrogations porte alors sur la
véracité de la sortie de crise économique par la filière
électronique qui est le discours officiel dominant de
l’époque.
La menace d’uniformisation culturelle est abordée
mais aussi l’arrivée de nouvelles pratiques de
création grâce aux promesses de l’informatique pour
le traitement de l’image, du son, des textes et du
langage.
Le colloque traite en profondeur des nouvelles
problématiques sur l’état des relations entre
informatisation, culture et société. Il prépare
l’organisation d’une exposition emblématique «
18. 18
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Les Immatériaux » qui se tient en 1985 au centre
Georges Pompidou2
.
Les enjeux de la post-modernité
L’exposition « Les Immatériaux » est l’occasion
d’une véritable prise de conscience du grand public
des changements qui sont à l’œuvre sous l’impact
de la techno-science.
Le co-commissaire en est le philosophe de la post-
modernité : Jean-François Lyotard qui, interviewé
sur ses motivations, affirme « Nous cherchons
à faire sentir une espèce de déstabilisation de
l’identité aujourd’hui. Que les gens disent : qu’est ce
qui se passe ? Qui sommes-nous ? Qui nous parle ?
De quoi nous parlons-nous ?...quand nous utilisons
tous les produits liés à la technologie moderne. ».
2 Théofilakis, Elie, ed. Modernes et Après ?: Les Immatériaux. Paris: Editions Autrement, 1985.
De son coté, Thierry Chaput du centre de création
industrielle, co-commissaire de l’exposition, écrit
dans ce même ouvrage :
« L’individu post-moderne est quelqu’un que l’on a
invité à jouer à un jeu, sans qu’il en connaisse les
règles ».
L’engouement pour les nouvelles images
Les images de synthèse créées sur ordinateur, qui
sont appelées à cette époque les «nouvelles images»,
constituent un des aspects les plus attractifs des
applications artistiques de l’informatique.
Plusieurs grandes manifestations y sont consacrées.
La plus importante est le Forum International des
Nouvelles images, appelé Imagina en 1986, et qui
est organisé tous les ans par l’Institut national de
l’audiovisuel (INA), de 1981 à 2000, dans le cadre du
Festival de télévision de Monte-Carlo.
A cette époque, héritier du service de recherche de
l’ex-ORTF, l’INA dispose d’équipes de chercheurs,
qui développent des logiciels d’animation et des
systèmes de traitement du son en temps réel.
Philippe Quéau, le fondateur d’Imagina en fait partie.
Ce polytechnicien fait d’Imagina une manifestation
d’envergure internationale, très suivie par les
professionnels, où sont montrées les dernières
innovations en matière d’images dans les industries
culturelles.
Olivier Koechlin, responsable de production
de la plate-forme multimédia de l’INA y joue
également un rôle majeur en impulsant réflexions et
expérimentations sur les nouvelles formes d’écriture
interactive multimédia.
Art, science et technologies dans les
régions
Dès 1986, la ville de Rennes qui héberge
d’importants laboratoires de recherche dans les
télécommunications (CCETT, CERTAC..) et les
technologies de l’audiovisuel, et qui vient d’inaugurer
un centre de culture scientifique et technique, lance
un festival des arts électroniques offrant une vitrine
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
19. 19
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
internationale de qualité aux jeunes artistes et aux
chercheurs.
L’ambition d’Edmond Hervé, maire de Rennes depuis
1997 et ministre de plusieurs
gouvernements de gauche,
est de hisser son festival au
niveau d’ « Ars Electronica
» de Linz et d’ « Images du
Futur » de Montréal.
C’est une ambition
comparable bien que
davantage orientée vers le
développement économique
qu’ont les élus de Toulouse
lorsqu’ils inaugurent le salon
FAUST (Forum des Arts
des Univers Scientifiques et
techniques) en 1986.
La volonté de ce salon est
d’ouvrir dès 1996 un dialogue
entre les arts, les sciences,
les technologies et l’industrie
dans les domaines de
l’image, de la musique et du
son, du langage et des arts
du spectacle, mais aussi du
multimédia et de l’internet.
Le Québec et les images du futur
Créée en 1985, par l’artiste franco-canadien Hervé
Fischer et par Ginette Major, la Cité des arts et des
nouvelles technologies de Montréal se consacre
aux applications des technologies dans tous les
domaines de la création artistique (images de
synthèse, holographie, laser, musique numérique,
vidéo, design industriel et architectural, imagerie
scientifique, multimédia...).
Elle organise des expositions pour le grand public,
propose un centre de documentation au centre de
Montréal, suscite échanges et rencontres entre
professionnels et artistes.
Un an après son ouverture, la Cité inaugure à
Montréal « Images du futur », une manifestation
d’envergure internationale, à laquelle la France
est le premier pays invité d’honneur. Les travaux
et réalisations effectués dans le cadre de son plan
« Recherche Image » y trouvent une résonance
internationale.
« Images du futur » n’est
qu’un des volets de la politique
très dynamique et durable,
menée par le gouvernement
du Québec pour attirer les
entreprises innovantes sur son
territoire.
De nombreuses sociétés
françaises travaillant dans
ces domaines choisiront de
s’expatrier, pour des raisons
fiscales, pour les conditions
d’accueil qui leur sont faites et
pour se rapprocher des États-
Unis.
LE
DÉVELOPPEMENT
DE LA CULTURE
SCIENTIFIQUE ET
TECHNIQUE
Dans le contexte bouillonnant du début de la décennie
1980, la question des sciences et des technologies
fait ainsi irruption dans le champ culturel. Les
pouvoirs publics veulent réconcilier les deux cultures:
la science et les humanités que tout sépare dans la
tradition française.
Issu de la Maison de la culture, le grand précurseur de
ce mouvement est le centre de culture scientifique et
technique (CCST) de Grenoble. Créé en 1979, il sert
de modèle et suscite des vocations dans plusieurs
villes de France qui décident à leur tour la création de
CCST. Jacques Blanc, le directeur grenoblois sera
directeur-général adjoint de la Cité des sciences et
de l’industrie.
Mettre la science en culture
Il faut « mettre la science en culture », proclame
un physicien-philosophe-théoricien, Jean-Marc
Levy-Leblond, pour pouvoir comprendre l’évolution
Crédits : Jean-Pierre Dalbera
20. 20
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
de la société, être capable de discuter les grandes
décisions, prendre en charge son destin et participer
au débat démocratique3
.
Des « boutiques de science » voient le jour dans
lesquelles les chercheurs se transforment en
médiateurs pour répondre aux questions des
citoyens.
Les laboratoires de recherche ouvrent plus
fréquemment leurs portes au public, les chercheurs
s’efforcent d’expliquer leur travail, de mieux le
motiver socialement et certains d’entre eux se
mettent au journalisme scientifique, conçoivent de
nouvelles émissions de télévision, fabriquent des
expositions et vont jusqu’à faire appel au théâtre pour
faire comprendre les découvertes de la recherche
scientifique4 5
.
De nombreux militants culturels, soutenus par
les ministères et certaines collectivités locales,
3 Lévy-Leblond, Jean Marc. L’esprit de Sel: Science, Culture, Politique. Paris: A. Fayard, 1981.
4 Caro, Paul, Jean-Louis Funck-Brentano, Académie des sciences (France), L’appareil d’information sur la science et la technique:
rapport commun. Paris; Londres; New York: Technique et documentation, 1996.
5 Dalbéra, Jean-Pierre. “Le Spectacle de La Technologie.” Sciences et Techniques: Une Culture Partagée, Brises CNRS INIST, no. N°14
(1989).
6 Dalbéra, Jean-Pierre, Marie-Noëlle Favier, and Yves Deforges. “Un Programme Mobilisateur: Culture Scientifique et Technique.”
Education Permanente, no. 82 (1986): 93–102.
7 Dalbéra, Jean-Pierre et Favier Marie-Noëlle, Les grands organismes de recherche et la politique générale de CST dans Hier Pour
Demain: Une Mémoire de La Culture Scientifique, Technique et Industrielle: Premières Rencontres Michel Crozon, Orléans, 18-19 Mars
2010. Muséologies. Paris: Harmattan, 2014.
s’efforcent de favoriser la médiation entre ces deux
mondes et de susciter un nouvel imaginaire social
tout en promouvant l’innovation comme moteur de
transformation industrielle.
Pour tous, il s’agit de créer du sens là où il a souvent
disparu à cause de la crise économique.
Dans le cadre de la loi d’orientation et de
programmation de la recherche, un programme
mobilisateur6
est créé par trois ministères : culture,
recherche et éducation nationale pour soutenir et
développer la diffusion de la culture scientifique et
technique qui est inscrite parmi les priorités du IXè
plan (1984-1988)7
.
L’objectif du programme est de donner plus de
cohérence aux initiatives publiques souvent
dispersées et d’articuler les politiques nationales et
régionales.
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
21. 21
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
De nombreuses opérations de médiation associant
culture, patrimoine et nouvelles technologies sont
menées dans ce cadre.
La Cité des sciences et le réseau de centres
de culture scientifique et technique
L’aménagement du parc de la Villette avec la Cité
de la musique au sud et la Cité des sciences et de
l’industrie au nord (ouverte en 1986) avec sa salle
de cinéma à écran sphérique : la Géode (ouverte en
1985) est emblématique de cette ambition.
Ce grand projet présidentiel est l’objet de vives
polémiques sur l’opportunité de créer un nouvel
établissement parisien qui risque, selon les
opposants, d’absorber tous les crédits et d’imposer
sa propre vision de la science aux acteurs de terrain.
Mais en 1982, la dynamique suscitée par les moyens
dont bénéficient les ministères de la culture et de la
recherche permet une réelle relance des politiques
municipales ou régionales, qui prend diverses formes
contractuelles et apaise, au moins temporairement,
les inquiétudes.
La direction du développement culturel
(DDC) dirigée par Dominique Wallon est le
moteur de la nouvelle politique culturelle.
La mission pour la culture scientifique, technique et
industrielle (MCSTI) en fait partie, elle anime à partir
de 1982 la réflexion sur ces sujet avec plusieurs
groupes d’intellectuels qui rédigent des rapports
et contribuent au débat national préparatoire à
l’ouverture de la Cité des sciences8 9 10
. La MCSTI
finance de nombreuses opérations de médiation
sur le terrain comme des investissements pour la
création de CCST dans les régions.
Plus de 300 conventions de développement culturel
sont signées en quelques années par le ministère
de la culture couvrant un champ très large. 40% des
conventions comportent des opérations de culture
scientifique, technique et industrielle.
Écomusées, musées techniques, muséums, centres
de culture scientifique et technique, boutiques de
8 Roqueplo, Philippe. Penser La Technique: Pour Une Démocratie Concrète. Science Ouverte. Paris: Seuil, 1983.
9 Chesneaux, Jean. De La Modernité. Cahiers Libres 379. Paris: La Découverte/Maspero, 1983.
10 De Noblet, Jocelyn et coll.. Manifeste Pour Le Développement de La Culture Technique. Berger-Levrault. Culture Technique n°6. Paris,
1981
science, associations de mémoire ouvrière reçoivent
des aides dans ce cadre.
IMAGES ET INTERACTIVITÉ
Le vidéodisque, un support prometteur
Plusieurs types de vidéodisques sont commercialisés
dans les années 1980. Ils permettent la diffusion
d’images vidéo (analogiques) fixes ou animées de
meilleure qualité que celles des cassettes vidéo
destinées au grand public et un accès précis aux
documents soit par télécommande, soit via un
ordinateur.
Les vidéodisques les plus utilisés à cette époque
dans le monde culturel ont un diamètre de 30 cm et
peuvent contenir 54.000 images ou jusqu’à une heure
de film selon les modèles. Ils nécessitent un lecteur
Crédits : Jean-Pierre Dalbera
22. 22
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
particulier et ne permettent pas l’enregistrement de
la télévision.
Par contre, certains vidéodisques peuvent être
gravés comme ceux commercialisés par la firme
Panasonic mais leur prix reste élevé.
Leurs fonctionnalités sont d’abord utilisées pour la
réalisation de banques d’images ou pour l’archivage
audiovisuel en couplant un ou des lecteurs de
vidéodisque à un micro-ordinateur doté d’un logiciel
adéquat
De nouvelles possibilités de gestion des
images
L’imageur documentaire, conçu par Henri Hudrisier
pour la Société Européenne de Propulsion (SEP),
exploite ces outils nouveaux pour répondre aux
besoins de navigation dans un grand nombre
d’images documentaires, pour les trier, les comparer
et les sélectionner.
Sygma sera l’une des premières agences de presse
à s’en équiper.
11 Culture futur: nouvelles technologies et communication. Paris: Alternatives, 1986.
De même, le poste IDIM conçu par Philippe Aigrain
(équipe Applications culturelles et artistiques de
l’informatique, université de Toulouse), associe
recherche documentaire et recherche visuelle.
Les applications commerciales du vidéodisque
concernent d’abord des catalogues de magasin, des
données techniques, des informations touristiques
(sur Biarritz, ville câblée dès 1981), des programmes
de formation, des encyclopédies, la diffusion de film.
Le soutien du ministère de la culture à
l’innovation numérique
Au ministère de la culture, la mission de la recherche
et le département des publics, de l’action éducative
et de la diffusion culturelle de la direction des musées
de France soutiennent les projets de banques
d’images sur la culture, l’art et le patrimoine.
Des aides à l’écriture de scénarios sont proposées
par la direction du livre et de la lecture et par la
direction de la musique et de la danse.
Un Institut Financier pour l’Industrie de la Culture
(IFCIC) est créé avec la participation du ministère de
la culture pour apporter aux banques une garantie
financière destinée aux entreprises à risque du
secteur culturel.
Parallèlement, un Plan son et un Plan image sont
lancés en 1982 à un niveau interministériel pour
soutenir l’innovation ou la formation dans les
entreprises culturelles, les studios d’enregistrement,
les fabricants d’instruments de musique, les ateliers
d’infographie, le cinéma, les éditeurs...
Un fonds d’aide à l’édition électronique sur
mémoires optiques est mis en place en 1989 par le
Centre National de la Cinématographie (CNC) en
collaboration avec le ministère de l’industrie afin de
soutenir les initiatives en matière de réalisation de
vidéodisques et de disques compacts. Des avances
remboursables sont attribuées aux sociétés11
.
La mission de la recherche finance également des
projets de recherche pour la modernisation des
systèmes d’information culturelle et fait même
l’acquisition d’une chaîne complète de fabrication
de banques d’images intégrant un enregistreur de
vidéodisques Panasonic qu’elle fait circuler dans les
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
23. 23
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
services scientifiques.
Banques d’images culturelles et bornes
interactives
La réalisation de banques d’images culturelles sur
vidéodisque est le point de départ d’un long processus
de modernisation des systèmes d’information et de
médiation de la culture qui s’est poursuivi jusqu’à
aujourd’hui.
Les acteurs culturels qui s’engagent à l’époque dans
ces opérations complexes apprennent de nouvelles
techniques, se forment à l’interactivité et auront
de l’avance sur leurs concurrents pour faire face à
l’accélération des innovations avec l’arrivée des CD-
ROM puis de l’internet public quelques années plus
tard.
Parmi les réalisations les plus importantes figurent
les banques d’images patrimoniales suivantes12
:
a) dans les musées :
• Art paléolithique mobilier (musée des
antiquités nationales) / vidéodisque inscriptible
Panasonic,
• Louvre (3 vidéodisques d’images et
de films sur les collections) / vidéodisques
commercialisés / OD’A Laser Edition,
• Mille chefs-d’œuvre des musées du Nord-
Pas-de-Calais,
• Musées nationaux parisiens,
• Collections du Musée d’Orsay / vidéodisque
commercialisé / OD’A Laser Edition,
• Le Parthénon (musée du Louvre, British
Museum, musée de l’Acropole),
• Passage des dates (7 bornes interactives
pour le musée d’Orsay),
• Picasso (œuvres de l’artiste) / vidéodisque
commercialisé / OD’A laser Edition,
• Saga (musée national d’art moderne),
• Soierie (musée des tissus de Lyon),
• Trésors d’émail (musées français et
étrangers),
• Vidéomuseum du XXè siècle (collections
françaises d’art contemporain),
• Vidéralp musée (collections des musées de la
régionRhône-Alpes),vidéodisquecommercialisé
par l’agence régionale d’ethnologie.
12 Mission de la recherche et de la technologie. Bases de données et banques d’images: du ministère de l’Education nationale et de la
Culture Paris: La Documentation Française, 1993.
b) dans les bibliothèques, les archives et autres
institutions culturelles :
• Bibliothèques publiques de France (1919-
1989) (vues des bâtiments de lecture publique)
/ vidéodisque commercialisé, vendu avec un
livret,
• Images de la Révolution Française
(documents de la Bibliothèque nationale :
BN) / vidéodisque commercialisé par la BN et
Pergamon Press,
• Mémoire d’images d’Aquitaine (patrimoine
régional) / vidéodisque commercialisé par
l’agence de coopération d’Aquitaine,
• Mémoires d’images en Poitou-Charentes
(collections des bibliothèques) / vidéodisque
commercialisé par l’agence ABCD,
• Vidéralp de l’an 1000 à l’an 2000 (documents
iconographiques des bibliothèques de Rhône-
Alpes) / vidéodisque commercialisé par le
SIRPAB,
• Civilisations, Beaux-arts et Sciences et
Techniques (3 vidéodisques d’images de la BPI),
• Corpus Lascaux (4 vidéodisques de films sur
Lascaux),
• Noir et blanc (collection du service des
archives photographiques),
• Reconstruction de la France (fonds d’images
des archives nationales 1940-1970),
• Vidéocatalogue (collections françaises),
• Le Vitrail en France (vitraux du canton de
Troyes),
• LesVélinsduRoi», (imagesdelabibliothèque
du Muséum national d’histoire naturelle),
• Enluminures (images de la bibliothèque
Sainte-Geneviève)
Au cours de la décennie 80, le vidéodisque est
également intégré dans des bornes interactives
d’informations culturelles placées dans des lieux
publics.
Le vidéodisque « Salamandre » sur les châteaux de
la Loire et leur région est le premier à avoir été conçu
dans le domaine patrimonial, pour un usage grand
public.
Le disque seul est édité et vendu sur le marché mais
plusieurs bornes d’informations touristiques sont
24. 24
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
également réalisées et mises en consultation dans
des lieux publics (autoroutes, syndicats d’initiative,...).
En avance sur son temps et surtout très coûteuse,
cette expérience souffre d’un manque de suivi
technique des matériels mis à disposition du public.
D’autres bornes semblables voient le jour, par la
suite, à l’initiative de collectivités territoriales, de
sociétés privées ou d’institutions culturelles, pour
valoriser les richesses culturelles d’une région (à
Lyon ou Montpellier, en Dordogne, en Bretagne, etc).
Les expérimentations interactives de la Cité
des sciences et de l’industrie
La Cité des sciences et de l’industrie (CSI), dès
sa phase de préfiguration, est un important lieu
d’expérimentations de bornes interactives dans le
domaine de la médiation scientifique et technique.
Disposant de crédits importants, elle fait réaliser des
jeux de découverte, de simulation, d’apprentissage,
de formation sur ordinateur, destinés à toutes les
catégories de public car à la différence du Palais de
la Découverte, peu d’animateurs ont été recrutés eu
égard à la surface des espaces d’expositions.
Nombre de dispositifs de médiation sont des
prototypes pas toujours fiables et robustes. Quelques
années après l’ouverture de la Cité en 1986, la
moitié d’entre eux sont en panne, ce qui alimente
les polémiques sur la place excessive faite aux
technologies dans l’établissement.
La médiathèque de la CSI est même dotée d’un
robot serveur de 1.400 vidéodisques sur lesquels
2.800 heures de programmes audiovisuels ont été
enregistrées et qui sont consultables sur 17 postes
publics connectés via deux réseaux.
Ce robot très complexe et ambitieux pour l’époque
est resté célèbre pour ses pannes à répétition, ses
difficultés de fonctionnement et son coût prohibitif.
En 1992, un bilan réalisé par la direction des musées
de France évalue à 400 le nombre d’interactifs
produits pour la Cité des Sciences et de l’industrie.
Maîtriser la production des banques
d’images
Si le vidéodisque d’images fixes possède de
nombreux atouts (capacité de stockage élevée,
rapidité d’accès aux images, simplicité d’utilisation,
etc), il a également des inconvénients dont les
principaux sont une faible définition des images vidéo
et un prix de revient élevé.
Pour pallier l’insuffisante qualité des images, un
vidéodisque haute définition (1125 lignes) est
imaginé au début des années 80, par l’équipe de G.
Broussaud du Centre mondial de l’informatique.
Pour des applications culturelles, seule la fondation
Albert Kahn utilise ce système en vue de présenter sa
collection d’autochromes mais ce procédé se révèle
rapidement sans lendemain faute de l’existence
d’une norme internationale.
Cette incertitude sur le choix d’un standard technique
est à cette époque un handicap sérieux pour le
développement des produits multimédias culturels à
haute valeur ajoutée d’autant plus que leur coût de
conception est élevé.
Durant les années 80, une solution pour abaisser les
coûts de saisie et de fabrication générés par les sous-
traitants, est fournie par les systèmes autonomes
d’enregistrement de vidéodisques.
En effet, il existe des enregistreurs (Panasonic, Sony,
TEAC,..) permettant de réaliser, soi-même, grâce à
une caméra CCD vidéo professionnelle installée sur
un banc de reproduction, un vidéodisque analogique
capable de stocker et de restituer les images
produites.
La mission de la recherche acquiert en 1988, un
système semblable afin de le mettre à la disposition
des services patrimoniaux du ministère désireux de
mener des programmes de recherche documentaire
multimédias.
Plusieurs banques d’images scientifiques sont ainsi
réalisées par les services eux-mêmes, à des coûts
très réduits (art paléolithique mobilier au musée des
antiquités nationales, illustrations du journal «Le petit
Parisien» aux archives nationales, photothèque du
laboratoire de recherche des musées de France,
antiquités orientales du musée du Louvre).
Ce type de matériel, très simple d’usage, contribue
à former les utilisateurs du ministère de la culture et
25. 25
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
à les libérer des prestataires de service. En ce sens,
il leur apporte une autonomie comparable à celle
du micro-ordinateur au début des années 80 et leur
permet d’acquérir un savoir-faire appréciable.
Acquérir une méthode
En 1992, l’engouement des institutions muséales
pour les interactifs et l’expérience acquise dans de
nombreux projets de ce type conduit le ministère
de la culture à publier un guide visant à faire des
recommandations aux professionnels de ce secteur
pour qu’ils acquièrent une méthode et prennent
conscience des compétences nécessaires pour
réussir un projet interactif13
.
Leur attention est attirée sur la diversité des savoir-
faire à maîtriser et sur l’importance de constituer une
équipe projet.
Quatre grands domaines de compétences sont mis
en lumière et détaillés :
• le management, c’est à dire la gestion des
moyens et la direction opérationnelle du projet,
• la maîtrise des contenus pour laquelle une
expertise du domaine traité est absolument
requise ainsi que de bonnes connaissances
pédagogiques ou de médiation selon le public
visé,
• la communication dans laquelle on trouve
la conception de l’interactivité, l’ergonomie, le
graphisme, le son et les aspects rédactionnels,
• la technique avec le choix des matériels, la
numérisation des données, la programmation et
la réalisation.
En raison de la variété des savoir-faire qui doivent
être engagés dans le processus de production d’un
dispositif interactif multimédia, il est suggéré de
rechercher des analogies du coté de la production
cinématographique avec sa diversité de métiers
plutôt que du coté de l’édition de livre, pour s’en
inspirer.
La question de la sous-traitance est un sujet épineux
à cette époque, en raison des difficultés rencontrées
par de nombreux projets d’interactifs culturels et la
fréquence des dysfonctionnements observées.
La plus grande vigilance est recommandée aux
13 Interactifs. Une Technique de L’intention. Paris: ministère de la culture, 1992.
décideurs par le ministère de la culture mais la
véritable difficulté vient du manque de personnels
compétents dans les institutions culturelles capables
d’assurer des fonctions de chef de projet mais aussi
d’évaluer les usages qui sont faits de ces nouveaux
outils de médiation.
Le guide attire également l’attention des
professionnels des musées sur les quatre phases du
cycle de production d’un interactif : analyse, design,
réalisation, diffusion.
Durant la phase d’analyse, il faut définir les objectifs,
le public cible, le synopsis, le budget puis évaluer les
moyens et les ressources disponibles, rechercher
d’éventuels partenaires et comparer les prestataires.
La désignation d’un chef de projet est indispensable.
La phase appelée design recouvre la conception du
projet, son écriture et l’élaboration la plus précise
possible de ses spécificités.
La réalisation du produit interactif et sa mise au point
sur un support matériel viennent ensuite.
Enfin, il faut le mettre à disposition du public auquel
Crédits : Jean-Pierre Dalbera
26. 26
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
il est destiné et en faire évaluer son impact par des
personnes étrangères au projet.
Les deux premières phases doivent aboutir à l’écriture
d’un cahier des charges qui servira de document de
référence pour la réalisation technique. Une aide
extérieure (assistance à maîtrise d’ouvrage) est
souvent nécessaire à ce stade car les compétences
internes à l’institution ne sont en général pas
suffisantes sauf dans les grands établissements qui
disposent d’un service spécialisé.
Diffusées à une époque charnière où le « tout
numérique » gagne du terrain sur les systèmes
analogiques, ces recommandations, de portée très
générale, sont d’une grande utilité pour les novices
du multimédia mais aussi pour guider les équipes sur
le terrain désireuses de moderniser leurs dispositifs
de médiation.
LES PIONNIERS DU « TOUT
NUMÉRIQUE »
L’insuffisante qualité des images des vidéodisques,
le souci de conservation à long
terme, l’obsolescence rapide
des standards techniques,
les besoins de transmission
des images à distance par les
réseaux de télécommunications,
les possibilités de traitement
offertes par la numérisation
conduisent les services
culturels à s’intéresser aux
banques d’images numériques
dès qu’elles deviennent
opérationnelles.
Le musée d’Orsay et la
Bibliothèque Publique
d’Information sont des pionniers
du « tout numérique » car, bien avant les autres
institutions culturelles, ils expérimentent ces
nouveaux dispositifs pour offrir des services au
public.
La banque d’images numériques du musée
d’Orsay
Bénéficiant des moyens de la politique des grands
travaux, le musée d’Orsay ouvre ses portes, en 1986,
en étant le premier musée au monde à disposer
d’une banque de données et d’images entièrement
numériques fonctionnant en réseau (15 postes).
Gérée par le logiciel Basis sur des ordinateurs Vax
de la société DEC, elle comprend plus de 20.000
notices sur des œuvres d’art appartenant à la
période 1848-1914 (peintures, dessins, sculptures,
objets d’art, photographies, architecture, etc) et
fournit des informations détaillées sur chaque œuvre,
l’iconographie y est analysée à l’aide du thésaurus
de F. Garnier.
Les images en couleurs de définition 1280 x 1024
pixels (au nombre de 9.000) sont stockées sur des
disques optiques numériques (DON).
Jusqu’au début des années 90, l’accès à cette
base documentaire est gratuit pour les visiteurs du
musée qui ont à leur disposition plusieurs postes de
consultation à deux écrans (texte et image) reliés par
réseau au serveur.
Ce dispositif, très en avance sur son temps, attire
l’attention des visiteurs pour la qualité du service qu’il
propose et pour l’ergonomie de son interface.
Mais il fait aussi l’objet de nombreuses critiques,
car son coût est prohibitif (rapport de la Cour des
comptes), ses images d’œuvres d’art sont de
qualité insuffisante avec en plus des couleurs trop
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
27. 27
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
différentes de celles des originaux, le jeu du pendu
que les concepteurs ont imaginé pour distraire les
utilisateurs apparaît dérisoire…
De plus, on constate que ce sont toujours les œuvres
les plus connues qui sont consultées et que les
visiteurs ne vont que rarement au-delà, sans utiliser
les possibilités de recherche avancée.
Malgré ses défauts, ce système prototype permet
à la communauté scientifique et culturelle, pour la
première fois, de disposer d’une expérimentation en
vraie grandeur et d’affiner la méthodologie comme
l’architecture des dispositifs numériques.
Jean-Louis Pascon, le responsable informatique
de la banque d’images jouera par la suite un grand
rôle dans le plan de numérisation du ministère de la
culture.
Le CD-ROM « LISE » de la Bibliothèque
Publique d’Information
La Bibliothèque Publique d’Information (BPI)
expérimente, dès son ouverture, divers dispositifs
multimédias pour améliorer les services offerts
au public qu’un département des études évalue
régulièrement14
De nombreuses cabines d’apprentissage des langues
sont disponibles. Des banques de données sont
rendues accessibles en 1981 ainsi que des banques
d’images, d’abord sous forme de diapositives puis
progressivement de vidéodisques. Les vidéos sont
mises en semi-libre accès en 1985.
Un service de réponse par téléphone initialement
proposé est remplacé par une messagerie sur minitel
en 1986, année au cours de laquelle est mis en libre
accès l’Encyclopédie Grolier sur CD-ROM.
En 1987, le premier CD-ROM français et francophone,
« LISE », propose le catalogue général de la
Bibliothèque Publique d’Information (BPI) du centre
Georges Pompidou. Il complète l’accès en ligne au
catalogue qui fonctionne sous le logiciel de gestion
de bibliothèque GEAC.
14 “Histoire de la Bpi.” http://www.bpi.fr/la-bibliotheque/histoire-de-la-bpi
15 Béquet, Gaëlle. “Trois bibliothèques européennes face à Google: aux origines de la Bibliothèque numérique (1990-2010).” École des
chartes, 2014.
Le CD-ROM, fonctionnant sous le logiciel Microbase,
est financé par la succursale française de Philips qui
cherche à se faire connaître et qui le réalise à titre
expérimental.
Cette innovation est un grand succès public, elle fait
prendre conscience, à de nombreux professionnels
des bibliothèques, des capacités d’avenir de ce
support.
Le projet de Très Grande Bibliothèque
Sur la suggestion de son conseiller Jacques
Attali, le président François Mitterrand annonce,
lors de l’allocution télévisée du 14 juillet 1988, la
construction « d’une très grande bibliothèque d’un
genre entièrement nouveau ». La définition des
services qu’elle proposera à distance n’est pas
encore précisée.
Patrice Cahart, haut fonctionnaire, et Michel Melot,
conservateur, alors directeur de la BPI, sont chargés
par le premier ministre Michel Rocard d’un rapport
sur le sujet.
Le rapport est remis le 30 novembre 1988, il
propose un cadre technologique pour la bibliothèque
numérique qui combine documents numérisés dans
leur intégralité et accès via des postes de lecture
spécifiques15
.
Après de nombreuses réunions de travail, il aboutira
en 1993 aux premières campagnes de numérisation
de masse respectant des critères élevés de qualité
qui serviront de modèles pour le plan de numérisation
lancé par le ministère de la culture quelques années
plus tard mais aussi pour de nombreux programmes
de numérisation engagés dans d’autres institutions
culturelles.
28. 40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
LA DÉCENNIE 1990 : LE
TOURNANT VERS
LA SOCIÉTÉ DE
L’INFORMATION
29. 29
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
LA NAISSANCE DE L’ÉDITION
ÉLECTRONIQUE
Après le disque compact (CD) qui a supplanté les
disques 33 tours, le CD-ROM (650 Mo) lancé par
Philips en 1985 commence à se banaliser, au début
de la décennie 1990, dans la société française alors
à la traîne en matière d’équipements informatiques.
Le succès du CD-ROM dans le grand public est
d’abord dû aux jeux qui sont plus réalistes, plus
interactifs et de meilleure qualité que sur les consoles
de l’époque. Les jeux Myst et SimCity sont des
succès commerciaux.
A partir de 1994, l’édition électronique est en plein
développement et notamment dans le domaine
culturel malgré le retard, vis à vis de leurs homologues
américains ou allemands, des foyers français
possédant un micro-ordinateur avec lecteur de CD-
ROM1
et carte son.
En 1995, le secteur du ludique est responsable de la
moitié des ventes de CD-ROM, mais les programmes
éducatifs et culturels se multiplient rapidement.
Ce support s’impose pour les encyclopédies (Encarta
éditée par Microsoft en 1993, Encyclopaedia
Universalis en 1995) et les dictionnaires.
L’industrie française du CD-ROM ne peut se
comparer à son homologue américain mais la France
peut compter sur la créativité de ses professionnels
qui est valorisée par la presse sous l’appellation
« French Touch ».
L’engouement pour les CD-ROM culturels
L’édition de CD-ROM culturels et éducatifs est
présentée comme une spécialité française, elle est
un des arguments présents dans les discours des
pouvoirs publics sur l’exception culturelle qui est
alors opposée à la domination américaine.
Le terme CD-ROM culturel recouvre en fait une
grande diversité de productions de qualité inégale
1 En 1995, il y a 500.000 lecteurs de CD-ROM en France alors que les USA comptent 13.000.000 de micro-ordinateurs équipés de
lecteurs et l’Allemagne 3.000.000.
2 “Le Multimédia a Rendez-Vous À Cannes.”, Libération, janvier 1995, http://www.liberation.fr/medias/1995/01/12/le-multimedia-a-rendez-
vous-a-cannes_120161
mais il répond aussi à un besoin de marketing et fait
vendre des équipements informatiques multimédias.
Les réalisations françaises haut de gamme obtiennent
quelques beaux succès internationaux comme le CD-
ROM « Le Louvre, collections et palais », produit par
la société Montparnasse Multimédia et la Réunion
des Musées Nationaux (RMN) dont près de 100.000
exemplaires sont déjà vendus fin1995, un an après
sa sortie.
Pour partager les coûts élevés de réalisation,
de nombreux CD-ROM sont coproduits par des
partenaires qui peuvent être des éditeurs de livres,
des institutions culturelles (RMN, Institut National de
l’Audiovisuel : INA, Centre Georges Pompidou..), des
producteurs de télévision, des entreprises de presse,
des éditeurs de jeux ou de logiciels, des groupes de
télécommunications.
Disposant d’une compétence reconnue dans
le domaine de l’édition d’art et d’une agence
photographique de qualité, la RMN s’intéresse
très tôt aux nouvelles technologies de diffusion sur
supports optiques (d’abord sur CD-ROM, CD-Photo
puis sur consoles de jeu, aujourd’hui sur DVD-ROM
et supports mobiles).
Dès 1993, un service multimédia est créé et
l’établissement s’engage, sous l’impulsion de Jean-
François Chougnet, dans la production et l’édition de
programmes interactifs sur support optique.
Le MILIA (marché international de l’édition et des
nouveaux médias) qui ouvre ses portes en 1994 à
Cannes dans le palais des festivals est une vitrine
pour les producteurs de CD-ROM.
En 1995, le salon se passe dans un climat d’euphorie,
car les ventes de PC multimédia progressent
fortement. Le journal Libération annonce même
«l’ère du contentware par opposition au hardware
et au software»2
. Pour Xavier Roy, l’organisateur
du MILIA, « En 1994, les industries du secteur se
cherchaient. Aujourd’hui, elles arrivent à maturité
et visent la qualité. L’effet de mode se dissipe pour
laisser la place à de véritables créations interactives
dotées d’interfaces novatrices».
30. 30
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Le succès du CD-ROM « Le Louvre,
collections et palais »
Le CD-ROM « Le Louvre, collections et palais»
reçoit le MILIA d’or dans la catégorie arts et culture,
il est célébré comme le « triomphe d’un musée
imaginaire ».
Selon Pierre Raiman, le directeur de Montparnasse
Multimédia, « le défi des CD-ROM culturels, c’est
de donner au public l’envie d’explorer des bases de
données ». Il estime aussi que ce succès apporte
« la preuve que dans le multimédia, la culture ne se
limite pas à une petite niche commerciale ».
De fait, cette visite virtuelle du Louvre est ce qui se fait
de mieux sur le marché dans le cadre des contraintes
techniques de l’époque. Le succès est mérité mais
sera de courte durée face à la rapidité d’évolution
des technologies qui est le propre du numérique3
et
la société déposera le bilan en 2002, non sans avoir
produit en 2000 une version DVD-ROM « Le Louvre,
3 “Choisi Pour Vous, CD-Rom Culture : Le Louvre, Peinture et Palais, Triomphe D’un Musée Imaginaire.” http://ecrans.liberation.fr/
ecrans/1995/03/10/choisi-pour-vous-cd-rom-culture-le-louvre-peinture-et-palais-triomphe-d-un-musee-imaginaire_128593.
4 “The Information Market Policy ACTions (IMPACT) Programme.” DG XIII Commission européenne, 1995. http://www.echo.lu/impact/en/
impacthome.html.
la visite virtuelle » comportant plus de 1.000 œuvres
analysées et commentées et une visite virtuelle de
25 salles du palais.
La RMN présente, à la fin de la décennie 1990,
l’un des catalogues de CD-ROM culturels les plus
importants d’Europe, riche d’une cinquantaine de
titres, avec deux succès commerciaux : « Le Louvre,
collections et palais » et « Musée d’Orsay, visite
virtuelle », également coproduit avec Montparnasse
Multimédia.
En 1996, elle édite « Versailles, complot à la cour du
roi Soleil », un CD-ROM d’un nouveau genre, qualifié
de ludo-culturel et destiné à la jeunesse, qui est un
jeu de découverte du Versailles historique.
Cette collection sera complétée par les titres
« Egypte, l’énigme de la tombe-royale » puis « Chine,
intrigue dans la cité interdite ».
Les aides à la production multimédia
Au milieu de la décennie, les aides françaises et
européennes à la production et à l’édition multimédia
sont multiples, elles sont publiques mais aussi
privées.
L’IFCIC, l’institut pour le financement du cinéma et
des industries culturelles, crée au début des années
80, gère un fonds qui permet de garantir des prêts
bancaires aux entreprises de presse souhaitant
investir dans le multimédia.
Le CNC propose des aides pour le développement
de projets associant éditeur et auteur.
Avec les appels à propositions du programme
IMPACT1, lancé en 1989-1990, puis IMPACT2 (1991-
1995), la direction générale n° XIII de la Commission
européenne a pour objectif de créer des contenus
multimédias innovants et de développer l’industrie
européenne4
.
Le programme INFO 2000 lui succède, il vise lui
aussi à stimuler l’industrie européenne pour qu’elle
soit compétitive à un niveau mondial et à encourager
l’utilisation du contenu multimédia dans la société de
Crédits : Montparnasse Multimédia
31. 31
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
l’information.
Le Club investissement média aide les petites
sociétés à accéder au marché en facilitant des
projets en coproduction. Des fonds d’investissement
sont localisés dans les quinze pays de l’Union
européenne, afin d’intéresser des institutions
financières soutenant l’innovation.
Un certain nombre de sociétés de capital-risque
s’impliquent elles aussi dans les entreprises de
production multimédia en les aidant à acquérir le
matériel et les outils nécessaires.
Plusieurs services de l’État ou des collectivités
territoriales favorisent les entreprises du secteur
multimédia de leur région en apportant des aides à la
préparation des projets, à la formation, à l’exportation,
à la participation à des salons, à la rencontre de
partenaires potentiels.
Malgré ces dispositifs de soutien, le prix de vente
d’un CD-ROM culturel ou éducatif de qualité reste
élevé eu égard au volume moyen des ventes et à
son prix de revient.
Sauf pour quelques titres qui ont réussi à être
coproduits avec des partenaires internationaux,
le marché français s’avère trop limité et la plupart
des producteurs se trouvent en difficulté avec la
concurrence croissante de l’offre culturelle sur
internet qui se développe à la fin de la décennie5
.
L’émergence de nouvelles écritures
multimédias interactives
A partir de 1992, la vague des CD-ROM culturels et
éducatifs produit de véritables créations artistiques
d’un nouveau type et renouvelle les formes de
médiation du patrimoine et de la science. Une
nouvelle écriture interactive multimédia est en train
de naître.
Nils Aziosmanoff, le président d’ART 3000,
association pionnière créée en 1988 pour susciter
le rapprochement entre les arts et les technologies,
organise les premiers états généraux de l’écriture
multimédia à la vidéothèque de Paris en septembre
5 Lavigne, Michel. “Regard Rétrospectif Sur Les CD-ROM Culturels.” Http://w3.lara.univ-tlse2.fr/entrelacs/IMG/pdf/Lavigne_CD_culturels.
pdf, n.d
6 L’écriture Multimédia, Numéro Spécial de La Revue Nov’Art. Jouy-en-Josas: ART 3000, 1995.
19956
.
Selon lui, les nouveaux médias interactifs
révolutionnent les modes d’expression et le rapport
à l’information. Le multimédia, les autoroutes de
l’information, et les techniques de réalité virtuelle
permettent l’émergence de nouvelles écritures.
L’association ART 3000 et sa revue Nov’Art jouent
alors un rôle important pour initier les milieux
culturels à l’art numérique et soutenir l’innovation
artistique mais son champ d’intervention est moins la
médiation que la création artistique.
Fort de son patrimoine audiovisuel et radiophonique,
de son centre de formation et de ses équipes de
recherche technologiques, l’INA s’investit depuis le
début de la décennie 1990 dans le développement
des médias interactifs. Un serveur multimédia est
opérationnel et des collections de CD-ROM sont
produites.
Crédits : Jean-Pierre Dalbera
32. 32
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Fin 1995, le numéro 64 des dossiers de l’audiovisuel
est consacré à l’écriture interactive7
. Les auteurs
y analysent les éléments du langage interactif,
élaborent une typologie de l’interactivité et proposent
une méthode pour la conception et la réalisation
d’hypermédias.
Le prix Möbius international des
multimédias
Durant cette période d’intense activité multimédia,
l’acteur majeur dans la promotion des écritures
numériques est le prix Möbius international des
multimédias crée en 1992 par Jean-Claude
Quiniou et Ghislaine Azémard avec le soutien de
la commission européenne, du CNRS (rencontres
internationales de l’audiovisuel scientifique « Image
et science ») et du CNET (centre national d’études
des télécommunications).
Le prix Möbius des multimédias a pour objectifs de :
• Valoriser l’innovation technique et esthétique
et affirmer les valeurs éthiques et civiques,
• Partager connaissances, compétences,
7 Collectif sous la direction d’Olivier Koechlin. “Multimédia : L’écriture Interactive.” Documentation Française, Dossiers de l’Audiovisuel,
no. 64 (1995).
idées et projets,
• Participer à l’épanouissement et à la
diversification de l’offre, élargir la demande
sociale et tenter d’y répondre,
• Promouvoir les multimédias de qualité
auprès des acteurs culturels et du public,
• Favoriser les accords de coproduction, de
localisation, d’achats de droits à l’occasion
de la présentation des œuvres multimédias
sélectionnées.
Le prix s’appuie sur un réseau mondial de
personnalités, et de laboratoires de recherche,
impliqués dans l’analyse des systèmes de
communication et l’étude des industries culturelles,
en Allemagne, en Australie, en Belgique, au Brésil, au
Canada, en Chine, en Espagne, aux Etats Unis, en
France, en Finlande, en Grèce, en Italie, au Japon,
en Roumanie, en Suisse.
Après un appel à candidature effectué dans chaque
pays, chaque comité recense les réalisations de
l’année en cours en fonction de leurs qualités
innovantes (écriture, navigation, thème...). Les
comités se réunissent et désignent les nominés qui
représenteront leur pays au Prix Möbius International.
Les œuvres en compétition sont présentées par leurs
auteurs. Plus de huit mille personnes dans le monde:
éditeurs, créateurs, développeurs, distributeurs,
spécialistes des multimédias, scientifiques,
enseignants, journalistes... participent à ces
rencontres.
Cet événement international a trois grandes lignes
de force qui sont :
• son cadre universitaire et interdisciplinaire et
son fonctionnement en réseau ouvert,
• son souci de penser le multimédia dans
une stratégie mondiale active, non soumise à
une hégémonie économique, linguistique ou
logicielle,
• sa volonté de susciter une nouvelle
cohérence entre auteurs individuels et collectifs
et le vivier universitaire qui alimente et valide les
savoirs à transmettre.
L’université Paris 8, partenaire du prix Möbius, y
joue un rôle majeur par son caractère interculturel,
ses modes d’enseignement et ses partenariats
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
33. 33
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
internationaux.
Dès sa création en 1992, le prix Möbius contribue à
faire connaître des pionniers de l’écriture multimédia
et de la conception de CD-ROM comme par exemple:
• le professeur autrichien Titus Liber avec
« le musée imaginaire interactif »8
, qui a été un
modèle pour de nombreux créateurs de produits
interactifs,
• l’écrivain scientifique et pionnier de
l’informatique en France, Daniel Garric, ami
de Steve Jobs, avec « le musée virtuel : la
Renaissance et Léonard de Vinci »,
• La spécialiste de représentation humaine
numérique et de robotique, la professeure Nadia
Thalmann avec « les algorithmes de Marylin »,
• Le chercheur islandais travaillant à Sophia-
Antipolis : Pierre Kjartan Emilsonn avec
Eurythmie : un hypermédia sur le chaos et les
instabilités.
De nombreuses rencontres ont lieu entre 1992 et les
15èmes et dernières rencontres internationales qui
se sont déroulées à Bucarest en 2007.
Les fondateurs du prix Möbius publient en 2002 un
ouvrage bilingue « 100 titres – une petite anthologie
des multimédias » qui rassemble un corpus répondant
« au souci de suggérer des pistes de recherche, de
présenter un large panorama, d’ouvrir sur des champs
thématiques variés dans les secteurs de la culture,
de l’éducation, de la science et de la création ».
Actuellement en sommeil, le prix Möbius a été un
révélateur de talents, une plate forme d’échanges
et de débats incomparables entre les milieux de
l’enseignement supérieur, de la recherche et de la
culture pour l’analyse des évolutions des écritures
numériques et leurs capacités d’innovation.
LES AUTOROUTES DE
L’INFORMATION, EN FRANCE ET
EN EUROPE
8 “Vienne interactif” et “Mozart interactif” de Titus Leber - navigations interactives dans une ‘machine de temps’, explorant une ville où
l’univers mozartien dans sa forme la plus avancée - marquent un tournant dans l’évolution des médias audiovisuels grand public. Plus
de 15.000 images fixes, une foule de menus interactifs et de clips narratifs offrent un programme qui peut aller d’une trentaine de
minutes en “temps réel’ jusqu’à six semaines de visionnage ininterrompu si on tient compte des arborescences proposées par la
banque de données. (Extrait du site web du prix Möbius en 2006 sur Internet Archive)
9 Le terme hypertexte est inventé en 1965 par Ted Nelson
10 Mahl, Robert, une perspective historique sur les autoroutes de l’information en France, dans des autoroutes de l’information pour quoi
faire ?. Saint-Etienne: Ed. Eska, 1996.
Le concept du Word Wide Web est inventé en
1989 au CERN par Tim Berners-Lee en associant
le principe de l’hypertexte9
à l’utilisation d’Internet.
Mais le gouvernement (la direction générale des
télécommunications) défend encore le monopole et
ce n’est qu’en 1992 « qu’Internet commence à être
considéré comme une composante des autoroutes
de l’information parmi d’autres »10
.
Les filiales de France Télécom (Transpac, Wanadoo)
ne deviendront des fournisseurs d’accès à Internet
qu’en 1996, deux ans avant la déréglementation des
télécommunications.
Débat public et rapports stratégiques
Au milieu de la décennie 90, plusieurs rapports ont
alimenté le débat public autour des enjeux de la
Crédits : Mobius International
34. 34
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
révolution de l’information:
• le rapport « Les autoroutes de l’information »
de Gérard Théry et Alain Bonnafé remis au
premier ministre Edouard Balladur en 1994,
• le rapport « Les télé services en France.
Quels marchés pour les autoroutes de
l’information ? » de Thierry Breton remis en 1994
à Charles Pasqua, ministre d’État, ministre de
l’intérieur et de l’aménagement du territoire et
à Alain Madelin, ministre des entreprises et du
développement économique,
• le rapport « Les réseaux de la société de
l’information », du groupe présidé par Thierry
Miléo, Commissariat général du Plan remis en
octobre 1996.
Ces rapports insistent sur l’urgence de prendre des
décisions politiques fortes et de sensibiliser la société
française aux enjeux de la société de l’information11
.
C’est le rapport de Thierry Miléo qui s’avère le plus
réaliste car il souligne que l’avenir n’est pas à une
grande autoroute de l’information utilisant une solution
11 Tronc, Jean-Noël, autoroutes de l’information: trois rapports publics en cinq ans, dans des autoroutes de l’information pour quoi faire?.
Saint-Etienne: Ed. Eska, 1996.
12 http://www.senat.fr/rap/r96-213-2/r96-213-21.pdf
technologique unique (réseau et terminal) mais plutôt
à l’interconnexion de réseaux différents sur des
terminaux variés selon le modèle privilégié d’Internet
même si cette solution est encore minoritaire en
France en 1996 avec moins de 500.000 utilisateurs.
Pour le Commissariat général au plan, les enjeux
principaux sont l’interopérabilité des dispositifs,
leur convivialité, la baisse de leurs coûts pour que
l’équipement des foyers progresse et enfin la création
de contenus francophones de qualité sans oublier le
rôle de régulation et de protection des usagers que
l’État doit exercer dans ce nouveau contexte.
Le rapport Miléo se rapproche des orientations
européennes et de l’environnement concurrentiel
soutenu par les États-Unis. Il met à distance les
visions colbertistes des rapports Théry et Breton.
En effet, en 1994, le Rapport Bangemann, définit
des actions concrètes pour réaliser la société de
l’information en Europe. Il en résulte au niveau de
la Commission européenne un programme d’action
qui fournit un cadre intégré embrassant toutes les
activités de l’Union européenne dans les domaines
suivants : les télécommunications, la politique de
la concurrence, le marché unique, l’audiovisuel,
la cohésion régionale, les aspects sociaux et liés
à l’emploi, ainsi que les dimensions culturelles et
linguistiques.
D’autres rapports importants ont été rédigés dans
cette période dont celui, très complet et documenté,
de l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques, présidé par le
sénateur Pierre Laffitte, fondateur de la technopole
de Sophia Antipolis, sur les réseaux grands débits
et l’entrée dans la société de l’information (février
1997)12
.
Lois et expérimentations de nouveaux
services numériques
La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour
l’aménagement et le développement du territoire (loi
Pasqua) établit, entre autres mesures, un schéma
des télécommunications.
Crédits : Jean-Pierre Dalbéra
35. 35
40 ANS DE MEDIATION CULTURELLE NUMERIQUE - RAPPORT 2015
Le schéma définit les conditions dans lesquelles
l’État peut favoriser la promotion de services utilisant
des réseaux interactifs à haut débit, à travers
notamment la réalisation de projets expérimentaux
et le développement de centres de ressources
multimédias.
Elle est complétée par la loi du 10 avril 1996,
relative aux expérimentations dans le domaine des
technologies et services de l’information.
Pour apprécier la réalité et la solvabilité de la
demande de nouveaux services sur les autoroutes
de l’information, le gouvernement (ministère de
l’industrie, de la poste et des télécommunications)
lance en 1994 un appel à propositions pour des
expérimentations destinées à positionner la France
sur les marchés du multimédia.
La mobilisation des acteurs publics et privés est
importante car 635 projets sont déposés. 244 projets
regroupés sur 30 plates-formes et 3 grands projets
nationaux sont retenus et labellisés « autoroutes de
l’information » lors du premier appel.
Parmi ceux-ci, figurent près d’une centaine de
projets à dominante culturelle concernant des
galeries électroniques sur l’art contemporain, des
systèmes de consultation sur réseau d’informations
multimédias sur le patrimoine culturel (projet
européen Aquarelle, réseau européen des villes art
nouveau...), des serveurs musicaux (studio en ligne
et serveur multimédia de l’IRCAM..), des systèmes
d’information sur le tourisme culturel et sur les
spectacles, etc.
Trois projets culturels obtiennent le 8 février 1995,
du ministère de la culture, le label « Grand Projet
en Région (GPR) » pour le développement du
multimédia:
• Le centre « art et technologies nouvelles »
d’Art 3000 à Jouy-en-Josas,
• Le Centre international de création vidéo
(CICV) à Montbéliard,
• Le centre de ressources multimédias de
Sophia Antipolis
Ces trois GPR s’affirment comme des pôles
d’excellence culturelle qui fédèrent acteurs régionaux
et initiatives, tout en gardant une vocation de
13 Dalbéra, Jean-Pierre. Les grands projets culturels en régions pour le développement du multimédia. Rapport au ministre de la culture
Jacques Toubon. Paris, mai 1995.
« fertilisation culturelle et économique » nationale et
internationale13
.
Cesprojetssedévelopperontavecsuccèsnotamment
le centre d’Art 3000 qui donnera naissance au
premier centre français de création numérique : le
Cube, ouvert à Issy-les-Moulineaux en 2001.
D’autres initiatives de pôle multimédia sont prises
dans le domaine éducatif et social, comme dans le
département du Rhône avec le centre Erasme.
Créé à l’initiative de René Trégouët, vice-président
du conseil général du Rhône, qui le propose à
son département dès 1993, le centre Erasme est
dédié, au moment de son ouverture en 1998, à
l’expérimentation dans le domaine éducatif et au
développement de nouveaux usages informatiques.
Implanté initialement sur la commune de St Clément
les Places, il héberge le centre serveur des collèges
et écoles du département du Rhône, le premier en
France à avoir été desservi par de la fibre optique.
En 2005, il étend ses activités de veille technologique
et d’expérimentation aux musées dans le cadre de
la préfiguration du musée des Confluences et ouvre
un muséolab dont les activités sont très suivies par
les professionnels de la médiation culturelle. Il est
aujourd’hui le living lab de la Métropole de Lyon.
En 1995, le label Autoroutes de l’information, obtenu
par les projets a un impact important car il valide leur
qualité et permet à ceux qui se portent candidats
aux appels d’offres de la Commission européenne
(Direction générale XIII ou III) de se trouver en
position favorable.
Les actions du G7 et de la Commission
européenne
En février 1995, le groupe des 7 pays les plus
industrialisés: le G7 (France, Italie, Allemagne,
Grande-Bretagne, USA, Japon, Canada) consacre
une de ses séances plénières à la société de
l’information.
A son tour, il sélectionne onze projets très ambitieux
parmi lesquels deux sont de nature culturelle : le
musée virtuel et la bibliothèque virtuelle.
A travers les services du ministère de la culture,