2. Avril 2012 I Versailles Magazine
contraire aux enfants de tenter leur chance et
surtout de beaucoup, beaucoup travailler.
Vous aviez donc conscience de votre talent?
On ne croit pas aux artistes maudits. Si l’on a du
talent, il est reconnu un jour ou l’autre. Il faut
juste être là au bon moment et savoir s’inscrire
dans le désir du public.
À quel moment avez-vous trouvé réellement
votre public?
Dans notre cas, nous ne l’avons pas « trouvé »
mais nous l’avons créé. Il est né en même
temps que notre musique.
La French Touch, dont vous êtes l’un
des groupes leaders, existe-t-elle encore?
La French Touch c’est en fait plusieurs groupes,
plusieurs artistes qui n’ont aucun point
commun si ce n’est la mélancolie. Chacun de
ces groupes exploite le filon de l’enfance.
Chaque album est comme un petit péché
mignon qui nous permet de remonter la source
de nos premières émotions en les réactualisant
à chaque fois.
C’est ce que vous avez fait avec le Voyage
dans la Lune?
L’œuvre de Méliès, et en particulier celle-ci,
fait partie de l’inconscient collectif. Nous nous
sommes sentis proche de son côté « touche à
tout », de l’esprit « fait main » qui caractérise
le film. Mais nous nous sommes volontaire-
ment éloignés du burlesque et de l’ambiance
« piano bastringue » qui accompagnait la
diffusion des films muets de l’époque.
Comment fait-on d’une œuvre centenaire,
une expérience avant-gardiste, étrange et
sidérante? Comme Méliès vous avez un petit
côté prestidigitateurs…
Nous sommes des artistes et comme tout
artiste, nous avons des vies magiques. Dans le
cadre de ce film muet, les sons remplacent les
mots. Et nous avons « inventé » toutes sortes
de sons. Mais contrairement à un travail de BO
« classique » qui consiste à choisir un thème et
à l’illustrer sur toute la longueur du film, il a
fallu ici traduire à chaque fois des univers et
des atmosphères différentes.
Avec quels instruments avez-vous choisi de
travailler pour traduire l’ambiance étrange
et minérale qui rythme le film?
Tous les instruments de ce studio ont été
utilisés. (Des dizaines… Une jungle d’instru-
ments. NDLR). Nous avons beaucoup utilisé les
timbales pour illustrer le côté Vulcain, la roche,
les cratères… C’est notre côté Haroun Tazieff!
Vous connaissez un succès gigantesque aux
États-Unis, en Asie… En France, la critique a
été moins spontanée, moins enthousiaste.
Comment le vivez-vous?
Nous faisons partie des ces talents français qui
s’exportent… comme certains grands chefs
cuisiniers par exemple. C’est comme ça. Cela
ne nous dérange pas. Il y a pas mal de choses
que nous n’aimons pas; alors, nous n’allons
certainement pas reprocher à d’autres de ne
pas aimer notre musique!
Quels rapports entretenez-vous avec la
musique. Est-ce le même qu’à vos débuts
à Versailles?
C’est un rapport obsessionnel. Même lorsqu’on
ne travaille pas, la musique travaille en nous.
Aujourd’hui, notre plus grand challenge est de
parvenir à nous renouveler, à avancer, à nous
laisser avancer… Ce n’est pas toujours simple
lorsque l’on est un groupe.
Comment ça va entre vous?
On se croirait chez le psy… Nous avons deux
personnalités complémentaires; ce qui n’exclut
pas parfois certaines tensions… mais nous
parvenons à les transformer en énergie
créatrice et positive.
Vous regrettez le Paris créatif et débridé du
début du XXe
siècle… Vous voyagez
beaucoup. Pouvez-vous nous dire quelle
place culturelle tiennent Paris et la France
dans le monde aujourd’hui?
La France possède encore un savoir-faire
artistique prononcé et reconnu partout dans le
monde. Mais notre pays, et en particulier Paris,
devient le musée du monde. C’est dommage.
Versailles? Ils nous imaginent encore en
crinoline… Et pourtant Versailles restera à
jamais le creuset de l’électro… I
GRAND TÉMOIN 31
LesAlbumsdugroupesontmondialementconnus.LaBOduVoyagedanslalune,composéeparAir.Airaégalementcollaboréà denombreusesbandesoriginalesdefilmsdontMarieAntoinettedeSofiaCoppola.
Legroupesurscènele29juin2007,àVersailles.