2. Monsieur D.C. – 88 ans
Anamnèse: patient trouvé confus et agité à côté de son lit, après une probable chute à
3h du matin. Le SMUR constate une glycémie capillaire à 1.7 mmol/l, administre 2 x 20 g
de Glucose i.v. glycémie 5.2 mmol/L résolution état confusionnel. Amnésieg y
circonstancielle.
Antécédents:
- Pneumonie trilobaire communautaire à germe indéterminé (novembre 2015)
- Troubles de la marche et de l'équilibre
- Maladie cérébro-vasculaire :
- AVC ischémique aigu du gyrus précentral gauche (2014)
- AVC lacunaire D (2003)
- Remplacement valve aortique pour sténose sévère par valve biologique (2008)Remplacement valve aortique pour sténose sévère par valve biologique (2008)
- Gastrectomie partielle pour un GIST (Gastro-Intestinal Stromal Tumor) suivi d'un
traitement par Glivec (2009-2012) - actuellement en rémission
Médicaments: Lisitril 5 mg, Plavix 75 mg, Aspirine 100mg, Crestor 20 mg, Pantoprazole
40 mg, Calcium Sandoz D3 500/440, Vitarubin.
3. Que proposez-vous ?
Anamnèse ?
- pas d’administration accidentelle d’insuline ou d’un ADO.
- pas de changement dans son traitement habituel.
- pas antécédent de diabète, pas de perte pondérale récente, pas de période de jeûne.
- premier épisode documenté d’hypoglycémie.p p yp g y
Examens complémentaires ?
- Laboratoire: tests hépatiques, crase, fonction rénale, albumine, HbA1c etc.p q , , , ,
5. Que proposez-vous ?
Anamnèse?Anamnèse?
-- pas d’administration accidentelle d’insuline ou d’un autre ADO.pas d’administration accidentelle d’insuline ou d’un autre ADO.
-- pas de changement dans son traitement habituelpas de changement dans son traitement habituel-- pas de changement dans son traitement habituel.pas de changement dans son traitement habituel.
-- pas antécédent de diabète, pas de perte pondérale récente.pas antécédent de diabète, pas de perte pondérale récente.
-- premier épisode documenté d’hypoglycémie.premier épisode documenté d’hypoglycémie.
Examens complémentaires?Examens complémentaires?
-- laboratoire: créatinine, tests hépatiques, crase, fonction rénale, albumine etc.laboratoire: créatinine, tests hépatiques, crase, fonction rénale, albumine etc.
Test au Synacthène: négatif- Test au Synacthène: négatif.
Evolution pendant les premières 48h d’hospitalisation:
- récidive d’hypoglycémie asymptomatique entre 3 et 5 mmol/lrécidive d hypoglycémie asymptomatique entre 3 et 5 mmol/l
Exclure un insulinome: quels examens ?
- épreuve de jeûne de 72h.p j
CT scan thoraco-abdominal du novembre 2015 (suivi de son GIST):
- pas de lésion suspecte pancréatique ou de masse tumorale thoraco-abdominale.
6. Hypoglycémie organique ou non diabétique [1]
Hypoglycémie organique définie par la triade de Whipple:
- glycémie plasmatique < 2,8 mmol/l.
- symptômes neuroglucopéniques.
- disparition des symptômes à la prise de sucre.
Pour le sujet sain, quelle serait la réponse contre-régulatrice pour assurer une
glycémie plasmatique minimale ?
- sécrétion d’insuline inhibée, ce qui ralentit l’utilisation de glucose.
- sécrétions d’hormones de contre-régulation:
- glucagon: produit par les cellules alpha du pancréas, stimulant la
d ti hé ti d l l l é lproduction hépatique de glucose par la glycogénolyse.
- hormone de croissance et cortisol : sécrétés en cas de jeûne prolongé,
lorsque les réserves en glycogène sont épuisées.
1. Anne Dufey, Bettina Köhler Ballan, Jacques Philippe, Hypoglycémie non diabétique: diagnostic et prise en charge. Rev Med Suisse 2013;1186-1191
7. Symptômes d'hypoglycémie
Signes adrénergiques (< 3.8 mmol/l):
- sueurs palpitations tachycardie tremblements nausées vomissements faimsueurs, palpitations, tachycardie, tremblements, nausées, vomissements, faim.
Neuroglucopénie (carence en glucose dans le SNC à partir de < 2 8 mmol/l)[1]:Neuroglucopénie (carence en glucose dans le SNC à partir de < 2.8 mmol/l)[1]:
- troubles moteurs ou sensitifs: hyperactivité, tremblements, hémiparésie, paralysie
faciale, troubles de l’élocution, paresthésie (symptômes pouvant mimer un AIT!!!).
- convulsions focales ou généralisées, confusion, amnésie.convulsions focales ou généralisées, confusion, amnésie.
- séquelles neurologiques irréversibles (coma en fonction de profondeur et durée).
CAVE : lors de la répétition des épisodes d’hypoglycémie, les seuils de sécrétion des
hormones de « contre-régulation » s’abaissent, les symptômes neurovégétatifs
s’atténuent, de sorte que les symptômes de dysfonction cérébrale sont au premier plan.q y p y p p
1. Anne Dufey, Bettina Köhler Ballan, Jacques Philippe, Hypoglycémie non diabétique: diagnostic et prise en charge. Rev Med Suisse 2013;1186-119
8. Epreuve de jeûne prolongé*
But:
- provoquer la réponse contre-régulatrice hormonale.
Conditions:
- hospitalisation pour mise à jeun pouvant durer jusqu’à un maximum de 72 heures.
le patient est autorisé à boire de l’eau ou des boissons non caloriques (produits- le patient est autorisé à boire de l eau ou des boissons non-caloriques (produits
« light ») et sans caféine.
- accès veineux (pas de perfusion glucosée !)
- glucose pour administration i v (20 g) doit être prêt à l’emploi en cas de besoin- glucose pour administration i.v. (20 g) doit être prêt à l emploi en cas de besoin.
- prise de sang veineux toutes les 4 heures pour glucose, insuline, C-peptide, corps
cétoniques.
si glucose < 3 3 mmol/l prise de sang veineux toutes les 2 heures- si glucose < 3.3 mmol/l – prise de sang veineux toutes les 2 heures.
- si glucose < 2.8 mmol/l – prise de sang chaque heure.
Fin du test:Fin du test:
- interrompu dès que la glycémie <= 2,5 mmol/l et en présence de symptômes
* Protocole fourni par le Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV
9. Epreuve de jeûne prolongé
Dosages et résultats:
sujet normal:- sujet normal:
- le jeûne ne devrait pas causer d’hypoglycémie symptomatique.
- diminution de la sécrétion d’insuline et de peptide C par le pancréas.
t ti d’h t é l t i- augmentation d’hormones contre-régulatrices.
- consommation des réserves en glucose (l’administration de glucagon à la fin du
test n’augmentera pas significativement la glycémie).
- en cas d’hyperinsulinisme:
- hypoglycémie apparaîtra dans les 72 heures suivant le jeûne (75% des
insulinomes sont diagnostiqués dans les 24 premières heures !)insulinomes sont diagnostiqués dans les 24 premières heures !).
- niveaux d’insuline et de peptide C anormalement élevés.
- le foie regorge de réserves de glucose (effet de l’hyperinsulinémie chronique),
l’administration de glucagon à la fin du test permet de libérer les réservesl administration de glucagon à la fin du test permet de libérer les réserves
hépatiques de glucose et d’augmenter la glycémie.
10. Résultats - épreuve de jeûne prolongé
Résultats:
- dosage insulinémie: très élevé à >1000 mU/l
- dosage C-peptide: discrètement élevé à 6 8 mcg/l- dosage C-peptide: discrètement élevé à 6.8 mcg/l
- dosage corps cétoniques : élevés, confirment la situation de jeûne
Epreuve négative car patient asymptomatique malgré les hypoglycémies à 2.4 mmol/l
(di ti d’i li b bl )(diagnostic d’insulinome peu probable).
11. Rappel
Le peptide C est la connexion structurelle des
chaînes A et B de l’insuline et la formation dechaînes A et B de l insuline et la formation de
deux ponts disulfure dans la molécule proinsuline.
La préproinsuline (rapidement dégradée en pro-
insuline) est synthétisée par les cellules beta desinsuline) est synthétisée par les cellules beta des
ilots de Langerhans du pancréas.
L’insuline et le peptide C sont sécrétés
en quantité équimolaire et libérés dans le
sang de la veine portesang de la veine porte.
Adapté selon Beta Cell Biology Consortium 2004Adapté selon Beta Cell Biology Consortium 2004
12. Résultats - épreuve de jeûne prolongé
Résultats:
- dosage insulinémie: très élevé à >1000 mU/l
- dosage C-peptide: discrètement élevé à 6 8 mcg/l mais non concordant avec- dosage C-peptide: discrètement élevé à 6.8 mcg/l mais non concordant avec
l'hyperinsulinémie
Discussion: insulinémie surestimée probablement en rapport avec la
présence d'anticorps anti-insuline !!!
13. Résultats
Sécrétion d’anticorps anti-insuline :
dosage Ac anti insuline arrivé après 20 jours:- dosage Ac anti-insuline arrivé après 20 jours:
- fortement positif à > 50 kU/l (norme < 0.4 kU/l)
Autres dosages:
- immunoélectrophorèse:
- pas de gammapathie monoclonale visible (en cas de myélomepas de gammapathie monoclonale visible (en cas de myélome
multiple des anticorps anti-insuline peuvent être retrouvés).
- dosage Insulin-like growth factor II (IGF-II): négatif (après 14 jours).
Diagnostic : Hypoglycémie auto-immune ou syndrome Hirata.
14. Hypoglycémie auto-immune ou syndrome Hirata
Rapportée initialement 1970 par des Japonais, maladie rare caractérisée par :
- hypoglycémie hyperinsulinémique associée à un titre élevé d'anticorps anti-insuline- hypoglycémie hyperinsulinémique associée à un titre élevé d anticorps anti-insuline
endogène.
- absence d'anomalie pathologique du pancréas endocrine et absence d’une
exposition antérieure à l’insuline exogène.
- souvent associée à d’autres maladies auto-immunes: maladie de Basedow,
polyarthrite rhumatoïde.
- association avec l’allèle HLA-DR4 dans 96% des cas (présente 10x-30x plus
souvent chez les japonais/coréens par rapport au caucasiens)souvent chez les japonais/coréens par rapport au caucasiens).
- souvent (70% des cas) associé à une exposition antérieure à des médicaments
avec un groupement thiol –SH: méthimazole (métabolite actif du Néo-mercazole),
captopril, glutathion, pénicillamine, imipénème.
Troisième cause d’hypoglycémie sévère après l’insulinome et les néoplasie extra
pancréatiques
À ce jour, 58 cas ont été signalés dans la population non asiatique [3]
3. Beatrice C. Lupsa, Angeline Y. Chong, Elaine K. Cochran, Maria A. Soos, Robert K. Semple, MB, Phillip Gorden, Autoimmune forms of hypoglycemia.
Medicine (Baltimore) 2009 May;88(3):141-53
15. Hypoglycémie auto-immune ou syndrome Hirata
Traitements :
- corticoïdes, immunosuppresseurs, plasmaphérèse, octréotide.
- diazoxide (activité hyperglycémiante par inhibition de la libération
é ti d'i li )pancréatique d'insuline).
- exceptionnellement : pancréatectomie partielle associée à une
splénectomie voire pancréatectomie subtotalesplénectomie voire pancréatectomie subtotale
16. Traitement et évolution
Traitement :
- Prednisone 60 mg/j en diminution progressive toutes les 2 semainesPrednisone 60 mg/j en diminution progressive toutes les 2 semaines.
- autocontrôles avec glucomètre et administration de Glucagon intramusculaire en
cas d'hypoglycémie sévère.
Evolution:
- favorable avec disparition des épisodes d'hypoglycémie.
- dosages après 3 semaines de traitement :dosages après 3 semaines de traitement :
18. Insulinome
Tumeur à cellules β sécrétant l’insuline de manière autonome, indépendamment de la
glycémie.glycémie.
Incidence:
- faible : 1-4 cas pour 1 000 000 habitants/anfaible : 1 4 cas pour 1 000 000 habitants/an.
- la plus fréquente des tumeurs neuroendocrines fonctionnelles du pancréas.
Age et sexe:Age et sexe:
- fréquence maximale entre 40 et 60 ans (40 % des cas).
- légère prédominance féminine (60 %).
Bénin dans 90% des cas; peut se présenter dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne
multiple de type 1 dans 6% des cas avec un taux de malignité de 25%multiple de type 1 dans 6% des cas, avec un taux de malignité de 25%.
19. Insulinome - diagnostic
Le test de jeûne de 72 heures pour avoir la confirmation biologique !
Imagerie seulement après la confirmation biologique:Imagerie seulement après la confirmation biologique:
- CT-scan: sensibilité de détection de 30-85% en fonction de la taille tumorale
- habituellement petite taille, difficile à localiser, dans 2/3 des cas < 2 cm [4]
- IRM: sensibilité de 85-95%, dépistage des métastases.
- écho-endoscopie + CT: excellente sensibilité (approchant 100%).
- scintigraphie à l’octréotide (OctréoScan SPECT) + CT : VPP 85%
- stimulation artérielle sélective par le calcium avec prélèvements veineux (SACS):
- cathétérisme des vv. hépatiques avec dosage de l’insuline en réponse à l’injectionp q g p j
intra-artérielle sélective de Ca (aa. splénique, gastro-duodénale et mésentérique
supérieure).
-18F-DOPA PET (fluorine-18-L-dihydroxy-phényl-alanine PET) [5].
4. De Herder WW, Niderle B, Scoazec JY, et al. Well-differentiated pancreatic tumor/carcinoma : Insulinoma. Neuroendocrinology 2006;84:183-8.
5. Kauhanen S, Seppänen M, Minn H, et al. Fluorine-18- L-dihydroxyphenylalanine (18F-DOPA) positron emission tomography as a tool to localize an
insulinoma or beta cell hyperplasia in adult patients J Clin Endocrinol Metab 2007;92:1237insulinoma or beta-cell hyperplasia in adult patients. J Clin Endocrinol Metab 2007;92:1237.
6. Wilda D, Christb E, Gloorc B, et al. Médecine nucléaire : localisation des insulinomes occultés par une nouvelle méthode d’imagerie. Forum Med Suisse 2008;
21. Insulinome - diagnostic
(A) 18F-DOPA PET/CT (B) OctréoScan (C) 18F-DOPA PET
Adapté de [9]: Tumeur neuroendocrine (carcinoïde) métastasée
9. Klaas P. Koopmans, Oliver C. Neels, Ido P. Kema, Philip H. Elsinga, Wim J. Sluiter, Koen Vanghillewe, Adrienne H. Brouwers, Pieter L.
Jager, and Elisabeth G.E. de Vries. Carcinoid and Islet Cell Tumors With 18F-Dihydroxy-Phenyl-Alanine and 11C-5- Hydroxy-Tryptophan
Positron Emission Tomography, JOURNAL OF CLINICAL ONCOLOGY, March 2008.
22. Insulinome - traitement
Chirurgical :
- mini-invasive par laparoscopie, hormis dans les tumeurs multiples ou celles dont la
localisation est profondelocalisation est profonde.
Médicamenteux (en attendant la chirurgie) :
- diazoxide (Proglicem) ou l’octréotide (analogue de la somatostatine):
- inhibent la sécrétion d’insuline pour contrôler l’hypoglycémie.
- habitudes alimentaires (prévenir le jeûne prolongé).
Si maladie métastatique, approche pluridisciplinaire nécessaire.
Survie :
- si bénin, pas de différence à 15 ans par rapport à la population de
référence.
si malin métastasé taux de récidive de 60 % après 3 ans et la survie- si malin métastasé, taux de récidive de 60 % après 3 ans et la survie
après réintervention pour récidive tumorale est de 1 à 4 ans [10].
10. Mazzaglia PJ, Berber E, Milas M, et al. Laparoscopic radiofrequency ablation of neuroendocrine liver metastases : A 10-year
experience evaluating predictors of survival. Surgery 2007.
24. Causes d’hypoglycémie organique
HypoG iatrogènes:
- « factices » : ADO, insuline.
- autres médicaments: quinidine pentamidine (antiparasitaire) quinolone [2]autres médicaments: quinidine, pentamidine (antiparasitaire), quinolone [2].
HypoG de jeûne (ou très éloignée de la dernière prise alimentaire):
- alcoolisation aiguë, jeûne prolongé, sepsis.
- déficit de néoglucogenèse (insuffisance rénale et hépatique sévère).
- cortisol (insuffisance surrénale ou corticotrope).
HypoG réactive post-prandiale précoce ou tardive (angoisse, post-gastrectomie)HypoG réactive post prandiale précoce ou tardive (angoisse, post gastrectomie)
HypoG tumorales :
- sécrétion d’insuline (insulinome) :
bénin en 90% des cas du pancréas endocrine- bénin en 90% des cas du pancréas endocrine.
- malin dans 7-8 % des cas (néoplasie endocrinienne multiple de type 1).
- sécrétion du facteur de croissance apparenté à l’insuline (IGF-2) par des tumeurs
mésenchymateuses volumineuses plus rarement de carcinomes hépatocellulairesmésenchymateuses volumineuses, plus rarement de carcinomes hépatocellulaires.
- sécrétion d’anticorps anti-insuline (rarissime myélome multiple, lymphome).
HypoG auto-immune :
- auto-anticorps anti-insuline (rarissime).
2. Murad MH, Coto-Yglesias F, Wang AT, et al. Clinical review : Drug-induced hypoglycemia : A systematic review. J Clin Endocrinol Metab 2009;94:741.
25. Démarche diagnostique selon [1]
NICT : non islet cell tumor ; NGP : neuroglucopéniques ; NV : neurovégétatifs ; NEM : néoplasie endocrinienne multiple
1 Anne Dufey Bettina Köhler Ballan Jacques Philippe Hypoglycémie non diabétique: diagnostic et prise en charge Rev Med Suisse 2013;1186‐1191. Anne Dufey, Bettina Köhler Ballan, Jacques Philippe, Hypoglycémie non diabétique: diagnostic et prise en charge. Rev Med Suisse 2013;1186‐119
26. Je vous remercie de votre attention !Je vous remercie de votre attention !