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Climat5
- 1. Le Soir Mardi 12 novembre 2013
6 LE BULLETIN CLIMATIQUE
les agriculteurs « Il nous faut plus de terres
pour que notre ferme bio soit rentable »
REPORTAGE
l’entrée de la ferme
de Joseph et Fabian
Renaud, à Bourdon, dans l’entité
de Hotton, la pancarte laisse peu
de place au doute : « Ici, on
cultive bio ». Question de principe, voire une philosophie. Hors
de question pour les exploitants
d’y déroger malgré les obstacles
qui se sont mis en travers de leur
route au nom du sacro-saint profit. Ils sont bien décidés à se
battre pour leurs valeurs. Pour ce
faire, père et fils peuvent compter sur l’aide de Terre en Vue,
une association qui accompagne
les projets agricoles d’installation et de transmission de
fermes.
« En 1973, alors que j’étais menuisier salarié, j’ai acheté ma
première vache, se remémore Joseph. J’ai aussi eu l’occasion
d’acquérir 1,5 ha de terrain derrière chez moi. J’ai développé
mon exploitation en achetant
des vaches et je suis finalement
devenu indépendant en 1986. »
Au fil du temps, l’exploitation
Une ferme industrielle qui travaille de manière classique leur
a mis la main dessus en triplant
le prix. » « Résultat des courses,
embraie le fils, il ne nous reste
depuis lors qu’une vingtaine
d’hectares. Nous avons dû
vendre notre quota laitier et
notre troupeau de vaches laitières. Ça a été un déchirement
même si nous savons que nos
bêtes sont parties chez un collègue qui œuvre aussi en bio. »
VOUS
A
Le bio est une tradition chez les Renaud qui sont à la recherche
de terres pour leurs vaches laitières. © DOMINIQUE DUCHESNES.
s’est stabilisée à 72 ha après avoir
obtenu le label bio en 1997. « En
2010, on comptait 185.000 litres
de lait bio et environ 90 bêtes,
poursuit Fabian. Une trentaine
de vaches laitières de race montbéliarde et 15 vaches allaitantes
de race blonde d’Aquitaine ainsi
que l’élevage des jeunes bêtes. »
Puis ce fut le coup de massue.
« En décembre 2010, suite à un
changement radical du cahier
des charges, la Défense nationale
a décidé d’attribuer au plus offrant 52 ha que nous lui louions
depuis 27 ans, poursuit Joseph.
Terre en vue intervient
Depuis janvier, Fabian a repris
l’exploitation familiale en tant
qu’indépendant
complémentaire pour le plus grand bonheur
de son père. « Pour qu’elle soit
viable, il faut plus de terres. »
Coup de chance, un fermier de
la région vend actuellement une
prairie d’une dizaine d’hectares,
déjà en bio. « Ça nous évitera de
devoir attendre que les méfaits
des engrais disparaissent, sourit
Fabian, mais le prix de 125.000
euros est trop élevé pour nous. »
C’est là qu’intervient Terre en
Vue.
« Le projet de Fabian correspond tout à fait aux initiatives
que nous voulons soutenir,
explique François Leboutte, responsable de l’association. Nous
aidons des agriculteurs à s’installer et à développer des projets
agroécologiques, d’agriculture
paysanne et respectueux de la
terre. Nous prônons aussi des
systèmes de circuits courts et de
vente directe, comme le fait Fabian avec son lait, ses yaourts et
son fromage blanc. Ça réduit le
recours aux énergies fossiles. »
Pas question toutefois pour
l’association d’agir à la place de
l’agriculteur. « Nous favorisons
la création de groupes locaux qui
l’aident à trouver des investisseurs qui misent sur son projet.
Chacun peut ensuite acheter des
parts de 100 euros. » A l’heure
actuelle, Fabian a réussi à trouver 45.000 euros. Le chemin est
encore long. ■
FRÉDÉRIC DELEPIERRE
www.terre-en-vue.be
l’associatif « Créer
une économie résiliente »
PORTRAIT
a maison d’Irchonwelz est
en chantier. Sur la table de
Josué, des carreaux de carrelage.
« Je suis à la recherche d’enduit,
lance le père de famille. Du bio,
bien entendu. » S’il a emménagé
dans cette bâtisse à rénover avec
femme et enfants, Josué, c’est
notamment pour une raison qui
correspond à ses aspirations.
« Nous avons un grand jardin
dans lequel nous allons pouvoir
cultiver un potager bio en famille. » L’une des lignes de
conduite que s’impose ce psychologue de formation, à la tête
du mouvement des « Villes en
Transition », à Bruxelles et en
Wallonie, qui donne aussi des
formations à l’étranger.
« Le mouvement des Villes en
Transition est né en 2006, dans
le village de Totnes, en GrandeBretagne, en réaction à la flambée des prix pétroliers et à la raréfaction des ressources naturelles. L’ambition des adhérents
est d’amener la population en
L
BOÎTE
À IDÉES
Les Belges aimeraient être
plus et mieux informés. Sur
leur alimentation, sur les
étiquettes, sur les labels, sur
les gestes économiseurs
d’énergie, sur les modes de
consommation alternatifs.
Ça tombe bien, il faut encore
dégommer certains mythes :
« c’est difficile », « ça coûte
cher », « mon confort est
menacé »… Une sélection de
lieux qui expliquent et qui
donnent des idées. Encore
sous-informé ?
Des astuces
www.topten.be
www.energivores.be
Des associations
www.ecoconso.be
www.res-sources.be
www.natpro.be
www.oxfam.be
www.cncd.be
www.amisdelaterre.be
www.asblrcr.be
www.passeursdenergie.be
www.reseau-idee.be
www.res-sources.be
www.economie-positive.be
Des administrations
www.climat.be
http://energie.wallonie.be
www.bruxellesenvironnement.be
Des initiatives
www.terre-en-vue.be
www.catl.be
www.reseautransition.be
www.vert-et-propre.be
www.ecobatisseurs.be
www.achatsverts.be
Un téléphone
Ecoconso : 081/730.730
M.D.M.
douceur dans le monde de
l’après-pétrole. Quartier par
quartier. Le but est notamment
d’expliquer aux gens comment se
passer d’énergie fossile en ayant
un impact sur l’effet de serre. »
Changer de vie
Pas de militantisme : « Il est
trop souvent culpabilisant. On y
oppose les gens au lieu de
construire une alternative, dit
Josué. Chez nous, à Ath, comme
ailleurs, nous démarchons des
gens de profils, d’âges et de formations différents. Nous leur demandons quelles seraient, selon
eux, les initiatives qui pourraient réduire la consommation
d’énergie. Nous les informons sur
les enjeux lors de soirées thématiques. A eux ensuite de développer des projets au travers de
groupes locaux, de quartiers. Pas
question pour nous de jouer les
leaders, les gourous. Le but est
aussi de retisser des liens. »
Pas question pour les Villes en
Transition d’opérations coup de
poing. La « révolution » doit se
faire en douceur. « Nous recherchons les petites actions qui auront le plus grand résultat,
explique Josué Dusoulier. Nous
favorisons la création de potagers collectifs, de bourses
d’échange de savoirs, d’ateliers
de permaculture et des groupes
d’achats solidaires. » Ath a aussi
son Repair’ Café ouvert une fois
par mois. « Chacun peut y venir
pour y faire réparer gratuitement ses semelles de chaussures,
ses jouets ou son vélo. Pourquoi
jeter ce qui peut être réparé ? »
Sur le même principe, une donnerie est organisée trois fois par Josué applique son message à la lettre en cultivant ses légumes et
an afin de faire profiter les autres en se déplaçant à vélo quand il le peut. © DOMINIQUE DUCHESNES.
de ce dont on n’a plus besoin :
vaisselle, livres, vêtements, DVD. professionnelle pour créer leur veulent créer une coopérative
« A l’heure de la surconsom- propre projet d’économie locale. qui va construire une micromation, nous voulons montrer A Ath, une épicerie s’ouvre cette brasserie et une boulangerie arqu’une autre économie est pos- semaine et ne vendra que des tisanale. » A travers le monde :
sible, une économie résiliente, re- produits locaux. A Liège, les plus de 1.800 initiatives de
prend Josué. Un peu partout, “transitioners” veulent bâtir une transition dans 45 pays. ■
nous constatons d’ailleurs que ceinture alimentaire autour de
F.De.
des adhérents se prennent au jeu. la ville, pour relocaliser les maIls veulent quitter leur activité raîchers. A Grez-Doiceau, ils www.reseautransition.be
les citadines « Des légumes
cultivés en pleine ville »
REPORTAGE
ne langue noire de bitume
entourée de façades essentiellement rouges. Puis soudain
autour d’un casse-vitesse, deux
carrés de verdure qui, novembre
oblige, commencent à sérieusement virer au marron. De-ci, delà, quelques petites tomates
rouges et vertes apparaissent au
milieu des herbes mortes.
Comme l’indiquent les pancartes
« Servez-vous, c’est gratuit » et
« Nourriture à partager », elles
n’attendent qu’à être cueillies.
Etonnant au beau milieu de
Schaerbeek…
L’instigatrice du projet, c’est
Catherine Piette, une habitante
du quartier. « L’idée m’est venue
après la lecture d’un livre intitulé “Un million de révolutions
tranquilles”, en décembre de l’an
dernier, dit-elle. On y parlait
d’expériences menées dans les
villes où l’on faisait pousser des
légumes dans les espaces publics.
Ça a entraîné toute une réflexion
sur la production locale. Bruxel-
U
loise de naissance, j’ai grandi en
province où mon père a toujours
eu un jardin et quelques animaux. Quand je me suis installée à Schaerbeek, voici quinze
ans, je me suis posé la question.
Mais les temps ont changé… »
Dans un premier temps, Catherine va tenter de cultiver un
jardin partagé au Rouge-Cloître.
« Rien n’y poussait, concède-telle. J’ai donc converti deux petits carrés de mon jardin en potager, il y a 4-5 ans. Ça a poussé
facilement. Quel bonheur de
manger ses propres légumes, d’en
retrouver les saveurs tout en sachant qu’ils n’ont pas été traités
avec des pesticides… »
Une courgette en cadeau
L’an dernier, quand le casse-vitesse a été installé en face de
chez elle, Catherine n’a pas tardé
à réagir. « Deux énormes fosses
l’entouraient. Quand il pleuvait,
ça faisait deux piscines. J’ai parlé à ma voisine d’en face, Joëlle,
de l’idée d’y installer deux pota-
gers comestibles. Nous avons obtenu l’accord du conseil communal. »
Au fil des mois, les deux copines vont planter diverses variétés d’herbes aromatiques, des
tomates, du fenouil, des courgettes, des potirons, etc. Au plus
grand bonheur des voisins. « Au
début, ils venaient timidement
demander
s’ils
pouvaient
prendre l’un ou l’autre légume,
commente Joëlle. Des enfants
nous ont un jour demandé une
courgette pour faire un cadeau à
leur maman. Tous nous ont fait
part de leur joie de retrouver le Catherine (à l’arrière-plan) et son amie Joëlle sont fières d’avoir
vrai goût des légumes. »
redonné le goût des légumes de qualité à leurs voisins. © DOMINIQUE
L’idée de base de ces potagers DUCHESNES.
urbains est née en Grande-Bretagne, à Todmorden, une ville sée Incredible Edible, pour In- cun chien n’est venu y faire ses
durement touchée par la désin- croyables Comestibles, a depuis besoins. Maintenant, j’ai envie
dustrialisation. Trois femmes se lors essaimé à travers le monde de contacter les habitants des
rues voisines pour tenter de les
sont lancées. Très vite, elles ont grâce à internet.
Catherine, elle, est très heu- convaincre de faire la même
été rejointes par des dizaines de
bénévoles. Et en trois ans, la pe- reuse du résultat. Elle ne compte chose. Pour que tout le quartier
tite ville anglaise a réussi à at- pas en rester là. « Les deux car- devienne un peu plus vert et proteindre 85 % d’autosuffisance rés ont permis aux voisins de se duise des légumes de qualité. » ■
alimentaire. L’expérience, bapti- parler. Personne n’a abusé et auF. De.
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