La criminalité organisée a infiltré de nombreux réseaux du web mais son potentiel de nuisance reste encore très sous estimé dans certains secteurs d’activités.
C’est à l’un de ces secteurs peu étudié et rarement évoqué dans les médias que ce livre blanc a souhaité s’intéresser : les HYIP.
Si ces quatre lettres n’évoquent rien de prime abord, elles représentent pourtant un marché extrêmement développé et structuré qui serait, dans une large proportion, contrôlé par des réseaux mafieux.
Véritable manne financière, les HYIP permettraient à des groupes criminels de financer certaines de leurs activités frauduleuses.
Ce livre blanc propose au lecteur de découvrir les mécanismes de ce marché opaque mais aussi de comprendre la manière dont la criminalité organisée exploite certains HYIP sans ne jamais se dévoiler.
HYIP: quand la criminalité organisée se finance sur internet
1. HYIP:
quand
la
criminalité
organisée
se
finance
sur
Internet
Par
Marie
Garbez
I) Présentation
du
marché
des
HYIP
1) Un
marché
en
apparence
organisé
2) La
face
cachée
des
HYIP
3) Les
HYIP,
vaste
escroquerie
ou
jeux
spéculatifs
?
II) Des
HYIP
hors
de
tout
contrôle
1) Des
programmes
d’investissement
invérifiables
2) Des
structures
juridiques
opaques
3) Des
HYIP
source
de
financement
d’activités
criminelles
?
III) Un
HYIP
atypique
:
le
cas
MMM-2011
1) La
«
Mavrodi
Money
Machine
»
2) Un
ancien
cybercriminel
en
campagne
contre
MMM-‐2011
Tous
droits
réservés
Publié
en
juillet
2011
1
2.
La
criminalité
organisée
a
infiltré
de
nombreux
réseaux
du
web
mais
son
potentiel
de
nuisance
reste
encore
très
sous
estimé
dans
certains
secteurs
d’activités.
Tel
est
le
cas
des
«
HYIP
»
qui
seraient,
au
pire,
totalement
contrôlés
par
des
réseaux
mafieux
et,
au
mieux,
seulement
détournés
de
leur
usage
dans
des
proportions
inconnues.
Les
HYIP,
dits
«
High
Yield
Investment
Program
»,
existent
déjà
depuis
plusieurs
années.
Leur
principe
de
fonctionnement
est
simple
:
attirer
des
investisseurs
en
leur
proposant
des
rendements
nettement
supérieurs
aux
taux
du
marché.
N’importe
quel
internaute
peut
participer
à
ce
type
de
programme,
même
pour
des
sommes
très
modiques
(dix
dollars
est
généralement
le
montant
minimal
admis).
Périodiquement,
les
participants
perçoivent
des
intérêts
servis
par
le
HYIP,
au
prorata
du
capital
investi.
Ainsi
présentés,
les
HYIP
se
rapprochent
des
pyramides
financières
car
les
uns
et
les
autres
ont
la
fâcheuse
tendance
à
disparaître
avec
l’argent
des
souscripteurs
lorsqu’ils
n’arrivent
plus
à
honorer
leurs
engagements.
De
telles
déconvenues
se
produisent
généralement
lorsque
l’argent
des
nouveaux
entrants
ne
suffit
plus
à
payer
les
anciens
membres,
le
système
étant
alors
fatalement
voué
à
s’effondrer.
Si,
dans
l’économie
classique,
l’impact
négatif
des
pyramides
financières
est
régulièrement
dénoncé,
celui
des
HYIP
sur
Internet
reste
encore
peu
connu,
ce
qui
permet
à
cette
activité
de
prospérer
dans
un
climat
de
relative
indifférence.
Pourtant,
leur
influence
y
serait
tout
aussi
néfaste
et
leur
force
de
propagation
démultipliée,
les
canaux
du
web
leur
permettant
de
s’affranchir
des
frontières.
Pour
preuve,
une
chaine
de
Ponzi
initiée
en
Russie
en
janvier
2011
réunirait
à
ce
jour
plus
de
30
millions
d’internautes
du
monde
entier.
Ainsi,
que
sait-‐on
réellement
des
HYIP
?
C’est
à
cette
question
que
cet
article
veut
répondre,
en
s’immergeant
dans
un
univers
très
fermé.
Si
ce
marché
rudement
concurrentiel
laisse
entrevoir
certains
de
ses
mécanismes
(I),
il
ne
se
dévoile
que
très
difficilement,
laissant
des
questions
essentielles
sans
réponses.
L’argent
des
internautes
est-‐il
véritablement
investi
?
Qui
se
dissimule
derrière
ces
sites
internet
de
façades
?
Le
risque
que
des
organisations
criminelles
financent
leurs
activités
par
le
biais
de
ces
programmes
est
toujours
présent,
l’exemple
des
pyramides
financières
ayant
démontré
que
la
menace
était
réelle.
(II)
Dans
tous
les
cas,
le
gain
financier
n’est
pas
l’unique
finalité
des
créateurs
de
HYIP,
certains
donnant
même
une
portée
«
philosophique
»
à
leur
programme,
comme
par
exemple
«
détruire
le
système
financier
mondial
»
(III).
2
3.
I)
Présentation
du
marché
des
HYIP
Les
sites
de
HYIP
sont
très
disparates
mais
leur
but
à
tous
est
analogue
:
convaincre
en
quelques
minutes
un
internaute
d’investir,
quitte
à
parfois
ressembler
à
de
véritables
spots
publicitaires.
Concernant
les
taux
de
rendement
proposés,
il
n’existe
aucune
règle
préétablie
:
de
2%
à
plus
de
5
000%,
c’est
à
l’internaute
de
faire
son
choix,
même
si
des
taux
trop
avantageux
laissent
craindre
un
effondrement
rapide
du
HYIP.
Les
intérêts
sont
payés
chaque
jour,
chaque
semaine
ou
chaque
mois
et
peuvent
parfois
être
multipliés
si
le
souscripteur
se
charge
de
recruter
d’autres
membres
pour
le
compte
du
programme.
Exemple
du
HYIP
«
Oil
Growing
»,
chargé
de
spéculer
sur
le
cours
du
pétrole
pour
des
profits
atteignant
par
exemple
130%
en
une
journée
:
Au
fil
du
temps,
le
marché
des
HYIP
a
édicté
ses
règles
et
ses
codes
qui,
bien
que
non
obligatoires,
exposent
celui
qui
ne
les
respecte
pas
à
une
éviction
rapide.
L’évocation
du
cas
d’un
internaute
piqué
par
la
curiosité
que
suscitent
les
HYIP
permettra
de
comprendre
le
réel
fonctionnement
de
ce
milieu
qui
peut
se
révéler
très
agressif
(2).
Mais
il
convient
d’abord
de
présenter
les
HYIP
dans
leur
globalité
(1),
puis
d’évaluer
la
part
de
participation
des
internautes
français
à
ces
jeux
spéculatifs
(3).
1) Un
marché
en
apparence
organisé
Lorsque
le
créateur
d’un
programme
d’investissement
à
haut
rendement
achève
la
mise
en
page
de
son
site
web,
vient
alors
le
temps
d’engager
de
fortes
dépenses
concernant
deux
éléments
majeurs
:
la
publicité
et
une
protection
anti
DDOS.
-‐
La
publicité.
Sans
elle,
le
HYIP
ne
peut
acquérir
une
notoriété
suffisante
afin
que
des
internautes
acceptent
d’y
déposer
des
fonds.
Cette
dernière
utilise
deux
supports
majeurs
:
les
moniteurs
et
les
forums
spécialisés.
3
4. Un
moniteur,
comme
son
nom
l’indique,
est
chargé
de
contrôler
l’activité
des
HYIP.
Leur
mode
de
surveillance
est
calqué
sur
celui
des
agences
de
notation.
Ainsi,
un
HYIP
peut
être
évalué
comme
un
très
bon
payeur
et
bénéficier
du
tant
convoité
triple
A
ou
être
déclassé
jusqu’à
D
lorsque
ce
dernier
n’honore
plus
ses
engagements.
Exemple:
à
gauche,
un
site
de
placement
rémunérateur,
à
droite
un
autre
en
cessation
de
paiements.
Les
forums,
eux,
n’évaluent
pas
de
la
qualité
d’un
HYIP.
Ils
assurent
uniquement
leur
promotion
par
la
vente
d’espaces
publicitaires.
Ces
derniers
peuvent
atteindre
des
montants
non
négligeables.
Ainsi,
pour
bénéficier
d’une
bannière
publicitaire
située
en
haut
d’un
forum
durant
30
jours,
il
est,
par
exemple,
nécessaire
de
débourser
400
dollars.
Sachant
qu’un
HYIP
se
doit
d’être
présent
sur
le
maximum
de
sites
promotionnels
afin
d’attirer
les
internautes,
les
frais
engagés
peuvent
rapidement
atteindre
plusieurs
milliers,
voire
dizaine
de
milliers
d’euros
par
mois.
4
5. Exemple
ci-dessous
d’un
HYIP
diffusant
sa
publicité
sur
plus
de
52
sites
différents
simultanément
:
-‐
Tous
les
efforts
que
le
créateur
d’un
HYIP
mobilise
dans
la
publicité
peuvent
être
anéantis
en
quelques
heures,
si
ce
dernier
ne
se
dote
pas
d’un
dispositif
fondamental
:
une
protection
anti
DDOS.
Régulièrement,
les
HYIP
sont
en
effet
victimes
de
dénis
de
service
qui
bloquent
totalement
l’activité
du
programme.
Les
investisseurs
ne
peuvent
plus
accéder
à
leurs
comptes
et
il
n’est
plus
possible
de
retirer
des
fonds
ni
d’en
déposer.
Cette
situation
peut
perdurer
indéfiniment
et
ce,
tant
que
la
demande
de
rançon
exigée
par
les
attaquants
n’est
pas
satisfaite.
Généralement,
ce
type
de
chantage
porte
ses
fruits
car
le
propriétaire
ne
peut
que
difficilement
se
résoudre
à
abandonner
son
site
web.
Exemple
de
statistiques
fournies
par
un
HYIP.
Avec
52
611
membres
et
environ
4
millions
de
dollars
de
dépôts
disponibles,
ce
programme
pourrait
constituer
une
cible
de
choix
pour
des
pirates.
Une
solution
a
néanmoins
été
trouvée
afin
de
se
prémunir
contre
ces
«
hold-‐up
»
intempestifs
:
se
doter
d’une
protection
anti
DDOS,
ce
recours
ne
permettant
cependant
pas
d’éviter
toutes
les
nuisances
avec
certitude.
5
6. À
droite
de
cette
copie
d’écran,
un
exemple
de
logo
type
repérable
sur
les
pages
d’accueil
des
HYIP
:
«
DDoS
Protection
».
Au
vu
de
ces
éléments,
le
marché
des
HYIP
semble
parfaitement
organisé
entre,
d’une
part,
la
surveillance
exercée
par
les
moniteurs
et,
d’autre
part,
les
actions
menées
par
les
investisseurs
eux-‐mêmes.
En
effet,
ces
derniers
n’hésitent
pas
à
certifier
du
sérieux
d’un
programme
en
envoyant
régulièrement
des
preuves
de
paiements
dans
des
forums
spécialisés
(copies
d’écrans
ou
photos
par
exemple).
La
réalité
est
cependant
bien
différente.
2)
La
face
cachée
des
HYIP
Si
un
HYIP
ne
peut
évoluer
seul,
faut-‐il
pour
autant
faire
confiance
aux
autres
acteurs
du
milieu,
uniques
garants
de
sa
légitimité
?
La
réponse
semble
incontestablement
négative.
Ces
jeux
d’argent,
déjà
extrêmement
risqués,
le
seraient
aujourd’hui
encore
davantage
du
fait
de
la
généralisation
considérable
de
la
corruption.
Des
moniteurs
harcèleraient
en
permanence
les
propriétaires
de
HYIP
afin
que
ces
derniers
leur
versent
de
l’argent,
à
défaut
leur
programme
rétrograderait
rapidement
d’un
triple
A
à
un
D.
Plusieurs
propriétaires
de
HYIP
n’hésiteraient
plus,
de
leur
côté,
à
rétribuer
grassement
les
moniteurs
afin
de
bénéficier
d’une
excellente
notation
alors
que
leur
site
web
ne
se
livre
à
aucune
activité
d’investissement
réelle.
L’information
délivrée
aux
internautes
est
dès
lors
fréquemment
falsifiée,
même
si
certains
moniteurs
essaient
de
garder
à
tout
prix
leur
indépendance
et
de
continuer
à
délivrer
des
avis
impartiaux.
Un
internaute
a
eu
l’idée
de
révéler
au
grand
jour
ce
que
certains
suspectaient
déjà
secrètement1.
L’idée
était
simple
:
mettre
un
HYIP
en
ligne
et
attendre
patiemment
la
suite
des
évènements,
sans
démarche
publicitaire.
L’expérience
a
tout
d’abord
confirmé
que
les
internautes
n’investissent
pas
à
l’aveugle
dans
un
HYIP
car,
au
total,
seulement
70
dollars
ont
été
envoyés
dans
le
compte
du
site.
Cependant,
la
réaction
la
plus
intéressante
a
eu
pour
origine
les
autres
acteurs
du
milieu.
1
http://m.ecommerce-‐journal.com/
6
7. Dès
le
deuxième
jour
de
la
mise
en
ligne
du
site,
l’apprenti
créateur
avait
déjà
15
mails
dans
l’adresse
contact
indiquée
pour
l’occasion.
Uniquement
des
demandes
d’argent.
Des
membres
reconnus
de
forums
dédiés
à
l’étude
des
HYIP
ou
des
moniteurs
exigeaient
le
versement
d’une
«
gratification
»
en
échange
d’un
avis
positif
sur
le
programme.
Les
montants
demandés
allaient
de
100
à
900$.
Certains
proposaient
même
de
fournir
de
fausses
preuves
de
paiements.
En
cas
de
refus
à
ces
exigences,
la
menace
était
de
dénigrer
le
programme
afin
de
décourager
tout
investisseur
potentiel.
Le
propriétaire
du
HYIP
fictif
ayant
refusé
de
payer,
les
menaces
ont
été
mises
à
exécution
et
les
avis
négatifs
ont
afflué
sur
de
nombreux
forums.
3)
Les
HYIP,
vaste
escroquerie
ou
jeux
spéculatifs
?
Ainsi
révélé,
le
marché
des
HYIP
apparaitrait
comme
une
vaste
escroquerie
au
sein
de
laquelle
aucun
internaute
ne
peut
espérer
engranger
des
bénéfices.
Une
différence
majeure
s’observe
néanmoins
entre
les
victimes
de
chaînes
de
Ponzi
de
l’économie
classique
et
les
victimes
de
HYIP
:
dans
les
HYIP,
chaque
participant
est
pleinement
conscient
du
risque
auquel
il
s’expose
ce
qui
n’est
pas
toujours
le
cas
dans
l’économie
réelle.
Ici,
la
crédulité
n’est
pas
de
mise
et
les
pyramides
financières
sont
envisagées
comme
un
jeu
dans
lequel
il
est
possible
de
s’enrichir
ou,
du
moins,
de
percevoir
un
complément
de
revenus.
Pour
le
comprendre,
il
suffit
d’observer
le
comportement
des
internautes
français
adeptes
des
HYIP.
Une
petite
dizaine
de
forums
français
sont
dédiés
à
l’étude
de
ces
programmes
à
haut
rendement,
le
plus
important
d’entre
eux
regroupant
4
500
membres.
À
la
lecture
des
nombreux
commentaires,
le
HYIP
serait
presque
un
actif
comme
les
autres,
à
condition
de
placer
ses
fonds
de
manière
judicieuse.
Par
exemple,
certains
sont
friands
du
«
Golden
Game
»
:
dans
cette
stratégie,
ce
qui
est
primordial,
c’est
de
réussir
son
entrée
dans
un
HYIP,
mais
surtout
sa
sortie.
Son
entrée,
afin
que
le
HYIP
soit
encore
suffisamment
rentable
pour
payer
ses
membres
mais
aussi
sa
sortie
afin
de
retirer
ses
fonds
avant
que
le
HYIP
ne
disparaisse
avec
la
cagnotte.
Au
Golden
Game,
jugé
comme
risqué,
d’autres
préfèrent
disperser
leurs
fonds
sur
une
dizaine
de
HYIP
différents
en
attendant
d’évaluer
lesquels
sont
vraiment
rémunérateurs.
Combien
d’argent
les
internautes
français
peuvent-‐ils
dépenser
dans
ces
jeux
spéculatifs
?
L’évaluation
des
pertes
est
très
difficile
et
ce,
d’avantage
que
pour
une
pyramide
financière
habituelle
:
conscients
des
risques,
les
souscripteurs
déçus
portent
rarement
plainte.
7
8. À
l’opposé,
des
informations
pourraient
être
récoltées
à
partir
des
déclarations
de
revenus,
certains
ne
désirant
pas
dissimuler
leurs
gains
mais
éprouvant
les
plus
grandes
difficultés
à
déterminer
dans
quelle
catégorie
indiquer
ces
entrées
d’argent.
S’il
n’existe
aucun
chiffre
en
la
matière,
l’un
des
rares
procès
où
un
créateur
de
HYIP
a
été
confronté
à
la
justice
à
permis
de
disposer
de
certaines
données
pour
le
moins
intéressantes.
À
la
barre,
M.
Nicholas
A.
Smirnow
devait
rendre
compte
de
l’activité
de
son
programme,
«
Pathway
to
Prosperity2
»,
censé
investir
dans
les
casinos
et
l’immobilier.
Les
participants
au
projet,
suivant
la
durée
de
leur
dépôt,
pouvaient
espérer
des
retours
sur
investissements
dépassant
les
1
000%.
Entre
2007
et
2009,
plus
de
40
000
souscripteurs,
situés
dans
120
pays
différents
(dont
la
France),
ont
ainsi
perdu
70
millions
de
dollars
lorsque
le
HYIP
de
M.
Smirnow
a
disparu
de
la
Toile.
Les
documents
confidentiels
fournis
par
certaines
sociétés
de
paiements
utilisées
par
le
HYIP
ont
permis
de
révéler
que,
parmi
les
nombreux
perdants,
une
minorité
avait
néanmoins
tiré
profit
de
cette
affaire.
Ainsi,
en
mai
2008,
5
000
des
25
000
clients
du
programme
étaient
alors
bénéficiaires,
2500
d’entre
eux
ayant
déjà
réalisé
un
profit
net.
Un
expert
s’est
intéressé
aux
onze
plus
grands
bénéficiaires
du
programme
(de
200
000
a
plus
de
2
millions
de
dollars)
qui,
en
tout
logique,
auraient
dû
être
des
gestionnaires
de
fonds,
des
institutions
financières
ou
des
banques
d’investissements
si
le
HYIP
se
livrait
à
une
activité
économique
authentique.
Après
analyse,
aucun
d’entre
eux
n’était
chargé
d’investir
pour
le
compte
de
M.
Smirnow
et,
plus
inquiétant,
plusieurs
de
ces
bénéficiaires
n’ont
tout
bonnement
pas
pu
être
localisés
ce
qui
pose
avec
acuité
la
question
de
la
traçabilité
de
ces
flux
financiers.
2
THE
UNITED
STATES
DISTRICT
COURT
FOR
THE
SOUTHERN
DISTRICT
OF
ILLINOIS
–
28
Mai
2010
–
Case
10-‐11-‐6147-‐CSP
8
9. II)
Des
HYIP
hors
de
tout
contrôle
L’opacité
qui
entoure
les
HYIP
est
source
de
multiples
soucis
pour
les
États
qui
peuvent
difficilement
empêcher
ces
sociétés
de
se
développer
sur
Internet,
même
les
plus
nocives
d’entre
elles.
Ce
caractère
insaisissable
se
traduit
par
deux
éléments
fondamentaux
:
les
programmes
d’investissements
proposés
(1)
et
la
structure
juridique
des
HYIP
(2).
Cette
volonté
de
dissimulation
permet
de
s’interroger
sur
l’identité
réelle
des
créateurs
de
HYIP,
l’ombre
de
la
criminalité
organisée
planant
sur
plusieurs
de
ces
programmes
(3).
1) Des
programmes
d’investissement
invérifiables
Les
programmes
d’investissement
proposés
par
les
HYIP
n’ont
de
limite
que
l’imagination
et
proposent
de
s’enrichir
par
le
biais
de
moyens
classiques
(métaux
précieux,
pétrole,
forex,
spéculation
boursière)
mais
aussi
plus
originaux
comme
par
exemple…
des
désinfectants
anti
anthrax3.
Ce
type
de
HYIP
avait
vu
le
jour
en
2001
à
la
suite
de
l’envoi
d’enveloppes
piégées
contaminées
par
le
bacille
du
charbon
à
des
sénateurs
américains
et
à
de
grands
médias
américains.
Tous
les
HYIP
naissent
et
disparaissent
sans
ne
jamais
rendre
compte
de
leurs
activités
et
seule
une
minorité
d’entre
eux
est
soumise
à
des
vérifications
lorsque
le
nombre
des
victimes
atteint
une
ampleur
importante.
Un
lent
travail
d’enquête
débute
alors
pour
les
autorités
:
investigations
dans
de
multiples
pays,
analyse
de
la
viabilité
du
programme,
recherche
des
bénéficiaires
et
des
fonds
détournés,
témoignage
des
victimes
etc.
Des
résultats
probants
sont
rarement
obtenus
en
comparaison
des
efforts
déployés,
de
multiples
obstacles
empêchant
ces
enquêtes
d’aboutir.
Le
manque
de
coopération
internationale
en
est
la
raison
majeure,
la
vérité
étant
rarement
établie
sur
la
réalité
de
ces
programmes.
Face
à
ce
constat
d’échec,
certains
États
ont
instauré
des
mesures
radicales
afin
de
réduire
le
nombre
de
ces
HYIP
qui
pullulent
sur
le
web.
Ainsi,
en
Jamaïque,
une
loi
a
été
proposée
afin
de
responsabiliser
les
citoyens4.
Ce
pays,
qui
a
perdu
12,5%
de
son
PIB
en
2008
suite
à
l’effondrement
de
plusieurs
pyramides
financières,
désire
à
tout
prix
empêcher
la
survenance
d’une
nouvelle
catastrophe.
Désormais,
tout
internaute
qui
aurait
des
motifs
sérieux
de
croire
qu’un
HYIP
est
engagé
dans
des
faits
de
blanchiment
d’argent
s’expose
à
une
peine
d’un
an
de
prison
et
jusqu’à
un
million
de
dollars
d’amende
s’il
décide
malgré
tout
d’y
investir.
Ces
«
motifs
sérieux
»
se
composent
de
deux
éléments
principaux
:
l’absence
d’enregistrement
du
HYIP
auprès
des
autorités
compétentes
et,
en
cas
de
gains
3
http://www.finra.org/
4
http://everyjoe.com/work/hyip-‐investors-‐may-‐face-‐money-‐laundering-‐charges-‐162/
9
10. ou
de
pertes,
l’absence
d’avertissement
au
souscripteur
de
ses
obligations
fiscales.
Aux
États-‐Unis,
le
législateur
s’est
attaqué
aux
systèmes
de
paiement
utilisés
par
les
HYIP,
interdits
d’accès
au
territoire
américain
depuis
mars
2012.
Tant
que
ces
derniers
(la
plupart
implantés
dans
des
paradis
fiscaux),
ne
font
pas
la
démarche
d’obtenir
le
statut
d’intermédiaire
financier
auprès
du
FinCEN5,
toute
transaction
monétaire
initiée
avec
un
citoyen
américain
sera
lourdement
sanctionnée6.
La
menace
semble
prise
au
sérieux
par
ces
opérateurs
qui
risquent
la
saisie
de
leur
compte
bancaire
à
l’étranger,
la
condamnation
à
des
amendes
mais,
aussi,
la
qualification
de
charges
criminelles
à
leur
encontre.
Exemple
d’une
annonce
diffusée
par
un
opérateur
apprécié
des
HYIP
sur
son
site
internet
:
«
À
partir
du
19
mars
2012,
nous
n’acceptons
plus
les
ordres
d’achat
et
de
vente
provenant
des
États-Unis.
Cette
mesure
est
causée
par
une
nouvelle
loi
américaine
prenant
effet
au
31
mars
2012.
Si
vous,
ou
votre
banque,
êtes
aux
États-
Unis,
vous
serez
affectés.
Les
autres
pays
ne
sont
pas
concernés.
»
L’instauration
de
telles
mesures
n’est
pas
encore
prévue
dans
l’Hexagone
et
peu
d’actions
sont
entreprises
pour
l’instant
contre
les
HYIP.
Dès
lors,
ces
derniers
n’hésitent
pas
à
démarcher
directement
des
internautes
français,
même
pour
des
activités
nécessitant
normalement
la
délivrance
d’un
agrément.
Par
exemple,
les
HYIP
proposant
d’investir
sur
le
marché
des
changes
(Forex)
exercent
en
totale
infraction
car
l’Autorité
de
Contrôle
Prudentiel
devrait
normalement
les
certifier.
En
pratique,
ils
ne
sont
pas,
ou
très
peu
dérangés.
Ponctuellement,
l’ACP
publie
des
communiqués
mettant
en
garde
les
éventuels
investisseurs
mais
aucune
action
répressive
n’est
véritablement
entreprise.
En
2011,
l’allemand
Cardona
Soler
est
arrêté
par
les
autorités
espagnoles
après
avoir
escroqué
ses
clients
de
plus
de
300
millions
de
dollars.
Son
HYIP,
Finanzas
Forex,
a,
en
effet,
subitement
disparu
sans
rembourser
le
capital
des
souscripteurs,
seuls
les
intérêts
ayant
été
versés.
De
nombreux
internautes
français
étaient
clients
de
ce
programme,
très
populaire
en
Europe
et
en
Amérique
du
Sud.
5
Financial
Crimes
Enforcement
Network
6
http://www.financialregulatoryreport.com/financial-‐services-‐regulation-‐-‐-‐us/fincen-‐releases-‐
new-‐electronic-‐filing-‐report-‐for-‐certain-‐covered-‐entities/
10
11. Actuellement,
les
HYIP
surfent
sur
la
vague
des
jeux
en
ligne
afin
d’attirer
une
nouvelle
clientèle,
plusieurs
millions
de
français
jouant
régulièrement
à
des
jeux
d’argent
sur
le
web.
«
Win-‐Gaming
»
est
l’un
de
ces
programmes
typiques.
À
la
lecture
des
33
pages
du
programme
envoyées
aux
souscripteurs,
il
ne
fait
aucun
doute
que
Win-‐
Gaming
est
une
chaine
de
Ponzi,
l’argent
des
nouveaux
entrants
servant
à
payer
les
anciens
membres.
Le
«
plus
»
de
ce
programme,
est
qu’il
offrirait
des
bons
afin
de
jouer
sur
des
sites
de
jeux
en
ligne
indiqués
comme
des
partenaires,
tous
agrées
par
l’ARJEL,
l’Autorité
de
régulation
des
jeux
en
ligne.
Tous
ces
sites
sont
très
connus
des
joueurs
français
:
BetClic,
PMU.fr,
PartyPoker.fr
etc.
Afin
de
vérifier
de
l’authenticité
de
ce
programme,
un
mail
a
été
envoyé
à
chacun
de
ces
sites
de
jeux,
leur
demandant
si
“Win-‐Gaming”
était
connu
de
leurs
services.
PartyPoker
a
été
le
premier
a
nous
répondre:
“Win-‐Gaming”
n’est
en
aucun
cas
un
de
leurs
affiliés.
Ci-‐dessous,
une
partie
du
mail
de
réponse
de
PartyPoker.fr
:
11
12. 2) Des
structures
juridiques
opaques
Si
les
investigations
sur
les
investissements
supposés
des
HYIP
sont
si
difficiles,
c’est
parce
que
les
propriétaires
de
ces
sites
internet
s’abritent
derrière
un
enchevêtrement
de
sociétés
écrans,
rendant
toute
vérification
impossible.
Ne
pouvant
alors
être
qualifiés
avec
certitude
de
pyramides
financières,
les
HYIP
sont
à
l’abri
de
toute
sanction
pénale.
Les
montages
juridiques
utilisés
sont
l’œuvre
de
véritables
professionnels,
l’exemple
d’
«
Eurex
Trade
»,
l’un
des
HYIP
les
plus
côtés
du
moment,
permettant
de
comprendre
le
défi
qui
se
pose
aux
États.
Eurex
Trade,
HYIP
spécialisé
dans
le
Forex,
propose
ses
services
aux
internautes
du
monde
entier
depuis
février
2011.
Le
site
est
d’ailleurs
disponible
dans
de
multiples
langues
:
français,
anglais,
russe,
allemande,
italien
et
espagnol
(cf.
copie
d’écran
ci-‐dessous).
Ce
programme
fait
le
bonheur
des
internautes
car
depuis
sa
mise
en
ligne,
il
n’a
jamais
manqué
à
ses
obligations
et
rémunère
ses
souscripteurs
à
dates
régulières.
Pour
découvrir
qui
se
cache
derrière
Eurex
Trade,
il
suffit
de
consulter
le
registre
des
sociétés
du
Panama,
pays
dans
lequel
le
programme
est
enregistré.
Trois
sociétés
offshores
se
révèlent
être
directrices
de
ce
programme
:
«
Ireland
&
Overseas
Acquisition
LTD
»
(Iles
Vierges
britanniques),
«
Milltown
Corporate
Services
LTD
»
(Iles
Vierges
britanniques),
et
«
Inhold
LTD
»
(Nouvelle
Zélande).
12
13. Registre
des
sociétés
du
Panama
Les
trois
sociétés
offshores
appartiennent
à
deux
citoyens
lettons
mondialement
connus
:
Erik
VANAGELS
et
Stan
GORIN.
Ces
derniers
ont
défrayé
la
chronique
dans
leur
pays
après
que
des
journalistes
d’investigation
aient
découvert
que
ces
deux
individus
sont
à
la
tête
de
plus
de
300
sociétés
offshores
dans
le
monde,
impliquées
dans
de
nombreux
scandales
de
corruption,
de
blanchiment
d’argent,
de
trafics
d’armes
et
autres
activités
illicites.
Erik
Vanagels
et
Stan
Gorin
ne
sont
pas,
en
fait,
de
richissimes
criminels
(plus
de
10
milliards
de
dollars
auraient
été
blanchis
au
travers
de
leurs
sociétés7.),
M.
Vanagels
étant
d’ailleurs
un
sans
abri.
En
réalité,
il
s’agit
d’identités
volées,
le
prestataire
de
services
«
International
Overseas
Services
»
ayant
été
identifié
comme
le
«
distributeur
officiel
»
de
ces
sociétés
«
Vanagels
et
Gorin
»,
devenues
avec
le
temps
un
véritable
gage
de
qualité
dans
le
milieu
criminel.
7
http://economiccrimeintelligence.wordpress.com/2012/01/20/the-‐vanagels-‐connection-‐the-‐
story-‐of-‐the-‐homeless-‐billionaire/
13
14. Certification
d’immatriculation
de
la
société
Ireland
&
Overseas
Acquisitions
LTD
:
International
Overseas
Services
n’ouvre
pas
des
sociétés
offshores
à
n’importe
quel
candidat,
la
journaliste
lettonne
Natalie
Sedletska
en
ayant
fait
l’expérience8.
Se
faisant
passer
pour
une
importatrice
de
voitures,
celle-‐ci
déclare
vouloir
posséder
sa
propre
société
offshore
pour
ne
pas
payer
de
taxes.
La
réponse
qui
lui
a
été
adressée
est
sans
appel
:
«
Nous
travaillons
seulement
par
recommandations,
adressées
par
nos
clients
permanents.
En
Lettonie,
comme
dans
n’importe
quel
pays
de
l’Union
Européenne,
les
règles
anti
blanchiment
sont
très
strictes
donc
si
quelqu’un
pouvait
vous
recommander
nous
aurons
une
discussion
plus
sérieuse.
»
Liste
des
juridictions
dans
lesquelles
International
Overseas
Services
propose
l’enregistrement
de
sociétés
offshore
:
Comment
ce
réseau
tentaculaire,
établi
au
cœur
d’un
pays
européen,
peut-‐il
perdurer
depuis
tant
d’années
?
Et
ce,
d’autant
plus,
que
plusieurs
affaires
concernant
ce
réseau
ont
connu
une
résonnance
internationale
(cf.
encadré).
En
septembre
2008,
le
navire
«
FAINA
»
a
été
pris
en
otage
par
des
pirates
somaliens.
À
la
surprise
générale,
33
chars
d’assaut
T-‐72,
des
lances
grenades
et
des
munitions
ont
été
découverts
à
bord
avec
pour
destination
officieuse
le
sud
Soudan,
alors
sous
embargo.
Le
gouvernement
ukrainien
fut
très
embarrassé
par
cette
affaire,
le
capitaine
du
navire
et
les
marins
se
révélant
être
de
nationalité
ukrainienne.
À
l’époque,
peu
de
recherches
seront
faites
sur
le
propriétaire
de
ce
navire,
la
société
panaméenne
«
Waterlux
AG
»,
elle
même
détenue
par
deux
autres
sociétés,
«
Cascado
AG
»
et
«
Systemo
AG
»
dont
les
présidents
et
trésoriers
ne
sont
autres
que….
E
rik
V
anagels
e
t
S
tan
G
orin.
8
TVi
Latvia
14
15.
S’il
ne
fait
aucun
doute
que
de
véritables
organisations
criminelles
se
cachent
derrière
ces
myriades
de
sociétés,
plusieurs
questions
se
posent
avec
insistance.
Pourquoi
ces
dernières
ont-‐elles
besoin
de
créer
des
HYIP
?
D’autres
programmes
similaires
ont
en
effet
déjà
pu
être
liés
avec
certitude
à
«
Vanagels
et
Gorin
»
comme
par
exemple
Forextime.com
ou
Rockford
Funding9.
Dans
quel
but
l’argent
des
internautes
est-‐il
collecté
?
Sert-‐il
à
financer
d’autres
activités
criminelles
?
Où
les
propriétaires
de
ces
HYIP
poursuivent-‐ils
uniquement
un
but
financier
?
Pour
la
plupart
des
HYIP
aucune
réponse
satisfaisante
ne
peut
être
apportée
mais
de
nombreuses
pyramides
financières
se
sont
révélées
clairement
impliquées
dans
des
affaires
criminelles.
3) Des
HYIP
sont-‐ils
source
de
financement
d’activités
criminelles
?
De
plus
en
plus
de
voix
s’élèvent
pour
que
chaque
HYIP
fasse
l’objet
d’une
vérification
préalable
auprès
de
l’Organisation
Internationale
des
Commissions
de
Valeurs10
(OICV).
Il
est
en
effet
inconcevable
que
des
sites
internet,
sous
couvert
de
proposer
d’obscurs
investissements,
collectent
de
l’argent
dans
des
proportions
inconnues
avec
une
finalité
indéterminée,
le
tout
dans
un
total
anonymat.
Le
risque
que
des
organisations
criminelles
exploitent
des
HYIP
afin
de
se
financer
mais
aussi
de
blanchir
des
fonds
est
omniprésent,
car
ces
phénomènes
se
sont
vérifiés
de
nombreuses
fois
concernant
les
pyramides
financières.
En
ce
domaine,
le
cas
de
l’Albanie
est
révélateur.
En
1997,
une
vingtaine
de
sociétés
pyramidales
détiennent
les
deux
tiers
de
l’épargne
de
la
population
(environ
1,5
milliards
de
dollars),
avec
le
soutien
du
gouvernement
qui
incite
les
citoyens
à
vendre
leurs
biens
pour
participer
au
«
miracle
albanais
».
Le
président
Sali
Berisha
les
qualifiera
même
«
d’hirondelles
du
capitalisme
»,
cet
enthousiasme
débordant
étant
entretenu
par
la
société
«
Vefa
Holdings
»,
qui
contribue
alors
généreusement
au
financement
de
sa
campagne
électorale.
Ce
système
instable
réussit
à
perdurer
plusieurs
années
:
l’argent
des
citoyens
est
alors
investi
dans
des
activités
criminelles
hautement
rentables
(trafic
de
drogue,
d’armes,
de
médicaments,
contrebande
de
pétrole),
dont
une
partie
des
bénéfices
sert
à
maintenir
à
flot
les
pyramides
financières.
Payer
les
souscripteurs
n’est
cependant
pas
la
première
priorité
des
malfrats
et
l’inéluctable
se
produit
:
le
système
s’écroule
plongeant
alors
le
pays
dans
le
chaos.
Lors
d’émeutes,
plus
de
2
000
personnes
périront.
Dans
ce
désordre
généralisé,
38
000
armes
de
poing,
226
000
kalachnikovs,
25
000
mitrailleuses,
2
400
lance-‐roquettes,
3
500
000
grenades
et
3
600
tonnes
d'explosifs
se
volatilisent11.
9
http://www.reportingproject.net/proxy/en/the-‐latvian-‐proxies
10
Les
missions
de
l’OICV
sont
multiples
:
renforcer
la
transparence
des
marchés
de
valeurs
mobilières,
protéger
les
investisseurs,
faciliter
la
coopération
entre
les
régulateurs
afin
de
lutter
contre
le
crime
financier.
11
http://www.serbianna.com/columns/michaletos/020.shtml
15
16. L’un
des
principaux
procureurs
anti
mafia
italien,
Luigi
Vigna
a,
par
la
suite,
confirmé
la
participation
du
syndicat
du
crime
organisé
italien
dans
les
systèmes
pyramidaux
albanais12.
500
à
800
millions
de
dollars
auraient
en
effet
étaient
transférés
sur
les
comptes
bancaires
de
ces
organisations
ou
vers
des
partenaires
albanais
établis
en
Italie.
La
société
«
Vefa
Holdings
»
a
d’ailleurs
fait
l’objet
d’une
enquête
pour
ses
liens
présumés
avec
des
organisations
mafieuses
siciliennes
et
calabraises.
Depuis,
les
exemples
n’ont
cessé
de
se
multiplier,
le
dernier
en
date
concernant
l’organisation
criminelle
«
Brothers’
Circle
».
Mondialement
actifs,
les
Brothers’
Circle
sont,
depuis
quelques
temps,
très
surveillés
par
les
autorités
américaines,
le
Département
du
Trésor
ayant
décidé
en
février
2012
de
prendre
des
mesures
supplémentaires
à
leur
encontre
(gel
des
avoirs
notamment)13.
Impliqués
dans
de
nombreux
trafics
(stupéfiants
et
métaux
précieux),
ces
derniers
coordonnent
également
plusieurs
réseaux
criminels
et
interviennent
en
tant
que
médiateurs
lorsque
des
conflits
surviennent
entre
différents
groupes.
Un
des
personnages
clefs,
Aleksey
Zaytsev,
s’est
récemment
illustré
pour
avoir
conçu
une
importante
pyramide
financière
nommée
«
Business
Club
Rubin
»
dont
la
promotion
était
très
active
sur
Internet
(cf.
copie
écran).
Ayant
son
origine
à
Saint-‐Pétersbourg,
la
pyramide
s’est
rapidement
propagée
dans
de
nombreux
pays
(dont
plusieurs
situés
en
Europe).
Une
perte
de
deux
milliards
de
roubles
est
à
déplorer
en
Russie,
le
préjudice
global
restant
quant
à
lui
inconnu.
Il
ne
fait
pas
de
doute
qu’une
partie
de
cet
argent
a
bénéficié
aux
Brothers’
Circle.
Si
les
pyramides
financières
se
révèlent
particulièrement
bien
utilisées
par
la
criminalité
organisée,
les
HYIP
leur
apporteraient
quant
à
eux
des
avantages
supplémentaires
:
-‐
Ces
derniers
permettent
une
source
de
financement
similaire
(l’argent
des
souscripteurs),
pour
des
conséquences
moins
spectaculaires
(aucun
risque
de
crise
économique
ou
de
contestation
sociale).
-‐
Des
fonds
peuvent
être
récoltés
beaucoup
plus
rapidement
que
dans
une
pyramide
classique.
Il
suffit
pour
cela
de
payer
généreusement
les
moniteurs
et
les
internautes
s’empresseront
d’effectuer
des
dépôts,
attirés
par
l’illusion
du
triple
A.
Nul
besoin
de
convaincre,
d’apporter
des
preuves
ou
d’organiser
des
réunions
de
souscripteurs,
ce
qui
est
impératif
dans
l’économie
classique.
-‐
Dissimulés
dans
des
paradis
fiscaux,
les
HYIP
ne
font
que
très
rarement
l’objet
d’enquêtes.
Le
risque
d’assister
à
la
confiscation
de
leurs
revenus
frauduleux
est
ainsi
minime.
12
http://www.independent.co.uk/news/the-‐gangster-‐regime-‐we-‐fund-‐1278436.html
13
http://www.treasury.gov/press-‐center/press-‐releases/Pages/tg1430.aspx
16
17. Cette
difficulté
d’enquêter
sur
les
HYIP
a
conduit
à
un
manque
saisissant
de
connaissance
de
ce
milieu,
empêchant
d’évaluer
sa
réelle
menace.
Par
exemple,
en
2007,
le
HYIP
«
Evolution
Market
Group
»
alerte
les
autorités
financières
de
nombreux
pays
mais
rien
n’est
entrepris
contre
la
société
panaméenne.
En
France,
l’Autorité
des
Marchés
Financiers
publiera
d’ailleurs
un
bulletin
d’alerte.
En
réalité,
c’est
une
intervention
diligentée
par
la
Drug
Enforcement
Administration
qui
facilitera
la
fermeture
de
ce
programme
:
en
effet
les
comptes
bancaires
de
l’un
des
dirigeants
seront
saisis
dans
le
cadre
d’une
enquête
pour
trafic
de
drogue
et
blanchiment
d’argent14.
Au
total,
59
comptes
bancaires,
294
lingots
d’or
et
9
véhicules
de
luxe
seront
saisis
à
cette
occasion.
III)
Un
HYIP
atypique
:
le
cas
MMM-2011
Alors
que
l’ensemble
des
propriétaires
de
HYIP
cultive
une
discrétion
absolue,
il
en
est
un
qui,
au
contraire,
cherche
à
tout
prix
à
accrocher
la
lumière.
Depuis
janvier
2011,
celui-‐ci
multiplie
les
interviews
et
les
déclarations
provocantes
afin
que
le
monde
entier
entende
parler
de
son
programme
«
MMM-‐
2011
».
Cet
habitué
des
plateaux-‐télé
n’en
est
pas
à
son
coup
d’essai
:
Serguei
Mavrodi
s’est
en
effet
déjà
illustré
dans
le
passé
pour
son
goût
des
escroqueries
financières.
Russes
et
américains
ont
été
ses
principales
victimes,
les
premiers
par
le
biais
de
son
programme
pyramidal
«
MMM
»
et
les
seconds
en
souscrivant
à
son
étrange
bourse
virtuelle
«
Stock
Generation
».
Après
une
brève
carrière
politique,
quelques
mois
de
prison
et
la
rédaction
de
plusieurs
romans,
le
«
Madoff
russe
»
est
de
retour,
et
sa
stratégie
de
communication
semble
efficace
car
30
millions
d’internautes
auraient
déjà
souscrit
à
son
nouveau
projet.
14
http://www.justice.gov/usao/flm/programs/vw/EMG/EMG.html
17
18.
Comment
l’escroc,
qui
a
l’interdiction
légale
de
mener
des
activités
financières,
a-‐
t-‐il
pu
échafauder
ce
nouveau
projet
sans
alerter
les
autorités
?
Une
étude
du
fonctionnement
de
MMM-‐2011
permet
de
comprendre
le
subterfuge
employé
par
le
prétendu
homme
d’affaires
afin
de
passer
outre
cette
interdiction
(1).
Face
à
la
propagation
de
cette
pyramide
financière
sur
le
web,
un
ancien
cybercriminel
a
décidé
de
s’opposer
ouvertement
à
Serguei
Mavrodi
et
de
gêner
ses
activités.
Les
États
sont
en
effet
trop
lents
selon
lui
à
prendre
des
mesures
coercitives
contre
ce
programme,
plusieurs
ayant
même
décidé
de
ne
pas
interdire
MMM-‐2011
sur
leur
territoire
(2).
1)
La
«
Mavrodi
Money
Machine
»
MMM-‐2011
a
tout
d’un
HYIP
typique.
Le
site
web
officiel
propose
aux
internautes
de
s’enregistrer
et
de
bénéficier
de
taux
exceptionnels
en
investissant
dans
une
des
devises
de
leur
créateur,
le
«
Mavro
»,
dont
la
valeur
ne
ferait
que
croître
face
au
rouble
russe
et
au
dollar.
Selon
ses
dires,
Mavrodi,
en
créant
MMM-‐2011,
serait
à
la
poursuite
d’un
but
noble,
presque
philanthropique.
Loin
de
vouloir
s’enrichir
au
détriment
de
ses
souscripteurs,
le
russe
rechercherait
«
l’apocalypse
financière,
l’effondrement
du
système
financier
contemporain
parce
qu’il
est
injuste.
La
situation,
quand
les
uns
ont
des
milliards
et
d’autres
n’ont
rien,
est
injuste.
Donc,
l’objectif
final
est
l’amélioration
du
monde,
le
communisme».
Afin
de
se
soustraire
à
son
interdiction
de
s’adonner
à
des
activités
financières,
ce
dernier
a
eu
une
idée
simple
:
que
toutes
les
transactions
se
réalisent
entre
les
membres
directement.
Un
nouvel
inscrit
enverrait
donc
le
montant
de
son
dépôt
initial
à
un
membre
plus
ancien.
Puis
lorsqu’un
autre
désirerait
quitter
le
programme
il
transférerait
à
une
personne
intéressée
ses
«
mavro
»
qui
en
échange
le
paierait
par
virement
bancaire,
cash,
chèque
etc.
Dans
les
faits,
Serguei
Mavrodi
serait
donc
simple
spectateur
de
sa
pyramide
financière.
Pourtant,
en
s’inscrivant
à
son
programme,
la
réalité
semble
bien
différente.
18
19. MMM-‐2011
possède
son
propre
site
internet
pour
les
internautes
français
(cf.
copie
d’écrans).
Après
avoir
rempli
un
formulaire
d’inscription,
un
certain
Victor
prend
très
rapidement
contact
avec
nous
et
nous
invite
à
discuter
sur
Skype.
Immédiatement,
ce
dernier
nous
met
en
garde
:
MMM-‐2011
est
une
chaîne
de
Ponzi.
Loin
de
se
soucier
de
notre
sécurité
financière,
Victor
ne
fait,
en
réalité,
que
suivre
à
la
lettre
les
directives
de
Mavrodi.
Chaque
souscripteur
doit
être
conscient
des
risques
afin
de
ne
pas
pouvoir
accuser
par
la
suite
le
créateur
d’escroquerie.
La
mise
en
garde
est
cependant
très
édulcorée
car
Victor
nous
promet
que
le
système
fonctionne
à
la
perfection
et
ne
peut
en
aucun
cas
s’effondrer.
Nous
demandons
ensuite
à
quel
internaute
envoyer
l’argent
pour
s’inscrire
et,
à
ce
moment
précis,
nous
découvrons
que
Victor
sera
l’unique
bénéficiaire
de
nos
envois.
Le
principe
sera
le
même
pour
les
retraits.
MMM-‐2011
se
révèle
soudainement
beaucoup
plus
liberticide
que
prévu
et
les
explications
de
ce
dernier
ne
feront
que
confirmer
ce
sentiment.
Victor
est
en
réalité
«
un
chef
»
selon
la
terminologie
employée
dans
le
programme.
Il
existerait
des
«
chefs
»
pour
10,
100,
1
000,
10
000,
100
000
internautes,
chacun
recevant
les
gains
de
ses
membres
mais
en
les
transférant
aux
chefs
situés
au
niveau
supérieur.
Au
sommet
de
la
pyramide,
Mavrodi
aurait
pour
mission
de
réaliser
des
«
consultations
».
Un
département
de
contrôle
serait
chargé
de
vérifier
qui
effectue
les
transactions,
chacun
des
membres
du
département
étant
choisi
par
Mavrodi
lui-‐
même.
L’escroc
russe
est
finalement
beaucoup
plus
impliqué
dans
la
gestion
de
sa
pyramide
qu’annoncé
et
il
devient
évident
que
ce
dernier
est
le
destinataire
final
de
l’argent
des
souscripteurs.
MMM-‐2011
emploi
de
nombreux
chefs,
leur
nombre
atteignant
148
personnes
uniquement
pour
l’activité
du
programme
hors
de
Russie
et
des
anciens
pays
de
l’Union
soviétique.
La
France
répertorie
quant
à
elle
deux
chefs,
Victor
mais
aussi
un
certain
Eric.
Leurs
mails,
numéros
de
téléphone
et
pseudonymes
sur
Skype
sont
indiqués
sur
le
site
officiel
du
HYIP
afin
de
pouvoir
aisément
les
contacter.
19
20. Ci-‐après,
les
coordonnées
complètes
des
chefs
n°122
et
n°123,
Victor
et
Eric
:
En
France,
les
pyramides
financières
sont
pourtant
interdites
par
la
loi
mais
rien
ne
semble
pour
le
moment
gêner
l’activité
des
deux
entremetteurs.
2)
Un
ancien
cybercriminel
en
campagne
contre
MMM-‐2011
C’est
cette
inaction
des
autorités
qui
a
profondément
agacé
un
homme
bien
connu
des
médias
:
Dimitri
Golubov.
Aujourd’hui
reconverti
dans
la
politique
et
créateur
de
son
propre
parti,
l’ukrainien
est
surtout
connu
dans
le
monde
entier
pour
avoir
été
l’un
des
plus
grands
hackers
de
données
bancaires.
Son
combat
contre
Mavrodi
lui
aura
coûté
son
poste
de
fonctionnaire.
Convaincu
qu’
«
avec
les
terroristes
financiers
il
faut
lutter
radicalement
et
catégoriquement
»,
l’homme
décide
de
bloquer
l’accès
au
site
«
serguey-‐
mavrodi.com
».
Cette
action
est
entreprise
afin
d’empêcher
les
nouvelles
inscriptions,
qu’une
campagne
de
spams
visant
les
États-‐Unis,
la
Belgique
et
l’Angleterre
encourage
depuis
plusieurs
semaines.
20
21.
Golubov
ira
cependant
plus
loin
qu’une
simple
attaque
DDOS
du
site
et
accèdera
aux
données
personnelles
de
Mavrodi
en
le
piratant.
Une
surprise
de
taille
déconcerte
alors
l’ancien
cybercriminel
:
une
correspondance
entre
Mavrodi
et
plusieurs
ambassades
démontre
que
ce
dernier
envisage
de
quitter
au
plus
vite
la
Russie…
avec
un
passeport
lituanien,
au
nom
de
«
Viktoras
Glebas
».
Ci-‐dessous,
la
copie
du
passeport
publiée
dans
les
médias
:
Mavrodi,
aucunement
déstabilisé
par
cette
attaque,
ira
jusqu'à
se
plaindre
dans
une
lettre
ouverte
aux
dirigeants
ukrainiens.
Il
ne
sera
pas
non
plus
sans
rappeler
à
Golubov
que,
compte
tenu
du
passé
cybercriminel
de
celui-‐ci,
il
n’a
aucune
leçon
à
recevoir
d’un
voleur.
Golubov,
excédé,
prononcera
alors
dans
un
débat
télévisé
cette
phrase
qui
lui
coûtera
son
poste
:
«
Je
veux
m’adresser
aux
politiques
ukrainiens
et
dire
que
si
vous
n’arrêtez
pas
cette
personne,
il
va
vous
voler
l’argent
qu’il
DOIT
vous
voler.
»
Il
y
a
en
effet
lieu
de
s’interroger
sur
l’inaction
des
États,
en
particulier
de
la
Russie,
face
au
cas
MMM-‐2011.
Loin
de
vouloir
encourager
une
nouvelle
pyramide
financière,
la
Russie
se
dit
désemparée
car
MMM-‐2011
ne
possède
aucune
structure
juridique
et
n’est
enregistrée
dans
aucun
pays.
Comment
serait-‐il
possible
de
mettre
un
terme
à
quelque
chose
qui
n’existe
pas
?
Certains
hommes
politiques
ont
ainsi
déclaré
attendre
que
le
nombre
de
victimes
soit
suffisant
pour
agir.
Cet
évènement
ne
devrait
pas
tarder
à
survenir,
les
exemples
tragiques
d’investisseurs
déçus
se
multipliant
dans
la
presse
internationale.
MMM-‐2011
peut
sembler
très
différent
du
fonctionnement
des
autres
HYIP,
mais,
en
réalité,
il
n’existe
pas
deux
HYIP
semblables.
Durant
cette
enquête,
c’est
cette
disparité
qui
s’est
révélée
la
plus
surprenante
mais
aussi
la
plus
problématique.
21
22. Comment
appréhender
de
manière
globale
un
marché
si
hétérogène
?
Ainsi,
aux
antipodes
des
HYIP
présentés
précédemment,
certains
font
preuve
d’une
relative
transparence
et
s’établissent
même
au
cœur
de
l’Union
Européenne.
Tel
est
par
exemple
le
cas
de
«
Felmina
Alliance
»,
un
HYIP
allemand
très
apprécié
des
internautes
dont
les
comptes
bancaires
se
situent
à
Hambourg.
Les
taux
de
rendement
proposés
aux
souscripteurs
ne
semblent
pas
déraisonnables,
ces
derniers
ne
dépassant
jamais
les
2%.
Ci-‐dessous,
détails
des
coordonnées
bancaires
de
Felmina
Alliance
:
Les
autorités
allemandes
sont-‐elles
au
courant
de
l’existence
de
ce
programme
?
Cette
transparence
affichée
n’est
en
effet
en
rien
un
gage
de
sécurité
et
il
n’est
pas
établi
que
des
organisations
criminelles
ne
puissent
être
aux
commandes
de
ces
programmes
aux
apparences
plus
«
légitimes
».
Il
devient
urgent
qu’une
surveillance
constante
soit
exercée
sur
ces
sites
spéculatifs,
qui
n’hésitent
plus
à
s’éloigner
des
paradis
fiscaux
pour
venir
opérer
dans
des
pays
européens,
au
plus
près
des
internautes.
L’Organisation
Internationale
des
Commissions
de
Valeurs
semble
être
toute
indiquée
pour
cette
lourde
tâche.
Seule
une
réponse
internationale
peut
permettre
de
lutter
contre
ce
flot
de
HYIP
aux
structures
éparses,
répartis
dans
le
monde
entier.
Les
HYIP
constituent
un
exemple
de
plus
de
la
facilité
qu’apporte
aux
criminels
le
web,
par
la
vitesse
d’exécution
qu’il
procure,
par
l’absence
de
véritables
règles
juridiques
et
de
limites
frontalières.
22