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L’augmentation chez l’enseignant de la
conscience des processus mentaux mis en
œuvre par la lecture Rose Katz Ortiz
Récemment par une froide journée, j’étais en congé et décidai de faire du shopping au centre
ville. Malgré le froid, je me suis arrêtée à chaque vitrine. L’une en particulier arrêta mon
regard. Elle avait un étalage très élaboré. Dans la vitrine, je vis un train. Je me dis que ce
serait très amusant de le posséder. C’était le plus long train que j’aie jamais vu sur une robe.
*****
J’ai raconté cette histoire comme introduction à un exercice que j’ai conçu pour stage de
lecture pour enseignants. D’abord, les enseignants ont donné leurs réponses à plusieurs
questions sur cette histoire :
§ De quelle couleur était la robe ?
§ L’avez-vous vue ?
§ Avez-vous vu autre chose ?
§ Où étiez-vous ?
§ Quelqu’un était-il ailleurs ? Cet exercice particulier dura une heure. Durant cette
période, les enseignants ont fourni une grande variété de réponses.
§ Je vous ai imaginée à Fulton Street (dans Brooklyn) en train de regarder un train jouet
dans la vitrine de A & S. Quand vous avez dit “robe”, j’ai laissé tomber mon image de
train jouet et je lui ai substitué une robe de mariée.
§ Mon imagination s’est égarée quand vous avez mentionné le shopping. Je voulais
davantage de paragraphes sur le froid… Le seul train que j’ai vu était un train de
métro avec vous dedans. Il n’y avait pas de robe.
§ Je vous ai vue devant F.A.O. Schwarz (dans Manhattan). Quand vous avez dit “robe”,
cela m’a ennuyée. j’ai continué à voir le train miniature en refusant de voir une robe.
§ Pourquoi est-ce si délibéré ? Quelle est son intention ? Que va-t-elle faire ensuite ?
Ces commentaires ont mis en lumière plusieurs aspects de ce que nous faisons quand nous
écoutons.
1. Parfois nous produisons spontanément des images et parfois non. Quand nous
évoquons des images rapidement, cela semble automatique ; sinon, nous devenons
conscients du travail nécessaire pour rappeler ou créer des images appropriées.
2. Il y a des différences importantes entre le souvenir et l’imagination. Dans notre cas,
ceux qui avaient une expérience préalable du “centre ville” et des grands magasins
pouvaient plus facilement évoquer une image parce qu’ils se souvenaient de leurs
expériences passées au lieu d’imaginer de nouvelles images.
3. Parfois nous refusons d’abandonner des images inappropriées. Nous voulons ou nous
attendons une autre histoire que celle que quelqu’un d’autre essaie de nous raconter.
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4. Parfois ce que nous savons ou que nous admettons d’un auteur influence les images
que nous faisons. Dans notre cas, une personne qui savait où j’habite en a déduit que
le “centre ville” était Fulton Street à Brooklyn, alors qu’une autre, pensant peut-être
que j’habitais dans Manhattan, identifie le “centre ville” comme étant la Cinquième
Avenue.
5. Parfois les gens peuvent être plus concernés par la narration de l’histoire, comme dans
le cas de l’enseignant qui s’est enquis de mes intentions.
Avant d’avoir entendu tous les commentaires, les membres du groupe n’avaient pas idée de la
complexité de la compréhension. Bien sûr, il y a davantage dans cette activité que de
simplement “penser à ce que vous entendez” comme nous le disons souvent aux élèves.
Dans un autre exercice du même stage, j’ai demandé aux participants d’illustrer une phrase de
chacun des quatre domaines différents : le théorème de Pythagore, la géochimie de l’uranium
et de la pechblende, Freud et le clair de lune en temps que lumière du soleil réfléchie. Tous les
enseignants ont lutté pour dessiner des images exprimant leur compréhension des phrases.
Leurs tentatives ont rendu visible leur imparfaite compréhension des phrases. Comme
l’histoire du train, les phrases illustrées ont démontré le rôle de l’imagerie dans la
compréhension. Bien sûr, il y a là davantage que de simplement “essayer d’imaginer ce qu’on
lit” comme nous le disons souvent aux élèves.
Dans un autre stage, j’ai demandé aux participants de lire un passage abstrus de Processus et
réalité du philosophe Alfred North Whitehead. Ils ont trouvé qu’ils ne pouvaient être sûrs ni
de la formulation ni de la signification bien que cela soit écrit en anglais. Il semblait qu’on
pouvait connaître le sens des mots pris isolément et cependant ne pas trouver le sens du
passage comme un tout, ni même la formulation de certaines parties. Il est devenu clair que
nous devons nous familiariser avec un langage particulier, une syntaxe et un sujet pour
comprendre des textes complexes. Clairement, il y a plus dans la lecture des passages abstraits
que “simplement se concentrer” comme nous le disons souvent aux élèves.
En une autre occasion, j’ai demandé aux participants à un stage de lire une phrase à l’envers,
inversée dans un miroir et sans espaces. Tout le monde avait des difficultés et certains ne
purent finir le travail. Mais l’effort exigé a conduit les membres du groupe à découvrir la
nécessité de plusieurs processus que nous considérons souvent comme allant de soi tels que :
la lecture de gauche à droite (pour les mots comme pour les phrases), le respect des espaces et
des signes de ponctuation entre les mots, l’attention pour regarder simplement ce qui est
imprimé sur la page, l’utilisation du questionnement pour évoquer des images mentales et
tester des hypothèses sur la formulation et l’intonation appropriées en donnant du sens à un
texte. Finalement les participants ont observé certains aspects émotionnels de leur
comportement tels que : la peur d’affronter l’inconnu et la peur de faire des fautes ; le rôle que
peuvent jouer les résistances et les échappatoires, l’angoisse et la frustration pour à la fois
aider et empêcher l’apprentissage ; le laisser-aller et le rêve éveillé ; avoir affaire à la
compétition dans le cadre d’une salle de classe. Bien sûr, il y a davantage dans la lecture avec
concentration que simplement de la “motivation” comme nous le disons souvent aux élèves.
Pour approcher de l’enseignement de la lecture d’une façon qui respecte la complexité du
processus de la lecture, nous devons travailler d’abord sur nous-mêmes. Ce n’est que lorsque
nous, les enseignants, devenons conscients de nos propres processus mentaux quand nous
lisons que nous pouvons comprendre ceux de nos élèves. Et ce n’est que de cette façon que
nous pouvons apprendre à enseigner d’une façon qui permette aux élèves d’avoir accès à leurs
processus mentaux.
Les stages exposés plus haut ont fourni des occasions de suivre les activités invisibles de la
lecture que nous ne prenons peut-être pas le temps d’observer par nous-mêmes. Au cours du
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travail, nous avons produit la liste ci-dessous qui contient également des items recueillis lors
d’autres stages.
Les activités dans lesquelles s’engage un lecteur lorsqu’il lit.
Nota : Il ne faut pas considérer ce qui suit comme une séquence linéaire ni comme exhaustif.
1) La reconnaissance des conventions du langage écrit (ici l’anglais) telles que :
1. Se déplacer de gauche à droite aussi bien pour les mots que pour les phrases.
2. Les espaces entre les mots indiquent le début et la fin du mot et quelquefois (mais pas
toujours), ils représentent des intervalles de temps dans le discours.
3. La ponctuation est utilisée pour clarifier le sens.
4. Les lettres ou les groupes de lettres représentent des sons et/ou des mots. (Le contexte
est nécessaire pour identifier les sons et – quelquefois – les mots représentés.)
5. Il y a des lettres majuscules et des minuscules.
6. Chaque lettre a un dessin qui la distingue de toutes les autres.
7. Certains mots commencent par des majuscules.
8. Les phrases commencent par des lettres majuscules.
2) Prendre la décision de faire et de continuer à faire le travail.
3) Se préparer au travail : reconnaître ce que cela signifie pour soi-même.
4) Aborder le travail avec un esprit ouvert.
5) Maintenir la conscience de soi et l’observation de soi.
6) Maintenir un dialogue intérieur actif.
7) Maintenir l’attention :
§ Reconnaître les manques d’attention : vagabonder, se débrancher, s’inquiéter, prier, se
comparer aux autres.
§ Reconnaître les interférences et les distractions (intérieures et extérieures) et les
contrôler.
8) Reconnaître et avoir affaire à un éventail de réponses émotionnelles :
§ la frustration, le désappointement, l’angoisse, la peur, la colère, l’insécurité,
l’embarras, la résistance, le désir de plaire, l’inconfort.
§ L’exubérance, la joie, le bonheur, l’exaltation.
9) Maintenir la confiance :
§ Surmonter les sentiments de peur, la frustration et le doute de soi.
§ Utiliser l’angoisse comme un éperon pour commencer ou continuer le travail plutôt
que comme quelque chose qui paralyse.
§ Empêcher l’ego d’interférer négativement avec le travail.
§ Etre conscient du faux sentiment de confiance.
§ Contenir l’excès de confiance.
10) Créer et soutenir l’intérêt pour le travail ou le texte.
11) Prendre la responsabilité de comprendre et d’apprendre.
12) Aborder le travail avec soin :
§ Prévenir la négligence.
§ Observer avec précision.
13) Reconnaître un ou plusieurs buts à la lecture et ajuster la lecture pour atteindre le/les
but(s).
14) Avoir le sens :
§ Apprécier si l’on a assez d’information pour construire une interprétation.
§ Evoquer, construire, atteindre, créer du sens.
§ Faire et/ou reconnaître des connexions ou des relations entre et parmi des mots, des
expressions, des phrases, des paragraphes, des chapitres, des idées, des diagrammes,
des illustrations, des détails.