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Agir sur les risques
psychosociaux,
c’est possible !
La troisième journée de ré-
flexion sur les risques psycho-
sociaux (RPS) organisée en Ile-
de-France a été consacrée cette
année à la présentation de re-
tours d’expériences d’actions
menées dans les entreprises,
l’objectif étant de démontrer que
l’action est possible en matière
de prévention et de lutte contre
les RPS.
Pour Pascal APPREDERISSE,
Responsable du pôle Travail à la
DIRECCTE Ile-de-France, si la sen-
sibilisation aux risques psycho-
sociaux est aujourd’hui acquise
dans la plupart des entreprises, la
mise en œuvre de plans d’action
en la matière reste en revanche
embryonnaire. Il conviendra d’ail-
leurs que cette problématique
soit à l’avenir également portée
au niveau départemental.
Pascal APPREDERISSE s’est par
ailleurs félicité que la thématique
RPS figure désormais dans les
futures conventions d’objectifs et
de moyens des services interen-
treprises de médecine du travail,
lesquels pourront dorénavant
s’impliquer davantage dans cette
problématique.
Synthèse du colloque du 19 novembre 2013
Julie MENAGER, ingénieure de
prévention à la Direccte Ile-de-
France, a présenté les résultats de la
campagne nationale et européenne
sur la prévention de l’exposition des
salariés aux risques psychosociaux
(RPS) dans le secteur médico-social
et du commerce de détail alimen-
taire.
Sur les 1 658 entreprises étudiées
à l’échelle nationale et les 207 à
l’échelle de l’Ile-de-France, les ré-
sultats obtenus sont sensiblement
similaires. Il apparaît ainsi qu’en
matière de respect de la durée du
travail, les entreprises sondées dans
les secteurs du médico-social et du
commerce de détail alimentaire se
disent satisfaites à 70 %. Les deux
secteurs affirment également à plus
de 75 % être satisfaits de l’organisa-
tion de l’environnement physique
de travail. S’agissant du fonctionne-
ment des IRP et de la qualité du dia-
logue social, les résultats sont plus
disparates. Ainsi, 67 % des entre-
prises du médico-social sont dotées
de DP et 40 % d’un CHSCT qui fonc-
tionne correctement. En revanche, 2
% des entreprises du médico-social
et 6 % de celles du commerce de
détail alimentaire sont en situation
d’infraction ; 6 % des premières et
11 % des secondes sont en outre en
situation de carence.
S’agissant précisément des risques
psychosociaux, il apparaît que le
nombre d’établissements ayant éva-
lué les RPS et mis en place un plan
d’action demeure faible. Ainsi, 65
% des entreprises du médico-social
ont engagé une démarche et 30 %
ont mis en place un plan d’action ;
dans le secteur du commerce de
détail alimentaire, la proportion est
respectivement de 30 % et 15 %.
Par ailleurs, 24 % des établis-
sements du médico-social men-
tionnaient les RPS dans leur Fiche
d’entreprise du service de santé au
travail. Dans le secteur du commerce
de détail alimentaire, seules 8 % des
fiches comportent des observations
sur cette problématique. 65 % des
entreprises contrôlées dans le mé-
dico-social ont en outre évalué au
moins un des facteurs de RPS dans
leur Document Unique d’Evalua-
tion des Risques (DUER), contre 41
% dans le secteur du commerce de
détail alimentaire.
Sur le plan des actions de préven-
tion, il apparaît que 33 % des entre-
prises du médico-social en ont mis
un en place en tenant compte de
l’organisation du travail, contre 15
% dans le secteur du commerce de
détail alimentaire. Il s’avère qu’en
présence d’un CHSCT, l’engagement
dans la démarche de prévention et
l’élaboration d’un plan d’action sont
plus forts. La fiche d’entreprise per-
met également un engagement plus
approfondi dans la lutte contre les
risques psychosociaux. Dans plus
de 90 % des cas au niveau national,
l’agent de contrôle a adressé une
lettre d’observation à l’employeur
suite à ses constats.
Au terme de cette étude, il appa-
raît que la sensibilisation à la pré-
vention des RPS est plus forte dans
les établissements du secteur mé-
dico-social que dans ceux du secteur
du commerce de détail alimentaire.
Le dialogue social, et en particulier
le CHSCT, joue un rôle moteur dans
l’engagement d’actions d’évaluation
et de prévention. L’implication des
SIST est quant à elle déterminante
dans la mise en mouvement des
entreprises.
ACTUALITÉ ET ÉVOLUTION
I.	 Bilan de la campagne nationale et européenne 2012 sur les risques
psychosociaux
II.	 Evolution de la jurisprudence et évolution juridique
Monique BOST, inspectrice du
travail en Seine-Saint-Denis et à la
DIRECCTE Ile-de-France, a rappelé
que le droit de retrait des salariés
faisait partie des droits d’alerte. En
la matière, le droit d’alerte des délé-
gués du personnel (DP) porte sur un
périmètre plus large que la notion
de danger grave et imminent (DGI)
et se distingue du droit du CHSCT,
en cas de divergence, par le recours
judiciaire devant le conseil des
prud’hommes.
En pratique, il convient que le DP
constate, notamment par l’intermé-
diaire d’un salarié, une atteinte aux
droits des personnes (droit à la vie
privée, à l’image, à la présomption
d’innocence, à l’intégrité physique),
à la santé physique et mentale ou
aux libertés individuelles (liberté de
circuler, de conscience, d’expression,
de culte). Il s’agit donc d’un contexte
plus large que le DGI. Sont concer-
DIRECCTE d’Ile-de-France2
Monique BOST, inspectrice
nés les situations discriminatoires et
des faits de harcèlement moral ou
sexuel. De récentes jurisprudences
ont ainsi imposé le retrait de grilles
d’évaluation à caractère discrimi-
natoire ou le retrait de caméras de
surveillance installées sans l’aval du
CHSCT.
L’employeur, alerté par le DP, doit
sans délai procéder à une enquête
loyale et conjointe et prendre les
dispositions nécessaires pour faire
cesser l’atteinte. Il s’agit d’une obli-
gation d’enquête dite « loyale », car
elle oblige l’employeur à fournir les
éléments nécessaires pour élucider
la situation de discrimination lors de
l’enquête.
En cas de carence de l’em-
ployeur, de divergence sur la réa-
lité de l’atteinte ou d’absence de
solution conjointe, le salarié ou le
Délégué peut saisir le conseil des
prud’hommes, lequel est habilité à
prononcer toute mesure propre à
faire cesser l’atteinte.
Le médecin du travail dispose éga-
lement d’un droit d’alerte depuis
2011. L’employeur a l’obligation d’y
répondre, mais peut refuser les pro-
positions du médecin. Ce dernier ne
dispose toutefois pas de recours.
D’après la jurisprudence sur les
risques psychosociaux, l’employeur
a légalement une obligation de sé-
curité de résultat. Ainsi, en cas de
réorganisation, l’identification des
RPS et leur prévention sont une obli-
gation qui lui incombe. De même, il
peut se voir interdire un mode d’or-
ganisation en benchmark en raison
des RPS que celui-ci implique.
Le harcèlement moral peut quant
à lui être collectif, mais au moins un
salarié doit s’en plaindre. Toutefois,
un seul fait, même grave, ne suffit
pas. En revanche, ces faits peuvent
être rapprochés ou espacés dans le
temps (y compris plusieurs années).
Sur le plan pénal, l’infraction est
constituée même sans preuve de la
volonté de nuire ou d’humilier. En
l’occurrence, la simple possibilité
d’une dégradation des conditions
de travail suffit. Le Code du Tra-
vail stipule que toute rupture d’un
contrat de travail qui résulte d’un
harcèlement moral est nulle. Il en
va de même pour les salariés qui
dénoncent ou relatent des cas de
harcèlement. En pratique, la nullité
du licenciement implique un droit à
réintégration du salarié concerné ;
à défaut, ce dernier est indemnisé.
Plusieurs jurisprudences appliquent
à la lettre ce principe. Ainsi, le licen-
ciement pour inaptitude physique
ayant pour origine des faits de
harcèlement est nul. De même, la
résiliation judiciaire prononcée aux
torts de l’employeur pour harcèle-
ment moral annule le licenciement.
La rupture conventionnelle conclue
avec un salarié en situation de har-
cèlement moral est également nulle.
Il apparaît au final que le recours
aux tribunaux est une voie prospère
pour les représentants du person-
nel. Les juges limitent en effet le
pouvoir de direction de l’employeur
et prennent des décisions qui
tentent de rendre effectif le principe
d’obligation de sécurité de résultat.
Les juges appliquent en outre stric-
tement le principe de la nullité du
licenciement en cas de harcèlement
moral et évoquent également l’obli-
gation de sécurité de résultat de
façon large.
III.	 Agir en prévention : la déclaration en accident du travail et la nouvelle
donne pour les maladies professionnelles relatives aux RPS
Jean-Louis OSVATH, inspecteur
du travail dans les Hauts-de-Seine,
invite les participants à proposer
aux salariés qu’ils effectuent une
demande de déclaration en accident
du travail lorsqu’ils sont en arrêt de
travail dans le cadre d’un « trauma-
tisme psychologique » et dont il est
possible de penser qu’il est en lien
avec son travail.
La cause de l’arrêt de travail se
trouve très souvent dans une situa-
tion de travail pathogène. Il est par
conséquent normal d’effectuer une
déclaration d’accident du travail,
dans la mesure où l’arrêt est préci-
sément dû au travail. De fait, il ne
s’agit plus d’un problème individuel
extérieur à l’entreprise et il convient
alors d’étudier les causes et d’in-
terroger la responsabilité de l’em-
1. Accident du travail
3
ployeur dans le cadre de ses obliga-
tions de santé et de sécurité.
A l’inverse de l’arrêt maladie, l’ar-
rêt en accident du travail, n’implique
pas de jours de carence, dispense
d’avance de frais, interdit de licen-
cier sauf faute grave et ouvre la pos-
sibilité à une rente.
Au niveau collectif, il convient
de rechercher les causes de l’acci-
dent, d’invoquer la responsabilité
de l’employeur, du travail et de son
organisation. Bien entendu, il n’est
pas certain que l’accident soit immé-
diatement reconnu par la CPAM et
parfois cela nécessite plusieurs re-
cours, amiables et contentieux. Mais
ce sera seulement si des demandes
sont effectuées que la reconnais-
sance aura lieu. La Caisse Nationale
d’assurance maladie, confrontée
à une très forte croissance des de-
mandes sur ce sujet a tenté elle-
même d’harmoniser les pratiques
des caisses primaires pour la receva-
bilité des demandes et leurs recon-
naissances en AT.
En pratique, la victime d’un acci-
dent du travail doit, normalement,
dans la journée où l’accident s’est
produit ou au plus tard dans les 24
heures, sauf cas de force majeure
d’impossibilité absolue ou de motifs
légitimes, en informer ou en faire
informer l’employeur ou l’un de
ses préposés. En cas de carence de
l’employeur, la déclaration peut être
effectuée par la victime ou ses re-
présentants jusqu’à l’expiration de la
deuxième année qui suit l’accident.
Pour sa part, l’employeur a l’obli-
gation de déclarer l’accident auprès
de la CPAM sous peine d’encourir
une sanction pénale. Les inspecteurs
du travail sont quant à eux habilités
par le Code du Travail à constater les
infractions. En tout état de cause,
l’employeur n’est pas compétent
pour définir s’il s’agit ou on d’un
accident du travail ; cette qualifica-
tion relève de la CPAM seule. Il peut
cependant émettre des réserves.
L’accident du travail est défini
par le Code de la Sécurité sociale
comme étant « l’accident survenu
par le fait ou à l’occasion du travail
à toute personne salariée ou travail-
lant, à quelque titre ou en quelque
lieu que ce soit, pour un ou plusieurs
employeurs ou chefs d’entreprise. »
La jurisprudence s’est quant à elle
attachée à définir les contours de la
définition d’un accident du travail,
lequel suppose la réunion des élé-
ments suivants : un fait accidentel,
qui peut être constitué d’une série
d’événements survenus à une date
certaine ; une lésion (y compris sur
le plan psychique) ; un accident sur-
venu par le fait ou à l’occasion du
travail ; un lien de causalité entre
l’accident et le dommage subi ; la
soudaineté (par opposition au ca-
ractère lent et évolutif de la maladie
professionnelle).
Il est donc très important que le
dernier fait ayant précédé et contri-
bué à l’arrêt de travail soit daté. Il
doit invoquer des évènements inha-
bituels ou en rupture avec le cours
normal des choses. Le certificat
médical initial (CMI) doit également
être descriptif des lésions (troubles
du sommeil, anxiété, syndrome dé-
pressif réactionnel, etc.). Un arrêt de
la cour d’appel de Dijon (2001), est
venu préciser que les évènements
antérieurs au dernier arrêt de tra-
vail ont participé à fragiliser la vic-
time jusqu’à l’évènement daté ayant
contribué à son arrêt. Un exemple
de lettre de demande de déclaration
est disponible pour aider à formuler
la demande à son employeur.
Depuis 2002 et les arrêts amiante,
a été créée l’obligation de sécurité
de résultat, donnant une nouvelle
définition de la faute inexcusable de
l’employeur. En outre, un arrêt du
15 novembre 2006 est venu préciser
que la législation des ATMP ne faisait
pas obstacle à l’attribution de dom-
mages et intérêts au salarié en répa-
ration du préjudice que lui a causé
le harcèlement moral dont il a été
victime antérieurement.
2. Maladie professionnelle
Marie PASCUAL, médecin du tra-
vail, a pour sa part soulevé la ques-
tion de la maladie professionnelle
(MP) et de sa déclaration. En effet,
la reconnaissance en MP apporte
les mêmes avantages que l’acci-
dent de travail (tiers-payant pour les
soins, indemnisation de l’incapacité
permanente, protection contre le
licenciement). Néanmoins, la com-
plexité de la procédure ne conduit à
la reconnaissance que de quelques
dizaines de cas chaque année et, si
les séquelles sont importantes ou
que le salarié perd son emploi, la
DIRECCTE d’Ile-de-France4
Jean-Louis OSVATH, inspecteur
rente d’incapacité permanente (IP)
est moins favorable que le système
d’invalidité.
Des modifications récentes amé-
liorent toutefois l’accès à la répa-
ration des psychopathologies.
Ainsi, la commission des maladies
professionnelles du COCT (Conseil
d’Orientation sur les Conditions de
Travail) travaille depuis 2010 sur les
psychopathologies pour proposer
des évolutions. Une première étape
a abouti en 2012 à deux avancées
significatives : la fixation d’un taux
d’IP « prévisible » et un premier rap-
port établissant des recommanda-
tions pour la reconnaissance par les
CRRMP des pathologies psychiques
d’origine professionnelle.
Auparavant, le seuil d’une IP d’au
moins 25 % ne permettait pas d’ins-
truire un dossier avant la stabilisa-
tion (ou consolidation) de la mala-
die, car les médecins-conseils ne
voulaient pas fixer le taux d’IP, alors
que la maladie était évolutive. Une
nouvelle interprétation du texte en
avril 2012 permet aux médecins-
conseils de fixer dorénavant un
taux d’IP prévisible au moment de
la déclaration en fonction de la gra-
vité de l’affection. En pratique, si
le taux d’IP prévisionnel atteint 25
%, le dossier est étudié en CRRMP.
C’est une avancée significative car
les personnes peuvent bénéficier de
la prise en charge en maladie profes-
sionnelle alors qu’elles sont en arrêt
et en traitement.
Les maladies concernées sont
les suivantes : la dépression (dont
le burn-out), l’anxiété généralisée,
l’état de stress post-traumatique
(ESPT). Le harcèlement n’est en re-
vanche pas considéré comme étant
une maladie, mais relève d’une défi-
nition juridique. Il peut néanmoins
être à l’origine des trois pathologies
précitées.
L’évaluation de la gravité se me-
sure en fonction du nombre et de la
durée des arrêts de travail, des hos-
pitalisations, d’éventuelles tenta-
tives de suicide, du traitement psy-
chotrope et du suivi spécialisé ainsi
que du retentissement en dehors de
la sphère professionnelle.
En pratique, il revient au salarié de
déclarer via un formulaire qu’il de-
mande à la caisse primaire (CPAM),
accompagné du certificat médical
de son médecin, de préférence un
psychiatre, qui indique les critères
de gravité ainsi que d’un document
relatant les difficultés rencontrées
au travail, les faits précis et la chro-
nologie des événements.
Le médecin-conseil vérifie alors le
diagnostic et évalue la gravité pour
déterminer si l’IP « prévisionnelle »
atteint 25 %. Puis, la caisse de Sécu-
rité sociale conduit une enquête de
type contradictoire auprès du sala-
rié et de l’employeur, menée par un
« agent enquêteur ».
Le dossier est ensuite transféré au
CRRMP composé d’un professeur
de pathologie professionnelle, d’un
médecin inspecteur régional du tra-
vail et d’un médecin-conseil régio-
nal. Le CRRMP se prononce sur l’exis-
tence ou non d’un lien essentiel et
direct (ce qui ne signifie pas exclusif)
entre le travail et la maladie. L’ingé-
nieur-conseil de la CARSAT (CRAMIF)
apporte quant à lui son expertise ;
il est en lien avec le contrôleur de
sécurité de la caisse régionale qui
intervient dans l’entreprise.
Afin de prouver l’exposition au
risque, le dossier fourni par le sala-
rié est primordial. Il est également
possible de joindre les procès-ver-
baux des CHSCT. L’avis du médecin
du travail, qui est systématiquement
sollicité par le CRRMP, est extrême-
ment important, dans la mesure où
« le recueil de l’avis éclairé du méde-
cin du travail, y compris en termes
de conseils auprès de l’employeur,
voire d’action entreprise auprès
des équipes, de l’encadrement ou
de l’employeur apparaît essentiel
et complémentaire de l’instruction
contradictoire du dossier ».
En résumé, la reconnaissance des
psychopathologies liées au travail
est un outil important pour la visibi-
lité sociale des RPS. Elle peut avoir
un impact important dans l’entre-
prise, notamment s’agissant de la
prise en compte des risques et de
la prévention. Cette démarche doit
impliquer le CHSCT et le service de
santé au travail. Pour le salarié, la re-
connaissance du lien avec le travail
est souvent une étape importante et
réparatrice. Il est néanmoins impor-
tant que la personne concernée soit
bien conseillée sur les avantages et
les difficultés, qu’elle soit aidée pour
construire le dossier et accompa-
gnée tout au long de la procédure.
5
Question de la salle
RETOUR SUR LES EXPERTISES DE 2012
I.	 Prise en compte des RPS après expertise du CHSCT : importance du temps.
Exemples de Fnac forum et d’un organisme de contrôle
José DA SILVA, de la Fnac Forum,
est revenu sur l’expertise CHSCT
menée sur les facteurs de risques
pouvant porter atteinte à la santé
physique et mentale des salariés.
Les principaux risques étaient sur-
tout liés aux objectifs de ventes et
au management agressif ressenti
comme un obstacle et non une
aide au travail. La pression était
permanente (entretiens à répéti-
tion). Le système de rémunération
fixait quant à lui des objectifs inat-
teignables et les entretiens annuels
s’inscrivaient dans la même logique.
La Direction avait en outre remis en
cause les pauses dans les services
postés et avait réaménagé les plan-
nings, afin de les adapter aux flux
clients. Etant donné que le maintien
des usages en cours faisait partie de
l’accord RTT, le Tribunal a ordonné
leur annulation.
Aujourd’hui, le management est
devenu moins agressif, mais de-
meure inefficace. La rémunération
variable a changé : les objectifs ne
sont plus chiffrés et une prime est
dorénavant distribuée. Toutefois,
le manque de communication per-
siste et la polyvalence non recon-
nue s’aggrave, ce qui conduit les
salariés à se percevoir comme des
Débat avec la salle
Un médecin du travail a souligné l’utilité des CHSCT et des DP dans le
traitement de ces dossiers. Or ceux-ci sont peu présents dans les PME
et les TPE. Par ailleurs, en matière d’accidents du travail, les salariés de
grandes entreprises rattachés à une caisse autre que le régime général
peinent à obtenir une instruction loyale de leurs demandes. La situation
est telle, que le service de reconnaissance des accidents du travail est lui
même en droit de retrait !
A un Représentant du Personnel qui faisait remarquer que les RPS sont
souvent la résultante de restructurations non déclarées ne respectant pas
les règles légales et conduisant les salariés, y compris les DP, à l’état de «
victimes », Monique BOST a expliqué qu’il convenait dès lors de soigner
et de faire payer l’employeur via le recours prud’homal et pénal.
Nicolas SANDRET a quant à lui relevé que l’obligation de sécurité de
résultat obligeait les entreprises à revoir leur organisation.
Le Secrétaire du CHSCT de France Telecom Orange de Saint-Denis a
pour sa part déploré que les risques psychosociaux en viennent à mena-
cer les représentants du personnel, les DP et les membres des CHSCT en
charge des salariés victimes eux-mêmes de RPS. Or le monde syndical n’a
pas pris la mesure de la protection qu’il doit assurer à ses propres adhé-
rents et il manque aujourd’hui un niveau de supervision pour les repré-
sentants du personnel engagés dans la lutte contre les risques psychoso-
ciaux. Il serait par conséquent nécessaire de mettre en place un système
dans lequel les représentants du personnel engagés puissent trouver un
lieu d’échange et de soutien.
Une Déléguée et Représentante du Personnel à la RATP a cité l’exemple
d’un projet de réorganisation qui n’avait pas pris en compte la prévention
des risques primaires et qui avait par conséquent conduit deux organisa-
tions syndicales à mener une action juridique au terme de laquelle le juge
a exigé l’arrêt de ladite réorganisation et a demandé à ce qu’une préven-
tion primaire soit mise en œuvre.
En réponse à un membre du CHSCT de Dassault Systèmes s’interro-
geant sur le fait de savoir s’il était préférable de recourir au droit d’alerte
ou de déclencher un DGI, Monique BOST a expliqué qu’il convenait au
préalable de savoir si le salarié souhaitait qu’une enquête soit menée
sur sa situation. Il importe en outre de savoir s’il s’agit d’une situation
individuelle ou liée à l’organisation de l’entreprise. Dans le second cas, le
CHSCT doit se saisir du dossier.
Une Secrétaire de CHSCT et DP a évoqué le cas d’un recours au droit
d’alerte des DP du fait de l’opposition des salariés à ce que le CHSCT se
saisisse du dossier. Une enquête est en cours avec l’employeur. Or ce
dernier ne réagit pas, malgré les alertes.
Si l’employeur est en situation de carence, il convient alors de saisir
le bureau de jugement des référés, a expliqué Monique BOST. Il s’agirait
en effet d’une faute inexcusable si le dommage se produisait. Jean-Louis
OSVATH a pour sa part souligné la nécessité de partir du travail (en quoi
consiste le travail du salarié concerné ?), et non de l’événement lui-même.
DIRECCTE d’Ile-de-France6
« bouche-trous ». La charge de tra-
vail s’alourdit, d’autant plus que les
départs ne sont pas remplacés (-10
% d’effectifs par an). Pour autant,
l’expertise a permis de rétablir un
dialogue avec les salariés dont la
parole s’est libérée, faisant considé-
rablement baisser la pression.
Gilles SEITZ, médecin du travail,
tout en reconnaissant le rôle essen-
tiel des CHSCT, a tenu à souligner le
rôle majeur des organisations syndi-
cales. Si celles-ci ne prennent pas en
main les conditions de travail dans
l’entreprise, la prévention primaire
ne sera pas possible. A ce titre, il a
jugé que la réforme des CHSCT pré-
vue était grave, comme l’est celle de
la médecine du travail, dans la me-
sure où celles-ci reviennent à sup-
primer les armes dont les salariés
disposent pour la prévention.
Laurent-René LAMARTINIE et
Jean-Marc MARTINEZ, salariés d’un
organisme de contrôle et de certifi-
cation de taille internationale, sont
également revenus sur leur expé-
rience. Ils ont évoqué un climat de
chasse aux effectifs, de pression à la
démission, d’individualisation des
rémunérations et de l’évaluation
des performances, d’intensification
du travail avec la multiplication des
contraintes et d’introduction du
Lean Management dans une entre-
prise de prestation intellectuelle.
Toutes ces méthodes reviennent au
final à isoler les salariés et les priver
d’un soutien collectif.
Fin 2009, le CHSCT a alerté la Di-
rection sur le stress au travail. Un
groupe de travail s’est alors réuni et
un accord de méthode a été établi.
L’expertise demandée par la Direc-
tion de l’entreprise a mis en lumière
des facteurs de risques.
Consécutivement à l’analyse du
résultat du rapport intermédiaire
de l’enquête, un projet pilote 2012-
2015 a été mis en place, dont l’ob-
jectif est d’améliorer « l’efficacité
managériale ». Un avis négatif a été
émis par le CHSCT après une de-
mande d’expertise confiée au cabi-
net Sextant. Le projet d’amélioration
de l’efficacité managériale avait en
effet pour objectif de standardiser
un processus de prestation intellec-
tuelle et d’améliorer le contrôle de
l’activité. L’objectif réel était en réa-
lité d’améliorer la rentabilité.
Le cabinet d’expertise a conclu
que le Lean management n’était pas
adapté à l’activité de l’Entreprise.
Le management par objectifs, sous
contrainte de temps et de moyens,
est en effet devenu une vaste entre-
prise de surprescription du travail et
des comportements. La surprescrip-
tion, comme réponse à la question
de l’amélioration du travail, ajou-
tée à des injonctions paradoxales,
génère une source potentielle de
débordement et de dégradation des
conditions de travail.
Aussi, le CHSCT à rendu un avis
négatif sur le déploiement du pro-
jet. La Direction n’en a toutefois pas
tenu compte. Le projet a donc été
déployé. Au 1er semestre 2013, des
négociations avec les organisations
syndicales se sont ouvertes pour
aboutir à un accord sur la préven-
tion des risques psychosociaux au
travail.
Aujourd’hui, le CHSCT se pose la
question des suites envisageables
pour poursuivre ce travail et de la
recherche d’actions permettant
d’aboutir à un résultat commun. Il
s’interroge également sur les coo-
pérations qui peuvent être enga-
gées avec l’Inspection du Travail, la
médecine du travail, la CARSAT, etc.
7
Jocelyne CHABERT, Représentante
Syndicale CGT au CHSCT de GEMS,
a présenté la démarche syndicale
mise en œuvre dans son entreprise,
qui a consisté, à partir de l’expé-
rience des salariés et des situations
de travail réel, à recentrer le débat
sur le travail et à privilégier l’aspect
constructeur de santé du travail
dans une optique de traitement col-
lectif. La démarche consistait égale-
ment à mettre en visibilité les acci-
dents du travail de type psychique et
à utiliser les prérogatives des IRP. En
synthèse, il s’agissait de construire
une démarche syndicale basée sur
le pouvoir d’agir des salariés.
Jocelyne CHABERT s’est appuyée
sur l’exemple du Centre d’appels
clients de GEMS, dont un salarié
avait dénoncé les inégalités de trai-
tement et le climat délétère dans
une lettre anonyme. La démarche
syndicale a alors consisté à lancer un
droit d’alerte des DP, dans la mesure
où la CGT est minoritaire au CHSCT, à
mener un travail collectif et à prépa-
rer l’enquête avant de procéder à la
saisine. En pratique, l’enquête a été
conçue comme un recueil de faits et
non d’opinions ; elle est conjointe,
mais non commune, et est basée sur
le volontariat ; enfin, sa restitution a
été présentée à l’ensemble des sala-
riés concernés avant la Direction.
Les questions soumises aux sa-
lariés concernés portaient sur la
connaissance de l’accord d’entre-
prise régissant le service, les horaires
de travail, la charge de travail, l’orga-
nisation de la journée de travail, la
gestion des retards, l’ambiance de
travail et la reconnaissance du tra-
vail.
L’enquête a conclu que le droit des
salariés n’était pas respecté, que des
relevés horaires étaient réalisés sans
explication, que des heures de tra-
vail n’étaient pas payées, qu’une dif-
férence de traitement entre les sala-
riés était avérée et que le contrôle
horaire n’avait dans les faits rien
résolu, mais avait contribué à dégra-
der encore un peu plus l’ambiance
du service.
L’enquête a permis aux salariés
concernés d’obtenir le retrait de la
note sur les horaires, le paiement
des heures supplémentaires, la
création d’un poste supplémentaire
et le remplacement plus systéma-
tique des absents.
Au final, le droit d’alerte des DP a
modifié la vision des salariés vis-à-
vis du syndicalisme. L’action collec-
tive s’avère être un rempart efficace
aux attaques liées aux risques psy-
chosociaux.
I.	 Modification des pratiques syndicales : « Arrêter d’expliquer pour com-
prendre le travail ! ». Une action en entreprise (General Electric)
DANS L’ACTION
Débat avec la salle
Un membre de l’Observatoire du stress a fait remarquer que l’absen-
téisme était un indicateur difficilement exploitable, dans la mesure où le
secret médical empêche d’en connaître les causes. En revanche, la me-
sure du présentéisme constitue un outil efficace de prévention.
Un médecin du travail de l’Institut de veille sanitaire et des hôpitaux de
Saint-Maurice a témoigné de la réaction de sa Direction, qui a tenté de
l’évincer de son poste, à la suite de son alerte dans le rapport annuel au
sujet de l’état du stress au sein l’établissement. Aussi s’interroge-t-elle sur
la voie à suivre : continuer d’user de son droit d’alerte ou poursuivre son
aide directement auprès des salariés.
DIRECCTE d’Ile-de-France8
Question de la salle
II.	 Agir en pluridisciplinarité sur les RPS à partir d’une situation concrète
Igor BALBI, inspecteur du travail
dans les Hauts-de-Seine, a abordé la
question de l’action en coopération
avec les autres acteurs pour la santé
mentale des salariés. Les services
de l’inspection du travail disposent
d’un outil : la mise en demeure de
la DIRECCTE. Cette procédure ne
s’applique toutefois pas à toutes les
situations, mais uniquement lorsque
l’employeur ne respecte pas les
principes généraux de prévention
(obligation de sécurité, d’éviter les
risques, d’évaluer les risques, etc.).
Les principes généraux de pré-
vention pèsent sur l’employeur et
ne comporte pas de préconisation
stricte sur le plan réglementaire. Il
s’agit donc de principes larges.
La mise en demeure de la DI-
RECCTE (L4721-1) est en pratique la
mise en demeure du responsable de
l’unité territoriale. Celle-ci est pos-
sible lorsque les principes généraux
de prévention ne sont pas respectés
et que l’employeur n’a pas évalué
les risques sur la santé mentale des
salariés ou qu’il n’a rien fait pour les
éviter. Le responsable de l’unité ter-
ritoriale dresse alors une mise en de-
meure. Celle-ci comporte les motifs
et le dispositif, c'est-à-dire ce qui est
attendu de la part de l’employeur. La
mise en demeure doit être suffisam-
ment précise pour que l’employeur
comprenne ce qu’on attend de lui
tout en lui laissant la responsabilité
des moyens à mettre en œuvre.
Igor BALBI a ainsi cité l’exemple
d’un établissement de 3 000 sala-
riés d’une grande SSII dont le CHSCT
avait saisi l’inspecteur du travail
dans le cadre du DGI. Le médecin du
travail avait noté dans ses rapports
que les risques les plus importants
pour les salariés étaient les RPS. Le
CHSCT avait pour sa part nommé
deux experts, dont les rapports
convergeaient avec ceux du méde-
cin. Si l’employeur était au courant
de la situation, il ne mentionnait en
revanche rien dans son Document
Unique. L’entreprise a alors été mise
en demeure d’évaluer les risques
psychosociaux sous quatre mois,
puis de mettre en place un plan d’ac-
tion concret. A cela est venue s’ajou-
ter une pénalité de 1 500 euros par
salarié. Le rapport et la mise en de-
meure ont également été adressés à
la CRAM.
Débat avec la salle
En réponse à un participant, Jocelyne CHABERT a souligné que l’enquête
devait être loyale. Le fait de refuser certains éléments d’information est
de facto déloyal.
Un participant a fait remarquer que, dans les collectivités territoriales,
les enquêtes devaient être menées conjointement avec la Direction, obli-
gation de fait contraignante. Un membre du CHSCT d’une collectivité ter-
ritoriale a pour sa part fait savoir qu’il consultait les salariés sans l’aval
de son employeur. Le même a évoqué la constitution de groupes de dis-
cussion des salariés, afin que ces derniers s’interrogent eux-mêmes sur
leurs conditions de travail et se saisissent des problématiques qu’ils ren-
contrent.
Jocelyne CHABERT a pour sa part invité les salariés concernés à tenir
leur journal de bord au travail. L’objectif est ici de permettre au salarié de
se déculpabiliser, d’objectiver son expérience et de constituer un dossier
le cas échéant.
9
Anne-Sylvie GREGOIRE, psychoso-
ciologue du travail à l’AICAC (Seine-
et-Marne), a défendu la dimension
pluridisciplinaire de son équipe,
laquelle compte 12 personnes pour
16 000 salariés. La démarche de
son SST repose sur quatre types
d’intervention : la mise en place et
l’animation de groupes d’expression
sur le travail, afin de faire émer-
ger des préconisations ; la super-
vision de l’animation des groupes
d’expression par les préventeurs ;
l’organisation pluridisciplinaire du
soutien individuel ; l’animation de
journées consacrées à la santé au
travail. L’avantage d’une structure
pluridisciplinaire telle que l’AICAC
est d’offrir une force d’intervention
démultipliée.
III.	 Centrer l’intervention sur le travail et le collectif : expérience d’une équipe
pluridisciplinaire en santé au travail
Débat avec la salle
A un Syndicaliste FO qui estimait que cette procédure était très longue,
Igor BALBI a souligné la nécessité de respecter les procédures légales.
La mise en demeure est précisément l’outil permettant de mettre fin à
une situation de danger, dans la mesure où l’outil du référé n’était ici pas
adapté.
Une participante a quant à elle fait remarquer que les pénalités pour
violence au travail étaient cinq fois plus élevées et pourraient en l’occur-
rence être infligées à l’entreprise citée. Le Secrétaire du CHSCT de l’entre-
prise en question a pour sa part évoqué les suicides et les tentatives de
suicide survenus dans sa société, déplorant que la direction ait refusé de
reconnaître le DGI. Le rapport de l’expert était édifiant et préconisait des
actions en mettre en œuvre au cours du second semestre 2010. Or rien
n’a été fait et la situation s’est aggravée. La direction a en outre convoqué
les organisations syndicales à une réunion de négociations au cours de
laquelle elle a remis en cause tous les accords sur le temps de travail.
En réponse à une question sur les moyens dont dispose le médecin-ins-
pecteur du travail pour intervenir lorsqu’une situation à risque est avérée,
Nicolas SANDRET, médecin-inspecteur du travail à la DIRECCTE Ile-de-
France, a expliqué qu’il pouvait en pratique intervenir en appui de conseil
auprès du médecin du travail et dans le cadre du CHSCT à la demande
de l’inspecteur du travail. Nicolas SANDRET a par ailleurs rappelé que le
médecin du travail est un salarié protégé et que celui-ci a une obligation
d’indépendance. Il lui revient de rédiger un rapport annuel, présenté au
CE, et la fiche d’entreprise, soumise au CHSCT. Il convient néanmoins que
ces deux instances réclament que ces deux documents leur soient présen-
tés. Nicolas SANDRET a enfin vivement conseillé la lecture du Journal d’un
Médecin du Travail de Dorothée Ramaut.
Jean-Louis OSVATH précise pour sa part qu’un signalement au Procu-
reur de la République est une procédure plus longue qu’une mise en de-
meure. Il précise en outre que la personne morale peut être poursuivie en
même temps que la personne physique.
Alexandre AZZARI, inspecteur du travail des Hauts-de-Seine, s’est quant
à lui étonné de l’absence d’un représentant du Parquet à l’occasion de ce
colloque.
Une participante s’est émue du fait qu’une entreprise s’étant vue infli-
ger plusieurs condamnations, mais disposant des moyens de payer, avait
poursuivi ses pratiques génératrices de risques psychosociaux. Et de s’in-
terroger sur la décision délibérée ne pas prendre acte d’un avis négatif
d’un CHSCT. Les résultats peuvent en effet s’avérer tragiques. Pour avan-
cer sur la thématique des risques psychosociaux, il importe que la justice
joue son rôle et apporte des réponses concrètes, afin de mettre fin aux
souffrances des salariés.
Un salarié d’un cabinet d’expertise a pour sa part souligné le fait que la
mise en demeure était un élément décisif du rapport de force dans l’entre-
prise.
Anne FILHOL, adjointe du référent prévention des RPS et développe-
ment de la QVT à Air France, a de son côté présenté la politique de son
entreprise en la matière. Un accord sur la qualité de vie au travail a été
signé par l’ensemble des organisations professionnelles. Les outils de pré-
vention mis en œuvre ont permis de faire évoluer la méthode de conduite
du changement de l’entreprise. Un dispositif d’évaluation du stress profes-
sionnel a en outre été mis en place (DESSP). Des formations ont également
été proposées pour l’ensemble des acteurs (CHSCT, RH, etc.), afin que ces
derniers partagent un langage commun. Des fiches d’action pratiques ont
par ailleurs été mises en place sur la qualité de vie au travail. Anne FIHOL
a souligné que cette démarche était portée par le plus haut niveau de l’en-
treprise. Il convient au final de mettre en avant le fait que l’investissement
en matière de prévention des risques psychosociaux génère un retour sur
investissement. L’objectif d’Air France est ainsi de gagner en performance
par la qualité de vie au travail.
Gilles SEITZ a enfin tenu à souligner que les syndicats et l’ensemble des
syndiqués ne représentaient que 8 % des salariés du pays. Or faire recu-
ler les risques psychosociaux dans les entreprises relève d’une démarche
politique et d’une prise en main par les organisations syndicales de cette
question.
DIRECCTE d’Ile-de-France10
Débat avec la salle
Deux participants ont souligné le fait que l’action pluridisciplinaire est
importante et qu’un médecin du travail seul ne pouvait rien faire. Les
organisations syndicales doivent s’engager davantage dans les commis-
sions de contrôle du Service de Santé au Travail.
IV.	 Cellule d’appui à la prévention des risques psychosociaux : « Les repré-
sentants du personnel : des acteurs en demande de soutien »
Jean-Yves BLUM LE COAT, socio-
logue et coordinateur de la Cellule
d’appui à la prévention des risques
psychosociaux à l’UMIF, a présen-
té le travail de soutien aux repré-
sentants du personnel, réalisé par
l’équipe pluridisciplinaire de la cel-
lule (un médecin du travail, deux
psychologues et un sociologue) qui
a été amenée à accompagner une
centaine d’actions collectives.
Il apparaît en effet que les salariés
confrontés aux RPS et leurs repré-
sentants sont fortement deman-
deurs d’aide et d’information sur les
risques eux-mêmes, la réglementa-
tion, les outils disponibles ou le rôle
des acteurs. Une information qui
s’avère d’autant plus nécessaire que
les outils et les offres d’intervention
se développent sur ces questions, ce
qui peut avoir effet de dessaisir les
représentants du personnel de pos-
sibilités d’action dans ce domaine
(évaluation des RPS réalisée par un
cabinet externe à la demande de
l’employeur, sans participation du
CHSCT, par exemple).
Les représentants du personnel et
les salariés sont demandeurs d’un
soutien, dans la mesure où ils sont
exposés à un risque d’isolement.
Dans ce contexte, la cellule d’appui
de l’UMIF propose des réponses
adaptées aux situations concrètes
rencontrées par les représentants
du personnel ainsi qu’un lieu d’ana-
lyse à distance de l’entreprise et une
équipe pluridisciplinaire.
Il est en pratique possible d’agir
en prévention à condition que les
acteurs connaissent les outils dispo-
nibles, qu’ils trouvent l’appui néces-
saire à l’extérieur de l’entreprise et
qu’ils soient soutenus quand ils sont
eux-mêmes en difficulté. Le rôle des
organisations syndicales est en la
matière essentielle.
L’expérience conduit à formuler
les deux propositions suivantes :
construire un réseau autour de re-
lais locaux des organisations syndi-
cales, afin de favoriser les échanges
d’expérience et le travail en coopé-
ration ; développer des outils de for-
mation pratique adaptés aux situa-
tions concrètes et permettant aux
salariés d’agir au fur et à mesure de
l’évolution de la situation dans leur
entreprise.
Un délégué syndical d’une mairie
francilienne a enfin témoigné de son
expérience avec la cellule d’appui à
la prévention des risques psycho-
sociaux de l’UMIF, qu’il a contactée
pour tenter de mettre fin au mal-
être au travail apparu au sein de la
collectivité en 2009, conséquence
de la remise en cause de tous les
accords collectifs avec les syndicats.
Depuis cette date, le climat et les
conditions de travail s’étaient sin-
gulièrement dégradés. Les salariés
sont en effet isolés, harcelés, voire
poussés à la démission. De plus, la
hiérarchie pratique des méthodes
de discrimination syndicale. Dans
ce contexte, le soutien de la cellule
d’appui à la prévention des risques
psychosociaux et la participation au
présent colloque constituent une
aide et un soutien précieux.
11
Synthèse
Clôturant la journée, Michèle BONNECHÈRE, professeure de
droit à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, a constaté le rôle fon-
damental joué par les Représentants du Personnel en matière de
prévention des risques psychosociaux. Elle a ainsi suggéré qu’une
réflexion soit engagée sur la complémentarité des interventions
des différents acteurs concernés.
Elle s’est par ailleurs interrogée sur le rôle et la force du droit. Le
seul fait de parler de santé au travail est en effet révolutionnaire,
car cela suppose une reconnaissance de l’implication du corps du
salarié dans le contrat de travail. Il ne s’agit donc pas seulement
d’un échange marchand, le contrat de travail impliquant une obli-
gation de sécurité de résultat : de ce fait, il joue un rôle dans la
prévention.
Cette réflexion conduit également à la reconnaissance de la
place de la personne dans toute sa dimension, de sa santé à la fois
physique et mentale. A ce titre, la décision de la Cour de cassation
de 2008 d’interdire à l’employeur de prendre des mesures portant
atteinte à l’intégrité physique et mentale du salarié constitue une
avancée considérable, même si les représentants du personnel
ne peuvent pas agir quotidiennement devant les tribunaux pour
demander l’interdiction de telle ou telle mesure. De même, le fait
que la Cour de cassation ait affirmé en 2009 que des mesures de
gestion pouvaient constituer une forme de harcèlement moral est
une décision fondamentale.
Michèle BONNECHÈRE a enfin soulevé les limites inhérentes au
droit du travail, lequel est ambivalent, y compris dans le domaine
de la santé au travail, dans la mesure où il limite les effets dévasta-
teurs du travail tout en les autorisant. Il est ainsi invraisemblable,
alors que la vie d’un salarié peut être en cause, qu’aucune mesure
de veto ne puisse être effective dans l’entreprise, où demeure la
primauté du pouvoir de direction.
En conclusion, Michèle BONNECHÈRE s’est félicitée de la tenue
d’un tel colloque, lequel contribue à redonner le moral à ceux qui
se livrent à une forme de combat fondamental et à échanger sur
les outils, aussi imparfaits soient-ils, qu’il s’agisse du rôle du par-
quet sur le délit de mise en danger d’autrui ou du droit de retrait,
deux voies qui ne semblent pas suffisamment exploitées.
Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France
19-21, rue Madeleine Vionnet - 93 300 Aubervilliers - 01 70 96 13 00
www.idf.direccte.gouv.fr
Rédaction:ABreport-Réalisation:servicecommunicationdelaDIRECCTEd’Ile-de-France-Photos:servicecommunicationdelaDIRECCTEd’Ile-de-France.Février2014.

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Synthese du colloque_v3-2 rps

  • 1. Agir sur les risques psychosociaux, c’est possible ! La troisième journée de ré- flexion sur les risques psycho- sociaux (RPS) organisée en Ile- de-France a été consacrée cette année à la présentation de re- tours d’expériences d’actions menées dans les entreprises, l’objectif étant de démontrer que l’action est possible en matière de prévention et de lutte contre les RPS. Pour Pascal APPREDERISSE, Responsable du pôle Travail à la DIRECCTE Ile-de-France, si la sen- sibilisation aux risques psycho- sociaux est aujourd’hui acquise dans la plupart des entreprises, la mise en œuvre de plans d’action en la matière reste en revanche embryonnaire. Il conviendra d’ail- leurs que cette problématique soit à l’avenir également portée au niveau départemental. Pascal APPREDERISSE s’est par ailleurs félicité que la thématique RPS figure désormais dans les futures conventions d’objectifs et de moyens des services interen- treprises de médecine du travail, lesquels pourront dorénavant s’impliquer davantage dans cette problématique. Synthèse du colloque du 19 novembre 2013
  • 2. Julie MENAGER, ingénieure de prévention à la Direccte Ile-de- France, a présenté les résultats de la campagne nationale et européenne sur la prévention de l’exposition des salariés aux risques psychosociaux (RPS) dans le secteur médico-social et du commerce de détail alimen- taire. Sur les 1 658 entreprises étudiées à l’échelle nationale et les 207 à l’échelle de l’Ile-de-France, les ré- sultats obtenus sont sensiblement similaires. Il apparaît ainsi qu’en matière de respect de la durée du travail, les entreprises sondées dans les secteurs du médico-social et du commerce de détail alimentaire se disent satisfaites à 70 %. Les deux secteurs affirment également à plus de 75 % être satisfaits de l’organisa- tion de l’environnement physique de travail. S’agissant du fonctionne- ment des IRP et de la qualité du dia- logue social, les résultats sont plus disparates. Ainsi, 67 % des entre- prises du médico-social sont dotées de DP et 40 % d’un CHSCT qui fonc- tionne correctement. En revanche, 2 % des entreprises du médico-social et 6 % de celles du commerce de détail alimentaire sont en situation d’infraction ; 6 % des premières et 11 % des secondes sont en outre en situation de carence. S’agissant précisément des risques psychosociaux, il apparaît que le nombre d’établissements ayant éva- lué les RPS et mis en place un plan d’action demeure faible. Ainsi, 65 % des entreprises du médico-social ont engagé une démarche et 30 % ont mis en place un plan d’action ; dans le secteur du commerce de détail alimentaire, la proportion est respectivement de 30 % et 15 %. Par ailleurs, 24 % des établis- sements du médico-social men- tionnaient les RPS dans leur Fiche d’entreprise du service de santé au travail. Dans le secteur du commerce de détail alimentaire, seules 8 % des fiches comportent des observations sur cette problématique. 65 % des entreprises contrôlées dans le mé- dico-social ont en outre évalué au moins un des facteurs de RPS dans leur Document Unique d’Evalua- tion des Risques (DUER), contre 41 % dans le secteur du commerce de détail alimentaire. Sur le plan des actions de préven- tion, il apparaît que 33 % des entre- prises du médico-social en ont mis un en place en tenant compte de l’organisation du travail, contre 15 % dans le secteur du commerce de détail alimentaire. Il s’avère qu’en présence d’un CHSCT, l’engagement dans la démarche de prévention et l’élaboration d’un plan d’action sont plus forts. La fiche d’entreprise per- met également un engagement plus approfondi dans la lutte contre les risques psychosociaux. Dans plus de 90 % des cas au niveau national, l’agent de contrôle a adressé une lettre d’observation à l’employeur suite à ses constats. Au terme de cette étude, il appa- raît que la sensibilisation à la pré- vention des RPS est plus forte dans les établissements du secteur mé- dico-social que dans ceux du secteur du commerce de détail alimentaire. Le dialogue social, et en particulier le CHSCT, joue un rôle moteur dans l’engagement d’actions d’évaluation et de prévention. L’implication des SIST est quant à elle déterminante dans la mise en mouvement des entreprises. ACTUALITÉ ET ÉVOLUTION I. Bilan de la campagne nationale et européenne 2012 sur les risques psychosociaux II. Evolution de la jurisprudence et évolution juridique Monique BOST, inspectrice du travail en Seine-Saint-Denis et à la DIRECCTE Ile-de-France, a rappelé que le droit de retrait des salariés faisait partie des droits d’alerte. En la matière, le droit d’alerte des délé- gués du personnel (DP) porte sur un périmètre plus large que la notion de danger grave et imminent (DGI) et se distingue du droit du CHSCT, en cas de divergence, par le recours judiciaire devant le conseil des prud’hommes. En pratique, il convient que le DP constate, notamment par l’intermé- diaire d’un salarié, une atteinte aux droits des personnes (droit à la vie privée, à l’image, à la présomption d’innocence, à l’intégrité physique), à la santé physique et mentale ou aux libertés individuelles (liberté de circuler, de conscience, d’expression, de culte). Il s’agit donc d’un contexte plus large que le DGI. Sont concer- DIRECCTE d’Ile-de-France2
  • 3. Monique BOST, inspectrice nés les situations discriminatoires et des faits de harcèlement moral ou sexuel. De récentes jurisprudences ont ainsi imposé le retrait de grilles d’évaluation à caractère discrimi- natoire ou le retrait de caméras de surveillance installées sans l’aval du CHSCT. L’employeur, alerté par le DP, doit sans délai procéder à une enquête loyale et conjointe et prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser l’atteinte. Il s’agit d’une obli- gation d’enquête dite « loyale », car elle oblige l’employeur à fournir les éléments nécessaires pour élucider la situation de discrimination lors de l’enquête. En cas de carence de l’em- ployeur, de divergence sur la réa- lité de l’atteinte ou d’absence de solution conjointe, le salarié ou le Délégué peut saisir le conseil des prud’hommes, lequel est habilité à prononcer toute mesure propre à faire cesser l’atteinte. Le médecin du travail dispose éga- lement d’un droit d’alerte depuis 2011. L’employeur a l’obligation d’y répondre, mais peut refuser les pro- positions du médecin. Ce dernier ne dispose toutefois pas de recours. D’après la jurisprudence sur les risques psychosociaux, l’employeur a légalement une obligation de sé- curité de résultat. Ainsi, en cas de réorganisation, l’identification des RPS et leur prévention sont une obli- gation qui lui incombe. De même, il peut se voir interdire un mode d’or- ganisation en benchmark en raison des RPS que celui-ci implique. Le harcèlement moral peut quant à lui être collectif, mais au moins un salarié doit s’en plaindre. Toutefois, un seul fait, même grave, ne suffit pas. En revanche, ces faits peuvent être rapprochés ou espacés dans le temps (y compris plusieurs années). Sur le plan pénal, l’infraction est constituée même sans preuve de la volonté de nuire ou d’humilier. En l’occurrence, la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit. Le Code du Tra- vail stipule que toute rupture d’un contrat de travail qui résulte d’un harcèlement moral est nulle. Il en va de même pour les salariés qui dénoncent ou relatent des cas de harcèlement. En pratique, la nullité du licenciement implique un droit à réintégration du salarié concerné ; à défaut, ce dernier est indemnisé. Plusieurs jurisprudences appliquent à la lettre ce principe. Ainsi, le licen- ciement pour inaptitude physique ayant pour origine des faits de harcèlement est nul. De même, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour harcèle- ment moral annule le licenciement. La rupture conventionnelle conclue avec un salarié en situation de har- cèlement moral est également nulle. Il apparaît au final que le recours aux tribunaux est une voie prospère pour les représentants du person- nel. Les juges limitent en effet le pouvoir de direction de l’employeur et prennent des décisions qui tentent de rendre effectif le principe d’obligation de sécurité de résultat. Les juges appliquent en outre stric- tement le principe de la nullité du licenciement en cas de harcèlement moral et évoquent également l’obli- gation de sécurité de résultat de façon large. III. Agir en prévention : la déclaration en accident du travail et la nouvelle donne pour les maladies professionnelles relatives aux RPS Jean-Louis OSVATH, inspecteur du travail dans les Hauts-de-Seine, invite les participants à proposer aux salariés qu’ils effectuent une demande de déclaration en accident du travail lorsqu’ils sont en arrêt de travail dans le cadre d’un « trauma- tisme psychologique » et dont il est possible de penser qu’il est en lien avec son travail. La cause de l’arrêt de travail se trouve très souvent dans une situa- tion de travail pathogène. Il est par conséquent normal d’effectuer une déclaration d’accident du travail, dans la mesure où l’arrêt est préci- sément dû au travail. De fait, il ne s’agit plus d’un problème individuel extérieur à l’entreprise et il convient alors d’étudier les causes et d’in- terroger la responsabilité de l’em- 1. Accident du travail 3
  • 4. ployeur dans le cadre de ses obliga- tions de santé et de sécurité. A l’inverse de l’arrêt maladie, l’ar- rêt en accident du travail, n’implique pas de jours de carence, dispense d’avance de frais, interdit de licen- cier sauf faute grave et ouvre la pos- sibilité à une rente. Au niveau collectif, il convient de rechercher les causes de l’acci- dent, d’invoquer la responsabilité de l’employeur, du travail et de son organisation. Bien entendu, il n’est pas certain que l’accident soit immé- diatement reconnu par la CPAM et parfois cela nécessite plusieurs re- cours, amiables et contentieux. Mais ce sera seulement si des demandes sont effectuées que la reconnais- sance aura lieu. La Caisse Nationale d’assurance maladie, confrontée à une très forte croissance des de- mandes sur ce sujet a tenté elle- même d’harmoniser les pratiques des caisses primaires pour la receva- bilité des demandes et leurs recon- naissances en AT. En pratique, la victime d’un acci- dent du travail doit, normalement, dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus tard dans les 24 heures, sauf cas de force majeure d’impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informer ou en faire informer l’employeur ou l’un de ses préposés. En cas de carence de l’employeur, la déclaration peut être effectuée par la victime ou ses re- présentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident. Pour sa part, l’employeur a l’obli- gation de déclarer l’accident auprès de la CPAM sous peine d’encourir une sanction pénale. Les inspecteurs du travail sont quant à eux habilités par le Code du Travail à constater les infractions. En tout état de cause, l’employeur n’est pas compétent pour définir s’il s’agit ou on d’un accident du travail ; cette qualifica- tion relève de la CPAM seule. Il peut cependant émettre des réserves. L’accident du travail est défini par le Code de la Sécurité sociale comme étant « l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travail- lant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » La jurisprudence s’est quant à elle attachée à définir les contours de la définition d’un accident du travail, lequel suppose la réunion des élé- ments suivants : un fait accidentel, qui peut être constitué d’une série d’événements survenus à une date certaine ; une lésion (y compris sur le plan psychique) ; un accident sur- venu par le fait ou à l’occasion du travail ; un lien de causalité entre l’accident et le dommage subi ; la soudaineté (par opposition au ca- ractère lent et évolutif de la maladie professionnelle). Il est donc très important que le dernier fait ayant précédé et contri- bué à l’arrêt de travail soit daté. Il doit invoquer des évènements inha- bituels ou en rupture avec le cours normal des choses. Le certificat médical initial (CMI) doit également être descriptif des lésions (troubles du sommeil, anxiété, syndrome dé- pressif réactionnel, etc.). Un arrêt de la cour d’appel de Dijon (2001), est venu préciser que les évènements antérieurs au dernier arrêt de tra- vail ont participé à fragiliser la vic- time jusqu’à l’évènement daté ayant contribué à son arrêt. Un exemple de lettre de demande de déclaration est disponible pour aider à formuler la demande à son employeur. Depuis 2002 et les arrêts amiante, a été créée l’obligation de sécurité de résultat, donnant une nouvelle définition de la faute inexcusable de l’employeur. En outre, un arrêt du 15 novembre 2006 est venu préciser que la législation des ATMP ne faisait pas obstacle à l’attribution de dom- mages et intérêts au salarié en répa- ration du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement. 2. Maladie professionnelle Marie PASCUAL, médecin du tra- vail, a pour sa part soulevé la ques- tion de la maladie professionnelle (MP) et de sa déclaration. En effet, la reconnaissance en MP apporte les mêmes avantages que l’acci- dent de travail (tiers-payant pour les soins, indemnisation de l’incapacité permanente, protection contre le licenciement). Néanmoins, la com- plexité de la procédure ne conduit à la reconnaissance que de quelques dizaines de cas chaque année et, si les séquelles sont importantes ou que le salarié perd son emploi, la DIRECCTE d’Ile-de-France4 Jean-Louis OSVATH, inspecteur
  • 5. rente d’incapacité permanente (IP) est moins favorable que le système d’invalidité. Des modifications récentes amé- liorent toutefois l’accès à la répa- ration des psychopathologies. Ainsi, la commission des maladies professionnelles du COCT (Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail) travaille depuis 2010 sur les psychopathologies pour proposer des évolutions. Une première étape a abouti en 2012 à deux avancées significatives : la fixation d’un taux d’IP « prévisible » et un premier rap- port établissant des recommanda- tions pour la reconnaissance par les CRRMP des pathologies psychiques d’origine professionnelle. Auparavant, le seuil d’une IP d’au moins 25 % ne permettait pas d’ins- truire un dossier avant la stabilisa- tion (ou consolidation) de la mala- die, car les médecins-conseils ne voulaient pas fixer le taux d’IP, alors que la maladie était évolutive. Une nouvelle interprétation du texte en avril 2012 permet aux médecins- conseils de fixer dorénavant un taux d’IP prévisible au moment de la déclaration en fonction de la gra- vité de l’affection. En pratique, si le taux d’IP prévisionnel atteint 25 %, le dossier est étudié en CRRMP. C’est une avancée significative car les personnes peuvent bénéficier de la prise en charge en maladie profes- sionnelle alors qu’elles sont en arrêt et en traitement. Les maladies concernées sont les suivantes : la dépression (dont le burn-out), l’anxiété généralisée, l’état de stress post-traumatique (ESPT). Le harcèlement n’est en re- vanche pas considéré comme étant une maladie, mais relève d’une défi- nition juridique. Il peut néanmoins être à l’origine des trois pathologies précitées. L’évaluation de la gravité se me- sure en fonction du nombre et de la durée des arrêts de travail, des hos- pitalisations, d’éventuelles tenta- tives de suicide, du traitement psy- chotrope et du suivi spécialisé ainsi que du retentissement en dehors de la sphère professionnelle. En pratique, il revient au salarié de déclarer via un formulaire qu’il de- mande à la caisse primaire (CPAM), accompagné du certificat médical de son médecin, de préférence un psychiatre, qui indique les critères de gravité ainsi que d’un document relatant les difficultés rencontrées au travail, les faits précis et la chro- nologie des événements. Le médecin-conseil vérifie alors le diagnostic et évalue la gravité pour déterminer si l’IP « prévisionnelle » atteint 25 %. Puis, la caisse de Sécu- rité sociale conduit une enquête de type contradictoire auprès du sala- rié et de l’employeur, menée par un « agent enquêteur ». Le dossier est ensuite transféré au CRRMP composé d’un professeur de pathologie professionnelle, d’un médecin inspecteur régional du tra- vail et d’un médecin-conseil régio- nal. Le CRRMP se prononce sur l’exis- tence ou non d’un lien essentiel et direct (ce qui ne signifie pas exclusif) entre le travail et la maladie. L’ingé- nieur-conseil de la CARSAT (CRAMIF) apporte quant à lui son expertise ; il est en lien avec le contrôleur de sécurité de la caisse régionale qui intervient dans l’entreprise. Afin de prouver l’exposition au risque, le dossier fourni par le sala- rié est primordial. Il est également possible de joindre les procès-ver- baux des CHSCT. L’avis du médecin du travail, qui est systématiquement sollicité par le CRRMP, est extrême- ment important, dans la mesure où « le recueil de l’avis éclairé du méde- cin du travail, y compris en termes de conseils auprès de l’employeur, voire d’action entreprise auprès des équipes, de l’encadrement ou de l’employeur apparaît essentiel et complémentaire de l’instruction contradictoire du dossier ». En résumé, la reconnaissance des psychopathologies liées au travail est un outil important pour la visibi- lité sociale des RPS. Elle peut avoir un impact important dans l’entre- prise, notamment s’agissant de la prise en compte des risques et de la prévention. Cette démarche doit impliquer le CHSCT et le service de santé au travail. Pour le salarié, la re- connaissance du lien avec le travail est souvent une étape importante et réparatrice. Il est néanmoins impor- tant que la personne concernée soit bien conseillée sur les avantages et les difficultés, qu’elle soit aidée pour construire le dossier et accompa- gnée tout au long de la procédure. 5 Question de la salle
  • 6. RETOUR SUR LES EXPERTISES DE 2012 I. Prise en compte des RPS après expertise du CHSCT : importance du temps. Exemples de Fnac forum et d’un organisme de contrôle José DA SILVA, de la Fnac Forum, est revenu sur l’expertise CHSCT menée sur les facteurs de risques pouvant porter atteinte à la santé physique et mentale des salariés. Les principaux risques étaient sur- tout liés aux objectifs de ventes et au management agressif ressenti comme un obstacle et non une aide au travail. La pression était permanente (entretiens à répéti- tion). Le système de rémunération fixait quant à lui des objectifs inat- teignables et les entretiens annuels s’inscrivaient dans la même logique. La Direction avait en outre remis en cause les pauses dans les services postés et avait réaménagé les plan- nings, afin de les adapter aux flux clients. Etant donné que le maintien des usages en cours faisait partie de l’accord RTT, le Tribunal a ordonné leur annulation. Aujourd’hui, le management est devenu moins agressif, mais de- meure inefficace. La rémunération variable a changé : les objectifs ne sont plus chiffrés et une prime est dorénavant distribuée. Toutefois, le manque de communication per- siste et la polyvalence non recon- nue s’aggrave, ce qui conduit les salariés à se percevoir comme des Débat avec la salle Un médecin du travail a souligné l’utilité des CHSCT et des DP dans le traitement de ces dossiers. Or ceux-ci sont peu présents dans les PME et les TPE. Par ailleurs, en matière d’accidents du travail, les salariés de grandes entreprises rattachés à une caisse autre que le régime général peinent à obtenir une instruction loyale de leurs demandes. La situation est telle, que le service de reconnaissance des accidents du travail est lui même en droit de retrait ! A un Représentant du Personnel qui faisait remarquer que les RPS sont souvent la résultante de restructurations non déclarées ne respectant pas les règles légales et conduisant les salariés, y compris les DP, à l’état de « victimes », Monique BOST a expliqué qu’il convenait dès lors de soigner et de faire payer l’employeur via le recours prud’homal et pénal. Nicolas SANDRET a quant à lui relevé que l’obligation de sécurité de résultat obligeait les entreprises à revoir leur organisation. Le Secrétaire du CHSCT de France Telecom Orange de Saint-Denis a pour sa part déploré que les risques psychosociaux en viennent à mena- cer les représentants du personnel, les DP et les membres des CHSCT en charge des salariés victimes eux-mêmes de RPS. Or le monde syndical n’a pas pris la mesure de la protection qu’il doit assurer à ses propres adhé- rents et il manque aujourd’hui un niveau de supervision pour les repré- sentants du personnel engagés dans la lutte contre les risques psychoso- ciaux. Il serait par conséquent nécessaire de mettre en place un système dans lequel les représentants du personnel engagés puissent trouver un lieu d’échange et de soutien. Une Déléguée et Représentante du Personnel à la RATP a cité l’exemple d’un projet de réorganisation qui n’avait pas pris en compte la prévention des risques primaires et qui avait par conséquent conduit deux organisa- tions syndicales à mener une action juridique au terme de laquelle le juge a exigé l’arrêt de ladite réorganisation et a demandé à ce qu’une préven- tion primaire soit mise en œuvre. En réponse à un membre du CHSCT de Dassault Systèmes s’interro- geant sur le fait de savoir s’il était préférable de recourir au droit d’alerte ou de déclencher un DGI, Monique BOST a expliqué qu’il convenait au préalable de savoir si le salarié souhaitait qu’une enquête soit menée sur sa situation. Il importe en outre de savoir s’il s’agit d’une situation individuelle ou liée à l’organisation de l’entreprise. Dans le second cas, le CHSCT doit se saisir du dossier. Une Secrétaire de CHSCT et DP a évoqué le cas d’un recours au droit d’alerte des DP du fait de l’opposition des salariés à ce que le CHSCT se saisisse du dossier. Une enquête est en cours avec l’employeur. Or ce dernier ne réagit pas, malgré les alertes. Si l’employeur est en situation de carence, il convient alors de saisir le bureau de jugement des référés, a expliqué Monique BOST. Il s’agirait en effet d’une faute inexcusable si le dommage se produisait. Jean-Louis OSVATH a pour sa part souligné la nécessité de partir du travail (en quoi consiste le travail du salarié concerné ?), et non de l’événement lui-même. DIRECCTE d’Ile-de-France6
  • 7. « bouche-trous ». La charge de tra- vail s’alourdit, d’autant plus que les départs ne sont pas remplacés (-10 % d’effectifs par an). Pour autant, l’expertise a permis de rétablir un dialogue avec les salariés dont la parole s’est libérée, faisant considé- rablement baisser la pression. Gilles SEITZ, médecin du travail, tout en reconnaissant le rôle essen- tiel des CHSCT, a tenu à souligner le rôle majeur des organisations syndi- cales. Si celles-ci ne prennent pas en main les conditions de travail dans l’entreprise, la prévention primaire ne sera pas possible. A ce titre, il a jugé que la réforme des CHSCT pré- vue était grave, comme l’est celle de la médecine du travail, dans la me- sure où celles-ci reviennent à sup- primer les armes dont les salariés disposent pour la prévention. Laurent-René LAMARTINIE et Jean-Marc MARTINEZ, salariés d’un organisme de contrôle et de certifi- cation de taille internationale, sont également revenus sur leur expé- rience. Ils ont évoqué un climat de chasse aux effectifs, de pression à la démission, d’individualisation des rémunérations et de l’évaluation des performances, d’intensification du travail avec la multiplication des contraintes et d’introduction du Lean Management dans une entre- prise de prestation intellectuelle. Toutes ces méthodes reviennent au final à isoler les salariés et les priver d’un soutien collectif. Fin 2009, le CHSCT a alerté la Di- rection sur le stress au travail. Un groupe de travail s’est alors réuni et un accord de méthode a été établi. L’expertise demandée par la Direc- tion de l’entreprise a mis en lumière des facteurs de risques. Consécutivement à l’analyse du résultat du rapport intermédiaire de l’enquête, un projet pilote 2012- 2015 a été mis en place, dont l’ob- jectif est d’améliorer « l’efficacité managériale ». Un avis négatif a été émis par le CHSCT après une de- mande d’expertise confiée au cabi- net Sextant. Le projet d’amélioration de l’efficacité managériale avait en effet pour objectif de standardiser un processus de prestation intellec- tuelle et d’améliorer le contrôle de l’activité. L’objectif réel était en réa- lité d’améliorer la rentabilité. Le cabinet d’expertise a conclu que le Lean management n’était pas adapté à l’activité de l’Entreprise. Le management par objectifs, sous contrainte de temps et de moyens, est en effet devenu une vaste entre- prise de surprescription du travail et des comportements. La surprescrip- tion, comme réponse à la question de l’amélioration du travail, ajou- tée à des injonctions paradoxales, génère une source potentielle de débordement et de dégradation des conditions de travail. Aussi, le CHSCT à rendu un avis négatif sur le déploiement du pro- jet. La Direction n’en a toutefois pas tenu compte. Le projet a donc été déployé. Au 1er semestre 2013, des négociations avec les organisations syndicales se sont ouvertes pour aboutir à un accord sur la préven- tion des risques psychosociaux au travail. Aujourd’hui, le CHSCT se pose la question des suites envisageables pour poursuivre ce travail et de la recherche d’actions permettant d’aboutir à un résultat commun. Il s’interroge également sur les coo- pérations qui peuvent être enga- gées avec l’Inspection du Travail, la médecine du travail, la CARSAT, etc. 7
  • 8. Jocelyne CHABERT, Représentante Syndicale CGT au CHSCT de GEMS, a présenté la démarche syndicale mise en œuvre dans son entreprise, qui a consisté, à partir de l’expé- rience des salariés et des situations de travail réel, à recentrer le débat sur le travail et à privilégier l’aspect constructeur de santé du travail dans une optique de traitement col- lectif. La démarche consistait égale- ment à mettre en visibilité les acci- dents du travail de type psychique et à utiliser les prérogatives des IRP. En synthèse, il s’agissait de construire une démarche syndicale basée sur le pouvoir d’agir des salariés. Jocelyne CHABERT s’est appuyée sur l’exemple du Centre d’appels clients de GEMS, dont un salarié avait dénoncé les inégalités de trai- tement et le climat délétère dans une lettre anonyme. La démarche syndicale a alors consisté à lancer un droit d’alerte des DP, dans la mesure où la CGT est minoritaire au CHSCT, à mener un travail collectif et à prépa- rer l’enquête avant de procéder à la saisine. En pratique, l’enquête a été conçue comme un recueil de faits et non d’opinions ; elle est conjointe, mais non commune, et est basée sur le volontariat ; enfin, sa restitution a été présentée à l’ensemble des sala- riés concernés avant la Direction. Les questions soumises aux sa- lariés concernés portaient sur la connaissance de l’accord d’entre- prise régissant le service, les horaires de travail, la charge de travail, l’orga- nisation de la journée de travail, la gestion des retards, l’ambiance de travail et la reconnaissance du tra- vail. L’enquête a conclu que le droit des salariés n’était pas respecté, que des relevés horaires étaient réalisés sans explication, que des heures de tra- vail n’étaient pas payées, qu’une dif- férence de traitement entre les sala- riés était avérée et que le contrôle horaire n’avait dans les faits rien résolu, mais avait contribué à dégra- der encore un peu plus l’ambiance du service. L’enquête a permis aux salariés concernés d’obtenir le retrait de la note sur les horaires, le paiement des heures supplémentaires, la création d’un poste supplémentaire et le remplacement plus systéma- tique des absents. Au final, le droit d’alerte des DP a modifié la vision des salariés vis-à- vis du syndicalisme. L’action collec- tive s’avère être un rempart efficace aux attaques liées aux risques psy- chosociaux. I. Modification des pratiques syndicales : « Arrêter d’expliquer pour com- prendre le travail ! ». Une action en entreprise (General Electric) DANS L’ACTION Débat avec la salle Un membre de l’Observatoire du stress a fait remarquer que l’absen- téisme était un indicateur difficilement exploitable, dans la mesure où le secret médical empêche d’en connaître les causes. En revanche, la me- sure du présentéisme constitue un outil efficace de prévention. Un médecin du travail de l’Institut de veille sanitaire et des hôpitaux de Saint-Maurice a témoigné de la réaction de sa Direction, qui a tenté de l’évincer de son poste, à la suite de son alerte dans le rapport annuel au sujet de l’état du stress au sein l’établissement. Aussi s’interroge-t-elle sur la voie à suivre : continuer d’user de son droit d’alerte ou poursuivre son aide directement auprès des salariés. DIRECCTE d’Ile-de-France8 Question de la salle
  • 9. II. Agir en pluridisciplinarité sur les RPS à partir d’une situation concrète Igor BALBI, inspecteur du travail dans les Hauts-de-Seine, a abordé la question de l’action en coopération avec les autres acteurs pour la santé mentale des salariés. Les services de l’inspection du travail disposent d’un outil : la mise en demeure de la DIRECCTE. Cette procédure ne s’applique toutefois pas à toutes les situations, mais uniquement lorsque l’employeur ne respecte pas les principes généraux de prévention (obligation de sécurité, d’éviter les risques, d’évaluer les risques, etc.). Les principes généraux de pré- vention pèsent sur l’employeur et ne comporte pas de préconisation stricte sur le plan réglementaire. Il s’agit donc de principes larges. La mise en demeure de la DI- RECCTE (L4721-1) est en pratique la mise en demeure du responsable de l’unité territoriale. Celle-ci est pos- sible lorsque les principes généraux de prévention ne sont pas respectés et que l’employeur n’a pas évalué les risques sur la santé mentale des salariés ou qu’il n’a rien fait pour les éviter. Le responsable de l’unité ter- ritoriale dresse alors une mise en de- meure. Celle-ci comporte les motifs et le dispositif, c'est-à-dire ce qui est attendu de la part de l’employeur. La mise en demeure doit être suffisam- ment précise pour que l’employeur comprenne ce qu’on attend de lui tout en lui laissant la responsabilité des moyens à mettre en œuvre. Igor BALBI a ainsi cité l’exemple d’un établissement de 3 000 sala- riés d’une grande SSII dont le CHSCT avait saisi l’inspecteur du travail dans le cadre du DGI. Le médecin du travail avait noté dans ses rapports que les risques les plus importants pour les salariés étaient les RPS. Le CHSCT avait pour sa part nommé deux experts, dont les rapports convergeaient avec ceux du méde- cin. Si l’employeur était au courant de la situation, il ne mentionnait en revanche rien dans son Document Unique. L’entreprise a alors été mise en demeure d’évaluer les risques psychosociaux sous quatre mois, puis de mettre en place un plan d’ac- tion concret. A cela est venue s’ajou- ter une pénalité de 1 500 euros par salarié. Le rapport et la mise en de- meure ont également été adressés à la CRAM. Débat avec la salle En réponse à un participant, Jocelyne CHABERT a souligné que l’enquête devait être loyale. Le fait de refuser certains éléments d’information est de facto déloyal. Un participant a fait remarquer que, dans les collectivités territoriales, les enquêtes devaient être menées conjointement avec la Direction, obli- gation de fait contraignante. Un membre du CHSCT d’une collectivité ter- ritoriale a pour sa part fait savoir qu’il consultait les salariés sans l’aval de son employeur. Le même a évoqué la constitution de groupes de dis- cussion des salariés, afin que ces derniers s’interrogent eux-mêmes sur leurs conditions de travail et se saisissent des problématiques qu’ils ren- contrent. Jocelyne CHABERT a pour sa part invité les salariés concernés à tenir leur journal de bord au travail. L’objectif est ici de permettre au salarié de se déculpabiliser, d’objectiver son expérience et de constituer un dossier le cas échéant. 9
  • 10. Anne-Sylvie GREGOIRE, psychoso- ciologue du travail à l’AICAC (Seine- et-Marne), a défendu la dimension pluridisciplinaire de son équipe, laquelle compte 12 personnes pour 16 000 salariés. La démarche de son SST repose sur quatre types d’intervention : la mise en place et l’animation de groupes d’expression sur le travail, afin de faire émer- ger des préconisations ; la super- vision de l’animation des groupes d’expression par les préventeurs ; l’organisation pluridisciplinaire du soutien individuel ; l’animation de journées consacrées à la santé au travail. L’avantage d’une structure pluridisciplinaire telle que l’AICAC est d’offrir une force d’intervention démultipliée. III. Centrer l’intervention sur le travail et le collectif : expérience d’une équipe pluridisciplinaire en santé au travail Débat avec la salle A un Syndicaliste FO qui estimait que cette procédure était très longue, Igor BALBI a souligné la nécessité de respecter les procédures légales. La mise en demeure est précisément l’outil permettant de mettre fin à une situation de danger, dans la mesure où l’outil du référé n’était ici pas adapté. Une participante a quant à elle fait remarquer que les pénalités pour violence au travail étaient cinq fois plus élevées et pourraient en l’occur- rence être infligées à l’entreprise citée. Le Secrétaire du CHSCT de l’entre- prise en question a pour sa part évoqué les suicides et les tentatives de suicide survenus dans sa société, déplorant que la direction ait refusé de reconnaître le DGI. Le rapport de l’expert était édifiant et préconisait des actions en mettre en œuvre au cours du second semestre 2010. Or rien n’a été fait et la situation s’est aggravée. La direction a en outre convoqué les organisations syndicales à une réunion de négociations au cours de laquelle elle a remis en cause tous les accords sur le temps de travail. En réponse à une question sur les moyens dont dispose le médecin-ins- pecteur du travail pour intervenir lorsqu’une situation à risque est avérée, Nicolas SANDRET, médecin-inspecteur du travail à la DIRECCTE Ile-de- France, a expliqué qu’il pouvait en pratique intervenir en appui de conseil auprès du médecin du travail et dans le cadre du CHSCT à la demande de l’inspecteur du travail. Nicolas SANDRET a par ailleurs rappelé que le médecin du travail est un salarié protégé et que celui-ci a une obligation d’indépendance. Il lui revient de rédiger un rapport annuel, présenté au CE, et la fiche d’entreprise, soumise au CHSCT. Il convient néanmoins que ces deux instances réclament que ces deux documents leur soient présen- tés. Nicolas SANDRET a enfin vivement conseillé la lecture du Journal d’un Médecin du Travail de Dorothée Ramaut. Jean-Louis OSVATH précise pour sa part qu’un signalement au Procu- reur de la République est une procédure plus longue qu’une mise en de- meure. Il précise en outre que la personne morale peut être poursuivie en même temps que la personne physique. Alexandre AZZARI, inspecteur du travail des Hauts-de-Seine, s’est quant à lui étonné de l’absence d’un représentant du Parquet à l’occasion de ce colloque. Une participante s’est émue du fait qu’une entreprise s’étant vue infli- ger plusieurs condamnations, mais disposant des moyens de payer, avait poursuivi ses pratiques génératrices de risques psychosociaux. Et de s’in- terroger sur la décision délibérée ne pas prendre acte d’un avis négatif d’un CHSCT. Les résultats peuvent en effet s’avérer tragiques. Pour avan- cer sur la thématique des risques psychosociaux, il importe que la justice joue son rôle et apporte des réponses concrètes, afin de mettre fin aux souffrances des salariés. Un salarié d’un cabinet d’expertise a pour sa part souligné le fait que la mise en demeure était un élément décisif du rapport de force dans l’entre- prise. Anne FILHOL, adjointe du référent prévention des RPS et développe- ment de la QVT à Air France, a de son côté présenté la politique de son entreprise en la matière. Un accord sur la qualité de vie au travail a été signé par l’ensemble des organisations professionnelles. Les outils de pré- vention mis en œuvre ont permis de faire évoluer la méthode de conduite du changement de l’entreprise. Un dispositif d’évaluation du stress profes- sionnel a en outre été mis en place (DESSP). Des formations ont également été proposées pour l’ensemble des acteurs (CHSCT, RH, etc.), afin que ces derniers partagent un langage commun. Des fiches d’action pratiques ont par ailleurs été mises en place sur la qualité de vie au travail. Anne FIHOL a souligné que cette démarche était portée par le plus haut niveau de l’en- treprise. Il convient au final de mettre en avant le fait que l’investissement en matière de prévention des risques psychosociaux génère un retour sur investissement. L’objectif d’Air France est ainsi de gagner en performance par la qualité de vie au travail. Gilles SEITZ a enfin tenu à souligner que les syndicats et l’ensemble des syndiqués ne représentaient que 8 % des salariés du pays. Or faire recu- ler les risques psychosociaux dans les entreprises relève d’une démarche politique et d’une prise en main par les organisations syndicales de cette question. DIRECCTE d’Ile-de-France10
  • 11. Débat avec la salle Deux participants ont souligné le fait que l’action pluridisciplinaire est importante et qu’un médecin du travail seul ne pouvait rien faire. Les organisations syndicales doivent s’engager davantage dans les commis- sions de contrôle du Service de Santé au Travail. IV. Cellule d’appui à la prévention des risques psychosociaux : « Les repré- sentants du personnel : des acteurs en demande de soutien » Jean-Yves BLUM LE COAT, socio- logue et coordinateur de la Cellule d’appui à la prévention des risques psychosociaux à l’UMIF, a présen- té le travail de soutien aux repré- sentants du personnel, réalisé par l’équipe pluridisciplinaire de la cel- lule (un médecin du travail, deux psychologues et un sociologue) qui a été amenée à accompagner une centaine d’actions collectives. Il apparaît en effet que les salariés confrontés aux RPS et leurs repré- sentants sont fortement deman- deurs d’aide et d’information sur les risques eux-mêmes, la réglementa- tion, les outils disponibles ou le rôle des acteurs. Une information qui s’avère d’autant plus nécessaire que les outils et les offres d’intervention se développent sur ces questions, ce qui peut avoir effet de dessaisir les représentants du personnel de pos- sibilités d’action dans ce domaine (évaluation des RPS réalisée par un cabinet externe à la demande de l’employeur, sans participation du CHSCT, par exemple). Les représentants du personnel et les salariés sont demandeurs d’un soutien, dans la mesure où ils sont exposés à un risque d’isolement. Dans ce contexte, la cellule d’appui de l’UMIF propose des réponses adaptées aux situations concrètes rencontrées par les représentants du personnel ainsi qu’un lieu d’ana- lyse à distance de l’entreprise et une équipe pluridisciplinaire. Il est en pratique possible d’agir en prévention à condition que les acteurs connaissent les outils dispo- nibles, qu’ils trouvent l’appui néces- saire à l’extérieur de l’entreprise et qu’ils soient soutenus quand ils sont eux-mêmes en difficulté. Le rôle des organisations syndicales est en la matière essentielle. L’expérience conduit à formuler les deux propositions suivantes : construire un réseau autour de re- lais locaux des organisations syndi- cales, afin de favoriser les échanges d’expérience et le travail en coopé- ration ; développer des outils de for- mation pratique adaptés aux situa- tions concrètes et permettant aux salariés d’agir au fur et à mesure de l’évolution de la situation dans leur entreprise. Un délégué syndical d’une mairie francilienne a enfin témoigné de son expérience avec la cellule d’appui à la prévention des risques psycho- sociaux de l’UMIF, qu’il a contactée pour tenter de mettre fin au mal- être au travail apparu au sein de la collectivité en 2009, conséquence de la remise en cause de tous les accords collectifs avec les syndicats. Depuis cette date, le climat et les conditions de travail s’étaient sin- gulièrement dégradés. Les salariés sont en effet isolés, harcelés, voire poussés à la démission. De plus, la hiérarchie pratique des méthodes de discrimination syndicale. Dans ce contexte, le soutien de la cellule d’appui à la prévention des risques psychosociaux et la participation au présent colloque constituent une aide et un soutien précieux. 11
  • 12. Synthèse Clôturant la journée, Michèle BONNECHÈRE, professeure de droit à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, a constaté le rôle fon- damental joué par les Représentants du Personnel en matière de prévention des risques psychosociaux. Elle a ainsi suggéré qu’une réflexion soit engagée sur la complémentarité des interventions des différents acteurs concernés. Elle s’est par ailleurs interrogée sur le rôle et la force du droit. Le seul fait de parler de santé au travail est en effet révolutionnaire, car cela suppose une reconnaissance de l’implication du corps du salarié dans le contrat de travail. Il ne s’agit donc pas seulement d’un échange marchand, le contrat de travail impliquant une obli- gation de sécurité de résultat : de ce fait, il joue un rôle dans la prévention. Cette réflexion conduit également à la reconnaissance de la place de la personne dans toute sa dimension, de sa santé à la fois physique et mentale. A ce titre, la décision de la Cour de cassation de 2008 d’interdire à l’employeur de prendre des mesures portant atteinte à l’intégrité physique et mentale du salarié constitue une avancée considérable, même si les représentants du personnel ne peuvent pas agir quotidiennement devant les tribunaux pour demander l’interdiction de telle ou telle mesure. De même, le fait que la Cour de cassation ait affirmé en 2009 que des mesures de gestion pouvaient constituer une forme de harcèlement moral est une décision fondamentale. Michèle BONNECHÈRE a enfin soulevé les limites inhérentes au droit du travail, lequel est ambivalent, y compris dans le domaine de la santé au travail, dans la mesure où il limite les effets dévasta- teurs du travail tout en les autorisant. Il est ainsi invraisemblable, alors que la vie d’un salarié peut être en cause, qu’aucune mesure de veto ne puisse être effective dans l’entreprise, où demeure la primauté du pouvoir de direction. En conclusion, Michèle BONNECHÈRE s’est félicitée de la tenue d’un tel colloque, lequel contribue à redonner le moral à ceux qui se livrent à une forme de combat fondamental et à échanger sur les outils, aussi imparfaits soient-ils, qu’il s’agisse du rôle du par- quet sur le délit de mise en danger d’autrui ou du droit de retrait, deux voies qui ne semblent pas suffisamment exploitées. Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France 19-21, rue Madeleine Vionnet - 93 300 Aubervilliers - 01 70 96 13 00 www.idf.direccte.gouv.fr Rédaction:ABreport-Réalisation:servicecommunicationdelaDIRECCTEd’Ile-de-France-Photos:servicecommunicationdelaDIRECCTEd’Ile-de-France.Février2014.