Alliance tabou inceste ARTEFA Mailat part 11. ARTEFA
Alternative de réflexion, travail, écriture, formation, animation
« Mets les mots à leur place, !
à la tienne ils te placent. » !
(proverbe iranien)
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2. Maria Maïlat ARTEFA
Le tabou d’inceste
et le mythe de consanguinité :
apports des sciences humaines
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Les travaux d’Albert Jacquard, généticien
La consanguinité se définit par l’existence d’un
ancêtre commun créant entre les descendants des
structures de parenté qui, par extension, produiraient
une reproduction «biologique» à l'identique.
De point de vue biologique ce postulat est
impossible. Les études scientifiques infirme le
postulat des malformations dues à la consanguinité.
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Qu’est-ce qu’on entend par «postulat»?
Le postulat est très abondamment utilisé dans le domaine de
la protection de l’enfance.
POSTULAT: une proposition qui ne peut pas être démontrée
que l’on utilise pour établir une démonstration abstraite sans
fondement dans la vie (en mathématique, etc.).
Le postulat-croyance en protection de l’enfance: bien qu’il
n’y a aucun fondement scientifique, dès que la
déconstruction indique qu’il s’agit du «vent», cela heurte les
sensibilités-croyances...
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✦
Si un Etat voudrait rendre VRAI le mythe de la «consanguinité», "
alors il devrait :
I. Interdire toute circulation de la population et
enfermer un nombre de personnes dans une totale
autarcie sur plusieurs centaines d’années.
II. Interrompre toute grossesse résultant entre des
individus qui n’ont pas le même père et la même mère.
III. Interdire à la “mère” nature toute mutation
génétique.
IV.Interdire tout choix dans les unions et constituer.
V. Interdire le hasard.
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Autrement dit : ce n’est que le hasard qui pourrait
générer une rencontre entre deux individus ayant des
allèles proches mais jamais identiques
!
Exemple: j’ai rencontré une AS qui a quitté Paris où vivait sa famille et est allée dans une ville
qu’elle n’avait pas connu auparavant.
Elle a rencontré un homme. Ils ont eu un enfant qui est né sourd profond.
Les explorations génétiques ont mis en évidence qu’ils étaient tous les deux porteurs d’allèles
proches qui génèrent ce type de problème.
Ces problèmes n’ont rien à avoir avec les structures de parentés instituées dans la culture
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Dans les mariages entre cousins issus de germain, il n’y a
aucun problème génétique, aucune effet de type
«consanguinité» :
extraits des études du généticien Albert Jacquard "
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Les études scientifiques concernant la «consanguinité» chez
les animaux ont infirmées l’affaiblissement du patrimoine
génétique. "
Un exemple :
«La race de Salers est réputée à juste titre la plus robuste de nos
races bovines, et ses troupeaux se reproduisent de, temps
immémorial en consanguinité, le taureau étant toujours pris
dans ce troupeau même et s'accouplant avec sa mère, ses
grand'mères, ses tantes et ses sœurs.»
. Albinisme et consanguinité. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, II° Série. Tome 1, 1866.
pp. 473-478."
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1866_num_1_1_4244"
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13. E. Copet-Rougier
❖
“Le «biologisme» ancré dans notre représentation de la
parenté réapparaît aussitôt que la loi lui reconnaît la
moindre prééminence dans les affaires de filiation.
Toutes les innovations, technologiques et sociales, de
notre société font retourner à notre pensée sauvage,
fondée plus sur le droit du sang que sur le droit du
social”
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Toute structure de parenté est
contradictoire.
Les membres de chaque structure
cherchent à résoudre ces contradictions
et à se maintenir dans l’échange de la
vie.
La consanguinité fait partie des règles
de transmission de la vie. Cette évidence
est admise par les Occidentaux quand il s’agit
des autres cultures. Mais “chez nous”?
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“Comment la germanité est-elle alors représentée?
Pur produit synthétique de l’alliance et de la filiation, les
germains dans ce système sont aussi des alliés ou plutôt des
affins. "
En cas d’échange des soeurs ou de mariage de cousins croisés
bilatéraux, le mari de ma soeur est le frère de mon épouse. Au
sein de la consanguinité est déjà inscrit un rapport d’alliance. "
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“Comment la germanité est-elle alors représentée?
Je prendrai comme exemple de la représentation issue de ces types de
mariages une société amazonienne, les Jivaro. Ils sont dotés de cette
fameuse terminologie dravidienne qui donne le terme d’alliance à des
consanguins; ils pratiquent le mariage des cousins croisés bilatéraux, c’està-dire, le mariage normatif des enfants d’un frère et d’une soeur; ils sont
aussi des parentèles bilatérales qui se reproduisent au moyen de ces
mariages.
Dans de pareilles conditions, la relation entre un frère et une soeur est
particulière. A. C. Taylor décrit le rapport frère-soeur comme étant
assimilé à des liens de conjugalité. Le frère et la soeur ne sont pas
considérés a priori comme des consanguins. Dans leur jeunesse, le
côté de l’alliance est privilégié: leur relation et leur comportement
ressemblent à une relation mari-épouse. Le frère et la soeur ne deviennent
vraiment des consanguins qu’au mariage de l’un d’entre eux avec un
cousin croisé. Les premières nuits du mariage voient-elles le frère
célibataire s’allonger sur le lit nuptial entre sa soeur et son beau-frère.
Après quoi, lorsqu’il quitte le lit nuptial, lui et sa soeur deviennent vraiment
des germains.
Les cousins croisés, quant à eux, sont des conjoints potentiels et, à
l’inverse, ils sont parfois élevés ensemble comme des germains.“ (E.
Copet-Rougier)
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Comment la germanité est-elle alors
représentée? (suite)
“Dans cet exemple (Jivaro), on voit le rapport
de germanité flirter au plus haut point
symbolique avec un rapport d’alliance, dont les
conséquences conduisent à s’interroger sur la
définition de l’inceste frère-soeur.”
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!
Certaines structures de parenté - toujours inscrits dans la théorie de
l’échange - posent un problème inverse."
Dans ces systèmes, on ne dit pas qui on doit épouser mais on
établit un nombre extravagant d’interdictions matrimoniales dans la
consanguinité et dans l’alliance. Ils sont souvent associés à une
terminologie de type Omaha : "
- les germains et les cousins parallèles y sont dénommés par le
même terme mais sont différenciés des cousins croisés de la façon
suivante: "
I. les enfants du frère de la mère sont appelés par des termes de la
génération supérieure («oncle maternel» et «mère») "
II. tandis que les enfants de la soeur du père le sont par des termes
de la génération inférieure («enfants, neveux»). "
(Cf. Copet-Rougier)
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Je prendrai pour exemple les Kako du Cameroun, qui ont une
terminologie Omaha, afin de comprendre ce qui se dit de la
filiation et de l’alliance dans l’ordre de la germanité.
Ce bref résumé de l’analyse 2 se situe à deux niveaux
distincts de la terminologie, d’abord sémantique puis logique.
Dans ce rapport de germanité, on lit tous les différents
registres du paradigme parental, mais on ne lit pas
nécessairement un rapport de consanguinité.
Tous les germains sont d’abord classés en aînés et cadets.
La génération et son ordre sont donc inscrits dans ce rapport
par la terminologie, par la façon de s’appeler.
Une seconde classification s’introduit dans la germanité qui
oblitère la différence de sexe.
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Les études des cultures permettent de comprendre que ce
sont les mots, la désignation sémantiques des alliances et des
rapports de réciprocité qui constituent la vie et la transmission
entre les personnes et leurs structures de parenté.
Chez Kako de Cameroun, comme chez les Français, c’est la
désignation sémantique de l’alliance qui établi la notion de
père: cette notion n’a de sens que si on le fond sur le
symbolique contenu dans la langue et dans le droit: il est le
mari de la mère, c’est à dire le fondateur d’une alliance qui lui
confère une fonction symbolique pour tous les enfants nés
dans cette alliance. L’absence de la désignation biologique
dans la fonction symbolique de père est très claire dans notre
culture
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L’absence de la dimension biologique ( et donc,
du “sang”) dans la fonction symbolique de
père est très claire dans notre culture.
C’est la force légale de l’alliance scellée, instituée
par l’Eglise et par l’Etat qui installe le tabou
d’inceste : c’est l’alliance qui garantit une filiation
patrilinéaire situant l’enfant au dehors de toute
forme d’alliance avec son père. L’alliance garantit
le respect de la filiation et du statut de l’enfant en
tant que le fils ou la fille de celui qui est le mari de
la mère.
Le Code civil grave cette évidence symbolique : “le
père est le mari de la mère.”
(Le pouvoir biologique vient introduit un doute qui attaque les fondations de
cette structure.)
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Le biologique (et donc, du “sang”) dans la
désignation du père est inscrite dans le Code civil,
le Paragraphe 2 : De la présomption de paternité,
Article 312 :
“ L'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour
père le mari.”
L’alliance (mariage) structure la filiation et clôture le
tabou d’inceste : le père ne peut pas être le mari
de sa fille. On s’aperçoit ici que le tabou est plus
“visible” dans les rapports entre le père et la fille.
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Le pouvoir biologique introduit un doute qui attaque les
fondations de cette structure constituée d’une subtile
agencement entre alliance (mariage), filiation,
désignation du père et tabou d’inceste.
Une contradiction incroyable émerge dans la postmodernité française : les défenseurs de cette structure
puisent leur argument - voulant la défendre - dans le
biologique !"
C’est à dire, dans le domaine totalement opposé et
destructeur de cette structure fondatrice dans notre
culture. Ainsi, l’efficacité symbolique est mise en
pièces par la “conception bouchère” de la filiation;
(censée porter une traçabilité biologique comme la
viande vendue dans les supermarchés!!)"
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Questions pour (re)fonder vos savoirs et pratiques
professionnelles :
I. Pourquoi le tabou d’inceste est décliné dans toute
culture bien que ça soit d’une façon différenciée ?
II. Pourquoi dans notre culture la notion de «lien de sang»
et de «consanguinité» est chargée d’autant de puissance
négative ? Quelle est la fonction de ce marqueur
destructeur d’identité de l’enfant qui n’existait même pas
au moment d’une relation incestueuse ?
III. Comment fonder le tabou en tenant compte des
valeurs et notamment de la valeur “tout enfant a droit à la
filiation digne et ordinaire” ?
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savoirs de base
Pour approcher le tabou d’inceste, l’observateur doit se situer à
l’intérieur d’une structure qui exige de lui des opérations d’analyse:
- comprendre la co-existence des contraires (une chose et son
contraire son vrais tous les deux)
- comprendre que le tabou d’inceste ne peut être isolé comme une
source de souillure ou un virus
- comprendre qu’il faut articuler une structure de parenté aux
conditions de son appartenance au groupe, à la société et aux
échanges qui l’ouvrent à la reconnaissance, au prestige, à l’honneur
(des échanges qui garantissent de “ne pas perdre la face”)
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savoirs de base
Le rapport établit entre l’observateur et “son objet” (la
structure de parenté avec ses règles dont le tabou
d’inceste) ne peut pas être celui du néo-colonisateur qui
observent des animaux ou des individus inférieurs à sa
race.
Il faut être l’objet de sa propre observation, appréhender
ses propres contradictions et pièges moralisants qui
obscurcissent la dialectique du tabou d’inceste que le
professionnel doit saisir afin de ne pas produire des
malheurs et catastrophes dans la vie des personnes.
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savoirs de base
Les tabous sont de l’ordre de la culture : ce sont
les personnes et leurs formes de véridiction qui
“décident” des tabous.
Ils sont inscrits dans la langue et forment une
manière de penser les règles des unions entre les
sexes et entre les générations, les règles de
transmission de la filiation, du nom, des places et
des richesses matérielles et immatérielles.
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30. ©ARTEFA
savoirs de base (suite)
Le tabou d’inceste délimite la filiation et la généalogie
des rapports sexuels entre des gens.
La filiation est généalogie : l’une ne va pas sans l’autre.
Les deux codifient l’inscription verticale de l’enfant dans
l’histoire et la temporalité.
Cette inscription est une institution assurant une vie
ordinaire à chaque personne dans une continuité
généalogique et la transmission.
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Les règles tracent la séparation entre la nature et la
culture. (C. Lévi-Strauss)
Mais est-ce que l’homme existe dans la nature ?
L’homme est un être de langage (parlêtre).
Sa vie est composée de coutumes, mythes, rites,
transformations, outils, etc. qui font que l’homme vit dans
un milieu où la culture et la nature sont indissociables et
contradictoires.
Pascal se demandait : “ Mais qu’est ce que nature ? J’ai
grand’peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première
coutume, comme la coutume est une seconde nature.”
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définition
Pour Lévi-Strauss, le tabou-d’inceste est inscrit
nécessairement dans la langue et constitue la
démarche fondamentale grâce à laquelle, par
laquelle, mais surtout en laquelle s'accomplit le
passage de la nature à la culture.
Chaque fois quand les institutions et les professionnels
utilisent ce mot “inceste” seul, ils cassent le tabou.
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définition (suite)
La cassure de ce tabou ne concerne pas l’acte sexuel mais
la structuration de la filiation et l’impossible alliance du
couple censé reconnaître l’enfant et lui donner une
existence symbolique et réelle: celle de fils ou de fille.
Le tabou d’inceste cassé met en danger l’identité de
l’enfant à naître. Ce qui doit intéresser les professionnels
ce n’est pas le fait divers d’une sexualité interne à la
famille, mais le devenir de l’enfant à naître.
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définition (suite)
La sexualité d’un couple interne au réseau de parenté ne
regarde personne, sauf s’il s’agit d’un viol ou d’un abus
sexuel.
Un viole est un crime et notre culture est dotée d’outils et
procédures pour condamner celui qui a commis un tel
crime. Il s’agit d’une personne ayant autorité sur l’enfant
ou la personne qui est victime de viol ou d’abus sexuel.
Que ça soit le père, l’instituteur, le prêtre, le voisin, etc.
c’est l’acte qui est jugé et puni par la loi.
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l’efficacité symbolique du tabou
❖
Pas besoin d’une explication bêtement génétique, bio pour
tenir le tabou d’inceste.
❖
Face à ce besoin d’explication par le sang et le bio, il faut se
demander pourquoi le sphère symbolique de notre culture
est à ce point affaibli et dénié ?
❖
Pourquoi l’efficacité symbolique est mise en pièces par la
“conception bouchère” de la filiation ? (censée porter une
traçabilité biologique comme la viande vendue dans les
supermarchés!!)
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36. changer de question
❖
Lorsqu’un professionnel intervient dans une structure
de parenté où le tabou d’insecte a été cassé, ce n’est pas
les aveux ni le “pourquoi?” qui doivent constituer sa
raison d’intervenir mais la question COMMENT:
❖
- comment inscrire l’enfant
37. ARTEFA - directrice Maria Maïlat, anthropologue
LES AXES DE NOS TRAVAUX
•
•
promouvoir l’éthique de l’hospitalité dans le service
public et les associations
•
!
Email :
innover des processus de capacitation des personnes
dans les dispositifs d’aide, de soins et
d’accompagnement
promouvoir la création des méthodes alternatives à
partir des questions et analyse des pratiques
•
déconstruire la force destructrice orientée contre les
personnes - objets dans les discours et les écrits
professionnels
•
alimenter la construction de nouveaux référentiels en
travail social
artefa17@yahoo.fr
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