Pôle Emploi embraille le pas vers une montée du service à distance.
Une réduction de l’accès direct en agence pour une optimisation du travail des conseillers.
Est-ce une remise en cause de l’universalité du service public ? L’approche humaine ne souffrira-t-elle pas de cette « cloudisation » du service ? L’emploi-store, orienté affinitaire (grâce au génie de la start-up Monkey-Tie), saura-t-il accompagner « dignement » les demandeurs d’emploi ?
2. q
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électroniques au même instant.
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Un service proposé par Les Echos Solutions
financière », détaille-t-il dans
une interview au « Figaro »
publiée lundi.
« Devoir du sol »
Selon Guillaume Larrivé, la
France est trop attractive pour
les immigrés du fait de son sys-
tème social. Il veut ainsi en
réserverl’accèsauxseulsétran-
gers résidant depuis au moins
cinqansenFrance.Concernant
l’immigration clandestine, l’élu
de l’Yonne a fustigé l’assigna-
tion à résidence pour les étran-
gers en situation irrégulière,
qualifié d’« angélisme ». Il
prône à l’inverse un allonge-
ment de la période maximale
en centre de rétention de 45 à
180 jours. Sujet cher à Nicolas
Sarkozy, qui avait remis le sujet
sur la table à la mi-juin :
Guillaume Larrivé propose de
réformerlecaractèreautomati-
quedudroitdusol,luipréférant
un« devoirdusol ».Unétranger
né en France devrait donc
« manifester sa volonté » de
devenir français.
Pas en reste sur le sujet,
Marine Le Pen a appelé à la
mobilisation contre « la nou-
velle loi criminelle du gouverne-
ment sur l’immigration ».
Dénonçant une « folle dérive
immigrationniste » dans un
communiqué publié lundi, elle
a rappelé que le Front national
« veut faire tendre vers zéro le
nombre d’entrées légales chaque
année en France ». n
Gabriel Nedelec
gnedelec@lesechos.fr
La droite est partie à l’assaut du
projet de loi sur les droits des
étrangers, examiné depuis
lundi à l’Assemblée. Un texte
qui, selon elle, va à « contre-
sens ».Unesoixantained’amen-
dements doivent être déposés,
tandisqu’unemotionderejetet
unedemandederenvoiencom-
mission,formuléeparledéputé
des Français de l’étranger,
Thierry Mariani, ont été toutes
deux repoussées. Porte-parole
des Républicains, Lydia Gui-
rous s’est même demandé, lors
d’un point presse, si la mise à
l’agenda parlementaire du pro-
jet de loi « n’est pas une façon
pour les socialistes d’aider leurs
amis du Front national à se rele-
ver ». Le texte est examiné en
session extraordinaire alors
que sa présentation au Conseil
des ministres remonte à près
d’un an.
Sur le fond, Lydia Guirous a
notamment reproché au texte
les 10.000 titres de séjour réser-
vésaux« talentsetauxcerveaux
étrangers » via un « passeport
talent »,alorsque« lescerveaux
français sont condamnés à
l’exil ». Une pratique de l’immi-
gration choisie pourtant défen-
due par la droite sous le quin-
quennat de Nicolas Sarkozy.
Plafond annuel
Guillaume Larrivé, orateur du
groupe Les Républicains, a, lui,
été chargé de défendre le projet
alternatifproposéparsonparti.
Son mot d’ordre : « réduire
l’immigration pour, ensuite,
réussirl’intégration ».Ledéputé
de l’Yonne propose de mettre
en place un plafond annuel
d’immigration défini par
l’Assemblée et s’appliquant à
toutes les catégories de séjours,
dont le regroupement familial,
à l’exception des réfugiés politi-
ques. Il veut aussi durcir les
conditions d’attribution des
visas en demandant aux « can-
didats à l’immigration de justi-
fier, à leurs frais, dans leur pays
d’origine,deleurbonneconnais-
sance de la langue et des valeurs
françaises mais aussi d’une
capacitéàexerceruneprofession
ou à assumer leur autonomie
IMMIGRATION
Les Républicains
veulent « réduire
l’immigration
pour réussir
l’intégration ».
Droitsdes
étrangers :
ladroiteavance
soncontre-projet
SANTÉ
Solveig Godeluck
sgodeluck@lesechos.fr
Aprèslaconversion,leprosélytisme.
Suite à l’adoption en première lec-
ture à l’Assemblée du projet de loi
santé en avril dernier, la France
devrait instaurer le paquet de ciga-
rettes « neutre » en mai 2016. Stan-
dardisé, il ne comportera ni logo ni
typographie permettant aux mar-
quesdesedistinguer.Sur65 %desa
superficie, il portera des photos
chocs montrant des tumeurs, des
gencivesdévastées,desenfantssouf-
freteux. C’est la mesure phare du
plan national de réduction du taba-
gisme dévoilé voilà presque un an.
Mais,avantmêmequeleprojetdeloi
nesoitdéfinitivementvoté,laminis-
tre de la Santé, Marisol Touraine,
veut capitaliser sur ce succès politi-
que.Ellevientdemettresurpiedune
coalition des pays pour le « paquet
neutre ».
« Inciter d’autres Etats »
Alors que l’Australie a été la pion-
nière, il y a deux ans et demi, la
France veut à la fois se faire un peu
de publicité et bénéficier du retour
d’expériencedesautresexpérimen-
tateurs. Quatre pays seront sur la
ligne de départ en mai 2016, suite à
la transposition de la directive de
2014 qui permet aux Etats mem-
bres de l’Union européenne de
« normaliser » les emballages : le
Royaume-Uni, qui l’avait annoncé
dès 2010, l’Irlande, entrée dans la
course en 2013, la Hongrie, depuis
juin, et donc la France.
« Notre objectif, c’est bien d’inciter
d’autresEtatsàadopterlepaquetneu-
tre », a déclaré Marisol Touraine
lundi, au sortir d’une première réu-
nion avec neuf ministres ou repré-
sentants de gouvernements étran-
gers (outre les cinq pays pionniers,
participaient la Norvège, la Suède,
l’Afrique du Sud, la Nouvelle-
Zélande et l’Uruguay), en présence
de l’Organisation mondiale de la
Santé. « J’ai proposé de poursuivre
noséchangesetdelanceruneinitiative
depromotiondupaquetneutrelorsde
la prochaine session de l’Assemblée
mondialedelaSanté,enmai2016 »,a
annoncé la ministre, qui montrera
l’exemple en allant vanter le paquet
neutre à ses homologues d’Améri-
que latine lors de son déplacement
auBrésil,cettesemaine.
Letabactue6millionsdeperson-
nesparandanslemonde,etcechif-
frepourraitgrimperà8millionsen
2030sirienn’estfaitpourenrayerla
hausse, selon l’OMS. En Europe, où
28 % de la population fume, on
enregistre 700.000 décès liés au
tabacchaqueannée.« Lemarketing
est une arme redoutable. Des cou-
leurs vives, des logos design, des for-
mesglamour :lepaquetdecigarettes
a parfois des allures d’accessoire de
mode »,aaccusélaministreenpro-
mettant de « mettre un terme à la
spirale infernale de l’originalité du
packaging, dans laquelle trop de jeu-
nes continuent à tomber ». En
France, un adolescent de dix-sept
anssurtroisestunfumeurrégulier,
et, en Europe, 29 % des 15-24 ans
fument. Le paquet neutre, c’est
d’abord pour eux.
4À NOTER
Le projet de loi santé sera
examiné en commission
au Sénat mercredi. Il arrivera
en séance plénière au palais
du Luxembourg en septembre.
l Marisol Touraine a réuni lundi les représentants de neuf pays.
l Irlande, Grande-Bretagne, Hongrie et France devraient s’y convertir en mai 2016.
Tabac :Parismonteune
coalitiondu« paquetneutre »
Ils cagoulent des radars depuis
samedi en Corrèze, en Gironde,
dans le Lot ou dans le Tarn, afin de
frapper l’Etat là où ça fait mal – ses
recettes.Ilss’apprêtentàmanifester
à nouveau à Paris mercredi. Les
buralistes ne veulent pas du
« paquet neutre » et ils le disent à
leur façon. Ce sont des habitués de
l ’é p r e u v e d e f o r c e . A v e c
26.000 points de vente, ils couvrent
mieux le territoire que les pharma-
ciens ou les postiers. L’Etat ne peut
pas se passer d’eux, car ils sont des
préposésdel’administrationetper-
çoiventàcetitre14milliardsd’euros
de taxes sur le tabac chaque année.
Pas question de malmener cette
profession, alors que des élections
régionales approchent.
C’est pour les amadouer que le
chefdefiledesdéputésPS,BrunoLe
Roux,ademandéenavrillacréation
d’un groupe de travail sur leur ave-
nir,enpleindébatsurleprojetdeloi
santé. Présidé par Frédéric Barbier
(députéPSduDoubs),etcomposéde
socialistes,deradicauxdegaucheet
d’écologistes, il rendra son rapport
en septembre. La mise en œuvre du
« paquet neutre » et des autres
mesures du plan national de réduc-
tiondutabagismedoiventfairebais-
ser de 10 % la consommation de
tabacd’icià2020,aannoncél’exécu-
tif. Cela fait peser un risque sur les
buralistes,quisontdéjàprèsde1.000
paranàmettrelaclefsouslaporte.
« Nous cherchons une solution
pourcompenserlapertesubieparles
buralistes qui constateront cette
baissede10 % »,exposeFrédéricBar-
bier,toutenprécisantquelegroupe
detravailn’aencoreriendécidé.
Harmoniser la fiscalité
« Ce que je propose ne coûte rien à
l’Etat.Ils’agitdetransférerunepartie
des marges des fabricants vers les
buralistes », indique-t-il. Le député
pointe l’importance des profits des
cigarettiers par rapport au coût de
production, qu’il évalue à 15 centi-
mesparpaquet.« Lefabricantprend
plus de 70 centimes par paquet, je
peux vous dire que, dans l’automo-
bile, on ne connaît pas de telles mar-
ges ! Même si on enlève 21 à 22 centi-
mes de frais de logistique, c’est encore
beaucoup. »
En revanche, le député ne milite
pas en faveur d’une hausse du prix
dutabac.Lecommerceilliciteconti-
nuerait à croître, estime-t-il. Mieux
vaut, selon lui, commencer par har-
moniser la fiscalité européenne, et
par mettre en place une traçabilité
indépendante du paquet. Un point
devuequenepartagepasl’ex-minis-
tresocialisteMichèleDelaunay,per-
suadée de longue date qu’une
hausse franche et massive du prix
du paquet (à 10 euros) est la
meilleure façon de stopper le taba-
gisme.Larapporteureduvoletassu-
rance-maladiedubudgetdelaSécu-
rité sociale à l’Assemblée plaide
aussipourunmécanismederéduc-
tion des marges des buralistes qui
augmentent leurs ventes. Mais Fré-
déric Barbier est dubitatif. Selon lui,
une rémunération différenciée ne
seraitpasforcémentlégale.— S.G.
Al’approchedesélections,lamajorité
tentedecalmerlesburalistes
Des parlementaires
proposent de basculer
une partie de la marge des
fabricants vers les buralis-
tes, sans frais pour l’Etat.
Rayon de paquets de cigarettes à Sydney. L’Australie a été la première à adopter le paquet neutre,
avec visuel choc, il y a deux ans et demi. Photo Wiliamm West / AFP
L’« Etat-nounou » a réussi son
coup. En Australie, le premier et le
seulpaysàcejouroùlepaquetneu-
tre est en vigueur, la réaction des
industriels a été violente. « Voulez-
vous réellement vivre dans un Etat-
nounou ? » ont-ils dénoncé à tra-
vers une campagne d’affichage
montrant une surveillante peu
amène.Ilsontaussitraînéenjustice
l’Etat australien, dans une série de
procédures qui sont encore en
cours. Mais la standardisation
imposée aux paquets de cigarettes
depuisdécembre2012sembleavoir
étéefficace.« Laprévalencedutaba-
gisme n’a jamais été aussi basse, elle
est tombée à 12,8 % de la population
en décembre », s’est félicité lundi
Martin Bowles, du département
australiendelaSanté.Ils’exprimait
en marge de la réunion internatio-
nale de la coalition pro-paquet
neutre à Paris.
« Information massive »
Toutes les prédictions de mauvais
augure formulées par l’industrie se
sont révélées fausses, a-t-il argu-
menté. Une baisse des recettes due
à l’explosion du trafic illicite ? Seu-
les 3 à 5 % des ventes ne sont pas
régulières, estime l’administration.
L’Australie est une île, contraire-
mentàlaFrance.Ladestructiondes
commerces de proximité ? Les cir-
cuits de distribution n’ont pas
changé de façon significative. Une
mesure tout simplement ineffi-
cace ? Les statistiques montrent le
contraire. Dans les années 1990,
l’Australieacomptéjusqu’à25 %de
fumeurs.
Le paquet neutre n’est pas arrivé
seul, a rappelé le représentant du
gouvernementaustralien.Lapubli-
cité a été interdite sur les lieux de
vente. Quatre hausses successives
de 12,5 % des droits d’accise ont été
programmées. La taille des avertis-
sementsdesantéaétéagrandiesur
les paquets. « Ce n’est pas le succès
du paquet neutre, mais d’une série
complète de mesures contre le tabac,
en incluant la hausse du prix du
paquet et une campagne d’informa-
tion massive », a expliqué Martin
Bowles. Une vision d’ensemble que
Paris veut faire sienne, même si la
hausseduprixdupaquetrestepour
l’instant écartée.— S. G.
Le pays pionnier du paquet
neutre a mis en œuvre
d’autres mesures en
parallèle, comme la hausse
des taxes sur le tabac.
EnAustralie,
letauxde
tabagismeest
tombéà13 %
Il a dit
« La gauche est
favorable à une
augmentation
inconsidérée
de l’immigration,
elle refuse de
regarder la réalité
en face. »
GUILLAUME LARRIVÉ
Député Les Républicains
de l’Yonne
Photo Patrick Kovaric / AFP
02// Mardi 21 juillet 2015 Les Echos
FRANCE
3. Les Echos
Mardi 21 juillet 2015
Pôleemploiva
réduirel’accueil
danssesagences
Derek Perrotte,
modifié Eric LEGER
C’estunenouvelleétapedelaréorga-
nisation de Pôle emploi qui va bou-
leverserleshabitudesdemillionsde
chômeurs. A partir du début 2016,
les 850 agences du réseau resteront
ouvertes 35 heures par semaine,
mais réserveront entre un et quatre
après-midi (le curseur sera défini
localement) aux seuls chômeurs
ayant pris rendez-vous ou venant
assisteràunateliercollectif(rédiger
un CV, etc.). Ceux venant de façon
impromptue pour une demande,
une réclamation ou pour déposer
une pièce administrative seront
invités à passer par les services en
ligne, par le téléphone (39 49), à
revenir plus tard ou à échanger par
mail avec leur conseiller référent (il
devrarépondresous72heures),une
possibilitéenvoiedegénéralisation.
Pour contrôler ce flux, les agences
serontéquipées,unpeucommedes
banques, d’un « vidéoportier ».
Objectif : optimiser le travail des
conseillers en développant le temps
consacré à l’accompagnement per-
sonnalisé et au traitement des dos-
siers d’indemnisation complexes
(intermittents, activités réduites,
etc.), là où se situe leur vraie valeur
ajoutée. Cette petite révolution, à
laquelle le gouvernement a donné
sonfeuvert,s’inscritdansleprolon-
gementdel’essoractueldesservices
accessiblesàdistance.
Les syndicats demandent
des garde-fous
Cettenouvelleorganisationaététes-
tée depuis février dans 40 agences
de9régions.Dansundocumentqui
seradiscutécemardiencomitécen-
tral d’entreprise (CCE) avec les syn-
dicats et dont « Les Echos » ont
obtenu copie, la direction générale
dresse un bilan largement positif.
Quelque80 %desconseillersjugent
le changement positif et ils ont
gagné 25 % de temps en plus pour
recevoirleschômeursdeleurporte-
feuille. Les chômeurs ont aussi eu
30 %d’entretiensenplusqu’avantet,
côté gestion des indemnisations, le
taux de premier paiement dans les
délaisaprogressé.Lesdemandeurs
d’emploi trouvant porte close
auraient su s’adapter, avance aussi
le document : ils ont envoyé « de 5 à
10 fois plus de mails à leur conseiller
référent » et ont « davantage sollicité
le 39 49 » dans les agences concer-
nées,comparéauxagencestémoins
des mêmes territoires. Cela tend à
rassurersurundesrisquesdel’opé-
ration :qu’enétantconcentrésurun
temps réduit, l’accueil physique du
flux des demandeurs ne devienne
intenable.
Le sentiment des syndicats est
mitigé.Lesplusréformistes,comme
la CFDT, soulignent que « le flux
actuel à l’accueil est très chrono-
phage » et que « la réorganisation
peut être gagnant-gagnant pour le
conseiller, qui peut mieux préparer
ses rendez-vous, et pour le chômeur,
qu’il pourra recevoir plus souvent et
mieux ». Mais ils réclameront ce
mardi des garde-fous, par exemple
pour le traitement de certaines
demandes urgentes liées à l’indem-
nisation ou sur le renforcement du
parc informatique en libre accès
dans les agences. La direction se
veut rassurante sur ces points. A
l’opposé,lessyndicatspluscontesta-
taires, comme SUD et le SNU,
s’insurgent : « Restreindre l’accès à
unservicepublicn’estjamaisunpro-
grès.Cen’estpasfaitpouraméliorerle
service,maispourgérerlapénuriede
personnel. C’est une remise en cause
de l’universalité du service public. »
La problématiques n’est d’ailleurs
paspropreàPôleemploi :lescaisses
d’allocationsfamilialesdéveloppent
elles aussi une politique d’accueil
surrendez-vousuniquement. n
l A partir de 2016, d’un à quatre après-midi par semaine
seront réservés aux chômeurs ayant rendez-vous.
l Les autres seront renvoyés vers Internet et le téléphone.
4. ALLEMAGNE : BAISSE
DE 0,1 % DES PRIX À
LA PRODUCTION EN JUIN
Les prix à la production
ont reculé de 0,1 % en juin
en Allemagne, après avoir
été inchangés en mai,
selon les données publiées
lundi par l’Office fédéral
de la statistique.
Sur un an, ils ont diminué de
1,4 % le mois dernier après
avoir enregistré une baisse
de 1,3 % le mois précédent.
ISRAËL : LA PRODUCTION
INDUSTRIELLE MARQUE
LE PAS EN MAI
La production industrielle
d’Israël continue d’évoluer
en dents de scie. En mai, elle
affiche –1,36 % selon l’Office
central des statistiques.
Ce recul fait suite à une
baisse de 0,32 % en avril,
qui contrastait, elle, avec les
+13,18 % enregistrés en mars.
Sur les cinq premiers mois,
elle a été trois fois négative.
23 %DES ENTREPRISES TENTÉES
DE QUITTER LA GRÈCE
Les contrôles de capitaux
et l’instabilité économique en
Grèce pèsent sur les entrepri-
ses (Endeavor) d’après
un sondage réalisé auprès de
300 firmes (13-17 juillet). Au
total, 69 % ont vu leur acti-
vité baisser depuis le 29 juin.
en
chiffres
C’estunprogrès,maistellement
poussif, qu’il est difficile d’en
faire les louanges. Après deux
sommets européens et plu-
sieurs réunions des ministres
de l’Intérieur, les Etats mem-
bres se sont rapprochés de
l’objectif demandé par Bruxel-
lespouraiderl’ItalieetlaGrèce
à gérer l’afflux de migrants sur
leurs côtes.
Lorsdeleurderniersommet,
les vingt-huit Etats membres
avaientrefusétout« quotaobli-
gatoire »,commelesuggéraitla
Commission européenne, qui
souhaitait pousser les pays qui
ne font rien pour l’asile à en
faire davantage. Toutefois, les
dirigeants européens avaient
promis de faire preuve de soli-
darité sur la gestion des
migrants. Ils avaient donc pro-
mis de parvenir sur une base
volontaire au même but, à
savoir le traitement des dos-
siers de 40.000 migrants clan-
destins, identifiés comme de
potentiels demandeurs d’asile,
et l’accueil de 20.000 réfugiés
syriens pris en charge par
l’ONU.
Certains pays continuent
de traîner des pieds
Pour ces réfugiés, la réponse a
été de bonne volonté et rapide
(plus de 22.500 places offertes).
Enrevanche,plusieurspaysont
continué, hier à Bruxelles lors
d’un Conseil des ministres de
l’Intérieur, à s’opposer toujours
à l’idée de gérer à la place de
Romeoud’Athènesdesdeman-
deurs d’asile arrivés clandesti-
nement par bateau. Les princi-
pauxpaysd’accueil,laFranceet
l’Allemagne, ont accepté sans
grande difficulté de prendre
leur part comme le demandait
la Commission européenne. La
Frances’estengagéeàaccueillir
2.375 réfugiés des camps
onusiens et 6.752 personnes
échouées en Italie qui auraient
le droit à l’asile. D’autres pays,
en revanche, ont continué à
traîner des pieds, comme
l’Autriche, la Hongrie, les Etats
baltes. Au total, l’addition des
promessesdesunsetdesautres
arriverait à 24.000 personnes
pour les réfugiés, mais à moins
de 35.000 personnes pour
les migrants à relocaliser. Un
manque de 5.000 places qu’ils
ont convenu de réparer d’ici à
décembre. La relocalisation est
définie pour durer deux ans au
maximum et ne concerne que
des demandeurs d’asile éligi-
bles au statut de réfugié, pour
l’essentielsyriensetérythréens.
— A. B. (à Bruxelles)
Migrants :
une
solidarité
aminima
UNION
EUROPÉENNE
La France s’est
engagée à accueillir
2.375 réfugiés
des camps onusiens
et 6.752 personnes
échouées en Italie
qui auraient le droit
à l’asile.
LaGrècepaiesesdettesets’engage
surunlongcheminderéformes
ZONE EURO
Anne Bauer
abauer@lesechos.fr
—Bureau de Bruxelles
Pour la Grèce, le principal obstacle
est finalement franchi mais le plus
dur reste à construire. Ce lundi,
Athènes a obtenu le prêt d’urgence
de 7,16 milliards d’euros des Euro-
péenspromisenéchangedel’adop-
tiond’unpremiertrainderéformes.
Cela lui a permis de rembourser
4,2 milliards d’euros à la Banque
centrale européenne (BCE) et de
régler ses arriérés de paiement à
hauteur de 2 milliards au Fonds
monétaire international (FMI). Les
banques ont rouvert dans le calme
tandis que la hausse des taux de
TVA votée dans la nuit de mercredi
à jeudi est entrée en vigueur.
La Grèce est donc à jour sur sa
dette et dispose encore de quelque
800millionsd’eurospourfaireface
aux nouvelles échéances dues jus-
qu’à la mi-août. D’ici là, si tout se
passe bien, les négociations sur le
troisième plan d’aides d’un mon-
tant maximum de 86 milliards
d’eurosserontterminéesetleMéca-
nisme européen de stabilité (MES)
pourra rembourser le prêt
d’urgence et avancer les sommes
nécessaires pour qu’Athènes rem-
bourse la deuxième échéance
annuelle importante due à la BCE.
Le 20 août, 3,2 milliards d’euros
d’obligations grecques arrivent à
maturité.
Pour obtenir le feu vert final à
l’ouverture des négociations sur
son plan d’aides, Athènes doit
encore voter ce mercredi deux
réformes supplémentaires : l’une
sur la transposition dans le droit
grecdesnouvellesrèglesdel’Union
bancaire, notamment pour traiter
les faillites bancaires, et l’autre sur
une refonte du code de procédure
civile, afin d’accélérer le fonction-
nement des tribunaux civils, trop
lents et trop coûteux.
Il restera alors quatre petites
semaines aux créanciers et au gou-
vernement grec pour coucher les
termesdel’accord,etnotammentla
longue liste des réformes promises
en échange d’un nouveau finance-
ment. A l’issue de six mois de dis-
cussion, chacun sait à peu près à
quois’entenir.LaGrècedoitappro-
fondir sa réforme des retraites d’ici
àoctobre2015,renforcerlaconcur-
renceenouvrantplusieurssecteurs
et professions réglementés (par
exemplelestransportsparferry),et
introduire de la concurrence sur le
marchédel’électricité.Elledoitéga-
lementmodernisersondroitdutra-
vail et son administration publique
quidoitêtre« dépolitisée ».Enfin,il
lui faut définir un programme de
privatisation sérieux, à même d’ali-
menter le fonds de garantie exigé
lors du sommet de la zone euro.
Du côté des créanciers, il faut
ajuster les prévisions de besoins de
financement. Le patron du MES,
Klaus Regling pense qu’il devra
engager quelque 50 milliards
d’euros,àconditionqueleFMIpar-
ticipeauprogamme,quelesprivati-
sations fonctionnent et en suppo-
sant qu’en 2017 ou 2018, la Grèce
pourra revenir partiellement sur
les marchés. « 86 milliards est une
enveloppe globale, mais si le pro-
grammeestbienappliqué,lesbesoins
peuvent s’avérer inférieurs », expli-
que-t-on à Bruxelles.
Quant à l’allégement de dette via
un « allongement éventueldespério-
desdegrâceetdesdélaisderembour-
sement », comme l’ont promis les
chefs d’Etat, il est subordonné à la
mise en œuvre intégrale des mesu-
res et après un premier examen
positif. Soit au plus tôt en octobre,
voire plus tard, si la Grèce ne par-
vient pas à mettre en œuvre assez
de réformes. n
l Après le remboursement de la BCE et du FMI,
la Grèce est à jour dans le paiement de ses dettes.
l Quatre semaines de négociations s’ouvrent pour définir
les conditions de son nouveau sauvetage.
Edouard Lederer
elederer@lesechos.fr
Maintesfoisrepousséeaucoursdes
très dures négociations entre la
Grèce et ses créanciers, la mesure a
enfin été mise en œuvre : lundi,
après trois semaines de fermeture
forcée, les agences bancaires grec-
quesontbeletbienpurouvrirleurs
portes. Avec les files s’allongeant
devant les distributeurs automati-
ques, c’était l’un des signes les plus
forts du Grexit frôlé par le pays.
1 LA SITUATION EST-ELLE
REVENUE À LA NORMALE ?
Les agences rouvrent, mais les
contrôles des capitaux demeurent :
les Grecs ne peuvent toujours pas
retirer plus de 300 euros cette
semaine — 420 euros à partir de la
semaine prochaine — et les paie-
ments vers l’étranger restent très
encadrés. Dans ces conditions, les
services qui pourront leur être ren-
dus aux guichets seront limités.
« Nous abordons une nouvelle étape
que nous espérons être la première
d’un retour à la normale, a com-
menté Loùka Katséli, présidente
non exécutive de National Bank of
Greece (NBG). Mais la route sera
longue : les banques grecques res-
tent sous perfusion des liquidités
d’urgence de la BCE, et la Bourse
d’Athènes — où sont cotées les qua-
tre grandes banques du pays —
reste fermée pour l’heure. Pour
vérifier leur état de santé, le gen-
darmebancaireeuropéen(MSU)va
mener sa propre enquête à
l’automne : le Parlement grec doit
d’ailleurs entériner mercredi cette
nouvelle étape.
2 LE RENFLOUEMENT
ENVISAGÉ SUFFIRA-T-IL ?
Sur le papier, le Mécanisme euro-
péen de stabilité (MES) est prêt à
injecter 10 à 25 milliards d’euros de
fonds propres dans les quatre prin-
cipales banques du pays. Le mon-
tant réellement nécessaire reste à
définir pour au moins deux rai-
sons : la première est que le
contrôle des capitaux — rendu
nécessaire pour éviter un « bank
run » mortifère — abîme l’écono-
miegrecque :payeretsefairepayer
devenant plus difficile, le nombre
d’incidents de remboursement de
crédit pourrait s’être multiplié.
PourRBS,lapartdeprêts« nonper-
formants » (NPL) pourrait bondir
de 10 à 20 points de base.
La seconde raison est que, pour
l’heure, les fonds propres régle-
mentaires des banques grecques
sont constitués en moyenne pour
moitié de crédits d’impôt différés
(« DTA »). Ce mode de calcul avan-
tageux existe aussi en Espagne ou
en Italie, mais pourrait être mis en
question par la BCE qui cherche au
contraire à réduire les exceptions
nationales.
3 LES QUATRE BANQUES
VONT-ELLES SURVIVRE ?
Dans le meilleur des scénarios, le
nombre de prêts « non perfor-
mants » n’explose pas et le régime
des « DTA » est maintenu : dans ce
cas, après une intervention à
25 milliards d’euros du MES, le sec-
teur serait même excédentaire en
fonds propres, selon RBS.
Dans le cas opposé, une banque
affaiblie pourrait être mise en
« résolution » par les autorités
européennes — mécanisme pou-
vantmeneràlaliquidation,etquele
Parlement grec doit intégrer mer-
credi en droit national. Mais cette
solution n’en serait sans doute pas
une : dans ce nouveau régime, les
investisseurssontsollicitésenprio-
rité pour renflouer la banque. Or,
dans le cas grec la « couche »
d’actionnairesetdecréanciersàsol-
liciter est limitée, si bien que les
épargnants et les PME devraient
contribuer en faisant une croix sur
l e u r s d é p ô t s a u - d e l à d e s
100.000 euros garantis à travers le
Vieux Continent. De quoi endom-
mager encore plus la fragile écono-
mie grecque…
Resterait alors à envisager une
concentration du secteur ? « Je n’y
croispaspourdesraisonsdeconcur-
rence : cela reviendrait à limiter le
nombredebanquesdequatreàdeux
seulement », souligne un analyste
bancaire. Deux options pourraient
encore être explorées : diminuer la
voilure à l’international, à l’image
de la Banque du Pirée qui a cédé en
mai dernier sa filiale égyptienne.
Ou que les investisseurs privés
interviennent en direct pour
consolider l’édifice. Est-ce un
signe avant-coureur ? Dans un
courrier dont a pris connaissance
l’agence Bloomberg, des créanciers
seniors de NBG font savoir qu’ils
envisageraient « d’accroître leur
engagement financier » à l’égard de
cette banque. Une façon d’éviter de
perdre encore davantage en cas de
problème. n
Lesbanquesgrecquesontenfinrouvert,maisleuravenirresteflou
Les agences bancaires
ont rouvert lundi après
trois semaines de ferme-
ture. Mais le retour à la
normale est encore loin.
Le contrôle des capitaux demeure. Les Grecs ne peuvent toujours
pas retirer plus de 300 euros cette semaine. Photo AFP
Le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, doit encore faire voter
ce mercredi deux réformes supplémentaires. Photo Sipa
Athènes doit
moderniser son
marché du travail.
Il lui faut aussi définir
un programme de
privatisation sérieux,
à même d’alimenter le
fonds de garantie exigé
par les Européens.
04// Mardi 21 juillet 2015 Les Echos
MONDE
5. Les Echos Mardi 21 juillet 2015 MONDE//05
Virginie Robert
vrobert@lesechos.fr
L’accord de Vienne du 14 juillet qui
prévoit une levée progressive des
sanctions contre l’Iran pourvu qu’il
gèlesonprogrammenucléaireaété
approuvé lundi par le Conseil de
sécurité de l’ONU comme par les
ministres européens des affaires
étrangères. « Les prochaines semai-
nes seront déterminantes », a averti
l’ambassadeur français à l’ONU,
François Delattre. « Nous jugerons
sur pièces de la volonté de l’Iran de
fairedecetaccordunsuccès. »S’ilest
accepté par le Congrès américain
dans une soixantaine de jours, et si
l’Agence internationale de l’énergie
atomique confirme, en fin d’année,
la tenue par l’Iran de ses engage-
ments, le pays va retrouver de
l’oxygène.
Les industriels français ne s’y
trompent pas. L’Iran peut devenir
un débouché clef pour les acteurs
de l’aéronautique, de l’automobile
etdel’agroalimentaire.Toutefois,la
clausede« snapback »prévuedans
l’accord, qui stipule le retour auto-
matiquedessanctionsencasdevio-
lation, a pu inquiéter certaines
entreprises. Ce mécanisme, prévu
pour dix ans, devrait être bientôt
prorogé de cinq ans. Prêtes à réin-
vestir en Iran, les entreprises ne
veulent pas perdre le bénéfice de
leurs investissements au cas où les
aléas de la politique iranienne
recréeraien t un danger de
nucléaire militaire. Cette clause est
surtout« uneincitationforteàceque
les Iraniens tiennent leurs engage-
ments », explique un diplomate
impliqué dans les négociations. Il y
a, en effet, un intérêt collectif à ce
que l’accord fonctionne et, par
conséquent, à ce que le « snap
back » ne soit pas mis en œuvre. Ce
mécanisme peut être actionné en
cas de « non-performance significa-
tive » de l’accord, ce qui signifierait
de toute manière un scénario
de crise.
Le Medef prépare une visite
pour la fin septembre
Toutefois, « si rétablissement des
sanctions il y avait, elles ne seraient
pas rétroactives et ne vaudraient que
pour l’avenir », assure le diplomate.
Etdenoterquelerétablissementde
sanctions onusiennes, adoptées
depuis 2006, n’est pas contraignant
pour le financement. Ce sont les
sanctions américaines qui ont été
les plus drastiques, avecl’expulsion
de l’Iran du réseau international de
paiement SWIFT dans les années
2000 ainsi que celles de l’Union
européenneen2012quiontinterdit
toutes relations avec l’Iran. Certai-
nes sociétés ont, néanmoins, main-
tenu des contacts ou une présence
sur place, à l’instar de Total, Peu-
geot ou Renault. Une réunion est
organiséecemardiauQuaid’Orsay
avec une cinquantaine de sociétés
pour faire le point et expliquer ce
quipeutsefaireoupas.LeTrésoret
Bercy travaillent également sur le
sujet. Le Medef, qui avait organisé
une première visite exploratoire à
Téhéran en février 2014, prépare
unedeuxièmevisitepourlafinsep-
tembre. Laurent Fabius, qui a indi-
qué qu’il se rendrait à Téhéran,
laisse encore planer le doute sur
soncalendrier.Enrevanche,levice-
chancelier et ministre allemand de
l’Economie, Sigmar Gabriel, était
déjàsurplacelundi.Ilanotamment
évoquéledroitàlasécuritéd’Israël.
Le ministre iranien du Pétrole,
Bijan Zanganeh a, de son côté,
annoncé que seraient dévoilés en
septembre « les nouveaux contrats
concernant les compagnies pétroliè-
res internationales ». Et d’ajouter
« la base de tous ces développements
est que nos relations bancaires [avec
le reste du monde] et les assurances
à l’exportation soient activées » de
nouveau. « La principale difficulté
est de récréer des réseaux financiers
efficaces », souligne Alexandre
Sudron, cofondateur du cercle Iran
Economie. Or, les banques euro-
péennes et françaises, en particu-
lier celles qui ont une licence ban-
caire aux Etats-Unis, sont pour le
moment particulièrement réticen-
tes à se lancer. L’amende de plus de
8,9 milliards de dollars infligée l’an
dernier par les Etats-Unis à BNP
Paribas pour des transactions avec
des pays soumis à embargo « est
dans tous les esprits », rappelait
récemment l’agence Reuters. Les
banques attendent une symétrie
totale de la levée des sanctions aux
Etats-UnisetenEurope.LaGrande-
Bretagne, l’Allemagne et la France
ont demandé des éclaircissements
auxAméricainsàcesujet.« Lalevée
partielle, après novembre 2014, dans
l’aéronautique et pour le fonds sou-
verainiranienàl’étrangern’apasété
concluante car les flux n’étaient pas
là », observe Alexandre Sudron.
Dans les mois qui viennent, la con-
currence sera forte, non seulement
entre Européens et Anglo-Saxons,
mais aussi avec les Asiatiques qui
ont profité de l’embargo pour pren-
dre position. n
NUCLÉAIRE
Le Conseil de sécurité
a adopté lundi
à l’unanimité une
résolution qui entérine
l’accord nucléaire.
Les entreprises
s’interrogent
sur les conditions
du retour à la normale.
LeConseildesécuritédel’ONUetl’Union
européenneapprouventl’accordavecl’Iran
Le vice-chancelier et ministre allemand de l’Economie, Sigmar Gabriel (à gauche), a rencontré,
à Téhéran lundi, le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh. M. Gabriel était accompagné
d’une délégation des secteurs économique et scientifique. Photo Ebrahim Noroozi/AP/Sipa
« Nous jugerons
sur pièces
de la volonté
de l’Iran de faire
de cet accord
un succès. »
FRANÇOIS DELATTRE
Ambassadeur français à l’ONU
Sipa
3 QUESTIONS À...
PIERRE RABHI
Agroécologiste et fondateur
du mouvement Colibris
« Ilesturgentdeprendre
consciencedenotre
inconsciencesurl’état
delaplanète »
Propos recueillis par
Joël Cossardeaux
jcossardeaux@lesechos.fr
François Hollande ouvre
ce matin le Sommet des
consciences co-organisé
au Conseil économique, social
et environnemental (Cese) par
Nicolas Hulot, envoyé spécial
auprès du président de la Répu-
blique française pour la protec-
tion de la planète, les éditions
Bayard Presse et plusieurs ONG
internationales. L’objectif est de
lancer un appel pour le climat
en amont de la COP21, à Paris,
notamment par la voix d’une
quarantaine de personnalités
philosophes, spirituelles, et
humanistes. L’agroécologiste
Pierre Rabhi fait partie de ces
grandesautoritésassociéesàcet
événement qui veut secouer les
consciences sur les enjeux
climatiques.
1 Quel message allez-vous
faire porter à ce sommet ?
Qu’il faut prendre conscience de
notre inconscience. Nous n’arrê-
tonspasd’infligerdesdégâtsterri-
bles à la nature qu’il faut ensuite
répareretqu’ilvaudraitmieuxévi-
ter car ils sont préjudiciables au
développement humain. Prenez
les sols. Tous les jours, des quanti-
tés astronomiques de produits
chimiques y sont déversées,
entraînantleurempoisonnement.
Nous sommes vraiment entrés
dans un processus mortifère dont
nous n’avons pas idée.
2 La prise de conscience
collective des dangers
du réchauffement est-elle
plus forte ?
Franchement, je l’ignore. Mais je
suis sûr d’une chose c’est qu’il faut
sortir des vœux pieux et qu’il y a
une urgence absolue à agir
aujourd’hui. Tous les jours, la pla-
nète perd de sa biodiversité. Son-
gez que 60 % de son patrimoine
natureladisparu.Unpeupartout,
l’état de notre biosphère ne cesse
de se dégrader. L’épuisement des
ressources halieutiques s’accélère
et la désertification avance à
grands pas. Prenez l’Afrique. La
zone sahélienne, qui sépare le
Sahara de la forêt tropicale, conti-
nue de s’étendre. Les prélève-
ments sur la ressource en bois
pour faire du feu sont énormes.
Cette situation est extrêmement
préjudiciable à l’environnement.
La désertification croissante qui
s’ensuit a pour effet d’accélérer le
réchauffement. Les rayons du
soleil ne sont plus absorbés par le
couvert végétal qui occupait la
région. Il n’y a plus de condensa-
tion. L’atmosphère et les sols se
dessèchent. Et au final, c’est
l’homme qui paie.
3 Comment lutter ?
Le simple fait de reboiser ces
zonespeutpermettrederalentirle
phénomène. C’est en grande par-
tielesensdesactionsd’agro-écolo-
gie que j’ai menées. L’enjeu est de
pouvoir faire face aux besoins ali-
mentaires essentiels des popula-
tions tout en préservant la nature,
voire en la réhabilitant, notam-
ment en régénérant des sols très
appauvris. Nous y sommes parve-
nus au Burkina Faso, où nous
avons pu créer un centre de for-
mation qui facilite la transmis-
sions de techniques agricoles res-
pectueuses de l’environnement.
Cela fonctionne plutôt bien dans
les pays du Sud. Mais ces progrès
ne sont possibles qu’avec la
mobilisation de tous et ils dépen-
dent de prises de décisions politi-
ques fortes. n
Climat :Parisveutdescompromis« maintenant »
Ils sont 40 ministres et chefs de
délégation, pas moins, venus du
monde entier et réunis depuis ce
lundiàParispourpréciserleslignes
– pour l’heure encore bien floues –
du futur accord qui, mi-décembre,
engageratouslesEtatsdelaplanète
à en limiter le réchauffement.
Une des nombreuses étapes pré-
liminaires à la conférence de l’ONU
sur le climat, la COP21, qui va se
tenir dans la capitale française en
décembre prochain. Un rendez-
vous informel, qui ne rentre pas
danslecalendrierdesnégociations,
mais que Laurent Fabius, son insti-
gateur, espère plus fructueux que
lesprécédents.Ladernièreréunion
en date, celle qui réunissait le mois
dernier à Bonn les représentants
des 195 pays concernés, n’a pas per-
misde faire sortirleprojetd’accord
de son état de brouillon ouvert à
toutes les options.
Au grand dam du ministre fran-
çais des Affaires étrangères, qui
tientàcequelesnégociationsabou-
tissent très en amont de la COP21 et
non pas dans la dernière ligne
droite et sans résultat, comme à
Copenhague en 2009. « Ces deux
jours,nousallonsessayerd’accélérer
la marche vers l’accord », a expliqué
lundi devant ses hôtes Laurent
Fabius, toujours aussi volontaire,
maiségalementlucidesurlatâcheà
mener.« Ilnousfaut,nousministres,
chercherdèsmaintenantlescompro-
mis sur les grandes questions politi-
ques qui se posent, et c’est sur cette
base que nos négociateurs vont pou-
voiravancer »,adétaillélechefdela
diplomatie française.
Quelques avancées
Deux enjeux sont au menu de ce
round de négociations d’à peine
quarante-huit heures : la réparti-
tion de l’effort entre pays riches et
pauvres, et le niveau d’ambition du
futur accord qui doit s’appliquer à
compterde2020.S’agissantdupre-
mier point, la confiance est loin de
régner. Les pays en développement
considèrent que les engagements
prisparlespaysdéveloppésnesont
pasauniveaudeleurresponsabilité
historique dans les émissions de
CO2, principales responsables du
dérèglement climatique.
La Fondation Nicolas Hulot
(FNH), qui a pris la mesure des
engagements annoncés par
46 pays, en majorité développés,
estime que l’on s’oriente vers une
hausse de 3 à 4 degrés du thermo-
mètre. Un scénario qui n’est pas du
tout au niveau des attentes placées
dans le futur accord. Celui-ci vise le
maintien du réchauffement sous
2 degrés, voire 1,5 degré.
La question des financements
des politiques climatiques, qui met
en jeu la promesse de mobiliser
100 milliards de dollars par an en
direction des pays pauvres, est
encore plus épineuse. Mais ce dos-
sier semble bénéficier de quelques
avancées, a indiqué le ministre des
Affaires étrangères. Il sera sur la
tabledesnégociationsles6et7sep-
tembreàParis,puisàLimaenocto-
bre,enmarged’uneassembléeFMI-
Banque mondiale. Avant de revenir
à Paris début novembre pour une
ultime « pré-COP ». — J. Co.
ENVIRONNEMENT
Laurent Fabius réunit
à Paris 40 ministres
pour enclencher
enfin les négociations
sur le climat.
Laurent Fabius espère que ce rendez-vous informel sera plus
fructueux que les précédents. Photo Dursun Aydemir/Anadolu Agency/AFP
« L’enjeu est de
pouvoir faire face aux
besoins alimentaires
essentiels
des populations
tout en préservant
la nature, voire
en la réhabilitant. »
6. 06//MONDE Mardi 21 juillet 2015 Les Echos
RADIO DE L’ANNÉE
700000
AUDITEURS*
#1
#1
Source : Médiamétrie, 126 000, L à V, 5h-24h, 13 ans et +
*Avril-Juin 15 vs Avril-Juin 14, AC, +699 000 auditeurs / ** Septembre14-Juin15 / ***AJ15, JM14, ND14, évolution annuelle en AC.
Toute la Saison, sur Tous les Critères** :
1ère
en Part d’Audience
1ère
en Audience Cumulée
1ère
en Durée d’Écoute
Plus forte hausse de toutes les radios,
pour la 3ème
fois consécutive***
Merci à tous les auditeurs !
Merci à toutes les équipes !
Présidentielleàhauts
risquesauBurundi
Yves Bourdillon
ybourdillon@lesechos.fr
C’est un scrutin controversé et sous
haute tension qui se déroule ce
mardiauBurundi.Sousl’œilattentif
des chancelleries occidentales, qui
saventcombienestvolatilelarégion
des Grands Lacs où se situe ce pays
de 9 millions d’habitants. Le
Burundi faisait partie des huit Etats
impliqués dans la deuxième guerre
du Congo et a été secoué par une
guerrecivilequiafait300.000morts
entreizeans(1993-2005).
C’estd’ailleursl’accordderéconci-
liationnationaled’Arushaayantmis
fin à ce conflit que le président sor-
tant, Pierre Nkurunziza, viole en se
présentant à un troisième mandat.
Unedécisionjugéeanticonstitution-
nelle par les opposants, mais aussi
par nombre de dirigeants occiden-
taux,notammentlesecrétaired’Etat
John Kerry. L’Union européenne
menace de suspendre sa coopéra-
tion, dans le sillage de la Belgique,
l’anciennepuissancecoloniale.
« Tous les éléments d’un conflit
ouvert sont en place », avertissait
récemment l’International Crisis
Group. Un diagnostic inquiétant
quand on sait que l’histoire du pays
a été marquée par des massacres
entre Hutus et Tutsis, un classique
terrible dans la région, en 1965,
1969, 1972, 1988, 1991 et 1993, même
si les tensions actuelles n’opposent
pas tant Hutus (l’ethnie du prési-
dent) et Tutsis que partisans du
parti au pouvoir et opposants.
Tentative de coup d’Etat
Depuis l’annonce de la candidature
de Pierre Nkurunziza, fin avril, les
violences ont fait 80 morts, des
opposants et des journalistes ont
choisi la clandestinité ou l’exil en
raison du climat de peur instauré
par les milices des jeunes du parti
CNDD-FDD présidentiel et le
régimeamatémi-juin,pardestirsà
balles réelles, six semaines de
manifestations. Des militaires ont
aussi tenté il y a deux mois, sans
succès, un coup d’Etat pour renver-
ser Pierre Nkurunziza. Le scrutin a
déjà été repoussé à deux reprises et
la situation était encore extrême-
ment tendue ces derniers jours.
L’issue de l’élection ne fait aucun
doute, puisque le principal candi-
dat d’opposition, Agathon Rwasa,
n’a pas fait campagne et conteste
par avance la légitimité du scrutin.
Dans ce contexte, il est difficile
d’imaginer un apaisement institu-
tionnel et sécuritaire après le scru-
tin. Alors que le pays doit résoudre
des problèmes économiques et
sociaux cruciaux, aggravés par les
troubles récents au point qu’on
signale des pénuries de fuel, médi-
caments et combustible. Le revenu
moyenparhabitantestl’undesplus
bas du monde, à environ 20 euros
par mois, le chômage sévit et le
pays,trèsmajoritairementagricole,
n’exporte pratiquement rien. L’aide
internationale représente, elle, la
moitié des dépenses de l’Etat. n
l Le scrutin de ce mardi est dénoncé par la communauté internationale.
l La campagne s’est déroulée dans un climat de tension extrême.
Le chiffre est spectaculaire,
même si les défis à relever sont
encore immenses. Un milliard
de personnes sont sorties de
l’extrême pauvreté en l’espace
de quinze ans dans les pays en
voie de développement : telle
estl’unedesprincipalesconclu-
sions du rapport de 2015 des
Nations unies sur les Objectifs
du Millénaire pour le dévelop-
pement(OMD),définisen2000
par son ancien secrétaire géné-
ral, Kofi Annan.
Al’époque,l’institutioninter-
nationale tire la sonnette d’a-
larme. Il lui incombe, juge-t-
elle, de « faire en sorte que la
mondialisation profite à tous et
non pas à quelques-uns, que la
paix et la sécurité soient le lot de
lamajoritéetnonpasdelamino-
rité ; que des perspectives
s’ouvrentnonseulementpourles
privilégiés, mais pour tous les
êtres humains, où qu’ils soient. »
Pour ce faire, elle se fixe neuf
objectifs dans les domaines de
l’emploi, l’éducation, la morta-
lité,lasantéouencorel’environ-
nement. Aussi se félicite-t-elle
aujourd’hui des résultats obte-
nus, les qualifiant de « mouve-
ment de lutte contre la pauvreté
le plus réussi de l’Histoire ».
La Chine comme moteur
La proportion de personnes
vivant avec moins de 1,25 dollar
parjourestainsipasséede36 %
en1990à15 %en2011–unobjec-
tif atteint avec quatre ans
d’avance sur le calendrier ini-
tial. Ce taux devrait chuter à
12 % dès cette année, selon les
estimations des Nations unies.
Evidemment, cette progres-
sion ne s’est pas opérée partout
au même rythme. Tirée par sa
croissance spectaculaire de-
puis plusieurs décennies, la
Chine fait office de locomotive.
Sous son impulsion, le taux
d’extrême pauvreté en Asie de
l’Estachutéàseulement4 %en
2015, contre 61 % en 1990.
Les progrès de l’Asie du Sud
sont presque aussi impression-
nants, avec une diminution de
5 2 % à 1 7 % s u r l a m ê m e
période ; ils sont en revanche
plus lents en Afrique subsaha-
rienne, où plus de 40 % de la
populationviventtoujoursdans
unétatd’extrêmepauvreté,etce
malgré des progrès notables.
L’Asie de l’Ouest,
le mauvais élève
A rebours de ces tendances,
l’Asie de l’Ouest, qui comprend
essentiellement les pays du
monde arabe, dont certains
sont en pleine crise (Irak, Syrie,
Yémen), joue les mauvais élè-
ves.L’extrêmepauvretéyapro-
gressé de 1 point entre 2011
et 2015. Il est vrai qu’elle y était
aussi beaucoup plus faible, les
personnes vivant avec moins
de1,25dollarparjournerepré-
sentant que 3 % de la popula-
tion de cette zone. Par ailleurs,
60 % du milliard de personnes
encore considérées comme
extrêmement pauvres vivent
dans seulement cinq pays :
l’Inde, le Nigeria, la Chine, le
Bangladesh et la République
du Congo.
« Parmi le milliard de person-
nes vivant toujours dans une
extrême pauvreté, on ne sait pas
combien il y a de femmes et de
filles », indique le rapport. Mais
elles sont plus susceptibles de
vivre dans des conditions pré-
caires dans 41 pays sur les 75
disposant de données fiables et
souffrent de discriminations
danslesdomainesdelasantéet
de l’éducation.
Les effets négatifs
de la crise
La réduction de la pauvreté
allant de pair avec la situation
de l’emploi, les Nations unies
s’inquiètent pourtant : «L’em-
ploi ne se développe pas assez
v i t e p o u r a b s o r b e r u n e
main-d’œuvre en augmenta-
tion.» La cause ? Le ralentisse-
ment de l’économie mondiale
et « une accentuation des inéga-
lités et des perturbations finan-
cières ». Quelque 204 millions
de personnes en âge de tra-
vailler demeurent ainsi sans
emploi en 2015, soit 31 millions
de plus qu’avant la crise écono-
miquede2008.Labataillecon-
tre la pauvreté, estime enfin le
rapport, ne sera gagnée que si
les pays en développement, et
au premier chef les BRICS,
renouent avec une croissance
« durable et inclusive ». — A. L.
L’extrêmepauvreté
reculedanslemonde
Dans les pays en voie
de développement,
1 milliard de personnes
ont passé le seuil de
1,25 dollar par jour
en quinze ans.
AFRIQUE
L’ONU parle
de « mouvement
de lutte contre la
pauvreté le plus
réussi de l’histoire ».
7. LeLivretAn’estpasunproduitd’épargne
commelesautres,onlesait.Avec
l’assurance-vie,c’estmêmeleplacement
préférédesFrançais.Danscesconditions,
ramenersarémunérationà0,75 %,une
premièreenprèsdedeuxcentsans
d’histoire,nepeutpaspasserinaperçu.Mais
unrapidecalculpermetdemesurerl’impact
réeldeladécisionquevientdeprendre
legouvernement.Ilserade65centimes
d’europarmoispourlesdétenteursd’un
LivretAmoyen.Mêmepasleprixd’une
baguette !C’estdiresilesprécautions
d’orfèvrequ’aprisl’exécutifavantd’acter
cettedécisionsontdisproportionnées.C’est
direaussisilapolémiquequecettebaisse
nevapasmanquerdesouleverdansles
prochainsjoursaunomdeladéfensedu
pouvoird’achatdesFrançaisseradénuée
defondement.D’autantquecequipeut
apparaîtrecommeunmauvaiscoupporté
auxépargnants–uneimpressionàrelativiser,puisqueson
rendementseraencoreplusdedeuxfoissupérieuràl’inflation,
cequin’apasdûluiarriversisouvent !–estsurtoutunebonne
nouvellepourl’économiedupays.
Enfait,dansunmondeoùl’inflationestquasinulleetlestaux
directeursdesbanquescentralesguèreplusélevés,rémunérerà
1 %unplacementliquideetgarantiestdoublementaberrant.
D’abord,celarevientàorienterartificiellementl’épargneversun
produitsansrisqueauprixd’unesubventioncoûteuse.Unnon-
sens,quandlalogiqueéconomiquecommandedeproportionner
larémunérationd’unplacementàsonniveauderisque.Alorsc’est
vrai,danscertainscas,cetteoptionpeutavoirdusens.Siles
sommescollectéess’investissentdansdesprojetsporteurspourle
pays,cevolontarismepolitiquepeutmêmeêtrepayant.Mais,avec
leLivretA,c’estlecontrairequisepasse.C’estlàlaseconde
aberration.Surrémunérée,l’épargnecollectéenepeutpasêtre
prêtéeàdestauxdemarchéauxorganismesHLMauxquelselle
estpourtantdestinée.Elleesttropchère !Pourconstruiredes
logementssociaux,cesderniersontdoncintérêtàallersefinancer
ailleurs.Résultat,lesfondsduLivretArestentinutilisésetviennent
grossirletrésordeguerredelaCaissedesDépôtsetConsignations
aulieud’irriguerl’économie.Enserésolvantenfinàégratignerla
vachesacréeduLivretA,legouvernementfaitdoncunpasdansla
bonnedirection.Unpetitpas,certes,puisquelabaissedutauxse
limiteàunquartdepoint,quandlerespectdesrèglesauraitdû
conduireaudouble,maisquivapermettredecorrigerletir.Ilétait
temps,aprèstroisannéesd’erreursensériequiontfaitduLivretA
uneformidablemachineàstériliserl’épargnedesFrançais.
( Lire nos informations
Page 24
L’ÉDITORIAL
DES « ÉCHOS »
LivretA :pourquelques
eurosdemoins
Rémunérer
à 1 % un
placement
liquide et
garanti est
une double
aberration.
Par François
Vidal
DANS LA PRESSE ÉTRANGÈRE
égalité, estime le « New York
Times ».Cetteconfiancedansle
gouvernement nigérian est
essentielle à l’accroissement de
l’aidemilitaireaméricainedans
la lutte contre le groupe terro-
riste, l’un des grands enjeux de
cette rencontre. Soucieux
d’obtenir une aide militaire des
Etats-Unis, le Nigeria devrait
démontrer qu’il est dans leur
intérêt de
se joindre
à l a l u t t e
antiterro-
riste. Cela,
alorsqueBokoHarams’estrap-
proché du groupe Etat islami-
que en mai.
« Si le Nigeria tombait aux
mains de Boko Haram, le chaos
syrien serait un jeu d’enfant » en
comparaison, avertit le journal
new-yorkais. Mais Muham-
madu Buhari devrait surfer sur
l’intérêt actuel des Etats-Unis
poursonpaysetallerplusloin :
ceux-ci ont également les
moyens d’aider à combattre la
corruption, l’autre fléau qui
gangrène la première écono-
mie africaine. —L. D.
• Cela ne peut pas être pire
qu’avec Goodluck Jonathan.
C’estcequepensele« NewYork
Times » de la rencontre entre
son successeur au poste de
président du Nigeria, Muham-
madu Buhari, et Barack
Obama, qui devait avoir lieu à
la Maison-Blanche lundi.
Passage obligé pour les
nouveaux présidents – les trois
derniers, à
peine élus,
se sont pliés
à ce rituel –
cette ren-
contre constitue une opportu-
n i t é p o u r M u h a m m a d u
Buhari,éluenmars,derelancer
les relations bilatérales. Dété-
riorées sous l’ancienne prési-
dence nigériane, elles se sont
tendues davantage lorsque les
Etats-Unisontrefusédefournir
des armes à Abuja pour lutter
contre Boko Haram. Les Amé-
ricains se disaient alors préoc-
cupésparlesexactionscommi-
ses par l’armée régulière.
Le gouvernement nigérian
doit donc atteindre un nouvel
équilibre alliant confiance et
LeNigeriavientàWashington
chercherl’appuidelaMaison-Blanche
LE POINT
DE VUE
de Nicolas von Bülow
L’Europedoitseressaisir
faceàlarévolution
numérique
répondantdeséquivalentseuropéens–,
tout a changé dans les vingt dernières
années. La prédation est désormais à
quasi-sens unique. La valeur ajoutée,
les emplois de haut niveau, les sièges
sociaux, la recherche, les moyens
d’action seront là où les leaders indus-
trielssontinstallés,c’est-à-direàcejour
en Amérique du Nord et, dans une
moindre mesure, en Asie.
Certes, ces dernières années sem-
blent marquer une prise de conscience
collective ; de la part des pouvoirs
publics, des entreprises traditionnelles
et, de façon bien plus importante
encore, par les nouvelles générations
d’actifs. Le mouvement est extrême-
ment notable, plus particulièrement
depuis quatre ou cinq ans. Mais il est à
craindre que cela ne soit pas suffisant
facelabrutalitéduprocessusengagé,et
il faudra un effort d’une ampleur bien
plus considérable, sans commune
mesure avec ce qui est à l’œuvre
aujourd’hui, si l’Europe souhaite ne
serait-cequerééquilibrerpartiellement
les positions à moyen terme. La ques-
tiondunumériqueaété,jusqu’àmainte-
nant,comprisecommeunethématique
parmi d’autres, un champ d’action plus
ou moins prioritaire de nos politiques
économiques.Orlaquestionn’estpasde
cette nature ; elle est et sera la colonne
vertébrale des grandes et des petites
transformations à venir pour très long-
temps encore. A cet égard, puisque
l’enjeupourl’Europeestd’êtreunacteur
de ces dernières, il semble impératif de
reconsidérer entièrement notre appro-
che et de faire de ce sujet l’horizon cen-
tral de notre réflexion économique.
Nicolas von Bülow est partner
chez Clipperton Finance.
inimaginables dix ou quinze années en
arrière. Google, Tripadvisor, Apple
(750 milliards de dollars de valeur, soit
30 fois celle de Renault), Uber (40 mil-
liards de dollars), Facebook, Alibaba
(215 milliards de dollars), Airbnb (dont
lavaleurestiméedépassecelled’Accor)
ou Kayak sont les résultats immédiats
de ces déplacements de valeur et en
accaparent la substance.
Mais, en réalité, le numérique recou-
vre un phénomène bien plus vaste. Il
n’est rien de moins qu’une nouvelle clef
d’entrée pour notre système économi-
que et social : Google et Tesla, par des
approches très différentes, vont trans-
former en profondeur le secteur auto-
mobile ; SpaceX a contraint Arianes-
pace à revoir l’ensemble de ses
programmes de développement ;
Apple et d’autres vont inévitablement
modifiernotrerapportàlasanté,etpar
conséquent également notre système
desanté ;mêmenotresystèmeéducatif,
si stable dans son organisation depuis
cent cinquante ans, sera inévitable-
ment transformé de fond en comble
dans les décennies à venir.
Or le problème auquel nous faisons
face est somme toute extrêmement
prosaïque : l’Europe a été au cœur et à
l’origine de toutes les grandes transfor-
mations industrielles et technologi-
ques. Mais la nouvelle donne économi-
que portée par le numérique a
engendré des stratégies de développe-
ment d’une rapidité et d’une amplitude
inenvisageables auparavant, condui-
sant du même coup à une concentra-
tiondemoyensquil’étaienttoutautant.
Là où s’instituait, du moins dans l’his-
toirerécente,unesorted’équilibreentre
les économies occidentales – aux insti-
tutionsetauxgroupesnord-américains
Il y a vingt ans, à peu de chose près,
unévénements’estproduit ;unévé-
nement d’une nature différente de
ceux auxquels on aimerait pouvoir le
comparer et qui l’ont précédé, différent
par ses ramifications économiques,
politiques ou sociales, différent surtout
parce qu’il ne saurait être réduit à ses
actionsouàseseffets,parcequecesont
l’ensemble de ses dimensions, la portée
et la profondeur de son emprise sur
notre monde qui en font ce moment si
particulier. Cet événement, on le
résume en un mot : le numérique.
En tant que principe technique, il n’a
rien de nouveau. Dans son acception
récente, en revanche, il est le produit
d’une concomitance de facteurs géné-
ralisésdanslesvingtdernièresannées :
la numérisation des contenus quelle
qu’en soit la nature ; la mise en réseau
systématique, celle-ci s’étendant pro-
gressivement à tous les processus et
tous les utilisateurs ; le temps réel,
rendupossibleparlesprogrèsdel’algo-
rithmique et l’accumulation exponen-
tielle des capacités de calcul. La trans-
formation induite a été et continue à
être d’une ampleur radicalement nou-
vellepournoséconomies,notreorgani-
sationsocialeetpolitique,nosmodesde
vie.Tout ceciest biensûréminemment
connu, mais c’est l’ampleur de cette
transformation et de ses conséquences
qui sont terriblement sous-estimées en
Europe, et particulièrement en France.
Son produit immédiat est pourtant
aisément lisible : une simple action sur
unréseaumatérialiseunfluxéconomi-
que et se traduit en un transfert de
valeur ajoutée, de quelques poussières
de centimes à quelques dizaines
d’euros, des milliards de fois par jour,
d’une façon et à une échelle qui étaient
La nouvelle donne numérique profite largement à l’Amérique
du Nord, qui concentre l’essentiel des entreprises, de la valeur
ajoutée et des emplois hautement qualifiés du secteur. Un défi
majeur que l’Europe doit relever pour ne pas se laisser distancer.
Le Point de vue Face à la radicalisation,
des solutions européennes
Art et culture L’exquise balade tyrannique
de Rimini Protokoll
Le Roman de l’été Brunch à Matignon (6/14)
La Science face aux
grandes énigmes
Le linceul de Turin,
faux ou authentique ?
La French touch
des architectes
Le luxe écolo du Six Senses Con Dao
SOMMAIRE
L’importance
du numérique
a été clairement
sous-estimée
en Europe.
Il faut en faire
le pilier
de nos stratégies
industrielles.
Shutterstock-«LesEchos»
Les Echos Mardi 21 juillet 2015 //07
idées&débats
8. 08//IDEES & DEBATS Mardi 21 juillet 2015 Les Echos
art&culture
L’exquisebaladetyrannique
deRiminiProtokoll
Un étrange attroupement
stationne au cimetière du
Père-Lachaise.Destouristes
venus s’extasier en masse
devant la beauté de notre
patrimoine ? Presque.
RiminiProtokollnousinvite
à redécouvrir la capitale
sous la forme d’une visite
guidéeàviséepolitiquedanslecadredeParis
Quartierd’Eté.Souscouvertd’uneexcursion
détendue, le collectif allemand enclenche
une réflexion pertinente sur la démocratie,
l’instinct grégaire, le rapport à la nature et à
la technologie, la soumission au collectif
dans« RemoteParis ».
Pendant deux heures, Margot puis Bruno
assurent dans leur rôle de « bergers sans
visage ».Cebinôme,purementvirtuel(grâce
à des casques), oriente le troupeau de cin-
quante moutons dans le nord-est parisien.
DuBellevillechinoisenpassantparl’hôpital
Saint-Louis,nousvoilàembarquésdansune
aventurequinécessitedesolideschaussures
demarche.Sousunefournaiseimpitoyable,
ponctuée d’averses bienvenues, la « horde »
déambuleselonunpérimètrebienétabli.
Loin d’être contemplative, la promenade
initiéeparRiminiProtokollinciteàrepenser
la notion même d’individu au sein d’un
groupe.Commentsecomporteràl’intérieur
d’une communauté ? Faut-il suivre le
meneurouserebeller ?Ironiqueetingénuà
la fois, notre tandem vocal souffle à nos
oreilles de fausses alternatives : pervertis-
sant le principe du « Livre
dontvousêteslehéros »,les
Allemands semblent
octroyerunepseudo-liberté
pourmieuxsouligneràquel
point nous sommes définis
par notre attachement aux
règles.
BigBrotherauditif
Difficile de sortir du rang lorsque la bride
serre autant le cou… Tels des chiens dociles,
les spectateurs-acteurs se conforment aux
invectivessansbroncher.Lesdictateursinvi-
sibles exercent leur emprise d’une main de
fer. Pourtant, « Remote Paris » offre parado-
xalement une réappropriation du territoire
par une confrontation directe entre l’espace
vert,l’urbanitéparisienneetl’envahissement
desnouvellestechnologies.Servitudevolon-
taire, certes, mais non dénuée d’émerveille-
ment. La force de la meute crée un cocon
sécurisantaumilieudelafoule :liésletemps
de cette visite, nous formons une entité dis-
parateallantdelafilletteaujeunecouple,en
passantparlespersonnesâgées.
RiminiProtokollexpérimenteavecintelli-
gence le principe de solidarité éphémère :
lançantdesdéfisloufoquesauxparticipants
(faire une ola, se lancer dans une course
effrénée, danser sans criergare ou chanton-
ner « Viens, je t’emmène »), le collectif
démontre que malgré cette tyrannie fictive,
l’individu sait engendrer une belle synergie.
Esclavesmaispastrop ! — T.N.H.R
Le temps d’une balade dans le nord-est parisien, les visiteurs expérimentent une
solidarité éphémère, à travers, notamment, des défis loufoques. Photo Expander Film
THÉÂTRE
Remote Paris
de Rimini Protokoll,
Paris Quartier d’Eté,
départ cimetière du Père-
Lachaise. Jusqu’au 8 août.
(01 44 94 98 00). 2 heures.
LE POINT
DE VUE
de Rachida Dati
Faceàlaradicalisation,
dessolutions
européennes
L’indignation planétaire suscitée
par les attentats du 26 juin nous
rappelle que le combat face à
cette barbarie criminelle est universel.
La concomitance des attentats dans
l’Isère,àSousseetdansunemosquéeau
Koweït nous l’a tristement prouvé.
Ne tombons pas dans le piège de
Daech qui confessionnalise cette lutte
pourradicalisermortellementunepar-
tiedelapopulationcontreuneautre.Ce
n’est pas un modèle confessionnel qui
veut s’imposer à nous. Ce sont des indi-
vidus radicalisés par des barbares qui
dévoientl’islam,ens’enservantcomme
une « cause ». Attentat après attentat,
nous le vérifions hélas.
La France ne s’en sortira pas seule.
L’Europeconstitueunesolutionfaceau
terrorisme et à la radicalisation.
Aujourd’hui, trop souvent, nous avan-
çons en rang dispersé, au détriment de
notresécuritéetàlagrandesatisfaction
des terroristes.
AuParlementeuropéen,j’aiétéchar-
gée d’un rapport sur la prévention de la
radicalisation et du recrutement de
citoyens européens par des organisa-
tions terroristes. Il y a, aujourd’hui,
4 actions prioritaires à mener :
1. Agir contre la radicalisation par
Internet, véritable camp d’entraine-
mentvirtuel :deseffortsontétéfaitspar
lesgéantsduNetpourretirerdesconte-
nus faisant l’apologie du terrorisme,
mais trop lentement. Je propose que
leur responsabilité pénale soit engagée
en cas de manque de coopération
rapide.Ilsdoiventégalementparticiper
à développer un contre-discours, en
agissantsurleréférencementpourque
ces messages puissent être promus.
2. Développer le renseignement
pénitentiaire : un rapport récent a mis
en lumière ses failles. A Fresnes, une
expérimentationestmenéedepuisquel-
ques mois : elle consiste en une mise à
l’écart des détenus radicalisés, dans le
butd’éviterl’impositiond’unecontrainte
radicale sur les autres détenus. Cette
expérimentation doit être généralisée !
Le personnel pénitentiaire comme les
aumôniers doivent bénéficier d’une for-
mation adéquate afin qu’ils puissent
détecter les comportements radicaux et
connaître leur processus. Le renseigne-
mentainsirecueilliseraitmieuxanalysé
etmieuxutilisépourprévenirlaradicali-
sation, le passage à l’acte et découvrir
d’éventuelsréseauxorganisés.
3. Assécher le financement du ter-
rorisme : dans mon rapport, j’exhorte
la Commission européenne, réticente
pour l’instant, à proposer une législa-
tion pour mieux détecter les circuits de
financementduterrorisme.Ilfautaussi
développer une relation plus étroite et
plus franche, notamment avec les pays
du Golfe. J’ai écrit à leurs dirigeants
pourleurdemanderdescomptessurles
mesures prises pour une meilleure
transparence de leurs flux financiers
extérieurs, notamment en Afrique sub-
saharienneetenEurope.LesEtatseuro-
péens doivent d’ailleurs être responsa-
bilisés en affichant une transparence
dans leurs relations avec ces pays et sur
lessommesvenuesdecespaysverséesà
des organisations et des associations.
4.Enfin,ilyaunsujetd’intégration
qui ne peut être éludé. Depuis trop
longtemps nous avons cyniquement
contribué à la ghettoïsation qui a con-
duit au communautarisme, qui s’est
transforméenradicalisation,pourfinir
en barbarie ! En 1995, l’affaire Khaled
Kelkal était la première alerte que nous
avons sous-estimée !
Nous devons refonder l’instance
représentative des musulmans de
France. Que tous nos compatriotes
musulmans puissent y être représentés,
s’yretrouversansdevoirfaireallégeance
à un pays étranger. Revenons, égale-
ment, à une interprétation apaisée et
ouverte de notre principe fédérateur de
laïcité.Enfaisantlecontraire,enconfes-
sionnalisant les attaques barbares, on
donnedesarmesauxindividusradicali-
séspourtenterdejustifierl’injustifiable.
Dans ce combat, soyons de ceux qui
proposentetagissentplutôtquedeceux
qui divisent et aggravent la situation.
Rachida Dati est députée
européenne.
La responsabilité pénale
des géants du Net doit
être engagée en cas
d’apologie du terrorisme.
La Commission doit
proposer une législation
afin de détecter les
circuits de financement.
LE POINT
DE VUE
de Norbert Gaillard
Pourquoil’accordsur
laGrèceestintenable
L’accord auquel le gouvernement
grecd’AléxisTsíprasetlescréan-
cierseuropéensontaboutilundi
13 juillet a permis très provisoirement
d’éviter le Grexit. Cependant, plusieurs
facteurs laissent penser que le troi-
sième plan d’aide à la Grèce (qui serait
compris entre 82 et 86 milliards
d’euros) est voué à l’échec à plus ou
moins brève échéance.
Première faiblesse fondamentale de
l’accord : le gouvernement grec et les
dirigeantseuropéensnesontpasparve-
nus à provoquer un choc de confiance
immédiatquiauraitredonnécourageà
la population grecque, facilité l’adop-
tion de l’accord par le Parlement hellé-
nique et restauré l’image quelque peu
ternie des institutions européennes. Ce
choc aurait pu avoir lieu si le compro-
misdu13juilletavaitréuniaumoinsles
deux conditions suivantes. D’une part,
un relèvement du plafond des aides
d’urgence de la BCE afin d’assurer une
réouverture des banques grecques
avant le vote à la Vouli. D’autre part,
l’instauration par les créanciers euro-
péens d’un moratoire de quelques
semaines ou quelques mois sur le rem-
boursement de la dette publique. Cette
option était d’autant plus envisageable
que le compte rendu du sommet de la
zoneeurofaitexplicitementréférenceà
« unallongementéventueldespériodes
de grâce et des délais de rembourse-
ment » (page 6).
Ensuite, à très court terme, les ris-
quesderemiseencausedel’accordsont
nombreux. Côté grec d’abord. Une par-
tie de Syriza s’est rebellée contre Aléxis
Tsípras et la Vouli n’a voté l’accord
qu’avec l’appui des conservateurs, du
centre-gauche et des socialistes. Une
recomposition de la majorité parle-
mentaire est nécessaire. L’organisation
de nouvelles élections retarderait la
miseenœuvredesréformesetpourrait
avoir raison de la patience des créan-
ciers. Par ailleurs, la situation politique
demeure très instable : l’intensification
des manifestations, des grèves ou des
émeutesprécipiteraitsansdoutelasor-
tie de la Grèce de la zone euro. Côté
européen, les incertitudes ne man-
quent pas. Un vote négatif d’une Cham-
brebasse dans l’undesEtatscréanciers
(par exemple en Autriche, Estonie,
Irlande, Lettonie ou Slovaquie) bloque-
rait l’application de l’accord pour une
durée indéterminée.
Enfin, à un peu plus long terme, ce
sontlesobjectifscontenusdansl’accord
du13juilletquiapparaîtrontinatteigna-
bles. Premièrement, les privatisations
ne permettront pas de dégager 50 mil-
liards d’euros. A supposer que l’on se
rapproche d’un tel montant, les senti-
ments nationalistes du peuple grec
seront exacerbés. Deuxièmement, le
coût de la recapitalisation des banques
est incertain et il faut s’attendre à une
concentration du secteur qui inquié-
tera les épargnants. Ce n’est pas un
hasard si l’accord gréco-européen pré-
voit « la transposition de la directive
relative au redressement des banques
et à la résolution de leurs défaillances »
(page 2). Troisièmement, la Grèce ne
remboursera pas sa dette publique car
elle est insoutenable. Le FMI et Mario
Draghi l’ont récemment rappelé.
Comme je l’analyse dans mon dernier
ouvrage (« When Sovereigns Go Ban-
krupt », Springer, 2014), les politiques
d’austérité peuvent porter leurs fruits à
condition d’être lancées suffisamment
tôt et couplées à une dévaluation et/ou
une restructuration de dette. Dès lors
qu’Athènesnepeutbénéficierd’aucune
de ces deux mesures « complémentai-
res », elle semble condamnée à un
défaut de paiement massif.
Finalement, les quinze années que la
Grèce aura passées dans la zone euro
laissent un goût amer. Jusqu’en 2009,
lesdirigeantsgrecseteuropéenssesont
allègrement affranchis des règles du
pacte de stabilité et de croissance. Les
considérations politiques ont prévalu
sur la discipline économique et budgé-
taire avec les conséquences néfastes
quel’onconnaît.Depuis2009,enrevan-
che, la logique comptable et financière
est devenue prépondérante, au détri-
ment d’une vision communautaire
claire et consensuelle. Une fois que la
page grecque aura été tournée, il sera
plus que temps de repenser la gouver-
nance de la zone euro.
Norbert Gaillard est économiste
et consultant indépendant.
L’instabilité politique
grecque menace
l’application
du nouvel accord.
La Grèce ne
remboursera pas
sa dette publique car
elle est insoutenable.
Latournéedeladette
desTréteauxdeFrance
Philippe Chevilley
pchevilley@lesechos.fr
Lesmotsexplosentcomme
des pétards dans la cour de
l’espace Jean-Baptiste Niel
de Valréas : « Enfin qu’y
a-t-il de déshonorant à
devoir ?Est-ilunseulEtaten
Europe qui n’ait des dettes ? » Balzac, en
1840, aurait-il eu la prescience de la crise
grecque ? Un rire malin secoue les gradins.
Le public, ravi, constate que ce « Faiseur »
qui vient tout juste de commencer n’est pas
un vaudeville poussiéreux signé de l’auteur
de la « Comédie humaine », mais une fable
trèsenphaseavecnotretemps.Alatêtedes
Tréteaux de France depuis quatre ans,
Robin Renucci en offre une version cin-
glante, jouant avec les codes de la farce, du
grotesque,jusqu’aucauchemar–lecauche-
mar de la finance folle.
Cespectacleencoreenrodage(aufestival
desNuitsdel’enclavedespapes,àValréas,il
était représenté pour la sixième fois seule-
ment)estpromisàunelonguecarrièredans
les villes et les villages de France. Une vraie
tournéedeladetteproposéeparRenucciet
sa troupe itinérante ! Décor passe-partout
astucieux (parquet nu, tableau de maître et
lustreencristalposésausol,quelquesmeu-
bles), costumes précieux pour une esthéti-
queàlaDaumier :Mercadet,lespéculateur,
safamilleetsescréancierssontlescaricatu-
res d’une société qui s’eni-
vreaucapitalismenaissant.
La Bourse
est un théâtre
Lemetteurenscènerajoute
une pointe de dérision en
créant un effet de théâtre
dans le théâtre : tous les
comédiens restent au bord du plateau et
jaillissentquandc’estleurtourdejouer.Mer-
cadet(irrésistibleBrunoCadillon),l’homme
d’affaires ruiné qui compte se refaire en
mariantsafille(trèslaide)àunbeauparti,est
avant tout un formidable comédien dont le
théâtre est la Bourse. Mais il ignore que le
jeune La Brive qu’il a choisi comme futur
mari est aussi bon acteur et « faiseur » que
lui. Ce jeu de dupes, mené tambour battant
par une troupe affûtée, s’emballe jusqu’au
vertige.Lebaldescréanciersdevientsabbat,
lasonnettedelaportenes’arrêteplusdetin-
ter, les sourires se transforment en grima-
ces… Et ce n’est pas le deus ex machina final
qui va inverser la vapeur. Les femmes peu-
ventbienchanterletriomphedel’amour,les
hommes, survoltés, crient plus haut, plus
fort,lavictoiredel’argent.
Malgrédeslongueurs,unrythmeencore
un peu flottant, « Le Faiseur » des Tréteaux
séduitparsafougueetsonhumourcarnas-
sier. Ne comptez pas sur Renucci et Balzac
pour réconcilier la France profonde avec la
finance. n
THÉÂTRE
Le Faiseur
d’Honoré de Balzac, M.S.
de Robin Renucci. Tournée
en France. Résidence à la
Cartoucherie de Vincennes
en juin 2016. 2 heures.
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9. LE ROMAN DE L’ÉTÉ
BRUNCHÀMATIGNONDIMANCHE12JUILLET,12H30…
A
u fond de l’immense
jardin de l’hôtel Mati-
gnon se trouve une
petite bâtisse qu’on
appelle le « Pavillon de
musique » et qui per-
met au Premier ministre de recevoir
discrètement des convives : ils entrent,
non par l’entrée principale et officielle de
la rue de Varenne, mais par une porte
discrète sise rue de Grenelle.
Une table avait été dressée devant ce
Pavillon. Il y avait Stéphane Fouks et son
épouse, le Premier ministre, sa compa-
gne Anne Gravoin et une petite dizaine
d’amis parmi lesquels Daniela Lumbroso
et son mari, le patron d’Europe 1, Denis
Olivennes, bedonnant et rigolard, Louis
Dreyfus, le patron du « Monde », maigri-
chon et sépulcral, leurs compagnes,
Isabelle Giordano et son mari, Zaki Laïdi,
« l’intellectuel » de Matignon, Fleur
Pellerin et son époux. Ils brunchaient.
Les enfants s’égayaient
dans le parc. Les
lunettes de soleil
et les chapeaux
de paille étaient de sortie. C’était fausse-
ment décontracté, car même les plus
apparemment blasés se pinçaient en se
disant :
« Je prends un brunch à Matignon,
quoi ! et se sentaient ainsi « arrivés » dans
la vie.
Manuel Valls prit Fouks par le bras et
l’emmena à l’écart.
– Je ne comprends rien à ce qui se passe.
François a eu un accident vasculaire
cérébral. D’après ce que je sais, il est sorti
avec zéro séquelle. Mais je sais, aussi, qu’ils
le trouvent tout tourneboulé. Pas dans son
état normal. Apparemment, il souffrirait
d’une amnésie partielle.
– Il se souvient qu’il est mou du genou
au moins, rigola Fouks.
– Il consulte des personnalités cet après-
midi, poursuivit Valls, qui avait feint de
ne pas entendre et respectait le président
de la République même en privé, par un
souci extrême de l’étiquette républicaine,
mais qui et pourquoi, mystère ?
– Ça me paraît évident, reprit sérieuse-
ment Fouks, qui comprenait que l’heure
n’était pas à la galéjade, et à qui tout
paraissait toujours évident, du moins le
prétendait-il.
– Il a pris cher. Tout à coup, tu vois la
vie autrement. Tu relativises. Alors tu te
dis : faut que je profite de l’existence. Glo-
balement, il est mal barré. Le chemin qui le
mène à la réélection ressemble au chas
d’une aiguille. Donc, il va vouloir
sortir en beauté. Et peut-être
plus tôt que prévu. Il va
vouloir s’effacer. C’est ton
heure. Je te l’ai dit. Main-
tenant, faut que tu passes
la surmultipliée.
– Ce n’est un mystère
pour personne que je
serai candidat à la
présidence de la Répu-
blique si François
Hollande ne se repré-
sente pas.
– J’ai ton slogan de
campagne : “Avec
Manuel, on y va.”
– Mais ça ne veut
rien dire.
– Justement. C’est
fait pour. Ah t’es
bouché toi des fois. Oui,
ça ne veut rien dire
parce que tu dois ras-
sembler et pas cliver. Ça
veut dire : moi, c’est moi,
votez pour une personna-
lité, pas un parti. Tu com-
prends, c’est fini, les partis,
les idéologies. On va avoir le
match Sarkozy le Vieux contre
Sarkozy le Jeune. Et alors là, la
raclée que tu vas lui mettre.
– Tu vas trop vite, Stéphane, tu vas trop
vite. Je dois d’abord voir François et le
sonder. S’il veut se retirer, il fera tout pour
me mettre en selle, donc je dois faire ça avec
lui.
– Tu es d’une naïveté… Tu crois qu’il
voudra un successeur jeune et
puissant de son camp, qui,
rétrospectivement, dévaluera
son quinquennat à lui ? Tu
rêves.
– François n’est pas
comme ça. Ce n’est pas un
pervers.
– Parce que tu crois qu’on
peut devenir président de la
République sans être pervers ?
– Je n’ai aucune chance alors ?
– Si, car je suis là.
Stéphane était ravi de son bon mot
narcissique. Plus généralement, il était
ravi de lui. Ils retournèrent vers les invi-
tés qui faisaient cercle autour d’Anne,
laquelle amusait la galerie en racontant
des anecdotes sur sa tournée avec
Johnny, dont elle était le premier violon.
Elle était en train d’entonner « Quoi ma
gueule » quand Manuel se joignit à eux.
Pendant ce temps, dans le petit hôtel
particulier des Sarkozy à Auteuil, on
chantait aussi. Didier Barbelivien, Louis
Bertignac et Carla avaient sorti les guita-
res, Jean-Louis Aubert, Florent Pagny et
Emmanuelle Seigner faisaient les
chœurs, et tout cela accompagnait gaie-
ment Mick Jagger, qui attaquait « Paint it
Black ». Mick était de passage à Paris et
Carla avait décidé de lui fêter son anni-
versaire un peu en avance et par surprise
en réunissant quelques copains. Un
bœuf avec Jagger : personne n’avait dit
non ! Raphaël Enthoven parlait sérieuse-
ment avec Philippe Val, le premier étant
un philosophe qui essayait d’être journa-
liste, le second un journaliste qui préten-
dait être philosophe. Louis Garrel comp-
tait fleurette à la nouvelle fiancée
d’Enthoven et les Balkany, tout heureux
d’être là, n’étaient pas les derniers à
chanter. Polanski, seul dans son coin,
regardait tout cela ironiquement. Il
faisait beau, un bon vin blanc de Chablis
coulait à flots, tout le monde s’amusait.
Nicolas Sarkozy, lui, bavardait avec
Giacometti, son expert en communica-
tion et Sébastien Proto, son Macron, un
inspecteur des finances devenu ban-
quier et qui dirigeait ses experts.
– Apparemment, Hollande
est revenu à lui et à l’Elysée. Il
s’apprête à annoncer quel-
que chose de fort. D’après ce
que m’a dit Bolloré, qui le
tient de Fouks, Valls est
persuadé qu’il va démission-
ner et le mettre en piste. Il
rêve le Manolo ! Hollande n’a
pas fait tout ça, toute une vie à
s’appuyer les cons de Solferino, tous les
crachats, toutes les injures, tous les mépris,
pour lâcher l’affaire maintenant qu’il a les
manettes. C’est une blague ! A mon avis,
c’est l’inverse. Il va dissoudre. Comme ça, la
droite gagne, elle se tape l’impopularité et,
lui, il essaie de nous la faire à l’envers,
façon Mitterrand en 1988 : il se présente
dans deux ans tout vierge. C’est “l’Immacu-
lée Dissolution”. Donc, il faut se préparer
aux législatives.
– J’ai ton slogan, dit Giacometti, pas
peu fier de sa trouvaille : “Avec Nicolas,
on y va.”
Sarko resta une seconde interdit.
Il regardait Giacometti.
– Tu te fiches de moi ? dit-il sévèrement.
– Laisse-moi t’expliquer une seconde,
reprit le communicant.
– Parce qu’il faut un mode d’emploi
pour comprendre ? dit Sarkozy.
– Non, mais ça centre tout sur toi, ta
personnalité, ton énergie.
Il espérait, en flattant l’ego de son chef,
retourner la situation.
– Bon, alors, reprit Sarkozy, la fine
équipe de créatifs qui t’a trouvé ce slogan
génial après des heures de labeur, si j’étais
toi, je les mettrais dans un programme de
reconversion professionnelle vers, je ne sais
pas moi, la plomberie-zinguerie, enfin un
truc du genre. Si eux, ils sont créatifs, moi
je suis Chagall. Bon allez, les enfants,
allons-nous amuser et chanter un peu, ça
va nous faire du bien. Les choses sérieuses
commencent demain matin. Demain, à
l’aube, c’est à cheval et sabre au clair. »
M
Septième épisode à suivre demain :
« Les Grands Esprits »
Par le Baron de Méneval
Sous ce pseudo se dissimule un familier
du pouvoir et de ceux qui l’occupent, dont
l’identité surprendrait et amuserait beau-
coup, ô lecteur, si nous pouvions la révéler...
Illustrations Louise Lebert
Victime d’un AVC, François Hollande a retrouvé tous ses moyens, mais a effacé de sa mémoire
les trois premières années de son mandat. Un homme nouveau occupe le palais de l’Elysée.
« Le chemin qui mène
François à la réélection
ressemble au chas d’une
aiguille, dit Fouks à Valls.
Donc, il va vouloir sortir
en beauté. Et peut-être
plus tôt que prévu. Il va
vouloir s’effacer. C’est ton
heure. Je te l’ai dit. »
Anne Gravoin, Louis Dreyfus,
Denis Olivennes, Stéphane Fouks
et Manuel Valls. Photos AFP ; Shutterstock
LA DÉMENCE
DE FRANÇOIS 6/14
SUR LE WEB
Si vous avez raté
les précédents épisodes
de votre roman de l’été,
retrouvez-les sur
www.lesechos.fr/
roman-ete
Les Echos Mardi 21 juillet 2015 IDEES & DEBATS//09
le roman de l'été
10. 10//IDEES & DEBATS Mardi 21 juillet 2015 Les Echos
Yann Verdo
yverdo@lesechos.fr
C
e 28 mai 1898, le cheva-
lier Secondo Pia ne se
doutaitpasduchocqu’il
allaitsubirenplongeant
sa plaque de verre dans
le bain révélateur. Cet
avocatitalienqui,lepremier,eutl’idéede
photographier le linceul dans lequel
aurait été enveloppé le corps du Christ
allait faire une découverte extraordi-
naire.Làoù,surletissu,n’apparaissaient
que de vagues taches jaunâtres sans
grand contraste, se dévoilaient soudain,
sur la plaque, les contours nets et précis
du visage d’un homme couronné d’épi-
nes.Commel’écritl’historienJean-Chris-
tianPetitfilsdanssabiographiedeJésus,
« seulel’inversiondeszonesclairesetsom-
bresavaitpermisuntelprodige.[…]Leche-
valier Pia comprit que le linceul avait la
propriété– insoupçonnéejusque-là –d’un
négatif optique : négatif sur négatif donne
unpositif. »
Cepremierclichédulinceulconservé
depuis le XVIe
siècle dans la cathédrale
de Turin allait en faire un objet d’études
scientifiques sans fin, qui se prolongent
jusqu’à nous. Elles culminèrent dans les
années 1970 lorsqu’une trentaine de
chercheurs de toutes disciplines, en
majoritéaméricains,segroupèrentdans
le consortium STURP (Shroud of Turin
Research Project) et soumirent la pièce
de lin à une batterie de tests extrême-
ment poussés : tests microchimiques,
spectrographies, études de radiométrie
infrarouge, de microscopie optique, de
fluorescencesouséclairageultraviolet...
Représentation
tridimensionnelle du corps
Cesanalysesontmontrésansambiguïté
– tousleschercheursétaientd’accordlà-
dessus – que l’image sur le tissu n’avait
pasétéréaliséedemaind’homme.Pasde
pigments colorés, pas non plus la moin-
dre trace de coup de pinceau – l’utilisa-
tiond’unpinceauauraitnécessairement
induit une image présentant une direc-
tionprivilégiéedansl’espace,oruneana-
lyse mathématique fine a permis d’éta-
blir que celle-ci n’en possédait pas (elle
estditeisotrope).
Si l’image n’a pas été faite de main
d’homme, le mystère sur sa nature
demeure entier. Emanation à distance ?
Desscientifiquespensentqu’elleseserait
forméeparuneoxydationdelacellulose
du lin, provoquant un léger brunisse-
ment des fibrilles de tissu sur une épais-
seur de 20 à 40 microns. Plus troublant
encore, il a été prouvé que cet effet colo-
rant variait d’intensité selon la distance
ayantséparéle drapdu corps. C’est ainsi
qu’ilaétépossible,en1976,àdeuxphysi-
ciens de l’US Air Force Academy, grâce
à l’analyseur d’image de la Nasa, d’obte-
nir une représentation tridimension-
nelleducorps.Cequiauraitétéimpossi-
ble s’il s’était agi d’un dessin en deux
dimensions.
Maislesétudesscientifiquessontrare-
ment unanimes et, s’agissant d’une reli-
queaussiinsignequelelinceuldeTurin,
leurs conclusions souvent contradictoi-
res donnent lieu à des controverses pas-
sionnées. En 1988, il fut décidé de sou-
mettre des échantillons du tissu à une
analyse au carbone 14 pour tenter de le
dater. Trois laboratoires spécialisés s’en
chargèrent (ceux d’Oxford, de Zurich et
de Tucson) et leur conclusion fut que le
linauraitétérécoltéentre1260et1390.Le
SaintSuaireneserait-ildoncqu’unemys-
tification particulièrement habile ?
QuelquemoineduXIIIe
ouduXIVe
siècle
aurait-il torturé et crucifié un homme
ressemblant au Christ pour fabriquer
cettefausserelique ?
Pas si simple… La méthode de data-
tionaucarbone14n’estpasd’unefiabilité
absolue, loin s’en faut – les exemples
d’erreur manifeste sont nombreux. En
1996, un microbiologiste américain
repérasurleséchantillonssoumisàana-
lyse des contaminations bactériennes
dues à un champignon et formant un
«film bioplastique» de nature à fausser
le résultat de la datation. A sa suite,
d’autres chercheurs ont révélé des indi-
cessuggérantqueleséchantillonsprove-
naient de parties du linceul qui avaient
été restaurées: un poids moyen du tissu
(en milligramme par centimètre carré)
supérieuràcequ’ilestsurl’ensembledu
linceul; la présence en ce seul endroit
d’un pigment, la vanilline, qui aurait
servi à harmoniser la couleur des fils
rajoutés au reste du tissu. La datation
obtenueparlestroislaboratoiresneren-
voie-t-elle pas à l’époque où l’antique
piècedelinauraitété« remiseàneuf » ?
Mais il y a plus. Aux innombrables
physiciens, biochimistes, anatomistes,
médecins légistes, hématologues, trau-
matologues, historiens, archéologues
quisesontpenchéssurcetteétoffes’ajou-
tent des… botanistes. Et leurs découver-
tesnepeuventqueplongerlessceptiques
dans la perplexité. En 1999, un profes-
seur de botanique à l’université de Jéru-
salem trouva sur le linceul des pollens
d’une plante de la mer Morte disparue
depuis le VIIIe
siècle, donc bien avant la
périodesupposéedesafabricationselon
la datation au carbone 14. D’autres pol-
lens ont permis de localiser l’origine du
linceul à Jérusalem et même de fixer la
saisondesonutilisationàla fin del’hiver
ou au début du printemps. Ce qui
concordeaveclerécitdes Evangiles. n
M
Mercredi : Que signifiaient
les mégalithes de Stonehenge ?
LelinceuldeTurin,
fauxouauthentique ?
LA SCIENCE FACE AUX GRANDES ÉNIGMES DE L’HISTOIRE
La datation du suaire qui aurait servi à envelopper le corps du Christ le fait
remonter au Moyen-Age. Mais ce verdict est-il vraiment sans appel ?
2/10
LA FRENCH TOUCH DES ARCHITECTES//
L’agence AW2 a construit un resort de luxe
à vocation écologique sur une île vietnamienne
à l’histoire tourmentée.
Leluxeécolo
duSixSensesConDao
Olivier Namias
Sable blanc, palmiers et eaux turquoi-
ses. Au centre d’un archipel classé parc
national, l’île de Con Son présente tous
les attributs du paradis à 250 km d’Hô
Chi Minh-Ville, au Vietnam. Lorsqu’elle
s’appelaitPouloCondore–l’îleauxcour-
ges en malais –, l’arcadie tropicale était
un enfer. En 1860, les colons français en
firent l’équivalent asiatique de l’île du
Diable, en Guyane. Le gouvernement
sud-vietnamienaconservélebagnejus-
qu’en 1975. L’administration commu-
niste a pris le relais, pour « rééduquer
sesanciensennemis »jusqu’en1993.De
quoi rendre le site « sensible ». Un
musée garde la trace de ce passé, mais
l’île compte aujourd’hui autant sur le
tourisme de luxe que sur celui de la
mémoire. Ouvert en 2010, l’hôtel Six
SensesConDaoaligneunequarantaine
debungalowsenfrontdemerpourune
clientèle très
exclusive, dans
une anse qu’une
collineséparedu
village principal.
« Pour un Euro-
péen, a fortiori
pour un Fran-
çais, la situation
peut paraître
étrange, recon-
naît Reda Ama-
lou, de l’agence
parisienne AW2, chargée de la concep-
tion de l’hôtel. Construire un lieu de
vacances près d’une ancienne colonie
pénitentiaire n’est pas sacrilège au Viet-
nam,oùlerapportaupasséestbeaucoup
plus apaisé. Comme dans tout le monde
émergent, il existe une énergie folle, une
volontéd’apparteniràunmondedonton
s’est longtemps senti exclu. »
Ressourceslocales
L’agence AW2 construit en Asie depuis
dix-huitans.Lescontactstissésaufildu
temps l’ont menée d’une maison indivi-
duelle pour un ami à l’hôpital d’Hô Chi
Minh-Ville.LeSixSenses,lui,aétécom-
mandé par le fonds d’investissement
américain Indochina Capital, soucieux
demettreenavant,danstousseshôtels,
une forte dimension écologique. Les
architectes l’ont pris au mot. Pour soi-
gner l’insertion dans le site, comme
l’explique Stéphanie Ledoux, deuxième
associéedel’agence :« Nousintervenons
dans une bande de terre très étroite, bor-
dée de mangroves à protéger et une zone
d’écoulement d’eau à maintenir. Nous
avons réduit l’emprise des bâtiments
pour limiter l’imperméabilisation des
sols. » Dans un tel resort, le projet
d’architectureestd’abordunminiprojet
d’urbanismecomposédelieuxd’habita-
tion, de restauration, de loisirs… Les
pavillons sont connectés via des passe-
relles qui réduisent les atteintes au
milieunaturel.Etconstruiredesbunga-
lowsàunétageapermisd’économiser3
des 17 hectares de terrain. Quant à
l’architecture, ses auteurs la qualifient
de « tropicale contemporaine », en
accord avec le climat et les ressources
locales. Un slogan ? « Pas seulement,
répond Stéphanie Ledoux. Nous avons
cherché à réintroduire l’architecture en
bois, une tradition vietnamienne chassée
parlestechniquesdebétonimportéespar
les Français, puis par les Russes. Nous
avons formé une entreprise locale et lui
avons fourni le matériel permettant le
débit et le traitement du bois. Un compa-
gnoncharpentierfrançaisamontrécom-
ment réaliser des assemblages. » Les piè-
ces préfabriquées sur le continent
étaientacheminéesversl’îleparbateau.
Tout,jusqu’aumobilier,aétédessinépar
AW2 et construit sur place. Une archi-
tecture qui se
veut aussi péda-
gogique :unmur
c o n s t i t u é d e
voletsderécupé-
rations a intro-
duit des notions
de recyclage des
matériaux.
L a s o c i é t é
Green Globe a
travaillé avec
l’agence AW2 à
la définition d’un label vert hôtelier, en
s’appuyant sur le cas de Con Dao. Si les
architectesontpurevenirsurbeaucoup
d’habitudes énergivores du secteur, en
restreignant par exemple la climatisa-
tion aux seules chambres et aux suites,
quelleestlaréelleportéeécologiqued’un
teléquipementdansunmilieunaturel ?
Reda Amalou ne voit pas de contradic-
tion dans sa démarche : « Ce tourisme
d’éliteestplusavantageuxqueletourisme
demasse,dontlaplupartdesgainsretour-
nent aux tours-operateurs, laissant aux
Etatslesoind’assumerdescoûtsd’infras-
tructure énormes. A Con Son, l’afflux de
touristes reste limité, ce qui permet de ne
pas agrandir l’aéroport exis-
tant et les visiteurs dépen-
sentplus. »
En 2011, les acteurs
BradPittetAngelina
Jolie ont séjourné à
l’hôtel et visité le
bagne. De quoi aug-
menter la notoriété
des lieux et aider à
situer Con Dao sur la
cartedumonde.
M
Mercredi : Le siège de Thyssen-
Krupp à Essen
L’architecture
en bois rappelle une
tradition vietnamienne
chassée par les
techniques
de béton importées
par les Français.
Asupposerquelelin-
ceulconservéàTurin
soitbienlelingedans
lequelfutenveloppé
lecorpsdeJésus-
ChristausoirduVen-
dredisaint,cettepiè-
cedelind’ungrand
prixaconnu,endeux
millénairesd’existen-
ce,unehistoirepour
lemoinsmouvemen-
tée.D’abordconfiéà
lagardedesaintPier-
re,lelinceulaurait
étéensuiteemporté
aveceuxparlesju-
déo-chrétiensquit-
tantJérusalempour
lesgrottesdePellaen
l’an66.Ildisparaît
alorspourn’êtrere-
découvertqu’en544
dansunenichede
l’enceinted’Edesse
(UrfaenTurquie).
Pendantquatresiè-
cles,onlevénèredans
lacathédraleHagia
Sophiadecetteville
souslenomdeMan-
dylionjusqu’àsonra-
chatparl’empereur
byzantinConstan-
tinVIIPorphyrogénè-
te :le15août944,le
lingetraverseleBos-
phorepourêtre
transféréàConstan-
tinople.Mais,àl’aube
duXIIIe
siècle,lesche-
valiersfrancsdela
4e
croisades’enempa-
rent.Nouvelledispa-
ritiondulinceul…qui
réapparaîten1357à
LireyenChampagne,
chezl’arrière-petite-
filleduchefdescroi-
sés !Cédéultérieure-
mentàlafamillede
Savoie,ilséjourneà
Chambéryjusqu’en
1578puisesttransfé-
réàTurin.Ilestla
propriétéduSaint-
Siègedepuis1983.
L’odyssée d’un suaire
Bridgeman
AW2
série d’été