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Eléments de
GESTION DE LA PRODUCTION
Yves CRAMA
Ecole d'Administration des Affaires
Université de LiÚge
Notes de cours
Année académique 2002-2003
i
TABLE DES MATIERES
Page
CHAPITRE 1: Introduction 1
1.1. DĂ©finitions et concepts de base 1
1.2. Gestion hiérarchique de la production 2
1.3. DĂ©veloppement historique de la GP: Quelques jalons ... 3
1.4. Relations avec les autres fonctions de l’entreprise 3
Bibliographie 4
CHAPITRE 2: Gestion stratégique de la production 5
2.1. Généralités 5
2.2. Impact sur la fonction production 5
2.3. Le rÎle stratégique de la gestion de la production 6
2.4. Gestion de la qualité 8
Bibliographie 11
Annexes: Is Boeing out of its spin?
Building customer partnerships as a competitive weapon ?
Ford obligĂ© d’organiser le rappel de 13 millions de pneus
ISO9000 pour responsables affairés
CHAPITRE 3: Planification Ă  long terme: Les options fondamentales 13
Bibliographie 14
Annexe: How manufacturing can make low-tech products high-tech
CHAPITRE 4: Planification Ă  long terme: Choix du processus de production 15
4.1. Généralités 15
4.2. Classification des processus de production en fonction des flux de produits 15
4.3. Cycle de vie du produit et organisation de la production 17
4.4. Cellules de fabrication et ateliers flexibles: entre job-shops et lignes
de production 19
4.5. Layout (implantation) des centres de production 21
4.5.1. Equilibrage des chaĂźnes d'assemblage 21
4.5.2. Job-shop: Localisation des départements 25
Bibliographie 26
Annexe: Equilibrage d’une chaüne d’assemblage
CHAPITRE 5: Planification à moyen terme: Le plan agrégé de production 28
5.1. Introduction et concepts de base 28
5.2. Analyse graphique des options simples 31
5.3. Un modÚle de programmation linéaire 34
Bibliographie 39
Annexe: Application Ă  une usine de peinture (extrait de Holt,
Modigliani, Muth et Simon 1964)
ii
CHAPITRE 6: Planification Ă  court terme: Le plan directeur de production 40
6.1. Généralités 40
6.2. Schéma d'élaboration du PDP 40
6.3. Commentaires sur l’élaboration du PDP 43
6.4. Le contenu du plan directeur de production 46
Bibliographie 44
CHAPITRE 7: Planification à court terme: La problématique des stocks 48
7.1. Généralités 48
7.2. Objectif de la gestion des stocks 48
7.3. Mesures de l’état des stocks 49
7.4. Le rĂŽle des stocks 49
7.5. La gestion Juste-A-Temps 50
Bibliographie 52
Annexe: Révolte nipponne: Le just-in-time contesté
CHAPITRE 8: Planification Ă  court terme: La planification des besoins
en composants 53
8.1. Exemple introductif 53
8.2. La logique MRP 58
8.3. SystĂšmes d’information utilisĂ©s par les logiciels MRP 59
8.4. Dynamique du systĂšme MRP 60
8.5. Techniques de détermination des lots (lot sizing) 60
8.6. Planification des besoins en capacité (CRP) - Calcul des courbes de charge 66
8.7. Epilogue 68
Bibliographie 69
CHAPITRE 9: Planification Ă  court terme: La gestion des stocks pour
les articles à demande indépendante 70
9.1. Demande indépendante 70
9.2. Politiques de gestion des stocks: Les choix Ă  effectuer 70
9.3. Politiques de gestion des stocks: Les réponses possibles 72
9.4. Classification ABC 73
9.5. Quelques modĂšles de gestion des stocks 75
9.5.1. Quantité économique de commande 75
9.5.2. DĂ©lai d’obtention 76
9.5.3. Demande aléatoire 77
9.5.4. ModĂšle du marchand de journaux 79
Bibliographie 80
CHAPITRE 10: Ordonnancement et pilotage des ateliers 81
10.1. Généralités 81
10.2. Quelques concepts utilisés en ordonnancement 82
10.3. Description des tĂąches et du systĂšme de production 83
10.4. CritÚres de qualité d'un ordonnancement 83
10.5. Ordonnancement sur une machine unique 85
iii
10.6. Pilotage des ateliers: RĂšgles de dispatching 87
10.7. Ordonnancement d’ateliers par les rùgles de dispatching 88
Bibliographie 89
CHAPITRE 11: Gestion de projets 91
11.1. Généralités 91
11.2. Les méthodes de chemins critiques 92
11.3. Construction d’un ordonnancement et implantation 97
11.4. Modifications du modĂšle de base 99
11.4.1. Durées incertaines (modÚle PERT) 100
11.4.2. Compression des durées (modÚle CPM) 102
Bibliographie 107
1
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
Every time I look at you I don’t understand
Why you let the things you did get so out of hand
You’d have managed better if you had it planned
(Jesus Christ Superstar)
1.1. DĂ©finitions et concepts de base.
La production est le processus conduisant à la création de produits par l'utilisation et la
transformation de ressources. Les opérations sont les activités composant le processus de
production.
Le terme « transformation » doit ĂȘtre entendu au sens large, puisqu’il recouvre la modification
de la l’apparence, des propriĂ©tĂ©s physico-chimiques, de l'emplacement (transport), etc.
Les « produits » peuvent ĂȘtre des biens (physiques) ou des services.
Les « ressources » consistent principalement en
- capital et Ă©quipements
- main d'Ɠuvre
- matiĂšres (premiĂšres, produits semi-finis)
- information.
Exemples : bois, hommes, atelier de menuiserie → tables
avions, pilotes, hĂŽtesses, systĂšmes de gestion des rĂ©servations → transport aĂ©rien
La gestion de la production (et des opérations) est la fonction de gestion ayant pour objets la
conception, la planification et le contrÎle des opérations.
Les activités de conception portent sur la définition des caractéristiques
‱ du systĂšme productif (capacitĂ©, localisation, technologie, etc)
‱ des produits.
La planification dĂ©crit l'utilisation projetĂ©e du systĂšme productif dans l’objectif de satisfaire la
demande. En d’autres termes, elle a pour objectif de coordonner la capacitĂ© disponible avec la
demande (un thÚme récurrent en gestion de la production !).
L’activitĂ© de contrĂŽle s’efforce d’évaluer l’adĂ©quation des rĂ©sultats obtenus par rapport aux
plans.
Dans ce cours introductif, nous nous limiterons essentiellement Ă  une discussion de quelques
notions de base de la conception des systÚmes productifs et à une présentation des principales
décisions de planification. Nous articulerons notre présentation dans un cadre de décision
hiérarchique que nous allons maintenant décrire briÚvement.
2
1.2. Gestion hiérarchique de la production.
En gestion de la production, on distingue généralement plusieurs niveaux de décision allant des
décisions stratégiques et/ou à long terme aux décisions opérationnelles et/ou à trÚs court terme.
Nous nous arrĂȘterons plus particuliĂšrement aux niveaux suivants:
Gestion stratégique et planification à long terme: ce niveau de décision couvre
‱ la dĂ©finition de la mission de l’entreprise (« what business are we in ? »), la composition du
portefeuille de produits, l’identification des segments de marchĂ© visĂ©s, les choix de
processus de production;
‱ la dĂ©finition de la stratĂ©gie concurrentielle: domination par les coĂ»ts (cost leadership), diffĂ©-
renciation (par la qualitĂ©, la flexibilitĂ©, l’innovation, les dĂ©lais, ...), concentration de
l’activitĂ© (focus), ...;
Les dĂ©cisions ainsi mentionnĂ©es, mĂȘme lorsqu’elles ne relĂšvent pas sensu stricto de la gestion
de la production, présentent néanmoins de profondes implications pour cette fonction. Leur
considération nous amÚnera notamment à présenter une typologie des systÚmes productifs et à
étudier leur relation avec les caractéristiques du marché et la stratégie concurrentielle. Nous
évoquerons encore quelques questions plus spécifiques comme celles de la gestion de la qualité,
de l’équilibrage des chaĂźnes de production, de la localisation des dĂ©partements, etc.
Planification Ă  moyen terme: en gestion de la production, la planification Ă  moyen terme
comprend
‱ la planification agrĂ©gĂ©e de la production, dont le rĂŽle est de coordonner les dĂ©cisions en
matiĂšre de production avec le contenu du plan marketing et la gestion du personnel;
‱ la gestion de projet.
Nous nous limiterons ici Ă  l’élaboration du plan agrĂ©gĂ© de production (quelques aspects de la
gestion de projet sont évoqués dans le cours de Recherche Opérationnelle).
Planification Ă  court terme: on retrouve ici
‱ l’élaboration du plan directeur de production (MPS) qui dĂ©taille les quantitĂ©s Ă  produire sur
un horizon restreint;
‱ la planification des besoins en composants;
‱ la gestion des stocks.
Nous nous arrĂȘterons assez longuement sur les principes de base de la technique la plus
populaire de planification des besoins en composants, la méthode MRP (Material Requirements
Planning). Nous Ă©voquerons Ă©galement quelques notions fondamentales de la gestion des
stocks.
Ordonnancement et lancement de la production: affectation des ordres de fabrication aux
postes de travail. Nous couvrirons trĂšs briĂšvement ce sujet important, mais souvent mal
maßtrisé.
ContrÎle: suivi des ordres de fabrication, contrÎle de qualité, indicateurs de performance, etc.
3
Il est important de comprendre que les diffĂ©rents niveaux de dĂ©cision se distinguent par d’autres
caractéristiques que la seule étendue de leur horizon (du long terme au trÚs court terme). Parmi
les autres facteurs importants permettant de différencier ces niveaux, on citera par exemple:
‱ le degrĂ© d’irrĂ©versibilitĂ© des dĂ©cisions,
‱ la diversitĂ© des fonctions de gestion impliquĂ©es,
‱ le degrĂ© d’agrĂ©gation des informations, des catĂ©gories de produits et de ressources,
‱ le degrĂ© d’incertitude,
‱ la prise en considĂ©ration ou l’abstraction de certains dĂ©tails, etc.
La prĂ©sentation des dĂ©cisions de gestion dans un cadre hiĂ©rarchique permet d’insister sur leur
profonde interdĂ©pendance. Les niveaux de dĂ©cisions supĂ©rieurs engendrent des contraintes qu’il
est nécessaire de prendre en compte aux niveaux inférieurs et, réciproquement, les informations
utilisées lors de toute prise de décision remontent généralement de niveaux inférieurs. Le cadre
hiérarchique met en évidence ces nombreuses relations tout en fournissant un fil conducteur
logique pour l’exposĂ© des concepts fondamentaux Ă  chaque niveau.
1.3. DĂ©veloppement historique de la GP: Quelques jalons ...
RĂ©volution industrielle (19Ăšme siĂšcle):
- augmentation des volumes de production et de la complexité des organisations; décisions de
production souvent laissées aux ouvriers;
- développement de la machinerie et de l'automatisation; Úre des ingénieurs mécaniciens (John
Cockerill).
Scientific management (∌ 1910):
- observation des méthodes de travail: éclatement des tùches complexes en parties simples,
sélection de méthodes optimales (parmi celles observées), systématisation des procédures; Úre
des ingénieurs industriels (Taylor, Gilbreth, Ford).
Recherche opérationnelle, management science (à partir de 1945):
- modélisation mathématique et optimisation ;
- transition des méthodes descriptives vers les méthodes prescriptives (ouvre la voie à
l'intervention des gestionnaires).
DĂ©veloppement de l’informatique (Ă  partir de 1950):
- logiciels d'aide à la décision ;
- automatisation de la production ;
- systĂšmes d'information (MIS) et systĂšmes intĂ©grĂ©s de gestion d’entreprises (ERP).
Développement de la compétition internationale (à partir de 1970):
- importance accrue des coûts, de la flexibilité, de la qualité, des délais (exemple japonais);
accent sur la fonction production, dont l'importance stratégique est explicitement reconnue.
4
1.4. Relation avec les autres fonctions de l’entreprise.
Par sa nature transversale, la gestion de la production comporte des liens avec de nombreux
autres aspects de la gestion des entreprises: gestion stratégique, théorie des organisations,
marketing, logistique, méthodes quantitatives et recherche opérationnelle, comptabilité, contrÎle
de gestion, etc. L’étudiant (ou le praticien) pourra trouver dans ces interconnections l’une des
facettes les plus sĂ©duisantes de la gestion de la production, ainsi qu’une occasion de redĂ©couvrir
certaines questions de gestion sous un angle nouveau.
Bibliographie.
K. Boskma, Produktie en Logistiek, 2Ăšme Ă©dition, Wolters-Noordhoff, Groningen, 1987.
A.C. Hax et D. Candea, Production and Inventory Management, Prentice-Hall, Englewood
Cliffs, N.J., 1984.
5
CHAPITRE 2
GESTION STRATEGIQUE DE LA PRODUCTION
2.1. Généralités.
La gestion stratégique de l'entreprise est généralement définie comme couvrant les décisions
relatives
‱ Ă  la composition du portefeuille de produits et aux (segments de) marchĂ©s ciblĂ©s,
‱ à l'appropriation et à l'allocation des ressources financiùres.
Elle place donc principalement l'accent sur les fonctions marketing et finance. Une conséquence
de cette vision du management stratégique est que les fonctions marketing et finance constituent
souvent les préoccupations centrales des gestionnaires (ce sont les fonctions « nobles » de
l'entreprise), alors que ces mĂȘmes gestionnaires ont par ailleurs moins d'intĂ©rĂȘt et moins
d'expérience dans le domaine de la gestion de la production. En particulier,
‱ les managers se concentrent sur des stratĂ©gies concurrentielles de croissance, diversification,
repositionnement basées sur des acquisitions, des fusions ou sur le marketing de leurs
produits, plutÎt que sur le développement d'une expertise technologique ou manufacturiÚre
propres;
‱ les managers se dĂ©sintĂ©ressent des dĂ©cisions de production, vues comme purement
technologiques et non directement intégrées aux autres décisions de gestion.
Ce dĂ©sintĂ©ressement, cependant, n’est pas totalement neutre. Voyons quel impact nĂ©gatif
l’accent mis sur les fonctions marketing et finance peut avoir pour la gestion de la production.
2.2. Impact sur la fonction production.
Marketing: La vision moderne du marketing veut que cette fonction joue un rÎle intégrateur et
serve d'interface entre le client d'une part et les autres fonctions de l’entreprise (production,
finance, personnel, ...) par ailleurs (voir Figure ci-dessous). Selon le « concept marketing », la
tùche essentielle de l'organisation est de déterminer les besoins et les désirs des marchés cibles,
et de les satisfaire plus efficacement et de façon plus appropriée que la concurrence. En vertu de
ce principe, les entreprises soumises à une pression concurrentielle accrue ont été conduites
dans un passé récent à
‱ augmenter constamment le nombre de produits, les options disponibles, les exigences de
qualité, et à
‱ diminuer la durĂ©e de vie des produits ainsi que les dĂ©lais de production et de livraison.
Cette politique orientée vers la satisfaction des désirs du client peut engendrer de nombreuses
conséquences néfastes pour la fonction production: coexistence de production massive et en
petites séries, redémarrages fréquents de la production, diminution des opportunités
d'apprentissage, difficultés de planification (commandes en derniÚre minute), obsolescence
6
rapide des procédés, augmentation des stocks, diminution de la qualité, etc. (lire par exemple la
description des difficultĂ©s rencontrĂ©es par Boeing dans l’article annexĂ© Ă  ce chapitre).
Figure: Le concept marketing
Finance: Hayes et Wheelwright (1984) estiment que les contrÎles financiers ont récemment
accordĂ© trop d’importance Ă  la rentabilitĂ© Ă  court terme des investissements (Return On
Investments, rapports trimestriels). Cet accent sur le court terme a été renforcé par la mobilité
des cadres et dirigeants. Tout comme le concept marketing, cette politique financiĂšre a de
profondes implications pour les activités de production: elle tend à décourager les
investissements Ă  long terme et/ou dans des technologies innovatrices, et entraĂźne ainsi une
obsolescence plus rapide des Ă©quipements et une rĂ©sistance Ă  l’adoption de technologies
avancĂ©es de production (par exemple, robotique ou ateliers flexibles; voir l’article de Parker et
Lettes 1991 en annexe Ă  ce chapitre).
2.3. Le rÎle stratégique de la gestion de la production.
Vers la fin des années 60 et, de façon accélérée, durant les années 70, un nombre croissant
d’entreprises (principalement japonaises) commencent Ă  imposer la notion qu’une stratĂ©gie
concurrentielle basĂ©e essentiellement sur l’excellence en production (qualitĂ© des produits,
raccourcissement des dĂ©lais, flexibilitĂ©, ...) peut se rĂ©vĂ©ler viable et mĂȘme gagnante.
Vers la mĂȘme Ă©poque, plusieurs gourous acadĂ©miques (Porter 1990, Skinner 1985, ...)
soulignent l’importance pour chaque entreprise de formuler explicitement la stratĂ©gie
CLIENT
MARKETING
FINANCE
G
R
H
PRODUCTION
...
7
concurrentielle qu’elle a choisi de suivre et la nĂ©cessitĂ© de concentrer tous ses efforts vers la
réalisation de ces objectifs stratégiques.
Porter, en particulier, distingue trois grandes catégories de stratégies face à la concurrence:
domination globale par les coĂ»ts, diffĂ©renciation, concentration de l’activitĂ©. Au-delĂ  de ses
recommandations quant au choix d’une stratĂ©gie adaptĂ©e Ă  chaque entreprise, cependant, Porter
insiste fortement sur la nĂ©cessitĂ© d’une mise en oeuvre cohĂ©rente de tous les moyens de
l’entreprise (marketing, gestion financiùre, organisation, production) dans la poursuite des
objectifs prĂ©cisĂ©s dans sa stratĂ©gie. Faute de choix cohĂ©rents, l’entreprise risque de se trouver
« enlisée dans la voie médiane » (« stuck in the middle ») avec pour conséquence une situation
extrĂȘmement faible face Ă  la concurrence.
Skinner, quant Ă  lui, s’intĂ©resse plus particuliĂšrement Ă  la stratĂ©gie adoptĂ©e par les entreprises en
matiĂšre de gestion de la production. Sur base de ses nombreux contacts industriels, il formule
les observations suivantes (Skinner 1974 et 1985, Chapitres 1 et 6).
1. Les décisions de production sont de nature stratégique. Plus précisément, ce sont souvent
des décisions déterminantes pour la compétitivité de l'entreprise et intimement liées aux
autres décisions stratégiques (en particulier, aux décisions de marketing). Ces décisions
portent généralement sur le long terme (investissements lourds), prennent lentement leurs
effets et sont difficilement réversibles.
2. Les critÚres de performance en production sont variés. Comme mentionné plus haut, ces
critÚres de performance se sont beaucoup élargis au cours des 20 à 30 derniÚres années sous
la pression concurrentielle et l'allégeance au concept marketing: au seul critÚre de
minimisation des coûts (productivité) sont venus s'ajouter des critÚres de qualité, de flexibi-
lité, de délais de livraison, de qualité des investissements, etc. (Pensez aux stratégies
concurrentielles décrites par Porter).
3. Un systĂšme de production ne peut pas exceller dans tous les domaines. Un systĂšme
productif, pour ĂȘtre efficace, exige des choix et des compromis (trade-offs), principalement
dans les domaines suivants :
‱ technologie: typiquement, une fabrique ne peut pas maütriser plus de deux ou trois
technologies différentes;
‱ marchĂ©s ciblĂ©s: chaque segment est caractĂ©risĂ© par des exigences distinctes en termes
de qualité, délais, prix, etc;
‱ volumes de production: des volumes diffĂ©rents requiĂšrent des approches diffĂ©rentes
de la planification, de la gestion des stocks, du contrÎle de qualité, etc;
‱ niveaux de qualitĂ©;
‱ fabrication interne ou sous-traitance (make or buy);
‱ degrĂ© de spĂ©cialisation des Ă©quipements;
‱ risque technologique;
‱ ...
Ne pas poser clairement ces choix conduit Ă  des situations difficilement maĂźtrisables et
empĂȘche la firme de bĂ©nĂ©ficier des effets d'apprentissage. Pour contrĂŽler ce type de dĂ©rive,
les entreprises ont alors souvent tendance Ă  augmenter leur staff et les couches de
management au prix d'une augmentation de leurs frais fixes - overheads - et d'une perte de
compétitivité. (On retrouve les effets pervers de la situation d'enlisement dans la voie
médiane décrite par Porter 1990).
8
Skinner tire de ces observations quelques leçons essentielles pour l’entreprise. Selon lui, pour
rester compétitive, l'entreprise doit se concentrer sur quelques critÚres d'excellence dans le
domaine de la production, formuler explicitement ses choix et mettre les moyens en oeuvre pour
les atteindre (en excluant la poursuite d’objectifs non compatibles; concept de focused factory).
Si l'entreprise possÚde des produits ou des marchés impliquant des choix contradictoires, son
appareil productif devrait ĂȘtre sĂ©parĂ© en usines distinctes, exhibant chacune les caractĂ©ristiques
de la focused factory (plant within a plant).
Par ailleurs, les choix stratĂ©giques posĂ©s dans la sphĂšre marketing doivent ĂȘtre cohĂ©rents avec
ceux posés dans la sphÚre production. En particulier, chacune de ces fonctions impose des
contraintes dont l'autre doit tenir compte: l’ajustement doit ĂȘtre rĂ©ciproque plutĂŽt
qu’unidirectionnel.
Ces conclusions restent clairement valides et pertinentes aujourd’hui. Le rapport annexĂ© au
présent chapitre (De Meyer et al. 1996) décrit la façon dont les grandes entreprises
manufacturiÚres européennes, américaines et japonaises envisagent actuellement leurs options
stratĂ©giques en matiĂšre de production. On y dĂ©couvrira avec intĂ©rĂȘt que les choix qu’elles posent
dans ce domaine varient significativement dans les différentes régions. Il reste, cependant, que
la plupart des critĂšres de performance mentionnĂ©s par les entreprises s’inscrivent dans une des
quatre grandes catégories : coût, qualité, délais, flexibilité, qui constituent les étalons
incontournables en matiĂšre de production.
2.4. Gestion de la qualité.
Nous allons discuter briÚvement de la gestion de la qualité, comme exemple typique d'une
variable dont la gestion est entrée récemment dans le domaine stratégique. (Voir Graves,
Rinnooy Kan et Zipkin (1993), Juran (1993), McClain, Thomas et Mazzola (1992)) .
Informellement, on appelle qualitĂ© d’un produit la mesure dans laquelle ce produit est conforme
aux attentes et exigences de l'utilisateur. Plus formellement, l’Organisation Internationale de
Normalisation (ISO) dĂ©finit la qualitĂ© comme « l’ensemble des caractĂ©ristiques d’une entitĂ© qui
lui confĂšrent l’aptitude Ă  satisfaire des besoins exprimĂ©s ou implicites », oĂč le terme entitĂ© peut
désigner un produit, une activité, un processus, un systÚme, etc. Il ne faut donc pas confondre
qualitĂ© et luxe: un crayon ou de l'eau peuvent ĂȘtre de bonne ou de mauvaise qualitĂ©.
A ses débuts, la gestion de la qualité se limitait essentiellement à deux aspects :
‱ le contrĂŽle de la qualitĂ© des produits effectuĂ© Ă  la sortie du processus de production, souvent
par Ă©chantillonnage statistique;
‱ la gestion du service aprĂšs-vente, Ă©ventuellement sous couverture de garantie.
Les inconvénients liés à ces approches sont nombreux. D'une part, elles génÚrent souvent des
coûts élevés, qu'ils soient directs ou indirects: coût de l'inspection, mise au rebut ou
réparation/adaptation des articles ne satisfaisant pas aux spécifications, réparation des articles
défaillants sous garantie, etc. (Plus généralement, certains auteurs estiment que le coût de la
9
qualité - c'est-à-dire les coûts totaux liés au manque de qualité - peuvent s'élever à 20% du
chiffre d'affaires d'une entreprise; cité par McClain et al. 1992, p.132).
D'autre part, le contrĂŽle de qualitĂ© par Ă©chantillonnage est, par sa nature mĂȘme, imparfait et
incomplet. Rappelons briĂšvement son principe de base. Pour contrĂŽler la qualitĂ© d’un lot de
production (ou d’un approvisionnement), on en extrait un Ă©chantillon et on analyse la qualitĂ© de
chacun des articles inclus dans l’échantillon. Si X% (oĂč X est un paramĂštre fixĂ© Ă  l’avance) de
ces articles sont jugés satisfaisants, alors le lot est accepté. Sinon, il est rejeté.
Le contrĂŽle par Ă©chantillonnage admet donc explicitement la mise en vente de produits de
qualitĂ© infĂ©rieure ou dĂ©fectueux, tant qu’il n’y en a pas trop ! Mais en pratique, cette tactique
peut résulter en une perte de confiance des consommateurs et, dans des contextes de vive
concurrence, par une perte de compétitivité et une diminution des parts de marché.
Plus grave encore, le contrÎle par échantillonnage peut se révéler tout-à-fait inapproprié dans
certaines situations, par exemple lorsque la conformitĂ© du produit doit ĂȘtre assurĂ©e Ă  100%
(pensons aux normes de sécurité des installations nucléaires ou, plus prÚs de notre expérience
quotidienne, aux exigences placées sur la qualité des pneus de notre voiture ; voir le cas « Ford
et les pneus Firestone » en annexe à ce chapitre).
Enfin, le contrÎle effectué en fin de processus ou les observations glanées lors des réparations
aprĂšs vente ne permettent qu'un feedback tardif et souvent trĂšs imparfait (ou mĂȘme totalement
absent) vers la source des problÚmes (voir l'expérience de Xerox, citée en exemple par Juran
1993).
Les managers japonais, plus prompts que leurs concurrents occidentaux à réagir au message des
consultants (américains !) Deming et Juran, ont été les premiers à appréhender toute l'ampleur
de ces problÚmes et à prendre des mesures effectives pour y remédier. Cette prise de conscience
s'est Ă  prĂ©sent rĂ©pandue Ă  l'ensemble du monde industrialisĂ©, oĂč le remĂšde le plus couramment
préconisé est celui de l'adoption du principe de la Gestion de la Qualité Totale (Total Quality
Management). Ce principe vise essentiellement Ă  gĂ©rer et Ă  assurer la qualitĂ© des produits (c’est-
à-dire, la conformité de ces produits à leurs spécifications) tout au long des différentes étapes de
la production plutĂŽt qu'Ă  son terme seulement. Le but ultime est donc de ne produire que des
unités de qualité parfaite, c'est-à-dire sans défauts: il faut assurer la conformité sans avoir à la
tester. Cette approche contraste fondamentalement avec l’approche plus traditionnelle qui vise
seulement à ne mettre sur le marché que des produits conformes.
Les méthodes mises en oeuvre par les programmes de Qualité Totale sont trÚs variées. Citons en
quelques-unes ...
‱ AmĂ©lioration de la conception du produit, de façon Ă  mieux rĂ©pondre aux besoins du
consommateur d'une part (cf. notre définition de la qualité et le cas « Ford et les pneus
Firestone ») et à faciliter la fabrication du produit, donc à diminuer le nombre de défauts
d'autre part (conception pour la manufacturabilité). Les méthodes de « déploiement de la
fonction qualitĂ© » fournissent un outil d’implantation de cette stratĂ©gie (voir Cohen 1995).
10
‱ AmĂ©lioration de la conception du processus de production, de façon Ă  minimiser les risques
d'erreurs; par exemple, automatisation ou informatisation de certaines Ă©tapes, diminution du
nombre de réglages nécessaires, etc. (chez Philips, on minimise le nombre de changements
d'outils nécessaires sur les machines d'assemblage automatisé des circuits imprimés, en
interdisant les changements pendant des périodes de plusieurs semaines consécutives; ceci
entraßne une perte de flexibilité et donc apparemment de productivité, mais diminue aussi
fortement les risques d'erreurs). Les amĂ©liorations de processus peuvent par exemple ĂȘtre
prises sur l'initiative de cercles de qualitĂ© (CQ), c’est-Ă -dire de groupes d'ouvriers ou
d'employés discutant ensemble des problÚmes qu'ils rencontrent dans leurs activités, et
cherchant des solutions à ces problÚmes. Les CQ reçoivent une formation à des méthodes
simples d'analyse de problĂšmes et d'analyse statistique. Leur contact quotidien avec le
processus et ses défauts leur permet souvent de détecter rapidement les problÚmes qui
surgissent et d'y trouver des solutions parfois trĂšs simples.
‱ Formalisation et documentation des procĂ©dures: « Ecrire ce que l’on va faire. - Faire ce que
l’on a Ă©crit. - Ecrire ce que l’on a fait. » Cette pratique vise notamment Ă  imposer le respect
des spĂ©cifications du produit (dans la mesure, notamment, oĂč les caractĂ©ristiques du produit
sont largement déterminées par les procédures utilisés lors de sa fabrication). La
documentation Ă©crite permet Ă©galement d’informer le client ou le donneur d’ordre, de
maniÚre convaincante, sur la façon dont a été réalisé le produit. La documentation des
procĂ©dĂ©s fait partie intĂ©grante des exigences reprises dans les normes d’assurance qualitĂ©
adoptées internationalement (telles les normes ISO9000, ...).
‱ Modification de la mentalitĂ© des acteurs de l'entreprise: chacun est amenĂ© Ă  se considĂ©rer
comme le consommateur des produits livrés par les services situés en amont de la chaßne et
comme le fournisseur des services situés en aval. Il ne faut donc ni accepter ni livrer des
produits de qualité inférieure. Un tel état d'esprit est favorisé par l'adoption de modes de
production Juste-A-Temps oĂč les faibles niveaux de stocks mettent immĂ©diatement Ă  jour les
défauts éventuels (il n'est plus possible de simplement mettre au rebut les piÚces défectueuses
livrées par le poste amont, sans risquer de se trouver immédiatement à court de ces piÚces).
‱ La qualitĂ© est vue dans un cadre d'amĂ©lioration permanente de l'organisation: il n'est donc pas
uniquement question de chercher à atteindre un niveau de performance prédéterminé et de s'y
maintenir, mais bien de chercher à améliorer ce niveau de façon continue (Permanent
Improvement). En d’autres termes, le standard de qualitĂ© visĂ© (mais jamais atteint) devrait
ĂȘtre celui de la perfection absolue (de lĂ  les slogans de type 'ZĂ©ro dĂ©faut', 'ZĂ©ro stock', etc).
Nous tirerons deux conclusions de cette brÚve discussion de la gestion de la qualité. Tout
d'abord, les amĂ©liorations de qualitĂ© peuvent souvent ĂȘtre atteintes Ă  un coĂ»t relativement
modeste et par des moyens simples (par exemple, en les gérant dans la phase de conception du
produit ou en utilisant l'expertise des ouvriers). De telles améliorations peuvent simultanément
résulter en un accroissement de la compétitivité de l'entreprise et en une diminution de ses coûts
de production (Cadillac mentionne une réduction de 30% de ses coûts de réparations sous
garantie, réduction obtenue en 4 ans malgré l'allongement simultané de la garantie de 1 an à 4
ans; cité par McClain et al. 1992, p.124).
11
Cependant (et ce sera lĂ  notre seconde conclusion), il est essentiel de voir que les remĂšdes
évoqués ci-dessus impliquent des changements fondamentaux dans la façon dont est perçue la
gestion de la qualitĂ© au sein de l’entreprise. On y retrouve en effet un glissement
‱ du contrîle (ex post) vers la planification (ex ante),
‱ de la notion de qualitĂ© du produit vers celle de qualitĂ© de la conception et des processus,
‱ d’une activitĂ© opĂ©rationnelle vers une prĂ©occupation stratĂ©gique.
Ces changements ne peuvent ĂȘtre mis en oeuvre qu'au prix d'un engagement total de toutes les
forces de l'entreprise (l'amélioration de la conception des produits nécessite par exemple
l'implication d'Ă©quipes interdisciplinaires - bureau d'Ă©tudes, marketing, production, service
aprÚs-vente, etc.; les cercles de qualité ou le JAT impliquent toute la chaßne productive). En
particulier, la direction de l'entreprise doit jouer un rÎle direct dans la gestion de la qualité, qui
devient donc un instrument de gestion stratégique (au Japon, la qualité est souvent du ressort
direct du Directeur Général).
Bibliographie.
L. Cohen, Quality Function Deployment: How to Make QFD Work for You, Addison-Wesley,
1995.
A. De Meyer, H. Kitayama et J.S. Kim, Building customer partnerships as a competitive
weapon: The right choice for globalising competition?, Working Paper INSEAD, 1996.
S.C. Graves, A.H.G. Rinnooy Kan et P.H. Zipkin (eds.), Logistics of Production and Inventory,
North-Holland, Amsterdam, 1993.
J. Greenwald, Is Boeing out of its spin?, TIME, July 13, 1998, pp. 55-57.
J.R. Hauser et D. Clausing, The house of quality, Harvard Business Review, May-June 1988,
pp. 63-73.
R.H. Hayes and D.M. Upton, Operations-based strategy, California Management Review 40
(1998) pp. 8-25.
R.H. Hayes et S.C. Wheelwright, Restoring our Competitive Edge: Competing through
Manufacturing, J.Wiley & Sons, New York, 1984.
J.M. Juran, Made in U.S.A.: A renaissance in quality, Harvard Business Review 71(4), July-
August 1993, pp. 42-50.
J.O. McClain, L.J. Thomas et J.B. Mazzola, Operations Management, 3Ăšme Ă©dition, Prentice-
Hall, Englewood Cliffs, 1992.
Organisation Internationale de Normalisation, ISO 8402: Management de la Qualité et
Assurance de la Qualité -- Vocabulaire, 1994 (site Internet: http://www.iso.ch/indexf.html).
12
T. Parker et T. Lettes, Is accounting standing in the way of flexible computer-integrated manu-
facturing?, Management Accounting, January 1991, pp. 34-38.
W.G. Plossl, La Nouvelle Donne de la Gestion de Production, AFNOR, Paris, 1993.
M.E. Porter, Choix Stratégiques et Concurrence, Economica, Paris, 1990.
W. Skinner, The focused factory, Harvard Business Review 52(3), May-June 1974, 113-121.
W. Skinner, Manufacturing: The Formidable Competitive Weapon, J.Wiley & Sons, New York,
1985.
1
ANNEXE : Extraits du site Internet
http://www.humanite.presse.fr/journal/2001/2001-05/2001-05-24/
24 Mai 2001
Ford obligé d'organiser le rappel de 13 millions de pneus.
Ford enlĂšve la gomme
Le deuxiÚme constructeur automobile mondial lance une gigantesque opération de sécurité en
rappelant 13 millions de pneumatiques Firestone Ă©quipant son modĂšle tout-terrain Explorer.
C'est le principe de précaution version US. Mardi aprÚs-midi le géant nord-américain de
l'automobile a annoncé par la voix de son PDG le rappel de tous les pneus "Wilderness AT"
qui équipent le modÚle vedette de la marque. "C'est une simple mesure de prévention", a
précisé Jacques Nasser, le Big Boss depuis son repÚre du Michigan à propose de pneus qui
"ont montré un taux d'échec total."
Le groupe Ford est donc une nouvelle fois en pleine tourmente, avec ce rappel de millions de
pneus potentiellement défectueux. Conséquence immédiate et inévitable, au pays du tout
apparence, il faudra que la célÚbre marque bataille ferme pour tenter de garder sa bonne
image auprĂšs des automobilistes. Et ce d'autant plus que le deuxiĂšme constructeur automobile
mondial, dont l'ambition est de détrÎner General Motors, ne sort décidément pas depuis
maintenant un an de ce problÚme de pneus sur son véhicule vedette, le 4x4 Ford Explorer.
Elle se superpose au rappel de 6,5 millions de pneus, principalement montés sur des Ford
Explorer, lancé conjointement début août 2000 par Ford et Firestone.
Le PDG de Ford, Jacques Nasser, est mĂȘme venu lundi au CongrĂšs avertir les parlementaires
de la mesure draconienne que son groupe allait prendre : le rappel de 13 millions de pneus
Firestone, fabriqués par la filiale américaine du groupe japonais Bridgestone. Comme c'est la
sécurité qui est considérée comme la préoccupation principale des consommateurs, Ford, sur
un terrain aussi significatif, n'a pas hĂ©sitĂ©, mĂȘme si la gestion de l'image pour une affaire de
ce type est un exercice difficile, selon les experts en communication.
Pour garder une bonne image ou la restaurer, le constructeur se devait de jouer la
transparence. On peut raisonnablement poser la question sur le long terme de ce que sera
l'impact de cette affaire mais dans l'immédiat, en tout cas, la décision de la marque a été
appréciée, selon les premiÚres analyses d'impact réalisées auprÚs des consommateurs.
Globalement, le groupe Ford devrait donc plutĂŽt bien s'en tirer, mĂȘme si il y a un certain
nombre de procÚs en cours à l'heure actuelle de par les poursuites engagées par les familles de
victimes d'accident aprÚs l'éclatement d'un pneu. Selon la sécurité routiÚre nord-américaine
(la NHTSA), 174 décÚs sont liés à ce problÚme d'éclatement.
Les experts en marketing ne pensent pas que les ventes de l'Explorer, un véhicule trÚs popu-
laire, soient pour l'instant menacées, sachant que l'indice de satisfaction des propriétaires de
ce produit reste trĂšs haut. Il y a pourtant des avis divergents. Notamment celui de Wendy
Neeham, une analyste automobile de la banque Credit Suisse First Boston, qui voit ce nou-
2
veau rappel comme le signe de problÚmes à répétition pour le constructeur. Elle a précisé éga-
lement que : "Des pneus endommagés sur une ligne de montage, c'est vraiment un problÚme
spécifique Ford et pas une responsabilité du manufacturier Firestone."
Selon cette analyste les gens seraient fondés à se demander : "Avons-nous réellement besoin
d'acheter un Explorer?" Une question angoissante quand on sait que l'Explorer contribue
actuellement pour un quart au bénéfice de Ford. Le rappel des 13 millions de pneus
demanderait neuf mois en tout pour ĂȘtre menĂ© Ă  bien. Le coĂ»t en est Ă©valuĂ© Ă  3 milliards de
dollars (3,5 milliards d'euros) et pour l'instant personne ne sait si le fabricant de pneus
participera au rĂšglement de la note. Il faut dire que les relations entre les deux entreprises sont
au plus mal, chacune rejetant sur l'autre, tout ou partie, de la responsabilité des problÚmes
rencontrés. Le constructeur reprochant au manufacturier de ne pas avoir ajouté une couche de
nylon dans la fabrication, tandis que Firestone n'hésite plus à remettre en cause la conception
mĂȘme, et donc la stabilitĂ© du "4X4 de ville de Ford", dans les 174 accidents mortels
incriminés. Cette décision de Ford intervient d'ailleurs au lendemain de l'annonce par
Firestone, filiale américaine du fabricant de pneumatiques japonais Bridgestone, de mettre fin
Ă  ses relations commerciales avec le groupe Ford.
3
ANNEXE
ISO 9000 pour responsables affairés
Bienvenue Ă  l’itinĂ©raire ISO 9000 de notre Voyage initiati-
que et démystificateur!
Qu'est-ce qu'ISO 9000?
Les normes de la famille ISO 9000 sont le fruit d’un
consensus international sur les bonnes pratiques de mana-
gement. Leur objectif est d'assurer qu'une organisation
peut réguliÚrement fournir des produits ou services qui ré-
pondent aux exigences de la clientĂšle en matiĂšre de quali-
té. Ces bonnes pratiques ont été distillées en un ensemble
d'exigences normalisées pour un systÚme de management
de la qualité, indépendamment de ce que fait votre organi-
sation, de sa dimension, de son appartenance au secteur privé ou public.
Pourquoi mon organisation devrait-elle mettre en oeuvre ISO 9000?
Une organisation sans clients, ou dont les clients sont insatisfaits, est en
péril! Pour conserver la clientÚle - une clientÚle satisfaite - votre produit
(qui peut fort bien ĂȘtre un service) doit satisfaire Ă  ses exigences.
ISO 9000 offre un cadre bien Ă©prouvĂ© qui vous permettra d’adopter une
approche systématique pour gérer vos processus (les activités de votre
organisation) afin que la production rĂ©ponde aux attentes de la clientĂšle –
une clientĂšle qui sera ainsi constamment satisfaite!
Comment fonctionnent les normes de la famille ISO 9000?
Les exigences d'un systÚme qualité ont été normalisées. Or, chacun
d’entre nous a tendance à penser que son entreprise est unique.
Comment prĂ©voit-on alors, dans ISO 9000, l’écart entre une entreprise
familiale et une multinationale de fabrication ayant des composantes de
services, ou encore un service public ou une administration
gouvernementale?
La réponse est qu'ISO 9000 établit à quelles exigences votre systÚme
qualité doit répondre, mais ne stipule pas comment y répondre dans votre
organisation, ce qui crée une grande latitude et une souplesse pour la
mise en oeuvre dans divers secteurs et cultures d'entreprises... et dans
différentes cultures nationales.
Ainsi, la famille ISO 9000 comprend des normes qui donnent aux
organisations des orientations et des exigences sur ce qui constitue un
systÚme efficace de management de la qualité. ISO 9004-1 (ainsi que les
autres parties d'ISO 9004) donne des lignes directrices sur les éléments
du management de la qualité et du systÚme qualité.
4
La famille comprend Ă©galement des modĂšles permettant d'auditer ce sys-
tĂšme afin de donner Ă  l'organisation et Ă  ses clients une assurance qu'il
fonctionne efficacement. Les trois modÚles d'assurance de la qualité sont
ISO 9001, ISO 9002 et ISO 9003.
Enfin, la famille comprend une norme sur la terminologie et d'autres
normes que l’on peut qualifier d’"outils de soutien", qui donnent des
orientations sur les aspects spécifiques comme l'audit des systÚmes
qualité.
Et si mon organisation décide de mettre en oeuvre ISO 9000?
Elle devrait procĂ©der elle-mĂȘme Ă  un audit de son systĂšme qualitĂ© fondĂ©
sur ISO 9000 afin de vérifier qu'elle gÚre efficacement ses processus ou,
pour le dire autrement, qu'elle maßtrise rigoureusement ses activités.
De plus, l'organisation peut inviter ses clients à auditer le systÚme qualité
afin de leur donner confiance dans son aptitude Ă  livrer des produits ou
services qui répondent à leurs exigences.
Enfin, l'organisation peut solliciter les services d'un organisme
indépendant de certification de systÚmes qualité afin d'obtenir un
certificat de conformité à ISO 9000. Cette option a gagné toute la faveur
des entreprises en raison de la crédibilité dont jouit une évaluation
indépendante. Elle peut éviter les audits multiples effectués par les clients
de l'organisation, ou diminuer leur fréquence ou leur durée.
Le certificat peut également servir de référence entre l'organisation et les
prospects, en particulier lorsque fournisseur et client ne se connaissent
pas ou sont éloignés géographiquement, comme c'est le cas dans un
contexte d'exportation.
Document extrait du site de l’Organisation International de Normalisation
(ISO) : http://www.iso.ch/ (09/10/02)
13
CHAPITRE 3
PLANIFICATION A LONG TERME: LES OPTIONS FONDAMENTALES
Les grandes options fondamentales, c’est-Ă -dire celles qui dĂ©terminent et qui limitent les
opportunités ouvertes à l'entreprise dans le long terme, portent principalement sur la
composition du portefeuille de produits, sur le processus de production adopté et sur la capacité
de production.
Ces options sont soumises à de nombreuses interdépendances: le choix du produit influence la
façon de le produire, qui influence les coûts, donc le volume de vente potentiel, donc la
capacité, qui affecte le choix de processus, etc.
Avant de nous attarder plus longuement sur le choix du processus de production, Ă©voquons
rapidement, et en termes trÚs généraux, les décisions portant sur la conception du produit et sur
la capacité du systÚme productif.
Conception du produit. De plus en plus la conception du produit est considérée comme un
travail d'équipe réclamant des expertises interfonctionnelles: marketing, bureau d'études,
production, etc (voir Section 2.4 ci-dessus). Tout produit doit en effet répondre aux critÚres du
consommateur, mais doit aussi ĂȘtre facilement « manufacturable » afin d'amĂ©liorer sa qualitĂ© et
de réduire les délais de production.
La Conception Assistée par Ordinateur (CAO) permet d'accélérer le processus de
dĂ©veloppement et de gĂ©nĂ©rer facilement des designs diffĂ©rents. Elle peut ĂȘtre couplĂ©e Ă  des
systÚmes permettant de réaliser des prototypes tridimensionnels.
La Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur (CFAO, ou Computer Assisted
Design/Computer Assisted Manufacturing, CAD/CAM) ajoute aux avantages de la CAO la
possibilité de générer automatiquement les séquences d'opérations-machine à effectuer pour
fabriquer le produit. Elle aide à réduire considérablement les délais de production totaux (entre
la passation de commande et sa livraison au client), et assure une bonne coordination entre le
bureau d'Ă©tudes et la production.
PRODUIT
PROCESSUS CAPACITE
14
CapacitĂ©. La capacitĂ© d’un systĂšme productif est une mesure du nombre d'unitĂ©s que peut
produire le systÚme en un laps de temps donné. La simplicité apparente de cette définition est
cependant trompeuse. En effet, la capacité est souvent difficile à estimer, en partie parce qu'elle
est dĂ©terminĂ©e par une multitude de paramĂštres dont certains sont eux-mĂȘmes difficilement
quantifiables:
‱ l'appareil productif proprement dit,
‱ la main d'oeuvre,
‱ les possibilitĂ©s de sous-traitance,
‱ les choix technologiques,
‱ la qualitĂ©,
‱ la motivation des ouvriers,
‱ le product mix,
‱ ...
Une partie de cette variabilité s'exprime à moyen ou à court terme (par exemple, les possibilités
de sous-traitance ou d'heures supplémentaires), et nous y reviendrons dans ce cadre. Mais la
capacité est également fortement limitée par les décisions à long terme. Celles-ci sont de natures
diverses et présentent de nombreuses interdépendances.
‱ Quand faut-il modifier la capacitĂ© ? Il n'est pas toujours conseillĂ© de suivre la demande, qui
peut montrer des tendances Ă  court terme, ou suivre des cycles conjoncturels (voir l'exemple
de la sidérurgie : les producteurs sont obligés de développer des grandes capacités pour
diminuer leurs coûts de production en haute conjoncture, et encourent une surcapacité
sectorielle en basse conjoncture; une situation similaire se produit dans l'enseignement
universitaire qui est soumis aux fluctuations du marchĂ© de l’emploi et de la « mode »).
‱ De combien faut-il modifier la capacitĂ© ? De façon progressive (ce qui permet une meilleure
adĂ©quation Ă  la demande) ou par « sauts » (qui peuvent s’accompagner d’économies
d'échelle) ? Ce problÚme est évidemment lié au précédent.
‱ OĂč faut-il (re)localiser la capacitĂ© de production? Les dĂ©cisions de localisation sont
Ă©troitement liĂ©es Ă  celles dĂ©finissant la configuration du rĂ©seau logistique, c’est-Ă -dire le
rĂ©seau d’approvisionnement, de production et de distribution de l’entreprise. Les progiciels
de support au Supply Chain Management (du type APS, Advanced Planning Systems)
intĂšgrent des modĂšles d’aide Ă  la dĂ©cision, basĂ©s par exemple sur des modĂšles d’optimisation
de localisation similaires Ă  ceux prĂ©sentĂ©s dans l’Annexe « ModĂšles et mĂ©thodes
d’optimisation ».
‱ Quel type de capacitĂ© faut-il ajouter ? (Voir les alternatives Ă©numĂ©rĂ©es plus haut).
Nous ne nous attarderons pas davantage sur ce sujet et renverrons le lecteur à la littérature pour
plus d’informations.
Bibliographie.
R.H. Hayes et S.C. Wheelwright, Restoring our Competitive Edge: Competing through
Manufacturing, J.Wiley & Sons, New York, 1984.
W.G. Plossl, La Nouvelle Donne de la Gestion de Production, AFNOR, Paris, 1993.
15
CHAPITRE 4
PLANIFICATION A LONG TERME: CHOIX DU PROCESSUS DE PRODUCTION
4.1. Généralités.
Le choix du processus de production comporte le choix de l'ensemble des Ă©quipements,
personnel et procédures utilisés pour la production, ainsi que le choix de l'organisation de cet
ensemble.
Le choix du processus est bien sûr affecté par la nature du produit et par les contraintes
techniques (on ne fait pas de voitures en caoutchouc et on n’utilise pas de foreuses pour
produire des hamburgers), mais aussi par des questions d'ordre plus stratégique comme par
exemple la relation entre le processus et le type de marché. Nous placerons notre discussion à ce
dernier niveau, sur un plan organisationnel plutĂŽt que technique.
4.2. Classification des processus de production en fonction des flux de produits.
On va présenter ici une classification grossiÚre, mais néanmoins utile, des processus de
production. La classification est basée sur une analyse du flux des produits, c'est-à-dire sur la
séquence de stations de travail visitées par les produits lors de leur passage à travers le systÚme
productif. Sous le terme générique « station de travail », nous désignons ici les différents
éléments du systÚme, comme par exemple les machines à commande numérique, les machines
opérées manuellement par un ouvrier, les guichets de service, les laboratoires, etc.
‱ Production en ligne: dans un processus en ligne, il existe un flux dominant de produits en ce
sens que (presque) toutes les unitĂ©s produites parcourent les stations de travail selon la mĂȘme
séquence. On distingue deux grandes sous-classes de processus en ligne :
Production Ă  flux continu: ici, deux unitĂ©s successives du produit ne peuvent ĂȘtre ni
séparées ni distinguées les unes des autres.
Exemples : - industrie pétrochimique,
- sidérurgie (phase à chaud),
- industrie agro-alimentaire (aliments pour bétail, ...)
Chaßne de production ou d'assemblage: les unités produites visitent les stations de travail
dans le mĂȘme ordre et subissent des sĂ©quences d'opĂ©rations (presque) identiques; mais
elles sont physiquement séparées, et peuvent présenter de légÚres variations les unes par
rapport aux autres (par exemple, par l'addition d'options).
Exemples : - construction automobile,
- appareils électroménagers,
- McDonald,
- contrĂŽle technique automobile.
16
‱ Job-shop, ou atelier: il n'y a pas de flux dominant de produits; le systùme produit des articles
variés exigeant des séquences d'opérations distinctes.
Exemples : - atelier traditionnel (mécanicien, menuisier),
- sous-traitance de piÚces mécaniques,
- cuisine de restaurant traditionnelle,
- laboratoire d’analyses mĂ©dicales,
- hĂŽpital.
‱ Production en sĂ©ries moyennes, ou Ă  flux intermittent (batch flow): intermĂ©diaire entre les
précédents; les unités au sein d'une série sont identiques; les différentes séries visitent des
séquences de stations similaires, mais chaque série requiert des réglages importants ou des
opérations distinctes à chaque station.
Exemples : - cuisson des Ă©maux
- chaussures
- circuits imprimés
- produits exigeant des traitements chimiques (bains).
Un systÚme de production en ligne se caractérise par le fait que les ressources (machines,
hommes) sont organisĂ©es en fonction de l’article Ă  produire: on dit que le processus est organisĂ©
par produit. Par contre, dans un job-shop, les ressources sont groupées sur base des opérations
qu’elles rĂ©alisent: le processus est organisĂ© par fonction.
Les différents types de systÚmes se distinguent encore par de nombreuses autres caractéristiques.
Dans un systÚme de production en ligne, généralement,
‱ un seul type, ou trĂšs peu de types d’articles diffĂ©rents sont produits;
‱ le nombre d'unitĂ©s produites (volume de production) est Ă©levĂ©;
‱ l’équipement est trĂšs spĂ©cialisĂ©, automatisĂ© et peu flexible;
‱ les investissements en Ă©quipements et en Ă©tudes de conception du systĂšme sont importants;
‱ la main d’Ɠuvre est limitĂ©e;
‱ le taux d'utilisation des Ă©quipements est trĂšs Ă©levĂ© (souvent plus de 90%);
‱ la production se fait pour stock, avec par consĂ©quent des stocks de matiĂšres premiĂšres, de
composants et de produits finis Ă©levĂ©s et des stocks d’encours relativement faibles.
A l’inverse, un job-shop se caractĂ©rise souvent par
‱ une grande variĂ©tĂ© de produits (adaptĂ©s aux exigences spĂ©cifiques de chaque client);
‱ un nombre d'unitĂ©s de chaque type et un volume de production total peu Ă©levĂ©s;
‱ des Ă©quipements non spĂ©cialisĂ©s, peu automatisĂ©s et trĂšs flexibles (temps de rĂ©glage faibles);
‱ des investissements en Ă©quipements relativement peu Ă©levĂ©s;
‱ une main d'oeuvre importante;
‱ un taux d'utilisation des Ă©quipements trĂšs faible (souvent moins de 50%); en effet, dans un
job-shop, chaque produit ne requiert qu’une minoritĂ© des Ă©quipements prĂ©sents; de plus,
chaque changement de production entre différents types de produits se traduit par des temps
de réglage non productifs; certains observateurs mentionnent ainsi que, dans le secteur de
l’industrie mĂ©canique, les produits passent typiquement 95% de leur temps dans l'atelier sous
17
forme d'encours; 1/3 seulement du temps qu'ils passent sur les machines représente du temps
d'usinage effectif, soit moins de 2% du temps de passage total dans l’atelier.
‱ un mode de production à la commande, et donc des stocks de produits finis relativement
faibles.
En termes de coĂ»ts, les avantages comparatifs des deux types de systĂšmes peuvent ĂȘtre esquissĂ©s
comme suit. Le principe directeur de la production en ligne est que les coûts fixes élevés
(investissements) doivent pouvoir ĂȘtre absorbĂ©s par de grands volumes de production. A
l'opposé, dans un job-shop, les coûts fixes sont maintenus à un niveau plus modeste et les coûts
variables, c’est-Ă -dire liĂ©s directement au volume de production, sont prĂ©pondĂ©rants (par
exemple, les coĂ»ts salariaux). Le job-shop peut donc ĂȘtre rentable en produisant des quantitĂ©s
relativement faibles (infĂ©rieures au point d’indiffĂ©rence), alors que, lorsque le volume de
production augmente, les coûts variables plus modestes de la production en ligne se traduisent
également par des coûts moyens moins élevés.
coûts
totaux
4.3. Cycle de vie du produit et organisation de la production.
Dans une vision dynamique, ou évolutive, des caractéristiques d'une entreprise ou d'un produit,
la discussion prĂ©cĂ©dente peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme suit: lorsque le volume de vente potentiel
et le degrĂ© de standardisation d’un produit augmentent, l’entreprise accepte de substituer des
coûts variables (main d'oeuvre, temps de réglage) par des coûts fixes (équipements spécialisés)
et donc de passer du job-shop à la production en ligne. Hayes et Wheelwright (1984) ont analysé
ce phénomÚne en le replaçant dans le cadre des recommandations formulées par Skinner sur la
ligne
job-shop
volume de production
point d’indiffĂ©rence
18
cohérence nécessaire entre les décisions de marketing et de production (voir Chapitre 2 et la
confirmation empirique de cette analyse par Safizadeh et al. 1996).
Afin de formuler les conclusions de ces auteurs, rappelons d’abord briùvement les phases
successives du cycle de vie d’un produit telles qu’elles sont dĂ©crites par la thĂ©orie classique du
marketing (voir par exemple Kotler et Dubois 1994): introduction (augmentation progressive
des ventes), croissance (croissance rapide), maturité (plateau), déclin (décroissance).
La matrice produit-processus de Hayes et Wheelwright (1984) permet de visualiser
simultanĂ©ment la position d’un produit dans son cycle de vie et l'organisation de sa production.
‱ Dans les premiĂšres phases de son cycle, le produit est peu standardisĂ© et sa conception
Ă©volue encore, la demande est faible, les firmes qui le produisent sont de petite taille. Un
systÚme de production organisé en job-shop est donc généralement le mieux adapté dans ces
phases du cycle de vie.
‱ Dans les phases ultĂ©rieures, on constate une standardisation du produit, une augmentation
des volumes de production et l’émergence de quelques grandes firmes essayant de dominer
par les prix. ParallĂšlement, une Ă©volution de l’organisation vers la production en ligne se
révÚle de mieux en mieux adaptée aux besoins rencontrés.
Exemple : Ă©volution de l’industrie automobile depuis le dĂ©but du siĂšcle.
Cette analyse donne lieu à la notion de cycle de vie des processus: idéalement, au cours du cycle
de vie d'un produit, le point qui le représente dans la matrice produit-processus devrait se
déplacer le long de la diagonale de cette matrice. Insistons sur le fait que cette évolution des
processus de production est assez diffĂ©rente de celle des volumes de vente, en ceci qu’elle peut
ĂȘtre, en principe, contrĂŽlĂ©e par la firme plutĂŽt que d’ĂȘtre simplement subie ou observĂ©e. Elle
ligne
batch
job shop
introduction croissance maturité
Matrice produit-processus
(Hayes and Wheelwright 1984)
⊕
⊕
⊕
⊕
⊗
⊗
19
constitue donc, potentiellement, un important instrument de gestion dans la stratégie
concurrentielle d’une entreprise.
D'autres stratĂ©gies sont Ă©videmment possibles mais doivent alors ĂȘtre reconnues explicitement
comme des stratĂ©gies de diffĂ©renciation non standards. De telles stratĂ©gies doivent ĂȘtre
soigneusement Ă©valuĂ©es pour s’assurer qu’elles ne crĂ©ent pas d’incohĂ©rence entre le plan
marketing de l’entreprise et le processus de production adoptĂ© (voir Safizadeh et al. 1996 pour
quelques exemples, ainsi que l’article dĂ©crivant la situation de Boeing, en annexe au Chapitre
2).
4.4. Cellules de fabrication et ateliers flexibles: entre job-shops et lignes de production.
Cellules de fabrication.
Dans la vision extrĂȘme du job-shop, le nombre de produits diffĂ©rents est Ă©norme, et tous ces
produits ont des gammes opératoires différentes (séquences de machines visitées, opérations sur
ces machines). A l’inverse, la technologie de groupe reconnaüt explicitement que de nombreux
produits peuvent en fait ĂȘtre groupĂ©s en familles de produits similaires (si mĂȘme ils ne sont pas
parfaitement identiques) sur base des similitudes de leurs caractéristiques physiques et/ou de
leurs gammes opératoires.
Exemples : - famille engrenages
- famille tubes
Au sein d’une famille, chaque produit peut alors ĂȘtre dĂ©fini par ses caractĂ©ristiques propres.
Exemple : - engrenages: - nombre de dents
- diamĂštre
- tubes: - longueur
- diamĂštre
- Ă©paisseur
La technologie de groupe répertorie chaque produit (et, plus généralement, chaque article connu
dans l’entreprise) au moyen d’un code (alpha)numĂ©rique qui permet de l'identifier de façon
unique et qui reflĂšte Ă©galement ses caractĂ©ristiques essentielles. Ce code peut ĂȘtre utilisĂ© pour
mettre en Ă©vidence les similitudes entre produits (des codes similaires correspondent Ă  des
produits similaires) et donc pour définir les familles de produits de façon pertinente.
La classification en familles et la codification des articles permettent de ne pas réinventer perpé-
tuellement la roue: elles facilitent
‱ la gestion des stocks et des documents techniques,
‱ la conception d'un nouveau produit au sein d'une famille connue,
‱ l'Ă©limination de designs superflus,
‱ la dĂ©finition des gammes opĂ©ratoires pour ce produit,
‱ la fabrication, par la systĂ©matisation des procĂ©dĂ©s (voir ci-dessous).
20
L’adoption de la technologie de groupe s’accompagne frĂ©quemment d’une rĂ©organisation des
ateliers en cellules de fabrication autonomes, spécialisées dans la production de familles de
produits distinctes. IdĂ©alement, donc, chaque produit devrait ĂȘtre fabriquĂ© entiĂšrement dans une
seule cellule, et tous les produits fabriquĂ©s dans une cellule devraient ĂȘtre similaires.
L’organisation en cellules permet de retirer certains des bĂ©nĂ©fices de la production en ligne:
‱ spĂ©cialisation des Ă©quipements (tous les produits d’une famille requiĂšrent les mĂȘmes
Ă©quipements),
‱ systĂ©matisation des procĂ©dĂ©s (les gammes opĂ©ratoires sont similaires),
‱ rĂ©duction des temps de lancement,
‱ simplification de la gestion, en particulier de l'ordonnancement.
(Notez l’analogie avec le Plant Within a Plant de Skinner.)
Ateliers flexibles (FMS).
L'Ă©mergence des ateliers flexibles conduit Ă  repenser la distinction traditionnelle entre
‱ d'une part : production de masse, automatisation poussĂ©e, investissements (coĂ»ts fixes)
élevés, coûts variables faibles, rigidité,
‱ et d'autre part : petites sĂ©ries, main d’Ɠuvre importante, investissements faibles, coĂ»ts
variables importants, flexibilité.
Remarquons que c’est essentiellement le taux d’utilisation des Ă©quipements qui dĂ©termine leur
rentabilitĂ©, et peu importe que ce taux soit atteint par la fabrication d'un seul produit ou d’un
mix de plusieurs produits (c’est-Ă -dire par addition de petites sĂ©ries). Cette derniĂšre approche
correspond mieux aux exigences des marchés contemporains (voir Chapitre 2). Mais elle ne
peut Ă©videmment ĂȘtre mise en oeuvre que sur des Ă©quipements suffisamment flexibles.
Les machines à commande numérique (Computer Numerical Control, CNC) présentent une
flexibilité nettement accrue par rapport aux machines-outils traditionnelles. Sur une machine
CNC, les mouvements et opérations des outils sont contrÎlés par un micro-ordinateur. La
machine possĂšde par ailleurs un dispositif de changement d'outils automatique. Ces
caractĂ©ristiques permettent Ă  la machine d’enchaĂźner trĂšs efficacement les opĂ©rations
successives en rĂ©duisant le temps consacrĂ© aux temps de rĂ©glage et aux changements d’outils.
Un atelier flexible (Flexible Manufacturing System, FMS) consiste en l’agencement de
plusieurs machines CNC desservies par un systÚme de transport et de chargement automatisés
des piĂšces et des outils, l’ensemble Ă©tant contrĂŽlĂ© et coordonnĂ© par un ordinateur central. Un tel
systÚme combine donc la flexibilité individuelle offerte par les machines CNC à une flexibilité
accrue du systĂšme de manutention.
L’adoption d’un FMS entraĂźne des coĂ»ts d'investissement Ă©levĂ©s (frais fixes) mais peu de frais
variables (que ce soit sous forme de main d’Ɠuvre ou de coĂ»ts de lancement de la production),
et fournit une flexibilité élevée. Il permet donc de rentabiliser l'automatisation de la production
des petites séries. Ainsi, Jaikumar et Van Wassenhove (1989) ont observé des FMS produisant
plus de 100 types de piÚces différents chaque année (dont 25 nouveaux produits) et pour
lesquels le taux d'utilisation (pour usinage) est supérieur à 75% du temps total.
21
Notons cependant quelques obstacles Ă  l'utilisation effective des ateliers flexibles:
‱ investissements trĂšs Ă©levĂ©s et amortissement lent (5-7 ans) pour certains systĂšmes;
‱ bĂ©nĂ©fices difficilement quantifiables: flexibilitĂ© et qualitĂ© accrues, rĂ©duction des dĂ©lais et
coûts de lancement, ...;
‱ complexitĂ© des dĂ©cisions de gestion liĂ©es Ă  de tels systĂšmes (planification, ordonnancement,
...);
(voir Parker et Lettes 1991).
4.5. Layout (implantation) des centres de production.
AprÚs avoir décidé en termes généraux du type de processus de production à utiliser (par
exemple, production en ligne ou job-shop) et des équipements à acquérir, la firme se voit encore
confrontĂ©e Ă  des problĂšmes plus spĂ©cifiques d’implantation des centres de production
(machines, postes de travail, départements, ...), c'est-à-dire de localisation relative des centres de
production.
En pratique, de nombreux éléments peuvent entrer en ligne de compte dans les décisions
d'implantation: contraintes historiques (l'implantation évolue souvent de façon progressive, sans
ĂȘtre globalement remise en cause), esthĂ©tiques, facteurs humains (l'environnement de travail
doit rester agréable), sécurité (les ateliers de peinture seront situés loin de ceux de soudure, afin
d'éviter l'explosion des matiÚres volatiles), etc. Les modÚles mathématiques que nous allons
prĂ©senter ci-dessous devront donc ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des modĂšles d'aide Ă  la dĂ©cision
plutÎt que comme des systÚmes automatisés de prise de décision.
Nous considĂ©rerons seulement ici des situations idĂ©ales oĂč le systĂšme doit ĂȘtre conçu Ă  partir de
rien et oĂč l'objectif Ă  optimiser peut-ĂȘtre exprimĂ© quantitativement. De telles situations se
rencontrent par exemple lors de la construction de nouveaux bĂątiments ou lors de la
réorganisation de systÚmes existants. Les modÚles d'optimisation les plus courants tiennent
compte d'un objectif de minimisation des coĂ»ts. Ces coĂ»ts peuvent gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre interprĂ©tĂ©s
comme des coûts de manutention (transfert, transport) ou de déplacement.
Nous considérerons successivement les problÚmes qui se posent lors de l'implantation d'une
chaßne d'assemblage, puis de celle des départements d'un atelier.
4.5.1. Equilibrage des chaĂźnes d'assemblage.
Par nature, une ligne de production est consacrée à la fabrication d'un seul produit (avec varian-
tes éventuelles) et doit donc exécuter des séquences d'opérations (presque) identiques sur
chaque unité de ce produit. Il est donc logique que l'implantation d'un tel systÚme soit dictée par
les séquences d'opérations nécessaires à la fabrication de ce seul produit. On parle alors d'une
organisation par produit (product layout) du processus de production.
22
Typiquement, les postes de travail d'un systÚme organisé par produit sont placés en ligne et
chaque unité du produit passe de station en station en subissant une transformation à chaque
Ă©tape. Des exemples extrĂȘmes de ce type d’organisation se trouvent dans les industries Ă 
processus de production continu, oĂč la sĂ©quence des opĂ©rations Ă  effectuer est souvent
totalement rigide (comme dans l'industrie chimique ou sidérurgique). Par contre, dans le cas de
chaĂźnes d'assemblage, l'ordre des postes de travail, ou mĂȘme des opĂ©rations Ă  effectuer, n'est
généralement pas complÚtement déterminé par les spécifications techniques du produit.
Illustrons ce propos par un exemple simple.
Exemple: Liste des opĂ©rations Ă  effectuer sur une chaĂźne d’assemblage automobile:
1. Assemblage de la carrosserie
2. Assemblage du bloc moteur
3. Assemblage carrosserie - bloc moteur
4. Placement transmission
5. Placement roues
6. Placement siĂšges
7. Portes
8. Installation vitres
9. ContrĂŽle finition
Contraintes de précédence (antériorité) à respecter entre les opérations :
1 4 - 5
 / 
3 8 -- 9
/  /
2 6 - 7
Plusieurs définitions des postes de travail sont compatibles avec les contraintes exprimées: de
fait, on pourrait adopter
1) un seul poste regoupant toutes les opérations,
2) un poste par opération : 1 - 2 - 3 - ... - 9,
3) le regroupement de plusieurs opérations par poste: par exemple (1,2,3) - (4,6) - (5,7) - (8) -
(9).
Chacune de ces solutions comporte ses inconvénients (ainsi que des avantages absents des
autres solutions): difficulté d'apprentissage et lancements répétitifs de la production pour la
solution (1), monotonie des tĂąches Ă  effectuer et lourdeur des manutentions pour la solution (2),
etc.
Par ailleurs, les diverses solutions se caractérisent aussi par des taux de production variés.
Définissons à présent ce concept de façon précise: le taux de production T d'une chaßne
d'assemblage est le nombre moyen d'unitĂ©s qu’elle produit par unitĂ© de temps.
23
Un concept intimement lié au précédent est celui de temps de cycle: le temps de cycle C (cycle,
cycle time, etc) d'une chaßne est le temps écoulé, en moyenne, entre la production de deux unités
successives. On a donc la relation : T = 1/C.
Le taux de production et le temps de cycle sont évidemment déterminés par la durée des
opérations individuelles à exécuter, mais aussi par l'implantation de la chaßne et en particulier
par le regroupement des opérations aux postes de travail successifs.
Exemple: Assemblage automobile (suite).
Durée des opérations (en minutes):
1. Assemblage de la carrosserie : 17
2. Assemblage du bloc moteur : 11
3. Assemblage carrosserie - bloc moteur : 8
4. Placement transmission : 5
5. Placement roues : 4
6. Placement siĂšges : 6
7. Portes : 8
8. Installation vitres : 5
9. ContrĂŽle finition : 3
On calcule facilement le temps de cycle pour les 3 layouts définis plus haut:
1) un seul poste: 67 minutes.
2) un poste par opération: 17 minutes.
3) regroupement (1,2,3) - (4,6) - (5,7) - (8) - (9) : 36 minutes.
Remarquons que le temps de cycle d'une chaßne de production est déterminé par le temps de
travail (la charge) du poste de travail le plus lent, ou poste goulot (bottleneck).
Nous sommes maintenant équipés pour définir formellement le problÚme d'équilibrage d'une
chaßne d'assemblage: étant donnés
‱ les diffĂ©rentes opĂ©rations Ă  effectuer et leurs durĂ©es respectives p1, ..., pm,
‱ les relations de prĂ©cĂ©dence entre opĂ©rations,
‱ un temps de cycle « cible » C,
affecter les opérations à un nombre minimum de postes de travail placés en ligne de telle sorte
que les relations de précédence soient respectées et que le temps opératoire total n'excÚde C
pour aucun poste.
Avant d'envisager la solution de ce problĂšme, formulons d'abord quelques remarques sur sa
définition.
1. Dans cette formulation, le temps de cycle, et donc le taux de production, sont fixés de façon
exogĂšne. Cette hypothĂšse est raisonnable dans le cadre d'une production de masse pour
stock, oĂč la demande est souvent relativement stable. (On considĂšre cependant parfois une
formulation alternative dans laquelle le nombre de stations disponibles est fixé a priori et le
temps de cycle doit ĂȘtre minimisĂ©).
24
2. Le nombre de stations peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un substitut approximatif des coĂ»ts de
manutention: de longues chaßnes impliquent de nombreux transferts de matériel. Cependant,
une réduction de la longueur de la chaßne implique généralement une augmentation du temps
de cycle (voir exemple ci-dessus)!! Ceci explique que l'on incorpore une contrainte sur le
temps de cycle dans le modĂšle.
3. Le temps mort (idle time) TM est le temps total durant lequel les postes de travail sont
inoccupés pendant un cycle de production. Pour une solution comportant N postes,
TM = N × C - Σi pi.
Lorsque le temps de cycle C et les temps opératoires pi sont considérés comme des données,
minimiser N revient Ă  minimiser TM. L'objectif du problĂšme d'Ă©quilibrage peut donc
Ă©galement ĂȘtre vu comme un objectif de minimisation des temps morts.
4. Dans les situations pratiques, on rencontre souvent des contraintes additionnelles; par
exemple, deux opĂ©rations ne peuvent pas ĂȘtre rĂ©alisĂ©es par le mĂȘme poste (incompatibilitĂ© ou
encombrement des Ă©quipements, etc), certains postes ne peuvent pas effectuer certaines
opérations, etc.
Voyons maintenant comment aborder la solution du problĂšme d'Ă©quilibrage.
Tout d’abord, une limite infĂ©rieure L sur le nombre de postes optimal peut ĂȘtre calculĂ©e par la
formule
L = ÎŁi pi / C .
Mais cette borne inférieure n'est pas toujours réalisable, comme le montre l'exemple suivant.
Exemple: Assemblage automobile (suite).
Si on se donne un temps de cycle de 17 minutes (ce qui correspond à la durée de la plus longue
opération), alors:
L = ÎŁi pi / C = 67/17 = 3,9.
Donc, toute solution impliquera au minimum 4 postes de travail. Mais en fait, pour l'exemple
considéré, on peut facilement se persuader qu'il n'y a pas de solution comportant moins de 5
postes.
En pratique, le problÚme d'équilibrage est un problÚme difficile à résoudre de façon optimale
lorsque le nombre d’opĂ©rations devient trop important (il est NP-difficile). Par consĂ©quent, on
ressort souvent Ă  des mĂ©thodes approchĂ©es, ou heuristiques, pour l’attaquer. La plupart des
heuristiques d’équilibrage de chaĂźnes d’assemblage appliquent une stratĂ©gie gourmande. Elles
reposent sur le schéma de résolution suivant.
25
Etape 1. Définir un coefficient de priorité ci pour chaque opération i (par exemple, la durée de
l’opĂ©ration, ou la somme des durĂ©es des opĂ©rations qui suivent, ...).
Etape 2. Si les postes 1, ..., j ont déjà été définis, et certaines opérations ont déjà été affectées
au poste j+1, alors:
i) parmi les opérations disponibles (dont tous les prédécesseurs ont été affectés) et pouvant
encore ĂȘtre affectĂ©es au poste j+1 sans excĂ©der C, affecter celle ayant le plus haut coefficient
de
priorité ci;
ii) si plus aucune opĂ©ration ne peut ĂȘtre affectĂ©e au poste j+1 sans excĂ©der C, crĂ©er un poste
j+2
et lui affecter l'opération disponible ayant le plus haut coefficient de priorité ci.
Les coefficients de prioritĂ© peuvent ĂȘtre dĂ©finis de diffĂ©rentes façons. Par exemple, on peut
dĂ©finir ci comme Ă©tant le temps opĂ©ratoire de l’opĂ©ration i (c’est-Ă -dire, ci = pi).
Alternativement, on peut choisir ci égal au nombre d'opérations ultérieures à l'opération i dans le
graphe de précédence (l'idée est ici de donner la plus haute priorité aux opérations qui doivent
encore ĂȘtre suivies par de nombreuses autres opĂ©rations). La mĂ©thode du Ranked Positional
Weight repose sur une variante de cette idée: on y définit ci comme la somme des durées de
toutes les opérations ultérieures à l'opération i. Cette heuristique fournit souvent des solutions de
bonne qualité. Enfin, la méthode COMSOAL (COmputer Method of Sequencing Operations for
Assembly Lines) donne simplement la mĂȘme prioritĂ© Ă  toutes les opĂ©rations, ce qui revient Ă 
choisir l'affectation de l'opération suivante au hasard! Le manque de sophistication évident de
cette méthode est compensé par la force brutale: l'heuristique génÚre successivement un grand
nombre de solutions et ne retient que la meilleure. De nombreuses autres heuristiques ont
également été proposées dans la littérature scientifique (voir le logiciel QSOM proposé par
Chang 1989).
Exemple: Assemblage automobile (suite).
Pour un temps de cycle C = 17 (L = 4), on obtient facilement des solutions optimales Ă  5 postes,
impliquant donc 18 minutes de temps mort.
Notons que, pour un temps de cycle de 19 minutes, on peut réduire le nombre de postes à 4 et le
temps mort Ă  9 sec. (dans la pratique, il est trĂšs utile d'explorer de telles solutions alternatives).
Avec un temps de cycle de 25 sec (L = 3), l'heuristique du « plus grand nombre de successeurs
d’abord» gĂ©nĂšre une solution Ă  4 postes, tandis que RPW donne une solution optimale Ă  3
postes.
Un cas pratique d'équilibrage de chaßne, illustrant bien la plupart des propos ci-dessus, est décrit
par
Agnetis, Ciancimino, Lucertini et Pizzichella (1992). Le graphe de précédence, le layout de
l’usine et la composition des stations de travail avant la rĂ©alisation de l’étude de cas sont
donnés en annexe à la fin de ce chapitre. En particulier, on observe dans cette étude des paires
d'opĂ©rations incompatibles, ou 'forcĂ©es' dans la mĂȘme station. L'implantation originale compte
15 stations, mais est mal équilibrée (temps de cycle de 78 secondes, avec 49 secondes de temps
mort à la station de traitement des radiateurs, résultant en encours importants). Le taux de
production de 692 unités par jour (2 shifts de 7,5 heures) excÚde légÚrement la demande
26
moyenne, qui est de 625 unités. Une meilleure solution a été obtenue par les auteurs: elle
comporte 20 postes de travail, mais ne requiert plus qu'un shift (7,5 heures par jours) pour
atteindre le taux de production de 625 unités.
4.5.2. Job-shop: Localisation des départements.
Dans un job-shop, les produits subissent des séquences d'opérations trÚs diverses, et il n'est donc
plus possible de se laisser guider par une 'logique de produit' pour décider de l'implantation des
centres de production. En pratique, on regroupe souvent les machines ou les Ă©quipements en
départements sur base de leur fonction. On parle dans ce cas d'organisation fonctionnelle
(process layout). (Remarquons cependant que, comme nous l’avons briĂšvement mentionnĂ© dans
la Section 4.4, la technologie de groupe et les cellules de fabrication offrent une approche
alternative - souvent trĂšs performante - Ă  l'implantation des job-shops )
Exemples:
Atelier mécanique : département fraiseuses, tours, foreuses ..
HÎpital : radiographie, électroencéphalogrammes, plùtres, ...
Dans une optique de minimisation des coûts de manutention, le problÚme de localisation des
dĂ©partements peut alors ĂȘtre modĂ©lisĂ© comme suit: Ă©tant donnĂ©s
‱ N dĂ©partements Ă  localiser,
‱ une superficie totale disponible S,
‱ la superficie si requise par chaque dĂ©partement i,
‱ le coĂ»t de transport (par unitĂ© de matĂ©riel et par unitĂ© de distance) entre chaque paire de
départements i et j, soit cij ,
‱ le flux de matĂ©riel (nombre d'unitĂ©s) entre les dĂ©partements i et j, soit fij ,
attribuer à chaque département i un emplacement (connexe) de superficie si (i = 1, ..., N ) dans
l'aire disponible, de façon à minimiser les coûts totaux de transport.
La matrice des flux fij peut ĂȘtre par exemple estimĂ©e sur base de donnĂ©es historiques dans le
cas d'un systÚme à réorganiser, ou sur base de prévisions dans le cas d'un systÚme à créer. La
distance dkl entre les emplacements k et l peut ĂȘtre estimĂ©e par la distance (euclidienne ou
rectilinéaire) entre les centres de gravité des deux emplacements. Les coûts totaux de transport
sont alors calculés par la formule
CT c f dij ij k i l j
j
N
i
N
=
==
∑∑ ( ) ( )
11
oĂč k(i) et l(j) sont les centres de gravitĂ© des emplacements attribuĂ©s aux dĂ©partements i et j
respectivement.
Le problÚme de localisation des départements, tel que nous venons de le formuler, est réputé
pour ĂȘtre extrĂȘmement difficile Ă  rĂ©soudre de façon optimale (il est NP-difficile). En pratique,
on recourt donc à des méthodes de résolution heuristiques. Les méthodes les plus efficaces sont
celles procédant par échanges successifs: au départ d'une solution quelconque, on essaye de
27
déplacer un département vers un emplacement libre ou d'échanger les emplacements de
plusieurs départements (généralement, deux à deux ou trois à trois); la modification n'est
entérinée que si elle entraßne une diminution du coût total CT. La méthode CRAFT
(Computerized Relative Allocation of Facilities Technique) procÚde de cette façon (voir le
logiciel QSOM (Chang 1989) pour une implantation).
Bibliographie.
A. Agnetis, A. Ciancimino, M. Lucertini et M. Pizzichella, Balancing flexible lines for car
components assembly, Rapport 20.92, Dipt. di Informatica e Sistemistica, UniversitĂ  degli Studi
di Roma 'La Sapienza', 1992.
Y.-L. Chang, QSOM - Quantitative Systems for Operations Management, Prentice-Hall,
Englewood Cliffs, 1989.
A. Courtois, M. Pillet et C. Martin, Gestion de Production, Les Editions d'Organisation, Paris,
1989.
V. Giard, Gestion de la Production, 2Ăšme Ă©dition, Economica, Paris, 1988.
R. Jaikumar et L.N. Van Wassenhove, A production planning framework for flexible
manufacturing systems, Journal of Manufacturing and Operations Management Vol. 2 (1989)
pp.52-79.
P. Kotler et B. Dubois, Marketing Management, 8Ăšme Ă©dition, Publi union, 1994.
J.O. McClain, L.J. Thomas et J.B. Mazzola, Operations Management, 3Ăšme Ă©dition, Prentice-
Hall, Englewood Cliffs, 1992.
T. Parker et T. Lettes, Is accounting standing in the way of flexible computer-integrated
manufacturing?, Management Accounting, January 1991, pp. 34-38.
M.H. Safizadeh, L.P. Ritzman, D. Sharma et C. Wood, An empirical analysis of the product-
process matrix, Management Science, Vol. 42, November 1996, pp. 1576-1591.
How manufacturing can make low-tech products high-tech, Harvard Business Review,
September-October 1995, p. 98.
28
CHAPITRE 5
PLANIFICATION A MOYEN TERME:
LE PLAN AGREGE DE PRODUCTION
5.1. Introduction et concepts de base.
Nous quittons le domaine des décisions stratégiques, portant sur le long terme et/ou la
conception du systĂšme productif, pour entrer dans celui de la planification tactique, portant sur
le moyen terme. Dans ce cadre de décision, le portefeuille de produits et le processus de
production doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des donnĂ©es (mĂȘme si certaines modifications
marginales de capacitĂ© peuvent encore ĂȘtre envisagĂ©es). La question qui se pose est de savoir
comment utiliser au mieux le systÚme existant. Plus précisément:
Le rÎle de la planification agrégée de la production est de planifier globalement le volume et
l'utilisation des ressources ainsi que les niveaux de production et de stocks Ă  atteindre au cours
de chaque sous-période afin de satisfaire au mieux la demande prévisionnelle sur un horizon à
moyen terme.
Quelques explications s'imposent ...
Horizon du plan.
Comment faut-il fixer les limites temporelles du plan de production agrégé ?
Une premiĂšre limite supĂ©rieure Ă  l’horizon du plan a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e ci-dessus: on s'intĂ©resse Ă 
un horizon sur lequel les dĂ©cisions stratĂ©giques doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme irrĂ©vocables.
Un autre critÚre à prendre en compte est lié à la fiabilité des prévisions de demande: cette
fiabilitĂ© a en effet tendance Ă  dĂ©croĂźtre lorsque l’horizon du plan s’allonge.
Afin de dĂ©terminer une limite infĂ©rieure Ă  l’horizon du plan, notons que celui-ci doit ĂȘtre
suffisamment long pour permettre un certain lissage de la production obtenu en jouant sur la
constitution de stocks et les modifications temporaires de personnel. En particulier, les
fluctuations saisonniĂšres (de demande, de disponibilitĂ© des ressources, etc) doivent pouvoir ĂȘtre
reflétées dans le plan.
→ En pratique, on utilise souvent un horizon d'un an.
Cet horizon est découpé en plusieurs sous-périodes. Le plan devra donc spécifier les différentes
décisions prises pour chacune de ces sous-périodes. Le choix des sous-périodes est guidé par les
principes suivants:
‱ de trop longues sous-pĂ©riodes effacent les fluctuations des paramĂštres (notamment de la
demande), et entraĂźnent donc une perte d'information;
‱ des sous-pĂ©riodes trop courtes augmentent les erreurs d'estimation et la complexitĂ© du
problÚme (en particulier, le nombre de variables de décision).
→ En pratique, on utilise souvent des sous-pĂ©riodes de 1, 2 ou 3 mois.
29
Comme c’est la cas pour tous les plans d’action Ă©tablis sur base de donnĂ©es incertaines, la
qualité du plan agrégé de production tend à diminuer au fil du temps. Par conséquent, ce plan
doit ĂȘtre soumis Ă  des rĂ©visions pĂ©riodiques qui permettent de tenir compte de l’évolution rĂ©elle
de la situation entre deux révisions (changement de conjoncture, mauvaise évaluation de la
demande, changements de productivité, ...).
Demande.
Les produits mis sur le marchĂ© Ă©tant connus, la demande des sous-pĂ©riodes successives peut −
en principe − ĂȘtre estimĂ©e par le dĂ©partement marketing. Remarquons immĂ©diatement que la
qualité du plan de production sera trÚs largement influencée par la qualité de ces prévisions,
auxquelles une attention toute particuliĂšre devrait donc ĂȘtre prĂȘtĂ©e avant d’entrer dans le
processus de planification proprement dit.
L’obtention des prĂ©visions peut ĂȘtre basĂ©e sur diffĂ©rentes sources d’information (donnĂ©es
historiques, études de marchés, analyses sectorielles, commandes enregistrées, expérience des
distributeurs, etc) et peut faire appel à différentes techniques statistiques (régression, analyse de
séries chronologiques, etc.). De nombreux logiciels de gestion de la production offrent des
modules d’aide Ă  la prĂ©vision de la demande mettant Ă  disposition de l’utilisateur une large
panoplie d’outils statistiques. Pour la plupart des entreprises, l’exercice de prĂ©vision de la
demande reste cependant extrĂȘmement difficile Ă  metre en Ɠuvre, pour de multiples raisons.
En particulier, les séries statistiques obenues dans le passé ne fournissent pas nécessairement
une base fiable pour prédire le futur (la conjecture change, des produits concurrents
apparaissent, etc.), la demande peut ĂȘtre trĂšs variable, et donc difficile Ă  prĂ©voir avec
précision (en particulier pour des produits innovants, ou soumis à des effets de mode), les
distributeurs ou les vendeurs peuvent avoir un intĂ©rĂȘt « politique » Ă  maquiller leurs
prĂ©visions (par exemple pour s’assurer de disposer de stocks suffisants), etc. Souvent, il sera
nĂ©cessaire pour l’entreprise de dĂ©velopper des relations de partenariat Ă©troit avec ses clients –
impliquant typiquement l’échange d’informations sur les chiffres de ventes ou sur l’état des
stocks - pour parvenir Ă  surmonter ces difficultĂ©s de prĂ©vision. Bien qu’il s’agisse lĂ  d’un
sujet d’une grande importance pratique et d’une grande actualitĂ©, nous ne le dĂ©velopperson
pas davantage dans le cadre de ce cours introductif (voir par exemple Fisher 1997 pour
quelques illustrations).
Par ailleurs, dans le cadre adopté ici, le rÎle de la production est en premier lieu de satisfaire la
demande, vue comme déterminée de façon exogÚne. Nous considérerons donc principalement
des stratégies réactives, qui acceptent la demande comme une contrainte à respecter.
En fait, certaines possibilités d'influencer ou de déplacer la demande sont parfois prises en
compte dans la planification à moyen terme: publicité ou rabais dans les périodes de basse
demande (compagnies aériennes, chemins de fer, hÎtels, ...) ou service sur rendez-vous
(cliniques, ...). De telles stratégies proactives sont notamment trÚs utilisées par les sociétés de
service, qui n'ont pas la possibilité d'utiliser les stocks pour lisser la production sur de longues
pĂ©riodes. Dans certains cas, l’entreprise peut Ă©galement accepter la possibilitĂ© de ne satisfaire
qu'une partie de la demande.
30
Ressources.
La ressource la plus flexible sur l'horizon considéré est celle constituée par le personnel de
production (quoique certaines décisions d'acquisition d'équipement ou de sous-traitance peuvent
aussi ĂȘtre inclues dans le plan agrĂ©gĂ© de production, si les options stratĂ©giques et/ou l'horizon de
planification le permettent). Les décisions à prendre concernent donc essentiellement les
volumes d'embauche, de licenciement, de prestation d'heures supplémentaires, etc. Chacune de
ces dĂ©cisions peut avoir sa portĂ©e limitĂ©e a priori par des considĂ©rations stratĂ©giques ou d’autres
contraintes (par exemple, une politique de maintien de l'emploi, des conventions sectorielles,
etc).
Niveaux de production et de stocks.
La demande de chaque sous-pĂ©riode peut ĂȘtre satisfaite de diffĂ©rentes façons: par la production
effectuée au cours de cette sous-période, au cours des périodes antérieures (livraisons sur
stocks) ou au cours des périodes ultérieures (livraisons en retard). En combinant ces diverses
possibilitĂ©s, la firme peut niveler son niveau d’activitĂ© sur l’horizon Ă  moyen terme et donc
stabiliser le volume de ressources utilisées. On découvre là un des rÎles essentiels des stocks:
celui du lissage de la production (remarquons que ce rĂŽle est utile mĂȘme dans un univers
parfaitement déterministe et parfaitement connu; il faut donc bien le distinguer de celui qui
consiste à protéger la firme contre les incertitudes de la demande, les aléas des livraison de
fournitures, etc).
Dans ce chapitre, nous supposerons systĂ©matiquement que l’entreprise n’a pas recours aux
livraisons tardives: la demande doit ĂȘtre satisfaite Ă  la fin de la pĂ©riode oĂč elle est exprimĂ©e.
Cette contrainte peut par exemple traduire un des objectifs stratĂ©giques de l’entreprise −
disponibilitĂ© permanente des produits, rĂ©duction des dĂ©lais de livraison − et marquer ainsi la
coordination désirée entre deux niveaux de planification (stratégique et long terme).
Alternativement, le lecteur pourra n’y voir qu’un simple souci de clartĂ© didactique: des
possibilitĂ©s de livraisons tardives pourraient facilement ĂȘtre prises en considĂ©ration au prix d’un
certain alourdissement de la présentation.
Remarquons enfin que, lorsque la demande est connue avec certitude, il suffit de connaĂźtre le
nombre d’unitĂ©s produites au cours de chaque sous-pĂ©riode pour en dĂ©duire le niveau des stocks
Ă  la fin de chaque sous-pĂ©riode. RĂ©ciproquement, l’état des stocks Ă  la fin de chaque sous-
période détermine complÚtement les volumes de production correspondants. Par conséquent, le
plan de production agrĂ©gĂ© peut ĂȘtre vu comme fixant uniquement l’une des deux quantitĂ©s −
stocks ou production. Cette interprétation peut se révéler utile dans certaines circonstances.
En conclusion: la planification agrégée réalise la coordination à moyen terme entre les
départements marketing, personnel et production; le plan agrégé est donc généralement le fruit
d'une collaboration entre ces trois départements, qui doivent obligatoirement l'approuver, et
l’accepter comme une contrainte Ă  respecter dans leurs activitĂ©s Ă  plus court terme.
31
En quoi le plan est-il «agrégé »?
Au niveau de décision considéré, il rÚgne trop d'incertitudes pour vouloir s'encombrer de détails
qui compliqueraient inutilement la prise de décision. On cherche donc seulement ici à planifier
« dans les grandes lignes », ce qui se traduit par:
‱ l'agrĂ©gation des dĂ©cisions: les produits sont agrĂ©gĂ©s en familles de produits, les ressources en
grandes catégories (de personnel, d'équipements, etc), les sous-périodes sont relativement
longues;
‱ l'omission de nombreux dĂ©tails: produits peu demandĂ©s, ressources peu utilisĂ©es, etc.
L’agrĂ©gation des dĂ©cisions permet de simplifier considĂ©rablement la formulation, la rĂ©solution
et l’interprĂ©tation des modĂšles (moins de donnĂ©es Ă  collecter, moins de calculs Ă  effectuer,
moins de résultats à analyser). Par ailleurs, elle augmente généralement la qualité des prévisions
de demande ainsi que l’estimation d’autres paramĂštres. Par exemple, si les diffĂ©rents produits
agrĂ©gĂ©s au sein d’une mĂȘme famille ont des demandes corrĂ©lĂ©es nĂ©gativement, alors
l’estimation de leur demande agrĂ©gĂ©e sera plus prĂ©cise que celle des demandes individuelles
(plus prĂ©cisĂ©ment, la variance de l’estimation sera infĂ©rieure Ă  la somme des variances des
demandes individuelles).
5.2. Analyse graphique des options simples.
Dans cette section, nous allons briĂšvement prĂ©senter une mĂ©thode graphique d’élaboration du
plan de production agrĂ©gĂ©. Pour simpliste qu’elle puisse paraĂźtre, cette mĂ©thode permet de
visualiser rapidement certaines des options qui s’offrent à l’entreprise et possùde par ailleurs
d’intĂ©ressantes vertus didactiques. Nous prĂ©senterons par la suite quelques approches plus
sophistiquĂ©es du mĂȘme problĂšme.
Exemple: Considérons un seul produit (éventuellement aprÚs agrégation) et un horizon de 6
mois, oĂč chaque mois comporte 20 jours. On dispose des donnĂ©es reprises dans le tableau ci-
dessous.
Mois Demande Stock minimum
---------------------------------------------------------------
1 70 15
2 100 20
3 120 30
4 60 15
5 50 10
Plus gĂ©nĂ©ralement, l’horizon considĂ©rĂ© comporte les pĂ©riodes 1, 2, ..., T. Pour chaque pĂ©riode,
on a estimé la demande prévisionnelle et le stock minimum à posséder en fin de période.
Rappelons que la firme n’a pas recours aux livraisons tardives. On supposera par ailleurs, afin
de simplifier la discussion, que la position de stock est nulle en dĂ©but d’horizon. Les besoins
cumulés à la période t sont alors définis comme suit:
32
BC(t) = demande cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t + stock minimum de la pĂ©riode t.
Un plan de production agrĂ©gĂ© peut ĂȘtre vu comme une fonction croissante PC(t), oĂč PC(t)
dĂ©signe la production cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t (t = 1, 2, ..., T). Le plan PC(t) est admissible
si, à chaque période t
BC(t) ≀ PC(t) = production cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t. (1)
Remarquons que cette condition d’admissibilitĂ© traduit le fait que la demande doit ĂȘtre
entiĂšrement satisfaite sans recourir aux livraisons tardives. Les ruptures de stocks ne sont donc
pas autorisées
Exemple (suite): Calculons la demande cumulĂ©e et les besoins cumulĂ©s pour l’exemple
numérique précédent..
Mois Demande Besoins
cumulée cumulés
--------------------------------------
1 70 85
2 170 190
3 290 320
4 350 365
5 400 410
Le graphique suivant fournit une reprĂ©sentation de l’évolution des besoins cumulĂ©s en fonction
du temps (courbe Ă©paisse).
410
365
320
190
85
20 40 60 80 100 t (en jours)
unités
0
0
besoins cumulés
production cumulée
33
Toute courbe croissante PC partant de l'origine et située au dessus de la courbe BC représente
un plan admissible. La diffĂ©rence PC(t) − BC(t) reprĂ©sente l'excĂ©dent de stock par rapport au
stock minimum requis à la période t.
Dans la pratique, les entreprises se basent souvent sur cette représentation graphique pour
développer leur plan de production agrégé. Illustrons cette approche par la discussion de deux
stratĂ©gies de base simples, mais de natures extrĂȘmes, qui s'offrent Ă  l'entreprise.
Stratégie 1. Suivre la demande en modifiant les effectifs. Le plan de production est établi de
telle sorte que
PC(t) = BC(t) pour tout t, (2)
ce qui revient à imposer que la production de chaque période soit exactement égale à la
demande de cette période. Le stock en fin de période est donc toujours égal au stock minimum
requis.
Ce type de stratĂ©gie est largement utilisĂ©e dans les services, oĂč les possibilitĂ©s de stockage sont
inexistantes (par exemple, dans le secteur HORECA), mais est également observée dans
l’industrie (secteur automobile). En termes de coĂ»t, notons qu'elle minimise (Ă©videmment !) les
coûts de possession de stock.
Stratégie 2. Minimiser les fluctuations de personnel. Dans sa version la plus simple, cette
stratĂ©gie implique de produire Ă  taux constant pendant l’horizon du plan. Formellement,
l'hypothÚse de production à taux constant signifie que PC(t) est une fonction linéaire du temps.
On peut donc Ă©crire: PC(t) = αt, oĂč α peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un taux de production.
Graphiquement, le plan minimisant les fluctuations de personnel correspond alors Ă  un segment
de droite situé au-dessus de la courbe BC.
Par exemple, Ă  l’époque 0 (dĂ©but de l’horizon de planification), on peut choisir un taux de
production initial α1 aussi faible que possible sous réserve que la droite PC1(t) = α1t satisfasse à
la premiĂšre condition d’admissibilitĂ©: BC(t) ≀ PC1(t) pour tout t.
410
365
320
190
85
20 40 60 80 100 t (en jours)
unités
0
0
besoins cumulés
production cumulée
34
Cette stratégie tend évidemment à minimiser les coûts liés aux fluctuations de personnel (coûts
monétaires ou sociaux), mais entraßne généralement l'accumulation de stocks importants. De
façon alternative, l’entreprise pourrait choisir de produire à taux constant en se contentant
d’exiger que la production cumulĂ©e en fin d’horizon soit Ă©gale aux besoins cumulĂ©s: PC(T) =
BC(T), sans requĂ©rir la condition d’admissibilitĂ© (1). Cette stratĂ©gie implique d’accepter les
ruptures de stocks.
5.3. Un modÚle de programmation linéaire.
Comme on l'a remarqué ci-dessus, l'analyse graphique permet de visualiser facilement les
diffĂ©rentes options s'offrant Ă  l'entreprise et permet mĂȘme d'Ă©laborer un plan de production dans
des situations relativement simples (par exemple, trÚs agrégées). Ce type d'analyse est donc
fréquemment utilisée en pratique.
Il faut bien voir, cependant, que l’analyse graphique ne permet pas l'optimisation des coĂ»ts
entraĂźnĂ©s par le plan, ni de tenir facilement compte de produits multiples, d’options mixtes
(combinaisons d'heures supplémentaires, d'embauche, de campagnes publicitaires déplaçant la
demande, etc) ou de contraintes additionnelles (contraintes budgétaires, capacité, ...). On
comprend donc l'intĂ©rĂȘt d'une approche plus puissante et plus formalisĂ©e de la planification
agrégée.
Une approche optimisante célÚbre a été développée dans les années cinquante par Holt,
Modigliani, Muth et Simon (1964). Ces chercheurs ont élaboré un modÚle de planification
agrĂ©gĂ©e pour le compte d’une grande entreprise dĂ©sirant niveler sa production et rĂ©duire ses
stocks (une description de cette application se trouve en annexe à la fin du présent chapitre). Les
variables considérées dans le modÚle HMMS décrivent les niveaux de production, de stocks, de
personnel, et d'heures supplémentaires à prester. L'objectif de minimisation des coûts est traduit
dans un modÚle d'optimisation quadratique sans contraintes. Les conditions d'optimalité du
premier ordre donnent lieu à des rÚgles de décision linéaires, qui définissent les niveaux de
production et d’emploi optimaux Ă  chaque pĂ©riode sous forme de fonctions linĂ©aires de ces
niveaux aux périodes précédentes et de la demande prévisionnelle.
Le modÚle HMMS permet l'optimisation des coûts, nécessite peu de calculs, et génÚre des rÚgles
d'utilisation facile. Ces avantages ont contribué à sa popularité. Par contre, il connaßt aussi une
des limitations fondamentales de l'approche graphique: il est peu flexible, en ce sens qu'il
n'admet pas l'addition de contraintes (plus prĂ©cisĂ©ment, le modĂšle d’optimisation quadratique
qui en résulterait est beaucoup plus difficile à résoudre que le modÚle HMMS de base).
Les modÚles de programmation linéaire, à l'inverse, fournissent une approche optimisante qui
peut ĂȘtre plus facilement enrichie par la considĂ©ration de facteurs secondaires. Par exemple, les
limitations de capacitĂ© de certains centres de production peuvent ĂȘtre naturellement intĂ©grĂ©es
dans le modĂšle sous forme de contraintes d’inĂ©galitĂ©. Ceci autorise un ajustement charge-
capacité - 'rough-cut capacity planning' - qui, dans le modÚle HMMS ou dans l'approche
graphique, doit ĂȘtre rĂ©alisĂ© a posteriori. Cette souplesse de modĂ©lisation, alliĂ©e aux autres
avantages bien connus de la programmation linéaire (disponibilité des logiciels, résolution
35
efficace de programmes de grande taille, analyse de sensibilité) font de la programmation
linéaire un instrument de choix pour la planification agrégée de la production.
Décrivons briÚvement la structure de base d'un modÚle de programmation linéaire pour
l'élaboration du plan de production agrégé. Dans cette formulation, nous adoptons une
convention de modélisation du temps largement répandue en gestion de la production et qui sera
également utilisée dans les autres chapitres de ce syllabus. Pour chaque période, nous
supposons que la production a lieu en début de période et que les livraisons-clients sont
effectuĂ©es en fin de pĂ©riode. En d’autres termes, toutes les unitĂ©s produites Ă  la pĂ©riode t sont
disponibles pour satisfaire la demande de cette pĂ©riode. Par ailleurs, l’état de stock est
dĂ©terminĂ© aprĂšs livraison aux clients, c’est-Ă -dire Ă  la fin de chaque pĂ©riode t.
Pour clarifier la présentation du modÚle, nous adoptons également les conventions
typographiques suivantes: les variables de décision sont notées en MAJUSCULES, les
paramĂštres (c’est-Ă -dire les donnĂ©es du modĂšle) en minuscules, et les expressions plus
complexes (fonctions, inégalités, etc) en italiques.
HypothĂšses de base: on considĂšre
‱ N produits (ou, plus prĂ©cisĂ©ment, N familles de produits)
‱ T pĂ©riodes de planification
‱ une seule catĂ©gorie de personnel.
Variables de décision: pour j = 1, ..., N et t = 1, ..., T,
PROD[j,t] : nombre d'unités du produit j produites en début de période t
STOCK[j,t] : nombre d'unités du produit j en stock à la fin de la période t
PERS[t] : nombre d'ouvriers employés à la période t
EMBAUCHE[t] : nombre de nouveaux ouvriers embauchés au début de la période t
LICENC[t] : nombre d'ouvriers licenciés au début de la période t
SUPP[t] : nombre d'heures supplémentaires prestées pendant la période t
Schéma du modÚle: le modÚle possÚde la structure de base suivante:
minimiser (coûts de personnel) + (coûts de possession) (3)
sous les contraintes :
admissibilité du plan (4)
calcul des stocks (5)
calcul des effectifs de personnel (6)
contraintes de capacité (7)
contraintes additionnelles. (8)
Gestion de productioncours02-03
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Gestion de productioncours02-03

  • 1. ElĂ©ments de GESTION DE LA PRODUCTION Yves CRAMA Ecole d'Administration des Affaires UniversitĂ© de LiĂšge Notes de cours AnnĂ©e acadĂ©mique 2002-2003
  • 2. i TABLE DES MATIERES Page CHAPITRE 1: Introduction 1 1.1. DĂ©finitions et concepts de base 1 1.2. Gestion hiĂ©rarchique de la production 2 1.3. DĂ©veloppement historique de la GP: Quelques jalons ... 3 1.4. Relations avec les autres fonctions de l’entreprise 3 Bibliographie 4 CHAPITRE 2: Gestion stratĂ©gique de la production 5 2.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 5 2.2. Impact sur la fonction production 5 2.3. Le rĂŽle stratĂ©gique de la gestion de la production 6 2.4. Gestion de la qualitĂ© 8 Bibliographie 11 Annexes: Is Boeing out of its spin? Building customer partnerships as a competitive weapon ? Ford obligĂ© d’organiser le rappel de 13 millions de pneus ISO9000 pour responsables affairĂ©s CHAPITRE 3: Planification Ă  long terme: Les options fondamentales 13 Bibliographie 14 Annexe: How manufacturing can make low-tech products high-tech CHAPITRE 4: Planification Ă  long terme: Choix du processus de production 15 4.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 15 4.2. Classification des processus de production en fonction des flux de produits 15 4.3. Cycle de vie du produit et organisation de la production 17 4.4. Cellules de fabrication et ateliers flexibles: entre job-shops et lignes de production 19 4.5. Layout (implantation) des centres de production 21 4.5.1. Equilibrage des chaĂźnes d'assemblage 21 4.5.2. Job-shop: Localisation des dĂ©partements 25 Bibliographie 26 Annexe: Equilibrage d’une chaĂźne d’assemblage CHAPITRE 5: Planification Ă  moyen terme: Le plan agrĂ©gĂ© de production 28 5.1. Introduction et concepts de base 28 5.2. Analyse graphique des options simples 31 5.3. Un modĂšle de programmation linĂ©aire 34 Bibliographie 39 Annexe: Application Ă  une usine de peinture (extrait de Holt, Modigliani, Muth et Simon 1964)
  • 3. ii CHAPITRE 6: Planification Ă  court terme: Le plan directeur de production 40 6.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 40 6.2. SchĂ©ma d'Ă©laboration du PDP 40 6.3. Commentaires sur l’élaboration du PDP 43 6.4. Le contenu du plan directeur de production 46 Bibliographie 44 CHAPITRE 7: Planification Ă  court terme: La problĂ©matique des stocks 48 7.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 48 7.2. Objectif de la gestion des stocks 48 7.3. Mesures de l’état des stocks 49 7.4. Le rĂŽle des stocks 49 7.5. La gestion Juste-A-Temps 50 Bibliographie 52 Annexe: RĂ©volte nipponne: Le just-in-time contestĂ© CHAPITRE 8: Planification Ă  court terme: La planification des besoins en composants 53 8.1. Exemple introductif 53 8.2. La logique MRP 58 8.3. SystĂšmes d’information utilisĂ©s par les logiciels MRP 59 8.4. Dynamique du systĂšme MRP 60 8.5. Techniques de dĂ©termination des lots (lot sizing) 60 8.6. Planification des besoins en capacitĂ© (CRP) - Calcul des courbes de charge 66 8.7. Epilogue 68 Bibliographie 69 CHAPITRE 9: Planification Ă  court terme: La gestion des stocks pour les articles Ă  demande indĂ©pendante 70 9.1. Demande indĂ©pendante 70 9.2. Politiques de gestion des stocks: Les choix Ă  effectuer 70 9.3. Politiques de gestion des stocks: Les rĂ©ponses possibles 72 9.4. Classification ABC 73 9.5. Quelques modĂšles de gestion des stocks 75 9.5.1. QuantitĂ© Ă©conomique de commande 75 9.5.2. DĂ©lai d’obtention 76 9.5.3. Demande alĂ©atoire 77 9.5.4. ModĂšle du marchand de journaux 79 Bibliographie 80 CHAPITRE 10: Ordonnancement et pilotage des ateliers 81 10.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 81 10.2. Quelques concepts utilisĂ©s en ordonnancement 82 10.3. Description des tĂąches et du systĂšme de production 83 10.4. CritĂšres de qualitĂ© d'un ordonnancement 83 10.5. Ordonnancement sur une machine unique 85
  • 4. iii 10.6. Pilotage des ateliers: RĂšgles de dispatching 87 10.7. Ordonnancement d’ateliers par les rĂšgles de dispatching 88 Bibliographie 89 CHAPITRE 11: Gestion de projets 91 11.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s 91 11.2. Les mĂ©thodes de chemins critiques 92 11.3. Construction d’un ordonnancement et implantation 97 11.4. Modifications du modĂšle de base 99 11.4.1. DurĂ©es incertaines (modĂšle PERT) 100 11.4.2. Compression des durĂ©es (modĂšle CPM) 102 Bibliographie 107
  • 5. 1 CHAPITRE 1 INTRODUCTION Every time I look at you I don’t understand Why you let the things you did get so out of hand You’d have managed better if you had it planned (Jesus Christ Superstar) 1.1. DĂ©finitions et concepts de base. La production est le processus conduisant Ă  la crĂ©ation de produits par l'utilisation et la transformation de ressources. Les opĂ©rations sont les activitĂ©s composant le processus de production. Le terme « transformation » doit ĂȘtre entendu au sens large, puisqu’il recouvre la modification de la l’apparence, des propriĂ©tĂ©s physico-chimiques, de l'emplacement (transport), etc. Les « produits » peuvent ĂȘtre des biens (physiques) ou des services. Les « ressources » consistent principalement en - capital et Ă©quipements - main d'Ɠuvre - matiĂšres (premiĂšres, produits semi-finis) - information. Exemples : bois, hommes, atelier de menuiserie → tables avions, pilotes, hĂŽtesses, systĂšmes de gestion des rĂ©servations → transport aĂ©rien La gestion de la production (et des opĂ©rations) est la fonction de gestion ayant pour objets la conception, la planification et le contrĂŽle des opĂ©rations. Les activitĂ©s de conception portent sur la dĂ©finition des caractĂ©ristiques ‱ du systĂšme productif (capacitĂ©, localisation, technologie, etc) ‱ des produits. La planification dĂ©crit l'utilisation projetĂ©e du systĂšme productif dans l’objectif de satisfaire la demande. En d’autres termes, elle a pour objectif de coordonner la capacitĂ© disponible avec la demande (un thĂšme rĂ©current en gestion de la production !). L’activitĂ© de contrĂŽle s’efforce d’évaluer l’adĂ©quation des rĂ©sultats obtenus par rapport aux plans. Dans ce cours introductif, nous nous limiterons essentiellement Ă  une discussion de quelques notions de base de la conception des systĂšmes productifs et Ă  une prĂ©sentation des principales dĂ©cisions de planification. Nous articulerons notre prĂ©sentation dans un cadre de dĂ©cision hiĂ©rarchique que nous allons maintenant dĂ©crire briĂšvement.
  • 6. 2 1.2. Gestion hiĂ©rarchique de la production. En gestion de la production, on distingue gĂ©nĂ©ralement plusieurs niveaux de dĂ©cision allant des dĂ©cisions stratĂ©giques et/ou Ă  long terme aux dĂ©cisions opĂ©rationnelles et/ou Ă  trĂšs court terme. Nous nous arrĂȘterons plus particuliĂšrement aux niveaux suivants: Gestion stratĂ©gique et planification Ă  long terme: ce niveau de dĂ©cision couvre ‱ la dĂ©finition de la mission de l’entreprise (« what business are we in ? »), la composition du portefeuille de produits, l’identification des segments de marchĂ© visĂ©s, les choix de processus de production; ‱ la dĂ©finition de la stratĂ©gie concurrentielle: domination par les coĂ»ts (cost leadership), diffĂ©- renciation (par la qualitĂ©, la flexibilitĂ©, l’innovation, les dĂ©lais, ...), concentration de l’activitĂ© (focus), ...; Les dĂ©cisions ainsi mentionnĂ©es, mĂȘme lorsqu’elles ne relĂšvent pas sensu stricto de la gestion de la production, prĂ©sentent nĂ©anmoins de profondes implications pour cette fonction. Leur considĂ©ration nous amĂšnera notamment Ă  prĂ©senter une typologie des systĂšmes productifs et Ă  Ă©tudier leur relation avec les caractĂ©ristiques du marchĂ© et la stratĂ©gie concurrentielle. Nous Ă©voquerons encore quelques questions plus spĂ©cifiques comme celles de la gestion de la qualitĂ©, de l’équilibrage des chaĂźnes de production, de la localisation des dĂ©partements, etc. Planification Ă  moyen terme: en gestion de la production, la planification Ă  moyen terme comprend ‱ la planification agrĂ©gĂ©e de la production, dont le rĂŽle est de coordonner les dĂ©cisions en matiĂšre de production avec le contenu du plan marketing et la gestion du personnel; ‱ la gestion de projet. Nous nous limiterons ici Ă  l’élaboration du plan agrĂ©gĂ© de production (quelques aspects de la gestion de projet sont Ă©voquĂ©s dans le cours de Recherche OpĂ©rationnelle). Planification Ă  court terme: on retrouve ici ‱ l’élaboration du plan directeur de production (MPS) qui dĂ©taille les quantitĂ©s Ă  produire sur un horizon restreint; ‱ la planification des besoins en composants; ‱ la gestion des stocks. Nous nous arrĂȘterons assez longuement sur les principes de base de la technique la plus populaire de planification des besoins en composants, la mĂ©thode MRP (Material Requirements Planning). Nous Ă©voquerons Ă©galement quelques notions fondamentales de la gestion des stocks. Ordonnancement et lancement de la production: affectation des ordres de fabrication aux postes de travail. Nous couvrirons trĂšs briĂšvement ce sujet important, mais souvent mal maĂźtrisĂ©. ContrĂŽle: suivi des ordres de fabrication, contrĂŽle de qualitĂ©, indicateurs de performance, etc.
  • 7. 3 Il est important de comprendre que les diffĂ©rents niveaux de dĂ©cision se distinguent par d’autres caractĂ©ristiques que la seule Ă©tendue de leur horizon (du long terme au trĂšs court terme). Parmi les autres facteurs importants permettant de diffĂ©rencier ces niveaux, on citera par exemple: ‱ le degrĂ© d’irrĂ©versibilitĂ© des dĂ©cisions, ‱ la diversitĂ© des fonctions de gestion impliquĂ©es, ‱ le degrĂ© d’agrĂ©gation des informations, des catĂ©gories de produits et de ressources, ‱ le degrĂ© d’incertitude, ‱ la prise en considĂ©ration ou l’abstraction de certains dĂ©tails, etc. La prĂ©sentation des dĂ©cisions de gestion dans un cadre hiĂ©rarchique permet d’insister sur leur profonde interdĂ©pendance. Les niveaux de dĂ©cisions supĂ©rieurs engendrent des contraintes qu’il est nĂ©cessaire de prendre en compte aux niveaux infĂ©rieurs et, rĂ©ciproquement, les informations utilisĂ©es lors de toute prise de dĂ©cision remontent gĂ©nĂ©ralement de niveaux infĂ©rieurs. Le cadre hiĂ©rarchique met en Ă©vidence ces nombreuses relations tout en fournissant un fil conducteur logique pour l’exposĂ© des concepts fondamentaux Ă  chaque niveau. 1.3. DĂ©veloppement historique de la GP: Quelques jalons ... RĂ©volution industrielle (19Ăšme siĂšcle): - augmentation des volumes de production et de la complexitĂ© des organisations; dĂ©cisions de production souvent laissĂ©es aux ouvriers; - dĂ©veloppement de la machinerie et de l'automatisation; Ăšre des ingĂ©nieurs mĂ©caniciens (John Cockerill). Scientific management (∌ 1910): - observation des mĂ©thodes de travail: Ă©clatement des tĂąches complexes en parties simples, sĂ©lection de mĂ©thodes optimales (parmi celles observĂ©es), systĂ©matisation des procĂ©dures; Ăšre des ingĂ©nieurs industriels (Taylor, Gilbreth, Ford). Recherche opĂ©rationnelle, management science (Ă  partir de 1945): - modĂ©lisation mathĂ©matique et optimisation ; - transition des mĂ©thodes descriptives vers les mĂ©thodes prescriptives (ouvre la voie Ă  l'intervention des gestionnaires). DĂ©veloppement de l’informatique (Ă  partir de 1950): - logiciels d'aide Ă  la dĂ©cision ; - automatisation de la production ; - systĂšmes d'information (MIS) et systĂšmes intĂ©grĂ©s de gestion d’entreprises (ERP). DĂ©veloppement de la compĂ©tition internationale (Ă  partir de 1970): - importance accrue des coĂ»ts, de la flexibilitĂ©, de la qualitĂ©, des dĂ©lais (exemple japonais); accent sur la fonction production, dont l'importance stratĂ©gique est explicitement reconnue.
  • 8. 4 1.4. Relation avec les autres fonctions de l’entreprise. Par sa nature transversale, la gestion de la production comporte des liens avec de nombreux autres aspects de la gestion des entreprises: gestion stratĂ©gique, thĂ©orie des organisations, marketing, logistique, mĂ©thodes quantitatives et recherche opĂ©rationnelle, comptabilitĂ©, contrĂŽle de gestion, etc. L’étudiant (ou le praticien) pourra trouver dans ces interconnections l’une des facettes les plus sĂ©duisantes de la gestion de la production, ainsi qu’une occasion de redĂ©couvrir certaines questions de gestion sous un angle nouveau. Bibliographie. K. Boskma, Produktie en Logistiek, 2Ăšme Ă©dition, Wolters-Noordhoff, Groningen, 1987. A.C. Hax et D. Candea, Production and Inventory Management, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, N.J., 1984.
  • 9. 5 CHAPITRE 2 GESTION STRATEGIQUE DE LA PRODUCTION 2.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s. La gestion stratĂ©gique de l'entreprise est gĂ©nĂ©ralement dĂ©finie comme couvrant les dĂ©cisions relatives ‱ Ă  la composition du portefeuille de produits et aux (segments de) marchĂ©s ciblĂ©s, ‱ Ă  l'appropriation et Ă  l'allocation des ressources financiĂšres. Elle place donc principalement l'accent sur les fonctions marketing et finance. Une consĂ©quence de cette vision du management stratĂ©gique est que les fonctions marketing et finance constituent souvent les prĂ©occupations centrales des gestionnaires (ce sont les fonctions « nobles » de l'entreprise), alors que ces mĂȘmes gestionnaires ont par ailleurs moins d'intĂ©rĂȘt et moins d'expĂ©rience dans le domaine de la gestion de la production. En particulier, ‱ les managers se concentrent sur des stratĂ©gies concurrentielles de croissance, diversification, repositionnement basĂ©es sur des acquisitions, des fusions ou sur le marketing de leurs produits, plutĂŽt que sur le dĂ©veloppement d'une expertise technologique ou manufacturiĂšre propres; ‱ les managers se dĂ©sintĂ©ressent des dĂ©cisions de production, vues comme purement technologiques et non directement intĂ©grĂ©es aux autres dĂ©cisions de gestion. Ce dĂ©sintĂ©ressement, cependant, n’est pas totalement neutre. Voyons quel impact nĂ©gatif l’accent mis sur les fonctions marketing et finance peut avoir pour la gestion de la production. 2.2. Impact sur la fonction production. Marketing: La vision moderne du marketing veut que cette fonction joue un rĂŽle intĂ©grateur et serve d'interface entre le client d'une part et les autres fonctions de l’entreprise (production, finance, personnel, ...) par ailleurs (voir Figure ci-dessous). Selon le « concept marketing », la tĂąche essentielle de l'organisation est de dĂ©terminer les besoins et les dĂ©sirs des marchĂ©s cibles, et de les satisfaire plus efficacement et de façon plus appropriĂ©e que la concurrence. En vertu de ce principe, les entreprises soumises Ă  une pression concurrentielle accrue ont Ă©tĂ© conduites dans un passĂ© rĂ©cent Ă  ‱ augmenter constamment le nombre de produits, les options disponibles, les exigences de qualitĂ©, et Ă  ‱ diminuer la durĂ©e de vie des produits ainsi que les dĂ©lais de production et de livraison. Cette politique orientĂ©e vers la satisfaction des dĂ©sirs du client peut engendrer de nombreuses consĂ©quences nĂ©fastes pour la fonction production: coexistence de production massive et en petites sĂ©ries, redĂ©marrages frĂ©quents de la production, diminution des opportunitĂ©s d'apprentissage, difficultĂ©s de planification (commandes en derniĂšre minute), obsolescence
  • 10. 6 rapide des procĂ©dĂ©s, augmentation des stocks, diminution de la qualitĂ©, etc. (lire par exemple la description des difficultĂ©s rencontrĂ©es par Boeing dans l’article annexĂ© Ă  ce chapitre). Figure: Le concept marketing Finance: Hayes et Wheelwright (1984) estiment que les contrĂŽles financiers ont rĂ©cemment accordĂ© trop d’importance Ă  la rentabilitĂ© Ă  court terme des investissements (Return On Investments, rapports trimestriels). Cet accent sur le court terme a Ă©tĂ© renforcĂ© par la mobilitĂ© des cadres et dirigeants. Tout comme le concept marketing, cette politique financiĂšre a de profondes implications pour les activitĂ©s de production: elle tend Ă  dĂ©courager les investissements Ă  long terme et/ou dans des technologies innovatrices, et entraĂźne ainsi une obsolescence plus rapide des Ă©quipements et une rĂ©sistance Ă  l’adoption de technologies avancĂ©es de production (par exemple, robotique ou ateliers flexibles; voir l’article de Parker et Lettes 1991 en annexe Ă  ce chapitre). 2.3. Le rĂŽle stratĂ©gique de la gestion de la production. Vers la fin des annĂ©es 60 et, de façon accĂ©lĂ©rĂ©e, durant les annĂ©es 70, un nombre croissant d’entreprises (principalement japonaises) commencent Ă  imposer la notion qu’une stratĂ©gie concurrentielle basĂ©e essentiellement sur l’excellence en production (qualitĂ© des produits, raccourcissement des dĂ©lais, flexibilitĂ©, ...) peut se rĂ©vĂ©ler viable et mĂȘme gagnante. Vers la mĂȘme Ă©poque, plusieurs gourous acadĂ©miques (Porter 1990, Skinner 1985, ...) soulignent l’importance pour chaque entreprise de formuler explicitement la stratĂ©gie CLIENT MARKETING FINANCE G R H PRODUCTION ...
  • 11. 7 concurrentielle qu’elle a choisi de suivre et la nĂ©cessitĂ© de concentrer tous ses efforts vers la rĂ©alisation de ces objectifs stratĂ©giques. Porter, en particulier, distingue trois grandes catĂ©gories de stratĂ©gies face Ă  la concurrence: domination globale par les coĂ»ts, diffĂ©renciation, concentration de l’activitĂ©. Au-delĂ  de ses recommandations quant au choix d’une stratĂ©gie adaptĂ©e Ă  chaque entreprise, cependant, Porter insiste fortement sur la nĂ©cessitĂ© d’une mise en oeuvre cohĂ©rente de tous les moyens de l’entreprise (marketing, gestion financiĂšre, organisation, production) dans la poursuite des objectifs prĂ©cisĂ©s dans sa stratĂ©gie. Faute de choix cohĂ©rents, l’entreprise risque de se trouver « enlisĂ©e dans la voie mĂ©diane » (« stuck in the middle ») avec pour consĂ©quence une situation extrĂȘmement faible face Ă  la concurrence. Skinner, quant Ă  lui, s’intĂ©resse plus particuliĂšrement Ă  la stratĂ©gie adoptĂ©e par les entreprises en matiĂšre de gestion de la production. Sur base de ses nombreux contacts industriels, il formule les observations suivantes (Skinner 1974 et 1985, Chapitres 1 et 6). 1. Les dĂ©cisions de production sont de nature stratĂ©gique. Plus prĂ©cisĂ©ment, ce sont souvent des dĂ©cisions dĂ©terminantes pour la compĂ©titivitĂ© de l'entreprise et intimement liĂ©es aux autres dĂ©cisions stratĂ©giques (en particulier, aux dĂ©cisions de marketing). Ces dĂ©cisions portent gĂ©nĂ©ralement sur le long terme (investissements lourds), prennent lentement leurs effets et sont difficilement rĂ©versibles. 2. Les critĂšres de performance en production sont variĂ©s. Comme mentionnĂ© plus haut, ces critĂšres de performance se sont beaucoup Ă©largis au cours des 20 Ă  30 derniĂšres annĂ©es sous la pression concurrentielle et l'allĂ©geance au concept marketing: au seul critĂšre de minimisation des coĂ»ts (productivitĂ©) sont venus s'ajouter des critĂšres de qualitĂ©, de flexibi- litĂ©, de dĂ©lais de livraison, de qualitĂ© des investissements, etc. (Pensez aux stratĂ©gies concurrentielles dĂ©crites par Porter). 3. Un systĂšme de production ne peut pas exceller dans tous les domaines. Un systĂšme productif, pour ĂȘtre efficace, exige des choix et des compromis (trade-offs), principalement dans les domaines suivants : ‱ technologie: typiquement, une fabrique ne peut pas maĂźtriser plus de deux ou trois technologies diffĂ©rentes; ‱ marchĂ©s ciblĂ©s: chaque segment est caractĂ©risĂ© par des exigences distinctes en termes de qualitĂ©, dĂ©lais, prix, etc; ‱ volumes de production: des volumes diffĂ©rents requiĂšrent des approches diffĂ©rentes de la planification, de la gestion des stocks, du contrĂŽle de qualitĂ©, etc; ‱ niveaux de qualitĂ©; ‱ fabrication interne ou sous-traitance (make or buy); ‱ degrĂ© de spĂ©cialisation des Ă©quipements; ‱ risque technologique; ‱ ... Ne pas poser clairement ces choix conduit Ă  des situations difficilement maĂźtrisables et empĂȘche la firme de bĂ©nĂ©ficier des effets d'apprentissage. Pour contrĂŽler ce type de dĂ©rive, les entreprises ont alors souvent tendance Ă  augmenter leur staff et les couches de management au prix d'une augmentation de leurs frais fixes - overheads - et d'une perte de compĂ©titivitĂ©. (On retrouve les effets pervers de la situation d'enlisement dans la voie mĂ©diane dĂ©crite par Porter 1990).
  • 12. 8 Skinner tire de ces observations quelques leçons essentielles pour l’entreprise. Selon lui, pour rester compĂ©titive, l'entreprise doit se concentrer sur quelques critĂšres d'excellence dans le domaine de la production, formuler explicitement ses choix et mettre les moyens en oeuvre pour les atteindre (en excluant la poursuite d’objectifs non compatibles; concept de focused factory). Si l'entreprise possĂšde des produits ou des marchĂ©s impliquant des choix contradictoires, son appareil productif devrait ĂȘtre sĂ©parĂ© en usines distinctes, exhibant chacune les caractĂ©ristiques de la focused factory (plant within a plant). Par ailleurs, les choix stratĂ©giques posĂ©s dans la sphĂšre marketing doivent ĂȘtre cohĂ©rents avec ceux posĂ©s dans la sphĂšre production. En particulier, chacune de ces fonctions impose des contraintes dont l'autre doit tenir compte: l’ajustement doit ĂȘtre rĂ©ciproque plutĂŽt qu’unidirectionnel. Ces conclusions restent clairement valides et pertinentes aujourd’hui. Le rapport annexĂ© au prĂ©sent chapitre (De Meyer et al. 1996) dĂ©crit la façon dont les grandes entreprises manufacturiĂšres europĂ©ennes, amĂ©ricaines et japonaises envisagent actuellement leurs options stratĂ©giques en matiĂšre de production. On y dĂ©couvrira avec intĂ©rĂȘt que les choix qu’elles posent dans ce domaine varient significativement dans les diffĂ©rentes rĂ©gions. Il reste, cependant, que la plupart des critĂšres de performance mentionnĂ©s par les entreprises s’inscrivent dans une des quatre grandes catĂ©gories : coĂ»t, qualitĂ©, dĂ©lais, flexibilitĂ©, qui constituent les Ă©talons incontournables en matiĂšre de production. 2.4. Gestion de la qualitĂ©. Nous allons discuter briĂšvement de la gestion de la qualitĂ©, comme exemple typique d'une variable dont la gestion est entrĂ©e rĂ©cemment dans le domaine stratĂ©gique. (Voir Graves, Rinnooy Kan et Zipkin (1993), Juran (1993), McClain, Thomas et Mazzola (1992)) . Informellement, on appelle qualitĂ© d’un produit la mesure dans laquelle ce produit est conforme aux attentes et exigences de l'utilisateur. Plus formellement, l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) dĂ©finit la qualitĂ© comme « l’ensemble des caractĂ©ristiques d’une entitĂ© qui lui confĂšrent l’aptitude Ă  satisfaire des besoins exprimĂ©s ou implicites », oĂč le terme entitĂ© peut dĂ©signer un produit, une activitĂ©, un processus, un systĂšme, etc. Il ne faut donc pas confondre qualitĂ© et luxe: un crayon ou de l'eau peuvent ĂȘtre de bonne ou de mauvaise qualitĂ©. A ses dĂ©buts, la gestion de la qualitĂ© se limitait essentiellement Ă  deux aspects : ‱ le contrĂŽle de la qualitĂ© des produits effectuĂ© Ă  la sortie du processus de production, souvent par Ă©chantillonnage statistique; ‱ la gestion du service aprĂšs-vente, Ă©ventuellement sous couverture de garantie. Les inconvĂ©nients liĂ©s Ă  ces approches sont nombreux. D'une part, elles gĂ©nĂšrent souvent des coĂ»ts Ă©levĂ©s, qu'ils soient directs ou indirects: coĂ»t de l'inspection, mise au rebut ou rĂ©paration/adaptation des articles ne satisfaisant pas aux spĂ©cifications, rĂ©paration des articles dĂ©faillants sous garantie, etc. (Plus gĂ©nĂ©ralement, certains auteurs estiment que le coĂ»t de la
  • 13. 9 qualitĂ© - c'est-Ă -dire les coĂ»ts totaux liĂ©s au manque de qualitĂ© - peuvent s'Ă©lever Ă  20% du chiffre d'affaires d'une entreprise; citĂ© par McClain et al. 1992, p.132). D'autre part, le contrĂŽle de qualitĂ© par Ă©chantillonnage est, par sa nature mĂȘme, imparfait et incomplet. Rappelons briĂšvement son principe de base. Pour contrĂŽler la qualitĂ© d’un lot de production (ou d’un approvisionnement), on en extrait un Ă©chantillon et on analyse la qualitĂ© de chacun des articles inclus dans l’échantillon. Si X% (oĂč X est un paramĂštre fixĂ© Ă  l’avance) de ces articles sont jugĂ©s satisfaisants, alors le lot est acceptĂ©. Sinon, il est rejetĂ©. Le contrĂŽle par Ă©chantillonnage admet donc explicitement la mise en vente de produits de qualitĂ© infĂ©rieure ou dĂ©fectueux, tant qu’il n’y en a pas trop ! Mais en pratique, cette tactique peut rĂ©sulter en une perte de confiance des consommateurs et, dans des contextes de vive concurrence, par une perte de compĂ©titivitĂ© et une diminution des parts de marchĂ©. Plus grave encore, le contrĂŽle par Ă©chantillonnage peut se rĂ©vĂ©ler tout-Ă -fait inappropriĂ© dans certaines situations, par exemple lorsque la conformitĂ© du produit doit ĂȘtre assurĂ©e Ă  100% (pensons aux normes de sĂ©curitĂ© des installations nuclĂ©aires ou, plus prĂšs de notre expĂ©rience quotidienne, aux exigences placĂ©es sur la qualitĂ© des pneus de notre voiture ; voir le cas « Ford et les pneus Firestone » en annexe Ă  ce chapitre). Enfin, le contrĂŽle effectuĂ© en fin de processus ou les observations glanĂ©es lors des rĂ©parations aprĂšs vente ne permettent qu'un feedback tardif et souvent trĂšs imparfait (ou mĂȘme totalement absent) vers la source des problĂšmes (voir l'expĂ©rience de Xerox, citĂ©e en exemple par Juran 1993). Les managers japonais, plus prompts que leurs concurrents occidentaux Ă  rĂ©agir au message des consultants (amĂ©ricains !) Deming et Juran, ont Ă©tĂ© les premiers Ă  apprĂ©hender toute l'ampleur de ces problĂšmes et Ă  prendre des mesures effectives pour y remĂ©dier. Cette prise de conscience s'est Ă  prĂ©sent rĂ©pandue Ă  l'ensemble du monde industrialisĂ©, oĂč le remĂšde le plus couramment prĂ©conisĂ© est celui de l'adoption du principe de la Gestion de la QualitĂ© Totale (Total Quality Management). Ce principe vise essentiellement Ă  gĂ©rer et Ă  assurer la qualitĂ© des produits (c’est- Ă -dire, la conformitĂ© de ces produits Ă  leurs spĂ©cifications) tout au long des diffĂ©rentes Ă©tapes de la production plutĂŽt qu'Ă  son terme seulement. Le but ultime est donc de ne produire que des unitĂ©s de qualitĂ© parfaite, c'est-Ă -dire sans dĂ©fauts: il faut assurer la conformitĂ© sans avoir Ă  la tester. Cette approche contraste fondamentalement avec l’approche plus traditionnelle qui vise seulement Ă  ne mettre sur le marchĂ© que des produits conformes. Les mĂ©thodes mises en oeuvre par les programmes de QualitĂ© Totale sont trĂšs variĂ©es. Citons en quelques-unes ... ‱ AmĂ©lioration de la conception du produit, de façon Ă  mieux rĂ©pondre aux besoins du consommateur d'une part (cf. notre dĂ©finition de la qualitĂ© et le cas « Ford et les pneus Firestone ») et Ă  faciliter la fabrication du produit, donc Ă  diminuer le nombre de dĂ©fauts d'autre part (conception pour la manufacturabilitĂ©). Les mĂ©thodes de « dĂ©ploiement de la fonction qualitĂ© » fournissent un outil d’implantation de cette stratĂ©gie (voir Cohen 1995).
  • 14. 10 ‱ AmĂ©lioration de la conception du processus de production, de façon Ă  minimiser les risques d'erreurs; par exemple, automatisation ou informatisation de certaines Ă©tapes, diminution du nombre de rĂ©glages nĂ©cessaires, etc. (chez Philips, on minimise le nombre de changements d'outils nĂ©cessaires sur les machines d'assemblage automatisĂ© des circuits imprimĂ©s, en interdisant les changements pendant des pĂ©riodes de plusieurs semaines consĂ©cutives; ceci entraĂźne une perte de flexibilitĂ© et donc apparemment de productivitĂ©, mais diminue aussi fortement les risques d'erreurs). Les amĂ©liorations de processus peuvent par exemple ĂȘtre prises sur l'initiative de cercles de qualitĂ© (CQ), c’est-Ă -dire de groupes d'ouvriers ou d'employĂ©s discutant ensemble des problĂšmes qu'ils rencontrent dans leurs activitĂ©s, et cherchant des solutions Ă  ces problĂšmes. Les CQ reçoivent une formation Ă  des mĂ©thodes simples d'analyse de problĂšmes et d'analyse statistique. Leur contact quotidien avec le processus et ses dĂ©fauts leur permet souvent de dĂ©tecter rapidement les problĂšmes qui surgissent et d'y trouver des solutions parfois trĂšs simples. ‱ Formalisation et documentation des procĂ©dures: « Ecrire ce que l’on va faire. - Faire ce que l’on a Ă©crit. - Ecrire ce que l’on a fait. » Cette pratique vise notamment Ă  imposer le respect des spĂ©cifications du produit (dans la mesure, notamment, oĂč les caractĂ©ristiques du produit sont largement dĂ©terminĂ©es par les procĂ©dures utilisĂ©s lors de sa fabrication). La documentation Ă©crite permet Ă©galement d’informer le client ou le donneur d’ordre, de maniĂšre convaincante, sur la façon dont a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© le produit. La documentation des procĂ©dĂ©s fait partie intĂ©grante des exigences reprises dans les normes d’assurance qualitĂ© adoptĂ©es internationalement (telles les normes ISO9000, ...). ‱ Modification de la mentalitĂ© des acteurs de l'entreprise: chacun est amenĂ© Ă  se considĂ©rer comme le consommateur des produits livrĂ©s par les services situĂ©s en amont de la chaĂźne et comme le fournisseur des services situĂ©s en aval. Il ne faut donc ni accepter ni livrer des produits de qualitĂ© infĂ©rieure. Un tel Ă©tat d'esprit est favorisĂ© par l'adoption de modes de production Juste-A-Temps oĂč les faibles niveaux de stocks mettent immĂ©diatement Ă  jour les dĂ©fauts Ă©ventuels (il n'est plus possible de simplement mettre au rebut les piĂšces dĂ©fectueuses livrĂ©es par le poste amont, sans risquer de se trouver immĂ©diatement Ă  court de ces piĂšces). ‱ La qualitĂ© est vue dans un cadre d'amĂ©lioration permanente de l'organisation: il n'est donc pas uniquement question de chercher Ă  atteindre un niveau de performance prĂ©dĂ©terminĂ© et de s'y maintenir, mais bien de chercher Ă  amĂ©liorer ce niveau de façon continue (Permanent Improvement). En d’autres termes, le standard de qualitĂ© visĂ© (mais jamais atteint) devrait ĂȘtre celui de la perfection absolue (de lĂ  les slogans de type 'ZĂ©ro dĂ©faut', 'ZĂ©ro stock', etc). Nous tirerons deux conclusions de cette brĂšve discussion de la gestion de la qualitĂ©. Tout d'abord, les amĂ©liorations de qualitĂ© peuvent souvent ĂȘtre atteintes Ă  un coĂ»t relativement modeste et par des moyens simples (par exemple, en les gĂ©rant dans la phase de conception du produit ou en utilisant l'expertise des ouvriers). De telles amĂ©liorations peuvent simultanĂ©ment rĂ©sulter en un accroissement de la compĂ©titivitĂ© de l'entreprise et en une diminution de ses coĂ»ts de production (Cadillac mentionne une rĂ©duction de 30% de ses coĂ»ts de rĂ©parations sous garantie, rĂ©duction obtenue en 4 ans malgrĂ© l'allongement simultanĂ© de la garantie de 1 an Ă  4 ans; citĂ© par McClain et al. 1992, p.124).
  • 15. 11 Cependant (et ce sera lĂ  notre seconde conclusion), il est essentiel de voir que les remĂšdes Ă©voquĂ©s ci-dessus impliquent des changements fondamentaux dans la façon dont est perçue la gestion de la qualitĂ© au sein de l’entreprise. On y retrouve en effet un glissement ‱ du contrĂŽle (ex post) vers la planification (ex ante), ‱ de la notion de qualitĂ© du produit vers celle de qualitĂ© de la conception et des processus, ‱ d’une activitĂ© opĂ©rationnelle vers une prĂ©occupation stratĂ©gique. Ces changements ne peuvent ĂȘtre mis en oeuvre qu'au prix d'un engagement total de toutes les forces de l'entreprise (l'amĂ©lioration de la conception des produits nĂ©cessite par exemple l'implication d'Ă©quipes interdisciplinaires - bureau d'Ă©tudes, marketing, production, service aprĂšs-vente, etc.; les cercles de qualitĂ© ou le JAT impliquent toute la chaĂźne productive). En particulier, la direction de l'entreprise doit jouer un rĂŽle direct dans la gestion de la qualitĂ©, qui devient donc un instrument de gestion stratĂ©gique (au Japon, la qualitĂ© est souvent du ressort direct du Directeur GĂ©nĂ©ral). Bibliographie. L. Cohen, Quality Function Deployment: How to Make QFD Work for You, Addison-Wesley, 1995. A. De Meyer, H. Kitayama et J.S. Kim, Building customer partnerships as a competitive weapon: The right choice for globalising competition?, Working Paper INSEAD, 1996. S.C. Graves, A.H.G. Rinnooy Kan et P.H. Zipkin (eds.), Logistics of Production and Inventory, North-Holland, Amsterdam, 1993. J. Greenwald, Is Boeing out of its spin?, TIME, July 13, 1998, pp. 55-57. J.R. Hauser et D. Clausing, The house of quality, Harvard Business Review, May-June 1988, pp. 63-73. R.H. Hayes and D.M. Upton, Operations-based strategy, California Management Review 40 (1998) pp. 8-25. R.H. Hayes et S.C. Wheelwright, Restoring our Competitive Edge: Competing through Manufacturing, J.Wiley & Sons, New York, 1984. J.M. Juran, Made in U.S.A.: A renaissance in quality, Harvard Business Review 71(4), July- August 1993, pp. 42-50. J.O. McClain, L.J. Thomas et J.B. Mazzola, Operations Management, 3Ăšme Ă©dition, Prentice- Hall, Englewood Cliffs, 1992. Organisation Internationale de Normalisation, ISO 8402: Management de la QualitĂ© et Assurance de la QualitĂ© -- Vocabulaire, 1994 (site Internet: http://www.iso.ch/indexf.html).
  • 16. 12 T. Parker et T. Lettes, Is accounting standing in the way of flexible computer-integrated manu- facturing?, Management Accounting, January 1991, pp. 34-38. W.G. Plossl, La Nouvelle Donne de la Gestion de Production, AFNOR, Paris, 1993. M.E. Porter, Choix StratĂ©giques et Concurrence, Economica, Paris, 1990. W. Skinner, The focused factory, Harvard Business Review 52(3), May-June 1974, 113-121. W. Skinner, Manufacturing: The Formidable Competitive Weapon, J.Wiley & Sons, New York, 1985.
  • 17. 1 ANNEXE : Extraits du site Internet http://www.humanite.presse.fr/journal/2001/2001-05/2001-05-24/ 24 Mai 2001 Ford obligĂ© d'organiser le rappel de 13 millions de pneus. Ford enlĂšve la gomme Le deuxiĂšme constructeur automobile mondial lance une gigantesque opĂ©ration de sĂ©curitĂ© en rappelant 13 millions de pneumatiques Firestone Ă©quipant son modĂšle tout-terrain Explorer. C'est le principe de prĂ©caution version US. Mardi aprĂšs-midi le gĂ©ant nord-amĂ©ricain de l'automobile a annoncĂ© par la voix de son PDG le rappel de tous les pneus "Wilderness AT" qui Ă©quipent le modĂšle vedette de la marque. "C'est une simple mesure de prĂ©vention", a prĂ©cisĂ© Jacques Nasser, le Big Boss depuis son repĂšre du Michigan Ă  propose de pneus qui "ont montrĂ© un taux d'Ă©chec total." Le groupe Ford est donc une nouvelle fois en pleine tourmente, avec ce rappel de millions de pneus potentiellement dĂ©fectueux. ConsĂ©quence immĂ©diate et inĂ©vitable, au pays du tout apparence, il faudra que la cĂ©lĂšbre marque bataille ferme pour tenter de garder sa bonne image auprĂšs des automobilistes. Et ce d'autant plus que le deuxiĂšme constructeur automobile mondial, dont l'ambition est de dĂ©trĂŽner General Motors, ne sort dĂ©cidĂ©ment pas depuis maintenant un an de ce problĂšme de pneus sur son vĂ©hicule vedette, le 4x4 Ford Explorer. Elle se superpose au rappel de 6,5 millions de pneus, principalement montĂ©s sur des Ford Explorer, lancĂ© conjointement dĂ©but aoĂ»t 2000 par Ford et Firestone. Le PDG de Ford, Jacques Nasser, est mĂȘme venu lundi au CongrĂšs avertir les parlementaires de la mesure draconienne que son groupe allait prendre : le rappel de 13 millions de pneus Firestone, fabriquĂ©s par la filiale amĂ©ricaine du groupe japonais Bridgestone. Comme c'est la sĂ©curitĂ© qui est considĂ©rĂ©e comme la prĂ©occupation principale des consommateurs, Ford, sur un terrain aussi significatif, n'a pas hĂ©sitĂ©, mĂȘme si la gestion de l'image pour une affaire de ce type est un exercice difficile, selon les experts en communication. Pour garder une bonne image ou la restaurer, le constructeur se devait de jouer la transparence. On peut raisonnablement poser la question sur le long terme de ce que sera l'impact de cette affaire mais dans l'immĂ©diat, en tout cas, la dĂ©cision de la marque a Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©e, selon les premiĂšres analyses d'impact rĂ©alisĂ©es auprĂšs des consommateurs. Globalement, le groupe Ford devrait donc plutĂŽt bien s'en tirer, mĂȘme si il y a un certain nombre de procĂšs en cours Ă  l'heure actuelle de par les poursuites engagĂ©es par les familles de victimes d'accident aprĂšs l'Ă©clatement d'un pneu. Selon la sĂ©curitĂ© routiĂšre nord-amĂ©ricaine (la NHTSA), 174 dĂ©cĂšs sont liĂ©s Ă  ce problĂšme d'Ă©clatement. Les experts en marketing ne pensent pas que les ventes de l'Explorer, un vĂ©hicule trĂšs popu- laire, soient pour l'instant menacĂ©es, sachant que l'indice de satisfaction des propriĂ©taires de ce produit reste trĂšs haut. Il y a pourtant des avis divergents. Notamment celui de Wendy Neeham, une analyste automobile de la banque Credit Suisse First Boston, qui voit ce nou-
  • 18. 2 veau rappel comme le signe de problĂšmes Ă  rĂ©pĂ©tition pour le constructeur. Elle a prĂ©cisĂ© Ă©ga- lement que : "Des pneus endommagĂ©s sur une ligne de montage, c'est vraiment un problĂšme spĂ©cifique Ford et pas une responsabilitĂ© du manufacturier Firestone." Selon cette analyste les gens seraient fondĂ©s Ă  se demander : "Avons-nous rĂ©ellement besoin d'acheter un Explorer?" Une question angoissante quand on sait que l'Explorer contribue actuellement pour un quart au bĂ©nĂ©fice de Ford. Le rappel des 13 millions de pneus demanderait neuf mois en tout pour ĂȘtre menĂ© Ă  bien. Le coĂ»t en est Ă©valuĂ© Ă  3 milliards de dollars (3,5 milliards d'euros) et pour l'instant personne ne sait si le fabricant de pneus participera au rĂšglement de la note. Il faut dire que les relations entre les deux entreprises sont au plus mal, chacune rejetant sur l'autre, tout ou partie, de la responsabilitĂ© des problĂšmes rencontrĂ©s. Le constructeur reprochant au manufacturier de ne pas avoir ajoutĂ© une couche de nylon dans la fabrication, tandis que Firestone n'hĂ©site plus Ă  remettre en cause la conception mĂȘme, et donc la stabilitĂ© du "4X4 de ville de Ford", dans les 174 accidents mortels incriminĂ©s. Cette dĂ©cision de Ford intervient d'ailleurs au lendemain de l'annonce par Firestone, filiale amĂ©ricaine du fabricant de pneumatiques japonais Bridgestone, de mettre fin Ă  ses relations commerciales avec le groupe Ford.
  • 19. 3 ANNEXE ISO 9000 pour responsables affairĂ©s Bienvenue Ă  l’itinĂ©raire ISO 9000 de notre Voyage initiati- que et dĂ©mystificateur! Qu'est-ce qu'ISO 9000? Les normes de la famille ISO 9000 sont le fruit d’un consensus international sur les bonnes pratiques de mana- gement. Leur objectif est d'assurer qu'une organisation peut rĂ©guliĂšrement fournir des produits ou services qui rĂ©- pondent aux exigences de la clientĂšle en matiĂšre de quali- tĂ©. Ces bonnes pratiques ont Ă©tĂ© distillĂ©es en un ensemble d'exigences normalisĂ©es pour un systĂšme de management de la qualitĂ©, indĂ©pendamment de ce que fait votre organi- sation, de sa dimension, de son appartenance au secteur privĂ© ou public. Pourquoi mon organisation devrait-elle mettre en oeuvre ISO 9000? Une organisation sans clients, ou dont les clients sont insatisfaits, est en pĂ©ril! Pour conserver la clientĂšle - une clientĂšle satisfaite - votre produit (qui peut fort bien ĂȘtre un service) doit satisfaire Ă  ses exigences. ISO 9000 offre un cadre bien Ă©prouvĂ© qui vous permettra d’adopter une approche systĂ©matique pour gĂ©rer vos processus (les activitĂ©s de votre organisation) afin que la production rĂ©ponde aux attentes de la clientĂšle – une clientĂšle qui sera ainsi constamment satisfaite! Comment fonctionnent les normes de la famille ISO 9000? Les exigences d'un systĂšme qualitĂ© ont Ă©tĂ© normalisĂ©es. Or, chacun d’entre nous a tendance Ă  penser que son entreprise est unique. Comment prĂ©voit-on alors, dans ISO 9000, l’écart entre une entreprise familiale et une multinationale de fabrication ayant des composantes de services, ou encore un service public ou une administration gouvernementale? La rĂ©ponse est qu'ISO 9000 Ă©tablit Ă  quelles exigences votre systĂšme qualitĂ© doit rĂ©pondre, mais ne stipule pas comment y rĂ©pondre dans votre organisation, ce qui crĂ©e une grande latitude et une souplesse pour la mise en oeuvre dans divers secteurs et cultures d'entreprises... et dans diffĂ©rentes cultures nationales. Ainsi, la famille ISO 9000 comprend des normes qui donnent aux organisations des orientations et des exigences sur ce qui constitue un systĂšme efficace de management de la qualitĂ©. ISO 9004-1 (ainsi que les autres parties d'ISO 9004) donne des lignes directrices sur les Ă©lĂ©ments du management de la qualitĂ© et du systĂšme qualitĂ©.
  • 20. 4 La famille comprend Ă©galement des modĂšles permettant d'auditer ce sys- tĂšme afin de donner Ă  l'organisation et Ă  ses clients une assurance qu'il fonctionne efficacement. Les trois modĂšles d'assurance de la qualitĂ© sont ISO 9001, ISO 9002 et ISO 9003. Enfin, la famille comprend une norme sur la terminologie et d'autres normes que l’on peut qualifier d’"outils de soutien", qui donnent des orientations sur les aspects spĂ©cifiques comme l'audit des systĂšmes qualitĂ©. Et si mon organisation dĂ©cide de mettre en oeuvre ISO 9000? Elle devrait procĂ©der elle-mĂȘme Ă  un audit de son systĂšme qualitĂ© fondĂ© sur ISO 9000 afin de vĂ©rifier qu'elle gĂšre efficacement ses processus ou, pour le dire autrement, qu'elle maĂźtrise rigoureusement ses activitĂ©s. De plus, l'organisation peut inviter ses clients Ă  auditer le systĂšme qualitĂ© afin de leur donner confiance dans son aptitude Ă  livrer des produits ou services qui rĂ©pondent Ă  leurs exigences. Enfin, l'organisation peut solliciter les services d'un organisme indĂ©pendant de certification de systĂšmes qualitĂ© afin d'obtenir un certificat de conformitĂ© Ă  ISO 9000. Cette option a gagnĂ© toute la faveur des entreprises en raison de la crĂ©dibilitĂ© dont jouit une Ă©valuation indĂ©pendante. Elle peut Ă©viter les audits multiples effectuĂ©s par les clients de l'organisation, ou diminuer leur frĂ©quence ou leur durĂ©e. Le certificat peut Ă©galement servir de rĂ©fĂ©rence entre l'organisation et les prospects, en particulier lorsque fournisseur et client ne se connaissent pas ou sont Ă©loignĂ©s gĂ©ographiquement, comme c'est le cas dans un contexte d'exportation. Document extrait du site de l’Organisation International de Normalisation (ISO) : http://www.iso.ch/ (09/10/02)
  • 21. 13 CHAPITRE 3 PLANIFICATION A LONG TERME: LES OPTIONS FONDAMENTALES Les grandes options fondamentales, c’est-Ă -dire celles qui dĂ©terminent et qui limitent les opportunitĂ©s ouvertes Ă  l'entreprise dans le long terme, portent principalement sur la composition du portefeuille de produits, sur le processus de production adoptĂ© et sur la capacitĂ© de production. Ces options sont soumises Ă  de nombreuses interdĂ©pendances: le choix du produit influence la façon de le produire, qui influence les coĂ»ts, donc le volume de vente potentiel, donc la capacitĂ©, qui affecte le choix de processus, etc. Avant de nous attarder plus longuement sur le choix du processus de production, Ă©voquons rapidement, et en termes trĂšs gĂ©nĂ©raux, les dĂ©cisions portant sur la conception du produit et sur la capacitĂ© du systĂšme productif. Conception du produit. De plus en plus la conception du produit est considĂ©rĂ©e comme un travail d'Ă©quipe rĂ©clamant des expertises interfonctionnelles: marketing, bureau d'Ă©tudes, production, etc (voir Section 2.4 ci-dessus). Tout produit doit en effet rĂ©pondre aux critĂšres du consommateur, mais doit aussi ĂȘtre facilement « manufacturable » afin d'amĂ©liorer sa qualitĂ© et de rĂ©duire les dĂ©lais de production. La Conception AssistĂ©e par Ordinateur (CAO) permet d'accĂ©lĂ©rer le processus de dĂ©veloppement et de gĂ©nĂ©rer facilement des designs diffĂ©rents. Elle peut ĂȘtre couplĂ©e Ă  des systĂšmes permettant de rĂ©aliser des prototypes tridimensionnels. La Conception et Fabrication AssistĂ©e par Ordinateur (CFAO, ou Computer Assisted Design/Computer Assisted Manufacturing, CAD/CAM) ajoute aux avantages de la CAO la possibilitĂ© de gĂ©nĂ©rer automatiquement les sĂ©quences d'opĂ©rations-machine Ă  effectuer pour fabriquer le produit. Elle aide Ă  rĂ©duire considĂ©rablement les dĂ©lais de production totaux (entre la passation de commande et sa livraison au client), et assure une bonne coordination entre le bureau d'Ă©tudes et la production. PRODUIT PROCESSUS CAPACITE
  • 22. 14 CapacitĂ©. La capacitĂ© d’un systĂšme productif est une mesure du nombre d'unitĂ©s que peut produire le systĂšme en un laps de temps donnĂ©. La simplicitĂ© apparente de cette dĂ©finition est cependant trompeuse. En effet, la capacitĂ© est souvent difficile Ă  estimer, en partie parce qu'elle est dĂ©terminĂ©e par une multitude de paramĂštres dont certains sont eux-mĂȘmes difficilement quantifiables: ‱ l'appareil productif proprement dit, ‱ la main d'oeuvre, ‱ les possibilitĂ©s de sous-traitance, ‱ les choix technologiques, ‱ la qualitĂ©, ‱ la motivation des ouvriers, ‱ le product mix, ‱ ... Une partie de cette variabilitĂ© s'exprime Ă  moyen ou Ă  court terme (par exemple, les possibilitĂ©s de sous-traitance ou d'heures supplĂ©mentaires), et nous y reviendrons dans ce cadre. Mais la capacitĂ© est Ă©galement fortement limitĂ©e par les dĂ©cisions Ă  long terme. Celles-ci sont de natures diverses et prĂ©sentent de nombreuses interdĂ©pendances. ‱ Quand faut-il modifier la capacitĂ© ? Il n'est pas toujours conseillĂ© de suivre la demande, qui peut montrer des tendances Ă  court terme, ou suivre des cycles conjoncturels (voir l'exemple de la sidĂ©rurgie : les producteurs sont obligĂ©s de dĂ©velopper des grandes capacitĂ©s pour diminuer leurs coĂ»ts de production en haute conjoncture, et encourent une surcapacitĂ© sectorielle en basse conjoncture; une situation similaire se produit dans l'enseignement universitaire qui est soumis aux fluctuations du marchĂ© de l’emploi et de la « mode »). ‱ De combien faut-il modifier la capacitĂ© ? De façon progressive (ce qui permet une meilleure adĂ©quation Ă  la demande) ou par « sauts » (qui peuvent s’accompagner d’économies d'Ă©chelle) ? Ce problĂšme est Ă©videmment liĂ© au prĂ©cĂ©dent. ‱ OĂč faut-il (re)localiser la capacitĂ© de production? Les dĂ©cisions de localisation sont Ă©troitement liĂ©es Ă  celles dĂ©finissant la configuration du rĂ©seau logistique, c’est-Ă -dire le rĂ©seau d’approvisionnement, de production et de distribution de l’entreprise. Les progiciels de support au Supply Chain Management (du type APS, Advanced Planning Systems) intĂšgrent des modĂšles d’aide Ă  la dĂ©cision, basĂ©s par exemple sur des modĂšles d’optimisation de localisation similaires Ă  ceux prĂ©sentĂ©s dans l’Annexe « ModĂšles et mĂ©thodes d’optimisation ». ‱ Quel type de capacitĂ© faut-il ajouter ? (Voir les alternatives Ă©numĂ©rĂ©es plus haut). Nous ne nous attarderons pas davantage sur ce sujet et renverrons le lecteur Ă  la littĂ©rature pour plus d’informations. Bibliographie. R.H. Hayes et S.C. Wheelwright, Restoring our Competitive Edge: Competing through Manufacturing, J.Wiley & Sons, New York, 1984. W.G. Plossl, La Nouvelle Donne de la Gestion de Production, AFNOR, Paris, 1993.
  • 23. 15 CHAPITRE 4 PLANIFICATION A LONG TERME: CHOIX DU PROCESSUS DE PRODUCTION 4.1. GĂ©nĂ©ralitĂ©s. Le choix du processus de production comporte le choix de l'ensemble des Ă©quipements, personnel et procĂ©dures utilisĂ©s pour la production, ainsi que le choix de l'organisation de cet ensemble. Le choix du processus est bien sĂ»r affectĂ© par la nature du produit et par les contraintes techniques (on ne fait pas de voitures en caoutchouc et on n’utilise pas de foreuses pour produire des hamburgers), mais aussi par des questions d'ordre plus stratĂ©gique comme par exemple la relation entre le processus et le type de marchĂ©. Nous placerons notre discussion Ă  ce dernier niveau, sur un plan organisationnel plutĂŽt que technique. 4.2. Classification des processus de production en fonction des flux de produits. On va prĂ©senter ici une classification grossiĂšre, mais nĂ©anmoins utile, des processus de production. La classification est basĂ©e sur une analyse du flux des produits, c'est-Ă -dire sur la sĂ©quence de stations de travail visitĂ©es par les produits lors de leur passage Ă  travers le systĂšme productif. Sous le terme gĂ©nĂ©rique « station de travail », nous dĂ©signons ici les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments du systĂšme, comme par exemple les machines Ă  commande numĂ©rique, les machines opĂ©rĂ©es manuellement par un ouvrier, les guichets de service, les laboratoires, etc. ‱ Production en ligne: dans un processus en ligne, il existe un flux dominant de produits en ce sens que (presque) toutes les unitĂ©s produites parcourent les stations de travail selon la mĂȘme sĂ©quence. On distingue deux grandes sous-classes de processus en ligne : Production Ă  flux continu: ici, deux unitĂ©s successives du produit ne peuvent ĂȘtre ni sĂ©parĂ©es ni distinguĂ©es les unes des autres. Exemples : - industrie pĂ©trochimique, - sidĂ©rurgie (phase Ă  chaud), - industrie agro-alimentaire (aliments pour bĂ©tail, ...) ChaĂźne de production ou d'assemblage: les unitĂ©s produites visitent les stations de travail dans le mĂȘme ordre et subissent des sĂ©quences d'opĂ©rations (presque) identiques; mais elles sont physiquement sĂ©parĂ©es, et peuvent prĂ©senter de lĂ©gĂšres variations les unes par rapport aux autres (par exemple, par l'addition d'options). Exemples : - construction automobile, - appareils Ă©lectromĂ©nagers, - McDonald, - contrĂŽle technique automobile.
  • 24. 16 ‱ Job-shop, ou atelier: il n'y a pas de flux dominant de produits; le systĂšme produit des articles variĂ©s exigeant des sĂ©quences d'opĂ©rations distinctes. Exemples : - atelier traditionnel (mĂ©canicien, menuisier), - sous-traitance de piĂšces mĂ©caniques, - cuisine de restaurant traditionnelle, - laboratoire d’analyses mĂ©dicales, - hĂŽpital. ‱ Production en sĂ©ries moyennes, ou Ă  flux intermittent (batch flow): intermĂ©diaire entre les prĂ©cĂ©dents; les unitĂ©s au sein d'une sĂ©rie sont identiques; les diffĂ©rentes sĂ©ries visitent des sĂ©quences de stations similaires, mais chaque sĂ©rie requiert des rĂ©glages importants ou des opĂ©rations distinctes Ă  chaque station. Exemples : - cuisson des Ă©maux - chaussures - circuits imprimĂ©s - produits exigeant des traitements chimiques (bains). Un systĂšme de production en ligne se caractĂ©rise par le fait que les ressources (machines, hommes) sont organisĂ©es en fonction de l’article Ă  produire: on dit que le processus est organisĂ© par produit. Par contre, dans un job-shop, les ressources sont groupĂ©es sur base des opĂ©rations qu’elles rĂ©alisent: le processus est organisĂ© par fonction. Les diffĂ©rents types de systĂšmes se distinguent encore par de nombreuses autres caractĂ©ristiques. Dans un systĂšme de production en ligne, gĂ©nĂ©ralement, ‱ un seul type, ou trĂšs peu de types d’articles diffĂ©rents sont produits; ‱ le nombre d'unitĂ©s produites (volume de production) est Ă©levĂ©; ‱ l’équipement est trĂšs spĂ©cialisĂ©, automatisĂ© et peu flexible; ‱ les investissements en Ă©quipements et en Ă©tudes de conception du systĂšme sont importants; ‱ la main d’Ɠuvre est limitĂ©e; ‱ le taux d'utilisation des Ă©quipements est trĂšs Ă©levĂ© (souvent plus de 90%); ‱ la production se fait pour stock, avec par consĂ©quent des stocks de matiĂšres premiĂšres, de composants et de produits finis Ă©levĂ©s et des stocks d’encours relativement faibles. A l’inverse, un job-shop se caractĂ©rise souvent par ‱ une grande variĂ©tĂ© de produits (adaptĂ©s aux exigences spĂ©cifiques de chaque client); ‱ un nombre d'unitĂ©s de chaque type et un volume de production total peu Ă©levĂ©s; ‱ des Ă©quipements non spĂ©cialisĂ©s, peu automatisĂ©s et trĂšs flexibles (temps de rĂ©glage faibles); ‱ des investissements en Ă©quipements relativement peu Ă©levĂ©s; ‱ une main d'oeuvre importante; ‱ un taux d'utilisation des Ă©quipements trĂšs faible (souvent moins de 50%); en effet, dans un job-shop, chaque produit ne requiert qu’une minoritĂ© des Ă©quipements prĂ©sents; de plus, chaque changement de production entre diffĂ©rents types de produits se traduit par des temps de rĂ©glage non productifs; certains observateurs mentionnent ainsi que, dans le secteur de l’industrie mĂ©canique, les produits passent typiquement 95% de leur temps dans l'atelier sous
  • 25. 17 forme d'encours; 1/3 seulement du temps qu'ils passent sur les machines reprĂ©sente du temps d'usinage effectif, soit moins de 2% du temps de passage total dans l’atelier. ‱ un mode de production Ă  la commande, et donc des stocks de produits finis relativement faibles. En termes de coĂ»ts, les avantages comparatifs des deux types de systĂšmes peuvent ĂȘtre esquissĂ©s comme suit. Le principe directeur de la production en ligne est que les coĂ»ts fixes Ă©levĂ©s (investissements) doivent pouvoir ĂȘtre absorbĂ©s par de grands volumes de production. A l'opposĂ©, dans un job-shop, les coĂ»ts fixes sont maintenus Ă  un niveau plus modeste et les coĂ»ts variables, c’est-Ă -dire liĂ©s directement au volume de production, sont prĂ©pondĂ©rants (par exemple, les coĂ»ts salariaux). Le job-shop peut donc ĂȘtre rentable en produisant des quantitĂ©s relativement faibles (infĂ©rieures au point d’indiffĂ©rence), alors que, lorsque le volume de production augmente, les coĂ»ts variables plus modestes de la production en ligne se traduisent Ă©galement par des coĂ»ts moyens moins Ă©levĂ©s. coĂ»ts totaux 4.3. Cycle de vie du produit et organisation de la production. Dans une vision dynamique, ou Ă©volutive, des caractĂ©ristiques d'une entreprise ou d'un produit, la discussion prĂ©cĂ©dente peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme suit: lorsque le volume de vente potentiel et le degrĂ© de standardisation d’un produit augmentent, l’entreprise accepte de substituer des coĂ»ts variables (main d'oeuvre, temps de rĂ©glage) par des coĂ»ts fixes (Ă©quipements spĂ©cialisĂ©s) et donc de passer du job-shop Ă  la production en ligne. Hayes et Wheelwright (1984) ont analysĂ© ce phĂ©nomĂšne en le replaçant dans le cadre des recommandations formulĂ©es par Skinner sur la ligne job-shop volume de production point d’indiffĂ©rence
  • 26. 18 cohĂ©rence nĂ©cessaire entre les dĂ©cisions de marketing et de production (voir Chapitre 2 et la confirmation empirique de cette analyse par Safizadeh et al. 1996). Afin de formuler les conclusions de ces auteurs, rappelons d’abord briĂšvement les phases successives du cycle de vie d’un produit telles qu’elles sont dĂ©crites par la thĂ©orie classique du marketing (voir par exemple Kotler et Dubois 1994): introduction (augmentation progressive des ventes), croissance (croissance rapide), maturitĂ© (plateau), dĂ©clin (dĂ©croissance). La matrice produit-processus de Hayes et Wheelwright (1984) permet de visualiser simultanĂ©ment la position d’un produit dans son cycle de vie et l'organisation de sa production. ‱ Dans les premiĂšres phases de son cycle, le produit est peu standardisĂ© et sa conception Ă©volue encore, la demande est faible, les firmes qui le produisent sont de petite taille. Un systĂšme de production organisĂ© en job-shop est donc gĂ©nĂ©ralement le mieux adaptĂ© dans ces phases du cycle de vie. ‱ Dans les phases ultĂ©rieures, on constate une standardisation du produit, une augmentation des volumes de production et l’émergence de quelques grandes firmes essayant de dominer par les prix. ParallĂšlement, une Ă©volution de l’organisation vers la production en ligne se rĂ©vĂšle de mieux en mieux adaptĂ©e aux besoins rencontrĂ©s. Exemple : Ă©volution de l’industrie automobile depuis le dĂ©but du siĂšcle. Cette analyse donne lieu Ă  la notion de cycle de vie des processus: idĂ©alement, au cours du cycle de vie d'un produit, le point qui le reprĂ©sente dans la matrice produit-processus devrait se dĂ©placer le long de la diagonale de cette matrice. Insistons sur le fait que cette Ă©volution des processus de production est assez diffĂ©rente de celle des volumes de vente, en ceci qu’elle peut ĂȘtre, en principe, contrĂŽlĂ©e par la firme plutĂŽt que d’ĂȘtre simplement subie ou observĂ©e. Elle ligne batch job shop introduction croissance maturitĂ© Matrice produit-processus (Hayes and Wheelwright 1984) ⊕ ⊕ ⊕ ⊕ ⊗ ⊗
  • 27. 19 constitue donc, potentiellement, un important instrument de gestion dans la stratĂ©gie concurrentielle d’une entreprise. D'autres stratĂ©gies sont Ă©videmment possibles mais doivent alors ĂȘtre reconnues explicitement comme des stratĂ©gies de diffĂ©renciation non standards. De telles stratĂ©gies doivent ĂȘtre soigneusement Ă©valuĂ©es pour s’assurer qu’elles ne crĂ©ent pas d’incohĂ©rence entre le plan marketing de l’entreprise et le processus de production adoptĂ© (voir Safizadeh et al. 1996 pour quelques exemples, ainsi que l’article dĂ©crivant la situation de Boeing, en annexe au Chapitre 2). 4.4. Cellules de fabrication et ateliers flexibles: entre job-shops et lignes de production. Cellules de fabrication. Dans la vision extrĂȘme du job-shop, le nombre de produits diffĂ©rents est Ă©norme, et tous ces produits ont des gammes opĂ©ratoires diffĂ©rentes (sĂ©quences de machines visitĂ©es, opĂ©rations sur ces machines). A l’inverse, la technologie de groupe reconnaĂźt explicitement que de nombreux produits peuvent en fait ĂȘtre groupĂ©s en familles de produits similaires (si mĂȘme ils ne sont pas parfaitement identiques) sur base des similitudes de leurs caractĂ©ristiques physiques et/ou de leurs gammes opĂ©ratoires. Exemples : - famille engrenages - famille tubes Au sein d’une famille, chaque produit peut alors ĂȘtre dĂ©fini par ses caractĂ©ristiques propres. Exemple : - engrenages: - nombre de dents - diamĂštre - tubes: - longueur - diamĂštre - Ă©paisseur La technologie de groupe rĂ©pertorie chaque produit (et, plus gĂ©nĂ©ralement, chaque article connu dans l’entreprise) au moyen d’un code (alpha)numĂ©rique qui permet de l'identifier de façon unique et qui reflĂšte Ă©galement ses caractĂ©ristiques essentielles. Ce code peut ĂȘtre utilisĂ© pour mettre en Ă©vidence les similitudes entre produits (des codes similaires correspondent Ă  des produits similaires) et donc pour dĂ©finir les familles de produits de façon pertinente. La classification en familles et la codification des articles permettent de ne pas rĂ©inventer perpĂ©- tuellement la roue: elles facilitent ‱ la gestion des stocks et des documents techniques, ‱ la conception d'un nouveau produit au sein d'une famille connue, ‱ l'Ă©limination de designs superflus, ‱ la dĂ©finition des gammes opĂ©ratoires pour ce produit, ‱ la fabrication, par la systĂ©matisation des procĂ©dĂ©s (voir ci-dessous).
  • 28. 20 L’adoption de la technologie de groupe s’accompagne frĂ©quemment d’une rĂ©organisation des ateliers en cellules de fabrication autonomes, spĂ©cialisĂ©es dans la production de familles de produits distinctes. IdĂ©alement, donc, chaque produit devrait ĂȘtre fabriquĂ© entiĂšrement dans une seule cellule, et tous les produits fabriquĂ©s dans une cellule devraient ĂȘtre similaires. L’organisation en cellules permet de retirer certains des bĂ©nĂ©fices de la production en ligne: ‱ spĂ©cialisation des Ă©quipements (tous les produits d’une famille requiĂšrent les mĂȘmes Ă©quipements), ‱ systĂ©matisation des procĂ©dĂ©s (les gammes opĂ©ratoires sont similaires), ‱ rĂ©duction des temps de lancement, ‱ simplification de la gestion, en particulier de l'ordonnancement. (Notez l’analogie avec le Plant Within a Plant de Skinner.) Ateliers flexibles (FMS). L'Ă©mergence des ateliers flexibles conduit Ă  repenser la distinction traditionnelle entre ‱ d'une part : production de masse, automatisation poussĂ©e, investissements (coĂ»ts fixes) Ă©levĂ©s, coĂ»ts variables faibles, rigiditĂ©, ‱ et d'autre part : petites sĂ©ries, main d’Ɠuvre importante, investissements faibles, coĂ»ts variables importants, flexibilitĂ©. Remarquons que c’est essentiellement le taux d’utilisation des Ă©quipements qui dĂ©termine leur rentabilitĂ©, et peu importe que ce taux soit atteint par la fabrication d'un seul produit ou d’un mix de plusieurs produits (c’est-Ă -dire par addition de petites sĂ©ries). Cette derniĂšre approche correspond mieux aux exigences des marchĂ©s contemporains (voir Chapitre 2). Mais elle ne peut Ă©videmment ĂȘtre mise en oeuvre que sur des Ă©quipements suffisamment flexibles. Les machines Ă  commande numĂ©rique (Computer Numerical Control, CNC) prĂ©sentent une flexibilitĂ© nettement accrue par rapport aux machines-outils traditionnelles. Sur une machine CNC, les mouvements et opĂ©rations des outils sont contrĂŽlĂ©s par un micro-ordinateur. La machine possĂšde par ailleurs un dispositif de changement d'outils automatique. Ces caractĂ©ristiques permettent Ă  la machine d’enchaĂźner trĂšs efficacement les opĂ©rations successives en rĂ©duisant le temps consacrĂ© aux temps de rĂ©glage et aux changements d’outils. Un atelier flexible (Flexible Manufacturing System, FMS) consiste en l’agencement de plusieurs machines CNC desservies par un systĂšme de transport et de chargement automatisĂ©s des piĂšces et des outils, l’ensemble Ă©tant contrĂŽlĂ© et coordonnĂ© par un ordinateur central. Un tel systĂšme combine donc la flexibilitĂ© individuelle offerte par les machines CNC Ă  une flexibilitĂ© accrue du systĂšme de manutention. L’adoption d’un FMS entraĂźne des coĂ»ts d'investissement Ă©levĂ©s (frais fixes) mais peu de frais variables (que ce soit sous forme de main d’Ɠuvre ou de coĂ»ts de lancement de la production), et fournit une flexibilitĂ© Ă©levĂ©e. Il permet donc de rentabiliser l'automatisation de la production des petites sĂ©ries. Ainsi, Jaikumar et Van Wassenhove (1989) ont observĂ© des FMS produisant plus de 100 types de piĂšces diffĂ©rents chaque annĂ©e (dont 25 nouveaux produits) et pour lesquels le taux d'utilisation (pour usinage) est supĂ©rieur Ă  75% du temps total.
  • 29. 21 Notons cependant quelques obstacles Ă  l'utilisation effective des ateliers flexibles: ‱ investissements trĂšs Ă©levĂ©s et amortissement lent (5-7 ans) pour certains systĂšmes; ‱ bĂ©nĂ©fices difficilement quantifiables: flexibilitĂ© et qualitĂ© accrues, rĂ©duction des dĂ©lais et coĂ»ts de lancement, ...; ‱ complexitĂ© des dĂ©cisions de gestion liĂ©es Ă  de tels systĂšmes (planification, ordonnancement, ...); (voir Parker et Lettes 1991). 4.5. Layout (implantation) des centres de production. AprĂšs avoir dĂ©cidĂ© en termes gĂ©nĂ©raux du type de processus de production Ă  utiliser (par exemple, production en ligne ou job-shop) et des Ă©quipements Ă  acquĂ©rir, la firme se voit encore confrontĂ©e Ă  des problĂšmes plus spĂ©cifiques d’implantation des centres de production (machines, postes de travail, dĂ©partements, ...), c'est-Ă -dire de localisation relative des centres de production. En pratique, de nombreux Ă©lĂ©ments peuvent entrer en ligne de compte dans les dĂ©cisions d'implantation: contraintes historiques (l'implantation Ă©volue souvent de façon progressive, sans ĂȘtre globalement remise en cause), esthĂ©tiques, facteurs humains (l'environnement de travail doit rester agrĂ©able), sĂ©curitĂ© (les ateliers de peinture seront situĂ©s loin de ceux de soudure, afin d'Ă©viter l'explosion des matiĂšres volatiles), etc. Les modĂšles mathĂ©matiques que nous allons prĂ©senter ci-dessous devront donc ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des modĂšles d'aide Ă  la dĂ©cision plutĂŽt que comme des systĂšmes automatisĂ©s de prise de dĂ©cision. Nous considĂ©rerons seulement ici des situations idĂ©ales oĂč le systĂšme doit ĂȘtre conçu Ă  partir de rien et oĂč l'objectif Ă  optimiser peut-ĂȘtre exprimĂ© quantitativement. De telles situations se rencontrent par exemple lors de la construction de nouveaux bĂątiments ou lors de la rĂ©organisation de systĂšmes existants. Les modĂšles d'optimisation les plus courants tiennent compte d'un objectif de minimisation des coĂ»ts. Ces coĂ»ts peuvent gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme des coĂ»ts de manutention (transfert, transport) ou de dĂ©placement. Nous considĂ©rerons successivement les problĂšmes qui se posent lors de l'implantation d'une chaĂźne d'assemblage, puis de celle des dĂ©partements d'un atelier. 4.5.1. Equilibrage des chaĂźnes d'assemblage. Par nature, une ligne de production est consacrĂ©e Ă  la fabrication d'un seul produit (avec varian- tes Ă©ventuelles) et doit donc exĂ©cuter des sĂ©quences d'opĂ©rations (presque) identiques sur chaque unitĂ© de ce produit. Il est donc logique que l'implantation d'un tel systĂšme soit dictĂ©e par les sĂ©quences d'opĂ©rations nĂ©cessaires Ă  la fabrication de ce seul produit. On parle alors d'une organisation par produit (product layout) du processus de production.
  • 30. 22 Typiquement, les postes de travail d'un systĂšme organisĂ© par produit sont placĂ©s en ligne et chaque unitĂ© du produit passe de station en station en subissant une transformation Ă  chaque Ă©tape. Des exemples extrĂȘmes de ce type d’organisation se trouvent dans les industries Ă  processus de production continu, oĂč la sĂ©quence des opĂ©rations Ă  effectuer est souvent totalement rigide (comme dans l'industrie chimique ou sidĂ©rurgique). Par contre, dans le cas de chaĂźnes d'assemblage, l'ordre des postes de travail, ou mĂȘme des opĂ©rations Ă  effectuer, n'est gĂ©nĂ©ralement pas complĂštement dĂ©terminĂ© par les spĂ©cifications techniques du produit. Illustrons ce propos par un exemple simple. Exemple: Liste des opĂ©rations Ă  effectuer sur une chaĂźne d’assemblage automobile: 1. Assemblage de la carrosserie 2. Assemblage du bloc moteur 3. Assemblage carrosserie - bloc moteur 4. Placement transmission 5. Placement roues 6. Placement siĂšges 7. Portes 8. Installation vitres 9. ContrĂŽle finition Contraintes de prĂ©cĂ©dence (antĂ©rioritĂ©) Ă  respecter entre les opĂ©rations : 1 4 - 5 / 3 8 -- 9 / / 2 6 - 7 Plusieurs dĂ©finitions des postes de travail sont compatibles avec les contraintes exprimĂ©es: de fait, on pourrait adopter 1) un seul poste regoupant toutes les opĂ©rations, 2) un poste par opĂ©ration : 1 - 2 - 3 - ... - 9, 3) le regroupement de plusieurs opĂ©rations par poste: par exemple (1,2,3) - (4,6) - (5,7) - (8) - (9). Chacune de ces solutions comporte ses inconvĂ©nients (ainsi que des avantages absents des autres solutions): difficultĂ© d'apprentissage et lancements rĂ©pĂ©titifs de la production pour la solution (1), monotonie des tĂąches Ă  effectuer et lourdeur des manutentions pour la solution (2), etc. Par ailleurs, les diverses solutions se caractĂ©risent aussi par des taux de production variĂ©s. DĂ©finissons Ă  prĂ©sent ce concept de façon prĂ©cise: le taux de production T d'une chaĂźne d'assemblage est le nombre moyen d'unitĂ©s qu’elle produit par unitĂ© de temps.
  • 31. 23 Un concept intimement liĂ© au prĂ©cĂ©dent est celui de temps de cycle: le temps de cycle C (cycle, cycle time, etc) d'une chaĂźne est le temps Ă©coulĂ©, en moyenne, entre la production de deux unitĂ©s successives. On a donc la relation : T = 1/C. Le taux de production et le temps de cycle sont Ă©videmment dĂ©terminĂ©s par la durĂ©e des opĂ©rations individuelles Ă  exĂ©cuter, mais aussi par l'implantation de la chaĂźne et en particulier par le regroupement des opĂ©rations aux postes de travail successifs. Exemple: Assemblage automobile (suite). DurĂ©e des opĂ©rations (en minutes): 1. Assemblage de la carrosserie : 17 2. Assemblage du bloc moteur : 11 3. Assemblage carrosserie - bloc moteur : 8 4. Placement transmission : 5 5. Placement roues : 4 6. Placement siĂšges : 6 7. Portes : 8 8. Installation vitres : 5 9. ContrĂŽle finition : 3 On calcule facilement le temps de cycle pour les 3 layouts dĂ©finis plus haut: 1) un seul poste: 67 minutes. 2) un poste par opĂ©ration: 17 minutes. 3) regroupement (1,2,3) - (4,6) - (5,7) - (8) - (9) : 36 minutes. Remarquons que le temps de cycle d'une chaĂźne de production est dĂ©terminĂ© par le temps de travail (la charge) du poste de travail le plus lent, ou poste goulot (bottleneck). Nous sommes maintenant Ă©quipĂ©s pour dĂ©finir formellement le problĂšme d'Ă©quilibrage d'une chaĂźne d'assemblage: Ă©tant donnĂ©s ‱ les diffĂ©rentes opĂ©rations Ă  effectuer et leurs durĂ©es respectives p1, ..., pm, ‱ les relations de prĂ©cĂ©dence entre opĂ©rations, ‱ un temps de cycle « cible » C, affecter les opĂ©rations Ă  un nombre minimum de postes de travail placĂ©s en ligne de telle sorte que les relations de prĂ©cĂ©dence soient respectĂ©es et que le temps opĂ©ratoire total n'excĂšde C pour aucun poste. Avant d'envisager la solution de ce problĂšme, formulons d'abord quelques remarques sur sa dĂ©finition. 1. Dans cette formulation, le temps de cycle, et donc le taux de production, sont fixĂ©s de façon exogĂšne. Cette hypothĂšse est raisonnable dans le cadre d'une production de masse pour stock, oĂč la demande est souvent relativement stable. (On considĂšre cependant parfois une formulation alternative dans laquelle le nombre de stations disponibles est fixĂ© a priori et le temps de cycle doit ĂȘtre minimisĂ©).
  • 32. 24 2. Le nombre de stations peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un substitut approximatif des coĂ»ts de manutention: de longues chaĂźnes impliquent de nombreux transferts de matĂ©riel. Cependant, une rĂ©duction de la longueur de la chaĂźne implique gĂ©nĂ©ralement une augmentation du temps de cycle (voir exemple ci-dessus)!! Ceci explique que l'on incorpore une contrainte sur le temps de cycle dans le modĂšle. 3. Le temps mort (idle time) TM est le temps total durant lequel les postes de travail sont inoccupĂ©s pendant un cycle de production. Pour une solution comportant N postes, TM = N × C - ÎŁi pi. Lorsque le temps de cycle C et les temps opĂ©ratoires pi sont considĂ©rĂ©s comme des donnĂ©es, minimiser N revient Ă  minimiser TM. L'objectif du problĂšme d'Ă©quilibrage peut donc Ă©galement ĂȘtre vu comme un objectif de minimisation des temps morts. 4. Dans les situations pratiques, on rencontre souvent des contraintes additionnelles; par exemple, deux opĂ©rations ne peuvent pas ĂȘtre rĂ©alisĂ©es par le mĂȘme poste (incompatibilitĂ© ou encombrement des Ă©quipements, etc), certains postes ne peuvent pas effectuer certaines opĂ©rations, etc. Voyons maintenant comment aborder la solution du problĂšme d'Ă©quilibrage. Tout d’abord, une limite infĂ©rieure L sur le nombre de postes optimal peut ĂȘtre calculĂ©e par la formule L = ÎŁi pi / C . Mais cette borne infĂ©rieure n'est pas toujours rĂ©alisable, comme le montre l'exemple suivant. Exemple: Assemblage automobile (suite). Si on se donne un temps de cycle de 17 minutes (ce qui correspond Ă  la durĂ©e de la plus longue opĂ©ration), alors: L = ÎŁi pi / C = 67/17 = 3,9. Donc, toute solution impliquera au minimum 4 postes de travail. Mais en fait, pour l'exemple considĂ©rĂ©, on peut facilement se persuader qu'il n'y a pas de solution comportant moins de 5 postes. En pratique, le problĂšme d'Ă©quilibrage est un problĂšme difficile Ă  rĂ©soudre de façon optimale lorsque le nombre d’opĂ©rations devient trop important (il est NP-difficile). Par consĂ©quent, on ressort souvent Ă  des mĂ©thodes approchĂ©es, ou heuristiques, pour l’attaquer. La plupart des heuristiques d’équilibrage de chaĂźnes d’assemblage appliquent une stratĂ©gie gourmande. Elles reposent sur le schĂ©ma de rĂ©solution suivant.
  • 33. 25 Etape 1. DĂ©finir un coefficient de prioritĂ© ci pour chaque opĂ©ration i (par exemple, la durĂ©e de l’opĂ©ration, ou la somme des durĂ©es des opĂ©rations qui suivent, ...). Etape 2. Si les postes 1, ..., j ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©finis, et certaines opĂ©rations ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© affectĂ©es au poste j+1, alors: i) parmi les opĂ©rations disponibles (dont tous les prĂ©dĂ©cesseurs ont Ă©tĂ© affectĂ©s) et pouvant encore ĂȘtre affectĂ©es au poste j+1 sans excĂ©der C, affecter celle ayant le plus haut coefficient de prioritĂ© ci; ii) si plus aucune opĂ©ration ne peut ĂȘtre affectĂ©e au poste j+1 sans excĂ©der C, crĂ©er un poste j+2 et lui affecter l'opĂ©ration disponible ayant le plus haut coefficient de prioritĂ© ci. Les coefficients de prioritĂ© peuvent ĂȘtre dĂ©finis de diffĂ©rentes façons. Par exemple, on peut dĂ©finir ci comme Ă©tant le temps opĂ©ratoire de l’opĂ©ration i (c’est-Ă -dire, ci = pi). Alternativement, on peut choisir ci Ă©gal au nombre d'opĂ©rations ultĂ©rieures Ă  l'opĂ©ration i dans le graphe de prĂ©cĂ©dence (l'idĂ©e est ici de donner la plus haute prioritĂ© aux opĂ©rations qui doivent encore ĂȘtre suivies par de nombreuses autres opĂ©rations). La mĂ©thode du Ranked Positional Weight repose sur une variante de cette idĂ©e: on y dĂ©finit ci comme la somme des durĂ©es de toutes les opĂ©rations ultĂ©rieures Ă  l'opĂ©ration i. Cette heuristique fournit souvent des solutions de bonne qualitĂ©. Enfin, la mĂ©thode COMSOAL (COmputer Method of Sequencing Operations for Assembly Lines) donne simplement la mĂȘme prioritĂ© Ă  toutes les opĂ©rations, ce qui revient Ă  choisir l'affectation de l'opĂ©ration suivante au hasard! Le manque de sophistication Ă©vident de cette mĂ©thode est compensĂ© par la force brutale: l'heuristique gĂ©nĂšre successivement un grand nombre de solutions et ne retient que la meilleure. De nombreuses autres heuristiques ont Ă©galement Ă©tĂ© proposĂ©es dans la littĂ©rature scientifique (voir le logiciel QSOM proposĂ© par Chang 1989). Exemple: Assemblage automobile (suite). Pour un temps de cycle C = 17 (L = 4), on obtient facilement des solutions optimales Ă  5 postes, impliquant donc 18 minutes de temps mort. Notons que, pour un temps de cycle de 19 minutes, on peut rĂ©duire le nombre de postes Ă  4 et le temps mort Ă  9 sec. (dans la pratique, il est trĂšs utile d'explorer de telles solutions alternatives). Avec un temps de cycle de 25 sec (L = 3), l'heuristique du « plus grand nombre de successeurs d’abord» gĂ©nĂšre une solution Ă  4 postes, tandis que RPW donne une solution optimale Ă  3 postes. Un cas pratique d'Ă©quilibrage de chaĂźne, illustrant bien la plupart des propos ci-dessus, est dĂ©crit par Agnetis, Ciancimino, Lucertini et Pizzichella (1992). Le graphe de prĂ©cĂ©dence, le layout de l’usine et la composition des stations de travail avant la rĂ©alisation de l’étude de cas sont donnĂ©s en annexe Ă  la fin de ce chapitre. En particulier, on observe dans cette Ă©tude des paires d'opĂ©rations incompatibles, ou 'forcĂ©es' dans la mĂȘme station. L'implantation originale compte 15 stations, mais est mal Ă©quilibrĂ©e (temps de cycle de 78 secondes, avec 49 secondes de temps mort Ă  la station de traitement des radiateurs, rĂ©sultant en encours importants). Le taux de production de 692 unitĂ©s par jour (2 shifts de 7,5 heures) excĂšde lĂ©gĂšrement la demande
  • 34. 26 moyenne, qui est de 625 unitĂ©s. Une meilleure solution a Ă©tĂ© obtenue par les auteurs: elle comporte 20 postes de travail, mais ne requiert plus qu'un shift (7,5 heures par jours) pour atteindre le taux de production de 625 unitĂ©s. 4.5.2. Job-shop: Localisation des dĂ©partements. Dans un job-shop, les produits subissent des sĂ©quences d'opĂ©rations trĂšs diverses, et il n'est donc plus possible de se laisser guider par une 'logique de produit' pour dĂ©cider de l'implantation des centres de production. En pratique, on regroupe souvent les machines ou les Ă©quipements en dĂ©partements sur base de leur fonction. On parle dans ce cas d'organisation fonctionnelle (process layout). (Remarquons cependant que, comme nous l’avons briĂšvement mentionnĂ© dans la Section 4.4, la technologie de groupe et les cellules de fabrication offrent une approche alternative - souvent trĂšs performante - Ă  l'implantation des job-shops ) Exemples: Atelier mĂ©canique : dĂ©partement fraiseuses, tours, foreuses .. HĂŽpital : radiographie, Ă©lectroencĂ©phalogrammes, plĂątres, ... Dans une optique de minimisation des coĂ»ts de manutention, le problĂšme de localisation des dĂ©partements peut alors ĂȘtre modĂ©lisĂ© comme suit: Ă©tant donnĂ©s ‱ N dĂ©partements Ă  localiser, ‱ une superficie totale disponible S, ‱ la superficie si requise par chaque dĂ©partement i, ‱ le coĂ»t de transport (par unitĂ© de matĂ©riel et par unitĂ© de distance) entre chaque paire de dĂ©partements i et j, soit cij , ‱ le flux de matĂ©riel (nombre d'unitĂ©s) entre les dĂ©partements i et j, soit fij , attribuer Ă  chaque dĂ©partement i un emplacement (connexe) de superficie si (i = 1, ..., N ) dans l'aire disponible, de façon Ă  minimiser les coĂ»ts totaux de transport. La matrice des flux fij peut ĂȘtre par exemple estimĂ©e sur base de donnĂ©es historiques dans le cas d'un systĂšme Ă  rĂ©organiser, ou sur base de prĂ©visions dans le cas d'un systĂšme Ă  crĂ©er. La distance dkl entre les emplacements k et l peut ĂȘtre estimĂ©e par la distance (euclidienne ou rectilinĂ©aire) entre les centres de gravitĂ© des deux emplacements. Les coĂ»ts totaux de transport sont alors calculĂ©s par la formule CT c f dij ij k i l j j N i N = == ∑∑ ( ) ( ) 11 oĂč k(i) et l(j) sont les centres de gravitĂ© des emplacements attribuĂ©s aux dĂ©partements i et j respectivement. Le problĂšme de localisation des dĂ©partements, tel que nous venons de le formuler, est rĂ©putĂ© pour ĂȘtre extrĂȘmement difficile Ă  rĂ©soudre de façon optimale (il est NP-difficile). En pratique, on recourt donc Ă  des mĂ©thodes de rĂ©solution heuristiques. Les mĂ©thodes les plus efficaces sont celles procĂ©dant par Ă©changes successifs: au dĂ©part d'une solution quelconque, on essaye de
  • 35. 27 dĂ©placer un dĂ©partement vers un emplacement libre ou d'Ă©changer les emplacements de plusieurs dĂ©partements (gĂ©nĂ©ralement, deux Ă  deux ou trois Ă  trois); la modification n'est entĂ©rinĂ©e que si elle entraĂźne une diminution du coĂ»t total CT. La mĂ©thode CRAFT (Computerized Relative Allocation of Facilities Technique) procĂšde de cette façon (voir le logiciel QSOM (Chang 1989) pour une implantation). Bibliographie. A. Agnetis, A. Ciancimino, M. Lucertini et M. Pizzichella, Balancing flexible lines for car components assembly, Rapport 20.92, Dipt. di Informatica e Sistemistica, UniversitĂ  degli Studi di Roma 'La Sapienza', 1992. Y.-L. Chang, QSOM - Quantitative Systems for Operations Management, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, 1989. A. Courtois, M. Pillet et C. Martin, Gestion de Production, Les Editions d'Organisation, Paris, 1989. V. Giard, Gestion de la Production, 2Ăšme Ă©dition, Economica, Paris, 1988. R. Jaikumar et L.N. Van Wassenhove, A production planning framework for flexible manufacturing systems, Journal of Manufacturing and Operations Management Vol. 2 (1989) pp.52-79. P. Kotler et B. Dubois, Marketing Management, 8Ăšme Ă©dition, Publi union, 1994. J.O. McClain, L.J. Thomas et J.B. Mazzola, Operations Management, 3Ăšme Ă©dition, Prentice- Hall, Englewood Cliffs, 1992. T. Parker et T. Lettes, Is accounting standing in the way of flexible computer-integrated manufacturing?, Management Accounting, January 1991, pp. 34-38. M.H. Safizadeh, L.P. Ritzman, D. Sharma et C. Wood, An empirical analysis of the product- process matrix, Management Science, Vol. 42, November 1996, pp. 1576-1591. How manufacturing can make low-tech products high-tech, Harvard Business Review, September-October 1995, p. 98.
  • 36. 28 CHAPITRE 5 PLANIFICATION A MOYEN TERME: LE PLAN AGREGE DE PRODUCTION 5.1. Introduction et concepts de base. Nous quittons le domaine des dĂ©cisions stratĂ©giques, portant sur le long terme et/ou la conception du systĂšme productif, pour entrer dans celui de la planification tactique, portant sur le moyen terme. Dans ce cadre de dĂ©cision, le portefeuille de produits et le processus de production doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des donnĂ©es (mĂȘme si certaines modifications marginales de capacitĂ© peuvent encore ĂȘtre envisagĂ©es). La question qui se pose est de savoir comment utiliser au mieux le systĂšme existant. Plus prĂ©cisĂ©ment: Le rĂŽle de la planification agrĂ©gĂ©e de la production est de planifier globalement le volume et l'utilisation des ressources ainsi que les niveaux de production et de stocks Ă  atteindre au cours de chaque sous-pĂ©riode afin de satisfaire au mieux la demande prĂ©visionnelle sur un horizon Ă  moyen terme. Quelques explications s'imposent ... Horizon du plan. Comment faut-il fixer les limites temporelles du plan de production agrĂ©gĂ© ? Une premiĂšre limite supĂ©rieure Ă  l’horizon du plan a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e ci-dessus: on s'intĂ©resse Ă  un horizon sur lequel les dĂ©cisions stratĂ©giques doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme irrĂ©vocables. Un autre critĂšre Ă  prendre en compte est liĂ© Ă  la fiabilitĂ© des prĂ©visions de demande: cette fiabilitĂ© a en effet tendance Ă  dĂ©croĂźtre lorsque l’horizon du plan s’allonge. Afin de dĂ©terminer une limite infĂ©rieure Ă  l’horizon du plan, notons que celui-ci doit ĂȘtre suffisamment long pour permettre un certain lissage de la production obtenu en jouant sur la constitution de stocks et les modifications temporaires de personnel. En particulier, les fluctuations saisonniĂšres (de demande, de disponibilitĂ© des ressources, etc) doivent pouvoir ĂȘtre reflĂ©tĂ©es dans le plan. → En pratique, on utilise souvent un horizon d'un an. Cet horizon est dĂ©coupĂ© en plusieurs sous-pĂ©riodes. Le plan devra donc spĂ©cifier les diffĂ©rentes dĂ©cisions prises pour chacune de ces sous-pĂ©riodes. Le choix des sous-pĂ©riodes est guidĂ© par les principes suivants: ‱ de trop longues sous-pĂ©riodes effacent les fluctuations des paramĂštres (notamment de la demande), et entraĂźnent donc une perte d'information; ‱ des sous-pĂ©riodes trop courtes augmentent les erreurs d'estimation et la complexitĂ© du problĂšme (en particulier, le nombre de variables de dĂ©cision). → En pratique, on utilise souvent des sous-pĂ©riodes de 1, 2 ou 3 mois.
  • 37. 29 Comme c’est la cas pour tous les plans d’action Ă©tablis sur base de donnĂ©es incertaines, la qualitĂ© du plan agrĂ©gĂ© de production tend Ă  diminuer au fil du temps. Par consĂ©quent, ce plan doit ĂȘtre soumis Ă  des rĂ©visions pĂ©riodiques qui permettent de tenir compte de l’évolution rĂ©elle de la situation entre deux rĂ©visions (changement de conjoncture, mauvaise Ă©valuation de la demande, changements de productivitĂ©, ...). Demande. Les produits mis sur le marchĂ© Ă©tant connus, la demande des sous-pĂ©riodes successives peut − en principe − ĂȘtre estimĂ©e par le dĂ©partement marketing. Remarquons immĂ©diatement que la qualitĂ© du plan de production sera trĂšs largement influencĂ©e par la qualitĂ© de ces prĂ©visions, auxquelles une attention toute particuliĂšre devrait donc ĂȘtre prĂȘtĂ©e avant d’entrer dans le processus de planification proprement dit. L’obtention des prĂ©visions peut ĂȘtre basĂ©e sur diffĂ©rentes sources d’information (donnĂ©es historiques, Ă©tudes de marchĂ©s, analyses sectorielles, commandes enregistrĂ©es, expĂ©rience des distributeurs, etc) et peut faire appel Ă  diffĂ©rentes techniques statistiques (rĂ©gression, analyse de sĂ©ries chronologiques, etc.). De nombreux logiciels de gestion de la production offrent des modules d’aide Ă  la prĂ©vision de la demande mettant Ă  disposition de l’utilisateur une large panoplie d’outils statistiques. Pour la plupart des entreprises, l’exercice de prĂ©vision de la demande reste cependant extrĂȘmement difficile Ă  metre en Ɠuvre, pour de multiples raisons. En particulier, les sĂ©ries statistiques obenues dans le passĂ© ne fournissent pas nĂ©cessairement une base fiable pour prĂ©dire le futur (la conjecture change, des produits concurrents apparaissent, etc.), la demande peut ĂȘtre trĂšs variable, et donc difficile Ă  prĂ©voir avec prĂ©cision (en particulier pour des produits innovants, ou soumis Ă  des effets de mode), les distributeurs ou les vendeurs peuvent avoir un intĂ©rĂȘt « politique » Ă  maquiller leurs prĂ©visions (par exemple pour s’assurer de disposer de stocks suffisants), etc. Souvent, il sera nĂ©cessaire pour l’entreprise de dĂ©velopper des relations de partenariat Ă©troit avec ses clients – impliquant typiquement l’échange d’informations sur les chiffres de ventes ou sur l’état des stocks - pour parvenir Ă  surmonter ces difficultĂ©s de prĂ©vision. Bien qu’il s’agisse lĂ  d’un sujet d’une grande importance pratique et d’une grande actualitĂ©, nous ne le dĂ©velopperson pas davantage dans le cadre de ce cours introductif (voir par exemple Fisher 1997 pour quelques illustrations). Par ailleurs, dans le cadre adoptĂ© ici, le rĂŽle de la production est en premier lieu de satisfaire la demande, vue comme dĂ©terminĂ©e de façon exogĂšne. Nous considĂ©rerons donc principalement des stratĂ©gies rĂ©actives, qui acceptent la demande comme une contrainte Ă  respecter. En fait, certaines possibilitĂ©s d'influencer ou de dĂ©placer la demande sont parfois prises en compte dans la planification Ă  moyen terme: publicitĂ© ou rabais dans les pĂ©riodes de basse demande (compagnies aĂ©riennes, chemins de fer, hĂŽtels, ...) ou service sur rendez-vous (cliniques, ...). De telles stratĂ©gies proactives sont notamment trĂšs utilisĂ©es par les sociĂ©tĂ©s de service, qui n'ont pas la possibilitĂ© d'utiliser les stocks pour lisser la production sur de longues pĂ©riodes. Dans certains cas, l’entreprise peut Ă©galement accepter la possibilitĂ© de ne satisfaire qu'une partie de la demande.
  • 38. 30 Ressources. La ressource la plus flexible sur l'horizon considĂ©rĂ© est celle constituĂ©e par le personnel de production (quoique certaines dĂ©cisions d'acquisition d'Ă©quipement ou de sous-traitance peuvent aussi ĂȘtre inclues dans le plan agrĂ©gĂ© de production, si les options stratĂ©giques et/ou l'horizon de planification le permettent). Les dĂ©cisions Ă  prendre concernent donc essentiellement les volumes d'embauche, de licenciement, de prestation d'heures supplĂ©mentaires, etc. Chacune de ces dĂ©cisions peut avoir sa portĂ©e limitĂ©e a priori par des considĂ©rations stratĂ©giques ou d’autres contraintes (par exemple, une politique de maintien de l'emploi, des conventions sectorielles, etc). Niveaux de production et de stocks. La demande de chaque sous-pĂ©riode peut ĂȘtre satisfaite de diffĂ©rentes façons: par la production effectuĂ©e au cours de cette sous-pĂ©riode, au cours des pĂ©riodes antĂ©rieures (livraisons sur stocks) ou au cours des pĂ©riodes ultĂ©rieures (livraisons en retard). En combinant ces diverses possibilitĂ©s, la firme peut niveler son niveau d’activitĂ© sur l’horizon Ă  moyen terme et donc stabiliser le volume de ressources utilisĂ©es. On dĂ©couvre lĂ  un des rĂŽles essentiels des stocks: celui du lissage de la production (remarquons que ce rĂŽle est utile mĂȘme dans un univers parfaitement dĂ©terministe et parfaitement connu; il faut donc bien le distinguer de celui qui consiste Ă  protĂ©ger la firme contre les incertitudes de la demande, les alĂ©as des livraison de fournitures, etc). Dans ce chapitre, nous supposerons systĂ©matiquement que l’entreprise n’a pas recours aux livraisons tardives: la demande doit ĂȘtre satisfaite Ă  la fin de la pĂ©riode oĂč elle est exprimĂ©e. Cette contrainte peut par exemple traduire un des objectifs stratĂ©giques de l’entreprise − disponibilitĂ© permanente des produits, rĂ©duction des dĂ©lais de livraison − et marquer ainsi la coordination dĂ©sirĂ©e entre deux niveaux de planification (stratĂ©gique et long terme). Alternativement, le lecteur pourra n’y voir qu’un simple souci de clartĂ© didactique: des possibilitĂ©s de livraisons tardives pourraient facilement ĂȘtre prises en considĂ©ration au prix d’un certain alourdissement de la prĂ©sentation. Remarquons enfin que, lorsque la demande est connue avec certitude, il suffit de connaĂźtre le nombre d’unitĂ©s produites au cours de chaque sous-pĂ©riode pour en dĂ©duire le niveau des stocks Ă  la fin de chaque sous-pĂ©riode. RĂ©ciproquement, l’état des stocks Ă  la fin de chaque sous- pĂ©riode dĂ©termine complĂštement les volumes de production correspondants. Par consĂ©quent, le plan de production agrĂ©gĂ© peut ĂȘtre vu comme fixant uniquement l’une des deux quantitĂ©s − stocks ou production. Cette interprĂ©tation peut se rĂ©vĂ©ler utile dans certaines circonstances. En conclusion: la planification agrĂ©gĂ©e rĂ©alise la coordination Ă  moyen terme entre les dĂ©partements marketing, personnel et production; le plan agrĂ©gĂ© est donc gĂ©nĂ©ralement le fruit d'une collaboration entre ces trois dĂ©partements, qui doivent obligatoirement l'approuver, et l’accepter comme une contrainte Ă  respecter dans leurs activitĂ©s Ă  plus court terme.
  • 39. 31 En quoi le plan est-il «agrĂ©gĂ© »? Au niveau de dĂ©cision considĂ©rĂ©, il rĂšgne trop d'incertitudes pour vouloir s'encombrer de dĂ©tails qui compliqueraient inutilement la prise de dĂ©cision. On cherche donc seulement ici Ă  planifier « dans les grandes lignes », ce qui se traduit par: ‱ l'agrĂ©gation des dĂ©cisions: les produits sont agrĂ©gĂ©s en familles de produits, les ressources en grandes catĂ©gories (de personnel, d'Ă©quipements, etc), les sous-pĂ©riodes sont relativement longues; ‱ l'omission de nombreux dĂ©tails: produits peu demandĂ©s, ressources peu utilisĂ©es, etc. L’agrĂ©gation des dĂ©cisions permet de simplifier considĂ©rablement la formulation, la rĂ©solution et l’interprĂ©tation des modĂšles (moins de donnĂ©es Ă  collecter, moins de calculs Ă  effectuer, moins de rĂ©sultats Ă  analyser). Par ailleurs, elle augmente gĂ©nĂ©ralement la qualitĂ© des prĂ©visions de demande ainsi que l’estimation d’autres paramĂštres. Par exemple, si les diffĂ©rents produits agrĂ©gĂ©s au sein d’une mĂȘme famille ont des demandes corrĂ©lĂ©es nĂ©gativement, alors l’estimation de leur demande agrĂ©gĂ©e sera plus prĂ©cise que celle des demandes individuelles (plus prĂ©cisĂ©ment, la variance de l’estimation sera infĂ©rieure Ă  la somme des variances des demandes individuelles). 5.2. Analyse graphique des options simples. Dans cette section, nous allons briĂšvement prĂ©senter une mĂ©thode graphique d’élaboration du plan de production agrĂ©gĂ©. Pour simpliste qu’elle puisse paraĂźtre, cette mĂ©thode permet de visualiser rapidement certaines des options qui s’offrent Ă  l’entreprise et possĂšde par ailleurs d’intĂ©ressantes vertus didactiques. Nous prĂ©senterons par la suite quelques approches plus sophistiquĂ©es du mĂȘme problĂšme. Exemple: ConsidĂ©rons un seul produit (Ă©ventuellement aprĂšs agrĂ©gation) et un horizon de 6 mois, oĂč chaque mois comporte 20 jours. On dispose des donnĂ©es reprises dans le tableau ci- dessous. Mois Demande Stock minimum --------------------------------------------------------------- 1 70 15 2 100 20 3 120 30 4 60 15 5 50 10 Plus gĂ©nĂ©ralement, l’horizon considĂ©rĂ© comporte les pĂ©riodes 1, 2, ..., T. Pour chaque pĂ©riode, on a estimĂ© la demande prĂ©visionnelle et le stock minimum Ă  possĂ©der en fin de pĂ©riode. Rappelons que la firme n’a pas recours aux livraisons tardives. On supposera par ailleurs, afin de simplifier la discussion, que la position de stock est nulle en dĂ©but d’horizon. Les besoins cumulĂ©s Ă  la pĂ©riode t sont alors dĂ©finis comme suit:
  • 40. 32 BC(t) = demande cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t + stock minimum de la pĂ©riode t. Un plan de production agrĂ©gĂ© peut ĂȘtre vu comme une fonction croissante PC(t), oĂč PC(t) dĂ©signe la production cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t (t = 1, 2, ..., T). Le plan PC(t) est admissible si, Ă  chaque pĂ©riode t BC(t) ≀ PC(t) = production cumulĂ©e jusqu’à la pĂ©riode t. (1) Remarquons que cette condition d’admissibilitĂ© traduit le fait que la demande doit ĂȘtre entiĂšrement satisfaite sans recourir aux livraisons tardives. Les ruptures de stocks ne sont donc pas autorisĂ©es Exemple (suite): Calculons la demande cumulĂ©e et les besoins cumulĂ©s pour l’exemple numĂ©rique prĂ©cĂ©dent.. Mois Demande Besoins cumulĂ©e cumulĂ©s -------------------------------------- 1 70 85 2 170 190 3 290 320 4 350 365 5 400 410 Le graphique suivant fournit une reprĂ©sentation de l’évolution des besoins cumulĂ©s en fonction du temps (courbe Ă©paisse). 410 365 320 190 85 20 40 60 80 100 t (en jours) unitĂ©s 0 0 besoins cumulĂ©s production cumulĂ©e
  • 41. 33 Toute courbe croissante PC partant de l'origine et situĂ©e au dessus de la courbe BC reprĂ©sente un plan admissible. La diffĂ©rence PC(t) − BC(t) reprĂ©sente l'excĂ©dent de stock par rapport au stock minimum requis Ă  la pĂ©riode t. Dans la pratique, les entreprises se basent souvent sur cette reprĂ©sentation graphique pour dĂ©velopper leur plan de production agrĂ©gĂ©. Illustrons cette approche par la discussion de deux stratĂ©gies de base simples, mais de natures extrĂȘmes, qui s'offrent Ă  l'entreprise. StratĂ©gie 1. Suivre la demande en modifiant les effectifs. Le plan de production est Ă©tabli de telle sorte que PC(t) = BC(t) pour tout t, (2) ce qui revient Ă  imposer que la production de chaque pĂ©riode soit exactement Ă©gale Ă  la demande de cette pĂ©riode. Le stock en fin de pĂ©riode est donc toujours Ă©gal au stock minimum requis. Ce type de stratĂ©gie est largement utilisĂ©e dans les services, oĂč les possibilitĂ©s de stockage sont inexistantes (par exemple, dans le secteur HORECA), mais est Ă©galement observĂ©e dans l’industrie (secteur automobile). En termes de coĂ»t, notons qu'elle minimise (Ă©videmment !) les coĂ»ts de possession de stock. StratĂ©gie 2. Minimiser les fluctuations de personnel. Dans sa version la plus simple, cette stratĂ©gie implique de produire Ă  taux constant pendant l’horizon du plan. Formellement, l'hypothĂšse de production Ă  taux constant signifie que PC(t) est une fonction linĂ©aire du temps. On peut donc Ă©crire: PC(t) = αt, oĂč α peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un taux de production. Graphiquement, le plan minimisant les fluctuations de personnel correspond alors Ă  un segment de droite situĂ© au-dessus de la courbe BC. Par exemple, Ă  l’époque 0 (dĂ©but de l’horizon de planification), on peut choisir un taux de production initial α1 aussi faible que possible sous rĂ©serve que la droite PC1(t) = α1t satisfasse Ă  la premiĂšre condition d’admissibilitĂ©: BC(t) ≀ PC1(t) pour tout t. 410 365 320 190 85 20 40 60 80 100 t (en jours) unitĂ©s 0 0 besoins cumulĂ©s production cumulĂ©e
  • 42. 34 Cette stratĂ©gie tend Ă©videmment Ă  minimiser les coĂ»ts liĂ©s aux fluctuations de personnel (coĂ»ts monĂ©taires ou sociaux), mais entraĂźne gĂ©nĂ©ralement l'accumulation de stocks importants. De façon alternative, l’entreprise pourrait choisir de produire Ă  taux constant en se contentant d’exiger que la production cumulĂ©e en fin d’horizon soit Ă©gale aux besoins cumulĂ©s: PC(T) = BC(T), sans requĂ©rir la condition d’admissibilitĂ© (1). Cette stratĂ©gie implique d’accepter les ruptures de stocks. 5.3. Un modĂšle de programmation linĂ©aire. Comme on l'a remarquĂ© ci-dessus, l'analyse graphique permet de visualiser facilement les diffĂ©rentes options s'offrant Ă  l'entreprise et permet mĂȘme d'Ă©laborer un plan de production dans des situations relativement simples (par exemple, trĂšs agrĂ©gĂ©es). Ce type d'analyse est donc frĂ©quemment utilisĂ©e en pratique. Il faut bien voir, cependant, que l’analyse graphique ne permet pas l'optimisation des coĂ»ts entraĂźnĂ©s par le plan, ni de tenir facilement compte de produits multiples, d’options mixtes (combinaisons d'heures supplĂ©mentaires, d'embauche, de campagnes publicitaires dĂ©plaçant la demande, etc) ou de contraintes additionnelles (contraintes budgĂ©taires, capacitĂ©, ...). On comprend donc l'intĂ©rĂȘt d'une approche plus puissante et plus formalisĂ©e de la planification agrĂ©gĂ©e. Une approche optimisante cĂ©lĂšbre a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dans les annĂ©es cinquante par Holt, Modigliani, Muth et Simon (1964). Ces chercheurs ont Ă©laborĂ© un modĂšle de planification agrĂ©gĂ©e pour le compte d’une grande entreprise dĂ©sirant niveler sa production et rĂ©duire ses stocks (une description de cette application se trouve en annexe Ă  la fin du prĂ©sent chapitre). Les variables considĂ©rĂ©es dans le modĂšle HMMS dĂ©crivent les niveaux de production, de stocks, de personnel, et d'heures supplĂ©mentaires Ă  prester. L'objectif de minimisation des coĂ»ts est traduit dans un modĂšle d'optimisation quadratique sans contraintes. Les conditions d'optimalitĂ© du premier ordre donnent lieu Ă  des rĂšgles de dĂ©cision linĂ©aires, qui dĂ©finissent les niveaux de production et d’emploi optimaux Ă  chaque pĂ©riode sous forme de fonctions linĂ©aires de ces niveaux aux pĂ©riodes prĂ©cĂ©dentes et de la demande prĂ©visionnelle. Le modĂšle HMMS permet l'optimisation des coĂ»ts, nĂ©cessite peu de calculs, et gĂ©nĂšre des rĂšgles d'utilisation facile. Ces avantages ont contribuĂ© Ă  sa popularitĂ©. Par contre, il connaĂźt aussi une des limitations fondamentales de l'approche graphique: il est peu flexible, en ce sens qu'il n'admet pas l'addition de contraintes (plus prĂ©cisĂ©ment, le modĂšle d’optimisation quadratique qui en rĂ©sulterait est beaucoup plus difficile Ă  rĂ©soudre que le modĂšle HMMS de base). Les modĂšles de programmation linĂ©aire, Ă  l'inverse, fournissent une approche optimisante qui peut ĂȘtre plus facilement enrichie par la considĂ©ration de facteurs secondaires. Par exemple, les limitations de capacitĂ© de certains centres de production peuvent ĂȘtre naturellement intĂ©grĂ©es dans le modĂšle sous forme de contraintes d’inĂ©galitĂ©. Ceci autorise un ajustement charge- capacitĂ© - 'rough-cut capacity planning' - qui, dans le modĂšle HMMS ou dans l'approche graphique, doit ĂȘtre rĂ©alisĂ© a posteriori. Cette souplesse de modĂ©lisation, alliĂ©e aux autres avantages bien connus de la programmation linĂ©aire (disponibilitĂ© des logiciels, rĂ©solution
  • 43. 35 efficace de programmes de grande taille, analyse de sensibilitĂ©) font de la programmation linĂ©aire un instrument de choix pour la planification agrĂ©gĂ©e de la production. DĂ©crivons briĂšvement la structure de base d'un modĂšle de programmation linĂ©aire pour l'Ă©laboration du plan de production agrĂ©gĂ©. Dans cette formulation, nous adoptons une convention de modĂ©lisation du temps largement rĂ©pandue en gestion de la production et qui sera Ă©galement utilisĂ©e dans les autres chapitres de ce syllabus. Pour chaque pĂ©riode, nous supposons que la production a lieu en dĂ©but de pĂ©riode et que les livraisons-clients sont effectuĂ©es en fin de pĂ©riode. En d’autres termes, toutes les unitĂ©s produites Ă  la pĂ©riode t sont disponibles pour satisfaire la demande de cette pĂ©riode. Par ailleurs, l’état de stock est dĂ©terminĂ© aprĂšs livraison aux clients, c’est-Ă -dire Ă  la fin de chaque pĂ©riode t. Pour clarifier la prĂ©sentation du modĂšle, nous adoptons Ă©galement les conventions typographiques suivantes: les variables de dĂ©cision sont notĂ©es en MAJUSCULES, les paramĂštres (c’est-Ă -dire les donnĂ©es du modĂšle) en minuscules, et les expressions plus complexes (fonctions, inĂ©galitĂ©s, etc) en italiques. HypothĂšses de base: on considĂšre ‱ N produits (ou, plus prĂ©cisĂ©ment, N familles de produits) ‱ T pĂ©riodes de planification ‱ une seule catĂ©gorie de personnel. Variables de dĂ©cision: pour j = 1, ..., N et t = 1, ..., T, PROD[j,t] : nombre d'unitĂ©s du produit j produites en dĂ©but de pĂ©riode t STOCK[j,t] : nombre d'unitĂ©s du produit j en stock Ă  la fin de la pĂ©riode t PERS[t] : nombre d'ouvriers employĂ©s Ă  la pĂ©riode t EMBAUCHE[t] : nombre de nouveaux ouvriers embauchĂ©s au dĂ©but de la pĂ©riode t LICENC[t] : nombre d'ouvriers licenciĂ©s au dĂ©but de la pĂ©riode t SUPP[t] : nombre d'heures supplĂ©mentaires prestĂ©es pendant la pĂ©riode t SchĂ©ma du modĂšle: le modĂšle possĂšde la structure de base suivante: minimiser (coĂ»ts de personnel) + (coĂ»ts de possession) (3) sous les contraintes : admissibilitĂ© du plan (4) calcul des stocks (5) calcul des effectifs de personnel (6) contraintes de capacitĂ© (7) contraintes additionnelles. (8)