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Centre de Droit Maritime et des Transports
UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX-MARSEILLE III
Le naufrage du navire
(the shipwreck)
Master 2 de Droit Maritime et des Transports
Promotion 2005-2006
Sous la direction de Mr Christian Scapel
Par Mlle OUBBO FADIMATOU Bouba
2
REMERCIEMENTS
Tout d’abord, je tiens à remercier Maître Christian SCAPEL, de m’avoir donné l’occasion
d’intégrer ce Master 2 de Droit Maritime et des Transports.
Je remercie également le Professeur Pierre BONASSIES, ainsi que tous les autres professeurs,
qui nous ont accordés leur temps, pour nous transmettre leur savoir à travers cette passion
commune qui les anime.
Sans oublier Martine Chéron, pour sa disponibilité et son immense gentillesse.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................................................................................................. 5
Ire PARTIE : IDENTIFICATION DES RESPONSABILITES EN CAS DE
NAUFRAGE ........................................................................................................................... 12
CHAPITRE 1 : IDENTIFICATION DE L’AUTEUR RESPONSABLE ......................... 13
Section 1 : Naufrage consécutif à un « Evènement de mer »................................................... 14
Section 2 : Naufrage consécutif à un « accident de mer » ....................................................... 18
CHAPITRE 2 : PRINCIPES DE RESPONSABILITE DE L’ARMATEUR
PROPRIETAIRE ET DU TRANSPORTEUR.................................................................... 40
Section préliminaire : Sources et nature de la responsabilité de l’armateur
propriétaire ............................................................................................................................... 41
Section 1 : Le transport maritime de marchandises ................................................................. 41
Section 2 : Le transport maritime de passagers et de leurs bagages ........................................ 53
IIème PARTIE : LA REPARATION DES DOMMAGES APRES
NAUFRAGE ........................................................................................................................... 71
CHAPITRE 1 : LES AMENAGEMENTS DE LA RESPONSABILITE.......................... 72
Section 1 : La limitation de responsabilité............................................................................... 72
Section 2 : La prise en charge des dommages par l’assureur du responsable.......................... 86
CHAPITRE 2 : L’EPAVE DE NAVIRE.............................................................................. 91
4
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
RESUME/SUMMARY
5
INTRODUCTION
TITANIC, EXXON VALDEZ, AMOCO CADIZ, ERIKA, PRESTIGE, tous ces noms de navires
évoquent tous la même chose dans nos esprits : « Naufrage ». Mais ces naufrages connus du
grand public ne sont qu’une « goutte d’eau » dans l’histoire des catastrophes maritimes qui
touchent les navires. En effet, il survient en moyenne un naufrage par jour de par le monde.
Les statistiques de ces dernières années indiquent même un chiffre supérieur à 1 par jour.
Force est donc de constater que la surmédiatisation des naufrages de navires est très récente.
Elle s’explique essentiellement par les incidences tant environnementales qu’humaines qui
résultent de tels sinistres maritimes qui, eux-mêmes sont liés aux évolutions technologiques et
techniques, ayant permis la construction de navires capables de transporter une quantité très
importante de marchandises (particulièrement des hydrocarbures) et un nombre conséquent de
passagers.
Pourtant, les naufrages de navires sont, sans aucun doute, aussi anciens que la navigation
maritime elle-même.
1°) La notion de naufrage à travers l’histoire
Les romains à leur époque s’étaient occupés du naufrage à trois points de vue dans leur
législation : étaient ainsi réglées les questions des effets des mesures prises pour sauver le
navire par le jet à la mer d’une partie de la cargaison ainsi que celles des risques et enfin
celles de la répression des actes délictueux qui ont pu entraîner la perte du navire ou qui ont
été commis lors du naufrage (pillages, vol,recel, abus de confiance) ou à l’occasion du
naufrage (actes délictueux ou criminels).
Au Bas-Empire, en principe, la cargaison voyageait aux risques du fisc (règle très
anciennement admise à Rome). Les contribuables qui avaient régulièrement fournis l’impôt
en nature auquel ils sont assujettis sont libérés ; ils ne sont pas tenus de payer deux fois. Mais
le fisc disposait d’un recours contre le propriétaire de navire (navicularius) lorsque le naufrage
pouvait lui être imputé. Toutefois il existait des dérogations. Ainsi le « navicularius » ou
« naviculaire » dont le navire a péri en cours de route doit sans tarder s’adresser aux
magistrats pour dégager sa responsabilité c’est-à-dire un an ou deux ans selon la flotte du
navire et le pays bénéficiaire de l’approvisionnement. Toute demande formée tardivement
6
était écartée par une fin de non recevoir. Autrement dit le propriétaire du navire était déclaré
responsable du naufrage.
Dès qu’il était saisi de la demande, le magistrat devait ouvrir une enquête. Il devait rechercher
d’abord si le navire avait pris la mer pendant la mauvaise saison, auquel cas « le naviculaire »
était présumé en faute. Le magistrat devait ensuite examiner si le navire avait réellement fait
naufrage ; En effet en cette matière la fraude avait été de tout temps.
Les naufrages mêmes réels étaient occasionnés par la perfidie des armateurs plutôt que par le
hasard. Ceux-ci procédaient de la manière suivante : sur des vaisseaux délabrés et hors de
service, ils chargeaient des objets de peu de valeur et en petite quantité, les faisaient couler à
fond en pleine mer et recueillaient les matelots sur de petits bateaux préparés d’avance ; puis
ils réclamaient frauduleusement le prix de fournitures considérables.
Ces abus étaient devenus tels que, pour arriver à découvrir la vérité, Valentinien prescrivit de
mettre à la question (torture) la moitié des gens de l’équipage. Gratien jugea cette mesure
excessive et réduisit à deux ou trois le nombre des personnes qui pourraient être soumises à la
question, en commençant par le Capitaine s’il avait survécu. Puis vînt une loi de Constantin
qui ordonna de mettre à la question les enfants de l’armateur : par eux on tâchera de savoir si
le naufrage n’est pas imaginaire.
A l’époque féodale, le naufrage va déborder quelque peu la sphère maritime et va être
l’occasion de perceptions financières à travers le droit de naufrage.
Ce dernier dont le produit figurait d’une manière constante dans les revenus des seigneurs
féodaux, était exercé par les habitants des côtes. Il consistait pour ces derniers à s’approprier
et piller tous les biens de bateaux échoués. L’appât du gain incitait même les plus mal
intentionnés à s’aborder les navires en péril au prix des vilenies.
Au fil du temps, le naufrage va retrouver son acception originaire d’évènement nautique ou
maritime notamment grâce à la notion de fortune de mer, que certains auteurs assimilent au
naufrage.
C’est alors l’occasion de déterminer ce que l’on entend par naufrage. Ce qui, toute somme,
n’est pas chose aisée.
7
2°) Le naufrage : une notion aux contours imprécis
Il n’existe pas en droit français de définition légale du naufrage. Cette affirmation a été
rappelée par un arrêt de la Chambre des Requêtes du 27 oct. 19261
. Il a fallu chercher cette
définition ailleurs et notamment, dans l’étymologie de la notion.
Etymologiquement, le mot naufrage est issu du latin « naufragium » de « navis » (navire) et
« frangere » (briser). Etymologiquement donc, le naufrage c’est le bris du navire.
Des auteurs comme Merlin in Naufrage, in principio adhéraient à cette définition du naufrage.
Mais très vite le mot a débordé le sens étymologique. Ainsi l’arrêt précité de Ch. Req. 27 oct.
1926 avait jugé que la submersion d’un navire, encore amarré dans un port constituait un
naufrage.
Emmanuel Du Pontavice admettait que « le naufrage c’est aussi la submersion du navire due
à la tempête, en dehors de tout bris ». Sur la question de la submersion les opinions sont
divergentes.
Pour le Tribunal de commerce du Havre dans un arrêt du 29 avril 1861, « le naufrage
implique dans tous les cas, la destruction complète du navire de manière qu’il n’en reste plus
que des débris »2
.
Aujourd’hui le mot éveille l’idée de perte totale ou partielle d’un navire. On peut ainsi
considérer qu’a fait naufrage ce Liberty ship américain qui, au large de Tunis, a été coupé en
deux par une mine, une partie du navire sombrant aussitôt et l’autre partie flottant encore dix
ans après l’accident.
Peu importe donc les circonstances qui ont présidé au naufrage, dès lors qu’il y a perte totale
ou partielle d’un navire, on peut parler de naufrage.
C’est l’idée qui est majoritairement retenue aujourd’hui et donc celle qui va accompagner nos
développements ; tout en gardant toutefois à l’esprit que la notion de « naufrage » n’est pas
rigoureuse en droit et qu’elle est donc sujette à diverses interprétations si certaines données le
commandent.
1
D.H. 1926, 529
2
Rec. M.M. p 227, cite par E. Du Pontavice
8
Le naufrage ainsi défini, il convient de se demander dans quelle catégorie juridique on peut le
classer.
3°) A quelle catégorie juridique appartient le naufrage ?
a) La fortune de mer ?
La notion peut avoir deux acceptions. Dans un sens large, elle désigne tous les accidents qui
surviennent en mer. Dans un sens plus étroit, plus intéressant pour les juristes, l’expression
désigne les accidents qui sont dus à la mer.
Ainsi selon la loi française du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport
maritimes et la doctrine, notamment M. POUPARD1
, la fortune de mer est un évènement
anormalement pénible résultant « d’un concours de circonstances dans lesquelles entrent en
cause la force du vent, l’état de la mer et la hauteur des vagues ».
Cette définition est loin de celle du naufrage telle qu’examinée ci-dessus. Pourtant l’on
assimile encore aujourd’hui les deux notions.
La confusion vient du fait que ces dernières sont parfois étroitement liées l’une à l’autre. La
première, à savoir la fortune de mer, peut être la cause de la seconde. En effet une houle, une
tempête, une tornade mais aussi un ouragan, peuvent être à l’origine d’un naufrage2
. Ainsi fût-
il dans l’affaire du Lamoricière3
où il y a eu rupture du vaisseau sous l’action des flots. La
notion de fortune de mer recouvre des évènements naturels et atmosphériques, prévisibles ou
non, alors que le naufrage est évènement accidentel et imprévisible. Le naufrage du Titanic en
est une illustration parfaite.
b) Les Evènements de mer ?
Selon le Professeur Martin NDENDE, dans la rigueur des principes, la notion d’évènement de
mer, lato sensu, aurait dû inclure très logiquement tous les incidents et accidents survenant en
mer et générant des conséquences particulières dans le domaine de la sécurité de la navigation
1
in DMF 1984.p 424
2
Outre la fortune de mer, il existe plusieurs autres causes du naufrage d’un navire : avarie ou rupture de
la structure du navire (vice propre du navire...), incendie, explosion erreurs de navigation (abordage,
collision avec un iceberg comme dans l’affaire du Titanic), guerres et actes de piraterie.
3
Cass. 19 juin 1951, D. 1951, 717
9
(abordages, naufrages, actes de piraterie, terrorisme…). Mais l’ambition eût été démesurée en
raison des difficultés considérables à vouloir tout réglementer. Des choix se sont donc portés
sur des évènements particuliers, choisis en raison de leur fréquence, de leur gravité ou de leur
intérêt juridique.
Ainsi, dans la majorité des manuels consacrés au droit maritime sinon la totalité, trois
évènements sont considérés comme « Evènements de mer » : l’abordage, l’assistance et les
avaries communes. Les textes français relatifs aux Evènements de mer (la loi du 7 juillet 1967
et son décret d’application du 19 janvier 1968) ont eux aussi fait le choix, très restrictif de ne
traiter que des trois institutions citées précédemment.
Au sens large, d’autres évènements de mer peuvent encore surgir. Ainsi le Lloyd’s Register of
Shipping distingue : la disparition d’un navire (dont le sort demeure inconnu), l’incendie et
l’explosion, le contact avec un corps flottant, l’échouement et le naufrage.
Le naufrage ne bénéficie pas d’une réglementation particulière, peut être est-ce parce que
c’est un évènement qui peut faire intervenir plusieurs institutions du Droit maritime,
notamment l’abordage ou de l’assistance si l’un de ces évènements est la cause du naufrage.
En outre il fait intervenir des questions de responsabilité « classique » ou spéciale applicable
aux opérateurs maritimes.
Une chose est certaine c’est que le naufrage est un accident qui se produit en mer. Le Doyen
Rodière in Les Evènements de mer le classe d’ailleurs dans la catégorie des « accidents de mer
autres que les abordages ». Nous retiendrons donc cette dernière qualification qui nous
semble juste.
S’il n’existe pas aujourd’hui de texte spécifique au naufrage il faut noter que plusieurs des
plus importantes Conventions Internationales ont été adoptées à la suite d’un naufrage.
Il en est ainsi de la première Convention sur la sécurité de la vie en mer mise en place en
1914 suite au naufrage du Titanic. En raison de la guerre mondiale, le texte demeura lettre
morte mais fût remplacé en 1929 par la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en
mer communément appelée Convention SOLAS (Safety of Life at Sea).
De même, les Conventions de 1969 (C.L.C) « sur la responsabilité civile du propriétaire de
navire pour les dommages dûs à la pollution par les hydrocarbures » et 1971 (FIPOL) « sur
la prévention ou la réparation des dommages de pollution par hydrocarbures ont été décidées
à la suite du sinistre du Torrey-Canyon en 1967.
10
Il arrive même parfois que la survenance d’un sinistre conduise à la modification d’une
Convention existante. Ce fût le cas à la suite du naufrage du ferry « Herald of Free
Enterprise » en 1987 qui a conduit à la modification, en 1992, des règles de la Convention sur
la sécurité de la vie en mer.
C’est dire que le naufrage est une institution majeure du Droit maritime et qui plus est,
d’actualité, puisque la question de l’indemnisation des victimes de pollution par
hydrocarbures transportées par mer est toujours au goût du jour.
En témoigne le système TOPIA/STOPIA qui est entré en application en 2006 qui consiste
une contribution volontaire des P&I club (mutuelles d’assurance des armateurs) à
l’indemnisation des dommages causés par la pollution des hydrocarbures.
Plus d’actualité encore est la question de l’identification des responsables. En effet face à
l’évolution des structures armatoriales, les successions de contrats, le recours aux montages
du Droit des sociétés (Single-ship companies, groupes de sociétés entre autres) les victimes ne
savent plus vers qui se tourner.
Notre problématique s’organisera donc autour de la question de la responsabilité. Plus
précisément, il s’agira tout d’abord de déterminer les implications contractuelles et
extracontractuelles d’un naufrage de navire. Autrement dit, « Qui endossera la responsabilité
des incidences d’un naufrage à l’égard des victimes ? ». Ensuite par extension, il s’agira de
voir comment s’organise cette responsabilité.
Cette responsabilité va s’étendre comme nous le verrons au-delà du naufrage puisqu’il va en
être question s’agissant de l’épave du navire.
Notre étude consistera, en tant que juristes, à traiter uniquement des questions juridiques
relativement au naufrage. Nous écarterons donc volontairement des questions « techniques »
qui consistent notamment à la récupération du navire naufragé ou de l’épave, les opérations de
renflouement etc…
De même dans notre démarche « juridique », nous ne traiterons pas des questions de
contentieux, mais nous contenterons d’identifier les responsables, en précisant néanmoins les
délais d’action accordés aux victimes, à l’encontre des responsables.
Il s’agira donc pour nous de procéder d’abord à l’identification des responsabilités (Ire
partie). En France, le naufrage d’un navire est susceptible de mettre en jeu des responsabilités
civiles, mais aussi pénales. S’agissant de ces dernières, elles peuvent « accabler » l’armateur,
11
le Capitaine et la société de classification qui a classé le navire1
. Cependant, notre étude se
cantonnera à la seule responsabilité civile de l’armateur.
Une fois qu’on aura terminé l’identification des responsabilités, il conviendra de procéder à
l’étude de l’organisation de la réparation des dommages après un naufrage (IIe partie).
1
Voir CA. Rennes, 23 sept. 2004 (DMF janv. 2005, p 45). La nouveauté dans cet arrêt c’est que la société
de classification est condamnée pénalement pour la première fois, en tant que personne morale, et non pas
au travers de ses dirigeants.
12
Ire PARTIE
IDENTIFICATION DES RESPONSABILITES EN CAS DE
NAUFRAGE
13
La question de l’identification des personnes responsables en matière de transport maritime
est une préoccupation majeure du Droit maritime.
Entre les montages juridiques des sociétés, les pavillons de complaisance, les consortiums
d’armateur, les single-ship companies, et la liste n’est pas exhaustive, les créanciers
désespérément malmenés dans tous les sens ne savent plus où donner de la tête. Même les
maritimistes les plus avertis pourraient s’y perdre.
L’identification de l’auteur responsable sera donc au cœur de nos développements dans ce
chapitre premier. Avec une nuance supplémentaire, celle du régime de droit en cause.
Par la suite, il conviendra de déterminer les principes de responsabilité. Ce sera l’objet de
notre second chapitre.
CHAPITRE I : IDENTIFICATION DE L’AUTEUR RESPONSABLE
Comme nous l’avons précédemment précisé, l’abordage et l’assistance sont des Evènements
de mer qui ont fait l’objet d’une réglementation particulière en Droit maritime. Un régime
spécifique leur est appliqué. Lorsque ce dernier est en jeu, il est exclusif de tout autre régime.
La conséquence qui en découle, en cas de naufrage, c’est qu’un tiers à l’expédition maritime
de départ intervient et peut voir sa responsabilité engagée.
Il convient donc de voir ce qu’il en est dans le cas d’un naufrage consécutif à un Evènement
de mer (SECTION 1) avant d’examiner le naufrage qui survient suite à un « accident de
mer » (SECTION 2).
14
SECTION 1: NAUFRAGE CONSECUTIF A UN EVENEMENT DE MER
Nous n’aborderons pas dans cette partie les Avaries communes, autre Evènement de mer.
La raison en est simple, l’institution consiste à faire contribuer chacun des intérêts engagés
dans une expédition maritime à l’indemnisation du dommage subi par l’un deux. Il ne s’agit
donc pas d’identifier le responsable.
En revanche, il convient d’identifier le(s) responsable(s) en cas d’abordage (I) puis en cas
d’assistance (II).
I- RESPONSABILITE DECOULANT DE L’ABORDAGE
Au sens strict, l’abordage est le heurt, la collision entre deux navires ou entre un navire et un
bateau de navigation intérieure. La présence d’un navire au moins est une condition
nécessaire et suffisante ; Etant exclut toutefois le heurt par un navire d’une structure terrestre
(quai, installation de déchargement de pétrole…).
Par ailleurs, peu importe la nature des eaux dans lesquelles la collision est survenue. Dès lors
qu’un navire est en cause, le régime de l’abordage s’applique.
La notion d’abordage a été étendue par la Convention du 23 septembre 1910 (sur l’abordage
en mer) et la loi du 7 juillet 1967 (relative aux Evènements de mer). En effet, sont également
soumis au régime de l’abordage « les dommages que, soit par exécution ou omission de
manœuvre, soit par inobservation des règlements, un navire a causés soit à un autre navire,
soit aux choses ou aux personnes se trouvant à leur bord, alors même qu’il n’y aurait pas eu
abordage ».
Le régime de l’abordage s’appliquerait donc au dommage causé à un navire par le remous
(wash) causé par un autre navire1
.
L’abordage est une des causes majeures de naufrage. La question sera alors de savoir contre
qui les victimes et les créanciers vont-ils se retourner ? Le navire abordeur ou le navire
abordé ?
1
Douai, 29 janvier 1987, DMF 1988, 739).
15
La réponse sera fonction du type d’abordage.
A) Abordage fortuit, ou résultant d’un cas de force majeure, ou abordage douteux :
Il s’agit ici de l’abordage dont la cause n’a pu être établie. Dans un tel cas de figure, chacun
des navires en cause supporte ses propres dommages (res perit domino).
Autrement dit, chaque transporteur sera ici responsable des dommages causés aux
marchandises ou aux passagers selon le contrat qui le lie à ces derniers. Mais chacun pourra
également être poursuivi par la voie extracontractuelle si la victime peut se prévaloir d’un
dommage. Cette question sera étudiée dans le deuxième chapitre de cette partie.
B) Abordage causé par la faute de l’un des navires :
En vertu des articles 3, respectivement de la Convention de 1910 et de la loi de 1967, « si
l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à
celui qui l’a commise ». Cette formulation n’est pas sans rappeler l’article 1382 du Code civil.
La règle est renforcée par l’article 6 de la Convention de 1910 selon lequel « il n’y a point de
présomptions légales de faute quant à la responsabilité de l’abordage ». La conséquence
directe de affirmation est qu’il est fait interdiction au juge de condamner l’armateur d’un
navire impliqué dans un abordage sans relever expressément une faute.
Le plus souvent, la faute consistera dans la violation d’une prescription du Règlement
international pour prévenir les abordages en mer (COLREG). Par exemple, l’inobservation
des règles de feux, de signaux de brume, ou de la règle de priorité à tribord.
Mais la notion de faute d’abordage est large ; Elle inclut : la faute personnelle de l’armateur
(p.ex graves négligences d’un armateur dans le contrôle du moteur de son yacht qui s’est
emballé1
), la faute du capitaine dans la conduite du navire, la faute de tout préposé, la faute
du navire. S’agissant de cette dernière, en règle générale le comportement du navire n’est
fautif qu’autant qu’il a été causé par une faute du capitaine. Toutefois, de nombreuses
décisions ont condamné un armateur parce que son navire s’est anormalement comporté, sans
1
Aix, 11 avril 1988, Navire Zulu-Sea, DMF 1989, 26
16
qu’aucune faute précise du capitaine soit relevée. Il suffit à la victime de se retourner contre le
navire « sans avoir à rechercher plus avant dans l’échelle des responsabilités »1
.
C) Abordage causé par la faute commune des navires :
Dans l’ancien droit, une telle situation était régie par la règle du partage par moitié. Cette
règle a été abandonnée par la Convention de 1910. Désormais, si l’abordage est causé par la
faute commune des deux navires, « la responsabilité de chacun des navires est proportionnelle
à la gravité des fautes respectivement commises » (art 4 de la Convention et de la loi de
1967). C’est seulement en cas d’impossibilité d’établir cette proportion que la responsabilité
est partagée par parts égales.
Lorsque l’abordage a causé des dommages aux cargaisons des navires ou aux biens des
passagers, contrairement à ce qui est admis aux Etats-Unis, chacun des navires sera
responsable dans la proportion de sa faute et sans solidarité.
En revanche, s’agissant des dommages aux personnes (mort ou blessure), la solidarité entre
les deux navires s’applique. A charge pour l’armateur qui aura réparé le dommage d’exercer
une action récursoire contre l’armateur du second navire.
Un naufrage peut résulter aussi bien d’un abordage que de la faute de l’assistant lors d’une
opération d’assistance.
II- RESPONSABILITE DE L’ASSISTANT COUPABLE D’UN NAUFRAGE
Préalablement à l’étude de cette responsabilité (D), nous définirons l’assistance maritime (A),
puis nous déterminerons son domaine (B), et les conditions d’application de son régime (C).
1
Aix, 14 avril 1987, Navire Barge, DMF 1989, 469
17
A) Définition de l’assistance maritime
L’assistance maritime peut être définie comme l’aide apportée à un navire en difficulté par un
autre navire. Alors qu’elle est obligatoire lorsqu’il s’agit de porter secours à des personnes,
l’assistance aux biens n’est obligatoire qu’après un abordage.
Le droit de l’assistance a connu et connaît encore aujourd’hui de profondes mutations qui ont
conduit à son extension, notamment à cause des préoccupations environnementales.
B) Domaine de l’assistance maritime
Le régime de l’assistance s’applique « sans qu’il y ait lieu de tenir compte des eaux »
(maritimes ou non, internationales ou nationales) où les services d’assistance ont été rendus
(art 1 de la Convention de 1910 précitée). Par ailleurs, la qualité de l’assistant a été étendue
par la Convention de l’OMI de 1989 à toute personne physique.
C) Conditions d’application du régime de l’assistance maritime
Traditionnellement et en général, l’assistance résulte d’une convention orale ou écrite (elle est
alors inscrite dans des contrats types dont les deux principaux sont la Lloyds open form ou
LOF et la formule Villeneau) conclue entre le navire assisté et un assistant.
Mais le régime de l’assistance peut aussi s’appliquer en dehors de tout contrat. C’est le cas
notamment lorsqu’un navire est en très grand péril. Enfin, la Convention de 1989 dans son
article 9 admet implicitement l’assistance imposée à un navire qui est en difficulté.
Cependant, la condition impérative pour l’application du régime de l’assistance c’est que le
navire assisté soit en péril.
18
D) La responsabilité de l’assistant fautif
L’institution de l’assistance est dominée par la règle du « No cure, no pay » selon laquelle
« aucune rémunération n’est due si le secours porté reste sans résultat utile ». Toutefois,
exception est faite à cette règle pour l’assistance aux pétroliers.
L’assistant est encore privé de rémunération dans deux cas :
- Si le capitaine du navire en péril lui a opposé une défense expresse et raisonnable
- S’il a par sa faute rendue l’assistance nécessaire ou commis des vols, recels, ou actes
frauduleux.
Imaginons une opération d’assistance qui échoue et le navire assisté sombre, la responsabilité
de l’assistant peut-elle être recherchée ? La question n’est pas sans intérêt car l’assistance est
malgré tout, une action noble. Il paraît injuste de rechercher la responsabilité d’une personne
qui a tenté de vous sauver d’un péril grave.
Il faut ici distinguer entre l’assistance « de droit commun » et l’assistance aux pétroliers.
Dans le premier cas, l’assistant est responsable de sa faute même simple. La règle est sévère
mais elle est atténuée par le fait que l’assistant bénéficie de la limitation de responsabilité des
propriétaires de navire depuis la Convention de 1976 (sur la limitation de responsabilité en
matière de créances maritimes). S’agissant de l’assistance aux pétroliers, la Convention de
1969 (modifiée en 1992) « sur la responsabilité pour pollution par hydrocarbures », interdit
toute action contre l’assistant sauf faute inexcusable de ce dernier. D’autres droits comme le
droit britannique exonèrent l’assistant de toute responsabilité à l’égard des tiers et parfois, à
l’égard de l’assisté.
Par conséquent, en cas de naufrage, lorsque aucune faute ne peut être reprochée à l’assistant,
les victimes comme les créanciers vont devoir se retourner vers le régime de droit commun
pour identifier le(s) responsable(s).
SECTION 2 : NAUFRAGE CONSECUTIF A UN « ACCIDENT DE MER » :
19
En principe un navire ne fait pas naufrage sans raisons. Il arrive certes qu’on ne puisse pas
déterminer la cause d’un naufrage, mais celui-ci en a toujours une qui se produit en mer
(incendie, faute nautique, arrêt des machines, mauvais temps…). C’est la raison pour laquelle
nous avons fait le choix du terme « accident de mer ».
Les victimes du naufrage (propriétaires des cargaison ou des passagers ou tiers) ne
manqueront pas d’exercer leur droit pour se faire indemniser du préjudice moral ou matériel
occasionné par un tel drame. Si au final on arrive souvent à retrouver le(s) véritable (s)
responsable(s) (II), nous verrons qu’en pratique ce n’est pas une tache facile (I).
I- LES DIFFICULTES D’IDENTIFICATION DU RESPONSABLE :
Les cocontractants, passagers ou chargeurs, les destinataires des marchandises ainsi que
les tiers victimes d’un dommage causé par le naufrage d’un navire ne savent pas toujours
à qui s’adresser lorsqu’il va s’agir de formuler une réclamation. Toutefois, deux personnes
sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée ; il s’agit d’une part de l’armateur
(A) et d’autre part, du transporteur (B). L’identification de ces différents « acteurs » elle-
même n’est pas aisée, compte tenu de plusieurs facteurs que nous analyserons ci-après.
A) Les difficultés d’identification de l’armateur/propriétaire
Avec le transporteur, l’armateur est celui auquel les victimes d’un naufrage, qui veulent se
faire indemniser, font appel de prime abord. Dans la pratique et dans le langage courant,
l’armateur d’un navire c’est celui qui en est propriétaire. Cela n’est pas faux, loin s’en faut !
Mais la notion « d’armateur » et plus particulièrement celle d’armement, dérivée de cette
première notion, est beaucoup plus large, du fait de ses ambiguïtés terminologiques. En effet,
lato sensu, le mot a trois acceptions différentes :
- C’est d’abord l’opération qui consiste à équiper un navire (par exemple lui fournir
l’équipage, les moyens nautiques, logistiques et économiques) afin de le rendre apte à
son affectation, à savoir, prendre la mer et en affronter les périls. Autrefois, il s’agissait
d’équiper le navire pour faire face aux plus grands des périls de la mer qu’étaient la
piraterie et les petites embarcations corsaires ;
- C’est ensuite la collectivité des armateurs. C’est ainsi que l’on parle de l’armement
français, européen ou encore de l’armement pétrolier ;
20
- Enfin, l’armateur désigne celui qui, ayant armé le navire (c’est-à-dire l’ayant doté de
moyens humains et matériels lui permettant d’entreprendre une expédition maritime), en
tire profit en l’exploitant. C’est en partant de cette définition que la notion d’armateur
s’est fondue avec celle d’exploitant du navire. La loi française du 3 janvier 1969
témoigne de cette évolution dans son article 1er
qui dispose que l’armateur c’est « celui
qui exploite le navire en son nom… ». Ainsi, les termes transporteurs, fréteurs,
affréteurs, armateurs-gérants traduisent juridiquement les modalités d’exploitation des
navires ou de partage de compétences armatoriales, et constituent partant, autant de
déclinaisons des techniques juridiques d’armement des navires.
Aux vues de ce qui vient d’être exposé, la notion d’armateur réfute toute idée de propriété.
Pourtant en pratique, on associe très souvent la notion d’armateur à celle de propriétaire de
navire.
La confusion des qualités de propriétaire et d’armateur provient du fait que la loi du 3 janvier
1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes pose une présomption selon laquelle « le
propriétaire ou les copropriétaires du navire sont présumés en être l’armateur » (art. 2). Mais
il ne s’agit là que d’une présomption simple. En témoigne l’article 1er
précité de la même loi
qui précise que l’armateur c’est « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non
propriétaire ». Cette présomption simple pourra donc tomber, par exemple en rapportant la
preuve que le navire a été donné en affrètement par son propriétaire à un autre opérateur qui
en est effectivement l’exploitant.
Par conséquent, l’armateur d’un navire n’en est pas nécessairement le propriétaire. Il y a donc
lieu de distinguer entre armateur-propriétaire et armateur non propriétaire. Lorsqu’il n’est pas
propriétaire, l’armateur est le transporteur [cf infra B)]. De même il faut distinguer entre
l’armateur-propriétaire non exploitant, et l’armateur-propriétaire exploitant, qui est en fait le
transporteur. Les développements qui vont suivre ne concernent donc que l’armateur-
propriétaire non exploitant. Pour les autres cas, il convient de se reporter au B).
Précisons de prime abord le cas particulier de l’acquisition de la propriété du navire par un
armateur suite à une opération de crédit-bail (ou leasing) car dans ce cas précis, l’armateur
n’est pas à l’origine le propriétaire (c’est la banque ou la société de crédit-bail qui financera
l’achat du navire, qui l’est). Il ne le sera, à l’issue d’une période fixée, qu’après avoir levé
l’option ouverte pour l’acquisition de la propriété du navire concerné.
L’armateur peut être une personne physique. Si la formule était celle qui prévalait jadis, il
n’en est plus de même en droit contemporain où elle se limite au domaine de la pêche et de la
21
plaisance. Encore que s’agissant de plaisance on ne peut pas à proprement parler
d’exploitation du navire puisque son propriétaire (le patron) n’a aucun but lucratif. Lorsque
l’armateur est une personne physique qui exerce à titre individuel, l’identification du
responsable ne pose pas de difficulté majeure. La difficulté apparaît lorsque l’exploitation du
navire se fait par la forme sociétaire.
L’armateur peut aussi être une personne morale. Et généralement, « l’exploitation des
navires de commerce est le fait de sociétés d’armement constituées conformément au droit
commun » (art.1er
Décret 1969 sur l’armement et les ventes maritimes). Par conséquent,
l’armateur pourra donc adopter, en toute liberté, la forme sociétaire qui convient le mieux à
ses intérêts (société anonyme, société à responsabilité limitée, société unipersonnelle, société
par actions simplifiée, groupement d’intérêt économique…). Il faudra alors déterminer eu
égard à la forme sociale choisie, qui sera considéré comme armateur.
Une autre structure juridique « spéciale » peut poser problème, celle de la société de
quirataires encore appelée copropriété des navires. Il s’agit d’une forme de groupement très
ancien destiné à l’exploitation d’un navire en commun, et dont on trouve trace dès le XIIe
siècle en Méditerranée avec la « Colleganza » pratiquée par les marchands-voyageurs
vénitiens. Le Consulat de la Mer traitait également de la notion. Aujourd’hui, la copropriété
des navires est régie par une loi du 26 juin 1987, qui a modifiée la loi du 3 janvier 1967
laquelle s’appliquait en la matière.
Le groupement de quirataires s’inspire à la fois du droit des biens (en copropriété) et du droit
des sociétés. Mais aujourd’hui, il semble qu’il tend à s’éloigner du premier et à se rapprocher
du second1
.
Comment s’organise cette copropriété spéciale ?
La copropriété porte sur un et un seul navire. Ce navire est divisé en parts qualifiées de
quirats. Chaque associé (quirataire) détient un ou plusieurs quirats. Les décisions
importantes, à savoir celles relatives à l’exploitation, sont prises à la majorité des intérêts,
c’est-à-dire à la majorité des parts de copropriété et non à la majorité des copropriétaires.
Ainsi, si un quirataire détient 15 quirats sur 20, il exprime à lui seul la majorité.
1
Pour plus de précisions, voir M. Rémond-Gouilloud in Droit Maritime, 2e
édition, Pédone, p. 142 n° 223
22
Cependant, afin d’éviter des abus, cette majorité est soumise à un contrôle judiciaire. La règle
de la majorité des intérêts est écartée s’agissant de la constitution d’une hypothèque, auquel
cas il est exigé une majorité représentant les trois quarts de la valeur du navire.
S’agissant de la gestion du navire, elle est normalement assurée par un ou plusieurs gérants,
copropriétaires ou non. Le gérant sera désigné à la majorité simple, et pourra être révoqué
librement à la même majorité, sauf à obtenir des dommages-intérêts en cas d’abus de droit. La
nomination du gérant doit impérativement être inscrite sur la fiche du navire pour pouvoir
produire effet.
Dans l’hypothèse où aucun gérant n’a été désigné, ou lorsqu’un gérant a été désigné mais son
nom n’a pas été publié, tous les copropriétaires du navire sont réputés gérants.
Dans le cadre de sa mission, le gérant est investi des pouvoirs les plus larges ; En effet, il a
« tous pouvoirs pour agir dans l’exercice de sa mission de gestion au nom de la copropriété en
toutes circonstances » (art 17 loi 1987 précitée). Une limite toutefois, il ne peut procéder à des
appels de fonds qu’en exécution d’une décision des copropriétaires prises à la majorité des
intérêts (art.19 loi 1987). Qui du gérant ou des quirataires sera tenu pour responsable
lorsqu’un navire exploité en copropriété fait naufrage ? Telle est la difficulté, en matière
d’identification des responsabilités, que pose le système du groupement des quirataires.
Autre illustration de la personnalité morale de l’armateur c’est l’Etat. En effet, l’Etat,
personne morale publique peut être armateur. A l’origine, l’Etat était directement armateur ;
les armements d’Etat se présentaient comme des entreprises administrées en régie directe par
le pouvoir central. Ces armements représentaient un instrument de souveraineté nationale
permettant de se faire respecter à l’extérieur, mais ils étaient aussi un outil de maîtrise du
commerce extérieur. Pratiquement aucun Etat côtier, semble-t-il, n’y a échappé, y compris les
Etats-Unis d’Amérique (avec le shipping board). Même l’Etat français qui refusait de se mêler
de sa flotte de commerce y a été contrainte au vingtième siècle avec les deux guerres
mondiales. Pendant la première guerre mondiale, il gérait directement les navires de prise et
lors de la seconde, il exploitait les « liberty-ships » prêtés par les Etats-Unis et réquisitionnait
une part de la flotte française.
Mais très vite, le système de l’administration directe, par le pouvoir central des armements
d’Etat, s’est avéré financièrement désastreux au point où l’Etat préféra s’assurer une
participation au sein de sociétés d’armement. Ainsi, progressivement, les armements d’Etat
sont devenus de véritables sociétés commerciales dotées de la personnalité juridique et d’un
patrimoine propre. Aujourd’hui, les situations dans lesquelles l’Etat est directement armateur
23
sont rares et l’on ne les retrouve que dans des cas exceptionnels de guerre où l’Etat devient
armateur par réquisition ou affrètement ou encore dans des Etats de type socialiste ou à
économie étatisée tels que la Libye ou l’Iran.
Plus fréquente est donc la situation où l’armateur est une société dont les actions
appartiennent en totalité ou en partie à un Etat, même si aujourd’hui de plus en plus on
constate un désengagement des Etats dans les activités armatoriales. Nous en avons eu une
illustration en France où l’Etat s’était assuré une participation majoritaire au sein de deux des
principales compagnies maritimes françaises : la Compagnie des Messageries Maritimes,
créée en 1851 et la Compagnie Générale Transatlantique, créée en 1861. Toutes deux
devinrent respectivement, en 1948 et en 1953 des sociétés d’économie mixte.
En ce qui concerne notre étude, l’un des problèmes particuliers posés par ces armements,
émanation d’Etat, est de avoir qui, dudit Etat ou de la société nationale créée ou gérée par
l’Etat, est l’armateur réel. Autrement dit, qui doit être poursuivi lorsque le navire
appartenant à une société d’armement, gérée en tout ou partie par un Etat, fait
naufrage ?
Les difficultés d’identification du responsable se rencontrent aussi bien s’agissant de
l’armateur-propriétaite (non exploitant) que du transporteur.
B) Les difficultés d’identification du transporteur
La loi du 18 juin 1966 dans son article 15 définit le contrat de transport comme le contrat par
lequel le transporteur s’engage, moyennant le paiement d’un fret par le chargeur, à acheminer
une marchandise déterminée, d’un port à un autre. Cette même loi précise la personne sur
laquelle pèse la responsabilité dans un contrat de transport. En effet, l’article 27 dispose que
«le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la
prise en charge jusqu’à la livraison » (mais en réalité le cocontractant du transporteur, à savoir
le chargeur, peut être le responsable puisque le contrat de transport fait aussi peser sur lui un
certain nombre d’obligations).
Cependant, ladite loi ne dit pas ce qu’il fait entendre par « transporteur ». Pour cela, il faut se
référer à la Convention de Bruxelles de 1924. Cette dernière précise que le mot
« transporteur » comprend le propriétaire du navire (donc exploitant) ou l’affréteur partie à un
contrat de transport avec un chargeur (art 1-a).
24
Sous cette apparente simplicité textuelle se cache une source de contentieux importants et
omniprésents devant les tribunaux du monde entier. Si la définition, bien qu’insuffisante du
transporteur a été stigmatisée par la Convention de Bruxelles en 1924, les difficultés
d’identification de cet opérateur maritime semblent aussi vieilles que le Droit maritime lui-
même. En France, l’Ordonnance de la marine (1681) et le code de commerce de 1807
exigeaient une véritable obligation d’identification du transporteur maritime dans le contrat,
compte tenu des problèmes qui en résultaient.
La question a connu un regain d’actualité avec l’apparition de nombreux et nouveaux
intervenants du transport maritimes conduisant à la diversification des contrats d’exploitation
des navires. Mais plus récemment encore, grâce à l’évolution considérable des structures
armatoriales.
1°) Les difficultés d’identification du transporteur issues du système d’exploitation des
navires
Nous allons distinguer ici entre les problèmes que posent d’une part, les contrats
« traditionnels » et d’autre part, les prestations « modernes » d’exploitation des navires.
a) Les contrats « traditionnels » d’exploitation des navires
Aux termes de la Convention de Bruxelles de 1924 (art 1-a), le transporteur peut être le
propriétaire du navire. Il en est ainsi lorsqu’il exploite directement son navire, soit en
concluant des contrats de transport avec des chargeurs, soit en concluant des contrats
d’affrètement au voyage (car en sa qualité de fréteur, il détient tant la gestion nautique que la
gestion commerciale du navire). Mais le transporteur peut être aussi un affréteur qui conclue
un contrat de transport avec un chargeur.
En principe, les contrats de transport ou d’affrètement doivent identifier chaque partie au
contrat et donc permettre facilement l’attribution des responsabilités, mais la réalité en est
toute autre. Les mentions relatives aux parties sont une source importante de litiges devant les
tribunaux car elles ne permettent pas toujours d’identifier la personne qui est responsable aux
termes du contrat. Le problème provient dans la plupart des cas des connaissements de charte-
partie, c’est-à-dire un connaissement accompagnant un contrat d’affrètement.
25
En général, pour identifier le transporteur maritime, il suffit de se référer à l’en-tête du
connaissement. Cependant, l’en-tête n’est, ni une condition de fond, ni une condition de forme
à la validité du contrat de transport. Preuve en est de la pratique désormais courante des
connaissements sans en-tête. L’en-tête ne constitue qu’une présomption simple, laissant à la
personne désignée, la possibilité de rapporter la preuve qu’elle n’est pas responsable.
Cette pratique génère des litiges importants car si les parties contractantes connaissent leurs
obligations respectives, tel n’est pas le cas des tiers qui n’ont parfois pour seule référence que
le document contractuel liant leur créancier. Et cela concerne aussi bien les connaissements
« simples » que les connaissements de charte-partie.
Autre contrat qui entraîne des difficultés d’identification du transporteur sont les contrats de
gestion technique du navire dits contrat de ship management. Par ces contrats, des sociétés
spécialisées (« ship management companies ») se voient confier des tâches autrefois assurées
par le transporteur : recrutement et administration de l’équipage, mise à bord des
approvisionnements, organisation du ravitaillement en combustibles, entretien, maintien du
navire en classe, souscription des assurances…Le transporteur ne conservant généralement
que la gestion commerciale de son navire.
Le contenu de ces contrats est très variable. En effet, certains de ces contrats sont restreints,
prévoyant la prise en charge par le manager de quelques tâches, par exemple, la fourniture de
l’équipage. D’autres au contraire, sont plus larges prévoyant une coopération plus ou moins
poussée du ship manager à la gestion commerciale du navire. Lorsque le contrat ne concerne
que la fourniture d’équipage ou la gestion nautique du navire, la société de ship management
semble-t-il, n’est pas habilitée à délivrer les connaissements, et n’a donc pas la qualité de
transporteur maritime. En revanche, si la société assure la gestion commerciale du navire, ou
la gestion totale, c’est-à-dire, gestion nautique et commerciale, voire même humaine, elle a
pleinement le droit d’émettre de connaissements. La question se posera alors de savoir qui
du propriétaire/transporteur ou de la société de ship management, doit être considérée
comme transporteur ?
Une autre difficulté d’identification du transporteur résulte du développement considérable de
la sous-traitance dans le secteur des activités maritimes et plus particulièrement en matière
de transport maritime.
La loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance définit cette dernière comme étant
« l’opération par laquelle un entrepreneur (donneur d’ordre) confie par un sous-traité, et sous
sa responsabilité, à une autre personne (sous-traitant) l’exécution de tout ou partie du contrat
d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage (client) ».
26
En effet, il est fréquent qu’un transporteur se substitue un transporteur pour l’exécution de
tout ou partie du transport. De même, un contrat d’affrètement peut donner lieu à un ou
plusieurs sous-affrètements. Il peut aussi en être de même pour tout contrat conclu et lié à
l’exploitation d’un navire (contrat de manutention, de ship-management…).
Le problème que soulève cette cascade de sous contrats c’est que l’identification des
responsabilités n’est pas toujours évidente. Et comme le souligne très bien le professeur M.
REMOND-GOUILLOUD, « la responsabilité glisse facilement du contractuel au délictuel,
chacun étant enclin à poursuivre celui qu’il peut toucher, solvable, plutôt que le responsable ».
b) Les prestations « modernes » d’exploitation des navires
Il est bien loin le temps où l’exploitation des navires était contrôlée et gérée par leurs
propriétaires appelés jadis naviculaires ! En effet, face aux avancées technologiques et à la
concurrence, « les entreprises d’armement on dû évoluer ; Elles ont laissé place aujourd’hui à
des entreprises ultramodernes exploitant d’immenses flottes, et offrant des capacités et des
services de transport exceptionnels et d’un genre nouveau, grâce notamment à la
conteneurisation et au développement du transport multimodal » (M. NDENDE).
S’agissant du transport multimodal, le développement extraordinaire de cette forme de
transport, et l’une de ses conséquences majeures, à savoir l’intervention de multiples
opérateurs intermédiaires, ont conduit à s’interroger sur l’identification des responsabilités
dans un transport de bout en bout. Etant donné qu’il était difficile de déterminer pendant
quelle phase de transport le dommage s’est produit (en ce qui concerne notre étude, le
dommage ayant causé le naufrage par exemple), qui du commissionnaire du transport ou des
transporteurs terrestre, ferroviaire, ou maritime devait être tenu pour responsable du naufrage
du navire ?
Parallèlement au transport multimodal, le développement de la conteneurisation a également
entraîné d’importants bouleversements dans la vie maritime, et qui brouillent l’identification
des responsabilités. En particulier, la conteneurisation a entraîné la métamorphose
fonctionnelle de certaines entreprises, dont les entreprises de transit spécialisées notamment
dans le groupage des cargaisons. C’est ainsi que sont apparues des entreprises d’un nouveau
type désignées sous l’appellation de N.V.O.C.C ou « Non Vessel Operating Common
Carriers ». Elles se présentent comme de véritables transporteurs maritimes sans navires
puisque leur activité consiste, pour l’essentiel, à conclure des contrats de transport maritime
de marchandises avec des chargeurs alors qu’elles ne disposent d’aucun navire en nom
propre.
27
Elles s’appuient sur le groupage de marchandise dans des conteneurs LCL et organisent leur
transport à grande échelle et à des prix compétitifs, en affrétant notamment des espaces à bord
de navires de lignes régulières exploités ou appartenant à de véritables transporteurs
professionnels.
Le problème que soulève cette nouvelle profession, du point de vue des responsabilités,
est de savoir qui doit être considéré comme transporteur maritime : le transporteur
professionnel ou le NVOCC ?
Il arrive aussi que les difficultés d’identification du transporteur résultent de l’évolution des
structures armatoriales.
2°) Les difficultés d’identification du transporteur résultant de l’évolution des structures
armatoriales :
Le recours aux montages sociétaires avec des single ship companies ou « compagnie à navire
unique » génère des difficultés d’identification du transporteur réel. La technique consiste,
pour un transporteur propriétaire de plusieurs navires, en la constitution d’une société par
navire au lieu de constituer une seule société d’armement qui serait propriétaire de la totalité
de ses navires.
Cette formule a l’avantage pour lui, de créer un écran juridique entre son patrimoine, ou le
patrimoine du groupe qu’il contrôle, et chacun de ses navires, lui permettant ainsi de
cloisonner les risques afférents à l’exploitation de chaque navire à la valeur de ce navire.
Ainsi, « si le navire, principal actif d’une société a péri, les créanciers de cette société ne
trouveront le cas échéant en guise d’indemnisation qu’une coquille vide » (M. REMOND-
GOUILLOUD). Et cette dernière d’ajouter que « le procédé est potentiellement favorable à la
fraude à tel point qu’il est devenu un phénomène extrêmement préoccupant, en raison de son
ampleur mondiale et de ses conséquences nuisibles ».
Qui doit alors être considéré comme transporteur maritime : la single ship company ou
l’armateur propriétaire qui se cache derrière l’écran de la personnalité juridique
formé ?
Autre phénomène préoccupant, est celui des consortia (ou consortium) et alliances. Il s’agit
de phénomènes de concentration des entreprises maritimes qui bouleversent complètement les
28
conditions d’exploitation des lignes régulières de navires. A une exploitation individuelle et
autonome des navires, se substitue une exploitation collective et intégrée dans des structures
logistiques de groupe, avec une chaîne d’opérations coordonnées et des décisions communes
entre les différents armateurs membres du groupement.
Si ces deux structures présentent des différences quant à leur organisation, elles se
ressemblent sur un plan logistique. En effet, dans les deux cas, les navires sont mis en
commun : chacun d’eux est à la disposition de tous les membres par un système
d’affrètements d’espaces croisés, de manière à accroître les possibilités de desserte. Les
dépenses maritimes et les dépenses d’armement sont parfois partagées, et les politiques
commerciales sont harmonisées au sein d’un bureau commun d’exploitation». Comment
alors, au sein de ces groupements, identifier l’armateur/transporteur qui va endosser la
responsabilité en cas de naufrage d’un navire utilisé par chacun des membres ? Le
membre du groupement dont le navire aura fait naufrage ou le groupement d’armateurs
lui-même ?
Après avoir étudié les difficultés d’identification du responsable, nous verrons comment se
résolvent ces problèmes en pratique et compte tenu de chaque situation.
II- LA RESOLUTION DU PROBLEME : L’IDENTIFICATION DU
RESPONSABLE REEL
Les cocontractants, chargeurs ou passagers, ainsi que les tiers victimes d’un naufrage ne
savent pas toujours à qui s’adresser en cas de litiges. Même les tribunaux connaissent parfois
quelques difficultés pour identifier les responsables, et ce à cause des problèmes énoncés ci-
dessus. Mais au final, on y arrive presque toujours à le faire, qu’il s’agisse de l’armateur réel
(A) ou du transporteur maritime réel (B). Puis nous terminerons par une identification
sommaire du responsable réel en fonction du type de dommage occasionné par le naufrage du
navire (C).
A) Identification de l’armateur réel
29
Nous nous contenterons d’étudier ici le seul cas de l’armateur propriétaire de navire. Pour ce
qui est de l’armateur non propriétaire, l’étude se fera en même temps que l’identification du
transporteur réel (B) car n’étant pas propriétaire du navire qu’il exploite, il est considéré
comme transporteur maritime.
Lorsque le navire qui a fait naufrage a été financé par une opération de crédit-bail,
l’identification de l’armateur réel dépendra du fait qu’il y ait eu ou non levée de l’option
d’achat par le crédit-loueur (ou preneur). En effet, le système consiste en ce qu’une personne
qui n’a pas les moyens de se payer un navire, va se faire financer l’achat de ce dernier par une
banque ou une société spécialisée dans le crédit-bail, afin de l’exploiter. A l’issue d’une
période fixée, le preneur jouit d’une option. Il peut soit :
- restituer le navire à la société financière,
- demander le renouvellement du contrat,
- acquérir le navire pour un prix qui tient compte, au moins pour partie, des versements
effectués à titre de loyers. Dans ce dernier cas il devient alors armateur, au sens propre
du terme, c’est-à-dire, propriétaire et exploitant du navire.
Lorsque l’option d’achat n’aura pas été levée, du fait que la période fixée pour cette faculté ne
soit pas encore arrivée, ou que le contrat a été renouvelé, il semble que l’on est dans une
situation semblable à celle qu’on a évoqué précédemment s’agissant de l’affrètement à temps.
En effet, juridiquement, on aura deux armateurs : l’armateur-propriétaire en la personne de la
société financière, et l’armateur non propriétaire qui sera le preneur, qui exploite
effectivement le navire.
Faut-il appliquer la jurisprudence Anne-Bewa (cf ci-haut) dans un tel cas de figure ?
Nous ne prendrons pas le risque de trop nous avancer sur ce point. Mais nous pouvons dire
que les deux armateurs sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée par les personnes
ayant subi un préjudice du fait du naufrage du navire ayant fait l’objet d’un contrat de crédit-
bail.
En revanche, lorsqu’à l’arrivée du terme prévu, le preneur lève l’option d’achat du navire, il
en devient l’armateur unique. Partant, pour toute réclamation consécutive à un naufrage, les
réclamants vont, au prime abord se retourner contre lui.
Lorsque l’armateur est une personne physique exerçant à titre individuel, il n’y a aucun
doute, c’est cette personne physique qui est l’armateur réel. En revanche lorsque l’armateur
est une personne morale, il va falloir avoir recours au droit commun des sociétés. Autrement
30
dit, l’identification des responsables se fera selon la forme sociétaire choisie. Ainsi, le(s)
responsable(s) désigné(s) dans les statuts sociaux seront ceux qu’on va qualifier d’armateur.
S’agissant d’un groupement de quirataires, la problématique était de savoir, qui du gérant
de la copropriété ou des quirataires endossaient la responsabilité en cas de dommages, et donc
la qualité d’armateur ?
Lorsqu’un gérant a été nommé, conformément aux règles du mandat (la loi de 1967 étant
muette sur la responsabilité du gérant), le gérant n’est pas normalement engagé par les
contrats qu’il conclut pour le compte de la copropriété sauf en cas de faute. Par conséquent, si
le navire a péri par sa faute, il doit être tenu pour responsable de toutes les conséquences
dommageables qui en résulteront. C’est une responsabilité indéfinie. Et dans le cas où
plusieurs armateurs gérants ont été nommés ils sont tenus solidairement. Autrement dit, dans
un groupement de quirataires où un gérant a été nommé, c’est ce dernier qui est considéré
comme l’armateur puisque c’est lui qui va endosser la responsabilité.
Quid lorsque aucun gérant n’a été désigné ?
Nous avons vu que dans une telle hypothèse, l’article 15 de la loi de 1967 répute tous les
copropriétaires du navire, gérants. Ils seront donc tous considérés comme armateur. La
contribution de chacun à la réparation des dommages ayant été fixée par la loi. A l’origine, la
jurisprudence avait posé la règle que les quirataires étaient tenus de façon indéfinie et
solidaire des dettes de la copropriété, ceux-ci ayant une activité commerciale1
. Malgré la
contestation de cette solution, la Cour de cassation a maintenu sa position dans un arrêt du 23
février 1965 « Navire Angelus »2
. On avait cru que la loi de 1967, qui établissait une
distinction entre copropriétaires gérants et copropriétaires non gérants allait changer la donne.
Mais il n’en fût rien, du moins pour ce qui est de copropriétaires gérants. En effet, l’article 20
dispose que « les copropriétaires gérants sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes
de la copropriété, et ce nonobstant toute convention contraire ». La loi du 26 juin 1987, texte
qui a remplacé celle de 1967, a maintenu cette solution.
Enfin, lorsque c’est l’Etat lui-même qui est l’armateur, il n’y a pas de difficulté majeure
dans le cas d’une administration en régie directe. Les difficultés d’identification de l’armateur
réel apparaissent lorsqu’il s’agit de société d’armement financées, en tout ou partie, par l’Etat.
Fallait-il admettre que les dites sociétés avaient une personnalité morale autonome, ou
1
Civ. 27 fév 1877, S. 77, 1.209
2
DMF 1965. 412
31
au contraire considérer que cette personnalité morale se confondait avec celle de l’Etat
lui-même, auquel cas alors seul ce dernier serait considéré comme armateur réel ?
En jurisprudence, pour résoudre les litiges relatifs à l’autonomie juridique des sociétés
d’armement d’Etat par rapport à l’Etat lui-même, on a recours à la théorie de l’émanation.
Selon cette théorie, les sociétés armateurs de navires d’Etat n’ont pas véritablement la
personnalité morale et ne possèdent pas de patrimoine propre différent de celui de l’Etat. Ils
n’ont donc pas vraiment d’autonomie de gestion dans la mesure où, les capitaux sont étatiques
et les dirigeants le plus souvent nommés par le pouvoir central. Cette théorie a d’abord été
appliquée dans le domaine des nationalisations, puis dans celui des saisies de navires1
,
domaine dans lequel il fait a fait l’objet d’un contentieux important. Mais rien ne s’oppose à
ce qu’elle s’applique pour tout autre litige, comme ici en cas de réclamations consécutives à
un naufrage.
Pour la doctrine, une telle généralisation de la théorie de l’émanation doit être accueillie avec
la plus grande réserve. Ainsi, pour le Professeur M. Ndende, « la confusion de la personnalité
morale des armements avec celle de l’Etat lui-même peut produire un effet boomerang très
pervers : ces armements en viennent à revendiquer l’immunité des Etats dont on les accuse
d’être des émanations ». Pour le Professeur Bonassies, « la généralisation de la théorie de
l’émanation présente un grave danger pour certains armements français par exemple, naguère,
la Compagnie Générale Maritime, dont les navires auraient pu être saisis pour une dette
d’Electricité de France) comme pour les ports français, que pourraient délaisser les armements
des pays à économie d’Etat ». En outre, « d’un point de vue plus théorique, elle méconnaîtrait
le droit des Etats d’organiser comme ils l’entendent leur économie, soit sur un mode libéral
soit sur un mode étatique ou socialiste, alors que ce droit leur est reconnu par des textes
internationaux importants (Charte des droits et devoirs économiques des Etats du 12
décembre 1974 et, pour les Etats liés à la Communauté Economique, Convention de Lomé du
8 décembre 1984) ».
Tenant compte des critiques doctrinales, la jurisprudence semble être revenue à une
conception, sinon plus restrictive, du moins, moins permissive de la théorie de l’émanation.
En témoigne l’arrêt censurant la position adoptée par la Cour d’appel de Rouen précitée,
rendu à propos de l’affaire du « Navire Filaret »2
. Arrêt qui fut confirmé ultérieurement,
notamment dans l’affaire du « Cesil Angola » le 1er
Octobre 19973
dont les termes étaient les
suivants : « Le contrôle d’un Etat sur une personne morale, ainsi que la mission de service
public qui lui est dévolue, ne suffisent pas à la faire considérer comme une émanation de
1
CA. Rouen. 23 déc. 1985, « Navire Filaret » DMF 1986.349
2
Cass. com. 6 juil. 1988, DMF 1988.595, note Warot ; DMF 1989, 14 obs. Bonassies
3
DMF 1998.17
32
l’Etat impliquant son assimilation à celui-ci et aux autres organismes placés dans la même
situation qu’elle par rapport à cet Etat ».
Compte tenu de cette jurisprudence défavorable à la théorie de l’émanation, il semble qu’il ne
faille pas considérer ipso facto l’Etat armateur détenteur de parts sociales, en tout ou partie,
dans une société d’armement, comme le véritable armateur du navire. Il va falloir pour cela,
caractériser selon la situation envisagée, le degré d’implication de l’Etat dans la société dont il
sera question. La possibilité qu’une société d’armement d’Etat puisse se voir reconnaître la
qualité d’armateur reste donc ouverte.
Après avoir traité la question de la détermination de l’armateur réel, nous envisagerons la
situation du transporteur maritime.
B) Identification du transporteur réel
Nous avons vu que la pratique des connaissements sans en-tête est une grande source de
difficulté d’identification du transporteur maritime surtout lorsque le navire n’est pas exploité
par son propriétaire, mais par un affréteur. Comment savoir qui a émis le connaissement ?
Dans une telle situation, on considérait que c’était l’armateur-propriétaire (non exploitant) du
navire en cause qui était le transporteur. Mais la jurisprudence, dans l’affaire du «Navire
Julia » avait décidé, dans un premier temps, que l’action dirigée contre l’armateur inscrit au
registre d’immatriculation n’était pas recevable : « le propriétaire du navire ne peut être tenu
pour transporteur si cette qualité ne ressort pas du connaissement »1
. Cette décision a été
vivement critiquée notamment par les Cour d’appel d’Aix-en-provence et de Rouen pour
lesquelles, c’est l’armateur qu’il fallait considérer comme transporteur apparent répondant des
dommages. Un arrêt de Cass. com. 21 juil 1987 « Navire Vomar », ainsi que CA. Paris. 16
juin 20042
confirment la solution donnée par les Cours d’appel d’Aix et de Rouen, qui
constituent donc la jurisprudence actuelle.
Certains connaissements comportent une clause « Identity of carrier » ou « Demise clause »
inspirées de la pratique anglaise et selon lesquelles le propriétaire du navire sera réputé
transporteur. Ce qui permettait à l’affréteur de se protéger contre les réclamations. En France,
cette clause est mal accueillie par les tribunaux, qui la considèrent sans valeur et donc
1
Cass. com. 10 mai 1983, « Navire Julia », DMF 1984.269
2
DMF 2005, HS, n°94
33
inopposable au cocontractant du transporteur. Même la jurisprudence anglaise l’a récemment
abandonné : « La clause « Identy of carrier » ne peut pas transférer la qualité de transporteur
sur une autre personne »1
.
En ce qui concerne les contrats de ship management, nous avons vu qu’il arrive que la
société « manager » assure une gestion très poussée, voire totale du navire (nautique,
commerciale et humaine) et que, par conséquent elle puisse émettre des connaissements. Le
problème qui en ressortait était alors de savoir, qui de la société de ship management ou de
l’armateur, devait être recherché comme transporteur maritime ?
D’entrée de jeu, effaçons tout doute. Les sociétés de ship management sont de simples
mandataires, exploitants le navire « au nom et pour le compte de l’armateur » (Agnès Rover
Fleury). Contrairement aux affréteurs, elles ne deviennent pas transporteurs maritimes du seul
fait qu’elles assurent la gestion commerciale du navire. La raison en est que le contrat de ship
management tient à la fois du contrat du mandat et du contrat d’entreprise, c’est pourquoi, en
qualité de mandataire la société « manager » n’assume pas personnellement les risques de
l’exploitation commerciale. Preuve en est que dans tout document contractuel, elle doit
toujours prendre le soin de préciser qu’elle intervient « as agent only », c’est-à-dire en tant
que simple agent de l’armateur. Ainsi, toutes personnes ayant un intérêt à agir et qui veulent
obtenir réparation ne peuvent pas, en principe, engager la responsabilité personnelle de la
société de ship management. A moins que celle-ci ait commise une faute caractérisée ayant
causé un dommage à un tiers ; auquel cas sa responsabilité viendra doubler celle de
l’armateur. Parfois, lorsque la société de ship management assume la totalité de la gestion du
navire, on peut estimer que la responsabilité de celle-ci doit être assimilée à celle d’un
armateur, sans nécessairement effacer celle de l’armateur légal, du moins pour ce qui est du
droit français. Encore faut-il pour cela que le contrat de ship management n’ait pas été
régulièrement publié.
Cependant, pour le professeur Ndendé, il existe un cas, et un seul, dans lequel, la société de
ship management pourra être poursuivie en qualité de transporteur maritime : c’est celui des
montages sociétaires. Selon lui, le propriétaire du navire et la société de ship management
peuvent s’utilisent mutuellement comme paravents pour faire systématiquement échec aux
poursuites des créanciers : c’est le cas par exemple d’une société qui se présente faussement
comme simple ship manager d’un navire, alors qu’en réalité elle en est l’armateur réel. Il y
aurait là une volonté frauduleuse à l’égard des créanciers par le biais de manipulations
sociétaires.
1
Chambre des Lords. 13 mars 2003, « STARSIN »
34
La sous-traitance est une autre source de difficulté d’identification du transporteur maritime.
La question sera de savoir qui du transporteur originaire ou du transporteur substitué sera
considéré comme le véritable transporteur répondant des dommages causés par le naufrage
d’un navire ?
Il n’existe pas en droit français de dispositions particulières concernant la substitution de
transporteur. Par conséquent, les problèmes nés de cette situation doivent être résolus selon
les principes du droit commun. Deux situations sont alors à envisager :
- Lorsque la substitution était prévue dans le contrat conclu avec le transporteur initial, ce
dernier apparaît comme le mandataire du chargeur et le transporteur substitué devient le
transporteur réel.
- En revanche, lorsque la substitution n’était pas prévue, celle-ci demeure malgré tout
licite en vertu de l’article 1236 du Code civil, mais c’est l’armateur initial qui doit être
considéré comme le transporteur.
Précisons toutefois que les règles de Hambourg du 31 mars 1978 (qui ne s’appliquent pas en
France), traitent de la responsabilité du transporteur et du transporteur substitué (art 10). Il y
est prévu que le transporteur initial demeure responsable de la totalité du transport. Il est par
ailleurs responsable des actes et omissions du transporteur substitué pour la partie de transport
effectué par ce dernier. En outre, les victimes disposent d’une action directe contre le
transporteur substitué. Enfin le texte ajoute que la responsabilité des deux transporteurs est
solidaire.
Nous avons précédemment vu qu’avec le développement extraordinaire de la
conteneurisation un nouveau personnage était apparu, le NVOCC, qui posait des difficultés
d’identification du transporteur réel entre lui et le transporteur professionnel.
Le NVOCC délivre à ses clients un « house bill of lading » ou « connaissement-maison » dont
la particularité est de comporter un en-tête indiquant sa dénomination sociale, ainsi que
souvent, son adresse et coordonnées. Parallèlement, le NVOCC reçoit du transporteur
maritime professionnel un « master bill of lading », c’est-à-dire un connaissement principal.
Le problème c’est que les ayants-droit à la marchandise, ne connaissent que le NVOCC et
n’ont pas de rapport direct avec le transporteur professionnel : c’est le principe même de
l’effet relatif des contrats. On peut donc conclure que c’est le NVOCC qui apparaît
juridiquement comme le transporteur maritime et c’est lui contre lequel les victimes devront
agir en responsabilité. D’où l’expression du Maître Morinière (auteur d’une thèse sur les
35
NVOCC) de « transporteurs maritimes contractuels » (par opposition aux transporteurs
maritimes professionnels) s’agissant des NVOCC.
Il semble qu’en réalité, la pratique veut que la NVOCC, après avoir assumé ses
responsabilités de transporteur à l’égard de ses créanciers, puisse par la suite, se retourner
contre le transporteur maritime réel sur la base du « master bill of lading ».
Quid si le NVOCC émet un connaissement sans en-tête et conteste sa qualité de transporteur
maritime ?
Dans ce cas, le recours à la théorie de l’apparence serait utile afin d’identifier le NVOCC
comme transporteur maritime réel. Les indices permettant cette identification devront
toutefois, être sérieux et réels, sinon c’est le transporteur professionnel qui sera considéré
comme le véritable transporteur ». C’est ainsi qu’une Cour d’appel avait décidé que
« l’identité de l’émetteur des titres de transport étant impossible à déterminer, c’est à bon droit
que les assureurs facultés ont exercé leur recours contre le propriétaire du navire, tenu pour
être le transporteur »1
.
Pour certains auteurs, dans un tel cas de figure, il serait plus judicieux soit de poursuivre à la
fois le propriétaire du navire et l’entreprise qui exploitait commercialement le navire au
moment du dommage (c’est-à-dire le NVOCC). Soit au contraire, sur le fondement du Décret
du 5 mars 1990 concernant la commission de transport, qualifier le NVOCC de
commissionnaire de transport. Rappelons que le texte susvisé considère comme
commissionnaire de transport, « tout professionnel qui organise et fait exécuter sous sa
responsabilité et en son propre nom, un transport de marchandises selon les modes de son
choix, pour le compte d’un commettant ».
Pour ce qui est du transport multimodal, la complexité de cette forme de transport et
l’intervention de multiples opérateurs intermédiaires qui en est résultée, ont poussé les Etats à
réagir afin d’identifier avec précision le responsable principal. En effet, il paraissait de plus
en plus injuste de prendre pour responsable le dernier transporteur et le commissionnaire de
transport.
Après quelques échecs de projet de conventions par des institutions internationales
(UNIDROIT en 1957, CMI en 1969, TCM en 1971, et CNUDCI en 1980), les règles CCI-
CNUCED de 1992, dans un souci de simplification, ont pu mettre en place un contrat unique
1
CA. Versailles, 4 avril 2002, Navires Peninsular Bay et Singapore Bay, DMF 2002.944
36
qui couvre le transport de bout en bout, avec un opérateur unique : c’est l’ organisateur de
transport multimodal (OTM). Ce nouveau personnage sera désormais, dans le cas d’un
transport multimodal, le responsable unique vers lequel les ayants droit aux marchandises ou
autres victimes, devront diriger leur action. Cela va permettre d’éviter le « syndrome du
dernier transporteur », pour reprendre les termes du Professeur SCAPEL.
La codification de ces règles est actuellement en projet au sein de la CNUDCI, qui a été
chargée d’élaborer une Convention Internationale contenant des dispositions spéciales sur ce
que le Professeur Bonassies a qualifié de « transport multimodal transmaritime ».
Dans les cas des single ship companies, il a fallu lutter contre l’éclatement de patrimoines
résultant de la constitution de sociétés d’armement dotées d’un seul navire.
En droit des sociétés, chaque société créée dispose d’une personnalité juridique autonome,
dont le patrimoine, pour nous le navire, répond seul des éventuelles réclamations. Ce principe
devrait conduire à refuser aux créanciers d’une single ship company toute action contre
l’armateur ou le groupe d’armateurs qui se cachent derrière l’écran de la personnalité
juridique. Mais il aurait paru injuste que ceux qui contrôlent la gestion d’un ensemble de
navires ne soient pas poursuivis, sur l’un ou l’autre de ceux-ci sous prétexte qu’ils ont
constitués des sociétés indépendantes.
Pour lutter contre ce phénomène, la doctrine et la jurisprudence ont élaboré une théorie dite
« des navires apparentés ». Toute une jurisprudence s’est alors construite autour de cette
question, spécialement en matière de saisie des navires. Sur le fondement de cette théorie, le
voile de la personnalité morale des sociétés d’un seul navire serait levé ou percé, pour y
découvrir des sociétés fictives. En effet les single ship companies se révèlent être, dans la
plupart des cas, des « sociétés de papier » qui sont en fait gérées par le même groupe et les
mêmes personnes indélicates, qui utilisent les montages sociétaires et les pavillons de
complaisance afin d’échapper à leurs créanciers. La solution qui a été dégagée a alors été
d’admettre que « derrière la réalité juridique « frauduleusement » créée, existe une réalité
économique : l’identité de propriétaire, par conséquent, l’identité d’exploitant, l’identité
d’armateur » (Antoine VIALARD).
Par conséquent, lorsque plusieurs indices (par exemple, identité des sièges sociaux, adresses,
parenté des dénominations des filiales, identité du pouvoir décisionnel, unité de gestion,
manque d’autonomie, confusion de patrimoine et de capitaux, communautés d’intérêts…)
permettent d’établir que plusieurs single ship companies sont en fait contrôlées par un même
ensemble armatorial ou par les mêmes intérêts économiques, les créanciers de l’une d’elles
37
peuvent saisir les navires des autres. C’est dire que c’est l’armateur ou le groupe armatorial
qui est considéré comme responsable et partant, comme transporteur. Encore faut-il que la
manœuvre frauduleuse soit établie.
En effet, par une série d’arrêts, « Osiris » (en 1994), « Alexander III » (en 1996) et
« Karelyia » (en 1999), la Cour de cassation a donné un sérieux « coup de frein » au
développement de la théorie des navires apparentés qui devenait systématique. Désormais il
faut une volonté manifeste de fraude pour établir la fictivité d’une single ship company. Si
cette fictivité n’a pas pu être établie, on peut alors considérer que la single ship company est
dotée d’une personnalité juridique autonome et donc d’un patrimoine propre, répondant des
réclamations dirigée contre ladite société. La single ship company pourra alors dans ce cas, à
notre sens, se voir reconnaître la qualité de transporteur maritime.
Nous en terminerons par l’identification du transporteur maritime au sein des consortia et
alliances maritimes. La problématique étant de savoir qui doit être reconnu comme
transporteur au sein de ces groupements : le groupement lui-même ou le membre du
groupement dont le navire a fait naufrage ?
La réponse sera fonction du choix fait par les parties, de la nature juridique de ces
groupements. Il arrive que certains groupements, notamment les consortiums, soient
constituées sur le modèle de véritables sociétés commerciales de type SA, SAS ou GIE. C’est
le cas lorsqu’elles atteignent un degré d’intégration vraiment poussé. Dans une telle situation,
le groupement se verra dotée de la personnalité juridique et pourra émettre des
connaissements en son nom propre, et partant, être poursuivi comme transporteur maritime.
Mais dans la plupart des cas, les consortiums ou alliances n’ont pas la personnalité juridique
et ne constituent que de simples contrats dits « structurés » (bureau commun, politique
commerciale harmonisée, mise en commun des flottes) ou contrats de coopération logistique
conclus entre des entreprises d’armement ; on les qualifie alors de « consortiums-noyau » ou
« consortiums semi-intégrés ». Etant dénués de personnalité morale, ces groupements ne
sauraient avoir la qualité de transporteur maritime (car ils ne sont pas dotés de la personnalité
juridique nécessaire à la conclusion de contrats). C’est la raison pour laquelle les
connaissements émis par leurs membres ne doivent en principe jamais porter l’en-tête du
consortium ou de l’alliance, mais plutôt, indiquer la raison sociale de l’un des membres.
Quid en cas d’émission d’un connaissement sans en-tête ?
38
« Il paraîtrait tout à fait cohérent de poursuivre comme transporteur, le membre du
groupement dont le navire aura effectué le transport litigieux ou, de manière solidaire, et telle
est la tendance générale, l’ensemble des membres du consortium ou de l’alliance »
(M.Ndendé).
A présent qu’on peut identifier aisément le transporteur ou l’armateur-propriétaire, les
responsabilités peuvent différer en fonction du type de dommage résultant du naugrage.
C) Identification du responsable réel en fonction du type de dommage
1°) Dommages subis par le navire ou perte du navire
Dans le cas d’un transport maritime « simple » (dans ce cas le propriétaire du navire est le
transporteur), c’est-à-dire qui n’est pas consécutif à un contrat d’affrètement, les textes (loi de
1966 et Convention de 1924) n’envisagent pas l’hypothèse des responsabilités en cas de perte
du navire ; ils ne traitent que de la responsabilité en cas de perte ou dommages subis par les
marchandises. Or, le naufrage d’un navire emporte inévitablement la perte (partielle ou totale)
de ce dernier. La question est alors de savoir qui va endosser la responsabilité de cette perte ?
le propriétaire du navire (transporteur) ou le chargeur de la marchandise ?
Le contrat de transport de marchandises fait peser sur chacune des parties des obligations (cf
infra Chap II, Section 1, I, A). Si le naufrage du navire est la conséquence du manquement de
l’une de ces parties à ses obligations contractuelles, il est logique que cette partie en assume la
responsabilité. L’identification des responsabilités sera donc fonction de l’origine du
dommage. Ainsi, si le navire a sombré à cause d’une innavigabilité (au départ) ou à cause
d’un mauvais arrimage ou chargement des marchandises, le propriétaire/transporteur va
assumer la responsabilité de ce naufrage et donc, la perte de son navire. En revanche, si le
naufrage a été causé par une marchandise dont la dangerosité n’a pas été spécifiée par le
chargeur au transporteur, c’est le chargeur qui va endosser la responsabilité du naufrage et
devra par conséquent, indemniser le propriétaire de la perte de son navire : « la dissimulation
du caractère dangereux de la marchandise rend le chargeur responsable de tous les dommages
ou dépenses pouvant résulter de leur embarquement » (art 44 al 1 Décret 1966).
Dans le cas d’un transport maritime qui est précédé d’un contrat d’affrètement, il faut
distinguer selon le type d’affrètement :
39
- L’affrètement coque-nue : c’est le contrat par lequel le fréteur (loueur) s’engage, contre
paiement d’un loyer, à mettre pour un temps défini à la disposition d’un affréteur
(locataire), un navire désigné, sans armement ni équipement. Dans ce type d’affrètement,
l’affréteur détient à la fois la gestion nautique et commerciale du navire. Il a alors
l’obligation d’utiliser ce dernier à toutes fins conformes à sa destination normale et doit
le restituer en fin de contrat, dans l’état où il a été reçu, sauf l’usure normale. En cas
d‘inexécution de l’une de ses obligations, l’affréteur sera (contractuellement)
responsable envers le fréteur. Par conséquent, s’il a utilisé le navire à des fins non
conformes à sa destination normale et qu’il en est résulté un naufrage, ou étant dans
l’impossibilité de restituer le navire, celui-ci ayant sombré, l’affréteur devra indemniser
le fréteur de cette perte.
- L’affrètement à temps : il s’agit du contrat par lequel le fréteur s’engage à mettre un
navire armé à la disposition de l’affréteur pour un temps défini (art 7 loi 1966). Ici, la
gestion nautique du navire est assurée par le fréteur, tandis que l’affréteur s’occupe de la
gestion commerciale. Cette répartition des pouvoirs exerce une incidence sur les
responsabilités. Ainsi, il est prévu que l’affréteur est responsable envers le fréteur des
dommages subis par le navire, s’ils sont la conséquence de son exploitation
commerciale. Toutefois ,il dispose d’un recours contre le fréteur s’il établit que ces
dommages proviennent de l’inexécution, par ce dernier, de ses obligations relatives au
navire (à savoir, maintenir le navire en bon état de navigabilité pendant toute la durée du
contrat).
- L’affrètement au voyage : c’est le contrat par lequel le fréteur met en tout ou partie un
navire à la disposition de l’affréteur en vue d’accomplir un ou plusieurs voyages (art 5
loi 1966). La caractéristique de cet affrètement est de concentrer sur la personne du
fréteur la gestion nautique et la gestion commerciale du navire. La conséquence qui en
découle c’est qu’il lui appartiendra d’endosser la responsabilité de la perte du navire, à
moins que le naufrage ne soit le résultat d’une faute de l’affréteur dans le chargement de
la marchandise, obligation qui lui incombe (par ex : marchandises dangereuses). Auquel
cas l’affréteur va devoir indemniser le fréteur pour la perte de son navire.
2°) Pertes ou dommages subis par la marchandise
S’agissant du transport maritime « simple », le transporteur est présumé responsable des
pertes ou dommages subis par la marchandise, sauf à prouver une cause précise
d’exonération (art 4 Conv. Bruxelles ; art 27 loi 1966).
40
Pour les transports sous connaissement de charte partie, la responsabilité pèse sur :
- l’affréteur coque-nue
- l’affréteur à temps. Toutefois, s’il s’avère que les dommages ou pertes proviennent de
l’inexécution par le fréteur de ses obligations relatives au navire, l’affréteur dispose d’un
recours contre le fréteur.
- Le fréteur au voyage, sauf à lui de prouver que les dommages ne tiennent pas à un
manquement à ses obligations.
3°) Dommage subis par des tiers
Concernant le transport sous connaissement « simple », le transporteur étant considéré comme
gardien de son navire depuis l’arrêt Lamoricière, il répond des dommages causés par ce
navire aux tiers en vertu de l’article 1384 al 1 du Code civil.
Pour ce qui est du transport sous connaissement de charte-partie,
- lorsqu’il s’agit d’un affrètement coque-nue, en principe, le fréteur n’encourt aucune
responsabilité du fait du transfert à l’affréteur, de tous les pouvoirs de gestion du navire.
Si les tiers, ignorant l’existence de la charte-partie, assignent le fréteur, l’affréteur devra
garantie (art 11 loi 1966).
- Pour ce qui est de l’affrètement à temps, le fréteur ne répond des dommages causés par le
navire, à des tiers, que s’ils sont la conséquence de la gestion nautique de celui-ci. De
même, si les dommages causés aux tiers sont la conséquence de la gestion commerciale
du navire, c’est l’affréteur qui en est responsable.
- Enfin, dans l’affrètement au voyage, le fréteur étant le gardien du navire, il est
responsable délictuellement ou quasi-délictuellement des dommages causés par ce
dernier à des tiers.
Après avoir procédé à l’identification de l’auteur responsable en cas de naufrage d’un navire,
il convient de voir quels sont les principes de cette responsabilité.
CHAPITRE 2 : PRINCIPES DE RESPONSABILITE DE L’ARMATEUR-
PROPRIETAIRE ET DU TRANSPORTEUR MARITIME
Le naufrage d’un navire est toujours un évènement destructeur qui fait obligatoirement des
victimes. Celles-ci, afin de se voir indemniser des dommages qu’elles ont soufferts, vont
41
s’appuyer sur le contrat qui les lie avec l’auteur responsable du naufrage. Mais elles peuvent
très bien aussi faire des réclamations en dehors de toute base contractuelle. En ce sens, il
conviendra d’étudier les sources de cette responsabilité, puis sa nature dans une section
première consacrée au transport maritime de marchandises (Section 1). Tandis que la seconde
section traitera du transport maritime de passagers (Section 2). Préalablement, nous
indiquerons la situation de l’armateur propriétaire qui n’exploite pas personnellement son
navire (Section préliminaire).
SECTION PRELIMINAIRE : SOURCES ET NATURE DE LA RESPONSABILITE
DE L’ARMATEUR PROPRIETAIRE
Le propriétaire d’un navire peut choisir d’exploiter son navire lui-même ou pas. Lorsqu’il est
en même temps l’exploitant, il endosse la qualité de transporteur. Les principes de
responsabilité qui lui seront applicables seront ceux qu’on va traiter dans les sections 1 et 2.
En revanche, lorsqu’il n’exploite pas personnellement son navire, il est en principe dégagé de
toutes les conséquences de l’exploitation du navire. Cependant, en tant que propriétaire du
navire, il répond de ses fautes personnelles tant à l’égard de ses cocontractants à savoir les
affréteurs (la responsabilité sera alors contractuelle), qu’à l’égard des tiers par exemple en cas
de mort ou de lésions corporelles (la responsabilité est de source extracontractuelle). Il en sera
ainsi par exemple, s’il a frété coque-nue, un navire affecté d’un élément d’innavigabilité par
manque de diligence.
Par ailleurs, en cas de dommage de pollution causés par son navire, le propriétaire en sera le
seul responsable : on dit que la responsabilité est « canalisée ». Il s’agit d’une responsabilité
extracontractuelle.
Qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle, la responsabilité du propriétaire de navire est
une responsabilité de plein droit, d’une part parce qu’elle est basée sur la faute, d’autre part
parce qu’il s’agit d’une responsabilité bien spécifique qui est canalisée sur sa personne.
SECTION 1 : LE TRANSPORT MARITIME DE MARCHANDISES
Il s’agira dans cette section, d’étudier les sources de responsabilité de l’auteur responsable
d’un naufrage (I), avant de voir quelle est la nature de cette responsabilité (II).
42
I- SOURCES DE LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME
DE MARCHANDISES
La responsabilité du transporteur maritime peut puiser sa source aussi bien dans un contrat
(A), qu’en dehors de tout lien contractuel (B).
A) Source contractuelle
Rappelons tout d’abord que le transporteur maritime de marchandises peut être, soit le
propriétaire du navire ayant conclu un contrat de transport avec un chargeur, soit l’affréteur
ayant affrété un navire et qui l’utilise pour des transports sous connaissement. S’il s’agit d’un
affrètement à temps ou coque nue, en principe c’est l’affréteur qui est le transporteur. En
revanche, lorsqu’il s’agit d’un affrètement au voyage, c’est le fréteur qui est le transporteur
puisqu’il détient à la fois la gestion nautique et commerciale du navire.
Le déplacement d’une marchandise d’un port à un autre se fait par la conclusion d’un contrat
de transport entre un transporteur et un chargeur. Mais la doctrine dominante (Rodière, du
Pontavice…) fait du contrat de transport de marchandises un contrat tripartite, en y incluant le
destinataire de la marchandise lorsque celui-ci est différent du chargeur.
Le transporteur maritime est garant de la bonne exécution des contrats conclus par lui ou ceux
conclus pour son compte par ses préposés et représentants. Par conséquent, en cas
d’inexécution par lui de ses obligations contractuelles, sa responsabilité va se voir engagée sur
la base de ce contrat. Cette responsabilité est donc bel et bien de source contractuelle.
Le contrat fait naître des droits et obligations sur chaque partie. Chacune d’elle est donc
susceptible de voir sa responsabilité engagée même si, comme nous le verrons dans le
deuxième paragraphe de cette section, « traditionnellement celle du transporteur en cas de
perte ou dommages à la marchandise occupe une place prédominante » (RODIERE). En veut
pour preuve la responsabilité de plein droit qui pèse sur le transporteur. Cependant nous nous
contenterons d’analyser les obligations du transporteur et du chargeur seulement car dans
notre hypothèse (naufrage survenu en cours d’expédition maritime), celles du destinataire ne
sont pas utiles. De même nous n’analyserons pas les obligations des parties à destination
puisque en principe le navire aura péri avant son arrivée au port de destination.
Il conviendra donc de déterminer successivement, quelles sont les obligations du transporteur
et celles de son cocontractant.
43
44
1°) Les obligations du transporteu
a) Les obligations relatives au navire :
Le transporteur qui veut acheminer une marchandise par voie de mer est tenu par des règles
de sécurité relativement au navire. En effet pour que le navire soit apte à effectuer
l’expédition maritime, le transporteur est tenu de faire diligence, avant et au début du voyage,
pour mettre le navire en bon état de navigabilité (art 3 1. Conv. Brux ; art 21 loi 1966). Il
s’agit dune obligation de diligence encore dite obligation de « due diligence ». Il faut toutefois
observer que cette obligation est temporaire, puisqu’elle ne pèse sur le transporteur qu’avant
et au début du voyage. Si le navire, devenu innavigable en cours de voyage est la cause du
naufrage, le transporteur ne pourra pas se voir reprocher cette innavigabilité et par conséquent
ne sera pas tenu responsable du naufrage.
Depuis un arrêt « Muncaster-Castle » rendu par la Chambre des Lords le 7 décembre 19611
cette obligation de diligence est une obligation « personnelle » au transporteur, qui ne peut se
décharger de sa responsabilité sur les personnes auxquelles il a délégué sa mission (sous-
traitants).
L’obligation de due diligence pèse également sur le transporteur s’agissant du
transbordement. Ce dernier est défini par Alain LE BAYON, in Dictionnaire de droit
maritime, comme le transfert de tout ou partie de la cargaison d’un navire à bord d’un autre
navire, par suite d’un arrêt inopiné, accidentel ou non, du voyage maritime. En effet, l’article
40 du décret de 1966 dispose que « En cas d’interruption du voyage pour quelque cause que
ce soit, le transporteur ou son représentant doit, à peine de dommages-intérêts, faire diligence
pour assurer le transbordement de la marchandise et son déplacement jusqu’au port de
destination prévu ». Par conséquent, si le voyage a été interrompu à la suite du naufrage du
navire, et qu’une partie de la cargaison a quand même pu être sauvée (cas de perte partielle),
le transporteur doit tout mettre en œuvre pour poursuivre l’acheminement de la cargaison à
destination, sauf à indemniser les ayants droit de cette dernière. Toutefois, cette obligation de
diligence n’est pas une obligation de résultat et « le seul fait que le transporteur n’ait pas
réussi à transborder la marchandise ne l’accable pas » (RODIERE). Il ne sera responsable
qu’en cas de faute.
1
DMF 1963,245, obs. Bonassies
45
b) Les obligations relatives au voyage :
Les textes ne prévoient pas de règles particulières pour l’accomplissement du voyage. Mais
traditionnellement, on considère que le transporteur doit accomplir le voyage « en droiture »,
par la route habituelle et dans les meilleurs délais. En pratique, les connaissements prévoient
généralement la possibilité pour le transporteur de se dérouter et de faire des escales sans que
sa responsabilité ne soit, à priori, engagée. Cependant, le transporteur est tenu de certaines
obligations relativement à la marchandise à destination (état, délai inscrit au connaissement),
sa responsabilité pourra donc être engagée si le déroutement n’était pas raisonnable et que le
navire fait naufrage pendant ce détour.
Quid si le navire fait naufrage après un transbordement ?
Qui dit transbordement dit, en principe transporteurs successifs. Mais les textes ne règlent pas
la question des obligations respectives des transporteurs successifs (et donc de leur
responsabilité) en cas de dommage subis par la marchandise (ou le navire), lors d’un
transbordement. Il y a lieu de distinguer deux situations :
- Si le transbordement s’est effectué sur un autre navire appartenant au même transporteur,
celui-ci reste entièrement tenu.
- Dans le cas contraire d’un transbordement effectué sur un navire appartenant à un autre
transporteur, la règle c’est que en principe, chacun des transporteurs est responsable des
dommages survenus lors de son propre parcours1
. Par conséquent, si le second
transporteur ne veut pas se faire voir attribuer la responsabilité du dommage dont la
cause se trouve lors du voyage initial, il a tout intérêt à faire des réserves au moment de
la prise en charge de la marchandise transbordée. Ces réserves permettent de délimiter le
parcours pendant lequel le dommage s’est produit. A défaut, le second transporteur sera
réputé avoir reçu les marchandises dans l’état et en la quantité décrits au connaissement.
Mais certaines décisions ont admis que le premier transporteur demeurait responsable de
la totalité du parcours, soit en qualité de mandant du second transporteur, soit en qualité
de commissionnaire. Il en est ainsi lorsque le second connaissement mentionne ses
agents comme chargeurs et destinataires2
.
Avec la pratique du feedering3
, qui s’est considérablement développée avec la
conteneurisation des marchandises, les connaissements actuels prévoient par avance les
hypothèses de transbordement.
1
Trib. Com. Le Havre, 11 déc. 1953, DMF 1954, 208.
2
Trib. Com. Le Havre, 13 déc. 1960, DMF 1961, 237.
3
Service ancillaire consistant à faire desservir par des navires de petit ou moyen tonnage des ports qui ne
le sont pas, par un navire de long cours. Le navire charge dans le port d’éclatement les marchandises
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  • 1. Centre de Droit Maritime et des Transports UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX-MARSEILLE III Le naufrage du navire (the shipwreck) Master 2 de Droit Maritime et des Transports Promotion 2005-2006 Sous la direction de Mr Christian Scapel Par Mlle OUBBO FADIMATOU Bouba
  • 2. 2 REMERCIEMENTS Tout d’abord, je tiens à remercier Maître Christian SCAPEL, de m’avoir donné l’occasion d’intégrer ce Master 2 de Droit Maritime et des Transports. Je remercie également le Professeur Pierre BONASSIES, ainsi que tous les autres professeurs, qui nous ont accordés leur temps, pour nous transmettre leur savoir à travers cette passion commune qui les anime. Sans oublier Martine Chéron, pour sa disponibilité et son immense gentillesse.
  • 3. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION.................................................................................................................. 5 Ire PARTIE : IDENTIFICATION DES RESPONSABILITES EN CAS DE NAUFRAGE ........................................................................................................................... 12 CHAPITRE 1 : IDENTIFICATION DE L’AUTEUR RESPONSABLE ......................... 13 Section 1 : Naufrage consécutif à un « Evènement de mer »................................................... 14 Section 2 : Naufrage consécutif à un « accident de mer » ....................................................... 18 CHAPITRE 2 : PRINCIPES DE RESPONSABILITE DE L’ARMATEUR PROPRIETAIRE ET DU TRANSPORTEUR.................................................................... 40 Section préliminaire : Sources et nature de la responsabilité de l’armateur propriétaire ............................................................................................................................... 41 Section 1 : Le transport maritime de marchandises ................................................................. 41 Section 2 : Le transport maritime de passagers et de leurs bagages ........................................ 53 IIème PARTIE : LA REPARATION DES DOMMAGES APRES NAUFRAGE ........................................................................................................................... 71 CHAPITRE 1 : LES AMENAGEMENTS DE LA RESPONSABILITE.......................... 72 Section 1 : La limitation de responsabilité............................................................................... 72 Section 2 : La prise en charge des dommages par l’assureur du responsable.......................... 86 CHAPITRE 2 : L’EPAVE DE NAVIRE.............................................................................. 91
  • 5. 5 INTRODUCTION TITANIC, EXXON VALDEZ, AMOCO CADIZ, ERIKA, PRESTIGE, tous ces noms de navires évoquent tous la même chose dans nos esprits : « Naufrage ». Mais ces naufrages connus du grand public ne sont qu’une « goutte d’eau » dans l’histoire des catastrophes maritimes qui touchent les navires. En effet, il survient en moyenne un naufrage par jour de par le monde. Les statistiques de ces dernières années indiquent même un chiffre supérieur à 1 par jour. Force est donc de constater que la surmédiatisation des naufrages de navires est très récente. Elle s’explique essentiellement par les incidences tant environnementales qu’humaines qui résultent de tels sinistres maritimes qui, eux-mêmes sont liés aux évolutions technologiques et techniques, ayant permis la construction de navires capables de transporter une quantité très importante de marchandises (particulièrement des hydrocarbures) et un nombre conséquent de passagers. Pourtant, les naufrages de navires sont, sans aucun doute, aussi anciens que la navigation maritime elle-même. 1°) La notion de naufrage à travers l’histoire Les romains à leur époque s’étaient occupés du naufrage à trois points de vue dans leur législation : étaient ainsi réglées les questions des effets des mesures prises pour sauver le navire par le jet à la mer d’une partie de la cargaison ainsi que celles des risques et enfin celles de la répression des actes délictueux qui ont pu entraîner la perte du navire ou qui ont été commis lors du naufrage (pillages, vol,recel, abus de confiance) ou à l’occasion du naufrage (actes délictueux ou criminels). Au Bas-Empire, en principe, la cargaison voyageait aux risques du fisc (règle très anciennement admise à Rome). Les contribuables qui avaient régulièrement fournis l’impôt en nature auquel ils sont assujettis sont libérés ; ils ne sont pas tenus de payer deux fois. Mais le fisc disposait d’un recours contre le propriétaire de navire (navicularius) lorsque le naufrage pouvait lui être imputé. Toutefois il existait des dérogations. Ainsi le « navicularius » ou « naviculaire » dont le navire a péri en cours de route doit sans tarder s’adresser aux magistrats pour dégager sa responsabilité c’est-à-dire un an ou deux ans selon la flotte du navire et le pays bénéficiaire de l’approvisionnement. Toute demande formée tardivement
  • 6. 6 était écartée par une fin de non recevoir. Autrement dit le propriétaire du navire était déclaré responsable du naufrage. Dès qu’il était saisi de la demande, le magistrat devait ouvrir une enquête. Il devait rechercher d’abord si le navire avait pris la mer pendant la mauvaise saison, auquel cas « le naviculaire » était présumé en faute. Le magistrat devait ensuite examiner si le navire avait réellement fait naufrage ; En effet en cette matière la fraude avait été de tout temps. Les naufrages mêmes réels étaient occasionnés par la perfidie des armateurs plutôt que par le hasard. Ceux-ci procédaient de la manière suivante : sur des vaisseaux délabrés et hors de service, ils chargeaient des objets de peu de valeur et en petite quantité, les faisaient couler à fond en pleine mer et recueillaient les matelots sur de petits bateaux préparés d’avance ; puis ils réclamaient frauduleusement le prix de fournitures considérables. Ces abus étaient devenus tels que, pour arriver à découvrir la vérité, Valentinien prescrivit de mettre à la question (torture) la moitié des gens de l’équipage. Gratien jugea cette mesure excessive et réduisit à deux ou trois le nombre des personnes qui pourraient être soumises à la question, en commençant par le Capitaine s’il avait survécu. Puis vînt une loi de Constantin qui ordonna de mettre à la question les enfants de l’armateur : par eux on tâchera de savoir si le naufrage n’est pas imaginaire. A l’époque féodale, le naufrage va déborder quelque peu la sphère maritime et va être l’occasion de perceptions financières à travers le droit de naufrage. Ce dernier dont le produit figurait d’une manière constante dans les revenus des seigneurs féodaux, était exercé par les habitants des côtes. Il consistait pour ces derniers à s’approprier et piller tous les biens de bateaux échoués. L’appât du gain incitait même les plus mal intentionnés à s’aborder les navires en péril au prix des vilenies. Au fil du temps, le naufrage va retrouver son acception originaire d’évènement nautique ou maritime notamment grâce à la notion de fortune de mer, que certains auteurs assimilent au naufrage. C’est alors l’occasion de déterminer ce que l’on entend par naufrage. Ce qui, toute somme, n’est pas chose aisée.
  • 7. 7 2°) Le naufrage : une notion aux contours imprécis Il n’existe pas en droit français de définition légale du naufrage. Cette affirmation a été rappelée par un arrêt de la Chambre des Requêtes du 27 oct. 19261 . Il a fallu chercher cette définition ailleurs et notamment, dans l’étymologie de la notion. Etymologiquement, le mot naufrage est issu du latin « naufragium » de « navis » (navire) et « frangere » (briser). Etymologiquement donc, le naufrage c’est le bris du navire. Des auteurs comme Merlin in Naufrage, in principio adhéraient à cette définition du naufrage. Mais très vite le mot a débordé le sens étymologique. Ainsi l’arrêt précité de Ch. Req. 27 oct. 1926 avait jugé que la submersion d’un navire, encore amarré dans un port constituait un naufrage. Emmanuel Du Pontavice admettait que « le naufrage c’est aussi la submersion du navire due à la tempête, en dehors de tout bris ». Sur la question de la submersion les opinions sont divergentes. Pour le Tribunal de commerce du Havre dans un arrêt du 29 avril 1861, « le naufrage implique dans tous les cas, la destruction complète du navire de manière qu’il n’en reste plus que des débris »2 . Aujourd’hui le mot éveille l’idée de perte totale ou partielle d’un navire. On peut ainsi considérer qu’a fait naufrage ce Liberty ship américain qui, au large de Tunis, a été coupé en deux par une mine, une partie du navire sombrant aussitôt et l’autre partie flottant encore dix ans après l’accident. Peu importe donc les circonstances qui ont présidé au naufrage, dès lors qu’il y a perte totale ou partielle d’un navire, on peut parler de naufrage. C’est l’idée qui est majoritairement retenue aujourd’hui et donc celle qui va accompagner nos développements ; tout en gardant toutefois à l’esprit que la notion de « naufrage » n’est pas rigoureuse en droit et qu’elle est donc sujette à diverses interprétations si certaines données le commandent. 1 D.H. 1926, 529 2 Rec. M.M. p 227, cite par E. Du Pontavice
  • 8. 8 Le naufrage ainsi défini, il convient de se demander dans quelle catégorie juridique on peut le classer. 3°) A quelle catégorie juridique appartient le naufrage ? a) La fortune de mer ? La notion peut avoir deux acceptions. Dans un sens large, elle désigne tous les accidents qui surviennent en mer. Dans un sens plus étroit, plus intéressant pour les juristes, l’expression désigne les accidents qui sont dus à la mer. Ainsi selon la loi française du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes et la doctrine, notamment M. POUPARD1 , la fortune de mer est un évènement anormalement pénible résultant « d’un concours de circonstances dans lesquelles entrent en cause la force du vent, l’état de la mer et la hauteur des vagues ». Cette définition est loin de celle du naufrage telle qu’examinée ci-dessus. Pourtant l’on assimile encore aujourd’hui les deux notions. La confusion vient du fait que ces dernières sont parfois étroitement liées l’une à l’autre. La première, à savoir la fortune de mer, peut être la cause de la seconde. En effet une houle, une tempête, une tornade mais aussi un ouragan, peuvent être à l’origine d’un naufrage2 . Ainsi fût- il dans l’affaire du Lamoricière3 où il y a eu rupture du vaisseau sous l’action des flots. La notion de fortune de mer recouvre des évènements naturels et atmosphériques, prévisibles ou non, alors que le naufrage est évènement accidentel et imprévisible. Le naufrage du Titanic en est une illustration parfaite. b) Les Evènements de mer ? Selon le Professeur Martin NDENDE, dans la rigueur des principes, la notion d’évènement de mer, lato sensu, aurait dû inclure très logiquement tous les incidents et accidents survenant en mer et générant des conséquences particulières dans le domaine de la sécurité de la navigation 1 in DMF 1984.p 424 2 Outre la fortune de mer, il existe plusieurs autres causes du naufrage d’un navire : avarie ou rupture de la structure du navire (vice propre du navire...), incendie, explosion erreurs de navigation (abordage, collision avec un iceberg comme dans l’affaire du Titanic), guerres et actes de piraterie. 3 Cass. 19 juin 1951, D. 1951, 717
  • 9. 9 (abordages, naufrages, actes de piraterie, terrorisme…). Mais l’ambition eût été démesurée en raison des difficultés considérables à vouloir tout réglementer. Des choix se sont donc portés sur des évènements particuliers, choisis en raison de leur fréquence, de leur gravité ou de leur intérêt juridique. Ainsi, dans la majorité des manuels consacrés au droit maritime sinon la totalité, trois évènements sont considérés comme « Evènements de mer » : l’abordage, l’assistance et les avaries communes. Les textes français relatifs aux Evènements de mer (la loi du 7 juillet 1967 et son décret d’application du 19 janvier 1968) ont eux aussi fait le choix, très restrictif de ne traiter que des trois institutions citées précédemment. Au sens large, d’autres évènements de mer peuvent encore surgir. Ainsi le Lloyd’s Register of Shipping distingue : la disparition d’un navire (dont le sort demeure inconnu), l’incendie et l’explosion, le contact avec un corps flottant, l’échouement et le naufrage. Le naufrage ne bénéficie pas d’une réglementation particulière, peut être est-ce parce que c’est un évènement qui peut faire intervenir plusieurs institutions du Droit maritime, notamment l’abordage ou de l’assistance si l’un de ces évènements est la cause du naufrage. En outre il fait intervenir des questions de responsabilité « classique » ou spéciale applicable aux opérateurs maritimes. Une chose est certaine c’est que le naufrage est un accident qui se produit en mer. Le Doyen Rodière in Les Evènements de mer le classe d’ailleurs dans la catégorie des « accidents de mer autres que les abordages ». Nous retiendrons donc cette dernière qualification qui nous semble juste. S’il n’existe pas aujourd’hui de texte spécifique au naufrage il faut noter que plusieurs des plus importantes Conventions Internationales ont été adoptées à la suite d’un naufrage. Il en est ainsi de la première Convention sur la sécurité de la vie en mer mise en place en 1914 suite au naufrage du Titanic. En raison de la guerre mondiale, le texte demeura lettre morte mais fût remplacé en 1929 par la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer communément appelée Convention SOLAS (Safety of Life at Sea). De même, les Conventions de 1969 (C.L.C) « sur la responsabilité civile du propriétaire de navire pour les dommages dûs à la pollution par les hydrocarbures » et 1971 (FIPOL) « sur la prévention ou la réparation des dommages de pollution par hydrocarbures ont été décidées à la suite du sinistre du Torrey-Canyon en 1967.
  • 10. 10 Il arrive même parfois que la survenance d’un sinistre conduise à la modification d’une Convention existante. Ce fût le cas à la suite du naufrage du ferry « Herald of Free Enterprise » en 1987 qui a conduit à la modification, en 1992, des règles de la Convention sur la sécurité de la vie en mer. C’est dire que le naufrage est une institution majeure du Droit maritime et qui plus est, d’actualité, puisque la question de l’indemnisation des victimes de pollution par hydrocarbures transportées par mer est toujours au goût du jour. En témoigne le système TOPIA/STOPIA qui est entré en application en 2006 qui consiste une contribution volontaire des P&I club (mutuelles d’assurance des armateurs) à l’indemnisation des dommages causés par la pollution des hydrocarbures. Plus d’actualité encore est la question de l’identification des responsables. En effet face à l’évolution des structures armatoriales, les successions de contrats, le recours aux montages du Droit des sociétés (Single-ship companies, groupes de sociétés entre autres) les victimes ne savent plus vers qui se tourner. Notre problématique s’organisera donc autour de la question de la responsabilité. Plus précisément, il s’agira tout d’abord de déterminer les implications contractuelles et extracontractuelles d’un naufrage de navire. Autrement dit, « Qui endossera la responsabilité des incidences d’un naufrage à l’égard des victimes ? ». Ensuite par extension, il s’agira de voir comment s’organise cette responsabilité. Cette responsabilité va s’étendre comme nous le verrons au-delà du naufrage puisqu’il va en être question s’agissant de l’épave du navire. Notre étude consistera, en tant que juristes, à traiter uniquement des questions juridiques relativement au naufrage. Nous écarterons donc volontairement des questions « techniques » qui consistent notamment à la récupération du navire naufragé ou de l’épave, les opérations de renflouement etc… De même dans notre démarche « juridique », nous ne traiterons pas des questions de contentieux, mais nous contenterons d’identifier les responsables, en précisant néanmoins les délais d’action accordés aux victimes, à l’encontre des responsables. Il s’agira donc pour nous de procéder d’abord à l’identification des responsabilités (Ire partie). En France, le naufrage d’un navire est susceptible de mettre en jeu des responsabilités civiles, mais aussi pénales. S’agissant de ces dernières, elles peuvent « accabler » l’armateur,
  • 11. 11 le Capitaine et la société de classification qui a classé le navire1 . Cependant, notre étude se cantonnera à la seule responsabilité civile de l’armateur. Une fois qu’on aura terminé l’identification des responsabilités, il conviendra de procéder à l’étude de l’organisation de la réparation des dommages après un naufrage (IIe partie). 1 Voir CA. Rennes, 23 sept. 2004 (DMF janv. 2005, p 45). La nouveauté dans cet arrêt c’est que la société de classification est condamnée pénalement pour la première fois, en tant que personne morale, et non pas au travers de ses dirigeants.
  • 12. 12 Ire PARTIE IDENTIFICATION DES RESPONSABILITES EN CAS DE NAUFRAGE
  • 13. 13 La question de l’identification des personnes responsables en matière de transport maritime est une préoccupation majeure du Droit maritime. Entre les montages juridiques des sociétés, les pavillons de complaisance, les consortiums d’armateur, les single-ship companies, et la liste n’est pas exhaustive, les créanciers désespérément malmenés dans tous les sens ne savent plus où donner de la tête. Même les maritimistes les plus avertis pourraient s’y perdre. L’identification de l’auteur responsable sera donc au cœur de nos développements dans ce chapitre premier. Avec une nuance supplémentaire, celle du régime de droit en cause. Par la suite, il conviendra de déterminer les principes de responsabilité. Ce sera l’objet de notre second chapitre. CHAPITRE I : IDENTIFICATION DE L’AUTEUR RESPONSABLE Comme nous l’avons précédemment précisé, l’abordage et l’assistance sont des Evènements de mer qui ont fait l’objet d’une réglementation particulière en Droit maritime. Un régime spécifique leur est appliqué. Lorsque ce dernier est en jeu, il est exclusif de tout autre régime. La conséquence qui en découle, en cas de naufrage, c’est qu’un tiers à l’expédition maritime de départ intervient et peut voir sa responsabilité engagée. Il convient donc de voir ce qu’il en est dans le cas d’un naufrage consécutif à un Evènement de mer (SECTION 1) avant d’examiner le naufrage qui survient suite à un « accident de mer » (SECTION 2).
  • 14. 14 SECTION 1: NAUFRAGE CONSECUTIF A UN EVENEMENT DE MER Nous n’aborderons pas dans cette partie les Avaries communes, autre Evènement de mer. La raison en est simple, l’institution consiste à faire contribuer chacun des intérêts engagés dans une expédition maritime à l’indemnisation du dommage subi par l’un deux. Il ne s’agit donc pas d’identifier le responsable. En revanche, il convient d’identifier le(s) responsable(s) en cas d’abordage (I) puis en cas d’assistance (II). I- RESPONSABILITE DECOULANT DE L’ABORDAGE Au sens strict, l’abordage est le heurt, la collision entre deux navires ou entre un navire et un bateau de navigation intérieure. La présence d’un navire au moins est une condition nécessaire et suffisante ; Etant exclut toutefois le heurt par un navire d’une structure terrestre (quai, installation de déchargement de pétrole…). Par ailleurs, peu importe la nature des eaux dans lesquelles la collision est survenue. Dès lors qu’un navire est en cause, le régime de l’abordage s’applique. La notion d’abordage a été étendue par la Convention du 23 septembre 1910 (sur l’abordage en mer) et la loi du 7 juillet 1967 (relative aux Evènements de mer). En effet, sont également soumis au régime de l’abordage « les dommages que, soit par exécution ou omission de manœuvre, soit par inobservation des règlements, un navire a causés soit à un autre navire, soit aux choses ou aux personnes se trouvant à leur bord, alors même qu’il n’y aurait pas eu abordage ». Le régime de l’abordage s’appliquerait donc au dommage causé à un navire par le remous (wash) causé par un autre navire1 . L’abordage est une des causes majeures de naufrage. La question sera alors de savoir contre qui les victimes et les créanciers vont-ils se retourner ? Le navire abordeur ou le navire abordé ? 1 Douai, 29 janvier 1987, DMF 1988, 739).
  • 15. 15 La réponse sera fonction du type d’abordage. A) Abordage fortuit, ou résultant d’un cas de force majeure, ou abordage douteux : Il s’agit ici de l’abordage dont la cause n’a pu être établie. Dans un tel cas de figure, chacun des navires en cause supporte ses propres dommages (res perit domino). Autrement dit, chaque transporteur sera ici responsable des dommages causés aux marchandises ou aux passagers selon le contrat qui le lie à ces derniers. Mais chacun pourra également être poursuivi par la voie extracontractuelle si la victime peut se prévaloir d’un dommage. Cette question sera étudiée dans le deuxième chapitre de cette partie. B) Abordage causé par la faute de l’un des navires : En vertu des articles 3, respectivement de la Convention de 1910 et de la loi de 1967, « si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise ». Cette formulation n’est pas sans rappeler l’article 1382 du Code civil. La règle est renforcée par l’article 6 de la Convention de 1910 selon lequel « il n’y a point de présomptions légales de faute quant à la responsabilité de l’abordage ». La conséquence directe de affirmation est qu’il est fait interdiction au juge de condamner l’armateur d’un navire impliqué dans un abordage sans relever expressément une faute. Le plus souvent, la faute consistera dans la violation d’une prescription du Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG). Par exemple, l’inobservation des règles de feux, de signaux de brume, ou de la règle de priorité à tribord. Mais la notion de faute d’abordage est large ; Elle inclut : la faute personnelle de l’armateur (p.ex graves négligences d’un armateur dans le contrôle du moteur de son yacht qui s’est emballé1 ), la faute du capitaine dans la conduite du navire, la faute de tout préposé, la faute du navire. S’agissant de cette dernière, en règle générale le comportement du navire n’est fautif qu’autant qu’il a été causé par une faute du capitaine. Toutefois, de nombreuses décisions ont condamné un armateur parce que son navire s’est anormalement comporté, sans 1 Aix, 11 avril 1988, Navire Zulu-Sea, DMF 1989, 26
  • 16. 16 qu’aucune faute précise du capitaine soit relevée. Il suffit à la victime de se retourner contre le navire « sans avoir à rechercher plus avant dans l’échelle des responsabilités »1 . C) Abordage causé par la faute commune des navires : Dans l’ancien droit, une telle situation était régie par la règle du partage par moitié. Cette règle a été abandonnée par la Convention de 1910. Désormais, si l’abordage est causé par la faute commune des deux navires, « la responsabilité de chacun des navires est proportionnelle à la gravité des fautes respectivement commises » (art 4 de la Convention et de la loi de 1967). C’est seulement en cas d’impossibilité d’établir cette proportion que la responsabilité est partagée par parts égales. Lorsque l’abordage a causé des dommages aux cargaisons des navires ou aux biens des passagers, contrairement à ce qui est admis aux Etats-Unis, chacun des navires sera responsable dans la proportion de sa faute et sans solidarité. En revanche, s’agissant des dommages aux personnes (mort ou blessure), la solidarité entre les deux navires s’applique. A charge pour l’armateur qui aura réparé le dommage d’exercer une action récursoire contre l’armateur du second navire. Un naufrage peut résulter aussi bien d’un abordage que de la faute de l’assistant lors d’une opération d’assistance. II- RESPONSABILITE DE L’ASSISTANT COUPABLE D’UN NAUFRAGE Préalablement à l’étude de cette responsabilité (D), nous définirons l’assistance maritime (A), puis nous déterminerons son domaine (B), et les conditions d’application de son régime (C). 1 Aix, 14 avril 1987, Navire Barge, DMF 1989, 469
  • 17. 17 A) Définition de l’assistance maritime L’assistance maritime peut être définie comme l’aide apportée à un navire en difficulté par un autre navire. Alors qu’elle est obligatoire lorsqu’il s’agit de porter secours à des personnes, l’assistance aux biens n’est obligatoire qu’après un abordage. Le droit de l’assistance a connu et connaît encore aujourd’hui de profondes mutations qui ont conduit à son extension, notamment à cause des préoccupations environnementales. B) Domaine de l’assistance maritime Le régime de l’assistance s’applique « sans qu’il y ait lieu de tenir compte des eaux » (maritimes ou non, internationales ou nationales) où les services d’assistance ont été rendus (art 1 de la Convention de 1910 précitée). Par ailleurs, la qualité de l’assistant a été étendue par la Convention de l’OMI de 1989 à toute personne physique. C) Conditions d’application du régime de l’assistance maritime Traditionnellement et en général, l’assistance résulte d’une convention orale ou écrite (elle est alors inscrite dans des contrats types dont les deux principaux sont la Lloyds open form ou LOF et la formule Villeneau) conclue entre le navire assisté et un assistant. Mais le régime de l’assistance peut aussi s’appliquer en dehors de tout contrat. C’est le cas notamment lorsqu’un navire est en très grand péril. Enfin, la Convention de 1989 dans son article 9 admet implicitement l’assistance imposée à un navire qui est en difficulté. Cependant, la condition impérative pour l’application du régime de l’assistance c’est que le navire assisté soit en péril.
  • 18. 18 D) La responsabilité de l’assistant fautif L’institution de l’assistance est dominée par la règle du « No cure, no pay » selon laquelle « aucune rémunération n’est due si le secours porté reste sans résultat utile ». Toutefois, exception est faite à cette règle pour l’assistance aux pétroliers. L’assistant est encore privé de rémunération dans deux cas : - Si le capitaine du navire en péril lui a opposé une défense expresse et raisonnable - S’il a par sa faute rendue l’assistance nécessaire ou commis des vols, recels, ou actes frauduleux. Imaginons une opération d’assistance qui échoue et le navire assisté sombre, la responsabilité de l’assistant peut-elle être recherchée ? La question n’est pas sans intérêt car l’assistance est malgré tout, une action noble. Il paraît injuste de rechercher la responsabilité d’une personne qui a tenté de vous sauver d’un péril grave. Il faut ici distinguer entre l’assistance « de droit commun » et l’assistance aux pétroliers. Dans le premier cas, l’assistant est responsable de sa faute même simple. La règle est sévère mais elle est atténuée par le fait que l’assistant bénéficie de la limitation de responsabilité des propriétaires de navire depuis la Convention de 1976 (sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes). S’agissant de l’assistance aux pétroliers, la Convention de 1969 (modifiée en 1992) « sur la responsabilité pour pollution par hydrocarbures », interdit toute action contre l’assistant sauf faute inexcusable de ce dernier. D’autres droits comme le droit britannique exonèrent l’assistant de toute responsabilité à l’égard des tiers et parfois, à l’égard de l’assisté. Par conséquent, en cas de naufrage, lorsque aucune faute ne peut être reprochée à l’assistant, les victimes comme les créanciers vont devoir se retourner vers le régime de droit commun pour identifier le(s) responsable(s). SECTION 2 : NAUFRAGE CONSECUTIF A UN « ACCIDENT DE MER » :
  • 19. 19 En principe un navire ne fait pas naufrage sans raisons. Il arrive certes qu’on ne puisse pas déterminer la cause d’un naufrage, mais celui-ci en a toujours une qui se produit en mer (incendie, faute nautique, arrêt des machines, mauvais temps…). C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix du terme « accident de mer ». Les victimes du naufrage (propriétaires des cargaison ou des passagers ou tiers) ne manqueront pas d’exercer leur droit pour se faire indemniser du préjudice moral ou matériel occasionné par un tel drame. Si au final on arrive souvent à retrouver le(s) véritable (s) responsable(s) (II), nous verrons qu’en pratique ce n’est pas une tache facile (I). I- LES DIFFICULTES D’IDENTIFICATION DU RESPONSABLE : Les cocontractants, passagers ou chargeurs, les destinataires des marchandises ainsi que les tiers victimes d’un dommage causé par le naufrage d’un navire ne savent pas toujours à qui s’adresser lorsqu’il va s’agir de formuler une réclamation. Toutefois, deux personnes sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée ; il s’agit d’une part de l’armateur (A) et d’autre part, du transporteur (B). L’identification de ces différents « acteurs » elle- même n’est pas aisée, compte tenu de plusieurs facteurs que nous analyserons ci-après. A) Les difficultés d’identification de l’armateur/propriétaire Avec le transporteur, l’armateur est celui auquel les victimes d’un naufrage, qui veulent se faire indemniser, font appel de prime abord. Dans la pratique et dans le langage courant, l’armateur d’un navire c’est celui qui en est propriétaire. Cela n’est pas faux, loin s’en faut ! Mais la notion « d’armateur » et plus particulièrement celle d’armement, dérivée de cette première notion, est beaucoup plus large, du fait de ses ambiguïtés terminologiques. En effet, lato sensu, le mot a trois acceptions différentes : - C’est d’abord l’opération qui consiste à équiper un navire (par exemple lui fournir l’équipage, les moyens nautiques, logistiques et économiques) afin de le rendre apte à son affectation, à savoir, prendre la mer et en affronter les périls. Autrefois, il s’agissait d’équiper le navire pour faire face aux plus grands des périls de la mer qu’étaient la piraterie et les petites embarcations corsaires ; - C’est ensuite la collectivité des armateurs. C’est ainsi que l’on parle de l’armement français, européen ou encore de l’armement pétrolier ;
  • 20. 20 - Enfin, l’armateur désigne celui qui, ayant armé le navire (c’est-à-dire l’ayant doté de moyens humains et matériels lui permettant d’entreprendre une expédition maritime), en tire profit en l’exploitant. C’est en partant de cette définition que la notion d’armateur s’est fondue avec celle d’exploitant du navire. La loi française du 3 janvier 1969 témoigne de cette évolution dans son article 1er qui dispose que l’armateur c’est « celui qui exploite le navire en son nom… ». Ainsi, les termes transporteurs, fréteurs, affréteurs, armateurs-gérants traduisent juridiquement les modalités d’exploitation des navires ou de partage de compétences armatoriales, et constituent partant, autant de déclinaisons des techniques juridiques d’armement des navires. Aux vues de ce qui vient d’être exposé, la notion d’armateur réfute toute idée de propriété. Pourtant en pratique, on associe très souvent la notion d’armateur à celle de propriétaire de navire. La confusion des qualités de propriétaire et d’armateur provient du fait que la loi du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes pose une présomption selon laquelle « le propriétaire ou les copropriétaires du navire sont présumés en être l’armateur » (art. 2). Mais il ne s’agit là que d’une présomption simple. En témoigne l’article 1er précité de la même loi qui précise que l’armateur c’est « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire ». Cette présomption simple pourra donc tomber, par exemple en rapportant la preuve que le navire a été donné en affrètement par son propriétaire à un autre opérateur qui en est effectivement l’exploitant. Par conséquent, l’armateur d’un navire n’en est pas nécessairement le propriétaire. Il y a donc lieu de distinguer entre armateur-propriétaire et armateur non propriétaire. Lorsqu’il n’est pas propriétaire, l’armateur est le transporteur [cf infra B)]. De même il faut distinguer entre l’armateur-propriétaire non exploitant, et l’armateur-propriétaire exploitant, qui est en fait le transporteur. Les développements qui vont suivre ne concernent donc que l’armateur- propriétaire non exploitant. Pour les autres cas, il convient de se reporter au B). Précisons de prime abord le cas particulier de l’acquisition de la propriété du navire par un armateur suite à une opération de crédit-bail (ou leasing) car dans ce cas précis, l’armateur n’est pas à l’origine le propriétaire (c’est la banque ou la société de crédit-bail qui financera l’achat du navire, qui l’est). Il ne le sera, à l’issue d’une période fixée, qu’après avoir levé l’option ouverte pour l’acquisition de la propriété du navire concerné. L’armateur peut être une personne physique. Si la formule était celle qui prévalait jadis, il n’en est plus de même en droit contemporain où elle se limite au domaine de la pêche et de la
  • 21. 21 plaisance. Encore que s’agissant de plaisance on ne peut pas à proprement parler d’exploitation du navire puisque son propriétaire (le patron) n’a aucun but lucratif. Lorsque l’armateur est une personne physique qui exerce à titre individuel, l’identification du responsable ne pose pas de difficulté majeure. La difficulté apparaît lorsque l’exploitation du navire se fait par la forme sociétaire. L’armateur peut aussi être une personne morale. Et généralement, « l’exploitation des navires de commerce est le fait de sociétés d’armement constituées conformément au droit commun » (art.1er Décret 1969 sur l’armement et les ventes maritimes). Par conséquent, l’armateur pourra donc adopter, en toute liberté, la forme sociétaire qui convient le mieux à ses intérêts (société anonyme, société à responsabilité limitée, société unipersonnelle, société par actions simplifiée, groupement d’intérêt économique…). Il faudra alors déterminer eu égard à la forme sociale choisie, qui sera considéré comme armateur. Une autre structure juridique « spéciale » peut poser problème, celle de la société de quirataires encore appelée copropriété des navires. Il s’agit d’une forme de groupement très ancien destiné à l’exploitation d’un navire en commun, et dont on trouve trace dès le XIIe siècle en Méditerranée avec la « Colleganza » pratiquée par les marchands-voyageurs vénitiens. Le Consulat de la Mer traitait également de la notion. Aujourd’hui, la copropriété des navires est régie par une loi du 26 juin 1987, qui a modifiée la loi du 3 janvier 1967 laquelle s’appliquait en la matière. Le groupement de quirataires s’inspire à la fois du droit des biens (en copropriété) et du droit des sociétés. Mais aujourd’hui, il semble qu’il tend à s’éloigner du premier et à se rapprocher du second1 . Comment s’organise cette copropriété spéciale ? La copropriété porte sur un et un seul navire. Ce navire est divisé en parts qualifiées de quirats. Chaque associé (quirataire) détient un ou plusieurs quirats. Les décisions importantes, à savoir celles relatives à l’exploitation, sont prises à la majorité des intérêts, c’est-à-dire à la majorité des parts de copropriété et non à la majorité des copropriétaires. Ainsi, si un quirataire détient 15 quirats sur 20, il exprime à lui seul la majorité. 1 Pour plus de précisions, voir M. Rémond-Gouilloud in Droit Maritime, 2e édition, Pédone, p. 142 n° 223
  • 22. 22 Cependant, afin d’éviter des abus, cette majorité est soumise à un contrôle judiciaire. La règle de la majorité des intérêts est écartée s’agissant de la constitution d’une hypothèque, auquel cas il est exigé une majorité représentant les trois quarts de la valeur du navire. S’agissant de la gestion du navire, elle est normalement assurée par un ou plusieurs gérants, copropriétaires ou non. Le gérant sera désigné à la majorité simple, et pourra être révoqué librement à la même majorité, sauf à obtenir des dommages-intérêts en cas d’abus de droit. La nomination du gérant doit impérativement être inscrite sur la fiche du navire pour pouvoir produire effet. Dans l’hypothèse où aucun gérant n’a été désigné, ou lorsqu’un gérant a été désigné mais son nom n’a pas été publié, tous les copropriétaires du navire sont réputés gérants. Dans le cadre de sa mission, le gérant est investi des pouvoirs les plus larges ; En effet, il a « tous pouvoirs pour agir dans l’exercice de sa mission de gestion au nom de la copropriété en toutes circonstances » (art 17 loi 1987 précitée). Une limite toutefois, il ne peut procéder à des appels de fonds qu’en exécution d’une décision des copropriétaires prises à la majorité des intérêts (art.19 loi 1987). Qui du gérant ou des quirataires sera tenu pour responsable lorsqu’un navire exploité en copropriété fait naufrage ? Telle est la difficulté, en matière d’identification des responsabilités, que pose le système du groupement des quirataires. Autre illustration de la personnalité morale de l’armateur c’est l’Etat. En effet, l’Etat, personne morale publique peut être armateur. A l’origine, l’Etat était directement armateur ; les armements d’Etat se présentaient comme des entreprises administrées en régie directe par le pouvoir central. Ces armements représentaient un instrument de souveraineté nationale permettant de se faire respecter à l’extérieur, mais ils étaient aussi un outil de maîtrise du commerce extérieur. Pratiquement aucun Etat côtier, semble-t-il, n’y a échappé, y compris les Etats-Unis d’Amérique (avec le shipping board). Même l’Etat français qui refusait de se mêler de sa flotte de commerce y a été contrainte au vingtième siècle avec les deux guerres mondiales. Pendant la première guerre mondiale, il gérait directement les navires de prise et lors de la seconde, il exploitait les « liberty-ships » prêtés par les Etats-Unis et réquisitionnait une part de la flotte française. Mais très vite, le système de l’administration directe, par le pouvoir central des armements d’Etat, s’est avéré financièrement désastreux au point où l’Etat préféra s’assurer une participation au sein de sociétés d’armement. Ainsi, progressivement, les armements d’Etat sont devenus de véritables sociétés commerciales dotées de la personnalité juridique et d’un patrimoine propre. Aujourd’hui, les situations dans lesquelles l’Etat est directement armateur
  • 23. 23 sont rares et l’on ne les retrouve que dans des cas exceptionnels de guerre où l’Etat devient armateur par réquisition ou affrètement ou encore dans des Etats de type socialiste ou à économie étatisée tels que la Libye ou l’Iran. Plus fréquente est donc la situation où l’armateur est une société dont les actions appartiennent en totalité ou en partie à un Etat, même si aujourd’hui de plus en plus on constate un désengagement des Etats dans les activités armatoriales. Nous en avons eu une illustration en France où l’Etat s’était assuré une participation majoritaire au sein de deux des principales compagnies maritimes françaises : la Compagnie des Messageries Maritimes, créée en 1851 et la Compagnie Générale Transatlantique, créée en 1861. Toutes deux devinrent respectivement, en 1948 et en 1953 des sociétés d’économie mixte. En ce qui concerne notre étude, l’un des problèmes particuliers posés par ces armements, émanation d’Etat, est de avoir qui, dudit Etat ou de la société nationale créée ou gérée par l’Etat, est l’armateur réel. Autrement dit, qui doit être poursuivi lorsque le navire appartenant à une société d’armement, gérée en tout ou partie par un Etat, fait naufrage ? Les difficultés d’identification du responsable se rencontrent aussi bien s’agissant de l’armateur-propriétaite (non exploitant) que du transporteur. B) Les difficultés d’identification du transporteur La loi du 18 juin 1966 dans son article 15 définit le contrat de transport comme le contrat par lequel le transporteur s’engage, moyennant le paiement d’un fret par le chargeur, à acheminer une marchandise déterminée, d’un port à un autre. Cette même loi précise la personne sur laquelle pèse la responsabilité dans un contrat de transport. En effet, l’article 27 dispose que «le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison » (mais en réalité le cocontractant du transporteur, à savoir le chargeur, peut être le responsable puisque le contrat de transport fait aussi peser sur lui un certain nombre d’obligations). Cependant, ladite loi ne dit pas ce qu’il fait entendre par « transporteur ». Pour cela, il faut se référer à la Convention de Bruxelles de 1924. Cette dernière précise que le mot « transporteur » comprend le propriétaire du navire (donc exploitant) ou l’affréteur partie à un contrat de transport avec un chargeur (art 1-a).
  • 24. 24 Sous cette apparente simplicité textuelle se cache une source de contentieux importants et omniprésents devant les tribunaux du monde entier. Si la définition, bien qu’insuffisante du transporteur a été stigmatisée par la Convention de Bruxelles en 1924, les difficultés d’identification de cet opérateur maritime semblent aussi vieilles que le Droit maritime lui- même. En France, l’Ordonnance de la marine (1681) et le code de commerce de 1807 exigeaient une véritable obligation d’identification du transporteur maritime dans le contrat, compte tenu des problèmes qui en résultaient. La question a connu un regain d’actualité avec l’apparition de nombreux et nouveaux intervenants du transport maritimes conduisant à la diversification des contrats d’exploitation des navires. Mais plus récemment encore, grâce à l’évolution considérable des structures armatoriales. 1°) Les difficultés d’identification du transporteur issues du système d’exploitation des navires Nous allons distinguer ici entre les problèmes que posent d’une part, les contrats « traditionnels » et d’autre part, les prestations « modernes » d’exploitation des navires. a) Les contrats « traditionnels » d’exploitation des navires Aux termes de la Convention de Bruxelles de 1924 (art 1-a), le transporteur peut être le propriétaire du navire. Il en est ainsi lorsqu’il exploite directement son navire, soit en concluant des contrats de transport avec des chargeurs, soit en concluant des contrats d’affrètement au voyage (car en sa qualité de fréteur, il détient tant la gestion nautique que la gestion commerciale du navire). Mais le transporteur peut être aussi un affréteur qui conclue un contrat de transport avec un chargeur. En principe, les contrats de transport ou d’affrètement doivent identifier chaque partie au contrat et donc permettre facilement l’attribution des responsabilités, mais la réalité en est toute autre. Les mentions relatives aux parties sont une source importante de litiges devant les tribunaux car elles ne permettent pas toujours d’identifier la personne qui est responsable aux termes du contrat. Le problème provient dans la plupart des cas des connaissements de charte- partie, c’est-à-dire un connaissement accompagnant un contrat d’affrètement.
  • 25. 25 En général, pour identifier le transporteur maritime, il suffit de se référer à l’en-tête du connaissement. Cependant, l’en-tête n’est, ni une condition de fond, ni une condition de forme à la validité du contrat de transport. Preuve en est de la pratique désormais courante des connaissements sans en-tête. L’en-tête ne constitue qu’une présomption simple, laissant à la personne désignée, la possibilité de rapporter la preuve qu’elle n’est pas responsable. Cette pratique génère des litiges importants car si les parties contractantes connaissent leurs obligations respectives, tel n’est pas le cas des tiers qui n’ont parfois pour seule référence que le document contractuel liant leur créancier. Et cela concerne aussi bien les connaissements « simples » que les connaissements de charte-partie. Autre contrat qui entraîne des difficultés d’identification du transporteur sont les contrats de gestion technique du navire dits contrat de ship management. Par ces contrats, des sociétés spécialisées (« ship management companies ») se voient confier des tâches autrefois assurées par le transporteur : recrutement et administration de l’équipage, mise à bord des approvisionnements, organisation du ravitaillement en combustibles, entretien, maintien du navire en classe, souscription des assurances…Le transporteur ne conservant généralement que la gestion commerciale de son navire. Le contenu de ces contrats est très variable. En effet, certains de ces contrats sont restreints, prévoyant la prise en charge par le manager de quelques tâches, par exemple, la fourniture de l’équipage. D’autres au contraire, sont plus larges prévoyant une coopération plus ou moins poussée du ship manager à la gestion commerciale du navire. Lorsque le contrat ne concerne que la fourniture d’équipage ou la gestion nautique du navire, la société de ship management semble-t-il, n’est pas habilitée à délivrer les connaissements, et n’a donc pas la qualité de transporteur maritime. En revanche, si la société assure la gestion commerciale du navire, ou la gestion totale, c’est-à-dire, gestion nautique et commerciale, voire même humaine, elle a pleinement le droit d’émettre de connaissements. La question se posera alors de savoir qui du propriétaire/transporteur ou de la société de ship management, doit être considérée comme transporteur ? Une autre difficulté d’identification du transporteur résulte du développement considérable de la sous-traitance dans le secteur des activités maritimes et plus particulièrement en matière de transport maritime. La loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance définit cette dernière comme étant « l’opération par laquelle un entrepreneur (donneur d’ordre) confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne (sous-traitant) l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage (client) ».
  • 26. 26 En effet, il est fréquent qu’un transporteur se substitue un transporteur pour l’exécution de tout ou partie du transport. De même, un contrat d’affrètement peut donner lieu à un ou plusieurs sous-affrètements. Il peut aussi en être de même pour tout contrat conclu et lié à l’exploitation d’un navire (contrat de manutention, de ship-management…). Le problème que soulève cette cascade de sous contrats c’est que l’identification des responsabilités n’est pas toujours évidente. Et comme le souligne très bien le professeur M. REMOND-GOUILLOUD, « la responsabilité glisse facilement du contractuel au délictuel, chacun étant enclin à poursuivre celui qu’il peut toucher, solvable, plutôt que le responsable ». b) Les prestations « modernes » d’exploitation des navires Il est bien loin le temps où l’exploitation des navires était contrôlée et gérée par leurs propriétaires appelés jadis naviculaires ! En effet, face aux avancées technologiques et à la concurrence, « les entreprises d’armement on dû évoluer ; Elles ont laissé place aujourd’hui à des entreprises ultramodernes exploitant d’immenses flottes, et offrant des capacités et des services de transport exceptionnels et d’un genre nouveau, grâce notamment à la conteneurisation et au développement du transport multimodal » (M. NDENDE). S’agissant du transport multimodal, le développement extraordinaire de cette forme de transport, et l’une de ses conséquences majeures, à savoir l’intervention de multiples opérateurs intermédiaires, ont conduit à s’interroger sur l’identification des responsabilités dans un transport de bout en bout. Etant donné qu’il était difficile de déterminer pendant quelle phase de transport le dommage s’est produit (en ce qui concerne notre étude, le dommage ayant causé le naufrage par exemple), qui du commissionnaire du transport ou des transporteurs terrestre, ferroviaire, ou maritime devait être tenu pour responsable du naufrage du navire ? Parallèlement au transport multimodal, le développement de la conteneurisation a également entraîné d’importants bouleversements dans la vie maritime, et qui brouillent l’identification des responsabilités. En particulier, la conteneurisation a entraîné la métamorphose fonctionnelle de certaines entreprises, dont les entreprises de transit spécialisées notamment dans le groupage des cargaisons. C’est ainsi que sont apparues des entreprises d’un nouveau type désignées sous l’appellation de N.V.O.C.C ou « Non Vessel Operating Common Carriers ». Elles se présentent comme de véritables transporteurs maritimes sans navires puisque leur activité consiste, pour l’essentiel, à conclure des contrats de transport maritime de marchandises avec des chargeurs alors qu’elles ne disposent d’aucun navire en nom propre.
  • 27. 27 Elles s’appuient sur le groupage de marchandise dans des conteneurs LCL et organisent leur transport à grande échelle et à des prix compétitifs, en affrétant notamment des espaces à bord de navires de lignes régulières exploités ou appartenant à de véritables transporteurs professionnels. Le problème que soulève cette nouvelle profession, du point de vue des responsabilités, est de savoir qui doit être considéré comme transporteur maritime : le transporteur professionnel ou le NVOCC ? Il arrive aussi que les difficultés d’identification du transporteur résultent de l’évolution des structures armatoriales. 2°) Les difficultés d’identification du transporteur résultant de l’évolution des structures armatoriales : Le recours aux montages sociétaires avec des single ship companies ou « compagnie à navire unique » génère des difficultés d’identification du transporteur réel. La technique consiste, pour un transporteur propriétaire de plusieurs navires, en la constitution d’une société par navire au lieu de constituer une seule société d’armement qui serait propriétaire de la totalité de ses navires. Cette formule a l’avantage pour lui, de créer un écran juridique entre son patrimoine, ou le patrimoine du groupe qu’il contrôle, et chacun de ses navires, lui permettant ainsi de cloisonner les risques afférents à l’exploitation de chaque navire à la valeur de ce navire. Ainsi, « si le navire, principal actif d’une société a péri, les créanciers de cette société ne trouveront le cas échéant en guise d’indemnisation qu’une coquille vide » (M. REMOND- GOUILLOUD). Et cette dernière d’ajouter que « le procédé est potentiellement favorable à la fraude à tel point qu’il est devenu un phénomène extrêmement préoccupant, en raison de son ampleur mondiale et de ses conséquences nuisibles ». Qui doit alors être considéré comme transporteur maritime : la single ship company ou l’armateur propriétaire qui se cache derrière l’écran de la personnalité juridique formé ? Autre phénomène préoccupant, est celui des consortia (ou consortium) et alliances. Il s’agit de phénomènes de concentration des entreprises maritimes qui bouleversent complètement les
  • 28. 28 conditions d’exploitation des lignes régulières de navires. A une exploitation individuelle et autonome des navires, se substitue une exploitation collective et intégrée dans des structures logistiques de groupe, avec une chaîne d’opérations coordonnées et des décisions communes entre les différents armateurs membres du groupement. Si ces deux structures présentent des différences quant à leur organisation, elles se ressemblent sur un plan logistique. En effet, dans les deux cas, les navires sont mis en commun : chacun d’eux est à la disposition de tous les membres par un système d’affrètements d’espaces croisés, de manière à accroître les possibilités de desserte. Les dépenses maritimes et les dépenses d’armement sont parfois partagées, et les politiques commerciales sont harmonisées au sein d’un bureau commun d’exploitation». Comment alors, au sein de ces groupements, identifier l’armateur/transporteur qui va endosser la responsabilité en cas de naufrage d’un navire utilisé par chacun des membres ? Le membre du groupement dont le navire aura fait naufrage ou le groupement d’armateurs lui-même ? Après avoir étudié les difficultés d’identification du responsable, nous verrons comment se résolvent ces problèmes en pratique et compte tenu de chaque situation. II- LA RESOLUTION DU PROBLEME : L’IDENTIFICATION DU RESPONSABLE REEL Les cocontractants, chargeurs ou passagers, ainsi que les tiers victimes d’un naufrage ne savent pas toujours à qui s’adresser en cas de litiges. Même les tribunaux connaissent parfois quelques difficultés pour identifier les responsables, et ce à cause des problèmes énoncés ci- dessus. Mais au final, on y arrive presque toujours à le faire, qu’il s’agisse de l’armateur réel (A) ou du transporteur maritime réel (B). Puis nous terminerons par une identification sommaire du responsable réel en fonction du type de dommage occasionné par le naufrage du navire (C). A) Identification de l’armateur réel
  • 29. 29 Nous nous contenterons d’étudier ici le seul cas de l’armateur propriétaire de navire. Pour ce qui est de l’armateur non propriétaire, l’étude se fera en même temps que l’identification du transporteur réel (B) car n’étant pas propriétaire du navire qu’il exploite, il est considéré comme transporteur maritime. Lorsque le navire qui a fait naufrage a été financé par une opération de crédit-bail, l’identification de l’armateur réel dépendra du fait qu’il y ait eu ou non levée de l’option d’achat par le crédit-loueur (ou preneur). En effet, le système consiste en ce qu’une personne qui n’a pas les moyens de se payer un navire, va se faire financer l’achat de ce dernier par une banque ou une société spécialisée dans le crédit-bail, afin de l’exploiter. A l’issue d’une période fixée, le preneur jouit d’une option. Il peut soit : - restituer le navire à la société financière, - demander le renouvellement du contrat, - acquérir le navire pour un prix qui tient compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers. Dans ce dernier cas il devient alors armateur, au sens propre du terme, c’est-à-dire, propriétaire et exploitant du navire. Lorsque l’option d’achat n’aura pas été levée, du fait que la période fixée pour cette faculté ne soit pas encore arrivée, ou que le contrat a été renouvelé, il semble que l’on est dans une situation semblable à celle qu’on a évoqué précédemment s’agissant de l’affrètement à temps. En effet, juridiquement, on aura deux armateurs : l’armateur-propriétaire en la personne de la société financière, et l’armateur non propriétaire qui sera le preneur, qui exploite effectivement le navire. Faut-il appliquer la jurisprudence Anne-Bewa (cf ci-haut) dans un tel cas de figure ? Nous ne prendrons pas le risque de trop nous avancer sur ce point. Mais nous pouvons dire que les deux armateurs sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée par les personnes ayant subi un préjudice du fait du naufrage du navire ayant fait l’objet d’un contrat de crédit- bail. En revanche, lorsqu’à l’arrivée du terme prévu, le preneur lève l’option d’achat du navire, il en devient l’armateur unique. Partant, pour toute réclamation consécutive à un naufrage, les réclamants vont, au prime abord se retourner contre lui. Lorsque l’armateur est une personne physique exerçant à titre individuel, il n’y a aucun doute, c’est cette personne physique qui est l’armateur réel. En revanche lorsque l’armateur est une personne morale, il va falloir avoir recours au droit commun des sociétés. Autrement
  • 30. 30 dit, l’identification des responsables se fera selon la forme sociétaire choisie. Ainsi, le(s) responsable(s) désigné(s) dans les statuts sociaux seront ceux qu’on va qualifier d’armateur. S’agissant d’un groupement de quirataires, la problématique était de savoir, qui du gérant de la copropriété ou des quirataires endossaient la responsabilité en cas de dommages, et donc la qualité d’armateur ? Lorsqu’un gérant a été nommé, conformément aux règles du mandat (la loi de 1967 étant muette sur la responsabilité du gérant), le gérant n’est pas normalement engagé par les contrats qu’il conclut pour le compte de la copropriété sauf en cas de faute. Par conséquent, si le navire a péri par sa faute, il doit être tenu pour responsable de toutes les conséquences dommageables qui en résulteront. C’est une responsabilité indéfinie. Et dans le cas où plusieurs armateurs gérants ont été nommés ils sont tenus solidairement. Autrement dit, dans un groupement de quirataires où un gérant a été nommé, c’est ce dernier qui est considéré comme l’armateur puisque c’est lui qui va endosser la responsabilité. Quid lorsque aucun gérant n’a été désigné ? Nous avons vu que dans une telle hypothèse, l’article 15 de la loi de 1967 répute tous les copropriétaires du navire, gérants. Ils seront donc tous considérés comme armateur. La contribution de chacun à la réparation des dommages ayant été fixée par la loi. A l’origine, la jurisprudence avait posé la règle que les quirataires étaient tenus de façon indéfinie et solidaire des dettes de la copropriété, ceux-ci ayant une activité commerciale1 . Malgré la contestation de cette solution, la Cour de cassation a maintenu sa position dans un arrêt du 23 février 1965 « Navire Angelus »2 . On avait cru que la loi de 1967, qui établissait une distinction entre copropriétaires gérants et copropriétaires non gérants allait changer la donne. Mais il n’en fût rien, du moins pour ce qui est de copropriétaires gérants. En effet, l’article 20 dispose que « les copropriétaires gérants sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes de la copropriété, et ce nonobstant toute convention contraire ». La loi du 26 juin 1987, texte qui a remplacé celle de 1967, a maintenu cette solution. Enfin, lorsque c’est l’Etat lui-même qui est l’armateur, il n’y a pas de difficulté majeure dans le cas d’une administration en régie directe. Les difficultés d’identification de l’armateur réel apparaissent lorsqu’il s’agit de société d’armement financées, en tout ou partie, par l’Etat. Fallait-il admettre que les dites sociétés avaient une personnalité morale autonome, ou 1 Civ. 27 fév 1877, S. 77, 1.209 2 DMF 1965. 412
  • 31. 31 au contraire considérer que cette personnalité morale se confondait avec celle de l’Etat lui-même, auquel cas alors seul ce dernier serait considéré comme armateur réel ? En jurisprudence, pour résoudre les litiges relatifs à l’autonomie juridique des sociétés d’armement d’Etat par rapport à l’Etat lui-même, on a recours à la théorie de l’émanation. Selon cette théorie, les sociétés armateurs de navires d’Etat n’ont pas véritablement la personnalité morale et ne possèdent pas de patrimoine propre différent de celui de l’Etat. Ils n’ont donc pas vraiment d’autonomie de gestion dans la mesure où, les capitaux sont étatiques et les dirigeants le plus souvent nommés par le pouvoir central. Cette théorie a d’abord été appliquée dans le domaine des nationalisations, puis dans celui des saisies de navires1 , domaine dans lequel il fait a fait l’objet d’un contentieux important. Mais rien ne s’oppose à ce qu’elle s’applique pour tout autre litige, comme ici en cas de réclamations consécutives à un naufrage. Pour la doctrine, une telle généralisation de la théorie de l’émanation doit être accueillie avec la plus grande réserve. Ainsi, pour le Professeur M. Ndende, « la confusion de la personnalité morale des armements avec celle de l’Etat lui-même peut produire un effet boomerang très pervers : ces armements en viennent à revendiquer l’immunité des Etats dont on les accuse d’être des émanations ». Pour le Professeur Bonassies, « la généralisation de la théorie de l’émanation présente un grave danger pour certains armements français par exemple, naguère, la Compagnie Générale Maritime, dont les navires auraient pu être saisis pour une dette d’Electricité de France) comme pour les ports français, que pourraient délaisser les armements des pays à économie d’Etat ». En outre, « d’un point de vue plus théorique, elle méconnaîtrait le droit des Etats d’organiser comme ils l’entendent leur économie, soit sur un mode libéral soit sur un mode étatique ou socialiste, alors que ce droit leur est reconnu par des textes internationaux importants (Charte des droits et devoirs économiques des Etats du 12 décembre 1974 et, pour les Etats liés à la Communauté Economique, Convention de Lomé du 8 décembre 1984) ». Tenant compte des critiques doctrinales, la jurisprudence semble être revenue à une conception, sinon plus restrictive, du moins, moins permissive de la théorie de l’émanation. En témoigne l’arrêt censurant la position adoptée par la Cour d’appel de Rouen précitée, rendu à propos de l’affaire du « Navire Filaret »2 . Arrêt qui fut confirmé ultérieurement, notamment dans l’affaire du « Cesil Angola » le 1er Octobre 19973 dont les termes étaient les suivants : « Le contrôle d’un Etat sur une personne morale, ainsi que la mission de service public qui lui est dévolue, ne suffisent pas à la faire considérer comme une émanation de 1 CA. Rouen. 23 déc. 1985, « Navire Filaret » DMF 1986.349 2 Cass. com. 6 juil. 1988, DMF 1988.595, note Warot ; DMF 1989, 14 obs. Bonassies 3 DMF 1998.17
  • 32. 32 l’Etat impliquant son assimilation à celui-ci et aux autres organismes placés dans la même situation qu’elle par rapport à cet Etat ». Compte tenu de cette jurisprudence défavorable à la théorie de l’émanation, il semble qu’il ne faille pas considérer ipso facto l’Etat armateur détenteur de parts sociales, en tout ou partie, dans une société d’armement, comme le véritable armateur du navire. Il va falloir pour cela, caractériser selon la situation envisagée, le degré d’implication de l’Etat dans la société dont il sera question. La possibilité qu’une société d’armement d’Etat puisse se voir reconnaître la qualité d’armateur reste donc ouverte. Après avoir traité la question de la détermination de l’armateur réel, nous envisagerons la situation du transporteur maritime. B) Identification du transporteur réel Nous avons vu que la pratique des connaissements sans en-tête est une grande source de difficulté d’identification du transporteur maritime surtout lorsque le navire n’est pas exploité par son propriétaire, mais par un affréteur. Comment savoir qui a émis le connaissement ? Dans une telle situation, on considérait que c’était l’armateur-propriétaire (non exploitant) du navire en cause qui était le transporteur. Mais la jurisprudence, dans l’affaire du «Navire Julia » avait décidé, dans un premier temps, que l’action dirigée contre l’armateur inscrit au registre d’immatriculation n’était pas recevable : « le propriétaire du navire ne peut être tenu pour transporteur si cette qualité ne ressort pas du connaissement »1 . Cette décision a été vivement critiquée notamment par les Cour d’appel d’Aix-en-provence et de Rouen pour lesquelles, c’est l’armateur qu’il fallait considérer comme transporteur apparent répondant des dommages. Un arrêt de Cass. com. 21 juil 1987 « Navire Vomar », ainsi que CA. Paris. 16 juin 20042 confirment la solution donnée par les Cours d’appel d’Aix et de Rouen, qui constituent donc la jurisprudence actuelle. Certains connaissements comportent une clause « Identity of carrier » ou « Demise clause » inspirées de la pratique anglaise et selon lesquelles le propriétaire du navire sera réputé transporteur. Ce qui permettait à l’affréteur de se protéger contre les réclamations. En France, cette clause est mal accueillie par les tribunaux, qui la considèrent sans valeur et donc 1 Cass. com. 10 mai 1983, « Navire Julia », DMF 1984.269 2 DMF 2005, HS, n°94
  • 33. 33 inopposable au cocontractant du transporteur. Même la jurisprudence anglaise l’a récemment abandonné : « La clause « Identy of carrier » ne peut pas transférer la qualité de transporteur sur une autre personne »1 . En ce qui concerne les contrats de ship management, nous avons vu qu’il arrive que la société « manager » assure une gestion très poussée, voire totale du navire (nautique, commerciale et humaine) et que, par conséquent elle puisse émettre des connaissements. Le problème qui en ressortait était alors de savoir, qui de la société de ship management ou de l’armateur, devait être recherché comme transporteur maritime ? D’entrée de jeu, effaçons tout doute. Les sociétés de ship management sont de simples mandataires, exploitants le navire « au nom et pour le compte de l’armateur » (Agnès Rover Fleury). Contrairement aux affréteurs, elles ne deviennent pas transporteurs maritimes du seul fait qu’elles assurent la gestion commerciale du navire. La raison en est que le contrat de ship management tient à la fois du contrat du mandat et du contrat d’entreprise, c’est pourquoi, en qualité de mandataire la société « manager » n’assume pas personnellement les risques de l’exploitation commerciale. Preuve en est que dans tout document contractuel, elle doit toujours prendre le soin de préciser qu’elle intervient « as agent only », c’est-à-dire en tant que simple agent de l’armateur. Ainsi, toutes personnes ayant un intérêt à agir et qui veulent obtenir réparation ne peuvent pas, en principe, engager la responsabilité personnelle de la société de ship management. A moins que celle-ci ait commise une faute caractérisée ayant causé un dommage à un tiers ; auquel cas sa responsabilité viendra doubler celle de l’armateur. Parfois, lorsque la société de ship management assume la totalité de la gestion du navire, on peut estimer que la responsabilité de celle-ci doit être assimilée à celle d’un armateur, sans nécessairement effacer celle de l’armateur légal, du moins pour ce qui est du droit français. Encore faut-il pour cela que le contrat de ship management n’ait pas été régulièrement publié. Cependant, pour le professeur Ndendé, il existe un cas, et un seul, dans lequel, la société de ship management pourra être poursuivie en qualité de transporteur maritime : c’est celui des montages sociétaires. Selon lui, le propriétaire du navire et la société de ship management peuvent s’utilisent mutuellement comme paravents pour faire systématiquement échec aux poursuites des créanciers : c’est le cas par exemple d’une société qui se présente faussement comme simple ship manager d’un navire, alors qu’en réalité elle en est l’armateur réel. Il y aurait là une volonté frauduleuse à l’égard des créanciers par le biais de manipulations sociétaires. 1 Chambre des Lords. 13 mars 2003, « STARSIN »
  • 34. 34 La sous-traitance est une autre source de difficulté d’identification du transporteur maritime. La question sera de savoir qui du transporteur originaire ou du transporteur substitué sera considéré comme le véritable transporteur répondant des dommages causés par le naufrage d’un navire ? Il n’existe pas en droit français de dispositions particulières concernant la substitution de transporteur. Par conséquent, les problèmes nés de cette situation doivent être résolus selon les principes du droit commun. Deux situations sont alors à envisager : - Lorsque la substitution était prévue dans le contrat conclu avec le transporteur initial, ce dernier apparaît comme le mandataire du chargeur et le transporteur substitué devient le transporteur réel. - En revanche, lorsque la substitution n’était pas prévue, celle-ci demeure malgré tout licite en vertu de l’article 1236 du Code civil, mais c’est l’armateur initial qui doit être considéré comme le transporteur. Précisons toutefois que les règles de Hambourg du 31 mars 1978 (qui ne s’appliquent pas en France), traitent de la responsabilité du transporteur et du transporteur substitué (art 10). Il y est prévu que le transporteur initial demeure responsable de la totalité du transport. Il est par ailleurs responsable des actes et omissions du transporteur substitué pour la partie de transport effectué par ce dernier. En outre, les victimes disposent d’une action directe contre le transporteur substitué. Enfin le texte ajoute que la responsabilité des deux transporteurs est solidaire. Nous avons précédemment vu qu’avec le développement extraordinaire de la conteneurisation un nouveau personnage était apparu, le NVOCC, qui posait des difficultés d’identification du transporteur réel entre lui et le transporteur professionnel. Le NVOCC délivre à ses clients un « house bill of lading » ou « connaissement-maison » dont la particularité est de comporter un en-tête indiquant sa dénomination sociale, ainsi que souvent, son adresse et coordonnées. Parallèlement, le NVOCC reçoit du transporteur maritime professionnel un « master bill of lading », c’est-à-dire un connaissement principal. Le problème c’est que les ayants-droit à la marchandise, ne connaissent que le NVOCC et n’ont pas de rapport direct avec le transporteur professionnel : c’est le principe même de l’effet relatif des contrats. On peut donc conclure que c’est le NVOCC qui apparaît juridiquement comme le transporteur maritime et c’est lui contre lequel les victimes devront agir en responsabilité. D’où l’expression du Maître Morinière (auteur d’une thèse sur les
  • 35. 35 NVOCC) de « transporteurs maritimes contractuels » (par opposition aux transporteurs maritimes professionnels) s’agissant des NVOCC. Il semble qu’en réalité, la pratique veut que la NVOCC, après avoir assumé ses responsabilités de transporteur à l’égard de ses créanciers, puisse par la suite, se retourner contre le transporteur maritime réel sur la base du « master bill of lading ». Quid si le NVOCC émet un connaissement sans en-tête et conteste sa qualité de transporteur maritime ? Dans ce cas, le recours à la théorie de l’apparence serait utile afin d’identifier le NVOCC comme transporteur maritime réel. Les indices permettant cette identification devront toutefois, être sérieux et réels, sinon c’est le transporteur professionnel qui sera considéré comme le véritable transporteur ». C’est ainsi qu’une Cour d’appel avait décidé que « l’identité de l’émetteur des titres de transport étant impossible à déterminer, c’est à bon droit que les assureurs facultés ont exercé leur recours contre le propriétaire du navire, tenu pour être le transporteur »1 . Pour certains auteurs, dans un tel cas de figure, il serait plus judicieux soit de poursuivre à la fois le propriétaire du navire et l’entreprise qui exploitait commercialement le navire au moment du dommage (c’est-à-dire le NVOCC). Soit au contraire, sur le fondement du Décret du 5 mars 1990 concernant la commission de transport, qualifier le NVOCC de commissionnaire de transport. Rappelons que le texte susvisé considère comme commissionnaire de transport, « tout professionnel qui organise et fait exécuter sous sa responsabilité et en son propre nom, un transport de marchandises selon les modes de son choix, pour le compte d’un commettant ». Pour ce qui est du transport multimodal, la complexité de cette forme de transport et l’intervention de multiples opérateurs intermédiaires qui en est résultée, ont poussé les Etats à réagir afin d’identifier avec précision le responsable principal. En effet, il paraissait de plus en plus injuste de prendre pour responsable le dernier transporteur et le commissionnaire de transport. Après quelques échecs de projet de conventions par des institutions internationales (UNIDROIT en 1957, CMI en 1969, TCM en 1971, et CNUDCI en 1980), les règles CCI- CNUCED de 1992, dans un souci de simplification, ont pu mettre en place un contrat unique 1 CA. Versailles, 4 avril 2002, Navires Peninsular Bay et Singapore Bay, DMF 2002.944
  • 36. 36 qui couvre le transport de bout en bout, avec un opérateur unique : c’est l’ organisateur de transport multimodal (OTM). Ce nouveau personnage sera désormais, dans le cas d’un transport multimodal, le responsable unique vers lequel les ayants droit aux marchandises ou autres victimes, devront diriger leur action. Cela va permettre d’éviter le « syndrome du dernier transporteur », pour reprendre les termes du Professeur SCAPEL. La codification de ces règles est actuellement en projet au sein de la CNUDCI, qui a été chargée d’élaborer une Convention Internationale contenant des dispositions spéciales sur ce que le Professeur Bonassies a qualifié de « transport multimodal transmaritime ». Dans les cas des single ship companies, il a fallu lutter contre l’éclatement de patrimoines résultant de la constitution de sociétés d’armement dotées d’un seul navire. En droit des sociétés, chaque société créée dispose d’une personnalité juridique autonome, dont le patrimoine, pour nous le navire, répond seul des éventuelles réclamations. Ce principe devrait conduire à refuser aux créanciers d’une single ship company toute action contre l’armateur ou le groupe d’armateurs qui se cachent derrière l’écran de la personnalité juridique. Mais il aurait paru injuste que ceux qui contrôlent la gestion d’un ensemble de navires ne soient pas poursuivis, sur l’un ou l’autre de ceux-ci sous prétexte qu’ils ont constitués des sociétés indépendantes. Pour lutter contre ce phénomène, la doctrine et la jurisprudence ont élaboré une théorie dite « des navires apparentés ». Toute une jurisprudence s’est alors construite autour de cette question, spécialement en matière de saisie des navires. Sur le fondement de cette théorie, le voile de la personnalité morale des sociétés d’un seul navire serait levé ou percé, pour y découvrir des sociétés fictives. En effet les single ship companies se révèlent être, dans la plupart des cas, des « sociétés de papier » qui sont en fait gérées par le même groupe et les mêmes personnes indélicates, qui utilisent les montages sociétaires et les pavillons de complaisance afin d’échapper à leurs créanciers. La solution qui a été dégagée a alors été d’admettre que « derrière la réalité juridique « frauduleusement » créée, existe une réalité économique : l’identité de propriétaire, par conséquent, l’identité d’exploitant, l’identité d’armateur » (Antoine VIALARD). Par conséquent, lorsque plusieurs indices (par exemple, identité des sièges sociaux, adresses, parenté des dénominations des filiales, identité du pouvoir décisionnel, unité de gestion, manque d’autonomie, confusion de patrimoine et de capitaux, communautés d’intérêts…) permettent d’établir que plusieurs single ship companies sont en fait contrôlées par un même ensemble armatorial ou par les mêmes intérêts économiques, les créanciers de l’une d’elles
  • 37. 37 peuvent saisir les navires des autres. C’est dire que c’est l’armateur ou le groupe armatorial qui est considéré comme responsable et partant, comme transporteur. Encore faut-il que la manœuvre frauduleuse soit établie. En effet, par une série d’arrêts, « Osiris » (en 1994), « Alexander III » (en 1996) et « Karelyia » (en 1999), la Cour de cassation a donné un sérieux « coup de frein » au développement de la théorie des navires apparentés qui devenait systématique. Désormais il faut une volonté manifeste de fraude pour établir la fictivité d’une single ship company. Si cette fictivité n’a pas pu être établie, on peut alors considérer que la single ship company est dotée d’une personnalité juridique autonome et donc d’un patrimoine propre, répondant des réclamations dirigée contre ladite société. La single ship company pourra alors dans ce cas, à notre sens, se voir reconnaître la qualité de transporteur maritime. Nous en terminerons par l’identification du transporteur maritime au sein des consortia et alliances maritimes. La problématique étant de savoir qui doit être reconnu comme transporteur au sein de ces groupements : le groupement lui-même ou le membre du groupement dont le navire a fait naufrage ? La réponse sera fonction du choix fait par les parties, de la nature juridique de ces groupements. Il arrive que certains groupements, notamment les consortiums, soient constituées sur le modèle de véritables sociétés commerciales de type SA, SAS ou GIE. C’est le cas lorsqu’elles atteignent un degré d’intégration vraiment poussé. Dans une telle situation, le groupement se verra dotée de la personnalité juridique et pourra émettre des connaissements en son nom propre, et partant, être poursuivi comme transporteur maritime. Mais dans la plupart des cas, les consortiums ou alliances n’ont pas la personnalité juridique et ne constituent que de simples contrats dits « structurés » (bureau commun, politique commerciale harmonisée, mise en commun des flottes) ou contrats de coopération logistique conclus entre des entreprises d’armement ; on les qualifie alors de « consortiums-noyau » ou « consortiums semi-intégrés ». Etant dénués de personnalité morale, ces groupements ne sauraient avoir la qualité de transporteur maritime (car ils ne sont pas dotés de la personnalité juridique nécessaire à la conclusion de contrats). C’est la raison pour laquelle les connaissements émis par leurs membres ne doivent en principe jamais porter l’en-tête du consortium ou de l’alliance, mais plutôt, indiquer la raison sociale de l’un des membres. Quid en cas d’émission d’un connaissement sans en-tête ?
  • 38. 38 « Il paraîtrait tout à fait cohérent de poursuivre comme transporteur, le membre du groupement dont le navire aura effectué le transport litigieux ou, de manière solidaire, et telle est la tendance générale, l’ensemble des membres du consortium ou de l’alliance » (M.Ndendé). A présent qu’on peut identifier aisément le transporteur ou l’armateur-propriétaire, les responsabilités peuvent différer en fonction du type de dommage résultant du naugrage. C) Identification du responsable réel en fonction du type de dommage 1°) Dommages subis par le navire ou perte du navire Dans le cas d’un transport maritime « simple » (dans ce cas le propriétaire du navire est le transporteur), c’est-à-dire qui n’est pas consécutif à un contrat d’affrètement, les textes (loi de 1966 et Convention de 1924) n’envisagent pas l’hypothèse des responsabilités en cas de perte du navire ; ils ne traitent que de la responsabilité en cas de perte ou dommages subis par les marchandises. Or, le naufrage d’un navire emporte inévitablement la perte (partielle ou totale) de ce dernier. La question est alors de savoir qui va endosser la responsabilité de cette perte ? le propriétaire du navire (transporteur) ou le chargeur de la marchandise ? Le contrat de transport de marchandises fait peser sur chacune des parties des obligations (cf infra Chap II, Section 1, I, A). Si le naufrage du navire est la conséquence du manquement de l’une de ces parties à ses obligations contractuelles, il est logique que cette partie en assume la responsabilité. L’identification des responsabilités sera donc fonction de l’origine du dommage. Ainsi, si le navire a sombré à cause d’une innavigabilité (au départ) ou à cause d’un mauvais arrimage ou chargement des marchandises, le propriétaire/transporteur va assumer la responsabilité de ce naufrage et donc, la perte de son navire. En revanche, si le naufrage a été causé par une marchandise dont la dangerosité n’a pas été spécifiée par le chargeur au transporteur, c’est le chargeur qui va endosser la responsabilité du naufrage et devra par conséquent, indemniser le propriétaire de la perte de son navire : « la dissimulation du caractère dangereux de la marchandise rend le chargeur responsable de tous les dommages ou dépenses pouvant résulter de leur embarquement » (art 44 al 1 Décret 1966). Dans le cas d’un transport maritime qui est précédé d’un contrat d’affrètement, il faut distinguer selon le type d’affrètement :
  • 39. 39 - L’affrètement coque-nue : c’est le contrat par lequel le fréteur (loueur) s’engage, contre paiement d’un loyer, à mettre pour un temps défini à la disposition d’un affréteur (locataire), un navire désigné, sans armement ni équipement. Dans ce type d’affrètement, l’affréteur détient à la fois la gestion nautique et commerciale du navire. Il a alors l’obligation d’utiliser ce dernier à toutes fins conformes à sa destination normale et doit le restituer en fin de contrat, dans l’état où il a été reçu, sauf l’usure normale. En cas d‘inexécution de l’une de ses obligations, l’affréteur sera (contractuellement) responsable envers le fréteur. Par conséquent, s’il a utilisé le navire à des fins non conformes à sa destination normale et qu’il en est résulté un naufrage, ou étant dans l’impossibilité de restituer le navire, celui-ci ayant sombré, l’affréteur devra indemniser le fréteur de cette perte. - L’affrètement à temps : il s’agit du contrat par lequel le fréteur s’engage à mettre un navire armé à la disposition de l’affréteur pour un temps défini (art 7 loi 1966). Ici, la gestion nautique du navire est assurée par le fréteur, tandis que l’affréteur s’occupe de la gestion commerciale. Cette répartition des pouvoirs exerce une incidence sur les responsabilités. Ainsi, il est prévu que l’affréteur est responsable envers le fréteur des dommages subis par le navire, s’ils sont la conséquence de son exploitation commerciale. Toutefois ,il dispose d’un recours contre le fréteur s’il établit que ces dommages proviennent de l’inexécution, par ce dernier, de ses obligations relatives au navire (à savoir, maintenir le navire en bon état de navigabilité pendant toute la durée du contrat). - L’affrètement au voyage : c’est le contrat par lequel le fréteur met en tout ou partie un navire à la disposition de l’affréteur en vue d’accomplir un ou plusieurs voyages (art 5 loi 1966). La caractéristique de cet affrètement est de concentrer sur la personne du fréteur la gestion nautique et la gestion commerciale du navire. La conséquence qui en découle c’est qu’il lui appartiendra d’endosser la responsabilité de la perte du navire, à moins que le naufrage ne soit le résultat d’une faute de l’affréteur dans le chargement de la marchandise, obligation qui lui incombe (par ex : marchandises dangereuses). Auquel cas l’affréteur va devoir indemniser le fréteur pour la perte de son navire. 2°) Pertes ou dommages subis par la marchandise S’agissant du transport maritime « simple », le transporteur est présumé responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise, sauf à prouver une cause précise d’exonération (art 4 Conv. Bruxelles ; art 27 loi 1966).
  • 40. 40 Pour les transports sous connaissement de charte partie, la responsabilité pèse sur : - l’affréteur coque-nue - l’affréteur à temps. Toutefois, s’il s’avère que les dommages ou pertes proviennent de l’inexécution par le fréteur de ses obligations relatives au navire, l’affréteur dispose d’un recours contre le fréteur. - Le fréteur au voyage, sauf à lui de prouver que les dommages ne tiennent pas à un manquement à ses obligations. 3°) Dommage subis par des tiers Concernant le transport sous connaissement « simple », le transporteur étant considéré comme gardien de son navire depuis l’arrêt Lamoricière, il répond des dommages causés par ce navire aux tiers en vertu de l’article 1384 al 1 du Code civil. Pour ce qui est du transport sous connaissement de charte-partie, - lorsqu’il s’agit d’un affrètement coque-nue, en principe, le fréteur n’encourt aucune responsabilité du fait du transfert à l’affréteur, de tous les pouvoirs de gestion du navire. Si les tiers, ignorant l’existence de la charte-partie, assignent le fréteur, l’affréteur devra garantie (art 11 loi 1966). - Pour ce qui est de l’affrètement à temps, le fréteur ne répond des dommages causés par le navire, à des tiers, que s’ils sont la conséquence de la gestion nautique de celui-ci. De même, si les dommages causés aux tiers sont la conséquence de la gestion commerciale du navire, c’est l’affréteur qui en est responsable. - Enfin, dans l’affrètement au voyage, le fréteur étant le gardien du navire, il est responsable délictuellement ou quasi-délictuellement des dommages causés par ce dernier à des tiers. Après avoir procédé à l’identification de l’auteur responsable en cas de naufrage d’un navire, il convient de voir quels sont les principes de cette responsabilité. CHAPITRE 2 : PRINCIPES DE RESPONSABILITE DE L’ARMATEUR- PROPRIETAIRE ET DU TRANSPORTEUR MARITIME Le naufrage d’un navire est toujours un évènement destructeur qui fait obligatoirement des victimes. Celles-ci, afin de se voir indemniser des dommages qu’elles ont soufferts, vont
  • 41. 41 s’appuyer sur le contrat qui les lie avec l’auteur responsable du naufrage. Mais elles peuvent très bien aussi faire des réclamations en dehors de toute base contractuelle. En ce sens, il conviendra d’étudier les sources de cette responsabilité, puis sa nature dans une section première consacrée au transport maritime de marchandises (Section 1). Tandis que la seconde section traitera du transport maritime de passagers (Section 2). Préalablement, nous indiquerons la situation de l’armateur propriétaire qui n’exploite pas personnellement son navire (Section préliminaire). SECTION PRELIMINAIRE : SOURCES ET NATURE DE LA RESPONSABILITE DE L’ARMATEUR PROPRIETAIRE Le propriétaire d’un navire peut choisir d’exploiter son navire lui-même ou pas. Lorsqu’il est en même temps l’exploitant, il endosse la qualité de transporteur. Les principes de responsabilité qui lui seront applicables seront ceux qu’on va traiter dans les sections 1 et 2. En revanche, lorsqu’il n’exploite pas personnellement son navire, il est en principe dégagé de toutes les conséquences de l’exploitation du navire. Cependant, en tant que propriétaire du navire, il répond de ses fautes personnelles tant à l’égard de ses cocontractants à savoir les affréteurs (la responsabilité sera alors contractuelle), qu’à l’égard des tiers par exemple en cas de mort ou de lésions corporelles (la responsabilité est de source extracontractuelle). Il en sera ainsi par exemple, s’il a frété coque-nue, un navire affecté d’un élément d’innavigabilité par manque de diligence. Par ailleurs, en cas de dommage de pollution causés par son navire, le propriétaire en sera le seul responsable : on dit que la responsabilité est « canalisée ». Il s’agit d’une responsabilité extracontractuelle. Qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle, la responsabilité du propriétaire de navire est une responsabilité de plein droit, d’une part parce qu’elle est basée sur la faute, d’autre part parce qu’il s’agit d’une responsabilité bien spécifique qui est canalisée sur sa personne. SECTION 1 : LE TRANSPORT MARITIME DE MARCHANDISES Il s’agira dans cette section, d’étudier les sources de responsabilité de l’auteur responsable d’un naufrage (I), avant de voir quelle est la nature de cette responsabilité (II).
  • 42. 42 I- SOURCES DE LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME DE MARCHANDISES La responsabilité du transporteur maritime peut puiser sa source aussi bien dans un contrat (A), qu’en dehors de tout lien contractuel (B). A) Source contractuelle Rappelons tout d’abord que le transporteur maritime de marchandises peut être, soit le propriétaire du navire ayant conclu un contrat de transport avec un chargeur, soit l’affréteur ayant affrété un navire et qui l’utilise pour des transports sous connaissement. S’il s’agit d’un affrètement à temps ou coque nue, en principe c’est l’affréteur qui est le transporteur. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un affrètement au voyage, c’est le fréteur qui est le transporteur puisqu’il détient à la fois la gestion nautique et commerciale du navire. Le déplacement d’une marchandise d’un port à un autre se fait par la conclusion d’un contrat de transport entre un transporteur et un chargeur. Mais la doctrine dominante (Rodière, du Pontavice…) fait du contrat de transport de marchandises un contrat tripartite, en y incluant le destinataire de la marchandise lorsque celui-ci est différent du chargeur. Le transporteur maritime est garant de la bonne exécution des contrats conclus par lui ou ceux conclus pour son compte par ses préposés et représentants. Par conséquent, en cas d’inexécution par lui de ses obligations contractuelles, sa responsabilité va se voir engagée sur la base de ce contrat. Cette responsabilité est donc bel et bien de source contractuelle. Le contrat fait naître des droits et obligations sur chaque partie. Chacune d’elle est donc susceptible de voir sa responsabilité engagée même si, comme nous le verrons dans le deuxième paragraphe de cette section, « traditionnellement celle du transporteur en cas de perte ou dommages à la marchandise occupe une place prédominante » (RODIERE). En veut pour preuve la responsabilité de plein droit qui pèse sur le transporteur. Cependant nous nous contenterons d’analyser les obligations du transporteur et du chargeur seulement car dans notre hypothèse (naufrage survenu en cours d’expédition maritime), celles du destinataire ne sont pas utiles. De même nous n’analyserons pas les obligations des parties à destination puisque en principe le navire aura péri avant son arrivée au port de destination. Il conviendra donc de déterminer successivement, quelles sont les obligations du transporteur et celles de son cocontractant.
  • 43. 43
  • 44. 44 1°) Les obligations du transporteu a) Les obligations relatives au navire : Le transporteur qui veut acheminer une marchandise par voie de mer est tenu par des règles de sécurité relativement au navire. En effet pour que le navire soit apte à effectuer l’expédition maritime, le transporteur est tenu de faire diligence, avant et au début du voyage, pour mettre le navire en bon état de navigabilité (art 3 1. Conv. Brux ; art 21 loi 1966). Il s’agit dune obligation de diligence encore dite obligation de « due diligence ». Il faut toutefois observer que cette obligation est temporaire, puisqu’elle ne pèse sur le transporteur qu’avant et au début du voyage. Si le navire, devenu innavigable en cours de voyage est la cause du naufrage, le transporteur ne pourra pas se voir reprocher cette innavigabilité et par conséquent ne sera pas tenu responsable du naufrage. Depuis un arrêt « Muncaster-Castle » rendu par la Chambre des Lords le 7 décembre 19611 cette obligation de diligence est une obligation « personnelle » au transporteur, qui ne peut se décharger de sa responsabilité sur les personnes auxquelles il a délégué sa mission (sous- traitants). L’obligation de due diligence pèse également sur le transporteur s’agissant du transbordement. Ce dernier est défini par Alain LE BAYON, in Dictionnaire de droit maritime, comme le transfert de tout ou partie de la cargaison d’un navire à bord d’un autre navire, par suite d’un arrêt inopiné, accidentel ou non, du voyage maritime. En effet, l’article 40 du décret de 1966 dispose que « En cas d’interruption du voyage pour quelque cause que ce soit, le transporteur ou son représentant doit, à peine de dommages-intérêts, faire diligence pour assurer le transbordement de la marchandise et son déplacement jusqu’au port de destination prévu ». Par conséquent, si le voyage a été interrompu à la suite du naufrage du navire, et qu’une partie de la cargaison a quand même pu être sauvée (cas de perte partielle), le transporteur doit tout mettre en œuvre pour poursuivre l’acheminement de la cargaison à destination, sauf à indemniser les ayants droit de cette dernière. Toutefois, cette obligation de diligence n’est pas une obligation de résultat et « le seul fait que le transporteur n’ait pas réussi à transborder la marchandise ne l’accable pas » (RODIERE). Il ne sera responsable qu’en cas de faute. 1 DMF 1963,245, obs. Bonassies
  • 45. 45 b) Les obligations relatives au voyage : Les textes ne prévoient pas de règles particulières pour l’accomplissement du voyage. Mais traditionnellement, on considère que le transporteur doit accomplir le voyage « en droiture », par la route habituelle et dans les meilleurs délais. En pratique, les connaissements prévoient généralement la possibilité pour le transporteur de se dérouter et de faire des escales sans que sa responsabilité ne soit, à priori, engagée. Cependant, le transporteur est tenu de certaines obligations relativement à la marchandise à destination (état, délai inscrit au connaissement), sa responsabilité pourra donc être engagée si le déroutement n’était pas raisonnable et que le navire fait naufrage pendant ce détour. Quid si le navire fait naufrage après un transbordement ? Qui dit transbordement dit, en principe transporteurs successifs. Mais les textes ne règlent pas la question des obligations respectives des transporteurs successifs (et donc de leur responsabilité) en cas de dommage subis par la marchandise (ou le navire), lors d’un transbordement. Il y a lieu de distinguer deux situations : - Si le transbordement s’est effectué sur un autre navire appartenant au même transporteur, celui-ci reste entièrement tenu. - Dans le cas contraire d’un transbordement effectué sur un navire appartenant à un autre transporteur, la règle c’est que en principe, chacun des transporteurs est responsable des dommages survenus lors de son propre parcours1 . Par conséquent, si le second transporteur ne veut pas se faire voir attribuer la responsabilité du dommage dont la cause se trouve lors du voyage initial, il a tout intérêt à faire des réserves au moment de la prise en charge de la marchandise transbordée. Ces réserves permettent de délimiter le parcours pendant lequel le dommage s’est produit. A défaut, le second transporteur sera réputé avoir reçu les marchandises dans l’état et en la quantité décrits au connaissement. Mais certaines décisions ont admis que le premier transporteur demeurait responsable de la totalité du parcours, soit en qualité de mandant du second transporteur, soit en qualité de commissionnaire. Il en est ainsi lorsque le second connaissement mentionne ses agents comme chargeurs et destinataires2 . Avec la pratique du feedering3 , qui s’est considérablement développée avec la conteneurisation des marchandises, les connaissements actuels prévoient par avance les hypothèses de transbordement. 1 Trib. Com. Le Havre, 11 déc. 1953, DMF 1954, 208. 2 Trib. Com. Le Havre, 13 déc. 1960, DMF 1961, 237. 3 Service ancillaire consistant à faire desservir par des navires de petit ou moyen tonnage des ports qui ne le sont pas, par un navire de long cours. Le navire charge dans le port d’éclatement les marchandises