Non, la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’emploi des travailleurs handicapés. Certes, il reste beaucoup à faire, mais la loi de 2005 commence à produire ses effets... /Octobre 2008
Hanploi lance uDiversal, le premier réseau social professionel
Dossier Emploi Handicap
1. Emploi et handicap : la France sur la bonne voie
Non, la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’emploi des travailleurs
handicapés. Certes, il reste beaucoup à faire, mais la loi de 2005 commence à
produire ses effets et l’hexagone fait figure de très bon élève au sein de l’Union
européenne. Le point sur les réelles avancées et ce qu’il reste à améliorer.
Bonne nouvelle, les contributions perçues par l’Agefiph ne cessent de diminuer !
« Nous sommes sûrement les seuls, mais nous ne pouvons que nous réjouir de la
baisse de notre chiffre d’affaires, car cela signifie que les entreprises embauchent
davantage de travailleurs handicapés », explique Tanguy du Chéné, président de
l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées. En
effet, la loi de 20051 a impulsé de nombreuses actions concrètes : aujourd’hui, les
grandes entreprises ont presque toutes leur Mission Handicap, les responsables
ressources humaines planchent sur l’intégration des salariés handicapés, les
partenariats avec les associations se multiplient... Tanguy du Chéné classe même la
France parmi les leaders européens sur la question. « La loi de 2005 représente une
réelle avancée, tant sur le plan pratique que sur le plan culturel », confirme Isabelle
Reste, chargée de mission à la direction de la stratégie de l’ANPE. La création des
Maisons départementales des personnes handicapées, qui regroupent différents
acteurs de l’insertion professionnelle, le partenariat ANPE/réseau Cap Emploi, la
formation à l’accueil des personnes handicapées de tous les conseillers ANPE (contre
un référent unique par agence auparavant)... sont autant de mesures qui témoignent
à ses yeux d’une véritable « prise de conscience qu’il faut faire plus et mieux ».
Le déficit le plus important : la formation
Mais il y a parfois plus d’un pas, de la prise de conscience à la prise d’effet. Si les
efforts des grandes entreprises en général, des secteurs de la construction et de
l’industrie, ou encore de l’intérim – qui se révèle un excellent outil d’intégration –
sont souvent soulignés, le secteur tertiaire, qui privilégie la contribution financière à
l’embauche, ou les entreprises de 20 à 49 salariés, dont la moitié seulement emploie
des salariés handicapés2, sont en revanche montrés du doigt. Pourtant, Tanguy du
Chéné tempère : « plus on est petit, plus c’est difficile, surtout quand on a besoin de
compétences pointues. Parmi les 27% d’entreprises assujetties qui ne comptent
aucun salarié handicapé, la majorité sont simplement dans l’impossibilité de
recruter ». De plus, un vrai problème d’incompatibilité entre l’offre et la demande
persiste : 81% des personnes handicapées possèdent un diplôme de niveau CAP-
1
Afin d’inciter les entreprises à recruter davantage de travailleurs handicapés, la loi du 11 février 2005 a
augmenté de 20% la contribution de celles qui n’atteignent pas leur quota (6%). Elle a par ailleurs
multiplié par 2,5 les cotisations de celles qui n’auraient ni employé, ni sous-traité, ni conclu un accord sur
une période de trois ans.
2
Source : Dares, L’emploi des travailleurs handicapés dans les établissements de 20 salariés ou plus :
bilan de l’année 2005, décembre 2007.
2. BEP, contre 60% pour l’ensemble de la population. « Changer le niveau de
qualification est la clef de voûte du progrès », insiste le président de l’Agefiph, pour
qui le chantier le plus important demeure l’élévation du niveau de formation.
Plus motivés et plus impliqués que les personnes valides
Pour mieux répondre aux exigences du marché de l’emploi, et partant du constat que
68% des personnes handicapées ayant suivi une formation trouvent un emploi dans
les six mois, l’Agefiph a lancé Handicompétences en 2006. L’opération, qui mobilise
60 millions d’euros, vise à définir une offre de formation adaptée. Certaines
entreprises, à l’instar de la Société Générale (cf. encadré), font même le choix de
former elles-mêmes leurs nouvelles recrues handicapées. Et peu à peu, les craintes
traditionnelles des employeurs (charge supplémentaire, risque de ralentissement de
la productivité...) cèdent la place à un regard plutôt admiratif : « la plupart du
temps, les travailleurs handicapés se révèlent plus motivés et plus impliqués que les
personnes valides, car ils veulent démontrer qu’ils n’ont pas été recrutés en raison
de leur handicap, mais pour leurs compétences », explique Tanguy du Chéné. Autres
aptitudes très appréciées : une grande capacité d’adaptation et un sens relationnel
hyper développé.
Au cours de la conférence nationale sur le handicap qui s’est tenue le 10 juin dernier,
Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il voulait porter un « plan de civilisation » dont les trois
priorités seront l’éducation, l’emploi et l’accessibilité. Le président, qui s’insurge
contre ceux qui préfèrent payer une contribution plutôt qu’embaucher, estime qu’il
s’agit là d’un refus d’engagement citoyen. En outre, la loi Handicap sera plus
coercitive dès 2010, avec des sanctions pécuniaires revues à la hausse.
Priscilla Franken
3. « Mettre l’accent sur la formation est primordial »,
Bernard Cauchy, responsable Mission Handicap pour la Société Générale
Fin 2007, la Société Générale s’engageait à recruter 40 travailleurs handicapés par
an et créait une Mission Handicap. Son responsable, Bernard Cauchy, se félicite
des premiers résultats obtenus : 60 recrutements réalisés à ce jour. À ses yeux, la
formation est certainement le meilleur vecteur d’insertion qui soit.
Pourquoi avoir mis sur pied un programme de formation spécifique ?
4. Plus de 80% des personnes recrutées par la Société Générale sont titulaires d’un
Bac+2 et plus. Or, parmi les travailleurs handicapés sur le marché, 80% ont un
niveau Bac ou en-dessous. Ce programme nous permet donc de les recruter sur la
base de leurs compétences, puis de les former à nos métiers. Mettre l’accent sur la
formation est primordial, c’est pourquoi nous multiplions aussi les partenariats avec
les écoles et les universités, afin d’aider les étudiants handicapés à poursuivre leurs
études.
Quels sont vos autres objectifs prioritaires ?
Le maintien dans l’emploi, avec la prise en charge de certains frais liés à
l’apparition d’un handicap (achat d’un appareil auditif, par exemple), et le
développement de partenariats avec le milieu protégé. Nous agissons aussi pour
faciliter l’intégration au sein de l’entreprise, notamment via une vaste opération de
sensibilisation de tous nos managers, et la mise en place de tutorats.
Comment fonctionnent-ils ?
Le tuteur accompagne le nouvel arrivant, et s’occupe de tous les problèmes qu’il
rencontre. Je suis ravi de constater que beaucoup de nos salariés proposent leur
aide... le regard sur le handicap évolue dans le bon sens, j’en suis convaincu.
5. « J’ai recruté Garance en fonction de ses compétences uniquement »,
Jean de Béon, directeur général de la concession BMW Normandy Avenue
Jean de Béon, directeur général de la concession BMW Normandy Avenue à Caen,
a recruté Garance en début d’année. La jeune femme, malentendante, est
responsable marketing au sein d’une PME de 42 salariés.
« Je comptais créer un poste de responsable marketing, c’est pourquoi j’ai accepté
une invitation à participer à un Handicafé. C’est là que j’ai rencontré Garance, et
son profil m’a de suite intéressé : titulaire d’un Master, des voyages à l’étranger,
un stage de 6 mois à un poste similaire… je la sentais très dynamique. Et le fait
qu’elle fasse du patinage artistique m’a évidemment interpellé. Pendant l’entretien,
je n’ai pas vu son handicap, donc j’ai fini par lui poser carrément la question.
Malentendante, elle m’a expliqué qu’elle avait pris l’habitude de compenser sans
appareillage.
Son intégration au sein de l’équipe a été rapide et je suis entièrement satisfait de
son travail. Mais je précise, j’ai recruté Garance comme n’importe quel autre
collaborateur : en fonction de ses compétences, et uniquement cela. C’est vrai, ce
n’est pas toujours facile pour les patrons de PME, car pour recruter il faut d’abord
un besoin, puis trouver les compétences adéquates. Mais je suis persuadé qu’il
faut aller vers eux, en multipliant les rencontres et les opérations du type
Handicafé. »
6. Liens utiles
www.agefiph.fr : cet organisme mène différentes actions pour améliorer l’accès à
l’emploi des travailleurs handicapés et aide les entreprises à recruter.
www.capemploi.net : Cap Emploi est un réseau de 118 organismes
départementaux, qui accompagne les personnes handicapées dans leurs
recherches d’emploi et propose aux entreprises un partenariat pour le recrutement
et le suivi.
www.hanploi.com : ce site propose de nombreuses offres d’emploi, de stage et de
formation.
www.handi-cv.com : Handi-cv met en ligne de nombreuses offres d’emploi, mais
aussi des actus et des conseils.
www.ladapt.asso.fr : le site de l’Association pour l’insertion sociale et
professionnelle des personnes handicapées regorge d’informations sur la
scolarisation, l’emploi, la formation continue, etc.
www.handroit.org : Handroit permet de s’informer sur les droits des personnes
handicapées, et différents aspects de la vie quotidienne.
Chiffres clés
20%
7. Le taux de chômage des personnes handicapées est évalué à 20%, soit le double
de celui de l’ensemble de la population
200 000
À ce jour, 200 000 personnes handicapées n’ont ni emploi ni perspective de
formation
+ de 27 000
Plus de 27 000 entreprises de moins de 100 salariés n’emploient aucun salarié
handicapé
7,6%
Les travailleurs handicapés représentent 7,6% des demandeurs d’emploi inscrits à
l’ANPE
49%
Parmi les demandeurs d’emploi handicapés, 49% sont au chômage depuis plus
d’un an
19%
19% des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau Bac et plus
Sources : Agefiph et ANPE