Article Le Parisien du 21-05-2021 : "De plus en plus d’habitants d’Île-de-France interpellent directement les politiques sur Internet pour leurs problèmes du quotidien. Une méthode qui peut se révéler efficace."
[Itw Le Parisien] Comment dialoguer avec vos élus sur Twitter
[Itw Le Parisien] Comment dialoguer avec vos élus sur Twitter
1. VI VENDREDI 21 MAI 2021 Le Grand Parisien
Votre fait du jour
 HÉLÈNEHAUS
ILS ONT TROUVÉ, sur les réseaux
sociaux, un moyen de glisser un
pied dans l’entrebâillement de la
portequ’onleurauraitpeut-êtrecla-
quée au nez si Twitter ou Facebook
n’existaient pas. Tous les jours, des
citoyens agacés utilisent ces médias
pour interpeller leurs élus locaux
sur des problèmes touchant à leur
quotidien.
Twitter, encore plus que Face-
book, a exacerbé le phénomène. Il
suffit à ses utilisateurs de mention-
ner le nom de leur maire ou de leur
député, avec le fameux @, pour que
leurs messages tombent directe-
ment dans les notifications des élus
concernés, et d’y ajouter quelques
bons mots-clés pour qu’ils soient
vus par tous les internautes intéres-
sésparlesmêmessujets.
«Ilssontbeaucoupplusréactifs
àl’approchedesélections»
En quelques secondes sur Internet,
les citoyens peuvent toucher n’im-
porte quel représentant politique
présent en ligne, avec parfois plus
d’impact que n’aurait eu un simple
courrier.Surtoutenpériodedecam-
pagne électorale, où les élus veillent
davantage à leur image médiatique :
celled’unreprésentantàl’écoutedes
préoccupationsdeseshabitants.
« Ils sont beaucoup plus réactifs à
l’approche des élections », confirme
ainsi l’auteur du compte Twitter
« Aubervilliers, c’est », qui dénonce
« le stationnement gênant, les ordu-
res et l’insécurité » dans la troisième
ville de Seine-Saint-Denis. « En in-
terpellant les élus, j’ai déjà eu des ré-
ponses avec des actions concrètes
derrière, raconte-t-il. Par exemple,
l’installation d’un grillage pour limi-
terlesdépôtssauvages.»
L’auteur de la page « saccage
Aubervilliers », un profil plus récent
qui aborde les mêmes sujets, a éga-
lement échangé récemment avec le
président du conseil départemental
de Seine-Saint-Denis, Stéphane
Troussel (PS), après l’avoir interpellé
à propos d’une décharge présente
danslacommune.
« On a beaucoup de réponses du
compte officiel de l’Établissement
public territorial Plaine commune,
de son président et de son directeur,
RÉSEAUX SOCIAUX | De plus en plus d’habitants d’Île-de-France
interpellent directement les politiques sur Internet pour leurs
problèmes du quotidien. Une méthode qui peut se révéler efficace.
Comment dialoguer
avec vos élus sur
Twitter
détaille l’auteur du compte. Ce sont
les plus réactifs. On sait que le prési-
dent du conseil départemental et la
maire d’Aubervilliers nous suivent
aussi sur les réseaux. Quand on les
interpelle sur les ordures, les agents
de nettoyage passent en moins
d’unejournée.Parcontre,lesactions
sont beaucoup moins rapides con-
cernant les trafics de drogue et de
vendeursàlasauvette.»
Desrisquesderécupération
politique
De son côté, le collectif SOS Quatre-
Chemins, qui milite pour une
meilleure qualité de vie dans ce
quartier à cheval sur les territoires
d’Aubervilliers et de Pantin (Seine-
Saint-Denis), dit avoir eu peu de ré-
ponsesdesdeuxmairies.
« Mais un élu a réellement réagi à
nos posts : le député Bastien La-
chaud (NDLR : élu LFI de la circons-
cription), précise-t-il. Il s’est déplacé
plusieurs fois pour rencontrer des
habitants, a fait une intervention à
l’Assemblée nationale, a écrit de
nombreux courriers au préfet et aux
maires. Les élus d’opposition ont
également réagi et abordé certains
sujetsenconseilmunicipal.»
Le collectif Sainte Marguerite,
centrésurlasécuritéetlatranquillité
aux Quatre-Chemins à Pantin, a
également lancé sa page Twitter,
après avoir usé des canaux tradi-
tionnelsdecommunication.Làaussi,
celaa(unpeu)faitbougerleschoses.
«Maislalimitedecesinterpellations
sur les réseaux, c’est la récupération
AVEC plus de 1,5 million d’abonnés
sur Twitter et 222000 sur Face-
book, difficile d’imaginer Anne Hi-
dalgo(PS)etsonéquiperépondreà
toutes les interpellations qu’elle re-
çoit au quotidien. Mais la maire de
Parisfaitfigured’exception.Laplu-
part des élus locaux cumulent
quelques milliers d’abonnés, ce qui
rendleséchangesbienplusfaciles.
Dialoguer avec les internautes
est devenu un travail supplémen-
taire pour ces représentants, déjà
sollicités par les canaux tradition-
nels de communication : lettres,
rencontres en permanence, mails,
coupsdetéléphone…Alorstousn’y
sont pas. Avec près de 2500 abon-
nés sur Twitter, Loline Bertin (PS),
adjointe à la Tranquillité publique à
Montreuil (Seine-Saint-Denis), fait
figure d’exemple en la matière.
Cetteéluede27ansprendletemps
de répondre à tous les messages
qu’ellereçoit.Etilssontnombreux.
«Lesréseauxsociauxfontpartie
de l’action politique, sans en être
l’alpha et l’oméga, juge-t-elle. Pour
FOCUS|Unnouveaumoyenpour
prendre«lepouls»desélecteurs
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politique facile qui peut aussi nous
desservir»,estime-t-il.
À Montreuil (Seine-Saint-Denis),
le collectif Parvis-Lagny Bas Mon-
treuil trouve que la situation du
quartier s’est quelque peu améliorée
depuis qu’il interpelle les élus publi-
quement. « S’il n’y avait pas Twitter,
on aurait toujours des campements
sauvagessousnosfenêtres,jugeune
membre. Même si les élus répon-
dent plus ou moins. Depuis les der-
nières élections municipales, les ad-
joints ont changé et certains sont
beaucoup plus à l’écoute que leurs
prédécesseurs, dont une qui nous
avaitbloqués!IlyanotammentLoli-
ne Bertin, adjointe PS à la Tranquilli-
té publique, qui prend toujours le
temps de nous répondre. Et en plus,
il se passe des choses derrière, ce
n’estpasqu’unefaçade.Maislesélus
commeellesontrares!»
Si beaucoup d’administrés utili-
sent des comptes anonymes pour
interpeller les responsables politi-
ques, d’autres le font en leur nom
propre, comme Julien à Auber-
villiers. « Je pense que le fait de ne
pas être anonyme est un peu fou,
mais que cela a plus d’impact pour
bousculer les choses », juge-t-il. En
apostrophant les élus en fonction de
leurs délégations, il a pu s’entretenir
avecplusieursd’entreeux.«Ilarrive
aussi que certains me contactent en
premier,pourmediredemecalmer
gentimentoumepousseràm’inves-
tir », raconte cet habitant, qui fait
également partie d’une association
localeetd’uncomitédequartier.
Loline Bertin, adjointe à la Tranquillité
publique à Montreuil (Seinet-Saint-Denis), et Bastien Lachaud, député
de Seine-saint-Denis, font parti de ces élus qui répondent lorsqu’ils
sont interpellés sur les réseaux sociaux.
CAPTURES
D’ÉCRAN
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D’ÉCRAN
TWITTER
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2. Le Grand Parisien VENDREDI 21MAI 2021 VII
Votre fait du jour
a
C’est sur Facebook
qu’ils communiquent
le plus avec leurs administrés
trois jours pour traiter ceux que j’ai
reçus. Entre Twitter et Facebook,
j’enaiunecinquantaineparsemai-
ne. » Et quand elle prend quelques
jours de vacances, l’élue poste un
message sur ses réseaux pour dire
qu’ellen’estpasjoignable.
M ê m e a v e c p l u s d e
104 000 abonnés sur Twitter,
Alexis Corbière (LFI), le député de
la septième circonscription de Sei-
ne-Saint-Denis, consulte ses mes-
sages quotidiennement. « Je ré-
ponds à la plupart des gens à partir
du moment où il y a un vrai sujet
derrière, même à ceux qui sont un
peu de mauvaise foi. Souvent, je
leur réponds en message privé, en
leur disant que je suis à leur dispo-
sition et cela les cloue un peu »,
sourit l’élu de 52 ans, qui a lui aussi
désactivésesnotifications.
«Souvent,jeregardelesréseaux
lesoir,vers22heures,celameper-
met de prendre le pouls de l’actua-
litéetdemacirconscription,relate-
t-il, comme sa collègue de
Montreuil. Même si dans les deux
cas, je sais que c’est un miroir dé-
formé de la société, mais il mérite
tout de même d’être regardé. »
Alexis Corbière fait tout de même
une différence entre Facebook et
Twitter. « Sur Facebook, les gens
sont plus aimables, car bien sou-
vent ils sont présents sous leurs
vrais noms. Sur Twitter, c’est
moins souvent le cas, donc c’est
plusfacilementagressif.»
 H.H.
REUTERS
Seuls les élus vraiment à l’aise
avec les réseaux sociaux
sont présents sur Twitter.
CRÉATEUR de l’Observatoire social-
media des territoires, qui analyse la
communication numérique des col-
lectivités, Franck Confino est con-
sultant numérique pour le secteur
public.
FRANCKCONFINO.
Aujourd’hui,onvoitbeaucoup
decomptesaunomdescollectivités
surlesréseauxsociaux.Est-ilaussi
importantpourlesélusd’être
présentssurcescanaux
decommunication?
Les réseaux sociaux sont un formi-
dable outil pour eux. Encore faut-il
savoir les utiliser… Il y a ceux chez
qui c’est inné, qui s’en sont servis
pour faire campagne par exemple.
Celaleurpermetd’avoirunliensup-
plémentaireavecunepartiedeleurs
administrés, montre qu’ils sont dans
l’air du temps. Des élus de tous âges
ont cette aisance, ce n’est pas propre
à une génération. Et puis, il y en a
d’autres qui sont beaucoup moins à
l’aise. L’important, c’est déjà d’avoir
envie d’y être. Si une personne se
force,çanemarcherapas.
Surquelsréseauxsont-ils
principalementprésents?
Sur Facebook. C’est là qu’ils com-
muniquent le plus auprès de leurs
administrés. Ils sont aussi sur Twit-
tercarilssaventqu’ilsvontytoucher
des journalistes. Mais on y trouve
surtout les élus les plus à l’aise avec
lenumérique.
Est-ceeuxquigèrentdirectement
leurscomptes?
Dans mes clients, il y a souvent des
personnes de leur cabinet qui ont
accès à leurs codes, des gens en qui
ils ont confiance qui peuvent poster
des messages en leurs noms, sur-
tout dans les grandes collectivités.
C’est une pratique courante. Mais ils
postent aussi, bien sûr, eux-mêmes
leurs propres messages. Les ré-
seaux sociaux leur permettent de
pour que les internautes aient plu-
sieurs interlocuteurs possibles. Il y a
deux catégories de messages : les
privés, que seuls les élus peuvent
voir et auxquels ils peuvent prendre
un peu plus de temps à répondre, et
lesinterpellationspubliques.Cesont
les plus intéressantes. Y répondre
présente davantage d’intérêt, car
c’est à une agora que vous parlez.
C’est aussi stratégique. Si vous pos-
tez un message, qu’une personne
réagit dessus publiquement et que
vous lui répondez, il remonte dans
les fils d’actualité. Vous êtes donc lu
davantage.
Maisilyaaussidestrolls,
cespersonnesquienvoient
desmessagesàfoisonsouvent
malveillants…
Le troll, on peut le maîtriser. En tout
cas,tantqu’illaissedesmessagessur
notre compte. Les élus doivent être
prêts à affronter la critique. Après,
chacunaseslimites,ilfautselesfixer
en amont. On peut toujours suppri-
meruncommentairequidépasseles
siennes, mais il faut relativiser. Si ça
ne se passe pas sur notre page, ça se
passera ailleurs. On voit beaucoup
degroupeslocauxsurlesréseauxoù
lesélusenprennentpourleurgrade,
sansqu’ilssoientinterpellésdirecte-
ment. Je pense que c’est intéressant
pour eux de regarder ce qu’il s’y dit,
c’est un peu comme s’ils étaient ca-
chésdansunbistrot!
Nerisquent-ilspaslesurmenage
enétantsollicitésenpermanence?
Lesréseauxsociauxnesontpasune
dictature de l’urgence. On n’a pas à
répondre à la minute aux gens. Je
conseille aux élus de couper les no-
tificationsdemessagesetdefixerun
temps défini pour s’en occuper. Un
élu qui passe sa vie sur les réseaux,
ça ne donne pas une bonne image
non plus, il n’a pas été élu pour cela.
Leterrainresteleplusimportant!
 H.H.
communiquer et d’avoir une idée
précise de l’audience qui les écoute,
alors qu’on ne peut pas savoir com-
bien de personnes ont lu un article
du journal municipal par exemple.
Ils peuvent y faire de la pédagogie
surleuractionpublique.
C’estdoncimportantpoureux
derépondreauxadministrés
quilesinterpellent?
C’est primordial. Quand un élu ré-
pond, il donne une marque de con-
fiance à la personne avec qui il
échange. Le problème, c’est juste-
ment ceux qui prennent les réseaux
pourunorganedecommunicationà
sens unique. Depuis la crise sanitai-
re,lenumériqueestdavantageprivi-
légié par les usagers qui ne se ren-
dent plus forcément dans les lieux
d’accueil publics. Ça crée des be-
soins nouveaux. Les comptes au
nom des collectivités sont d’ailleurs
trèsimportantsdanscedomaine.
Leséluspeuventrecevoir
desdizainesdesollicitations
dansunejournée.Commentbien
lestraiter?
Plusilssontdansunegrandecollec-
tivité, plus ils vont avoir besoin
d’aide. Cela peut être intéressant si
vous êtes maire d’avoir aussi vos
adjoints présents sur les réseaux,
DR
ENTRETIEN|«Quandunélurépond,ildonneunemarque
deconfianceàlapersonneavecquiiléchange»
FRANCK CONFINO, CONSULTANT NUMÉRIQUE POUR LE SECTEUR PUBLIC
Franck Confino, consultant numérique.
CAPTURE
D’ÉCRAN
TWITTER
moi, c’est un véritable outil de tra-
vail, ça me permet de prendre le
poulsdemaville,mêmesiçanese
substitue pas au terrain car tout le
monde n’y est pas. Mais cela per-
met aussi de toucher des gens qui
ne viendraient pas forcément nous
voirenmairie.Jefaisdelaveillesur
Montreuil.Enmatièredetranquilli-
tépublique,leshabitantsontbesoin
d’êtreentendus.»
Désactiverlesnotifications
Même s’ils ne sont pas toujours
tendres avec elle. « Les réseaux,
c’est comme la vraie vie, il y a des
gensplusoumoinspolis,encolère,
très politisés. Il ne faut pas fuir le
débat.Maseulelimite,c’estl’insulte
ou l’invective, mais généralement
letonredescendassezvite.»
Pour ne pas être dérangée en
permanence, Loline Bertin a dé-
sactivé ses notifications l’alertant
d’unnouveaumessage.«Jeprends
trente minutes tous les deux ou
a
Les réseaux, c’est comme
la vraie vie, il y a des gens
plus ou moins polis, en colère,
très politisés. Il ne faut
pas fuir le débat.
LOLINE BERTIN, ADJOINTE (PS)
À LA TRANQUILLITÉ PUBLIQUE
À MONTREUIL
Le collectif « Aubervilliers c’est »
interpelle régulièrement les élus
de la ville depuis son compte Twitter.
twipe_ftp