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1. La Libération de François DIDAILLER et
son retour à Fouesnant en 1945
François Didailler, né le 16 avril 1910, est mobilisé quelques jours avant la déclaration
de la guerre en septembre 1939, comme caporal à Lorient. Il est ensuite engagé sur le front du
Nord et la Belgique. Il est fait prisonnier à Givet. Il est prisonnier au Stalag 3 B durant 4
années.
François Didailler
Avec un groupe de
prisonniers Français
Au Stalag 3B 779 en
Allemagne
Matricule 22425
Il travaille dans une ferme, où les relations sont bonnes avec sa patronne. Le 15
février 1945, devant l’avance des troupes alliées, les Allemands décident de faire migrer les
prisonniers vers d’autres lieux. Ce jour là, réveil à 5 heures pour un départ prévu vers 8 heures
du camp. A 6 heures, départ de la ferme. Sa patronne lui remet un paquet de tabac, 10 cigares,
1 chemise, 6 livres de pain, 1 morceau de lard, du café et de la graisse, soit des vivres pour 4
jours. Les adieux sont tristes, chacun pleure, ne sachant pas ce que réserve le futur.
Vers 10 heures et demie un important bombardement de Cotbus retarde le départ, c’est
la panique, les bombes tombent tout autour de nous dans un vacarme épouvantable. Enfin à 12
heures départ en camion pour la destination de Dubkau.
Le 18 février nous arrivons à Dollinchen, où nous dormons au théâtre de la ville.
Notre seule nourriture, 300grammes de pain par jour, et on réussit à tenir 6 jours avec mes
vivres. J’arrive à avoir 8 kg de pommes de terre.
Après cette halte, départ le 8 mars à destination de Finstervoala où nous arrivons à
midi.
A minuit nouveau départ par le train. Nous sommes entassés à 53 dans un wagon de
marchandises. L’ambiance est électrique, un camarade est molesté. Après des échanges de
coups de poing, je décide de porter plainte auprès du chef de convoi.
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2. Le 9 mars c’est l’arrivée au camp de Fulkenberg-Torgau dans la région de Liepzig. Le
lendemain, départ pour Namburg et Kole. Le 11 mars direction Arnstatd. Puis c’est le départ
pour Gersteingen, toujours la fuite en avant, où nous arrivons le 12 mars.
Le 13 mars Bebra, le 14 mars Treysa-Bers, Neustadt le 15 mars, puis Marburg le 16
mars. Là nous avons cinq alertes de bombardement.
Le 17 mars direction Wetzburg-Weiburg et poursuite du chemin vers Limburg. Un
mitraillage du convoi entre Weiburg et Limburg, où nous arrivons le 18 mars à 10 heures,
mais à pied ( sans doute lors du mitraillage les camions sont détruits).
Stationnement pour quelques jours à Limburg, mais le 25 mars mitraillage, ce qui
provoque un nouveau départ.
Le 26 mars à minuit, départ à pied, avec pour toute nourriture les 2/3 d’un pain et ½
kg de viande. Nous marchons toute la nuit et arrivons à Veilburg à 10 heures, complètement
« vannés ». Pendant notre sommeil un mitraillage de la gare. A 18 heures départ toujours à
pied. Tout le long ce ne sont que des défilés de camions, chars, troupes allemandes suivies de
l’infirmerie, en plein repli, c’est la débâcle. Nous arrivons à Burgsolms où l’on dort à l’abri
dans une carrière (sans doute François Didailler a faussé compagnie à la colonne allemande).
Nous entendons alors les chars américains qui poursuivent leur avancée. Un train saute en
gare.
Ci dessus : François Didailler au stalag 3 B en compagnie
de camarades et d’un garde allemand.
Ci-contre : François Didailler, en tenue de travail, à la
ferme à laquelle il était employé comme prisonnier.
Nous sommes le 28 mars 1945, le jour tant attendu, à 16 heures je serre la main à un
soldat américain !
Nous commençons à nous organisés. Nous avons une chambre en ville. Dans les trains
incendiés, nous nous procurons du pain, etc… et du pinard, des conserves et de la margarine.
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3. Le lendemain pour la première fois depuis 5 ans, nous avons mangé chacun un
beefsteak… ! Quel bon repas !. De notre commando il ne reste que trois camarades : Le Mool,
Calvez et Tosser, les autres ont suivi la colonne allemande. Dans le village il n’y a que peu de
destructions. Durant nos déambulations en ville, nous croisons trois prisonniers allemands que
les Américains ont laissé les bras en l’air durant 2 heures… ; à chacun son tour.
Les civils français animent le village, sans doute sous l’effet du vin ! Ils ont hissé le
drapeau français sur l’usine qui les employait dans le cadre du STO. La population est
aimable avec nous.
J’avais l’intention de partir et pour cela j’ai acheté une voiture, mais il nous est
demandé de rester ici 3 ou 4 semaines. Que ce temps sera long !
Nous somme le 1er avril, c’est Pâques. Nous décidons de partir. Départ à 9 heures.
Nous emportons les provisions : 6 boites de conserves, 4 kg de carotte, 1 bidon de pinard, de
la margarine, de quoi manger pour une huitaine de jours !. Notre première étape sera de 25 km
. Nous dormons dans une grange après un repas chaud. (la voiture a dû rester à Bursolms)
Le 2 avril c’est la 2ème étape. Nous traversons Weilburg et Limburg, où nous faisons
une halte, complètement fourbus, après avoir essuyé une averse en traversant le bois. Nous
dormons dans une grange.
Le lendemain 3 avril, nous nous adressons au Maire pour avoir du travail. Nous voilà
embauchés à épandre du fumier. Le soir nous sommes hébergés et on dort dans un lit, ce qui
n’était pas arrivé depuis 5 ans.
Le mercredi 4 avril, mes camarades décident de retourner à Koblentz, et vu leur état
alcoolique, je décide de rester sur place. Je vais attendre ici 2 ou 3 semaines, malgré ma hâte
de rentrer. Je ne tiens pas en place, mais la nourriture est bonne.
Nous sommes le 6 avril, il m’est impossible de dormir dans un lit, je crois que je vais
être obligé de coucher à nouveau sur la paille. Hier soir j’ai écouté la radio de Paris. Ils
parlent de rapatriement des prisonniers de guerre.
Le 7 avril, il fait beau, je crois qu’on va se décider à partir. Le lendemain nous
décidons : nous partirons pour Koblentz demain et « merde » pour le travail, tant pis pour la
bonne nourriture et le bon lit.
9 avril, ouf ! Nous voici à Koblentz, logés à la caserne, mais nous dormons sur une
paillasse. La distance de Koblentz à Görgesansen est de 30 km, je suis content de moi, mes
camarades eux rouspètent. On parle de rapatriement pour demain. Avant notre départ notre
patron nous avait fourni du pain, des œufs, une boite de pâté et un gâteau, ce qui nous a
permis de faire un bon repas.
Le matin du 10 avril nous ne sommes que 250 Français, mais le soir il en est arrivé un
bon millier. Nous partageons un pain à quinze, mais nous avons bénéficié d’une belle journée.
Un colonel nous informe que nous aurons à franchir le Rhin demain et que nous sommes plus
heureux que ceux qui se trouvaient à Trêves, ceux-ci étant consignés pour 40 jours en raison
d’une épidémie de typhus.
Le 11 avril, je me réveille avec un mal de reins, sans doute en raison d’un lit un peu
dur. Mais la grande question est : partira-t-on aujourd’hui ?
Nous sommes le 12 avril et voici le départ, il est 4 heures. Nous prenons la direction
de Bonn en camion, où nous arrivons à 7 heures. Durant le trajet une forte averse de pluie
s’abat sur nous ; heureusement le camion est bâché. A midi pas de soupe au déjeuner,
seulement deux boites de conserves. Nous passons le Rhin à 18 heures pour intégrer une
nouvelle caserne à 8 km de Bonn. De la ville il ne reste que des ruines, avec quelques maisons
encore debout, quelle désolation !
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4. En ce 13 avril, quelle différence avec la veille. La nourriture est deux fois plus
abondante. Ici femmes et hommes sont mélangés, avec des Hollandais, des Belges, des
Polonais, des Russes, des Italiens etc… Nous sommes entre trois et quatre mille personnes.
On parle déjà de départ, par contingent d’une trentaine de camions paraît-il et si cela
est exact nous serions dans les veinards, pour les premiers départs. Toute la nuit nous
entendons le bruit du canon et des explosions sur la région et nous ne sommes pas très loin du
pont sur le Rhin. Une belle journée ensoleillée après cette nuit un peu bruyante et angoissante.
Nous sommes le 14 avril et prêt au départ. De nombreux camions sont venus, mais
pour nous rien encore. Je vois que dans l’armée française rien n’a changé, on ne s’occupe
même pas de nous ! Nous occupons le temps en discussion avec les femmes, qui sont
intéressantes et parfois avec les Belges et les Hollandais. Notre séjour en Allemagne nous a
permis de comprendre la langue et je me débrouille bien, au point que si on me laissait sortir
du camp, je me sens capable de faire la route à pied. Pendant ce temps le canon tonne toujours
sur Bonn.
Nous voici le 15 avril, çà nous « pète » ! Pas de départs ou très peu. Enfin voici au
numéro 5740 de partir, et j’ai le 5952, encore sept camions et ce sera notre tour. Je commence
à avoir le cafard ce matin. J’échange une boite de lait pour deux paquets de tabac ! Quelle
veine, cela me redonne un peu de moral. La nourriture se compose de biscuits le matin ou 1/3
de pain et une soupe le soir ; et comme lit, le plancher.
16 avril quelle veine ! Voici sept camions, mais arrêt du chargement au numéro 5948.
Je réussis quand même à monter dans le dernier camion. Nous passons la frontière à midi et
nous voici en Belgique. Nous prenons la direction de la gare où nous arrivons sans passer par
la caserne. Là nous rejoignons les autres partis la veille. Embarquement dans le train à
destination de Lille. Il est quatorze heures et une forte chaleur, mais je suis gai ! Gai !. Nous
traversons les gares d’Aix-La-Chapelle, Dinan et Verviers où nous arrivons à trois heures et
demie du matin.
Il faut faire la queue pour l’inscription et je n’en sors que vers cinq heures pour un
sommeil un peu court.
Le lever est à six heures trente. De nouveau la queue pour une douche, les papiers
d’identité, la visite médicale, la remise d’un petit pécule, ainsi qu’un casse-croûte, le tout
terminé à onze heures ! C’est énervant, mais inespéré. Le départ est programmé pour ce soir à
20h 05. Durant cette attente, je me suis payé un verre de vin au café, avec deux autres
collègues : résultat une addition de 52 fr 50, je n’en reviens pas du prix exorbitant des
consommations.
Le départ n’a pas eu lieu hier soir mais ce matin 17 avril à huit heures, et nous
arrivons à Paris le lendemain à six heures. A notre arrivée à la gare nous sommes transportés
par camion pour une séance de cinéma au « REX ». Nous recevons deux casse-croûtes, un
gobelet de vin.
Je suis un peu embarrassé. De passage à Paris il serait dommage de ne pas rendre une
petite visite à ma tante avant de rentrer au pays. Tant pis je lui téléphone, et j’arrive à lui
parler. Un rendez-vous est pris pour onze heures, elle viendra me chercher. Après la séance de
cinéma, je prends le premier camion au retour pour la gare d’Orsay. Je suis très énervé et ne
tiens pas en place en attendant ma tante. La voici avec Gisèle, une cousine. Toutes les deux
sont folles de joie. Nous passons l’après-midi à parler. Mon oncle arrive très tard, mais quelle
réception !
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5. Nous voici le 19 avril et je suis toujours à Paris. Avec mon oncle durant la matinée,
nous rencontrons des amis. On m’offre à boire. L’après-midi nous visitons le parc zoologique
et retour le soir pour un repas chez des amis. On me sert un bon « Pernod » d’avant guerre. Le
repas se termine tard et je me couche, il est une heure et demie.
Le 20 avril je reste chez eux le matin. Avant mon départ elle invite des amis, très
gentils, et on m’offre une bouteille de cognac. J’envoie un télégramme à ma femme pour la
prévenir de mon arrivée le lendemain. Ma tante me donne deux paquets de cigarettes, un
paquet de tabac, du vin blanc, du vin rouge et le cognac. Elle me conduit à la gare où je dois
prendre le train à 20 heures pour Quimper.
J’arrive à Quimper le 21 avril, soit plus de deux mois après ma libération. Il ne me
reste plus qu’à procéder aux formalités de démobilisation. Chose étonnante et rare, puisque
quelques jours après mon retour à Fouesnant, nous sommes le 1er mai et il a neigé !
Différents cachets du Stalag 3 B 779 à Furstenburg sur l’Oder à proximité de la Pologne
(Cet itinéraire est la retranscription du carnet personnel de François Didailler, que sa femme
Anna à bien voulu confier à Jean René Canévet. Février 2005)
Jean René Canévet
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