MASTER 2 INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE EN FORMATION
D’ADULTES
ANNÉE UNIVERSITAIRE 2018-2019
INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE NUMÉRIQUE
SIMULATION(S) :
DU JEU DE RÔLE AUX TECHNOLOGIES
POUR LA PÉDAGOGIE DES ADULTES
Myriam BENHADRIA
Janvier 2019
Sous la direction de Christophe Jeunesse
Table des matières
I. Qu’est-ce que la simulation ? ................................................................................................... 1
1. La simulation comme activité d’apprentissage.................................................................... 1
2. Déroulé d’une séance............................................................................................................3
3. Caractéristiques d’une simulation réussie .......................................................................... 4
4. Apports du numérique aux situations de simulation..........................................................5
5. Limites de la simulation....................................................................................................... 6
II. Domaines professionnels utilisant la simulation.................................................................... 6
1. Industrie et nucléaire........................................................................................................... 6
L’industrie : l’exemple des lamineurs de train à chaud .......................................................... 6
Le nucléaire : améliorer la sécurité grâce à la simulation .......................................................7
2. Transports............................................................................................................................. 8
3. Santé ..................................................................................................................................... 9
III. Zoom sur la simulation en santé ........................................................................................ 10
1. Un centre de simulation hospitalier................................................................................... 10
2. Un centre de simulation au sein d’un organisme de formation en santé......................... 14
IV. Quel avenir pour la simulation ?........................................................................................ 15
Bibliographie – Sitographie............................................................................................................ 18
1
Simulation : le mot résonne continuellement dans le monde de la formation d’adultes.
Entendu dans beaucoup de domaines procéduraux, ce mot semble résoudre tous les problèmes de
formation. Mais à quoi fait-on référence exactement lorsqu’on parle de simulation ? Quel en est son
cadre théorique ? Ces concepts de base sont plus que nécessaires si l’on veut se lancer dans l’aventure.
Les sirènes des supers-outils technologiques utilisés en simulation nous feraient presque oublier
qu’elle ne se transforme en apprentissage que si l’on respecte ses principes pédagogiques.
Afin de mieux cerner où en est la simulation en France actuellement et quels sont les apports
des technologies à ce moyen pédagogique, cette synthèse proposera dans un premier temps de
revenir sur les concepts fondamentaux et les limites de la simulation. Les différents secteurs d’activité
utilisant ce moyen de manière significative seront ensuite mis en lumière. Un zoom sur la simulation
en santé sera ensuite développé avec deux exemples de centres de simulation. Enfin, nous balaierons
les pistes d’avenir qu’offriront probablement les technologies qui émergent aujourd’hui pour la
simulation de demain.
I. Qu’est-ce que la simulation ?
1. La simulation comme activité d’apprentissage
La simulation a plusieurs définitions possibles en français. Cela peut être une imitation ou un
moyen scientifique d’expérimenter et de mettre à l’épreuve des hypothèses afin de les prouver. Mais
dans le domaine de la formation, la simulation consiste à modéliser « des environnements simplifiés
de la réalité permettant à son utilisateur de réaliser un apprentissage, sans les risques inhérents à
certaines situations réelles » (Sauvé & Kaufman, 2010). En effet, la première utilité de la simulation est
de pouvoir se substituer au réel, afin de réaliser un apprentissage alors même qu’il est trop difficile ou
trop dangereux d’effectuer un apprentissage pratique en situation concrète (Pastré, 2005).
Hormis cet aspect logistique, économique et sécuritaire, la simulation est par ailleurs un réel levier
d’apprentissage professionnel. Pierre Pastré (2005), en tant que didacticien, évoque les trois éléments
en présence lors de l’activité. Il s’agit selon lui de l’opérateur, des connaissances et du milieu. La
simulation permet alors de reproduire ce milieu le plus fidèlement possible afin que l’opérateur puisse
mettre en œuvre l’activité telle qu’il le ferait en situation réelle. Sauvé et Kaufman (2010) expliquent
que la simulation favorise l’acquisition par les apprenants de modèles cognitifs, permet la mise à l’essai
de modèles utilisés dans le cadre d’un système et de découvrir les liens entre différentes variables du
modèle.
En effet, dans une logique dictée par Piaget et Wallon, la simulation peut s’apparenter à ce que les
enfants mettent en place lors de leurs jeux d’imitation. Ces jeux leur permettent d’augmenter leur
capacité à se projeter et à imaginer des situations qu’ils n’ont jamais vécues. Par extension chez
l’adulte, la clinique de l’activité a démontré que « l’activité humaine n’est pas seulement liée à ce qui
est en train de se faire, c’est aussi se projeter, considérer ce qu’il reste à faire, anticiper » (Oget &
Audran, 2016). La simulation, même si elle n’est pas réalisée dans un milieu fidèle à la réalité permet
aussi au professionnel de répéter un geste pour s’en imprégner le mieux possible. En effet,
« l’apprentissage passe par l’exercice répété de la pratique ou par la résolution progressive de sous-
problèmes contenus dans l’activité » (Oget & Audran, 2016). Cela permet à l’apprenant de réagir et de
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réajuster ses comportements en cas d’erreur, ce qui consolide ses connaissances et cela sans
conséquence matérielle ou humaine.
De plus, la complexité peut être augmentée au fur et à mesure, dans un cadre s’approchant largement
de la réalité. Cela permet d’atteindre des objectifs de plus en plus complexes mais réalistes au regard
de la situation simulée (Sauvé & Kaufman, 2010).
L’une des premières activités de simulation lors d’activités d’apprentissage reste les jeux de rôles.
Faciles à mettre en place, ils permettent aux apprenants de se projeter dans une situation qu’ils
pourraient vivre dans leur activité professionnelle. Mais ils restent limités car l’absence d’éléments
provenant de la réalité réduit la projection des apprenants et leur apprentissage.
Les simulateurs interviennent alors, plus ou moins sophistiqués, afin de reproduire tout ou partie de
la réalité et ainsi favoriser l’apprentissage. On parle alors de simulateur basse, moyenne ou haute-
fidélité selon le degré de correspondance avec la réalité. Le terme « pleine-échelle » est également
utilisé pour définir un simulateur correspondant le plus possible à la réalité.
Seulement le milieu, représenté par le simulateur, ne suffit pas pour qu’une situation simulée soit de
bonne qualité et permette un apprentissage. Pastré évoque l’importance du choix de la simulation en
fonction des problèmes rencontrés en situation de travail. Selon lui (2005), il est nécessaire d’identifier
un problème rencontré dans une situation de travail, de l’analyser pour comprendre en quoi il consiste
exactement, afin de le reconstruire pour en faire un moyen d’apprentissage. Cela dans le but d’ensuite
mettre en scène une classe de situations qui comportent toutes le même problème mais avec certaines
variations qui vont « amener le sujet à transformer les ressources qu’il aura mobilisées dans un premier
temps. »
Ce que dit Pierre Pastré, c’est qu’ « il y a apprentissage quand un sujet est confronté à une situation
qui lui pose problème et que pour maîtriser la situation il est obligé de mobiliser des connaissances qui
lui permettront de donner une solution satisfaisante au problème ».
En dehors de l’avantage didactique de la simulation, il existe d’autres avantages eux aussi leviers de
l’apprentissage. En effet, en mettant leurs connaissances en pratique, les apprenants atteignent des
degrés de satisfaction et de participation élevés. Sauvé & Kaufman (2010) identifient plusieurs
avantages à la mise en œuvre d’activités de simulation :
- Elles favorisent la participation des apprenants en offrant des expériences motivantes,
captivantes, interactives et collaboratives maintenant leur attention.
- Elles augmentent l’expérience grâce à l’apprentissage de concepts et comportements
complexes.
- Elles multiplient la capacité d’intégration de la théorie, de l’expérience et des meilleures
pratiques.
- Enfin, elles décuplent les résultats d’apprentissage. En effet, « certaines études ont démontré
l’efficacité des simulations pour l’apprentissage d’ordre cognitif, émotionnel et psychomoteur
[…]. Selon ces études, les simulations stimulent l’apprentissage, offrent une rétroaction
immédiate, consolident les connaissances, favorisent l’acquisition et la mise en application de
compétences, contribuent au transfert du savoir et influent sur l’adoption de nouveaux
comportements et de nouvelles attitudes. »
Néanmoins, le passage sur simulateur n’est pas suffisant pour que l’opérateur intègre ce qu’il a vécu.
La phase de débriefing est primordiale car c’est là que se réalisent la majorité des apprentissages. Les
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discussions qui y ont lieu permettent en effet à l’apprenant de confronter ses connaissances avec celles
du reste du groupe et de les valider (Sauvé & Kaufman, 2010).
Si la phase de débriefing est importante, la phase de briefing et la phase de simulation sont tout aussi
primordiales à structurer. Nous allons voir un peu plus en détails comment se déroule une séance de
simulation.
2. Déroulé d’une séance
Avant même de commencer une séance de simulation, il est nécessaire d’établir un certain
nombre de scénarios à exploiter lors de la séance. Ces scénarios doivent être situés, contextualisés et
doivent correspondre à ce que le ou les opérateur(s) sont capables de mobiliser (Pastré, 2005).
Un simulateur de pleine échelle doit permettre de reproduire l’activité humaine sous ses trois
dimensions : cognitive, procédurale et d’habileté. On peut y ajouter « la dimension collective, dans la
mesure où le simulateur de pleine échelle peut être utilisé pour l’apprentissage de la coopération
communication entre opérateur multiples » (Pastré, 2005).
Il est nécessaire d’avoir ces éléments théoriques en tête lorsque l’on réfléchit à ce que l’on souhaite
faire mobiliser par les opérateurs lors de la situation simulée.
En présence des apprenants présents pour la situation de simulation, il est nécessaire de respecter les
trois phases suivantes : briefing, mise en situation et débriefing.
Tout d’abord, la phase de briefing permet de poser le cadre, de définir les objectifs et de
répondre aux interrogations des participants. C’est un moment préparatoire important qui « définit la
situation et ses enjeux, permet le repérage des tâches à réaliser, et laisse un temps d’échange
nécessaire à l’éclaircissement éventuel de points problématiques » (Oget & Audran, 2016). Les rôles
sont définis à ce moment-là pour éviter la confusion lors de la situation simulée. Le briefing est voué
également à montrer le simulateur et son fonctionnement pour éviter les moments de flottement lors
de la simulation. Les observateurs peuvent également se voir donner des missions particulières ou des
points de vigilance à observer, ce qui enrichira le débriefing ultérieur.
Ensuite vient la phase de simulation elle-même. Il est parfois préférable de travailler en binôme
de formateurs. En effet, l’activité peut être intense, avec plusieurs protagonistes à observer et la
double observation revêt des avantages non négligeables pour assurer un débriefing de qualité. Ainsi
certains points qui auraient pu être occultés pourront être exploités.
Lors de la phase de simulation, « le formateur procède à un ajustement permanent de la situation de
simulation aux stagiaires » (Fauquet-Alekhine et al., 2011) pour leur permettre de rester dans leur zone
de développement proximal qu’a décrite Vygotski. Le guidage effectué par le formateur peut revêtir
plusieurs formes. Il peut être plus ou moins actif selon les situations. La question d’intervenir en cas
d’erreur se pose souvent. Cela peut être délétère pour le sentiment d’efficacité personnelle ou
collective si la situation n’est pas maîtrisée. Dans des domaines où la sécurité est un critère de réussite
(aviation, santé), l’erreur n’est pas tolérée et le fait d’échouer en simulation peut fortement diminuer
la confiance en soi (Fauquet-Alekhine et al., 2011). Il est nécessaire de peser chaque situation en
fonction de ses différents paramètres pour savoir s’il est préférable d’aider ou non en cas de prises de
décisions allant vers l’échec.
Vient enfin le débriefing, phase la plus importante pour assurer les apprentissages. Cette
dernière phase « permet d’évaluer l’écart entre ce qui était prévu et ce qui a été réalisé. Ce débriefing
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est aussi un moment didactique et réflexif indispensable à tout processus de formation. Conduit par le
formateur, il engage les personnes en formation à exprimer leur expérience » (Oget & Audran, 2016).
En effet, vivre l’expérience ne suffit pas à l’apprentissage. Le débriefing permet cette distanciation par
rapport à l’action qui est nécessaire pour analyser et mettre en œuvre des processus cognitifs qui
pourront être remobilisés en situation réelle.
La clinique de l’activité apporte des clés pour comprendre l’importance de cette phase. En effet,
l’action des acteurs doit être mise en discussion par eux-mêmes. Ils expliquent alors ce qu’ils font « au-
delà de ce qui est a priori convenu, à le reformuler […] mais aussi à comprendre la façon dont chacun
d’eux appréhende la situation au-delà de ce qui est a priori convenu et peut rester implicite » (Fauquet-
Alekhine et al., 2011).
Le rôle du formateur est de faire ressortir grâce à la parole ce qui est important, même au travers de
certains mots qui peuvent paraître anodins mais qui traduisent des choses parfois plus complexes et
sous-jacentes. Le fait de questionner le « comment » est très important : il permet d’explorer tout ce
dont les acteurs n’ont pas conscience, dans l’action ou l’absence d’action, les pratiques implicites ou
convenues (Fauquet-Alekhine et al., 2011).
S’il y a des conflits, il est nécessaire de prendre du temps pour les résoudre au risque de voir les
participants en incapacité de se rendre disponibles cognitivement pour l’apprentissage.
Le temps alloué à la phase de débriefing doit être au moins égal à la phase de simulation en elle-même
mais elle peut parfois durer le double ou le triple.
Maintenant que nous avons défini les étapes d’une séance de simulation après avoir décrit les
processus psychopédagogiques qui s’y jouent, voyons quels sont les vecteurs d’une simulation réussie
dans la pratique.
3. Caractéristiques d’une simulation réussie
Pour résumer, une simulation doit comporter plusieurs caractéristiques pour être réussie. Selon Sauvé
& Kaufman (2010) :
- Elles doivent répondre à des besoins réels, ce qui nécessite d’analyser les besoins de manière
exhaustive avant de débuter la démarche de simulation.
- Le degré de fidélité doit être suffisant pour que les apprenants se projettent.
- Les scénarios doivent être présentés d’une manière progressive et en plusieurs étapes.
- Il faut transférer l’apprentissage dans des contextes authentiques. Par exemple la durée de la
simulation doit être similaire à la durée réelle.
Il faut ajouter à cela plusieurs choses que nous avons vu plus haut. Tout d’abord le choix du scénario
doit se porter sur un problème rencontré en situation réelle comme le souligne Pierre Pastré. Ensuite,
les trois étapes doivent être respectées et le formateur devra faciliter la compréhension, l’action et le
retour sur l’action. Enfin, une attention particulière doit être portée sur le débriefing afin de favoriser
l’apprentissage par l’expérience.
Cela n’a pas été encore évoqué, mais les formateurs doivent de préférence être formés à la simulation.
Ils peuvent être issus de l’opérationnel ou bien partager leur temps entre opérationnel et formation.
Il est cependant souhaitable que ces formateurs soient formés eux-mêmes à la pédagogie. En effet
leur expertise du métier ne suffit pas, quoiqu’elle assoit une certaine légitimité par rapport aux formés
(Fauquet-Alekhine et al., 2011). En France, il existe diverses formations, allant de celles dispensées par
des organismes de formation à des diplômes universitaires.
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5. Limites de la simulation
Évidemment, lorsqu’il s’agit de simulation haute-fidélité employant des ressources techniques
évoluées ou un simulateur sophistiqué, la principale limite reste le coût. Les ressources humaines ont
également un coût et cela peut s’avérer un frein pour travailler dans de bonnes conditions. Nous
verrons dans l’un des exemples plus bas qu’il est parfois nécessaire d’être trois personnes pour pouvoir
réaliser des séances de simulation de bonne qualité.
Par ailleurs, les situations peuvent être difficiles et longues à créer selon la situation de travail que l’on
souhaite imiter.
D’autre part, si le contenu change souvent, l’utilité peut être rapidement perdue ou bien il sera
nécessaire de recréer du contenu supplémentaire pour pallier aux manques.
Parfois l’apprenant ne trouve pas la simulation vraisemblable ou il peut avoir besoin d’un temps de
réflexion trop long, ce qui réduit son apprentissage (Sauvé & Kaufman, 2010).
De plus, il peut y avoir un effet délétère qui est appelé « effet simu » (Fauquet-Alekhine et al., 2011).
Cela peut s’observer lorsqu’il y a un manque de réalisme, si les opérateurs ont l’impression d’être
évalués ou mis à défaut par rapport à leur champ habituel de compétences. Le professionnel est alors
mis en difficulté lorsqu’il se retrouve en simulation. Il faut donc bien faire attention à la préparation
des séances lors du briefing notamment en pensant à toutes les questions que pourraient se poser les
stagiaires pendant leur passage.
Enfin, Oget et Audran (2016) souhaitent nous alerter sur la part trop importante que peuvent prendre
les simulateurs technologiquement sophistiqués, qui pourraient nous faire oublier l’importance des
principes énoncés jusqu’ici. Ils émettent même un doute sur le fait de développer toujours plus des
simulateurs très fidèles au réel, invoquant la capacité de l’imaginaire de l’être humain qui parviendrait
ainsi à inventer des situations inédites. Restons donc vigilants à ne pas « surutiliser » les technologies
au détriment des apprentissages à réaliser.
Après avoir exploré les aspects théoriques de la simulation et ce qu’ils impliquent, voyons
maintenant ses aspects pratiques en balayant les différents domaines professionnels ayant recours à
ce moyen pédagogique.
II. Domaines professionnels utilisant la simulation
Comme nous l’avons expliqué plus haut, la simulation est particulièrement utilisée dans des
domaines où la sécurité nécessite de s’exercer dans des conditions simulées. Elle l’est également dans
des situations où le coût ou la logistique pour s’exercer en situation réelle seraient trop importants.
C’est le cas dans le domaine de l’industrie et du nucléaire, des transports et de la santé. Ce dernier
point fera l’objet d’un chapitre à part entière afin de donner des exemples.
1. Industrie et nucléaire
L’industrie : l’exemple des lamineurs de train à chaud
L’industrie utilise depuis longtemps la simulation pour améliorer la qualité de ses productions
et de ses process. Cela a encore plus d’intérêt depuis que les machines sont devenues très élaborées.
En effet, les ouvriers ne travaillent plus eux-mêmes sur les chaînes de production. En revanche ils
doivent savoir ajuster les machines et veiller à ce que la production ne soit pas enrayée. Dans l’ouvrage
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dirigé par Fauquet-Alekhine (2011), Gérard Bonavia rapporte une expérience de simulateur conçu pour
les lamineurs de train à chaud, métier de la sidérurgie. Un simulateur a été imaginé pour ces ouvriers
car malgré les progrès sur l’automatisation, « la stabilité et la performance [des] résultats industriels
dépendent [des] opérateurs expérimentés ». La formation a été fortement mutée car il a fallu passer
de l’apprentissage d’un geste à la compréhension du système de production. Bonavia explique en effet
que l’action ou la non-action des ouvriers sont primordiales pour anticiper ou réagir selon les
circonstances. Le simulateur permet ainsi de comprendre ce qui pousse l’opérateur à prendre telle ou
telle décision et de l’analyser en vue d’améliorer les pratiques de chacun. De plus, le compagnonnage
largement utilisé dans la formation initiale pouvait s’avérer parfois approximatif. Le simulateur permet
de pallier un certain nombre de manques de la formation initiale.
La photo ci-dessous montre la taille importante du train à chaud qu’il semble difficile et coûteux à
reproduire. C’est pourquoi le simulateur
dont Bonavia parle a été modélisé
informatiquement. Les ouvriers travaillent
face à plusieurs écrans qui leurs donnent
des informations selon lesquelles ils
prennent des décisions. De plus, il est
quasiment impossible de stopper ou
freiner la production dans un but de
formation. Le numérique apporte ici un
gain de temps, de coût et certainement
une amélioration de la qualité des pièces
laminées.
Par ailleurs, il est maintenant possible de
faire appel à un organisme de formation spécialisé dans la création de simulateurs pour l’industrie1
. La
création du simulateur s’inscrit dans une démarche globale de formation continue. Ces simulateurs
sont construits en fonction de la réalité de l’entreprise commanditaire.
Le domaine de l’industrie se robotisant de plus en plus, les simulateurs y ont toutes leurs chances de
se développer encore dans les prochaines années, notamment grâce à l’amélioration des
fonctionnalités offertes par le numérique.
Le nucléaire : améliorer la sécurité grâce à la simulation
La France se targue de disposer du deuxième parc électronucléaire du monde, technologie
qu’elle développe depuis plus de cinquante ans (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
2018). Cela implique des enjeux de santé, de sécurité et de préservation de l’environnement
importants. La simulation est un moyen de formation continue primordial afin d’améliorer et garantir
le niveau de sécurité. En effet, ce secteur de pointe est le lieu d’actualisations fréquentes et il est
nécessaire qu’elles soient transmises aux opérateurs des centrales nucléaires.
1
Par exemple, le groupe SPC propose ce type de prestations : https://groupe-spc.com/spc-formation/spc-
formation-prestation/simulateurs-pour-la-formation/
Image 2 – Exemple de train à chaud
8
Philippe Fauquet-Alekhine et Carole
Maridonneau, dans le même ouvrage cité
ci-dessus évoquent leur retour
d’expérience sur l’utilisation d’un
simulateur pour le pilotage des centrales
nucléaires. En effet, Electricité de France
(EDF) en tant que principal exploitant des
centrales françaises dispose de plusieurs
simulateurs disséminés à travers la
France. Il s’agit principalement de
reproductions de la console de contrôle
du réacteur, disposant d’une régie à
l’arrière et de caméras afin de filmer les stagiaires.
Les objectifs pour ce type de simulation peuvent être de différents types : professionnalisation initiale,
formation continue, application de procédures accidentelles, développement des savoir-faire… Une
méthode apparentée à l’analyse des pratiques est utilisée lors du débriefing afin de comprendre les
prises de décisions et actions qui ont été réalisée lors de la séance.
Nous l’aurons compris, des domaines aussi lourds que l’industrie et le nucléaire se prêtent bien à la
formation par la simulation. Cela devrait se développer encore dans les prochaines années dans les
domaines de l’énergie, avec le développement important de certains procédés comme le solaire,
l’éolien et l’hydraulique.
2. Transports
Le secteur des transports et notamment l’aéronautique a été précurseur dans l’utilisation de
simulateurs dans la formation. En aéronautique, les premiers simulateurs ont fait leur apparition à la
fin de la première guerre mondiale, face au nombre trop important de destruction d’aéronefs par des
pilotes novices.
Leur utilisation a été généralisée aux autres transports comme la marine, le train et la route.
Auparavant moyens de formation uniquement, ils sont aujourd’hui utilisés pour satisfaire les exigences
réglementaires, notamment dans l’aviation et dans la marine. En effet, ces moyens de transport lourds
sont coûteux, encombrants et complexes à manier, surtout pour un débutant.
C’est pourquoi en école de pilote de ligne les premières heures de vol sont réalisées en simulateur. Il
en existe deux types (Fauquet-Alekhine et al., 2011) :
- Le « Fixed Base Simulator » qui est une reconstitution exacte du cockpit mais n’a pas de
mouvement ou de visualisation de l’environnement extérieur. Il sert surtout à comprendre le
fonctionnement général de l’avion et les pannes.
- Le « Full Flight Simulator » est lui monté sur vérins, ce qui permet de reproduire les
mouvements. Le pare-brise montre un environnement simulé proche de la réalité afin que le
pilote se sente complètement immergé.
Image 3 - Simulateur du réacteur nucléaire de Civaux
9
L’utilisation du simulateur de vol a bien entendu un intérêt écologique mais il possède également des
intérêts pédagogiques non négligeables. En effet, l’instructeur est situé juste derrière les apprentis
pilotes dans le simulateur et peut intervenir à tout moment. Il peut choisir de « geler » l’avion afin de
prendre le temps nécessaire pour donner des explications aux stagiaires. Il peut également
repositionner l’avion à un moment antérieur ou à un moment voulu, changer certains paramètres de
l’avion à volonté, visualiser a posteriori les paramètres de vol etc.
La simulation a de plus un effet sur le stress des pilotes, qu’ils ressentent de la même manière que s’ils
étaient en situation réelle. Cela leur permet ainsi de s’accoutumer au stress et d’apprendre à le gérer.
Aujourd’hui, la majorité des compagnies aériennes imposent à leurs pilotes, en plus des obligations
réglementaires, des séances de simulation régulières qui portent sur les incidents constatés au cours
de l’année.
3. Santé
L’autre domaine majeur où la simulation s’est développée de manière fulgurante ces dernières
années est la santé. Ce développement a débuté en Amérique du Nord dans les années 1960 et n’a
cessé de croître pour répondre à des enjeux de sécurité des patients toujours plus importants. Il a été
tel qu’aujourd’hui certaines professions de santé sont accréditées par ce moyen en Amérique du Nord
(Galland, 2018). Le large champ de la médecine est un terrain expérimental sans commune mesure
pour l’apprentissage par la simulation. Les spécialités médicales, chirurgicales et paramédicales
nécessitent une connaissance approfondie des techniques de soin bien sûr mais aussi des compétences
relationnelles non négligeables, que ce soit avec les patients ou lors de situations critiques gérées en
équipe.
Une phrase revient souvent lorsqu’on lit ou discute de la simulation en santé : « jamais la première fois
sur le patient ». Elle montre à quel point l’apprentissage de la médecine a changé. Autrefois les
médecins n’avaient d’autre choix que d’effectuer leurs premiers soins sur de « vrais » malades, et cela
parfois au risque de commettre une erreur plus ou moins grave pour la santé du patient. Depuis
quelques années, la qualité des soins est devenue une préoccupation générale. L’erreur n’est plus
admise lorsqu’il s’agit de vies humaines. Et bien que l’on sache que la médecine n’est pas une science
exacte, l’exactitude est pourtant de plus en plus demandée.
La simulation peut permettre de répondre en partie à ces enjeux. En effet, elle permet de « diminuer
l’anxiété des étudiants confrontés à leur « première fois » et d’apaiser les patients qui ne se sentiraient
Image 5 – Intérieur d’un Full Flight SimulatorImage 4 – Extérieur d’un Full Flight Simulator
10
plus « cobaye » (Galland, 2018). Elle augmente le sentiment d’efficacité personnelle de l’étudiant ou
du professionnel qui se sent compétent dans ce qu’il entreprend et ainsi rassure le patient (Secheresse
et al., 2016).
Attention toutefois, la simulation en santé est très coûteuse, les mannequins les plus sophistiqués qui
coûtent déjà très cher nécessitent parfois l’achat de consommables au prix fort. De plus, il y aura
toujours une première fois avec le patient. Même si s’être exercé sur simulateur auparavant évite un
trop grand stress, la réalité est parfois impressionnante. Il faut donc penser la formation par la
simulation comme un « outil complémentaire pour l’apprentissage sémiologique, diagnostique et
thérapeutique » (Galland, 2018).
Nous allons voir au travers de deux exemples de centres de simulation en santé quels sont les matériels
utilisés, les ressources humaines mobilisées et les types de situations scénarisées afin de mieux
comprendre en pratique ce qu’est la simulation en santé.
III. Zoom sur la simulation en santé
Il se trouve qu’en tant qu’infirmière, mon réseau m’a permis de visiter deux centres de
simulation : l’un dans un hôpital de la région parisienne, ouvert depuis 2015, l’autre dans un organisme
de formation en santé, récemment installé dans ses nouveaux locaux. Nous verrons que les deux ont
des fonctionnements différents, notamment du fait de leurs vocations assez différentes l’une de
l’autre mais que globalement, l’intérêt didactique et professionnalisant est assez commun.
Je choisis de ne pas nommer les deux organismes de formation afin de respecter une certaine
discrétion qui m’a été demandée. En revanche, j’ai été autorisée à utiliser des photographies à
condition de respecter l’anonymat des personnes photographiées.
1. Un centre de simulation hospitalier
Ce centre de simulation fait partie d’un organisme de formation (OF) créé par la fondation
administrant l’hôpital. Cet hôpital universitaire accueille en stage bon nombre d’étudiants en
médecine, en maïeutique, en soins infirmiers et autres professions de santé. Il draine les deux écoles
qui lui sont accolées (école de sages-femmes et Institut de Formation en Soins Infirmiers) mais
également les étudiants en médecine de l’université dont ils sont partenaires.
La volonté de l’hôpital de se positionner comme un acteur majeur de la simulation en santé l’a poussé
à créer l’OF puis le centre de simulation. Celui-ci occupe 600 m² de surface entre plateaux techniques
et salles de formation ou débriefing. Le public accueilli est varié : il s’agit d’étudiants et de
professionnels des métiers médicaux et paramédicaux. Environ 1200 personnes passent par le centre
de simulation chaque année.
Différentes thématiques de formation y sont proposées : l’anesthésie-réanimation, la chirurgie de
pointe, l’obstétrique, les urgences, la préparation des anti-cancéreux. Tous ces domaines font appel à
des mannequins ou des simulateurs de pointe. Mais d’autres thématiques nécessitent l’intervention
de patients standardisés ou d’acteurs qui jouent le rôle de la famille. C’est le cas pour les formations
sur la communication, les greffes et même parfois pour les thématiques citées précédemment. L’un
des scénarii consiste à faire mourir sciemment le mannequin, sans que cela soit dû à une erreur d’un
participant et ainsi permettre de passer ensuite en salle des familles pour annoncer le décès. Le
débriefing sera focalisé sur la phase d’annonce, le briefing ayant permis en amont de désamorcer ce
11
qui allait se passer avec le patient. Cela permet de rendre
la situation plus réaliste pour que les participants
s’investissent pleinement dans leur rôle.
Les formateurs sont pour la plupart des médecins de
l’hôpital ayant suivi une formation de formateur en
simulation. Mais l’OF fait appel à des prestataires qui
mettent en œuvre les simulations et gèrent l’aspect
technique (caméras, mannequins, régie…).
Les thématiques développées correspondent aux
spécialités de l’hôpital. L’un des acteurs majeurs présent
depuis la création du centre de simulation est un
médecin anesthésiste. C’est pourquoi tout
naturellement les simulations en anesthésie ont été
développées de manière plus importante et sont
aujourd’hui rodées.
Par ailleurs, la neurochirurgie y est un domaine d’excellence,
l’un des chirurgiens exerçant au sein de l’hôpital ayant
développé une technique chirurgicale utilisée aujourd’hui dans
le monde entier. Elle consiste à réaliser l’ablation de
l’hypophyse, petite glande intracrânienne accessible par robot
par voie nasale. Plusieurs simulateurs ont été acquis par l’OF
afin de former des neurochirurgiens du monde entier à cette
technique. Le simulateur permet de visualiser ce que
l’opérateur fait sur une tête en silicone à usage unique. C’est le
neurochirurgien de l’hôpital, lui-même formé à la simulation
qui dirige les séances de simulation. Cette partie du centre de
simulation a coûté très cher, le matériel étant similaire à celui
retrouvé au bloc opératoire. Les têtes siliconées ont également
un coût élevé et ne sont pas réutilisables une fois percées lors
de la séance.
Le centre de simulation dispose de différents mannequins de
simulation très sophistiqués : un homme adulte, une femme
adulte enceinte avec bassin obstétrique, un bébé de 10 jours
et un prématuré. Ces mannequins peuvent parler grâce à l’intervention du régisseur, on peut les
ausculter car ils « respirent » et on peut ressentir un pouls. Deux salles sont dédiées à leur
manipulation lors de différents scénarii en haute-fidélité. Des caméras permettent d’observer tous les
acteurs et leurs actions. Les étudiant(e)s et professionnel(le)s sages-femmes et médecins obstétriques
peuvent ainsi s’exercer sur des situations critiques en obstétrique.
Image 7 – Simulateur d’ablation de
l’hypophyse par voie endo-nasale
Image 6 – Simulation en anesthésie
12
Pour les personnels paramédicaux, une « chambre des
erreurs » peut être mise en place dans un but
d’amélioration de la qualité des soins et de gestion des
risques. Cela consiste à reproduire une chambre de patient
et d’y incorporer des « erreurs » que les participants
doivent identifier.
Le centre dispose également de plusieurs bras de simulation
utilisés pour que les étudiants s’entrainent à perfuser, geste
douloureux et assez compliqué lorsqu’on ne l’a jamais
pratiqué. Ces bras sont assez réalistes et sont l’interface
idéale pour comprendre le déroulement de la technique de
soin, appliquer les principes d’hygiène et effectuer les gestes.
Cependant l’étudiant ne ressentira pas exactement ce qu’il
vivra en situation réelle : les veines qui roulent, la peau plus
ou moins fine, la peur ou non de l’aiguille de la part du patient etc.
Enfin, l’une des dernières particularités de ce centre de simulation est leur simulateur d’isolateur pour
la préparation des chimiothérapies. Ces molécules détruisent les cellules cancéreuses mais sont un
danger pour les personnes en bonne santé qui les manipulent. Depuis une dizaine d’années, les
chimiothérapies sont préparées par des préparateurs en pharmacie dans une unité spécifique distincte
du service de soins. Ces préparations sont effectuées dans un isolateur stérile limitant la dissémination
des molécules cytotoxiques mais aussi la contamination des poches ainsi préparées. Le circuit des
Image 8 - Mannequin de simulation en
obstétrique
Image 9 - Bras de simulation pour
perfusion
Image 10 - Simulateur d'isolateur pour préparation de cytotoxiques
13
cytotoxiques est complexe et nécessite une vigilance accrue. Afin d’assimiler tous ces processus, le
simulateur apporte une aide non négligeable.
Les préparateurs et pharmaciens viennent s’y exercer et mettre à jour leurs connaissances car de
nouvelles molécules apparaissent sur le marché régulièrement. Une caméra située à l’intérieur de
l’isolateur permet au formateur de scruter les moindres gestes effectués et notamment de vérifier la
dilution effectuée. Le centre convie également les infirmières de cancérologie à des séances de
formation pour prendre conscience de la dangerosité parfois sous-estimée de ces molécules. Cela
permet de changer leurs habitudes de manipulation des poches au lit du patient.
Pour résumer, ce centre de simulation a une grande variété de scenarii possibles issu des spécialités
de l’hôpital dans lequel il a été développé. Depuis peu, il fait appel à des prestataires en mesure
d’incorporer de la réalité virtuelle pour certaines séances de simulation, notamment en chirurgie. Nous
verrons que ces technologies sont l’avenir de la simulation.
Quatre questions à Sophie Prissette2 sur la simulation pour les paramédicaux
Quelle est la plus-value de la simulation pour les paramédicaux ?
SP : La particularité de l’utilisation de la simulation en formation initiale comme nous le faisons est de
rendre plus réalistes les situations que les étudiants risquent de rencontrer lors de leurs stages. Cela
augmente leur capacité à se projeter dans l’exercice de la fonction qu’ils occuperont.
Je pense également que cela a un impact certain sur le sentiment d’efficacité personnelle des étudiants.
On constate une prise de confiance en soi plus importante.
L’autre avantage est le développement de l’analyse clinique. On demande aux étudiants dès le début de
leur formation de savoir observer et d’analyser ce qu’ils voient. La simulation permet de passer à la
pratique rapidement.
Quels scenarii déroulez-vous dans vos sessions de simulation ?
SP : Alors pour commencer, avec les étudiant(e)s auxiliaires de puériculture (EAP), nous avons l’accueil
en crèche, les conseils à l’allaitement maternel et la prise en charge de l’enfant. Avec les étudiant(e)s aide-
soignant(e)s (EAS), nous avons l’accueil en EHPAD, en orthopédie et en rhumatologie. La plupart de ces
simulations se font avec des patients standardisés puisqu’il s’agit plutôt de soins relationnels. Enfin, avec
les étudiants en soins infirmiers (ESI), en 1ère
année nous leur proposons les différents scenarii d’accueil
utilisés avec les EAS, en 2ème
année les situations dysfonctionnelles en transfusion sanguine et enfin en
3ème
année les situations d’urgence et le travail collaboratif avec EAS et EAP, ce qui est assez spécifique.
Que vous permet de mettre en exergue le débriefing ?
SP : C’est selon la situation et surtout selon les objectifs du scenario. En général les objectifs sont respectés
grâce aux scenarii qui sont assez bien ficelés. Evidemment s’il y a des aléas c’est sur cela qu’on va débriefer
le plus. Le but c’est d’amener les étudiants à évaluer les écarts entre ce qui a été fait et les attendus. Pour
certains étudiants, ils vont eux-mêmes mener le débriefing et dans ces cas-là nous les aidons à analyser
leur pratique.
2
Cadre formatrice à l’IFSI Saint-Joseph à Paris, elle a co-écrit avec Catherine Dupuy-Maribas le premier ouvrage
français sur la simulation à destination des paramédicaux : Formation par la simulation et soins infirmiers, paru
en 2016 aux éditions Lamarre. L’IFSI Saint-Joseph utilise la simulation pour ses étudiants en soins infirmiers,
auxiliaires de puériculture et aide-soignant(e)s depuis 2012. Ils disposent de deux centres de simulation : l’un est
dans les locaux de l’IFSI, l’autre dépend de l’hôpital Saint-Joseph attenant.
15
Cet exemple de centre de simulation est intéressant car les formations peuvent s’adresser à des
équipes constituées ou bien à des personnes qui ne se connaissent pas, provenant d’établissements
différents. Cela se rencontre de plus en plus dans la réalité chez les infirmiers anesthésistes qui font
de plus en plus de missions d’intérim et qui peuvent se retrouver avec des personnes dont elles ne
connaissent pas les méthodes de travail.
L’OF propose par ailleurs de se déplacer « in situ » au sein des établissements qui en font la demande
avec leur matériel et formateurs. Cela a un réel intérêt pour s’adapter au matériel et aux manières de
faire de l’établissement.
Pour conclure, ce centre de simulation est bien différent du premier, notamment à cause de la vocation
des entreprises dans lesquelles ils ont été créés. Ils touchent tous les deux à des domaines bien
différents mais apportent au domaine de la santé de réels bénéfices en termes de formation initiale et
continue.
Après ces exemples tirés du terrain de la simulation telle qu’elle existe aujourd’hui, voyons quelles
sont ses perspectives d’avenir, notamment avec l’adjonction de nouvelles technologies.
IV. Quel avenir pour la simulation ?
La simulation, nous l’avons vu, se dote de plus en plus de technologies. Beaucoup de choses
peuvent encore lui permettre de se développer. En ce qui concerne la simulation en santé, nous avons
vu que les mannequins sont de plus en plus sophistiqués et le digital aide beaucoup à rendre les
situations réalistes. En revanche, il leur manque encore de pouvoir changer de couleur, de matérialiser
un changement au niveau cutané, la sudation, la chaleur ou la froideur etc. Peut-être un jour aurons-
nous des « robots-mannequins » ayant ces capacités. Cela serait d’une grande aide pour le jugement
clinique, base des métiers de la santé.
L’autre avancée majeure déjà en cours est le développement des logiciels de simulation. Il y a un réel
potentiel et ceci dans tous les domaines pour ces modes d’apprentissage. Attention toutefois à ne pas
oublier la pédagogie, notamment grâce à une forme de débriefing après le passage sur simulateur. En
effet, l’interface fait beaucoup penser à un jeu vidéo et on pourrait se « prendre au jeu » et oublier
que la première vocation de ces logiciels est l’apprentissage.
Image 11 - Séance de simulation de situation critique en réanimation
16
Par ailleurs, la réalité virtuelle (VR) permet déjà de réaliser des séances de simulation lorsque
l’environnement ne le permet pas. L’apprenant est plongé dans un monde virtuel semblable à son lieu
d’exercice où il va pouvoir développer des compétences non-techniques. En effet, il est impossible
avec le seul casque de VR de réaliser des gestes et des procédures techniques (Barre et al., 2017). Une
agence a d’ailleurs développé des modules de simulation en réalité virtuelle pour des commerciaux3
.
Le gant haptique, qui permet de prendre la composante gestuelle est encore perfectible mais est déjà
utilisé dans certains domaines comme la chirurgie pour s’entraîner sur des protocoles complexes.
D’autre part, la réalité augmentée est également en plein essor et fera sûrement partie des situations
simulées des prochaines années. Les lunettes Hololens4
ont déjà été utilisées lors d’interventions
chirurgicales complexes où les imageries téléchargées au préalable permettait au chirurgien de
visualiser ce qui se situait en dessous de ce qu’il voyait réellement. Cela pourra certainement être
utilisé en pédagogie pour l’apprentissage de certaines techniques complexes.
Un logiciel de simulation pour le « damage control »
En secourisme, les formations s’appuient
beaucoup sur les jeux de rôle pour mettre en
situation les apprenants. Le maquillage et
les instructions données à la victime simulée
sont la base de la simulation. Aujourd’hui,
cela s’avère insuffisant, notamment au vu
des événements terroristes qui touchent la
France depuis quelques années. La
médecine d’urgence se voit confrontée à des
situations où les victimes sont nombreuses
et dont le pronostic vital est très rapidement
dégradé par des hémorragies et des atteintes
traumatiques importantes. Cela est nouveau
et nécessite l’adaptation de la médecine
d’urgence mais il est difficile de disposer d’un nombre suffisant de victimes simulées pour que cela soit
crédible.
Une société qui développe des logiciels de simulation a créé une simulation pour le « damage control5
»,
technique de gestion d’un nombre important de victimes en préhospitalier. Il propose différents scenarii
et la possibilité de paramétrer le nombre de victimes et les moyens sur place. Ainsi, différents
professionnels peuvent s’exercer sur ce simulateur : secouristes, médecins, infirmiers… La prise en charge
est adaptée à chaque contexte. Cela s’avère très intéressant pour former rapidement les acteurs de
l’urgence au damage control qui est un procédé nouveau pour les acteurs du secourisme français.
3
Développé par l’agence Jin, le Pitchboy vise à améliorer les résultats de ventes des commerciaux :
https://www.usine-digitale.fr/article/le-pitchboy-un-simulateur-de-vente-pour-former-les-commerciaux-en-
realite-virtuelle.N757534
4
Lunettes de réalité augmentée de Microsoft : https://experiences.microsoft.fr/business/new-culture-of-work-
business/chirurgie-assistee-avec-hololens/
5
Logiciel développé par la société Medusims : http://www.medusims.com/traumasims/
Image 12 - Capture d'écran Traumasims
17
Reste à imaginer ce que l’intelligence artificielle pourra apporter aux situations simulées. Peut-être
anticiper ou analyser les réactions et décisions prises et adapter le scenario en temps réel ? Dans ce
cas, plus besoin de trois personnes pour gérer le temps de simulation… Ou bien imaginer des scenarii
instantanément selon les objectifs que se fixent les apprenants eux-mêmes ?
Ce qui est sûr, c’est que la simulation va voir émerger de nouveaux métiers ou spécialités en pédagogie
et il faudra parvenir à développer les compétences des professionnels qui choisiront cette voie.
En conclusion, nous avons vu que la simulation possède un réel attrait pédagogique lorsqu’il s’agit de
former à la maîtrise du geste, aux procédures et au travail pluriprofessionnel. Les technologies
numériques sont une réelle plus-value pour améliorer le réalisme des séances de simulation. Toutefois,
il ne faut pas perdre de vue les principes clés de la simulation, issus de la didactique professionnelle. A
chaque situation, il faut pouvoir se poser la question de la pertinence de choisir la simulation comme
levier d’apprentissage.
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