Comment élaborer un partenariat
Public-Communs ?
Par Calimaq.
Formation ENSSIB
« Comprendre, utiliser et contribuer aux communs de
la connaissance sur les territoires »
Au programme
1) Les origines du concept de partenariat
Public-Communs et ses déclinaisons.
2) Quelques questions théoriques sur les
liens entre les Communs et les acteurs
publics.
3) Quels rapports avec les bibliothèques ?
4) Des exemples qui peuvent servir de
sources d’inspiration.
5) Quelle méthodologie pour bâtir des
partenariats Public-Communs ?
De la critique des partenariats Public-Privé à une
proposition de « Communification » des Services publics.
Article de Tommasio Fattori :
« Sur la transformation des services publics
en biens communs »
« Les communs peuvent devenir un moyen de transformer le
secteur public et les services publics (souvent affectés par la
bureaucratie et soumis aux lobbies pour aller dans le sens
d’intérêts privés) : un moyen d’aller vers leur
« Communification » . Il existe de nombreux croisements
vertueux possibles entre le secteur public traditionnel et le celui
des Communs.
La Communification va au-delà de la simple dé-privatisation du
secteur public : elle vise également sa démocratisation, ramène
des éléments d’auto-organisation et d’autogestion, par les
habitants eux-mêmes, des biens et des services d'intérêt général
(ou la gestion participative au sein d’organismes publics
revitalisés). La concrétisation de ce projet est un processus dans
lequel les habitants d'un territoire rassemblent leurs capacités
et leur pouvoir d’agir pour prendre des décisions, orienter les
choix, les règles et les priorités, se réapproprier la possibilité
même de gouverner et de gérer les biens et services de manière
participative. »
Editions du Conseil de
l’Europe – 2014.
De la Communification des services
publics à « l’Etat-partenaire »
Article de Tommasio Fattori :
« Sur la transformation des services publics
en biens communs »
Editions du Conseil de
l’Europe – 2014.
« Plusieurs formes de partenariats public-commun peuvent
être développées, pour le rôle de l'état soit réorienté, du soutien
des subventions aux sociétés privées à but lucratif, au soutien
des communs et à la création de valeur commune. Cela peut
être réalisé grâce à des exonérations fiscales, des subventions et
l’appui à des activités de partage et de mise en commun, mais
aussi, par exemple, en attribuant des biens publics appartenant
à l'État à un usage commun et partagé grâce à des projets
permettant aux institutions publiques et aux commoners de
travailler ensemble. Il s'agit d'une piste qui pourrait être le
début d'une transformation générale du rôle de l'État et des
autorités locales vers un « État-partenaire », à savoir des
autorités publiques qui créent un environnement favorable et
des infrastructures de soutien afin que les citoyens puissent
produire entre pairs des valeurs qui profiteront à l’ensemble de
la société, selon la définition donnée par Michel Bauwens. »
Michel Bauwens et le modèle des
« for benefit organizations »https://www.tni.org/en/publication/commons-transition-and-p2p
Une source d’inspiration pour repenser
le rôle de l’Etat ?
« Le modèle de la "for benefit association" est pour moi
aussi un modèle de l'état. A côté du bien commun de ces
réseaux qui sont les territoires virtuels, il y a une institution
démocratique et délibérative qui gère l'infrastructure
commune et qui peut très bien s'appliquer comme une
vision de l'Etat. Ce serait un état facilitateur, contributeur,
etc... qui crée les conditions contributives, c'est à dire qui
crée les capacités pour que tous les citoyens puissent
contribuer d'une façon égale à ce nouveau système. »
http://wiki.remixthecommons.org/index.php/Forces_et_limites_de_la_d%C3%A9marche_pair_%C3%A0_pair
De l’Etat-partenaire à la
« société des Communs »
• Projet FLOK Society
• Commons Transition Plan
Déclinaisons françaises…
Pierre Dardot et Christian Laval :
« Les services publics doivent devenir les
institutions du Commun ».
« La question est donc de savoir comment
transformer des services publics pour en faire des
institutions du commun ordonnées aux droits d’usage
commun et gouvernées démocratiquement. Il
s’agirait non plus de concevoir l’Etat comme une
gigantesque administration centralisée mais plutôt
comme un garant ultime des droits fondamentaux
des citoyens au regard de la satisfaction des besoins
collectivement jugés essentiels, tandis que
l’administration des services serait confiée à des
organes incluant des représentants de l’Etat mais
aussi des travailleurs et des usagers-citoyens. »La Découverte - 2015
Déclinaisons françaises…
Benjamin Coriat :
« Il faut que l’Etat se mue en « partenaire »
des communs, pour rendre accessibles les
ressources juridiques, financières et
humaines nécessaires à leur essor. ».
les commoners ont besoin de favoriser l’émergence et
l’affirmation d’une fonction de l’Etat qui pour l’heure n’existe
pas vraiment. Celle d’un Etat agissant en tant que
« partenaire » avec lequel les commoners peuvent passer
contrat. En Italie, des régions ou des villes négocient des accords
formels avec des communautés de citoyens afin de leur confier
la gestion d’un jardin ou d’une friche industrielle, pour en faire
un lieu d’exposition, de partage ou d’activités culturelles ou
éducatives. Cette formule, également courante dans les pays
scandinaves, représente un bel exemple la coopération possible.
Le commun pourrait œuvrer à la construction d’un service
public « bottom up » (de la base au sommet). Avec le temps et
la multiplication des communs locaux, des « chartes » les liant
entre eux pourraient être établies. Ancrées localement, ces
chartes fourniraient ainsi la base légale sur laquelle
l’infrastructure et le service public pourraient être établis.
http://ideas4development.org/communs-outil-inclusion/
Les Liens qui Libèrent - 2015
Les exemples italiens
« l’expérience d’Acqua Bene Comune (ABC) à Naples offre
un exemple intéressant. Dans la foulée du référendum
de 2011, la gestion de l’eau de cette ville a en effet été
remunicipalisée et confiée à un « établissement spécial »
de droit public nommé ABC. Ses statuts ont été pensés
pour permettre une gestion démocratique et
participative, grâce à la présence de deux citoyens au
conseil d’administration et à la création d’un comité de
surveillance où siègent des représentants des usagers et
des associations. » Sébastien Broca.
Développement des Communs
urbains dans les villes
italiennes.
+ concepts de « subsidiarité
horizontale » et
« d’administration partagée ».
Charte pour la régénération des Communs urbains à
Bologne ;
Teatro Valle à Rome, transformé en bien commun ;
Sept lieux occupés emblématiques de la ville de Naples
érigés en biens communs + « Observatoire permanent
citoyens des Communs ».
Source : Made
with Creative
Commons.
La triarchie
« Etat/Marché/Communs »
Sa configuration
varie au cours de
l’histoire…
Mais les Communs ont toujours eu
affaire avec la puissance publique…
Pour le meilleur…
Charte des forêts - 1217. Un acte d’enclosure au
XVIIIème siècle.
Ou pour le pire…
Les ambiguïtés d’Elinor Ostrom à propos de
l’intervention publique: « ni le marché, ni l’Etat ? »
L’acteur public vu comme un Léviathan ?
(Covenants, without the sword, are but words and of
no strength to secure a man at all – Thomas Hobbes)
Governing The Commons - 1990
Les 8 principes de gestion durable des
communs selon Ostrom
1. Des ressources et des communautés aux
limites clairement définies
2. L’adéquation des règles aux conditions locales
3. La participation des individus concernés à la
modification des règles
4. Une surveillance des comportements pour
vérifier l’observation des règles
5. Des sanctions graduées pour réprimer les
passagers clandestins
6. L’accès à des mécanismes efficaces et peu
couteux de résolution des conflits
7. Une reconnaissance minimale des droits
d’organisation des communautés par les
autorités extérieures
8. Une gouvernance polycentrique pour les
ressources imbriquées dans des ensembles
plus vastes.
L’acteur public doit donc
surtout « laisser faire »…
http://patternsofcommoning.org/uncategorized/eight-design-principles-for-successful-commons/
L’importance de l’auto-organisation et de l’auto-
gestion dans la « gouvernance » des Communs.
« l’une des préoccupations majeures d’Elinor
Ostrom est de montrer, de manière similaire, face
aux problèmes de coordination que soulève la
gestion de certains biens collectifs – et
notamment la gestion de « pools communs de
ressources » – que dans un grand nombre de cas
la mise en place de structures publiques
(centralisées et top-down) n’est pas la meilleure
solution, les agents économiques concernés ayant
la capacité de concevoir et mettre en place par
eux-mêmes des systèmes satisfaisants et durables
plus efficaces. Cette idée apparaît comme un des
fils directeurs présents dans toute l’œuvre d’Elinor
Ostrom. »
Olivier Weinstein.
https://pixabay.com/fr/les-fourmis-fourmili%C3%A8re-2152995/
Mais un rôle important néanmoins
reconnu aux autorités publiques…
Etude par Elinor Ostrom de la gestion des
systèmes d’aquifères en Californie.
Les autorités publiques ont un rôle
important pour soutenir les
communautés dans l’élaboration de
règles de gestion.
Fournir des systèmes de résolution
des conflits, des arènes de débats.
Impulser des dynamiques de gestion
en communs.
Créer la confiance entre acteurs
nécessaire au « commoning »
Attention aux contresens et aux dérives…http://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/BROCA/56916
« Né d’une critique percutante de la
propriété privée et des renoncements
de l’État néolibéral, le mouvement des
communs aboutit parfois à un éloge
sans nuance des capacités d’auto-
organisation de la « société civile ».
Avec un risque : celui de devenir les
« idiots utiles » du néolibéralisme, en
ne critiquant la sacralisation de la
propriété privée que pour favoriser
de nouveaux reculs de l’État social.
Nombre de chercheurs et de militants
sont toutefois conscients de ce
danger. »
Sébastien Broca.
Voir les dérives du concept de « Big
Society » en Angleterre…
3) Quels rapports avec les
bibliothèques ?
https://pixabay.com/fr/biblioth%C3%A8que-livres-%C3%A9tag%C3%A8re-369008/
Rappel : les bibliothèques ne sont pas,
en tant que telles, des Communs…
il ne s’agit pas seulement de donner accès et de faciliter le
partage d’une ressource commune, il s’agit également de
gérer collectivement ses ressources et d’édicter les règles
d’usages par une gouvernance de pair à pair. C’est cette
action collective autour de la ressource qui constitue le
commun. Or le mode de gouvernance des bibliothèques
institutionnelles n’est pas encore compatibles avec cette
horizontalité. Les règles d’usages et la gestion des
ressources d’une bibliothèque ne sont pas définies ou du
moins de manière significative, par la communauté des
usagers […].
Les bibliothèques publiques sont des services publics qui
gèrent des ressources collectives, dont certaines sont des
biens communs, au nom de l’intérêt général et de l’égalité
d’accès à la connaissance et à l’information. Si ces
bibliothèques ne peuvent donc être considérés comme des
communs stricto sensu, elles participent néanmoins de par
leurs missions, à garantir le développement de ces
communs du savoir.
Lionel Dujol
Au mieux, elles sont des
« Communs sous garantie
publique » - David Bollier
Mais elles peuvent devenir des « Maisons des
Communs » sur les territoires
Parce qu’elles sont l’un des rares services publics ouverts à tous et
accessibles gratuitement, les bibliothèques publiques sont ces tiers
lieux des savoirs dans lesquelles peut se déployer une action
collective en s’appuyant sur une démarche participative,
transparente et inclusive. A la condition qu’elles adaptent leurs
espaces, leurs mobiliers, leurs horaires d’ouverture, qu’elles offrent
un accès à internet ouvert et non bridé, qu’elles garantissent les
usages moteurs de l’appropriation telle que la copie privée et
qu’elles tissent une relation de confiance et horizontale avec les
citoyens. La bibliothèque ne se pense plus uniquement comme un
dispositif public d’accès aux savoirs mais comme un espace public,
que l’on pourrait appeler plus largement un espace commun, où se
retrouvent des communautés actives qui en son sein produisent et
partagent de nouveaux savoirs et savoir-faire et encouragent les
citoyens à faire ensemble, à développer leur capacité à produire, à
transmettre, à gérer et à défendre par eux même ces biens
communs de la connaissance et in fine, à devenir des commoners.
Les bibliothèques publiques s’affirment ainsi comme des maisons
de proximité des communs du savoir où les citoyens qui la
pratiquent, imaginent et construisent l’espace politique des
communs et en deviennent les gardiens vigilants.
Lionel Dujol
Voir Charte Bib’Lib pour
l’accès libre à l’information
et aux savoirs (ABF).
1) Permettre la libre réutilisation des oeuvres du
domaine public numérisé
2) Ouvrir ses données en Open Data
3) Accorder la priorité aux logiciels libres
4) Proposer des œuvres sous licence libre et
participer à leur curation
5) Placer sous licence libre les contenus originaux
produits par la bibliothèque
6) Diffuser sous licence libre les captations
d’événements, conférences, débats
7) Éviter de participer au processus d’enclosure de
la connaissance
8) Donner accès à un internet non filtré et sans
identification préalable
9) Protéger les données personnelles de ses usagers
et sensibiliser aux enjeux de la protection de la vie
privée
10) Développer un fonds documentaire sur la
question des Communs
20 façons pour les bibliothèques de
contribuer aux Communs
11) Participer à la littératie des Communs
12) Organiser des ateliers de contribution à des
Communs de la connaissance
13) Favoriser la mise en partage des ressources et
des Savoirs (grainothèques, bookcrossing, Troc de
presse, bourses des Savoirs, bibliothèques
vivantes, etc)
14) Soutenir les acteurs des Communs sur son
territoire, notamment par la mise à disposition des
lieux et des équipements aux communautés
15) Organiser des événements autour de la
thématique des Communs
16) Passer à une logique de Tiers-Lieux en tant
qu’espace appropriable par des communautés
17) Permettre aux agents de la bibliothèque de
contribuer sur leur temps de travail à des
Communs de la connaissance
18) Participer au financement des Communs
culturels
19) Développer des liens avec des bibliothèques
autogérées
20) Ouvrir la gouvernance de l’établissement aux
usagers.
S.I.Lex : Transformer les bibliothèques en
maisons des Communs sur les territoires
Mais cette démarche constitue avant
tout un choix de politiques publiques
https://www.savoirscom1.info/2013/01/non-a-la-privatisation-du-domaine-public-par-la-
bibliotheque-nationale-de-france/
Les bibliothèques
peuvent être du côté
des Communs, mais
aussi de l’enclosure
de la connaissance…
Questions à propos des partenariats Public-
Privé dans le secteur de la culture…
http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-
connectees/20161024.RUE4090/google-finance-la-culture-c-est-bien-oui-mais.html
Mais aussi des partenariats
Public-Communs
Musée des Beaux-Arts et Musée des Sciences naturelles de Toulouse sur
Wikimedia Commons dans le cadre d’un partenariat GLAM.
4) Des exemples qui peuvent
servir de sources d’inspiration ?
https://www.pexels.com/photo/lights-light-bulb-idea-2830/
Open Law : un modèle de partenariat
Public-Privé-Communs
• Une structure associative qui regroupe
des acteurs privés (éditeurs juridiques,
startups), des acteurs publics et des
communauté du Libre et de l’Open Data
• Elle lève des financements pour monter
des projets et notamment créer des
« Communs du droit ouvert »
• But = maximiser l’utilité des données
ouvertes dans le champ du droit et
favoriser l’innovation
• Fonctionne par appels à projets et a créé
un statut de « contributeur rémunéré aux
Communs ».
« Rendus possibles par l’ouverture des
données juridiques, les communs sont
construits, enrichis, gouvernés et
maintenus au bénéfice de tous par des
communautés d’acteurs.
Ils nourrissent l’innovation et servent de
socles au développement de services
innovants, par les entreprises et par la
société civile. »
openlaw.fr
Les appels à Communs
de la Fabrique des mobilités
http://aap-lafabriquedesmobilites.strikingly.com/ http://lafabriquedesmobilites.fr/communs/
Des événements d’innovation partagée,
(mais si possible équitables !)
http://www.francetvinfo.fr/economie/un-hackathon-pour-mieux-comprendre-limpot_1712373.html
Avec qui conclure des partenariats ?
Cartographie des
Communs dans les
Hauts-de-France, par
l’Assemblée des
Communs de Lille
(avec la plateforme
Communecter)
Quel instrument juridique adopter ?
http://wiki.remixthecommons.org/index.php/Atla
s_des_chartes_des_communs_urbains
Quel instrument juridique adopter ?
http://blogfr.p2pfoundation.net/index.php/2016/
05/29/general-political-license-une-proposition-
de-pacte-democratique/
La question épineuse du soutien
financier…
« Certains acteurs publics
expliquent leur réticence à
financer des collectifs : “si je
finance une communauté, cela
risque de détruire la
communauté car vous n’arriverez
pas à gérer la répartition des
financements”. Et en effet, ils
sont coincés. Car comment
financer un collectif sans prendre
le risque que l’argent détruise le
collectif ? C’est sur cette question
qu’il faut montrer certaines
innovations où des communautés
arrivent enfin à se répartir
l’argent de manière saine. »
Unisson
Repenser la formule
des appels à projets…
certains appels à projet à
Brest soutiennent un peu
toutes les initiatives plutôt
que de ne financer que les
meilleures (logique de
compétition).
http://www.a-brest.net/article19549.html
Les risques inhérents au soutien public
des Communs
• Transformation des
« Communs » en un label
contrôlé par l’acteur
public ;
• Risques de clientélisme ;
• Intrusion dans la
gouvernance des projets ;
• Phénomène de
« Commons Washing ».
Mouvement politique « Demain en Commun »
Faut-il une définition
légale des Communs,
comme nous avons une
définition de l’ESS ?
Ne pas oublier l’horizon de la
Communification des services publics…