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Origine de l’article : POULAIN Sebastien, « La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie
moderne », in Thierry Lefebvre (sous la direction de), « L’Année radiophonique 1986 »,
Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°129, juillet-septembre 2016,
http://cohira.fr/category/cahiers/
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne1
La « 55 000 » est aujourd’hui un peu oubliée. Mais c’est parce qu’elle a muté en
« 126 000 » ! Or, ces chiffres correspondent à un nombre de personnes interviewées en vue de
calculer l’audience des radios. Et « [n]ulle radio ne peut être indifférente à son audience, son
impact sur l’environnement auquel elle entend s’adresser. »2
C’est donc cette audience qui
joue un rôle fondamental dans les modèles économiques d’une grande partie des radios
françaises.
C’est une évidence pour les radios commerciales qui sont presque entièrement
dépendantes des annonceurs qui décident de faire de la publicité on non sur leurs antennes en
fonction des caractéristiques quantitatives et qualitatives des audiences, et des tarifs de ces
radios qui sont eux-mêmes liés aux audiences de leurs programmes. Pour ces radios, les
études d’audience ont donc pour objectif de compter le nombre de personnes qui sont
susceptibles d’entendre les spots publicitaires (pour en fixer les tarifs) plus que les émissions
elles-mêmes. Les audiences ont également un rôle à jouer dans la programmation musicale en
particulier et dans la programmation en général : une musique, un animateur, un concept, une
émission qui fait zapper risque de vite de disparaitre de l’antenne.
1
Je tiens à remercier Isabelle Abraham, Thierry Lefebvre, Arnaud de Saint-Roman, Laure Osmanian-Molinero,
Charles Juster et Philippe Tassi pour leurs lectures, critiques et conseils.
2
CHEVAL Jean-Jacques, « L’audience de la radio en Aquitaine, les Médialocales 1999-2000 », Jean-Jacques
Cheval (sous la direction de), Audiences, publics et pratiques radiophoniques, Pessac, 2005, p42
Les radios publiques – avec de grosses (France Inter, France Info, France Bleu) ou
petites (FIP, France Culture, France Musique, Mouv) audiences – sont aussi intéressées par
leurs audiences puisque d’une part elles accueillent aussi des annonceurs ou partenaires sur
leurs antennes, et d’autre part jugent et sont jugées en partie en fonction de celles-ci du fait
des « Contrats d’Objectifs et de Moyens » de Radio France3
.
Mais les quelques 600 radios associatives, ainsi que les collectivités, associations,
institutions qui les aident et les financent4
, ne peuvent pas être totalement désintéressées par
leurs audiences non plus, même si le chiffre d’affaires lié à la publicité à leur antenne ne peut
pas dépasser 20% de leur chiffre d’affaires global, un chiffre qu’il est déjà très difficile
d’atteindre et qui pousse à changer de statut juridique de la radio quand il est atteint.
Cette dépendance vis-à-vis des études d’audience impose de s’intéresser 30 ans après
la création de la « 55 000 » à la manière dont elles sont produites. D’autant plus qu’il existe
en la matière un quasi-monopole. Médiamétrie est aujourd’hui l’institut qui fournit
principalement l’audience de toutes les radios diffusées en France. Cela peut surprendre dans
la mesure où il existe un grand nombre d’instituts de sondage (CSA, IPSOS, IFOP, BVA…)
qui fournissent un grand nombre de commanditaires (entreprises, administrations, ONG,
associations…) sur des sujets très variés (consommation, politique, sociétal…). Or, habitués à
un nombre important d’instituts de sondages, nous aurions du mal à comprendre et accepter
qu’un seul institut produise la totalité ou quasi-totalité des sondages politiques par exemple.
La pluralité des instituts de sondages semble même faire partie des critères permettant de
juger si un régime est démocratique.
Comment expliquer alors cette situation en ce qui concerne l’audience ? Est-ce parce
que l’audience n’est pas liée à une opinion, mais à un comportement ? Pourtant, les autres
instituts mesurent aussi des comportements : des achats, des votes (sortie des urnes), des
intentions... Est-ce parce que Médiamétrie a trouvé une méthodologie miracle la rapprochant,
plus que tout autre institut de sondages, de la réalité de l’audience ? Ce serait beaucoup
déconsidérer les autres instituts de sondages qui ont, comme nous le verrons, réalisé de
nombreux « sondages d’audience »5
par le passé.
En réalité, les études d’audience de Médiamétrie sont monopolistiques car les acteurs
(médias, annonceurs, agences conseils, centrales d’achats) qui commandent, financent,
utilisent, promeuvent ces études souhaitent qu’elles le soient. Ils s’accordent sur la
méthodologie, sur l’outil de mesure, sur la métrique de l’audience des médias, c’est-à-dire sur
3
Les « Contrats d’Objectifs et de Moyens », issus de la réforme législative du 1er
août 2000 et présents dans
l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, ont pour objectif de « définir, dans une perspective pluriannuelle, les
orientations stratégiques des sociétés associant des objectifs à des indicateurs précis. Les indicateurs quantitatifs
et qualitatifs d’exécution et de résultats constituent un outil de suivi et d’évaluation permettant aux
administrations de tutelle et au Parlement de juger de la pertinence de l’utilisation des ressources publiques. »
(« Les contrats d’objectifs et de moyens des organismes de l’audiovisuel public », 16/05/2012,
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Audiovisuel/Dossiers-thematiques/Les-
contrats-d-objectifs-et-de-moyens-des-organismes-de-l-audiovisuel-public).
4
Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), qui finance en grande partie les radios associatives
(en moyenne environ 40% des ressources des 664 stations en 2014) via une dotation forfaitaire de l’Etat (29
millions d’euros en 2015), suscite régulièrement des débats, y compris au Parlement compte-tenu de la faiblesse
de leurs audiences (2,1% d’audience cumulée, 1,1% de part d’audience, 1h15 de durée d’écoute par auditeur en
moyenne pour 562 stations selon l’étude Médiamétrie « 126 000 » de novembre-décembre 2015).
5
CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du
public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p21. On peut observer que
Médiamétrie ne parle pas de « sondages d’audience » pour se distinguer des instituts de sondages qui ont fait
l’objet d’un nombre encore plus grand de critiques que les études d’audience (à commencer par celles des
statisticiens). Médiamétrie devaient se distinguer des premières études sur l’audience qui étaient en grande partie
des sondages d’opinion : l’esthétique du récepteur, la qualité du son qualité et de la réception, des émissions, des
animateurs et journalistes, de la grille et de son rythme, des innovations... Comme à Médiamétrie, ce seront bien
les termes d’« études d’audience » qui seront employés dans cet article.
la média-métrie et en l’occurrence sur la radio-métrie6
. Cette politique commune de
l’audience est d’autant plus difficile à obtenir que les acteurs de l’audience sont nombreux et
ont des intérêts différents, voire contradictoires, en tout cas concurrentiels. Pourtant, il est
important pour eux de parler le même langage (méthodologique, statistique, économique,
juridique) pour négocier et contracter économiquement. En effet, contrairement aux résultats
des autres types de sondages qui servent à analyser et prospecter, les résultats des études
d’audience sont directement monétisables. Cela ne signifie pas pour autant que la métrique
n’a pas d’importance et que ce qui compte est uniquement la volonté des financeurs de
Médiamétrie. Médiamétrie ne cesse d’ailleurs pas de communiquer sur la scientificité de ses
études. Mais cette métrique doit faire l’objet d’un consensus, ce qui tend à exclure le
pluralisme qui peut toutefois largement s’exprimer dans les échanges préalables aux
décisions.
Or, ce consensus n’existait pas avant la création de Médiamétrie, il n’a pas été facile à
obtenir sous Médiamétrie, et il peut toujours être remis en question en fonction des rapports
de force, des évolutions méthodologiques, techniques, scientifiques, sociétales... Ainsi, la
« 55 000 » a été rendue possible par l’existence, déjà très ancienne, de la technologie
téléphonique, mais surtout par la massification de son usage beaucoup plus récente. De même,
la « 55 000 » n’aurait pas pu exister, ou aurait existé plus difficilement, sans les nouvelles
technologies informatiques d’interview, de transmission et de traitement des données.
Il faut garder à l’esprit que chaque choix métrique a des effets sur les résultats finaux
et favorise donc certains acteurs plutôt que d’autres :
- S’il était décidé que seuls les adultes seraient interrogés, cela favoriserait les
radios s’adressant aux étudiants, actifs, chômeurs, retraités sans prendre en compte les
scolaires alors que ceux-ci ne se bouchent pas les oreilles quand les adultes allument le
poste de radio, que certaines radios s’adressent directement à ces catégories sociales et
qu’ils ont une influence dans les dépenses des foyers.
- S’il était décidé que les personnes seraient interrogées en journée, cela
favoriserait les retraités, les étudiants et les chômeurs au dépend des actifs et scolaires
car ces derniers ne sont pas censés répondre à un institut de sondage en classe et
pendant leur travail.
Dans cet article, nous allons essayer de faire état des conditions de possibilité d’une
mesure d’audience radiométrique qui fait consensus chez les principaux acteurs du monde de
la radio, ce consensus étant l’un des ingrédients principaux de la fabrication de cette audience.
Pour cela, nous proposons, dans un premier temps, de revenir sur ce qui existait avant
Médiamétrie car Médiamétrie a été créé en réaction à ce qui a existé pendant 40 ans. Puis,
nous verrons le modèle Médiamétrie. Enfin, nous verrons les caractéristiques de la « 55 000 ».
6
Nous utilisons le terme de « radiométrie » à propos des études d’audience de la radio (et non celles de la
mesure des rayonnements). Cela permet de faire la distinction avec les études de l’audience de la télévision et
avec la technique de l’« audimétrie ». A priori, on pourrait penser que les termes d’« audience » et
d’« audimétrie » renvoient à la radiophonie. Mais, après la Seconde Guerre Mondiale, « les études sont réalisées
le plus souvent en même temps sur la télévision et sur la radio » (SOUCHON Michel, « Histoire des indicateurs
de l’audience », Quaderni, n°35, 1998) ce qui a pu induire des confusions à long terme. D’autant plus que les
articles scientifiques ou professionnels publiés sur les audiences ont tendance à traiter aussi bien des audiences
télévisuelles que radiophoniques. Aujourd’hui, le concept d’« audimétrie » est proche du terme d’« audimat »
qui signifie, pour le grand public, « audience de la télévision » alors que Médiamétrie a remplacé le concept
d’« audimat » par celui de « médiamat » en 1989 même si ce terme est aussi ambigu puisqu’il semble renvoyer à
tous les médias. En revanche en Belgique, « Radiométrie 75 000 » est le nom d’un système de mesure via
environ 31 000 interviews en face-à-face lancé par IP grâce au travail de Marketing Unit en 1991, c’est-à-dire au
moment du lancement de la radio privée Bel RTL (CAUFRIEZ Philippe et LENTZEN Évelyne, « Trente ans de
radio en Communauté française (1978-2008) », Courrier hebdomadaire du CRISP, n°2033-2034, 2009)
I Les origines de Médiamétrie
L’étude7
et donc la définition8
de l’audience en France est loin de commencer avec
l’institut Médiamétrie qui est créé en 1985. Les radios privées existent dès 1923 et se
financent rapidement par la publicité, donc l’audience devient un enjeu important, même si les
questions d’audience sont d’abord des questions de bonne réception9
!
A) Les services publics de l’audience
Les radios dites d’Etat sont, après la Seconde Guerre mondiale, dans un régime à la
fois publicitaire et concurrentiel (par rapport aux radios dites « périphériques »
commerciales), contrairement aux télévisions dites d’Etat. Elles s’intéressent donc rapidement
à leur audience10
, même s’il y a eu des résistances sur les audiences quantitatives11
. Le
7
C’est aux Etats-Unis, en 1930, que Crossley lance la première enquête sur l’audience à l’intention de
l’Association of National Advertisers. A partir 1938, la BBC dispose d’un « Audience research department » qui
réalise des enquêtes quotidiennes sur l’audience de la veille sur 2 500 personnes. Elle dispose aussi de panels : le
« listening panel », complété par la suite, par le « viewing panel » qui appréciaient les programmes sur des
carnets renvoyés en fin de semaine par la poste. Des groupes-tests sont lancés en 1935 pour mesurer les chances
de réussite des émissions avant leur lancement grâce à des chercheurs comme Paul F. Lazarfeld (Radio and the
printed page. An introduction to the study of radio and its role in the communication of ideas, Duell, Sloan, and
Pearce, New York, 1940).
8
« Chez les Anglo-saxons, le mot audience veut dire public : l’audience research concerne l’ensemble des
travaux étudiant le public, par des sondages ou d’autres méthodes, pour compter les spectateurs ou les auditeurs,
aussi bien que pour connaître d’autres aspects de leur comportement, de leur mode de vie, de leurs pratiques
culturelles, etc. Chez nous, il est le plus souvent l’équivalent d’écoute : étudier l’audience, c’est dénombrer les
personnes à l’écoute de telle émission, de telle chaîne pendant telle période ou telle tranche horaire, etc. (dans
beaucoup de cas, il serait du reste préférable d’utiliser le terme d’auditoire plutôt que celui d’audience […]). »
(SOUCHON Michel, « Histoire des indicateurs de l’audience », Quaderni, n°35, 1998, p94)
9
Les courriers envoyés aux premières stations de radio sont « qualitatifs » et « techniques » : distance entre
l’émetteur et le récepteur, qualité de la transmission et de la réception, appréciation des programmes… Ce type
d’information était particulièrement nécessaire compte-tenu de la nouveauté technologique du média radio au
niveau de la diffusion, de la production et a fortiori de la réception. Mais on est loin des études d’audience
postérieures.
10
C’est une différence importante avec la télévision : « En France, alors qu’il n’existait encore qu’une chaîne
unique, les services qui s’occupaient du public (service des relations avec les auditeurs et spectateurs, études
d’opinion) s’intéressaient avant tout à la satisfaction du public et à leur préférence. On s’intéressait à
l’appréciation que le téléspectateur portait sur la télévision. On cherchait à connaître l’émission favorite, la
popularité de certains animateurs, d’une figure nouvelle ou de vainqueurs de jeux télévisés grâce aux lettres
envoyées en masse par les téléspectateurs. » (QUINET Aude, La qualité en télévision : Études préalables,
conception et réalisation d’un qualimat de la télévision en Belgique francophone pour le magazine Télépro,
Master en Information et Communication, à finalité spécialisée en journalisme, Université de Liège, Liège,
2013-2014, p29). Avant 1964, « [l]es premiers "sondeurs" de la télévision se veulent […] des éducateurs, plus
que des machines à enregistrer » selon Jérôme Bourdon (« A la recherche du public ou vers l’indice
exterminateur ? Une histoire de la mesure d’audience à la télévision française », Quaderni, n°35, 1998, p109).
C’est en 1958 que la notion de « préférences » est supprimée des questionnaires d’enquête d’écoute car il y avait
trop de différences avec le taux d’écoute : « En octobre 1952, sur la liste des dix émissions préférées, cinq sont
produites par la RTF, mais aucune n’est citée dans les plus écoutées » (MEADEL Cécile, « Du développement
des mesures d’audience radiophoniques », in Histoire des industries culturelles en France, Patrick Eveno et
Jacques Marseille (sous la direction de), ADHE Editions, Paris, 2002, p414).
11
Les responsables de la RTF étaient « hostiles aux simples sondages d’audience, perçus comme purement
"commerciaux", incapables de livrer autre chose que les réactions immédiates des téléspectateurs et ne
permettant donc pas de saisir, selon eux, des réactions "profondes" et "réfléchies" » (CHAMPAGNE Patrick,
« La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche
en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p11). Voir : MEADEL Cécile, « Du développement des mesures
d’audience radiophoniques », in Histoire des industries culturelles en France, Patrick Eveno et Jacques
« Service de liaison avec les auditeurs » est créé après la guerre et dirigé par Roger Veillé12
,
puis Jean Oulif13
à partir de 1950. Il gère le courrier des auditeurs, et une cellule d’enquête et
de sondage radiophonique y est rattachée. Il prend le nom de « Service des relations avec les
auditeurs » en juin 1946, donc la même année que la création de la Radiodiffusion Française
(RDF). Il prend le nom de « Service des relations avec les auditeurs et téléspectateurs » en
1953. La cellule d’enquête et de sondage radiophonique est supprimée en 1948 pour des
raisons économiques mais rétablie en 1954. Sa méthodologie s’appuie sur des visites à
domicile, des questionnaires postaux, des sondages téléphoniques. Elle sous-traite des études
à l’INSEE (des sondages consacrés à l’écoute radiophonique ont lieu en 1952 et 1961),
l’IFOP-ETMAR, puis la Sofres.
En ce qui concerne les sondages téléphoniques, ils débutent, sous Jean Oulif, en 1954
avec 100 téléspectateurs interviewés par jour dans la région parisienne. Le problème est que
ces études ne sont pas représentatives. Exemple, en 1968, seulement 15% des foyers disposent
d’un téléphone (27% en agglomération parisienne). Donc à partir de février 1967,
l’échantillon de foyers recrutés passe à 400, puis 1 200 en 1970 et 1 600 en 1972 alors que la
publicité est autorisée à la télévision à partir du 1er
octobre 1968 (d’abord sur la première
chaine, puis sur la deuxième en 1971, puis FR-3 en 1983). Les foyers sont recrutés chaque
semaine selon la méthode des quotas pour une durée de deux semaines. Les membres du foyer
disposent d’un carnet sur lequel ils notent les émissions qu’ils regardent et leur intérêt puis
l’envoient par la poste. Les feuilles sont traitées quotidiennement, ce qui permet d’obtenir des
taux d’écoute et de satisfaction dans un délai d’une huitaine de jours.
B) L’IFOP-ETMAR
C’est en novembre 1949 que l’institut IFOP-ETMAR réalise, sous la direction
d’Hélène Riffault, une première enquête périodique pour que les stations publiques et
périphériques (Radio-Luxembourg, Radio Andorre, Europe N°1) ainsi que les publicitaires
(Publicis, Elvinger, Dorland, Publi-Service…) puissent connaître les audiences14
. Ce type
d’enquête dure une semaine, une ou deux fois par an et porte sur 2 500 foyers possesseurs de
radio qui doivent noter pendant deux jours consécutifs leurs différentes écoutes à différents
moments de la journée (quart d’heure par quart d’heure). En 1961-1962, cette enquête est
étendue à la télévision. En tout, cela fait 35 enquêtes en janvier 1963. Pour s’adapter au
transistor et aux nouvelles pratiques, l’Etude n°36 de juin 1963 se fait non plus au niveau du
foyer mais de l’individu, auprès d’un échantillon de 5 000 individus représentatif de la
population de 15 ans ou plus à propos de l’écoute veille à domicile ou en dehors.
C) Le CESP
La Radiodiffusion-Télévision Française (RTF), créée en 1949, souscrit aux enquêtes
du Centre d’Etude des Supports de Publicité (CESP15
), créé en 1957 pour mesurer l’audience
de la presse écrite. Son objectif est de mettre en commun des moyens financiers et de mener
des réflexions méthodologiques en vue de réaliser des études incontestables sur les audiences
Marseille (sous la direction de), ADHE Editions, Paris, 2002, p409
12
VEILLE Roger, La radio et les hommes, Editions de Minuit, Paris, 1952
13
OULIF Jean, « Le baromètre de l’écoute des émissions de l’ORTF », Journées d’études de l’IREP, mai 69
14
DURAND Jacques, « Les sondages à la radio dans les années cinquante », in Les années cinquante à la radio
et à la télévision (Journées d’études du 9 février 1990), Comité d’histoire de la radiodiffusion et de la télévision,
novembre 1991
15
Centre d’Etude des Supports de Publicité, « Historique de la mesure d’audience »
des supports. Le CESP prend la succession de l’IFOP-ETMAR de 1968 à 1990. Le CESP est
un organisme collégial interprofessionnel (presse quotidienne nationale, presse quotidienne
régionale, presse magazine, radio, télévision) avec un statut d’association loi 1901 dont le
conseil d’administration comprend une soixantaine de membres. Il vise d’une part un état
exhaustif de la fréquentation des médias pour leur donner les moyens d’alimenter leurs
propres politiques de programmation ou de contenus rédactionnels, et d’autre part fournir à
leurs régies des arguments commerciaux fondés sur l’ampleur et la qualification de
l’audience. Le CESP interroge transversalement en 3 ou 4 vagues par an entre 12 000 et 14
000 personnes en face à face et à domicile grâce à de la sous-traitance auprès des instituts de
sondages16
.
« La principale limite de cette enquête nationale est qu’elle ne donne que des
photographies instantanées de l’audience et cela de façon relativement peu fréquente (trois
vagues par an). Autre limite non négligeable, apparue avec le développement des RLP [radios
locales privées] : sa faiblesse en ce qui concerne la mesure des audiences locales ou en cas de
ciblage pointu. »17
Si les radios nationales peuvent s’en satisfaire, ce n’est pas le cas des
annonceurs et publicitaires qui souhaitent des résultats plus réguliers et dénoncent « la
dictature des diffuseurs »18
. L’enquête sera donc abandonnée au moment du lancement de
l’enquête « 55 000 » par Médiamétrie19
.
Il faut dire que le CESP est critiqué depuis déjà plusieurs années et doit se réformer.
En effet, jusqu’à 1984, chaque membre du conseil d’administration du CESP peut mettre un
véto contre le lancement d’une nouvelle étude, tandis qu’il y a un déséquilibre entre le groupe
des « utilisateurs » des études (agences de publicité et annonceurs) et celui des médias
(presse, télévision, radio, affichage, cinéma) au profit de ces derniers20
. A partir de 1984, c’est
au conseil d’administration de définir comment chacun peut exploiter les études. Pour cela, le
CA est assisté par un comité scientifique et par un « comité des sages » chargé de veiller au
respect de la déontologie. Il est prévu de compléter ce projet par un règlement intérieur, de
nouveaux statuts devant être présentés devant une assemblée générale extraordinaire. Enfin,
les agences demandent :
- Une étude sérieuse de l’audimétrie télévision et peut-être radio, l’étude
concernant l’écoute et l’audience de la télévision devant être entièrement repensée ;
- Un remaniement des études concernant la radio (en y incluant les stations
locales) et l’affichage ;
- Une meilleure appréhension de la lecture de la presse (nouveaux titres,
journaux gratuits, presse régionale...).21
A partir de 1990, le CESP abandonne la réalisation d’enquête d’audience et devient
l’organisme interprofessionnel d’audit et de contrôle des études d’audience22
.
16
MUGNIER Daniel, « Les panels d’audience du C.E.S.P. », Revue française du marketing, Cahier 74, 1978/3
17
MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou
confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication,
n°1450, 28/04/86, p42
18
CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du
public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p14
19
COJEAN Annick, « Les radios sous surveillance mensuelle », Le Monde, 24/04/86
20
A. Ce., « Nouvel équilibre au CESP », Le Monde, 13/12/84
21
A. Ce., « Nouvel équilibre au CESP », Le Monde, 13/12/84
22
Dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par l’interprofession des médias et de la publicité, le CESP
contrôle de façon continue depuis janvier 1999 l’enquête « 75 000+ » de Médiamétrie devenue enquête
« 126 000 » depuis janvier 2005, mais aussi les autres études Médiamétrie portant sur la radio : avec par exemple
les audits de l’étude « Panel Radio » 2006-2007, de l’étude « 126 000 » de janvier-mars 2007, et la première
étude « Audience des grilles Radio d’été » de 2006 de Médiamétrie.
D) Le CEO
En ce qui concerne spécifiquement l’étude de l’audience de l’audiovisuel public, la
cellule d’enquête et de sondage radiophonique est remplacée par le « Service des études de
marché » de l’ORTF le 18 septembre 1964, puis le « Service des études d’opinion » (SEO) le
15 octobre 1971. Il y a production d’une quantité de plus en plus importante de données
chiffrées sur les audiences résultats quotidiens, rapports mensuels, rapports annuels,
nombreuses études sur des sujets spécifiques... Les sociétés Cofremca, Secodip (société
achetée par la Sofres en 1992), Sofres et IFOP partagent la gestion du panel quotidien des
téléspectateurs de l’ORTF. Après la loi du 7 août 1974, le SEO devient le Centre d’études
d’opinion (CEO) en 1975. Comme le « Service d’observation des programmes » (SOP)23
, le
CEO24
est maintenant rattaché au service juridique et technique de l’information (SJTI), qui
relève lui-même des services du Premier ministre (le secrétariat d’état à l’information).
Philippe Ragueneau est nommé directeur du CEO jusqu’à novembre 1982 où Jacques Durand,
qui avait été nommé directeur adjoint, devient directeur « par intérim » puis est nommé
directeur en 1983 jusqu’à la fin de l’année 198525
. La méthodologie du CEO consiste, depuis
1967, à envoyer un questionnaire par voie postale à un panel de téléspectateurs (400 en 1967,
1 200 en 1970, 1 600 en 1976)26
. Cela permet de toucher des personnes qui n’ont pas le
téléphone, mais il faut attendre quatre semaines pour avoir les résultats27
. Plusieurs
changements méthodologiques apparaissent avec le CEO :
- Il s’agit maintenant d’évaluer la radio en plus de la télévision (la vidéo en 1981).
- Il s’agit d’évaluer l’audience par quart d’heure et non plus par émission.
- Il ne s’agit plus d’envoyer les feuilles d’écoute tous les jours mais deux fois par semaine.
- La notation de l’intérêt, supprimée en 1975, est rétablie en 1976 à la demande des sociétés de
télévision, mais elle est remplacée à partir de 1980 par une note de satisfaction sur les programmes
radios et TV.
23
Un service similaire au SOP existe déjà au temps de l’ORTF. Il étudie les programmes et utilise également des
résultats d’audience élaborés par le CEO.
24
Cette proximité entre le SOP, le CEO et le ministère est critiqué par les chaines : « Les chaînes s’irritent de
voir contrôler leur audience par un organisme proche du Service d’observation des programmes (SOP), chargé
de surveiller l’application des cahiers des charges. Elles hésitent à confier au CEO des études sur leur stratégie
de programmes et préfèrent constituer leur propre service d’études. » (LACAN Jean-François, « Les instituts de
mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84)
25
Jacques Durand, docteur en sciences économiques, a d’abord travaillé dans le secteur privé au Centre d’études
et de mesures de productivité, à la Compagnie générale d’organisation, à Publicis, à la Cofremca, à Auditel
(Cofremca-Secodip) entre 1955 et 1972. Il a été embauché à l’ORTF en 1972 pour diriger le Service des études
d’opinion. A la disparition de l’ORTF en 1974, il est nommé directeur adjoint du CEO, puis nommé directeur du
CEO le 7 mars 1983 sous un contrat avec TDF. Il a été mis à la disposition d’abord du CEO, puis de
Médiamétrie où il est directeur de la recherche et du développement jusqu’en 1990. Il a fini sa carrière comme
chargé de mission à la présidence d’Antenne 2 – France Régions 3, membre du comité de prospective puis
consultant de RFI jusqu’en 1997. (Pour consulter ses publications : http://jacques.durand.pagesperso-
orange.fr/Site/bibliopf.htm. Pour une contextualisation de ses recherche et de l’émergence des études
d’audience : SEGUR Céline, Les recherches sur les téléspectateurs en France. Émergence et ramifications d’un
objet scientifique (1964-2004), Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la
direction de Jacques Walter, Université Paul Verlaine-Metz, 2006.)
26
DURAND Jacques, « L’étude par panel du public de la radio-télévision française », Revue française du
marketing, Cahier 74, 1978/3 ; DURAND Jacques, « Le panel du C.E.O. et la recherche publicitaire : mesure
d’audience et contrôle des campagnes », in Les médias : Etudes, expériences et recherches actuelles (Séminaire
« Médias » de l’I.R.E.P. octobre 1979), I.R.E.P., Paris, 1979.
27
Le panel postal du CEO est critiqué : « Le panel postale classique a du retard et sa rédaction comporte de
nombreuses erreurs. » (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre
d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84)
- L’échantillon de 1400 personnes est recruté au niveau individuel et non plus du foyer.
- La durée de « panélisation » est de deux semaines en 1975, quatre en 1976, six en 1977, huit
en 1982, mais 12 semaines pendant l’été à partir de 1975.
- Des questionnaires additionnels, portant sur des sujets divers, sont systématiquement insérés
dans les carnets d’écoute.28
Le CEO fournit aux pouvoirs publics le volume d’écoute des sociétés de programme
issues de l’éclatement de l’ORTF et évalue la qualité de leurs programmes29
. Conformément
aux cahiers des charges des sociétés, ces informations doivent servir pour la répartition de la
redevance. Elles sont donc transmises une fois par an à la Commission de répartition du
produit de la redevance qui réunit cinq magistrats de la Cour des comptes et du Conseil
d’Etat. Les sociétés de programme (les trois chaînes publiques de télévision et Radio France)
sont dans l’obligation de verser au CEO une somme forfaitaire chaque année, principalement
pour financer le panel. Pour chaque société, la somme atteint 2,5 millions de francs en 1975,
et 5 millions de francs en 1985. Le CEO, qui réalise un millier d’études en 10 ans et qui ne
peut pas donner les informations aux annonceurs, peut en revanche les vendre aux stations de
radios privées30
.
C) Le besoin de réforme
Ainsi, des organismes avec des statuts juridiques, des modèles économiques, des
objectifs, des approches et des méthodologies31
différents fournissent des informations sur les
audiences des radios (et la télévision). Le problème est que, sans surprise, les résultats ne sont
pas les mêmes ce qui est problématique pour les acteurs de l’audience32
. La création de
Médiamétrie résoudra ce problème en choisissant l’enquête téléphonique pour la « 55 000 »
radio et l’audimétrie33
pour le « panel Audimat » télé.
28
DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p83-
84
29
DURAND Jacques, « La mesure de la qualité des programmes – Définitions du problème », Journées d’étude
de l’IREP, novembre 1976
30
Europe 1, qui obtient des résultats favorables par ce panel utilise largement les données. En revanche, RTL y
renonce en critiquant la fiabilité de la méthodologie. (DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la
radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p85)
31
Beaucoup de techniques d’enquêtes existent depuis longtemps : l’interview téléphonique avec Crossley en
1930, l’interview coïncidentale (qui consiste à appeler au téléphone un échantillon de personnes, et à leur
demander si elles étaient en train d’écouter la radio dans les minutes précédentes, et si oui sur quelle station) et le
journal d’écoute avec Hooper en 1934 et 1948, l’interview en face à face avec Pulse en 1941, l’audimètre en
1942 avec Arthur Nielsen qui inaugure une méthode d’analyse automatique des audiences (BEVILLE Hugh
Malcom, Jr, Audience ratings - Radio, television, cable, Lawrence Erlbaum Associates, Hillsdale, 1985). Mais
de nouveaux outils d’enquête sont expérimentés à cette époque : sondages par questionnaires administrés en face
à face, sondages téléphoniques, panels, les interviews qualitatifs : interviews non directives, interviews papier-
crayon, interviews de mémorisation, focus group, groupes projectifs, groupes de créativité…
32
Par exemple l’IFOP-ETMAR et le CESP n’avaient pas la même définition de l’écoute. L’IFOP-ETMAR
enregistre toute écoute déclarée quelle que soit la durée, tandis que le CESP prend en compte seulement les
écoutes durant au moins 8 minutes. Il y a donc des écarts importants aux heures où l’écoute est brève et où il y a
plus de « zapping », notamment de 7 à 9 heures du matin.
33
« L’audimètre, aujourd’hui couramment utilisé dans le domaine de la télévision, a été d’abord utilisé, pendant
près de vingt ans (de 1946 à 1964), pour mesurer l’audience de la radio. La miniaturisation et la diversification
des récepteurs ont conduit à abandonner cette solution. » (DURAND Jacques, « Les audiences de la radio »,
Sociologie de la communication, vol. 1, n°1, 1997, p917). La première expérimentation d’audimétrie télévisuelle
en France date de 1966 avec une première expérience de la société française CECODIS (Centre d’études de la
consommation et de la distribution) via 50 appareils placés dans la zone de Télé-Luxembourg. Alors que les
sociétés Sofres et Secodip proposent des solutions techniques depuis 1972 au CEO, le panel audimétrique pour la
télévision est mis en place en 1982 par la société Secodip (alors que les sociétés Nielsen, Erim et Sema ont leurs
Mais le gouvernement hésite. Georges Fillioud, secrétaire d’Etat chargé des techniques
de la communication, envisage de créer un établissement public, « véritable observatoire de la
communication » lors de la conférence de presse du 1er
mars 1984. Au moment où Philippe
Ragueneau, directeur du CEO, quitte le CEO, Paul Florenson, directeur du SOP, propose de
réunir les deux services sous sa direction. Les informaticiens y sont favorables, contrairement
aux chargés d’études qui veulent que le CEO change de structure et de fonctionnement pour
devenir un vrai organisme d’études, détaché des contraintes administratives34
. C’est le choix
du SJTI qui souhaite « doter le CEO d’une plus grande autonomie commerciale en la
détachant de toute tutelle ministérielle pour le rendre aux acteurs professionnels : les
diffuseurs publics et privés. Seul le SOP resterait sous tutelle et irait chercher auprès des
radios locales privées, des réseaux câblés, et de Canal Plus un complément de financement
pour étendre son activité de contrôle35
»36
. Le Conseil d’Etat est consulté et considère en
janvier 1984 qu’une telle création ne peut être réalisée que dans le cadre d’une loi. Un audit
effectué à la demande de la tutelle en avril 1984 conclu que la fusion avec le SOP ne présente
pas d’intérêt et propose de faire du CEO une filiale de l’Institut national de l’audiovisuel
(INA)37
(qui obtiendra 18,92 % des parts de Médiamétrie).
propres propositions), et il est repris par la suite par Médiamétrie qui maintient la sous-traitance. Le nom
« Audimat » a été déposé par la société Secodip, et le nom trouvé par Philippe Ragueneau (directeur du CEO)
selon Jacques Durand (DURAND Jacques, « Les origines de Médiamétrie », interview réalisée par Marlène
Duroux, 25 janvier 2005, http://jacques.durand.pagesperso-orange.fr/Site/Textes/t37.htm). Il existe deux types de
solution technique : soit l’« audimat » fonctionne avec un audimètre placé sous le téléviseur d’un millier de
particuliers avec l’inconvénient de ne pouvoir distinguer ni la qualité, ni la quantité des téléspectateurs présents.
D’où un second procédé, élaboré par Thomson pour Secodip, de mesure d’audience faisant appel à la bonne
volonté des téléspectateurs de l’échantillon (comme en Allemagne depuis 1975). On leur demande de presser des
boutons pour manifester leur présence et indiquer les programmes regardés (« Le projet mondial de Télémétric »,
Entreprendre, n°27, janvier 1989). Le système enregistre le fonctionnement des récepteurs de 650 foyers
recrutés en 1981 sur la base des participants au panel du CEO sans informations sur qui et combien de personnes
du foyer regardent, mais avec des tableaux d’audience par minute, par quart d’heures, par tranches horaires et
par émission. L’« Audimat » est alors uniquement exploité par les chaînes de télévision (d’abord réticentes puis
très intéressées) et la Régie française de publicité (RFP). Les audiences ne sont pas fournies au marché, même si
le CEO élabore un projet de GIE en septembre 1981 en vue de la commercialisation (DURAND Jacques, « Les
études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p87-88). Donc cet instrument est
de plus en plus critiqué et voici ce que dit Jean-François Lacan en 1984 : « Le système automatique de mesure
d’audience (Audimat), mis en place en 1982, donne deux ans plus tard des signes d’essoufflement. Les petites
boites noires associées aux récepteurs d’un échantillon de spectateurs tombent en panne et Thomson tarde à les
réparer. Elles ne sont plus que quatre cents en juin dernier, ce qui rend les taux d’audience très peu fiables. »
(LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le
Monde, 13/12/84). Il y a un nouvel appel d’offre en avril 1984 remporté à nouveau par SECODIP (contre AGB,
ERIM racheté par Nielsen et SEMA) qui utilise cette fois l’audimètre de la société Bertin et qui est destiné à
1 000 foyers. Jacqueline Aglietta annonce en mai 1985 un passage à 1 000 foyers (« La Sofres et Nielsen
s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85). Médiamétrie remplace la mesure
passive par un nouvel audimètre en 1988 : un boitier audimètre du type « à bouton poussoir ». Ce dernier a
l’atout de permettre d’appréhender l’audience au niveau individuel. Il prend en compte les ouvertures et
fermetures de postes, les changements de chaînes d’un téléviseur de chaque individu composant le foyer. Le
panel Audimat est appelé Médiamat en 1989, et le nombre de foyers passe à 2 300. Le « compteur »
audimétrique est maintenant le modèle dominant de la mesure d’audience en télévision.
34
DURAND Jacques, « Les origines de Médiamétrie », interview réalisée par Marlène Duroux, 25 janvier 2005,
http://jacques.durand.pagesperso-orange.fr/Site/Textes/t37.htm
35
L’Assemblée nationale adopte le 5 décembre 1984 le principe d’une cotisation de l’audiovisuel privé en
financement du SOP, avec plafond de 1 500 Francs pour les radios locales, de 1,5 millions de Francs pour Canal
Plus et de 100 000 pour les réseaux câblés. (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La
réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84)
36
LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion »,
Le Monde, 13/12/84
37
« Réussir la conversion du CEO en opérant un redéploiement de ses activités et une réallocation de ses
ressources », Mission A.B.C., avril 1984.
Finalement, le projet est rendu public en décembre 1984 pour « améliorer rapidement
[l]es prestations et […] les commercialiser plus rapidement »38
: il s’agit de transformer le
CEO en société anonyme de droit privé dont le capital serait majoritairement contrôlé par
l’Etat et les sociétés de l’audiovisuel public, mais aussi en partie par les « diffuseurs publics
ou semi-publics »39
(donc avec une participation minoritaire de 20% des acteurs privés40
).
Selon le journaliste Jean-François Lacan, « Il s’agit de faire vite : l’ensemble du secteur de
l’audiovisuel souffre d’une crise de confiance dans un instrument qui régule directement son
équilibre économique. Il ne patientera pas plus longtemps. »41
Ce sera Médiamétrie qui va se
superposer sur le CEO pendant un temps car il faut clôturer l’année du CEO, en particulier
pour encaisser les contributions des sociétés de programme.
Ci-dessous un tableau de Jacques Durand récapitulant chronologiquement les outils
qui ont été utilisés pour mesurer l’audience de la radio et de la télévision en France depuis
194942
:
Chronologie des mesures d’audience de la radio-télévision
Enquêtes périodiques Enquêtes quotidiennes Audimétrie
1949-1953
IFOP-ETMAR
Enquête périodique
1 ou 2 vagues par an
audience foyers
audience radio par ¼ h
2.500 foyers
1954-1967
IFOP-ETMAR : idem
- depuis 1962 : audience radio et
télévision depuis1963 : audience
individuelle
5.000 individus
RTF / ORTF
Sondages téléphoniques
région parisienne
audience individuelle
télévision par émissions
100 interviews par jour
1968-1974 CESP
Enquête radio-télévision
audience individuelle
radio et télévision par ¼ h
2 à 4 vagues par an
12.000 interviews par an
ORTF
Panel quotidien
audience individuelle
télévision par émissions
400 à 1.600 répondants
1975-1984
CESP : idem
CEO
Panel quotidien
audience individuelle
radio et télévision par ¼ h
1.000 répondants
CEO (depuis 1981)
Panel Audimat
audience foyers
télévision par minutes
650 foyers
38
LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion »,
Le Monde, 13/12/84
39
LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion »,
Le Monde, 13/12/84
40
Ce sera 15% au final : 5% pour RTL, 5% pour Europe 1 et 5% pour RMC.
41
LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion »,
Le Monde, 13/12/84
42
DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, annexe
1985-1989 CESP : idem
Médiamétrie
Enquête téléphonique
audience individuelle
radio et télévision par ¼ h
55.000 interviews par an
(36.000 en 1989)
Médiamétrie
Panel Audimat
audience foyers
télévision par minutes
1.000 foyers
depuis 1990 CESP
Etudes budget-temps
et multi-médias
1989-90 : 20.000 interviews
1991-92 : 18.000 interviews
Médiamétrie
Enquête téléphonique
audience individuelle
radio par ¼ h
75.000 interviews par an
Médiamétrie
Panel Médiamat
audience individuelle
télévision par minutes
2.300 foyers
II L’arrivée de Médiamétrie :
Médiamétrie43
est une entreprise interprofessionnelle qui mesure l’audience et étudie
les médias audiovisuels et interactifs en France et à l’international : la télévision et la radio
dans un premier temps, puis le cinéma, internet et les nouveaux médias.
A) Le contexte
Médiamétrie remplace44
le CEO en juin 1985 après une décision prise depuis 1983 par
les pouvoirs publics pour des raisons à la fois politiques et techniques. La situation de ce
nouvel organisme n’est pas facile car il s’agit de la première privatisation d’un service de
l’État en une société anonyme « dont le capital serait majoritairement détenu par l’Etat et les
sociétés du secteur public audiovisuel » avec une participation minoritaire des partenaires
privés. D’autre part, cette privatisation se passe sous un gouvernement socialiste, celui de
Laurent Fabius.
43
Grâce à 320 collaborateurs en équivalent plein-temps, Médiamétrie réalise un chiffre d’affaires de 36,2
millions d’euros en 2002 pour 600 clients, plus de 30.000 panélistes, près de 600.000 interviews téléphoniques
par an (BOURBOULON François, « La mesure d’audience est comme une monnaie commune : elle doit être
unique, reconnue et crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta), Journal du net, 18/04/2003,
http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml). Médiamétrie réalise un chiffre d’affaires de 38 M€ pour un
effectif de 324 personnes en 2004, de 40, 2 millions d’euros pour un effectif de 353 personnes en 2005, de plus
de 43 M€ pour un effectif de 353 personnes en 2006, de 47 M€ un effectif de 350 personnes en 2007, 82,4 M€
en 2014 (Médiamétrie, « 126 000 Radio », novembre-décembre 2015). A la création de Médiamétrie, ce chiffre
d’affaire était de 40 MF (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois
Perret, 2005, p91). Mais en octobre 1985, le chiffre d’affaires de 150 millions de Francs est annoncé pour 142
salariés. Pour donner une idée des revenus de Médiamétrie, l’abonnement à Médiamétrie annuel pour une chaine
de télévision est de 10 millions de Francs en 1989 (CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure
de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102,
mars 1994), la « 126 000 Radio » coûte par station « entre 70 000 et 150 000 euros par an » (SIGNOURET
Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007).
44
Médiamétrie s’installe même dans les locaux du CEO au 9 rue Boissy-d’Anglas dans 8ème
arrondissement de
Paris. Par la suite, Médiamétrie ira rue du Colisée puis à Levallois. En ce qui concerne les appels téléphoniques,
que Médiamétrie souhaite cesser de sous-traiter, ils sont d’abord installés en 1989 au Kremlin-Bicêtre pour
150 000 appels par an, puis décentralisés à Amiens (dans le centre « MC2 ») pour obtenir 400 000 appels par an.
Jusqu’en 1992, la collecte des données pour les enquêtes de Médiamétrie était entièrement sous-traitée, y
compris l’outil informatique confié au sous-traitant SSII (filiale de la Société Générale) de Médiamétrie SG2
(MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p90-91).
Médiamétrie, qui a à sa tête Jacqueline Aglietta, connaît donc plusieurs difficultés
dans les premières années de son existence :
- Une résistance interne avec des salariés et syndicats qui refusent la
privatisation, ce qui conduit une partie des employés du CEO à faire partie de
Médiamétrie avec des contrats de droit privé et l’autre partie à partir pour la
Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) où les salariés du
SOP sont partis.
- Le CESP lui fait de l’ombre en publiant les résultats issus de la vague d’étude
sur l’audience des stations de radio et des chaines de télévision d’octobre-novembre
1985 qui a porté sur 4 488 personnes représentatives des 15 ans et plus (soit
40 300 000 personnes le premier janvier 1985) grâce à des interviews qui ont eu lieu
du 13 octobre au 19 novembre avec interruption de l’enquête du 27 octobre au 5
novembre inclus et du 9 au 12 novembre inclus45
. Une autre étude est publiée le 13
mars 1986 à propos d’un échantillon de 4 358 personnes interviewées entre le 7
janvier et le 5 février 1986. Le CESP prévoit de mettre « au point une méthodologie
plus aigüe, et plus rigoureuse de l’audience individuelle »46
.
- Dans un article intitulé « L’audimétrie : un créneau déjà encombré » de
Sylvie Martin dans Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la
communication en 1986, la journaliste critique « un certain gaspillage de ressources
(les études mesurent souvent les mêmes phénomènes), qui peut conduire à des
incohérences, des contradictions47
, voire des abus. Dans tous les cas, la situation est
des plus confuses pour les agences et les annonceurs et constitue une cause d’erreur
pour la répartition des investissements publicitaires. »48
Sylvie Martin espère donc une
régulation du marché : « Il reste à espérer que, dans les mois à venir, les règles du jeu
soient enfin fixées et permettent une rationalisation de la mesure des médias
audiovisuels. »49
Il n’y aura pas de régulation légale des institutions publiques mais
autorégulation du marché via son oligopolisation, ou plutôt sa monopolisation, et
l’accord de la grande majorité des acteurs audiovisuels intéressés par l’audience.
- L’Association des agences-conseils en publicité (AACP ; le syndicat
professionnel des agences de publicité), qui deviendra l’Association des agences-
conseils en communication (AACC), ne croit pas à la privatisation du CEO à long
terme et donc à sa crédibilité et son indépendance. Jacques Bille, qui dirige l’AACP à
45
« Audience des stations de radio et des chaines de télévision selon la vague d’étude CESP d’octobre-novembre
1985 », Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1434, 23-30/12/85, p69
46
Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1446, 31/03/86, p42
47
Sylvie Martin fait référence à une étude d’IPSOS sur les radios locales privées « dont les résultats ne
concordaient pas toujours avec ceux d’une enquête IFOP/Sofres » qui était une étude annualisée en 1986 qui
portait sur les agglomérations de plus de 200 000 habitants via 10 000 interviews. (MARTIN Sylvie,
« L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé
par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86,
p42). Une étude IFOP/Sofres est publiée en juin 1985 où on peut voir la large domination de NRJ dès 6 heures
du matin sur ERT et Europe 1 en ce qui concerne l’audience par ¼ d’heure en pénétration chez les 15/34 ans de
la région parisienne. On peut voir aussi que NRJ domine RTL et Europe 1 à partir de 17h-18h dans les
agglomérations de Nantes (IFOP/Sofres juin 1985), du Havre (IFOP/Sofres juin 1985) et de Lyon (Sofres
octobre 1985) en ce qui concerne l’ensemble de la population (Echo de la presse et de la publicité. Le magazine
de la communication, n°1452, 19/05/86, p24).
48
MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou
confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication,
n°1450, 28/04/86, p43.
49
MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou
confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication,
n°1450, 28/04/86, p43.
cette époque, dit le 10 avril 1985 qu’il souhaite une audimétrie privée car les pouvoirs
publics refusent de s’engager formellement à fournir à la profession publicitaire des
informations satisfaisantes issues de l’audimétrie gérée par le service public au sein du
CEO50
. Le syndicat demande donc à l’institut Nielsen de créer un nouveau panel51
.
Ainsi, dès mai 1985 une étude Sofres/Nielsen est annoncée pour septembre 1985 avec
un panel de 200 foyers équipés de boitier audimétriques et un panel de 2 000 foyers
avec carnets d’écoute transmis par télématique quotidiennement pour toute la France52
.
Mais il n’obtiendra pas les financements nécessaires, notamment parce que les chaines
publiques ne suivent pas. L’alliance Sofres/Nielsen est aussi en lice quand le CESP
lance un appel d’offre en octobre 1985.
- Comme Médiamétrie, l’IFOP est en lice pour l’appel d’offre du CESP grâce à
une association avec la société britannique AGB qui utilise l’audimètre à bouton-
poussoir en Grande Bretagne, Allemagne et Italie53
.
- IFOP et Sofres publient les résultats d’un sondage en juillet 1985 réalisé entre
le 21 mai et le 15 juin 1985 auprès d’un échantillon de 1 500 personnes de 15 ans ou
plus à Lyon54
.
- Le Canard enchainé critique la représentativité géographique des études de
Médiamétrie dès septembre 1985 : « Des départements entiers ont été rayés de la carte
par Médiamétrie et des bourgades comme Clermont-Ferrand, Mulhouse, Ajaccio etc.
sont inconnus »55
.
- IPSOS réalise un sondage sur un échantillon de 2 007 personnes d’Ile-de-
France âgées de 12 ans et plus via des interviews en face-à-face entre le 11 et le 15
mars 198656
.
- Il existe des études ponctuelles et régionales comme celles de l’institut
« Konso. Institut d’études de consommateurs et d’analyses sociales »57
qui réalise, par
ailleurs, une enquête quotidienne par téléphone sur l’audience et l’appréciation des
programmes de télévision sur 300 personnes et dont les résultats sont publiés par Le
Figaro et France-Soir.
- Médiamétrie doit s’adapter aux nouveaux besoins en termes de mesure
d’audience nés des mutations du paysage audiovisuel :
- développement des radios privées,
- développement de la bande FM58
,
- privatisation d’Europe 1,
- privatisation de la première chaîne,
- création de Canal,
50
« Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85 Jacqueline Aglietta répond que
son souci est « de faire en sorte que la nouvelle société soit en mesure de correspondre aux besoins de la
profession » (« Les premiers pas de Médiatrie » [sans doute une coquille], Presse actualité, n°193, mai 1985,
p10).
51
BOISSON Gilles, « L’audimétrie : comparaison Médiamétrie-Nielsen », in Les médias, expériences et
recherches (Séminaire « Médias » de l’I.R.E.P. de décembre 1986), I.R.E.P., Paris, 1987
52
« La Sofres et Nielsen s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85
53
MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou
confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication,
n°1450, 28/04/86, p43.
54
Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1429, 18/11/85, p60
55
« Querelles autour d’un panel entre "le Canard enchainé" et Médiamétrie », Le Monde, 03/09/87
56
Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1452, 19/05/86, p33
57
Sylvie Martin, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou
confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication,
n°1450, 28/04/86, p43
58
La modulation de fréquence a dépassé la moitié de l’écoute globale en 1978 aux États-Unis, et en 1988 en
France (Concerto Études, La radio en direct de Concert Media, Concerto Media, Neuilly, février 1991).
- lancement de la Cinq et de la Six…
- Les instituts de sondage souhaitent reprendre la maitrise de la mesure
d’audience en 1986 quand Jacques Chirac devient Premier ministre. Plus tard, ils
tentent de faire partie des actionnaires59
.
- Philippe Ramond, directeur délégué de la 5, dit en 1987 que le panel de
Médiamétrie est « périmé », les résultats « partiels, voire partiaux » et les méthodes
« inadaptées »60
.
- Hachette, qui souhaite acquérir TF1, a aussi des velléités de prise de contrôle
de Médiamétrie61
.
- La nouvelle directrice du CESP, Corinne Fabre, lance un appel d’offre pour
constituer un nouveau panel audimétrique avec le soutien des publicitaires et de
Bochko Givadinovitch, PDG de la Régie française de publicité de la chaine de
télévision publique TF1. AGB, filiale du groupe Maxwell, remporte l’appel d’offre,
mais Patrick Le Lay annonce que TF1 ne va pas s’associer au projet62
.
- Les stations de radio se plaignent de la méthodologie de Médiamétrie :
Europe 1 à cause de la diminution de son audience dans les années 199063
, Voltage en
199664
, NRJ et Skyrock pour que les préadolescents soient pris en compte65
. Plus tard,
Skyrock pour les 11-12 ans.
B) Les acteurs
Pour que Médiamétrie fasse consensus quant à son fonctionnement et sa
méthodologie, tous ceux qui avaient vocation à l’utiliser, à l’exception des publicitaires, et qui
ont des moyens économiques suffisamment importants ont été associés à son fonctionnement
et à son capital. Donc, il y a des représentants de :
- TF1 (qui n’est pas encore privatisée) : Antoine de Tarlé,
- Antenne 2 : Pierre Wiehn,
- FR3 : Joseph Barbedienne,
- Radio France : Monique Sauvage,
- Europe 1 : Jean-Robert Parturier,
- RMC : Jacques Braun,
- l’INA66
: Michel Berthod,
- la Régie française de publicité : Jeanne Labrousse,
- l’Etat (qui participe encore au capital) : Francis Brun-Buisson.
Il manque donc des acteurs majeurs. A cette époque, la CLT/RTL pensait obtenir la
cinquième chaîne. Mais quand Silvio Berlusconi l’a obtenue, le groupe a arrêté ses
59
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p48-50
60
« Querelles autour d’un panel entre "le Canard enchainé" et Médiamétrie », Le Monde, 03/09/87
61
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p50-52
62
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p52-55
63
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p84
64
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p96
65
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p117-118
66
En 1988, l’INA conserve 2,79% de ses actions (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience,
Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p61). Jusqu’en 1987, l’INA est le plus gros actionnaire de Médiamétrie
avec un tiers des actions. Son président, Jacques Pomonti, souhaitait que devienne une filiale (MEADEL Cécile,
« Jacqueline Aglietta, présidente de Médiamétrie » (entretien de Cécile Méadel avec Jacqueline Aglietta), Le
Temps des médias, n°3, 2004/2).
investissements en France, y compris son entrée dans le capital de Médiamétrie67
. C’est pour
cela que le capital est fixé à 930 000 francs au lieu d’un million : il manque les 70 000 francs
de RTL. Il manque aussi Canal qui a souhaité travailler avec la Sofres (avec un panel
télématique68
) compte-tenu de sa programmation spécifique. Il manque aussi les nouveaux
acteurs radiophoniques privés comme NRJ dont l’audience est déjà loin d’être négligeable69
.
Ces organismes ont le statut d’actionnaire et se rencontrent au sein de cette instance
pour s’accorder sur des instruments permettant de mesurer l’évolution des médias déjà
existant et l’émergence des nouveaux médias. En effet, à partir des « données de base » des
premières études, Jacqueline Aglietta « souhaite multiplier les outils complémentaires » :
« baromètres des chaines, des émissions, observations qualitatives sur les
comportements des auditeurs et téléspectateurs, études sur les nouveaux médias et la
télématique »70
Voici la distribution du capital telle qu’elle est publiée en février 1985 dans le mensuel
Presse actualité :
- 05,00 % pour l’Etat,
- 17,60 % pour l’INA,
- 15,00 % pour Radio France,
- 10,00 % pour TF1,
- 10,00 % pour A2,
- 10,00 % pour FR3,
- 05,00 % pour RFO,
- 15,00 % pour RFP,
- 05,00 % pour RTL,
- 05,00 % pour RMC,
- 05,00 % pour Europe 171
.
Rappelons que la RFP (Régie Française de Publicité) gère alors la publicité de TF1,
Antenne 2, FR3 et Radio France, que RMC appartient à hauteur de 83.34%72
à la Sofirad
(jusqu’en 1998), de même pour Europe 1 (jusqu’au 3 avril 1986). Donc s’il y a privatisation,
la propriété des parts continue d’être directement ou indirectement publique. En tout cas, en
février, il n’est pas encore question de changement de nom, mais d’un changement de statut
juridique.
Voici la distribution du capital telle qu’elle est publiée dans Le Monde en avril 1985 :
- 00,43% pour Jacqueline Aglietta,
- 05,38% pour l’Etat,
- 18,92% pour l’INA,
- 16,13% pour Radio France,
67
Il faudra donc attendre la fin de La Cinq en 1992 pour que Médiamétrie obtienne le monopole de l’audience
télévisuelle en France.
68
« La Sofres et Nielsen s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85
69
Voir ci-dessous et l’article de Jacques Durand sur les audiences des « radios libres » (« Les enquêtes sur les
"radios libres" réalisées par le Centre d’études d’opinion », in Thierry Lefebvre et Sebastien Poulain (sous la
direction de), Radios libres, 30 ans de FM : la parole libérée ?, INA/L’Harmattan, collection « Les Médias en
actes », Brie-sur-Marne/Paris, 2016).
70
« Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85
71
« Changement de statut pour le CEO », Presse Actualité, n°190, février 1985, p12
72
« Le point sur la privatisation des entreprises de communication », Echo de la presse et de la publicité. Le
magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p60
- 10,75% pour TF1,
- 10,75% pour A2,
- 10,75% pour FR3,
- 16,13% pour RFP,
- 05,38% pour RMC,
- 05,38% pour Europe 173
.
Compte-tenu des changements dans la distribution du capital et des acteurs détenant
du capital entre les deux dates, il y a eu renégociations. En effet, il y a eu le départ de RFO (la
société de radiodiffusion et de télévision française pour l’outre-mer) et de RTL, et l’arrivée de
Jacqueline Aglietta. Les autres acteurs se partagent, dans cette nouvelle distribution de mai, le
capital similaire à la proportion de capital telle qu’elle avait été distribuée et publiée en
février.
En 1988, l’Etat retire sa participation, et s’ajoutent les publicitaires et deux nouvelles
chaines de télévision. Le capital de Médiamétrie est redistribué en trois parties :
- 35% pour les télévisions : TF1, A2, FR3, Canal, la Cinquième,
- 27% pour les radios : Radio France, Europe 1, RMC et RTL (un peu plus
tard),
- 35% pour les annonceurs, agences conseils et centrales d’achats : L’Union
des Annonceurs, Carat France, DDB Needham, FCB, Havas Advertising, Publicis.74
En 2016, le capital de Médiamétrie (930 000 €) est distribué de la même façon :
- 35% pour les télévisions : 10,80% pour TF1, 1,40%, pour Canal +, 22,89%
pour France télévisions,
- 27% pour les radios : 13,5% pour Radio France, 5,4% pour Europe 1, 5,4%
pour RMC et 2,7% pour Bayard d’Antin - RTL,
- 35% pour les annonceurs, agences conseils et centrales d’achats : 11,77%
pour l’Union des Annonceurs, 6,7% pour Publicis conseil, 6,7% pour Havas, 1,62%
DDB Groupe France, 6,7% pour Aegis Média France,
- 3% pour l’INA et d’autres actionnaires non précisés.75
III Présentation de la « 55 000 »
Un des premiers objectifs de Médiamétrie est de monter un système d’enquêtes
téléphoniques permettant d’analyser régulièrement les audiences radio et télévision au niveau
régional pour mieux connaître le public des stations décentralisées de Radio France et de
France 376
. C’est la « 55 000 ».
En octobre 1986, Jacqueline Aglietta fait une présentation du « panel Audimat » et de
la « 55 000 » aux Journées d’études en statistiques organisées par l’Association pour la
statistique et ses utilisations (ASU) qui ont lieu au Centre International de Rencontres
Mathématiques (C.I.R.M.) sur le campus de Luminy à Marseille. Cette présentation donnera
73
« Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85
74
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p58
75
https://www.mediametrie.fr/mediametrie/pages/capital-et-actionnaires.php?p=10,88,86&page=26 On voit qu’il
n’y a pas de place pour des représentants de l’audience, d’associations, des petits opérateurs, des chercheurs, des
consultants... et que l’INA a perdu beaucoup de son poids malgré son importance dans le domaine de la
recherche.
76
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p82
lieu à un article intitulé « Les sondages dans l’Audiovisuel » dans l’ouvrage Les Sondages
dirigé par Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (membre de
l’Association pour la Statistique et ses Utilisations-ASU et de Société Française de
Statistique-SFdS), et publié en 198777
. C’est la première d’une longue lignée d’interventions
scientifiques de Médiamétrie78
.
A) L’échantillon
La « 55 000 », imaginée par Dominique Scaglia79
, consiste en 55 000 interviews
téléphoniques80
par an (car 5 500 interviews par mois et aucune interview en juillet et août).
Cela fait 185 interviews par jour contre 250 pour la « 75 000 »81
(créée en 199082
), 400 pour la
« 126 000 » (créée en 200583
).
Les personnes interviewées doivent répondre à certaines conditions :
77
AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et
Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987
78
Médiamétrie comptabilise plus de 70 publications écrites entre 1985 et 2005 à l’Institut de Recherche et
d’Etudes Publicitaires (IREP), à l’European Society for Opinion and Market Research (ESOMAR), dans des
colloques mathématiques ou statistiques nationaux ou internationaux, en articles ou en livres
(http://www.mediametrie.fr/carrieres/pages/les-publications-scientifiques-de-1987-a-1996.php?
p=7%2C120&page=73). Jacques Durand, décédé en 2015, a publié de nombreux articles dans les Cahiers
d’histoire de la radiodiffusion et a participé à des colloques du GRER. En mai 1985, il représente Médiamétrie
dans un colloque organisé par le Comité pour l’information dans la presse dans l’enseignement (CIPE) qui a lieu
les 13 et 14 mai à la Cité universitaire internationale de Paris et où des enseignants, des sociologues, des
éducateurs, des professionnels de la presse et des jeunes s’interrogent sur l’indifférence des jeunes vis-à-vis de la
presse écrite (« Tribunes », Le Monde, 13/05/85). Les investissements que Médiamétrie consacre « à la recherche
et au développement représente 10% de [son] chiffre d’affaires » (AGLIETTA Jacqueline, « Discours de clôture
par Madame Jacqueline Aglietta, Président-Directeur Général de Médiamétrie », Médiamétrie Les Rencontres
2006, Palais Brongniart, Paris, jeudi 2 mars 2006, p4). Ce chiffre est régulièrement donné par des représentants
de Médiamétrie car avec la privatisation du CEO, Médiamétrie n’est plus financé par une cotisation annuelle
mais par des ventes d’études ce qui précarise l’institut. Donc l’aspect « commercial » passe devant l’aspect
« recherche ». Or, l’aspect « recherche » est nécessaire pour légitimer l’aspect « commercial » (DURAND
Jacques, « Le rôle des sondages dans le domaine de l’audiovisuel », Communication et langages, n°67, 1986,
p108).
79
MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p47.
Dominique Scaglia a connu Jacqueline Aglietta à la Sofres, il vient de Nielsen.
80
L’acceptation par la communauté scientifique du recueil de données par interview téléphone date du milieu des
années 1960 aux Etats-Unis. Or, selon l’INSEE, 9,3% des ménages disposent d’un téléphone en 1964, 50% en
1978 et 92% en 1988 (FREJEAN Michel, PANZANI Jean-Pierre et TASSI Philippe, « Les ménages inscrits en
liste rouge et les enquêtes par téléphone », Journal de la Société de Statistique de Paris, vol.131, n°3-4, 1990,
p86-87). La précision d’un sondage n’est pas lié à la taille de la population cible mais au nombre de personnes
interrogées. Plus on interroge de personnes, plus le résultat est précis. Les chiffres fournis sont susceptibles de
varier dans des intervalles de confiance. Les intervalles de confiance sont des intervalles fixés à l’avance en
fonction du niveau de confiance souhaité. Les valeurs réelles recherchées doivent s’y situer. La longueur de
l’intervalle peut varier selon l’importance de l’échantillon. Pour un intervalle de confiance de 95 %, les marges
d’erreur sont : d’environ 10 points quand on interroge 100 personnes ; d’environ 3 points quand on interroge 1
000 personnes ; d’environ 1 point quand on interroge 10 000 personnes. Cela signifie que le résultat que l’on
aurait obtenu si on avait interrogé l’ensemble de la population de référence a 95 % de chance de se situer dans un
intervalle se situant entre le résultat de l’étude - marge d’erreur et résultat de l’étude + marge d’erreur. Ainsi, au
delà d’un certain nombre de personnes interrogées, le gain de précision ne justifie plus d’interroger d’autres.
81
La « 75 000 » devient la « 75 000 + » en janvier 1999 du fait de certaines améliorations : le recueil porte
désormais sur l’audience des dernières 24h00 et non plus sur l’audience de la veille, la précision passe du quart
au demi-quart d’heure, et l’enquête comprend aussi des questions sur l’audience de la TV, la fréquentation du
cinéma et l’équipement TV du foyer.
82
En 1989, elle devient pour peu de temps la 36 000 du fait d’un manque de budget selon Arnaud de Saint-
Roman, interrogé à Radio 2.0 le 13 octobre 2015.
83
Médiamétrie décide de prendre en compte les 50 000 interviews de l’étude « Médialocales ».
- elles doivent avoir au moins 15 ans (contre 13 ans aujourd’hui84
). Il y a une
sous- représentation des 65 ans et plus et une sur-représentation des individus âgés de
15 à 64 ans.
- elles doivent habiter en France métropolitaine85
. Tous les départements
doivent être représentés sur une semaine et toutes les régions sur une journée. Dans
chaque région, le tirage des numéros de téléphone est systématique et s’appuie sur
l’annuaire. C’est ce qui est appelé l’équipartition spatiale.
- elles doivent appartenir à des ménages « ordinaires ». Médiamétrie fait la
distinction entre les ménages « ordinaires » et les ménages « collectifs » qui sont
« rarement maitres de leurs achats et de leurs comportements »86
. Les entreprises,
administrations, associations sont exclues.
- elles ne doivent pas travailler de près ou de loin dans les médias.
- elles ne doivent pas être interrogées à nouveau pendant cinq ans87
.
- elles doivent être bénévoles88
.
84
En 2002, le Comité Radio de Médiamétrie décide, sur proposition des radios qui ciblent les jeunes comme
NRJ (qui souhaite l’âge de 10 ans) ou Skyrock, d’intégrer à la mesure d’audience du média radio, les jeunes
auditeurs à compter de l’âge de 13 ans alors qu’il portait jusqu’ici sur les 15 ans et plus. Pour comparaison, l’âge
qui est pris en compte par le Médiamat pour la télévision est depuis 1993 de 4 ans (6 ans auparavant). Or, on
« sait depuis toujours que la radio est aussi un média de jeunes, voire de très jeunes et que les prendre en compte
relève du simple bon sens. » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois
Perret, 2005, p117) Il s’agissait de « déterminer l’âge à partir duquel un individu peut valablement être
interviewé par téléphone sur son écoute radio » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience,
Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p118). Après des investigations, la consultation d’experts et des rapports de
force au sein de Médiamétrie (principalement entre RTL et NRJ), il est décidé que l’âge sera celle de « l’entrée
au collège, qui marque la sortie de l’univers de l’enfance » (Idem, p118), même si l’entrée au collège se fait
avant 13 ans. Le résultat de ce changement de méthodologie apparaît dès l’automne 2002 : NRJ dépasse RTL en
audience cumulée, et les radios généralistes vont commencer à valoriser d’autres indicateurs d’audience (« durée
d’écoute par auditeur », « part d’audience », « Quart d’Heure Moyen » (« moyenne des audiences moyennes par
quart d’heure sur une tranche horaire donnée. » (CESP, Mesurer l’audience des médias. Du recueil des données
au média-planning, Dunod, Paris, 2002, p107)), une plus grande attention des auditeurs envers l’information
qu’envers la musique). En 2007, Skyrock, qui a une audience plus jeune que celle de NRJ, demande à
Médiamétrie de prendre en compte l’audience des personnes âgées de 11 et 12 ans dans la « 126 000 ». En effet,
selon une étude que Skyrock a commandée à l’institut CSA, Skyrock est écoutée quotidiennement par 389 424
auditeurs âgés de 8 à 12 ans, dont 36% ont 11 et 12 ans ce qui ferait passer Skyrock devant Europe 1 en termes
d’audience et la ferait devenir deuxième radio musicale des 13 ans et plus au niveau national et première
musicale sur l’Ile-de-France. L’étude a été faite dans 134 agglomérations situées en France métropolitaine et
correspondant à la zone de diffusion de Skyrock sur un panel de 304 enfants. Les enfants ont été interrogés,
après autorisation de leurs parents ou tuteurs, sur cinq jours, selon une cadence quotidienne de 60 interviews,
afin d’obtenir des résultats du lundi au vendredi (LARROCHELLE Jean-Jacques, « Skyrock demande un
nouveau calcul des audiences radio », Le Monde, 01/11/07). Sur la réception des « radios jeunes » par les
jeunes : GLEVAREC Hervé, Libre antenne : La réception de la radio par les adolescents, Armand Colin, Paris,
2005.
85
Initialement, seules les personnes se déclarant de nationalité française étaient interrogées. Mais le CESP a
incité Médiamétrie à prendre en compte les étrangers.
86
AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et
Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p252
87
SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14.
88
La question de la rémunération des personnes interrogées se pose en matière de sondage car répondre à un
sondage demande du temps et de la réflexion selon une procédure contraignante. De plus, elle fait fonctionner
toute une économie ce qui fait que la valeur économique des réponses données est mesurable. Si les personnes
étaient rémunérées, leurs réponses seraient-elles fondamentalement différentes, en sachant que les méthodologies
prévoient de toute façon des techniques de vérification de la parole de la personne interrogée (en posant à
plusieurs reprises une question sur un même sujet pour vérifier s’il y a des contradictions). Par ailleurs, la
rémunération existe pour les personnes qui participent à des études de marché et d’opinion (PIQUARD
Alexandre, « Polémique autour de la rémunération des sondés sur Internet », Le Monde, 08/03/2011
D’un point de vue sociodémographique et économique, des quotas89
sont mis en place
par sexe, âge et « activité » car il existe « des individus qui ont une propension plus grande
que d’autres à répondre au téléphone »90
.
L’« enquêteur » dispose donc des profils de personnes à interviewer. Si la personne
qui décroche le téléphone ne correspond pas au profil, l’enquêteur demande si une personne
du foyer y correspond.
Une distinction est faite entre l’audience « lundi-vendredi » et celle de « samedi-
dimanche ». Mais cette distinction va devenir insuffisante compte-tenu de l’évolution de la
société. Elle va donc être critiquée car elle ignore :
« des phénomènes importants comme les périodes de vacances scolaires, les
"ponts" et jours fériés, les périodes d’actualité très spécifiques (événements sportifs,
politiques...) qui sont ainsi diluées dans la moyenne. Cela devient d’autant plus
problématique que l’instauration des 35 heures, entre autres phénomènes, a modifié
profondément le rapport au temps et la façon de prendre des congés ou de gérer sa
semaine, ce qui n’est pas sans influence sur l’écoute de la radio, très liée aux activités
de la journée. »91
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/03/08/polemique-autour-de-la-remuneration-des-sondes-sur-
internet_1489900_823448.html#LiBff0pWbEIZYbSM.99). Aujourd’hui c’est la question de la rémunération des
activités numériques qui se pose car ces dernières se situent dans un contexte et un écosystème économique où
les actions des internautes ont une valeur économique (CARDON Dominique et CASILLI Antonio, Qu’est-ce
que le Digital Labor ?, INA, Bry-sur-Marne, 2015).
89
La méthode d’échantillonnage choisie par Médiamétrie est celle des quotas. Contrairement aux méthodes
aléatoires, elle ne suppose pas d’avoir la liste exhaustive de l’ensemble de la population de référence. La
méthode des quotas n’a besoin que des informations sur les caractéristiques socio-démographiques de cette
population. Il s’agit donc d’abord de « choisir » les quotas. Cela consiste d’abord à déterminer les
caractéristiques dont il paraît raisonnable de penser qu’elles influencent le plus les résultats de l’étude. En
pratique, les quotas les plus utilisés sont l’âge, le sexe et la catégorie socioprofessionnelle. Par la suite, il suffit
de connaître la répartition de la population par catégorie pour les variables de contrôle ou quotas choisis à partir
des bases de données de l’INSEE : répartition par sexe, entre catégories socioprofessionnelles, entre tranches
d’âge. L’échantillon de personnes interrogées devra alors respecter cette répartition. Selon Jacques-François
Fournols (directeur exécutif chargé des ressources et des opérations chez Médiamétrie) en 2007, « Il faut en
moyenne sept appels avant de tomber sur la bonne personne. » La bonne personne qui correspond au quota exigé
à un moment donné. Et l'équipe des enquêteurs continue d’interroger les auditeurs jusqu’à ce que les quotas
exigés le jour en question soient remplis. (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio »,
Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14.)
90
AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et
Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p253
91
CHEVREUX Marie-Dominique, « La radio pionnière », Hermès, n°37, 2003
Donc, à partir de juillet 2006, le « Comité92
Radio »93
de Médiamétrie décidera de
prendre en compte les « Jours de Moindre Activité »94
(JMA) c’est-à-dire les jours où le
« taux d’activité »95
est inférieur à 55% pour pouvoir mieux comparer les résultats des
différentes périodes d’étude. Ainsi, les « lundi-vendredi » deviennent les « Lundi-Vendredi
d’activité ». Il s’agit de tendre vers l’équipartition temporelle qui nécessite de faire des
enquêtes sur de longues périodes pour limiter le poids des événements conjoncturels dans les
résultats : une campagne de publicité d’une radio, un événement d’actualité important…
B) L’interview
Les interviews sont réalisées par téléphone96
. Médiamétrie prend la conduite d’un tiers
de ses études et laisse le reste aux instituts ISL (Institut de sondage Lavialle) et BVA97
. La
durée moyenne est, dans les premiers temps de l’enquête, de 14 minutes98
. Grâce au système
92
Les comités spécialisés (Audimétrie (1988), Radio (1989), Cinéma (1993), Câble-Satellite (1995), Métridom
(1997), internet (2000)) se réunissent « tous les trois mois environ pour chaque média » (BOURBOULON
François, « La mesure d’audience est comme une monnaie commune : elle doit être unique, reconnue et
crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta), Journal du net, 18/04/2003,
http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml). Ils sont « chargés d’approuver pour chaque, les procédures
d’étude et tout ce qui s’y rapporte : méthodologie, taille des échantillons, définition des cibles, communication
des résultats, etc. » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret,
2005, p80). Mais selon Jacqueline Aglietta, ils ont un rôle proche de celui d’un conseil d’administration : « Nous
avons des comités, qui fonctionnent comme des conseils d’administration. Ce ne sont pas des réunions
techniques, mais plutôt stratégiques et politiques. » (BOURBOULON François, « La mesure d’audience est
comme une monnaie commune : elle doit être unique, reconnue et crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta),
Journal du net, 18/04/2003, http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml) Sous Jacqueline Aglietta,
Médiamétrie est organisé en fonction des grands médias, mais lorsque Bruno Chetaille (ex-PDG de TDF) lui
succède en 2007 (GARRIGOS Raphaël et ROBERTS Isabelle, « Ne l’appelez plus Médiamétrie », Libération,
08/07/2006), il met en place une direction des mesures d’audience, une direction performance et cross-média et
une direction Eurodata TV.
93
En 2005, le « Comité Radio » comprend Lagardère Active, Radio France, les stations indépendantes de
catégorie B, NRJ Group, RMC, RTL Group et Skyrock pour les groupes et les stations de radio, et Union Des
Annonceurs avec 3 représentants, Publicis, Havas, Carat et DDB pour les annonceurs et publicitaires. En 2016, il
se compose de 15 membres, représentant les groupes et les stations de radio (Lagardère Active, Radio France,
NRJ Group, RMC NEXTRADIOTV, RTL Group, Stations B, Skyrock) et les annonceurs et publicitaires (Union
Des Annonceurs avec 3 représentants, Publicis, Havas, Carat Expert et DDB) et Médiamétrie. Le « Comité
Radio » s'appuie par ailleurs sur une instance technique, la Commission Scientifique et Technique Radio.
(http://www.mediametrie.fr/mediametrie/pages/le-comite-radio.php?p=10,88,90&page=43) La composition du
« Comité Radio » se distingue donc de celle des actionnaires qui comprend seulement Radio France, Europe 1,
RMC et RTL en ce qui concerne les radios.
94
« Evolutions majeures du dispositif de mesure d’audience de la Radio », Communiqué de presse radio de
Médiamétrie, Levallois, le 27 juin 2006. Cette évolution tient compte de l’arrivée de la réduction du temps de
travail (RTT) due au 35h par semaine.
95
Le taux d’activité est la part des actifs occupés ayant exercé leur activité professionnelle le jour même de
l’interview. Médiamétrie donne ce taux hors « Jours de Moindre Activité » en le calculant en fonction du nombre
de jours de semaine de la vague, du nombre de jours fériés, du nombre de jours de vacances scolaires et du
nombre de « Jours de Moindre Activité ».
96
En 2007, à Amiens, c’est une centaine d’enquêteurs, composés pour l’essentiel d’étudiants, de femmes au
foyer ou de retraités qui réalisent les interviews (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience
radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14).
97
« Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85
98
Arnaud de Saint Roman, Odile Le Moal et René Saal font référence à 24 minutes d’interview en 1995 avec des
questions sur la radio, puis sur la télévision, puis sur le cinéma (« Diary vs Recall : Médiamétrie complementary
approach for measuring radio audience », 1st
Esomar Radio Research Symposium, European Society for Opinion
and Marketing Research, Paris, 1995, p1). En 2007, Jacques-François Fournols, directeur exécutif chargé des
ressources et des opérations chez Médiamétrie, fait référence à des interviews qui peuvent « durer plus d’une
CATI99
(Computer Assisted Telephone Interview), chaque enquêteur dispose d’un ordinateur
qui lui permet de faire défiler les questions sur l’écran et d’entrer les réponses fournies. La
mise en place du système CATI coïncide avec la fondation de Médiamétrie puisqu’elle date
de 1985. CATI est une plateforme logistique en réseau de postes d’appels pilotés de manière
centralisée100
qui permet de gérer plusieurs dizaines de milliers de carnets de panélistes pour
l’émission des appels et le stockage des réponses. Cette procédure d’interviews téléphoniques
assistées par ordinateur donne la possibilité :
- de vérifier la cohérence des réponses,
- d’appeler et rappeler automatiquement les interviewés (en cas d’absence),
- de contrôler les quotas au fur et à mesure,
- de garantir la fiabilité technique de l’utilisation du questionnaire101
(déroulement, aiguillage),
- d’avoir une saisie en continu des interviews,
- de gérer les fichiers des adresses en temps réel,
- de contrôler les enquêteurs (les chefs d’équipe peuvent écouter les interviews
sans que les enquêteurs le sachent, même s’ils savent qu’ils peuvent être écoutés à tout
moment),
- d’utiliser des classements à plus de cinq items.102
A l’époque où l’entreprise Médiamétrie est créée, les interviews par téléphone sont
rares par rapport aux enquêtes dans la rue (les « enquêtes-piétons »). Les refus de répondre
sont donc moins nombreux qu’aujourd’hui. Il faut appeler 2,5 numéros pour obtenir une
réponse en sachant que chaque numéro est appelé 4 fois avant la tentative sur un autre
numéro103
. Selon Jacqueline Aglietta, en 1987, le taux d’acceptation est de 40% contre 10%
pour les enquêtes à domicile104
.
heure, selon la prolixité de l’interlocuteur » (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio »,
Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14).
99
Livre blanc. Réussir la mise en place d’un système CATI, Soft Concept, Lyon, http://www.soft-
concept.com/files/pdf/livreblanccati.pdf
100
Contrairement aux réseaux de micro-ordinateurs d’entreprises qui sont constitués d’ordinateurs personnels qui
partagent des ressources à travers un serveur de fichiers et d’impressions.
101
Exemple de question : « Dites-moi si, en semaine, du lundi au vendredi, vous avez l’habitude d’écouter telle
station tous les jours, presque tous les jours, une ou deux fois par semaine, moins souvent ou jamais ». Du fait de
l’arrivée de nouvelles technologies de réception, cette question a été précisée en septembre 2003 par : « Je vous
demanderai de me citer toutes vos écoutes de la radio, que ce soit via la télévision, Internet, sur un baladeur, sur
un téléphone mobile ou, bien entendu, sur un poste de radio et quel que soit le lieu d’écoute, chez vous, au travail
ou ailleurs. » En avril 2007 une nouvelle phrase d’introduction remplace l’ancienne. Ainsi, sont énumérés
explicitement tous les modes d’écoute et en particulier le téléphone mobile et le baladeur radio, dûment
nommés : « Nous allons maintenant parler de ce que vous avez écouté aujourd’hui à la radio. Je vais vous
demander de me citer toutes vos écoutes de la radio, que ce soit via la télévision, via internet, sur un téléphone
mobile, sur un baladeur radio, et bien entendu sur un poste radio, quel que soit le lieu de ces écoutes, chez vous,
en voiture, au travail ou ailleurs ». Les nouveaux modes d’écoute sont donc pris en compte, mais ils ne sont pas
détaillés au niveau du recueil ni donc de la production des résultats. En effet, cela rendrait nécessaire d’explorer
l’audience quart d’heure par quart d’heure et par mode d’écoute, d’où un allongement sensible du questionnaire
et un renchérissement non négligeable du coût de l’étude.
102
Le système peut être utilisé autant pour l’étude des audiences que par les entreprises souhaitant tester leurs
campagnes publicitaires, leurs projets, leurs prix, leurs produits, mesurer la fidélité, les intentions d’achat et la
satisfaction des clients et qualifier leurs fichiers de contacts.
103
En 2007, « Il faut en moyenne sept appels avant de tomber sur la bonne personne », selon Jacques-François
Fournols, directeur exécutif chargé des ressources et des opérations chez Médiamétrie (SIGNOURET Muriel,
« Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14).
104
AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et
Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p253. Dans les années 2000, le taux
de réponse, qui est selon le CESP « en baisse constante » (LEROI Thibault, « Médiamétrie – L’audit du CESP »,
Les interviews ont lieu le soir sur 3 heures en fin d’après-midi de 17h30 à 20h30105
, y
compris le dimanche et les jours fériés. Il s’agit d’atteindre au domicile toutes les personnes
du foyer et notamment toutes les catégories socio-professionnelles106
.
Les personnes sont interviewées sur leur écoute la veille107
de la radio, mais pas
seulement :
- La radio : notoriété des stations, habitudes d’écoute, écoute de la veille
détaillée.
- La télévision : habitudes d’écoute, écoute de la veille détaillée108
.
- Le magnétoscope : écoute de la veille détaillée.
RadioActu.com, 16/07/2001, http://www.radioactu.com/actualites-radio/2117/mediametrie-l-audit-du-
cesp/#.VkYEUtIvfMw), est d’environ 15 %. En 2015, à l’occasion du lancement en janvier 2014 d’un nouveau
dispositif de mesure des équipements multimédia (l’enquête « Home Devices »), des salariés de Médiamétrie ont
communiqué sur les stratégies mises en place par Médiamétrie pour « pallier la baisse du taux de réponse à [ses]
enquêtes » expliqué par « l’essor des nouvelles formes et moyens de communication, à la multiplicité des modes
de contact, et à la sur-sollicitation des enquêtés ». Depuis l’origine, il s’agit d’améliorer le CATI (Computer
Assisted telephone Interviewing) qui a un taux de transformation (rapport entre le nombre de répondants à
l’enquête et le nombre de recrutés quel que soit le mode de recueil) de 16% au 1er
appel et de 72% au bout de 15
appels et plus. Mais il s’agit aussi aujourd’hui d’améliorer le CAWI (Computer Assisted Web Interviewing) dont
le taux de transformation est de 51% à l’envoi du questionnaire et 51% à l’envoi du questionnaire en ligne et de
68% au bout de la 4ème
relance. Le CATI et le CAWI font suite à une prise de contact (un « recrutement
téléphonique ») et un accord pour un entretien téléphonique ou un questionnaire auto-administré en ligne. La non
réponse est liée à l’âge et à l’appartenance géographique pour le CATI, et au « contact enquêteur », à l’« activité
du répondant » pour le CAWI. Pour améliorer le taux de réponse via le CATI, il s’agit d’améliorer les formations
des enquêteurs, le ciblage des relances, le guide d’accompagnement ainsi que le questionnaire. Pour le CAWI, il
s’agit de mettre en place des questionnaires utilisables sur les téléphones mobiles, un enquêteur virtuel pour aider
à la compréhension et au remplissage du questionnaire, ou encore d’introduire des paradonnées dans les analyses
pour mieux qualifier la non réponse. Enfin, les deux modalités de recueil que sont le CATI et le CAWI doivent
être utilisés de façon complémentaire car ils n’atteignent pas les mêmes personnes (SENAUX Magalie et
VANHEUVERZWYN Aurélie, « L’utilisation du multimode pour faire face aux problèmes de couverture et à la
baisse des taux de réponse », Actes des Journées de Méthodologie Statistique de l’Insee du 31/03-02/04/2015,
2015, http://jms.insee.fr/files/documents/2015/S24_1_ACTE_V1_SENAUX_JMS2015.PDF). Lire aussi :
BRIGNIER Jean-Marie et DUPONT Françoise, « Taux de réponse et qualité tel des enquêtes téléphoniques : Les
enseignements des études d’audience de la Presse Quotidienne d’IPSOS et de l’étude d’audience radio et cinéma
de Médiamétrie », Décisions Marketing, n°38, avril-juin 2005
105
En 1992, les interviews sont réalisées entre 18h00 et 21h00 (TASSI Philippe, « La qualité dans les enquêtes
téléphoniques : l’échantillon des répondants », in Ludovic Lebart (sous la direction de), La qualité de
l’information dans les enquêtes, Dunod, Paris, 1992, p34).
106
A partir de la vague de septembre-octobre 2003, Médiamétrie prendra en compte les Sans Téléphone Fixe ou
Exclusifs du Téléphone Mobile.
107
A partir de janvier 1999, Médiamétrie interroge sur l’écoute du jour (depuis l’heure de la première écoute
jusqu’à l’heure de l’interview) puis l’écoute de la veille. Les questions sur l’écoute du jour et de la veille de la
« 126 000 » favorisent en partie les radios des auditeurs réguliers, c’est-à-dire les radios ayant des « programmes
de flux » ou présentant des « grilles horizontales » qui ont les mêmes programmes quotidiens. C’est l’exemple
des « matinales » des radios dites « généralistes » car l’animateur est le même pendant cinq jours de suite et
l’organisation de l’émission quasiment identique. Elles peuvent défavoriser les « radios de rendez-vous »
présentant des « grilles verticales » dans lesquelles les émissions, thèmes, animateurs, invités changent chaque
jour, semaine, voire mois (c’est le cas dans les radios associatives ou de France Culture dans une moindre
mesure). En effet, plus une émission est diffusée régulièrement, plus il y aura de chance qu’une personne déclare
l’avoir écoutée dans les dernières 24h. C’est une différence importante avec le média télévision où certains
programmes changent chaque jour, notamment ceux du soir, ce qui oblige les chaines à annoncer à plusieurs
reprises les rendez-vous pour que le téléspectateur puisse mémoriser. Mais la télévision dispose du panel
audimétrique qui permet d’avoir des chiffres précis sur la réussite des programmes. D’où l’existence de l’étude
« Panel radio » qui permet d’augmenter la possibilité qu’un auditeur déclare avoir écouté une émission régulière
mais aussi irrégulière. Par ailleurs, les personnes sont interrogées sur leur écoute sur 24 heures, mais le
communiqué de presse de Médiamétrie, donne des statistiques sur l’écoute de 5h du matin à minuit. Les radios
abonnées à Médiamétrie ont bien tous les chiffres, mais les journalistes, les spécialistes de radio et le grand
- L’équipement audiovisuel du foyer.
- Les caractéristiques socio-démographiques « classiques ».
Avant d’être envoyées dans un centre de traitement, les données recueillies sont
contrôlées en interne (en moyenne cinq contrôles effectués en interne en 2007109
) et en externe
par le CESP.
L’enquêté actif
Il faut se rappeler de cette dimension active d’une déclaration d’une personne interrogée par
Médiamétrie., comme on peut le voir dans l’interview d’un sondeur en 1973 : « L’espoir de
toute personne interrogée, comme de toute personne qui interroge, est d’être simplement utile.
Combien de téléspectateurs ai-je entendu - satisfaits d’avoir été interrogés - espérer que "cela
servirait à quelque chose" et combien de fois l’ai-je souhaité moi-même ? »110
. Comme dans
des études de marché, des sondages, des tests, des élections politiques, une personne, qui
déclare avoir été en contact avec une radio, sait, jusqu’à un certain degré, que cette
déclaration est performative111
. Elle sait que les médias, les annonceurs, les publicitaires, le
« grand public » seront au courant de ses déclarations (agrégées à d’autres) et que ces derniers
mettront en place des politiques programmatiques (divertissantes, sociales, politiques,
publicitaires…) à partir de ces déclarations. L’audience, telle qu’elle est définie par
Médiamétrie, n’est donc pas purement passive, contrairement à ce qui peut être dit dans des
critiques qui sont parfois faites par des sociologues des médias et qui opposent l’audience
passive au public actif. Le public actif pouvant alors être vu comme « collectivité
spirituelle »112
. Or, les personnes qui forment l’audience, telle qu’elle est définie par
Médiamétrie, peuvent être conscientes de participer à la construction de cette audience et être
conscientes de leurs responsabilités médiatiques, sociales, économiques, politiques. Et cette
conscience peut influencer la manière de déclarer les pratiques, voire le contenu des
déclarations elles-mêmes. On se souvient du concept de « spirale du silence » en politique qui
consiste à limiter l’expression de certaine opinions en public de peur d’être mal vu dans son
milieu social113
. On pourrait aussi l’imaginer dans les pratiques médiatiques. Ainsi, des
personnes pourraient éviter de déclarer des écoutes peu légitimes suivant les critères de la
personne qui déclare : des magazines people, des petites radios, des radios diffusant des
public n’est au courant que d’une partie (la « partie émergée de l’iceberg » selon l’expression d’Arnaud de Saint-
Roman). Si les radios se fondent sur les résultats publics, cela peut éventuellement les inciter à faire des
économies en matière de production entre minuit et 5h, alors qu’il existe des catégories de population qui
écoutent la radio la nuit (agents de sécurité, taxis, ouvriers, étudiants, retraités, malades, insomniaques...) et que
la nuit permet d’élaborer des programmes différents (BECCARELLI Marine, Les nuits du bout des ondes :
Introduction à l’histoire de la radio nocturne en France, 1945-2013, INA, Brie-sur-Marne, 2014) et de
constituer d’autres formes d’écoute (Pour Claude Sorbets, « la non-connaissance du nombre des auditeurs est
presque une donnée du jeu ! » (« Ecouter la radio la nuit : écoute en veilleuse ou écoute éveilleuse ? », in Jean-
Jacques Cheval (sous la direction de), Audiences, publics et pratiques radiophoniques, Pessac, 2005, p158). Au
final, l’audience est faible entre minuit et 5h, donc il y a très peu de production inédite en direct. Soit il s’agit de
programmes enregistrés à faible coût, soit il s’agit de rediffusions.
108
Il existe si peu de télévisions à l’époque qu’elles sont considérées comme bien connues. Il n’y a donc pas de
question de notoriété.
109
SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14
110
COTTIN Georges, « Un "sondeur" raconte », Le Monde, 29 avril 1973
111
AUSTIN John Langshaw, How to do Things with Words : The William James Lectures delivered at Harvard
University in 1955, Ed. Urmson, Oxford, 1962
112
TARDE Gabriel, L’opinion et la foule, PUF, Paris, 1981 [1901]) ou « communauté imaginée » (PASQUIER
Dominique, La culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Ed. M.S.H., Paris, 1999 ;
CHALVON-DEMERSAY Sabine, « La confusion des sentiments. Une enquête sur la série télévisée Urgences »,
Réseaux, n°95, 1999
113
NOELLE-NEUMANN Elisabeth, « The spiral of silence : a theory of public opinion », Journal of
Communication, 24, 1974
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne
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La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne

  • 1. Origine de l’article : POULAIN Sebastien, « La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne », in Thierry Lefebvre (sous la direction de), « L’Année radiophonique 1986 », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°129, juillet-septembre 2016, http://cohira.fr/category/cahiers/ La « 55 000 » ou l’avènement de la radiométrie moderne1 La « 55 000 » est aujourd’hui un peu oubliée. Mais c’est parce qu’elle a muté en « 126 000 » ! Or, ces chiffres correspondent à un nombre de personnes interviewées en vue de calculer l’audience des radios. Et « [n]ulle radio ne peut être indifférente à son audience, son impact sur l’environnement auquel elle entend s’adresser. »2 C’est donc cette audience qui joue un rôle fondamental dans les modèles économiques d’une grande partie des radios françaises. C’est une évidence pour les radios commerciales qui sont presque entièrement dépendantes des annonceurs qui décident de faire de la publicité on non sur leurs antennes en fonction des caractéristiques quantitatives et qualitatives des audiences, et des tarifs de ces radios qui sont eux-mêmes liés aux audiences de leurs programmes. Pour ces radios, les études d’audience ont donc pour objectif de compter le nombre de personnes qui sont susceptibles d’entendre les spots publicitaires (pour en fixer les tarifs) plus que les émissions elles-mêmes. Les audiences ont également un rôle à jouer dans la programmation musicale en particulier et dans la programmation en général : une musique, un animateur, un concept, une émission qui fait zapper risque de vite de disparaitre de l’antenne. 1 Je tiens à remercier Isabelle Abraham, Thierry Lefebvre, Arnaud de Saint-Roman, Laure Osmanian-Molinero, Charles Juster et Philippe Tassi pour leurs lectures, critiques et conseils. 2 CHEVAL Jean-Jacques, « L’audience de la radio en Aquitaine, les Médialocales 1999-2000 », Jean-Jacques Cheval (sous la direction de), Audiences, publics et pratiques radiophoniques, Pessac, 2005, p42
  • 2. Les radios publiques – avec de grosses (France Inter, France Info, France Bleu) ou petites (FIP, France Culture, France Musique, Mouv) audiences – sont aussi intéressées par leurs audiences puisque d’une part elles accueillent aussi des annonceurs ou partenaires sur leurs antennes, et d’autre part jugent et sont jugées en partie en fonction de celles-ci du fait des « Contrats d’Objectifs et de Moyens » de Radio France3 . Mais les quelques 600 radios associatives, ainsi que les collectivités, associations, institutions qui les aident et les financent4 , ne peuvent pas être totalement désintéressées par leurs audiences non plus, même si le chiffre d’affaires lié à la publicité à leur antenne ne peut pas dépasser 20% de leur chiffre d’affaires global, un chiffre qu’il est déjà très difficile d’atteindre et qui pousse à changer de statut juridique de la radio quand il est atteint. Cette dépendance vis-à-vis des études d’audience impose de s’intéresser 30 ans après la création de la « 55 000 » à la manière dont elles sont produites. D’autant plus qu’il existe en la matière un quasi-monopole. Médiamétrie est aujourd’hui l’institut qui fournit principalement l’audience de toutes les radios diffusées en France. Cela peut surprendre dans la mesure où il existe un grand nombre d’instituts de sondage (CSA, IPSOS, IFOP, BVA…) qui fournissent un grand nombre de commanditaires (entreprises, administrations, ONG, associations…) sur des sujets très variés (consommation, politique, sociétal…). Or, habitués à un nombre important d’instituts de sondages, nous aurions du mal à comprendre et accepter qu’un seul institut produise la totalité ou quasi-totalité des sondages politiques par exemple. La pluralité des instituts de sondages semble même faire partie des critères permettant de juger si un régime est démocratique. Comment expliquer alors cette situation en ce qui concerne l’audience ? Est-ce parce que l’audience n’est pas liée à une opinion, mais à un comportement ? Pourtant, les autres instituts mesurent aussi des comportements : des achats, des votes (sortie des urnes), des intentions... Est-ce parce que Médiamétrie a trouvé une méthodologie miracle la rapprochant, plus que tout autre institut de sondages, de la réalité de l’audience ? Ce serait beaucoup déconsidérer les autres instituts de sondages qui ont, comme nous le verrons, réalisé de nombreux « sondages d’audience »5 par le passé. En réalité, les études d’audience de Médiamétrie sont monopolistiques car les acteurs (médias, annonceurs, agences conseils, centrales d’achats) qui commandent, financent, utilisent, promeuvent ces études souhaitent qu’elles le soient. Ils s’accordent sur la méthodologie, sur l’outil de mesure, sur la métrique de l’audience des médias, c’est-à-dire sur 3 Les « Contrats d’Objectifs et de Moyens », issus de la réforme législative du 1er août 2000 et présents dans l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, ont pour objectif de « définir, dans une perspective pluriannuelle, les orientations stratégiques des sociétés associant des objectifs à des indicateurs précis. Les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats constituent un outil de suivi et d’évaluation permettant aux administrations de tutelle et au Parlement de juger de la pertinence de l’utilisation des ressources publiques. » (« Les contrats d’objectifs et de moyens des organismes de l’audiovisuel public », 16/05/2012, http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Audiovisuel/Dossiers-thematiques/Les- contrats-d-objectifs-et-de-moyens-des-organismes-de-l-audiovisuel-public). 4 Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), qui finance en grande partie les radios associatives (en moyenne environ 40% des ressources des 664 stations en 2014) via une dotation forfaitaire de l’Etat (29 millions d’euros en 2015), suscite régulièrement des débats, y compris au Parlement compte-tenu de la faiblesse de leurs audiences (2,1% d’audience cumulée, 1,1% de part d’audience, 1h15 de durée d’écoute par auditeur en moyenne pour 562 stations selon l’étude Médiamétrie « 126 000 » de novembre-décembre 2015). 5 CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p21. On peut observer que Médiamétrie ne parle pas de « sondages d’audience » pour se distinguer des instituts de sondages qui ont fait l’objet d’un nombre encore plus grand de critiques que les études d’audience (à commencer par celles des statisticiens). Médiamétrie devaient se distinguer des premières études sur l’audience qui étaient en grande partie des sondages d’opinion : l’esthétique du récepteur, la qualité du son qualité et de la réception, des émissions, des animateurs et journalistes, de la grille et de son rythme, des innovations... Comme à Médiamétrie, ce seront bien les termes d’« études d’audience » qui seront employés dans cet article.
  • 3. la média-métrie et en l’occurrence sur la radio-métrie6 . Cette politique commune de l’audience est d’autant plus difficile à obtenir que les acteurs de l’audience sont nombreux et ont des intérêts différents, voire contradictoires, en tout cas concurrentiels. Pourtant, il est important pour eux de parler le même langage (méthodologique, statistique, économique, juridique) pour négocier et contracter économiquement. En effet, contrairement aux résultats des autres types de sondages qui servent à analyser et prospecter, les résultats des études d’audience sont directement monétisables. Cela ne signifie pas pour autant que la métrique n’a pas d’importance et que ce qui compte est uniquement la volonté des financeurs de Médiamétrie. Médiamétrie ne cesse d’ailleurs pas de communiquer sur la scientificité de ses études. Mais cette métrique doit faire l’objet d’un consensus, ce qui tend à exclure le pluralisme qui peut toutefois largement s’exprimer dans les échanges préalables aux décisions. Or, ce consensus n’existait pas avant la création de Médiamétrie, il n’a pas été facile à obtenir sous Médiamétrie, et il peut toujours être remis en question en fonction des rapports de force, des évolutions méthodologiques, techniques, scientifiques, sociétales... Ainsi, la « 55 000 » a été rendue possible par l’existence, déjà très ancienne, de la technologie téléphonique, mais surtout par la massification de son usage beaucoup plus récente. De même, la « 55 000 » n’aurait pas pu exister, ou aurait existé plus difficilement, sans les nouvelles technologies informatiques d’interview, de transmission et de traitement des données. Il faut garder à l’esprit que chaque choix métrique a des effets sur les résultats finaux et favorise donc certains acteurs plutôt que d’autres : - S’il était décidé que seuls les adultes seraient interrogés, cela favoriserait les radios s’adressant aux étudiants, actifs, chômeurs, retraités sans prendre en compte les scolaires alors que ceux-ci ne se bouchent pas les oreilles quand les adultes allument le poste de radio, que certaines radios s’adressent directement à ces catégories sociales et qu’ils ont une influence dans les dépenses des foyers. - S’il était décidé que les personnes seraient interrogées en journée, cela favoriserait les retraités, les étudiants et les chômeurs au dépend des actifs et scolaires car ces derniers ne sont pas censés répondre à un institut de sondage en classe et pendant leur travail. Dans cet article, nous allons essayer de faire état des conditions de possibilité d’une mesure d’audience radiométrique qui fait consensus chez les principaux acteurs du monde de la radio, ce consensus étant l’un des ingrédients principaux de la fabrication de cette audience. Pour cela, nous proposons, dans un premier temps, de revenir sur ce qui existait avant Médiamétrie car Médiamétrie a été créé en réaction à ce qui a existé pendant 40 ans. Puis, nous verrons le modèle Médiamétrie. Enfin, nous verrons les caractéristiques de la « 55 000 ». 6 Nous utilisons le terme de « radiométrie » à propos des études d’audience de la radio (et non celles de la mesure des rayonnements). Cela permet de faire la distinction avec les études de l’audience de la télévision et avec la technique de l’« audimétrie ». A priori, on pourrait penser que les termes d’« audience » et d’« audimétrie » renvoient à la radiophonie. Mais, après la Seconde Guerre Mondiale, « les études sont réalisées le plus souvent en même temps sur la télévision et sur la radio » (SOUCHON Michel, « Histoire des indicateurs de l’audience », Quaderni, n°35, 1998) ce qui a pu induire des confusions à long terme. D’autant plus que les articles scientifiques ou professionnels publiés sur les audiences ont tendance à traiter aussi bien des audiences télévisuelles que radiophoniques. Aujourd’hui, le concept d’« audimétrie » est proche du terme d’« audimat » qui signifie, pour le grand public, « audience de la télévision » alors que Médiamétrie a remplacé le concept d’« audimat » par celui de « médiamat » en 1989 même si ce terme est aussi ambigu puisqu’il semble renvoyer à tous les médias. En revanche en Belgique, « Radiométrie 75 000 » est le nom d’un système de mesure via environ 31 000 interviews en face-à-face lancé par IP grâce au travail de Marketing Unit en 1991, c’est-à-dire au moment du lancement de la radio privée Bel RTL (CAUFRIEZ Philippe et LENTZEN Évelyne, « Trente ans de radio en Communauté française (1978-2008) », Courrier hebdomadaire du CRISP, n°2033-2034, 2009)
  • 4. I Les origines de Médiamétrie L’étude7 et donc la définition8 de l’audience en France est loin de commencer avec l’institut Médiamétrie qui est créé en 1985. Les radios privées existent dès 1923 et se financent rapidement par la publicité, donc l’audience devient un enjeu important, même si les questions d’audience sont d’abord des questions de bonne réception9 ! A) Les services publics de l’audience Les radios dites d’Etat sont, après la Seconde Guerre mondiale, dans un régime à la fois publicitaire et concurrentiel (par rapport aux radios dites « périphériques » commerciales), contrairement aux télévisions dites d’Etat. Elles s’intéressent donc rapidement à leur audience10 , même s’il y a eu des résistances sur les audiences quantitatives11 . Le 7 C’est aux Etats-Unis, en 1930, que Crossley lance la première enquête sur l’audience à l’intention de l’Association of National Advertisers. A partir 1938, la BBC dispose d’un « Audience research department » qui réalise des enquêtes quotidiennes sur l’audience de la veille sur 2 500 personnes. Elle dispose aussi de panels : le « listening panel », complété par la suite, par le « viewing panel » qui appréciaient les programmes sur des carnets renvoyés en fin de semaine par la poste. Des groupes-tests sont lancés en 1935 pour mesurer les chances de réussite des émissions avant leur lancement grâce à des chercheurs comme Paul F. Lazarfeld (Radio and the printed page. An introduction to the study of radio and its role in the communication of ideas, Duell, Sloan, and Pearce, New York, 1940). 8 « Chez les Anglo-saxons, le mot audience veut dire public : l’audience research concerne l’ensemble des travaux étudiant le public, par des sondages ou d’autres méthodes, pour compter les spectateurs ou les auditeurs, aussi bien que pour connaître d’autres aspects de leur comportement, de leur mode de vie, de leurs pratiques culturelles, etc. Chez nous, il est le plus souvent l’équivalent d’écoute : étudier l’audience, c’est dénombrer les personnes à l’écoute de telle émission, de telle chaîne pendant telle période ou telle tranche horaire, etc. (dans beaucoup de cas, il serait du reste préférable d’utiliser le terme d’auditoire plutôt que celui d’audience […]). » (SOUCHON Michel, « Histoire des indicateurs de l’audience », Quaderni, n°35, 1998, p94) 9 Les courriers envoyés aux premières stations de radio sont « qualitatifs » et « techniques » : distance entre l’émetteur et le récepteur, qualité de la transmission et de la réception, appréciation des programmes… Ce type d’information était particulièrement nécessaire compte-tenu de la nouveauté technologique du média radio au niveau de la diffusion, de la production et a fortiori de la réception. Mais on est loin des études d’audience postérieures. 10 C’est une différence importante avec la télévision : « En France, alors qu’il n’existait encore qu’une chaîne unique, les services qui s’occupaient du public (service des relations avec les auditeurs et spectateurs, études d’opinion) s’intéressaient avant tout à la satisfaction du public et à leur préférence. On s’intéressait à l’appréciation que le téléspectateur portait sur la télévision. On cherchait à connaître l’émission favorite, la popularité de certains animateurs, d’une figure nouvelle ou de vainqueurs de jeux télévisés grâce aux lettres envoyées en masse par les téléspectateurs. » (QUINET Aude, La qualité en télévision : Études préalables, conception et réalisation d’un qualimat de la télévision en Belgique francophone pour le magazine Télépro, Master en Information et Communication, à finalité spécialisée en journalisme, Université de Liège, Liège, 2013-2014, p29). Avant 1964, « [l]es premiers "sondeurs" de la télévision se veulent […] des éducateurs, plus que des machines à enregistrer » selon Jérôme Bourdon (« A la recherche du public ou vers l’indice exterminateur ? Une histoire de la mesure d’audience à la télévision française », Quaderni, n°35, 1998, p109). C’est en 1958 que la notion de « préférences » est supprimée des questionnaires d’enquête d’écoute car il y avait trop de différences avec le taux d’écoute : « En octobre 1952, sur la liste des dix émissions préférées, cinq sont produites par la RTF, mais aucune n’est citée dans les plus écoutées » (MEADEL Cécile, « Du développement des mesures d’audience radiophoniques », in Histoire des industries culturelles en France, Patrick Eveno et Jacques Marseille (sous la direction de), ADHE Editions, Paris, 2002, p414). 11 Les responsables de la RTF étaient « hostiles aux simples sondages d’audience, perçus comme purement "commerciaux", incapables de livrer autre chose que les réactions immédiates des téléspectateurs et ne permettant donc pas de saisir, selon eux, des réactions "profondes" et "réfléchies" » (CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p11). Voir : MEADEL Cécile, « Du développement des mesures d’audience radiophoniques », in Histoire des industries culturelles en France, Patrick Eveno et Jacques
  • 5. « Service de liaison avec les auditeurs » est créé après la guerre et dirigé par Roger Veillé12 , puis Jean Oulif13 à partir de 1950. Il gère le courrier des auditeurs, et une cellule d’enquête et de sondage radiophonique y est rattachée. Il prend le nom de « Service des relations avec les auditeurs » en juin 1946, donc la même année que la création de la Radiodiffusion Française (RDF). Il prend le nom de « Service des relations avec les auditeurs et téléspectateurs » en 1953. La cellule d’enquête et de sondage radiophonique est supprimée en 1948 pour des raisons économiques mais rétablie en 1954. Sa méthodologie s’appuie sur des visites à domicile, des questionnaires postaux, des sondages téléphoniques. Elle sous-traite des études à l’INSEE (des sondages consacrés à l’écoute radiophonique ont lieu en 1952 et 1961), l’IFOP-ETMAR, puis la Sofres. En ce qui concerne les sondages téléphoniques, ils débutent, sous Jean Oulif, en 1954 avec 100 téléspectateurs interviewés par jour dans la région parisienne. Le problème est que ces études ne sont pas représentatives. Exemple, en 1968, seulement 15% des foyers disposent d’un téléphone (27% en agglomération parisienne). Donc à partir de février 1967, l’échantillon de foyers recrutés passe à 400, puis 1 200 en 1970 et 1 600 en 1972 alors que la publicité est autorisée à la télévision à partir du 1er octobre 1968 (d’abord sur la première chaine, puis sur la deuxième en 1971, puis FR-3 en 1983). Les foyers sont recrutés chaque semaine selon la méthode des quotas pour une durée de deux semaines. Les membres du foyer disposent d’un carnet sur lequel ils notent les émissions qu’ils regardent et leur intérêt puis l’envoient par la poste. Les feuilles sont traitées quotidiennement, ce qui permet d’obtenir des taux d’écoute et de satisfaction dans un délai d’une huitaine de jours. B) L’IFOP-ETMAR C’est en novembre 1949 que l’institut IFOP-ETMAR réalise, sous la direction d’Hélène Riffault, une première enquête périodique pour que les stations publiques et périphériques (Radio-Luxembourg, Radio Andorre, Europe N°1) ainsi que les publicitaires (Publicis, Elvinger, Dorland, Publi-Service…) puissent connaître les audiences14 . Ce type d’enquête dure une semaine, une ou deux fois par an et porte sur 2 500 foyers possesseurs de radio qui doivent noter pendant deux jours consécutifs leurs différentes écoutes à différents moments de la journée (quart d’heure par quart d’heure). En 1961-1962, cette enquête est étendue à la télévision. En tout, cela fait 35 enquêtes en janvier 1963. Pour s’adapter au transistor et aux nouvelles pratiques, l’Etude n°36 de juin 1963 se fait non plus au niveau du foyer mais de l’individu, auprès d’un échantillon de 5 000 individus représentatif de la population de 15 ans ou plus à propos de l’écoute veille à domicile ou en dehors. C) Le CESP La Radiodiffusion-Télévision Française (RTF), créée en 1949, souscrit aux enquêtes du Centre d’Etude des Supports de Publicité (CESP15 ), créé en 1957 pour mesurer l’audience de la presse écrite. Son objectif est de mettre en commun des moyens financiers et de mener des réflexions méthodologiques en vue de réaliser des études incontestables sur les audiences Marseille (sous la direction de), ADHE Editions, Paris, 2002, p409 12 VEILLE Roger, La radio et les hommes, Editions de Minuit, Paris, 1952 13 OULIF Jean, « Le baromètre de l’écoute des émissions de l’ORTF », Journées d’études de l’IREP, mai 69 14 DURAND Jacques, « Les sondages à la radio dans les années cinquante », in Les années cinquante à la radio et à la télévision (Journées d’études du 9 février 1990), Comité d’histoire de la radiodiffusion et de la télévision, novembre 1991 15 Centre d’Etude des Supports de Publicité, « Historique de la mesure d’audience »
  • 6. des supports. Le CESP prend la succession de l’IFOP-ETMAR de 1968 à 1990. Le CESP est un organisme collégial interprofessionnel (presse quotidienne nationale, presse quotidienne régionale, presse magazine, radio, télévision) avec un statut d’association loi 1901 dont le conseil d’administration comprend une soixantaine de membres. Il vise d’une part un état exhaustif de la fréquentation des médias pour leur donner les moyens d’alimenter leurs propres politiques de programmation ou de contenus rédactionnels, et d’autre part fournir à leurs régies des arguments commerciaux fondés sur l’ampleur et la qualification de l’audience. Le CESP interroge transversalement en 3 ou 4 vagues par an entre 12 000 et 14 000 personnes en face à face et à domicile grâce à de la sous-traitance auprès des instituts de sondages16 . « La principale limite de cette enquête nationale est qu’elle ne donne que des photographies instantanées de l’audience et cela de façon relativement peu fréquente (trois vagues par an). Autre limite non négligeable, apparue avec le développement des RLP [radios locales privées] : sa faiblesse en ce qui concerne la mesure des audiences locales ou en cas de ciblage pointu. »17 Si les radios nationales peuvent s’en satisfaire, ce n’est pas le cas des annonceurs et publicitaires qui souhaitent des résultats plus réguliers et dénoncent « la dictature des diffuseurs »18 . L’enquête sera donc abandonnée au moment du lancement de l’enquête « 55 000 » par Médiamétrie19 . Il faut dire que le CESP est critiqué depuis déjà plusieurs années et doit se réformer. En effet, jusqu’à 1984, chaque membre du conseil d’administration du CESP peut mettre un véto contre le lancement d’une nouvelle étude, tandis qu’il y a un déséquilibre entre le groupe des « utilisateurs » des études (agences de publicité et annonceurs) et celui des médias (presse, télévision, radio, affichage, cinéma) au profit de ces derniers20 . A partir de 1984, c’est au conseil d’administration de définir comment chacun peut exploiter les études. Pour cela, le CA est assisté par un comité scientifique et par un « comité des sages » chargé de veiller au respect de la déontologie. Il est prévu de compléter ce projet par un règlement intérieur, de nouveaux statuts devant être présentés devant une assemblée générale extraordinaire. Enfin, les agences demandent : - Une étude sérieuse de l’audimétrie télévision et peut-être radio, l’étude concernant l’écoute et l’audience de la télévision devant être entièrement repensée ; - Un remaniement des études concernant la radio (en y incluant les stations locales) et l’affichage ; - Une meilleure appréhension de la lecture de la presse (nouveaux titres, journaux gratuits, presse régionale...).21 A partir de 1990, le CESP abandonne la réalisation d’enquête d’audience et devient l’organisme interprofessionnel d’audit et de contrôle des études d’audience22 . 16 MUGNIER Daniel, « Les panels d’audience du C.E.S.P. », Revue française du marketing, Cahier 74, 1978/3 17 MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p42 18 CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994, p14 19 COJEAN Annick, « Les radios sous surveillance mensuelle », Le Monde, 24/04/86 20 A. Ce., « Nouvel équilibre au CESP », Le Monde, 13/12/84 21 A. Ce., « Nouvel équilibre au CESP », Le Monde, 13/12/84 22 Dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par l’interprofession des médias et de la publicité, le CESP contrôle de façon continue depuis janvier 1999 l’enquête « 75 000+ » de Médiamétrie devenue enquête « 126 000 » depuis janvier 2005, mais aussi les autres études Médiamétrie portant sur la radio : avec par exemple les audits de l’étude « Panel Radio » 2006-2007, de l’étude « 126 000 » de janvier-mars 2007, et la première étude « Audience des grilles Radio d’été » de 2006 de Médiamétrie.
  • 7. D) Le CEO En ce qui concerne spécifiquement l’étude de l’audience de l’audiovisuel public, la cellule d’enquête et de sondage radiophonique est remplacée par le « Service des études de marché » de l’ORTF le 18 septembre 1964, puis le « Service des études d’opinion » (SEO) le 15 octobre 1971. Il y a production d’une quantité de plus en plus importante de données chiffrées sur les audiences résultats quotidiens, rapports mensuels, rapports annuels, nombreuses études sur des sujets spécifiques... Les sociétés Cofremca, Secodip (société achetée par la Sofres en 1992), Sofres et IFOP partagent la gestion du panel quotidien des téléspectateurs de l’ORTF. Après la loi du 7 août 1974, le SEO devient le Centre d’études d’opinion (CEO) en 1975. Comme le « Service d’observation des programmes » (SOP)23 , le CEO24 est maintenant rattaché au service juridique et technique de l’information (SJTI), qui relève lui-même des services du Premier ministre (le secrétariat d’état à l’information). Philippe Ragueneau est nommé directeur du CEO jusqu’à novembre 1982 où Jacques Durand, qui avait été nommé directeur adjoint, devient directeur « par intérim » puis est nommé directeur en 1983 jusqu’à la fin de l’année 198525 . La méthodologie du CEO consiste, depuis 1967, à envoyer un questionnaire par voie postale à un panel de téléspectateurs (400 en 1967, 1 200 en 1970, 1 600 en 1976)26 . Cela permet de toucher des personnes qui n’ont pas le téléphone, mais il faut attendre quatre semaines pour avoir les résultats27 . Plusieurs changements méthodologiques apparaissent avec le CEO : - Il s’agit maintenant d’évaluer la radio en plus de la télévision (la vidéo en 1981). - Il s’agit d’évaluer l’audience par quart d’heure et non plus par émission. - Il ne s’agit plus d’envoyer les feuilles d’écoute tous les jours mais deux fois par semaine. - La notation de l’intérêt, supprimée en 1975, est rétablie en 1976 à la demande des sociétés de télévision, mais elle est remplacée à partir de 1980 par une note de satisfaction sur les programmes radios et TV. 23 Un service similaire au SOP existe déjà au temps de l’ORTF. Il étudie les programmes et utilise également des résultats d’audience élaborés par le CEO. 24 Cette proximité entre le SOP, le CEO et le ministère est critiqué par les chaines : « Les chaînes s’irritent de voir contrôler leur audience par un organisme proche du Service d’observation des programmes (SOP), chargé de surveiller l’application des cahiers des charges. Elles hésitent à confier au CEO des études sur leur stratégie de programmes et préfèrent constituer leur propre service d’études. » (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84) 25 Jacques Durand, docteur en sciences économiques, a d’abord travaillé dans le secteur privé au Centre d’études et de mesures de productivité, à la Compagnie générale d’organisation, à Publicis, à la Cofremca, à Auditel (Cofremca-Secodip) entre 1955 et 1972. Il a été embauché à l’ORTF en 1972 pour diriger le Service des études d’opinion. A la disparition de l’ORTF en 1974, il est nommé directeur adjoint du CEO, puis nommé directeur du CEO le 7 mars 1983 sous un contrat avec TDF. Il a été mis à la disposition d’abord du CEO, puis de Médiamétrie où il est directeur de la recherche et du développement jusqu’en 1990. Il a fini sa carrière comme chargé de mission à la présidence d’Antenne 2 – France Régions 3, membre du comité de prospective puis consultant de RFI jusqu’en 1997. (Pour consulter ses publications : http://jacques.durand.pagesperso- orange.fr/Site/bibliopf.htm. Pour une contextualisation de ses recherche et de l’émergence des études d’audience : SEGUR Céline, Les recherches sur les téléspectateurs en France. Émergence et ramifications d’un objet scientifique (1964-2004), Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction de Jacques Walter, Université Paul Verlaine-Metz, 2006.) 26 DURAND Jacques, « L’étude par panel du public de la radio-télévision française », Revue française du marketing, Cahier 74, 1978/3 ; DURAND Jacques, « Le panel du C.E.O. et la recherche publicitaire : mesure d’audience et contrôle des campagnes », in Les médias : Etudes, expériences et recherches actuelles (Séminaire « Médias » de l’I.R.E.P. octobre 1979), I.R.E.P., Paris, 1979. 27 Le panel postal du CEO est critiqué : « Le panel postale classique a du retard et sa rédaction comporte de nombreuses erreurs. » (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84)
  • 8. - L’échantillon de 1400 personnes est recruté au niveau individuel et non plus du foyer. - La durée de « panélisation » est de deux semaines en 1975, quatre en 1976, six en 1977, huit en 1982, mais 12 semaines pendant l’été à partir de 1975. - Des questionnaires additionnels, portant sur des sujets divers, sont systématiquement insérés dans les carnets d’écoute.28 Le CEO fournit aux pouvoirs publics le volume d’écoute des sociétés de programme issues de l’éclatement de l’ORTF et évalue la qualité de leurs programmes29 . Conformément aux cahiers des charges des sociétés, ces informations doivent servir pour la répartition de la redevance. Elles sont donc transmises une fois par an à la Commission de répartition du produit de la redevance qui réunit cinq magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat. Les sociétés de programme (les trois chaînes publiques de télévision et Radio France) sont dans l’obligation de verser au CEO une somme forfaitaire chaque année, principalement pour financer le panel. Pour chaque société, la somme atteint 2,5 millions de francs en 1975, et 5 millions de francs en 1985. Le CEO, qui réalise un millier d’études en 10 ans et qui ne peut pas donner les informations aux annonceurs, peut en revanche les vendre aux stations de radios privées30 . C) Le besoin de réforme Ainsi, des organismes avec des statuts juridiques, des modèles économiques, des objectifs, des approches et des méthodologies31 différents fournissent des informations sur les audiences des radios (et la télévision). Le problème est que, sans surprise, les résultats ne sont pas les mêmes ce qui est problématique pour les acteurs de l’audience32 . La création de Médiamétrie résoudra ce problème en choisissant l’enquête téléphonique pour la « 55 000 » radio et l’audimétrie33 pour le « panel Audimat » télé. 28 DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p83- 84 29 DURAND Jacques, « La mesure de la qualité des programmes – Définitions du problème », Journées d’étude de l’IREP, novembre 1976 30 Europe 1, qui obtient des résultats favorables par ce panel utilise largement les données. En revanche, RTL y renonce en critiquant la fiabilité de la méthodologie. (DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p85) 31 Beaucoup de techniques d’enquêtes existent depuis longtemps : l’interview téléphonique avec Crossley en 1930, l’interview coïncidentale (qui consiste à appeler au téléphone un échantillon de personnes, et à leur demander si elles étaient en train d’écouter la radio dans les minutes précédentes, et si oui sur quelle station) et le journal d’écoute avec Hooper en 1934 et 1948, l’interview en face à face avec Pulse en 1941, l’audimètre en 1942 avec Arthur Nielsen qui inaugure une méthode d’analyse automatique des audiences (BEVILLE Hugh Malcom, Jr, Audience ratings - Radio, television, cable, Lawrence Erlbaum Associates, Hillsdale, 1985). Mais de nouveaux outils d’enquête sont expérimentés à cette époque : sondages par questionnaires administrés en face à face, sondages téléphoniques, panels, les interviews qualitatifs : interviews non directives, interviews papier- crayon, interviews de mémorisation, focus group, groupes projectifs, groupes de créativité… 32 Par exemple l’IFOP-ETMAR et le CESP n’avaient pas la même définition de l’écoute. L’IFOP-ETMAR enregistre toute écoute déclarée quelle que soit la durée, tandis que le CESP prend en compte seulement les écoutes durant au moins 8 minutes. Il y a donc des écarts importants aux heures où l’écoute est brève et où il y a plus de « zapping », notamment de 7 à 9 heures du matin. 33 « L’audimètre, aujourd’hui couramment utilisé dans le domaine de la télévision, a été d’abord utilisé, pendant près de vingt ans (de 1946 à 1964), pour mesurer l’audience de la radio. La miniaturisation et la diversification des récepteurs ont conduit à abandonner cette solution. » (DURAND Jacques, « Les audiences de la radio », Sociologie de la communication, vol. 1, n°1, 1997, p917). La première expérimentation d’audimétrie télévisuelle en France date de 1966 avec une première expérience de la société française CECODIS (Centre d’études de la consommation et de la distribution) via 50 appareils placés dans la zone de Télé-Luxembourg. Alors que les sociétés Sofres et Secodip proposent des solutions techniques depuis 1972 au CEO, le panel audimétrique pour la télévision est mis en place en 1982 par la société Secodip (alors que les sociétés Nielsen, Erim et Sema ont leurs
  • 9. Mais le gouvernement hésite. Georges Fillioud, secrétaire d’Etat chargé des techniques de la communication, envisage de créer un établissement public, « véritable observatoire de la communication » lors de la conférence de presse du 1er mars 1984. Au moment où Philippe Ragueneau, directeur du CEO, quitte le CEO, Paul Florenson, directeur du SOP, propose de réunir les deux services sous sa direction. Les informaticiens y sont favorables, contrairement aux chargés d’études qui veulent que le CEO change de structure et de fonctionnement pour devenir un vrai organisme d’études, détaché des contraintes administratives34 . C’est le choix du SJTI qui souhaite « doter le CEO d’une plus grande autonomie commerciale en la détachant de toute tutelle ministérielle pour le rendre aux acteurs professionnels : les diffuseurs publics et privés. Seul le SOP resterait sous tutelle et irait chercher auprès des radios locales privées, des réseaux câblés, et de Canal Plus un complément de financement pour étendre son activité de contrôle35 »36 . Le Conseil d’Etat est consulté et considère en janvier 1984 qu’une telle création ne peut être réalisée que dans le cadre d’une loi. Un audit effectué à la demande de la tutelle en avril 1984 conclu que la fusion avec le SOP ne présente pas d’intérêt et propose de faire du CEO une filiale de l’Institut national de l’audiovisuel (INA)37 (qui obtiendra 18,92 % des parts de Médiamétrie). propres propositions), et il est repris par la suite par Médiamétrie qui maintient la sous-traitance. Le nom « Audimat » a été déposé par la société Secodip, et le nom trouvé par Philippe Ragueneau (directeur du CEO) selon Jacques Durand (DURAND Jacques, « Les origines de Médiamétrie », interview réalisée par Marlène Duroux, 25 janvier 2005, http://jacques.durand.pagesperso-orange.fr/Site/Textes/t37.htm). Il existe deux types de solution technique : soit l’« audimat » fonctionne avec un audimètre placé sous le téléviseur d’un millier de particuliers avec l’inconvénient de ne pouvoir distinguer ni la qualité, ni la quantité des téléspectateurs présents. D’où un second procédé, élaboré par Thomson pour Secodip, de mesure d’audience faisant appel à la bonne volonté des téléspectateurs de l’échantillon (comme en Allemagne depuis 1975). On leur demande de presser des boutons pour manifester leur présence et indiquer les programmes regardés (« Le projet mondial de Télémétric », Entreprendre, n°27, janvier 1989). Le système enregistre le fonctionnement des récepteurs de 650 foyers recrutés en 1981 sur la base des participants au panel du CEO sans informations sur qui et combien de personnes du foyer regardent, mais avec des tableaux d’audience par minute, par quart d’heures, par tranches horaires et par émission. L’« Audimat » est alors uniquement exploité par les chaînes de télévision (d’abord réticentes puis très intéressées) et la Régie française de publicité (RFP). Les audiences ne sont pas fournies au marché, même si le CEO élabore un projet de GIE en septembre 1981 en vue de la commercialisation (DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, p87-88). Donc cet instrument est de plus en plus critiqué et voici ce que dit Jean-François Lacan en 1984 : « Le système automatique de mesure d’audience (Audimat), mis en place en 1982, donne deux ans plus tard des signes d’essoufflement. Les petites boites noires associées aux récepteurs d’un échantillon de spectateurs tombent en panne et Thomson tarde à les réparer. Elles ne sont plus que quatre cents en juin dernier, ce qui rend les taux d’audience très peu fiables. » (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84). Il y a un nouvel appel d’offre en avril 1984 remporté à nouveau par SECODIP (contre AGB, ERIM racheté par Nielsen et SEMA) qui utilise cette fois l’audimètre de la société Bertin et qui est destiné à 1 000 foyers. Jacqueline Aglietta annonce en mai 1985 un passage à 1 000 foyers (« La Sofres et Nielsen s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85). Médiamétrie remplace la mesure passive par un nouvel audimètre en 1988 : un boitier audimètre du type « à bouton poussoir ». Ce dernier a l’atout de permettre d’appréhender l’audience au niveau individuel. Il prend en compte les ouvertures et fermetures de postes, les changements de chaînes d’un téléviseur de chaque individu composant le foyer. Le panel Audimat est appelé Médiamat en 1989, et le nombre de foyers passe à 2 300. Le « compteur » audimétrique est maintenant le modèle dominant de la mesure d’audience en télévision. 34 DURAND Jacques, « Les origines de Médiamétrie », interview réalisée par Marlène Duroux, 25 janvier 2005, http://jacques.durand.pagesperso-orange.fr/Site/Textes/t37.htm 35 L’Assemblée nationale adopte le 5 décembre 1984 le principe d’une cotisation de l’audiovisuel privé en financement du SOP, avec plafond de 1 500 Francs pour les radios locales, de 1,5 millions de Francs pour Canal Plus et de 100 000 pour les réseaux câblés. (LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84) 36 LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84 37 « Réussir la conversion du CEO en opérant un redéploiement de ses activités et une réallocation de ses ressources », Mission A.B.C., avril 1984.
  • 10. Finalement, le projet est rendu public en décembre 1984 pour « améliorer rapidement [l]es prestations et […] les commercialiser plus rapidement »38 : il s’agit de transformer le CEO en société anonyme de droit privé dont le capital serait majoritairement contrôlé par l’Etat et les sociétés de l’audiovisuel public, mais aussi en partie par les « diffuseurs publics ou semi-publics »39 (donc avec une participation minoritaire de 20% des acteurs privés40 ). Selon le journaliste Jean-François Lacan, « Il s’agit de faire vite : l’ensemble du secteur de l’audiovisuel souffre d’une crise de confiance dans un instrument qui régule directement son équilibre économique. Il ne patientera pas plus longtemps. »41 Ce sera Médiamétrie qui va se superposer sur le CEO pendant un temps car il faut clôturer l’année du CEO, en particulier pour encaisser les contributions des sociétés de programme. Ci-dessous un tableau de Jacques Durand récapitulant chronologiquement les outils qui ont été utilisés pour mesurer l’audience de la radio et de la télévision en France depuis 194942 : Chronologie des mesures d’audience de la radio-télévision Enquêtes périodiques Enquêtes quotidiennes Audimétrie 1949-1953 IFOP-ETMAR Enquête périodique 1 ou 2 vagues par an audience foyers audience radio par ¼ h 2.500 foyers 1954-1967 IFOP-ETMAR : idem - depuis 1962 : audience radio et télévision depuis1963 : audience individuelle 5.000 individus RTF / ORTF Sondages téléphoniques région parisienne audience individuelle télévision par émissions 100 interviews par jour 1968-1974 CESP Enquête radio-télévision audience individuelle radio et télévision par ¼ h 2 à 4 vagues par an 12.000 interviews par an ORTF Panel quotidien audience individuelle télévision par émissions 400 à 1.600 répondants 1975-1984 CESP : idem CEO Panel quotidien audience individuelle radio et télévision par ¼ h 1.000 répondants CEO (depuis 1981) Panel Audimat audience foyers télévision par minutes 650 foyers 38 LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84 39 LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84 40 Ce sera 15% au final : 5% pour RTL, 5% pour Europe 1 et 5% pour RMC. 41 LACAN Jean-François, « Les instituts de mesure en question. La réforme du centre d’études et d’opinion », Le Monde, 13/12/84 42 DURAND Jacques, « Les études sur l’audience de la radiotélévision », Quaderni, n°35, printemps 1998, annexe
  • 11. 1985-1989 CESP : idem Médiamétrie Enquête téléphonique audience individuelle radio et télévision par ¼ h 55.000 interviews par an (36.000 en 1989) Médiamétrie Panel Audimat audience foyers télévision par minutes 1.000 foyers depuis 1990 CESP Etudes budget-temps et multi-médias 1989-90 : 20.000 interviews 1991-92 : 18.000 interviews Médiamétrie Enquête téléphonique audience individuelle radio par ¼ h 75.000 interviews par an Médiamétrie Panel Médiamat audience individuelle télévision par minutes 2.300 foyers II L’arrivée de Médiamétrie : Médiamétrie43 est une entreprise interprofessionnelle qui mesure l’audience et étudie les médias audiovisuels et interactifs en France et à l’international : la télévision et la radio dans un premier temps, puis le cinéma, internet et les nouveaux médias. A) Le contexte Médiamétrie remplace44 le CEO en juin 1985 après une décision prise depuis 1983 par les pouvoirs publics pour des raisons à la fois politiques et techniques. La situation de ce nouvel organisme n’est pas facile car il s’agit de la première privatisation d’un service de l’État en une société anonyme « dont le capital serait majoritairement détenu par l’Etat et les sociétés du secteur public audiovisuel » avec une participation minoritaire des partenaires privés. D’autre part, cette privatisation se passe sous un gouvernement socialiste, celui de Laurent Fabius. 43 Grâce à 320 collaborateurs en équivalent plein-temps, Médiamétrie réalise un chiffre d’affaires de 36,2 millions d’euros en 2002 pour 600 clients, plus de 30.000 panélistes, près de 600.000 interviews téléphoniques par an (BOURBOULON François, « La mesure d’audience est comme une monnaie commune : elle doit être unique, reconnue et crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta), Journal du net, 18/04/2003, http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml). Médiamétrie réalise un chiffre d’affaires de 38 M€ pour un effectif de 324 personnes en 2004, de 40, 2 millions d’euros pour un effectif de 353 personnes en 2005, de plus de 43 M€ pour un effectif de 353 personnes en 2006, de 47 M€ un effectif de 350 personnes en 2007, 82,4 M€ en 2014 (Médiamétrie, « 126 000 Radio », novembre-décembre 2015). A la création de Médiamétrie, ce chiffre d’affaire était de 40 MF (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p91). Mais en octobre 1985, le chiffre d’affaires de 150 millions de Francs est annoncé pour 142 salariés. Pour donner une idée des revenus de Médiamétrie, l’abonnement à Médiamétrie annuel pour une chaine de télévision est de 10 millions de Francs en 1989 (CHAMPAGNE Patrick, « La loi des grands nombres. Mesure de l’audience et représentation politique du public », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 101-102, mars 1994), la « 126 000 Radio » coûte par station « entre 70 000 et 150 000 euros par an » (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007). 44 Médiamétrie s’installe même dans les locaux du CEO au 9 rue Boissy-d’Anglas dans 8ème arrondissement de Paris. Par la suite, Médiamétrie ira rue du Colisée puis à Levallois. En ce qui concerne les appels téléphoniques, que Médiamétrie souhaite cesser de sous-traiter, ils sont d’abord installés en 1989 au Kremlin-Bicêtre pour 150 000 appels par an, puis décentralisés à Amiens (dans le centre « MC2 ») pour obtenir 400 000 appels par an. Jusqu’en 1992, la collecte des données pour les enquêtes de Médiamétrie était entièrement sous-traitée, y compris l’outil informatique confié au sous-traitant SSII (filiale de la Société Générale) de Médiamétrie SG2 (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p90-91).
  • 12. Médiamétrie, qui a à sa tête Jacqueline Aglietta, connaît donc plusieurs difficultés dans les premières années de son existence : - Une résistance interne avec des salariés et syndicats qui refusent la privatisation, ce qui conduit une partie des employés du CEO à faire partie de Médiamétrie avec des contrats de droit privé et l’autre partie à partir pour la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) où les salariés du SOP sont partis. - Le CESP lui fait de l’ombre en publiant les résultats issus de la vague d’étude sur l’audience des stations de radio et des chaines de télévision d’octobre-novembre 1985 qui a porté sur 4 488 personnes représentatives des 15 ans et plus (soit 40 300 000 personnes le premier janvier 1985) grâce à des interviews qui ont eu lieu du 13 octobre au 19 novembre avec interruption de l’enquête du 27 octobre au 5 novembre inclus et du 9 au 12 novembre inclus45 . Une autre étude est publiée le 13 mars 1986 à propos d’un échantillon de 4 358 personnes interviewées entre le 7 janvier et le 5 février 1986. Le CESP prévoit de mettre « au point une méthodologie plus aigüe, et plus rigoureuse de l’audience individuelle »46 . - Dans un article intitulé « L’audimétrie : un créneau déjà encombré » de Sylvie Martin dans Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication en 1986, la journaliste critique « un certain gaspillage de ressources (les études mesurent souvent les mêmes phénomènes), qui peut conduire à des incohérences, des contradictions47 , voire des abus. Dans tous les cas, la situation est des plus confuses pour les agences et les annonceurs et constitue une cause d’erreur pour la répartition des investissements publicitaires. »48 Sylvie Martin espère donc une régulation du marché : « Il reste à espérer que, dans les mois à venir, les règles du jeu soient enfin fixées et permettent une rationalisation de la mesure des médias audiovisuels. »49 Il n’y aura pas de régulation légale des institutions publiques mais autorégulation du marché via son oligopolisation, ou plutôt sa monopolisation, et l’accord de la grande majorité des acteurs audiovisuels intéressés par l’audience. - L’Association des agences-conseils en publicité (AACP ; le syndicat professionnel des agences de publicité), qui deviendra l’Association des agences- conseils en communication (AACC), ne croit pas à la privatisation du CEO à long terme et donc à sa crédibilité et son indépendance. Jacques Bille, qui dirige l’AACP à 45 « Audience des stations de radio et des chaines de télévision selon la vague d’étude CESP d’octobre-novembre 1985 », Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1434, 23-30/12/85, p69 46 Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1446, 31/03/86, p42 47 Sylvie Martin fait référence à une étude d’IPSOS sur les radios locales privées « dont les résultats ne concordaient pas toujours avec ceux d’une enquête IFOP/Sofres » qui était une étude annualisée en 1986 qui portait sur les agglomérations de plus de 200 000 habitants via 10 000 interviews. (MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p42). Une étude IFOP/Sofres est publiée en juin 1985 où on peut voir la large domination de NRJ dès 6 heures du matin sur ERT et Europe 1 en ce qui concerne l’audience par ¼ d’heure en pénétration chez les 15/34 ans de la région parisienne. On peut voir aussi que NRJ domine RTL et Europe 1 à partir de 17h-18h dans les agglomérations de Nantes (IFOP/Sofres juin 1985), du Havre (IFOP/Sofres juin 1985) et de Lyon (Sofres octobre 1985) en ce qui concerne l’ensemble de la population (Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1452, 19/05/86, p24). 48 MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p43. 49 MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p43.
  • 13. cette époque, dit le 10 avril 1985 qu’il souhaite une audimétrie privée car les pouvoirs publics refusent de s’engager formellement à fournir à la profession publicitaire des informations satisfaisantes issues de l’audimétrie gérée par le service public au sein du CEO50 . Le syndicat demande donc à l’institut Nielsen de créer un nouveau panel51 . Ainsi, dès mai 1985 une étude Sofres/Nielsen est annoncée pour septembre 1985 avec un panel de 200 foyers équipés de boitier audimétriques et un panel de 2 000 foyers avec carnets d’écoute transmis par télématique quotidiennement pour toute la France52 . Mais il n’obtiendra pas les financements nécessaires, notamment parce que les chaines publiques ne suivent pas. L’alliance Sofres/Nielsen est aussi en lice quand le CESP lance un appel d’offre en octobre 1985. - Comme Médiamétrie, l’IFOP est en lice pour l’appel d’offre du CESP grâce à une association avec la société britannique AGB qui utilise l’audimètre à bouton- poussoir en Grande Bretagne, Allemagne et Italie53 . - IFOP et Sofres publient les résultats d’un sondage en juillet 1985 réalisé entre le 21 mai et le 15 juin 1985 auprès d’un échantillon de 1 500 personnes de 15 ans ou plus à Lyon54 . - Le Canard enchainé critique la représentativité géographique des études de Médiamétrie dès septembre 1985 : « Des départements entiers ont été rayés de la carte par Médiamétrie et des bourgades comme Clermont-Ferrand, Mulhouse, Ajaccio etc. sont inconnus »55 . - IPSOS réalise un sondage sur un échantillon de 2 007 personnes d’Ile-de- France âgées de 12 ans et plus via des interviews en face-à-face entre le 11 et le 15 mars 198656 . - Il existe des études ponctuelles et régionales comme celles de l’institut « Konso. Institut d’études de consommateurs et d’analyses sociales »57 qui réalise, par ailleurs, une enquête quotidienne par téléphone sur l’audience et l’appréciation des programmes de télévision sur 300 personnes et dont les résultats sont publiés par Le Figaro et France-Soir. - Médiamétrie doit s’adapter aux nouveaux besoins en termes de mesure d’audience nés des mutations du paysage audiovisuel : - développement des radios privées, - développement de la bande FM58 , - privatisation d’Europe 1, - privatisation de la première chaîne, - création de Canal, 50 « Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85 Jacqueline Aglietta répond que son souci est « de faire en sorte que la nouvelle société soit en mesure de correspondre aux besoins de la profession » (« Les premiers pas de Médiatrie » [sans doute une coquille], Presse actualité, n°193, mai 1985, p10). 51 BOISSON Gilles, « L’audimétrie : comparaison Médiamétrie-Nielsen », in Les médias, expériences et recherches (Séminaire « Médias » de l’I.R.E.P. de décembre 1986), I.R.E.P., Paris, 1987 52 « La Sofres et Nielsen s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85 53 MARTIN Sylvie, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p43. 54 Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1429, 18/11/85, p60 55 « Querelles autour d’un panel entre "le Canard enchainé" et Médiamétrie », Le Monde, 03/09/87 56 Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1452, 19/05/86, p33 57 Sylvie Martin, « L’audimétrie : un créneau déjà encombré », dossier « Les instituts d’études. Diversité ou confusion ? », réalisé par Sylvie Martin, Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p43 58 La modulation de fréquence a dépassé la moitié de l’écoute globale en 1978 aux États-Unis, et en 1988 en France (Concerto Études, La radio en direct de Concert Media, Concerto Media, Neuilly, février 1991).
  • 14. - lancement de la Cinq et de la Six… - Les instituts de sondage souhaitent reprendre la maitrise de la mesure d’audience en 1986 quand Jacques Chirac devient Premier ministre. Plus tard, ils tentent de faire partie des actionnaires59 . - Philippe Ramond, directeur délégué de la 5, dit en 1987 que le panel de Médiamétrie est « périmé », les résultats « partiels, voire partiaux » et les méthodes « inadaptées »60 . - Hachette, qui souhaite acquérir TF1, a aussi des velléités de prise de contrôle de Médiamétrie61 . - La nouvelle directrice du CESP, Corinne Fabre, lance un appel d’offre pour constituer un nouveau panel audimétrique avec le soutien des publicitaires et de Bochko Givadinovitch, PDG de la Régie française de publicité de la chaine de télévision publique TF1. AGB, filiale du groupe Maxwell, remporte l’appel d’offre, mais Patrick Le Lay annonce que TF1 ne va pas s’associer au projet62 . - Les stations de radio se plaignent de la méthodologie de Médiamétrie : Europe 1 à cause de la diminution de son audience dans les années 199063 , Voltage en 199664 , NRJ et Skyrock pour que les préadolescents soient pris en compte65 . Plus tard, Skyrock pour les 11-12 ans. B) Les acteurs Pour que Médiamétrie fasse consensus quant à son fonctionnement et sa méthodologie, tous ceux qui avaient vocation à l’utiliser, à l’exception des publicitaires, et qui ont des moyens économiques suffisamment importants ont été associés à son fonctionnement et à son capital. Donc, il y a des représentants de : - TF1 (qui n’est pas encore privatisée) : Antoine de Tarlé, - Antenne 2 : Pierre Wiehn, - FR3 : Joseph Barbedienne, - Radio France : Monique Sauvage, - Europe 1 : Jean-Robert Parturier, - RMC : Jacques Braun, - l’INA66 : Michel Berthod, - la Régie française de publicité : Jeanne Labrousse, - l’Etat (qui participe encore au capital) : Francis Brun-Buisson. Il manque donc des acteurs majeurs. A cette époque, la CLT/RTL pensait obtenir la cinquième chaîne. Mais quand Silvio Berlusconi l’a obtenue, le groupe a arrêté ses 59 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p48-50 60 « Querelles autour d’un panel entre "le Canard enchainé" et Médiamétrie », Le Monde, 03/09/87 61 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p50-52 62 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p52-55 63 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p84 64 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p96 65 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p117-118 66 En 1988, l’INA conserve 2,79% de ses actions (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p61). Jusqu’en 1987, l’INA est le plus gros actionnaire de Médiamétrie avec un tiers des actions. Son président, Jacques Pomonti, souhaitait que devienne une filiale (MEADEL Cécile, « Jacqueline Aglietta, présidente de Médiamétrie » (entretien de Cécile Méadel avec Jacqueline Aglietta), Le Temps des médias, n°3, 2004/2).
  • 15. investissements en France, y compris son entrée dans le capital de Médiamétrie67 . C’est pour cela que le capital est fixé à 930 000 francs au lieu d’un million : il manque les 70 000 francs de RTL. Il manque aussi Canal qui a souhaité travailler avec la Sofres (avec un panel télématique68 ) compte-tenu de sa programmation spécifique. Il manque aussi les nouveaux acteurs radiophoniques privés comme NRJ dont l’audience est déjà loin d’être négligeable69 . Ces organismes ont le statut d’actionnaire et se rencontrent au sein de cette instance pour s’accorder sur des instruments permettant de mesurer l’évolution des médias déjà existant et l’émergence des nouveaux médias. En effet, à partir des « données de base » des premières études, Jacqueline Aglietta « souhaite multiplier les outils complémentaires » : « baromètres des chaines, des émissions, observations qualitatives sur les comportements des auditeurs et téléspectateurs, études sur les nouveaux médias et la télématique »70 Voici la distribution du capital telle qu’elle est publiée en février 1985 dans le mensuel Presse actualité : - 05,00 % pour l’Etat, - 17,60 % pour l’INA, - 15,00 % pour Radio France, - 10,00 % pour TF1, - 10,00 % pour A2, - 10,00 % pour FR3, - 05,00 % pour RFO, - 15,00 % pour RFP, - 05,00 % pour RTL, - 05,00 % pour RMC, - 05,00 % pour Europe 171 . Rappelons que la RFP (Régie Française de Publicité) gère alors la publicité de TF1, Antenne 2, FR3 et Radio France, que RMC appartient à hauteur de 83.34%72 à la Sofirad (jusqu’en 1998), de même pour Europe 1 (jusqu’au 3 avril 1986). Donc s’il y a privatisation, la propriété des parts continue d’être directement ou indirectement publique. En tout cas, en février, il n’est pas encore question de changement de nom, mais d’un changement de statut juridique. Voici la distribution du capital telle qu’elle est publiée dans Le Monde en avril 1985 : - 00,43% pour Jacqueline Aglietta, - 05,38% pour l’Etat, - 18,92% pour l’INA, - 16,13% pour Radio France, 67 Il faudra donc attendre la fin de La Cinq en 1992 pour que Médiamétrie obtienne le monopole de l’audience télévisuelle en France. 68 « La Sofres et Nielsen s’associent pour mesure l’audience de la télévision », Le Monde, 30/05/85 69 Voir ci-dessous et l’article de Jacques Durand sur les audiences des « radios libres » (« Les enquêtes sur les "radios libres" réalisées par le Centre d’études d’opinion », in Thierry Lefebvre et Sebastien Poulain (sous la direction de), Radios libres, 30 ans de FM : la parole libérée ?, INA/L’Harmattan, collection « Les Médias en actes », Brie-sur-Marne/Paris, 2016). 70 « Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85 71 « Changement de statut pour le CEO », Presse Actualité, n°190, février 1985, p12 72 « Le point sur la privatisation des entreprises de communication », Echo de la presse et de la publicité. Le magazine de la communication, n°1450, 28/04/86, p60
  • 16. - 10,75% pour TF1, - 10,75% pour A2, - 10,75% pour FR3, - 16,13% pour RFP, - 05,38% pour RMC, - 05,38% pour Europe 173 . Compte-tenu des changements dans la distribution du capital et des acteurs détenant du capital entre les deux dates, il y a eu renégociations. En effet, il y a eu le départ de RFO (la société de radiodiffusion et de télévision française pour l’outre-mer) et de RTL, et l’arrivée de Jacqueline Aglietta. Les autres acteurs se partagent, dans cette nouvelle distribution de mai, le capital similaire à la proportion de capital telle qu’elle avait été distribuée et publiée en février. En 1988, l’Etat retire sa participation, et s’ajoutent les publicitaires et deux nouvelles chaines de télévision. Le capital de Médiamétrie est redistribué en trois parties : - 35% pour les télévisions : TF1, A2, FR3, Canal, la Cinquième, - 27% pour les radios : Radio France, Europe 1, RMC et RTL (un peu plus tard), - 35% pour les annonceurs, agences conseils et centrales d’achats : L’Union des Annonceurs, Carat France, DDB Needham, FCB, Havas Advertising, Publicis.74 En 2016, le capital de Médiamétrie (930 000 €) est distribué de la même façon : - 35% pour les télévisions : 10,80% pour TF1, 1,40%, pour Canal +, 22,89% pour France télévisions, - 27% pour les radios : 13,5% pour Radio France, 5,4% pour Europe 1, 5,4% pour RMC et 2,7% pour Bayard d’Antin - RTL, - 35% pour les annonceurs, agences conseils et centrales d’achats : 11,77% pour l’Union des Annonceurs, 6,7% pour Publicis conseil, 6,7% pour Havas, 1,62% DDB Groupe France, 6,7% pour Aegis Média France, - 3% pour l’INA et d’autres actionnaires non précisés.75 III Présentation de la « 55 000 » Un des premiers objectifs de Médiamétrie est de monter un système d’enquêtes téléphoniques permettant d’analyser régulièrement les audiences radio et télévision au niveau régional pour mieux connaître le public des stations décentralisées de Radio France et de France 376 . C’est la « 55 000 ». En octobre 1986, Jacqueline Aglietta fait une présentation du « panel Audimat » et de la « 55 000 » aux Journées d’études en statistiques organisées par l’Association pour la statistique et ses utilisations (ASU) qui ont lieu au Centre International de Rencontres Mathématiques (C.I.R.M.) sur le campus de Luminy à Marseille. Cette présentation donnera 73 « Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85 74 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p58 75 https://www.mediametrie.fr/mediametrie/pages/capital-et-actionnaires.php?p=10,88,86&page=26 On voit qu’il n’y a pas de place pour des représentants de l’audience, d’associations, des petits opérateurs, des chercheurs, des consultants... et que l’INA a perdu beaucoup de son poids malgré son importance dans le domaine de la recherche. 76 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p82
  • 17. lieu à un article intitulé « Les sondages dans l’Audiovisuel » dans l’ouvrage Les Sondages dirigé par Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (membre de l’Association pour la Statistique et ses Utilisations-ASU et de Société Française de Statistique-SFdS), et publié en 198777 . C’est la première d’une longue lignée d’interventions scientifiques de Médiamétrie78 . A) L’échantillon La « 55 000 », imaginée par Dominique Scaglia79 , consiste en 55 000 interviews téléphoniques80 par an (car 5 500 interviews par mois et aucune interview en juillet et août). Cela fait 185 interviews par jour contre 250 pour la « 75 000 »81 (créée en 199082 ), 400 pour la « 126 000 » (créée en 200583 ). Les personnes interviewées doivent répondre à certaines conditions : 77 AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987 78 Médiamétrie comptabilise plus de 70 publications écrites entre 1985 et 2005 à l’Institut de Recherche et d’Etudes Publicitaires (IREP), à l’European Society for Opinion and Market Research (ESOMAR), dans des colloques mathématiques ou statistiques nationaux ou internationaux, en articles ou en livres (http://www.mediametrie.fr/carrieres/pages/les-publications-scientifiques-de-1987-a-1996.php? p=7%2C120&page=73). Jacques Durand, décédé en 2015, a publié de nombreux articles dans les Cahiers d’histoire de la radiodiffusion et a participé à des colloques du GRER. En mai 1985, il représente Médiamétrie dans un colloque organisé par le Comité pour l’information dans la presse dans l’enseignement (CIPE) qui a lieu les 13 et 14 mai à la Cité universitaire internationale de Paris et où des enseignants, des sociologues, des éducateurs, des professionnels de la presse et des jeunes s’interrogent sur l’indifférence des jeunes vis-à-vis de la presse écrite (« Tribunes », Le Monde, 13/05/85). Les investissements que Médiamétrie consacre « à la recherche et au développement représente 10% de [son] chiffre d’affaires » (AGLIETTA Jacqueline, « Discours de clôture par Madame Jacqueline Aglietta, Président-Directeur Général de Médiamétrie », Médiamétrie Les Rencontres 2006, Palais Brongniart, Paris, jeudi 2 mars 2006, p4). Ce chiffre est régulièrement donné par des représentants de Médiamétrie car avec la privatisation du CEO, Médiamétrie n’est plus financé par une cotisation annuelle mais par des ventes d’études ce qui précarise l’institut. Donc l’aspect « commercial » passe devant l’aspect « recherche ». Or, l’aspect « recherche » est nécessaire pour légitimer l’aspect « commercial » (DURAND Jacques, « Le rôle des sondages dans le domaine de l’audiovisuel », Communication et langages, n°67, 1986, p108). 79 MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p47. Dominique Scaglia a connu Jacqueline Aglietta à la Sofres, il vient de Nielsen. 80 L’acceptation par la communauté scientifique du recueil de données par interview téléphone date du milieu des années 1960 aux Etats-Unis. Or, selon l’INSEE, 9,3% des ménages disposent d’un téléphone en 1964, 50% en 1978 et 92% en 1988 (FREJEAN Michel, PANZANI Jean-Pierre et TASSI Philippe, « Les ménages inscrits en liste rouge et les enquêtes par téléphone », Journal de la Société de Statistique de Paris, vol.131, n°3-4, 1990, p86-87). La précision d’un sondage n’est pas lié à la taille de la population cible mais au nombre de personnes interrogées. Plus on interroge de personnes, plus le résultat est précis. Les chiffres fournis sont susceptibles de varier dans des intervalles de confiance. Les intervalles de confiance sont des intervalles fixés à l’avance en fonction du niveau de confiance souhaité. Les valeurs réelles recherchées doivent s’y situer. La longueur de l’intervalle peut varier selon l’importance de l’échantillon. Pour un intervalle de confiance de 95 %, les marges d’erreur sont : d’environ 10 points quand on interroge 100 personnes ; d’environ 3 points quand on interroge 1 000 personnes ; d’environ 1 point quand on interroge 10 000 personnes. Cela signifie que le résultat que l’on aurait obtenu si on avait interrogé l’ensemble de la population de référence a 95 % de chance de se situer dans un intervalle se situant entre le résultat de l’étude - marge d’erreur et résultat de l’étude + marge d’erreur. Ainsi, au delà d’un certain nombre de personnes interrogées, le gain de précision ne justifie plus d’interroger d’autres. 81 La « 75 000 » devient la « 75 000 + » en janvier 1999 du fait de certaines améliorations : le recueil porte désormais sur l’audience des dernières 24h00 et non plus sur l’audience de la veille, la précision passe du quart au demi-quart d’heure, et l’enquête comprend aussi des questions sur l’audience de la TV, la fréquentation du cinéma et l’équipement TV du foyer. 82 En 1989, elle devient pour peu de temps la 36 000 du fait d’un manque de budget selon Arnaud de Saint- Roman, interrogé à Radio 2.0 le 13 octobre 2015. 83 Médiamétrie décide de prendre en compte les 50 000 interviews de l’étude « Médialocales ».
  • 18. - elles doivent avoir au moins 15 ans (contre 13 ans aujourd’hui84 ). Il y a une sous- représentation des 65 ans et plus et une sur-représentation des individus âgés de 15 à 64 ans. - elles doivent habiter en France métropolitaine85 . Tous les départements doivent être représentés sur une semaine et toutes les régions sur une journée. Dans chaque région, le tirage des numéros de téléphone est systématique et s’appuie sur l’annuaire. C’est ce qui est appelé l’équipartition spatiale. - elles doivent appartenir à des ménages « ordinaires ». Médiamétrie fait la distinction entre les ménages « ordinaires » et les ménages « collectifs » qui sont « rarement maitres de leurs achats et de leurs comportements »86 . Les entreprises, administrations, associations sont exclues. - elles ne doivent pas travailler de près ou de loin dans les médias. - elles ne doivent pas être interrogées à nouveau pendant cinq ans87 . - elles doivent être bénévoles88 . 84 En 2002, le Comité Radio de Médiamétrie décide, sur proposition des radios qui ciblent les jeunes comme NRJ (qui souhaite l’âge de 10 ans) ou Skyrock, d’intégrer à la mesure d’audience du média radio, les jeunes auditeurs à compter de l’âge de 13 ans alors qu’il portait jusqu’ici sur les 15 ans et plus. Pour comparaison, l’âge qui est pris en compte par le Médiamat pour la télévision est depuis 1993 de 4 ans (6 ans auparavant). Or, on « sait depuis toujours que la radio est aussi un média de jeunes, voire de très jeunes et que les prendre en compte relève du simple bon sens. » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p117) Il s’agissait de « déterminer l’âge à partir duquel un individu peut valablement être interviewé par téléphone sur son écoute radio » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p118). Après des investigations, la consultation d’experts et des rapports de force au sein de Médiamétrie (principalement entre RTL et NRJ), il est décidé que l’âge sera celle de « l’entrée au collège, qui marque la sortie de l’univers de l’enfance » (Idem, p118), même si l’entrée au collège se fait avant 13 ans. Le résultat de ce changement de méthodologie apparaît dès l’automne 2002 : NRJ dépasse RTL en audience cumulée, et les radios généralistes vont commencer à valoriser d’autres indicateurs d’audience (« durée d’écoute par auditeur », « part d’audience », « Quart d’Heure Moyen » (« moyenne des audiences moyennes par quart d’heure sur une tranche horaire donnée. » (CESP, Mesurer l’audience des médias. Du recueil des données au média-planning, Dunod, Paris, 2002, p107)), une plus grande attention des auditeurs envers l’information qu’envers la musique). En 2007, Skyrock, qui a une audience plus jeune que celle de NRJ, demande à Médiamétrie de prendre en compte l’audience des personnes âgées de 11 et 12 ans dans la « 126 000 ». En effet, selon une étude que Skyrock a commandée à l’institut CSA, Skyrock est écoutée quotidiennement par 389 424 auditeurs âgés de 8 à 12 ans, dont 36% ont 11 et 12 ans ce qui ferait passer Skyrock devant Europe 1 en termes d’audience et la ferait devenir deuxième radio musicale des 13 ans et plus au niveau national et première musicale sur l’Ile-de-France. L’étude a été faite dans 134 agglomérations situées en France métropolitaine et correspondant à la zone de diffusion de Skyrock sur un panel de 304 enfants. Les enfants ont été interrogés, après autorisation de leurs parents ou tuteurs, sur cinq jours, selon une cadence quotidienne de 60 interviews, afin d’obtenir des résultats du lundi au vendredi (LARROCHELLE Jean-Jacques, « Skyrock demande un nouveau calcul des audiences radio », Le Monde, 01/11/07). Sur la réception des « radios jeunes » par les jeunes : GLEVAREC Hervé, Libre antenne : La réception de la radio par les adolescents, Armand Colin, Paris, 2005. 85 Initialement, seules les personnes se déclarant de nationalité française étaient interrogées. Mais le CESP a incité Médiamétrie à prendre en compte les étrangers. 86 AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p252 87 SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14. 88 La question de la rémunération des personnes interrogées se pose en matière de sondage car répondre à un sondage demande du temps et de la réflexion selon une procédure contraignante. De plus, elle fait fonctionner toute une économie ce qui fait que la valeur économique des réponses données est mesurable. Si les personnes étaient rémunérées, leurs réponses seraient-elles fondamentalement différentes, en sachant que les méthodologies prévoient de toute façon des techniques de vérification de la parole de la personne interrogée (en posant à plusieurs reprises une question sur un même sujet pour vérifier s’il y a des contradictions). Par ailleurs, la rémunération existe pour les personnes qui participent à des études de marché et d’opinion (PIQUARD Alexandre, « Polémique autour de la rémunération des sondés sur Internet », Le Monde, 08/03/2011
  • 19. D’un point de vue sociodémographique et économique, des quotas89 sont mis en place par sexe, âge et « activité » car il existe « des individus qui ont une propension plus grande que d’autres à répondre au téléphone »90 . L’« enquêteur » dispose donc des profils de personnes à interviewer. Si la personne qui décroche le téléphone ne correspond pas au profil, l’enquêteur demande si une personne du foyer y correspond. Une distinction est faite entre l’audience « lundi-vendredi » et celle de « samedi- dimanche ». Mais cette distinction va devenir insuffisante compte-tenu de l’évolution de la société. Elle va donc être critiquée car elle ignore : « des phénomènes importants comme les périodes de vacances scolaires, les "ponts" et jours fériés, les périodes d’actualité très spécifiques (événements sportifs, politiques...) qui sont ainsi diluées dans la moyenne. Cela devient d’autant plus problématique que l’instauration des 35 heures, entre autres phénomènes, a modifié profondément le rapport au temps et la façon de prendre des congés ou de gérer sa semaine, ce qui n’est pas sans influence sur l’écoute de la radio, très liée aux activités de la journée. »91 http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/03/08/polemique-autour-de-la-remuneration-des-sondes-sur- internet_1489900_823448.html#LiBff0pWbEIZYbSM.99). Aujourd’hui c’est la question de la rémunération des activités numériques qui se pose car ces dernières se situent dans un contexte et un écosystème économique où les actions des internautes ont une valeur économique (CARDON Dominique et CASILLI Antonio, Qu’est-ce que le Digital Labor ?, INA, Bry-sur-Marne, 2015). 89 La méthode d’échantillonnage choisie par Médiamétrie est celle des quotas. Contrairement aux méthodes aléatoires, elle ne suppose pas d’avoir la liste exhaustive de l’ensemble de la population de référence. La méthode des quotas n’a besoin que des informations sur les caractéristiques socio-démographiques de cette population. Il s’agit donc d’abord de « choisir » les quotas. Cela consiste d’abord à déterminer les caractéristiques dont il paraît raisonnable de penser qu’elles influencent le plus les résultats de l’étude. En pratique, les quotas les plus utilisés sont l’âge, le sexe et la catégorie socioprofessionnelle. Par la suite, il suffit de connaître la répartition de la population par catégorie pour les variables de contrôle ou quotas choisis à partir des bases de données de l’INSEE : répartition par sexe, entre catégories socioprofessionnelles, entre tranches d’âge. L’échantillon de personnes interrogées devra alors respecter cette répartition. Selon Jacques-François Fournols (directeur exécutif chargé des ressources et des opérations chez Médiamétrie) en 2007, « Il faut en moyenne sept appels avant de tomber sur la bonne personne. » La bonne personne qui correspond au quota exigé à un moment donné. Et l'équipe des enquêteurs continue d’interroger les auditeurs jusqu’à ce que les quotas exigés le jour en question soient remplis. (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14.) 90 AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p253 91 CHEVREUX Marie-Dominique, « La radio pionnière », Hermès, n°37, 2003
  • 20. Donc, à partir de juillet 2006, le « Comité92 Radio »93 de Médiamétrie décidera de prendre en compte les « Jours de Moindre Activité »94 (JMA) c’est-à-dire les jours où le « taux d’activité »95 est inférieur à 55% pour pouvoir mieux comparer les résultats des différentes périodes d’étude. Ainsi, les « lundi-vendredi » deviennent les « Lundi-Vendredi d’activité ». Il s’agit de tendre vers l’équipartition temporelle qui nécessite de faire des enquêtes sur de longues périodes pour limiter le poids des événements conjoncturels dans les résultats : une campagne de publicité d’une radio, un événement d’actualité important… B) L’interview Les interviews sont réalisées par téléphone96 . Médiamétrie prend la conduite d’un tiers de ses études et laisse le reste aux instituts ISL (Institut de sondage Lavialle) et BVA97 . La durée moyenne est, dans les premiers temps de l’enquête, de 14 minutes98 . Grâce au système 92 Les comités spécialisés (Audimétrie (1988), Radio (1989), Cinéma (1993), Câble-Satellite (1995), Métridom (1997), internet (2000)) se réunissent « tous les trois mois environ pour chaque média » (BOURBOULON François, « La mesure d’audience est comme une monnaie commune : elle doit être unique, reconnue et crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta), Journal du net, 18/04/2003, http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml). Ils sont « chargés d’approuver pour chaque, les procédures d’étude et tout ce qui s’y rapporte : méthodologie, taille des échantillons, définition des cibles, communication des résultats, etc. » (MAUDUIT Jean, Le roman vrai de la mesure d’audience, Médiamétrie, Levallois Perret, 2005, p80). Mais selon Jacqueline Aglietta, ils ont un rôle proche de celui d’un conseil d’administration : « Nous avons des comités, qui fonctionnent comme des conseils d’administration. Ce ne sont pas des réunions techniques, mais plutôt stratégiques et politiques. » (BOURBOULON François, « La mesure d’audience est comme une monnaie commune : elle doit être unique, reconnue et crédible » (entretien avec Jacqueline Aglietta), Journal du net, 18/04/2003, http://www.journaldunet.com/itws/it_aglietta.shtml) Sous Jacqueline Aglietta, Médiamétrie est organisé en fonction des grands médias, mais lorsque Bruno Chetaille (ex-PDG de TDF) lui succède en 2007 (GARRIGOS Raphaël et ROBERTS Isabelle, « Ne l’appelez plus Médiamétrie », Libération, 08/07/2006), il met en place une direction des mesures d’audience, une direction performance et cross-média et une direction Eurodata TV. 93 En 2005, le « Comité Radio » comprend Lagardère Active, Radio France, les stations indépendantes de catégorie B, NRJ Group, RMC, RTL Group et Skyrock pour les groupes et les stations de radio, et Union Des Annonceurs avec 3 représentants, Publicis, Havas, Carat et DDB pour les annonceurs et publicitaires. En 2016, il se compose de 15 membres, représentant les groupes et les stations de radio (Lagardère Active, Radio France, NRJ Group, RMC NEXTRADIOTV, RTL Group, Stations B, Skyrock) et les annonceurs et publicitaires (Union Des Annonceurs avec 3 représentants, Publicis, Havas, Carat Expert et DDB) et Médiamétrie. Le « Comité Radio » s'appuie par ailleurs sur une instance technique, la Commission Scientifique et Technique Radio. (http://www.mediametrie.fr/mediametrie/pages/le-comite-radio.php?p=10,88,90&page=43) La composition du « Comité Radio » se distingue donc de celle des actionnaires qui comprend seulement Radio France, Europe 1, RMC et RTL en ce qui concerne les radios. 94 « Evolutions majeures du dispositif de mesure d’audience de la Radio », Communiqué de presse radio de Médiamétrie, Levallois, le 27 juin 2006. Cette évolution tient compte de l’arrivée de la réduction du temps de travail (RTT) due au 35h par semaine. 95 Le taux d’activité est la part des actifs occupés ayant exercé leur activité professionnelle le jour même de l’interview. Médiamétrie donne ce taux hors « Jours de Moindre Activité » en le calculant en fonction du nombre de jours de semaine de la vague, du nombre de jours fériés, du nombre de jours de vacances scolaires et du nombre de « Jours de Moindre Activité ». 96 En 2007, à Amiens, c’est une centaine d’enquêteurs, composés pour l’essentiel d’étudiants, de femmes au foyer ou de retraités qui réalisent les interviews (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14). 97 « Le Centre d’études d’opinion devient Médiamétrie », Le Monde, 12/04/85 98 Arnaud de Saint Roman, Odile Le Moal et René Saal font référence à 24 minutes d’interview en 1995 avec des questions sur la radio, puis sur la télévision, puis sur le cinéma (« Diary vs Recall : Médiamétrie complementary approach for measuring radio audience », 1st Esomar Radio Research Symposium, European Society for Opinion and Marketing Research, Paris, 1995, p1). En 2007, Jacques-François Fournols, directeur exécutif chargé des ressources et des opérations chez Médiamétrie, fait référence à des interviews qui peuvent « durer plus d’une
  • 21. CATI99 (Computer Assisted Telephone Interview), chaque enquêteur dispose d’un ordinateur qui lui permet de faire défiler les questions sur l’écran et d’entrer les réponses fournies. La mise en place du système CATI coïncide avec la fondation de Médiamétrie puisqu’elle date de 1985. CATI est une plateforme logistique en réseau de postes d’appels pilotés de manière centralisée100 qui permet de gérer plusieurs dizaines de milliers de carnets de panélistes pour l’émission des appels et le stockage des réponses. Cette procédure d’interviews téléphoniques assistées par ordinateur donne la possibilité : - de vérifier la cohérence des réponses, - d’appeler et rappeler automatiquement les interviewés (en cas d’absence), - de contrôler les quotas au fur et à mesure, - de garantir la fiabilité technique de l’utilisation du questionnaire101 (déroulement, aiguillage), - d’avoir une saisie en continu des interviews, - de gérer les fichiers des adresses en temps réel, - de contrôler les enquêteurs (les chefs d’équipe peuvent écouter les interviews sans que les enquêteurs le sachent, même s’ils savent qu’ils peuvent être écoutés à tout moment), - d’utiliser des classements à plus de cinq items.102 A l’époque où l’entreprise Médiamétrie est créée, les interviews par téléphone sont rares par rapport aux enquêtes dans la rue (les « enquêtes-piétons »). Les refus de répondre sont donc moins nombreux qu’aujourd’hui. Il faut appeler 2,5 numéros pour obtenir une réponse en sachant que chaque numéro est appelé 4 fois avant la tentative sur un autre numéro103 . Selon Jacqueline Aglietta, en 1987, le taux d’acceptation est de 40% contre 10% pour les enquêtes à domicile104 . heure, selon la prolixité de l’interlocuteur » (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14). 99 Livre blanc. Réussir la mise en place d’un système CATI, Soft Concept, Lyon, http://www.soft- concept.com/files/pdf/livreblanccati.pdf 100 Contrairement aux réseaux de micro-ordinateurs d’entreprises qui sont constitués d’ordinateurs personnels qui partagent des ressources à travers un serveur de fichiers et d’impressions. 101 Exemple de question : « Dites-moi si, en semaine, du lundi au vendredi, vous avez l’habitude d’écouter telle station tous les jours, presque tous les jours, une ou deux fois par semaine, moins souvent ou jamais ». Du fait de l’arrivée de nouvelles technologies de réception, cette question a été précisée en septembre 2003 par : « Je vous demanderai de me citer toutes vos écoutes de la radio, que ce soit via la télévision, Internet, sur un baladeur, sur un téléphone mobile ou, bien entendu, sur un poste de radio et quel que soit le lieu d’écoute, chez vous, au travail ou ailleurs. » En avril 2007 une nouvelle phrase d’introduction remplace l’ancienne. Ainsi, sont énumérés explicitement tous les modes d’écoute et en particulier le téléphone mobile et le baladeur radio, dûment nommés : « Nous allons maintenant parler de ce que vous avez écouté aujourd’hui à la radio. Je vais vous demander de me citer toutes vos écoutes de la radio, que ce soit via la télévision, via internet, sur un téléphone mobile, sur un baladeur radio, et bien entendu sur un poste radio, quel que soit le lieu de ces écoutes, chez vous, en voiture, au travail ou ailleurs ». Les nouveaux modes d’écoute sont donc pris en compte, mais ils ne sont pas détaillés au niveau du recueil ni donc de la production des résultats. En effet, cela rendrait nécessaire d’explorer l’audience quart d’heure par quart d’heure et par mode d’écoute, d’où un allongement sensible du questionnaire et un renchérissement non négligeable du coût de l’étude. 102 Le système peut être utilisé autant pour l’étude des audiences que par les entreprises souhaitant tester leurs campagnes publicitaires, leurs projets, leurs prix, leurs produits, mesurer la fidélité, les intentions d’achat et la satisfaction des clients et qualifier leurs fichiers de contacts. 103 En 2007, « Il faut en moyenne sept appels avant de tomber sur la bonne personne », selon Jacques-François Fournols, directeur exécutif chargé des ressources et des opérations chez Médiamétrie (SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14). 104 AGLIETTA Jacqueline, « Les sondages dans l’Audiovisuel », in Jean-Jacques Droesbeke, Bernard Fichet et Philippe Tassi (sous la direction de), Les Sondages, Economica, Paris, 1987, p253. Dans les années 2000, le taux de réponse, qui est selon le CESP « en baisse constante » (LEROI Thibault, « Médiamétrie – L’audit du CESP »,
  • 22. Les interviews ont lieu le soir sur 3 heures en fin d’après-midi de 17h30 à 20h30105 , y compris le dimanche et les jours fériés. Il s’agit d’atteindre au domicile toutes les personnes du foyer et notamment toutes les catégories socio-professionnelles106 . Les personnes sont interviewées sur leur écoute la veille107 de la radio, mais pas seulement : - La radio : notoriété des stations, habitudes d’écoute, écoute de la veille détaillée. - La télévision : habitudes d’écoute, écoute de la veille détaillée108 . - Le magnétoscope : écoute de la veille détaillée. RadioActu.com, 16/07/2001, http://www.radioactu.com/actualites-radio/2117/mediametrie-l-audit-du- cesp/#.VkYEUtIvfMw), est d’environ 15 %. En 2015, à l’occasion du lancement en janvier 2014 d’un nouveau dispositif de mesure des équipements multimédia (l’enquête « Home Devices »), des salariés de Médiamétrie ont communiqué sur les stratégies mises en place par Médiamétrie pour « pallier la baisse du taux de réponse à [ses] enquêtes » expliqué par « l’essor des nouvelles formes et moyens de communication, à la multiplicité des modes de contact, et à la sur-sollicitation des enquêtés ». Depuis l’origine, il s’agit d’améliorer le CATI (Computer Assisted telephone Interviewing) qui a un taux de transformation (rapport entre le nombre de répondants à l’enquête et le nombre de recrutés quel que soit le mode de recueil) de 16% au 1er appel et de 72% au bout de 15 appels et plus. Mais il s’agit aussi aujourd’hui d’améliorer le CAWI (Computer Assisted Web Interviewing) dont le taux de transformation est de 51% à l’envoi du questionnaire et 51% à l’envoi du questionnaire en ligne et de 68% au bout de la 4ème relance. Le CATI et le CAWI font suite à une prise de contact (un « recrutement téléphonique ») et un accord pour un entretien téléphonique ou un questionnaire auto-administré en ligne. La non réponse est liée à l’âge et à l’appartenance géographique pour le CATI, et au « contact enquêteur », à l’« activité du répondant » pour le CAWI. Pour améliorer le taux de réponse via le CATI, il s’agit d’améliorer les formations des enquêteurs, le ciblage des relances, le guide d’accompagnement ainsi que le questionnaire. Pour le CAWI, il s’agit de mettre en place des questionnaires utilisables sur les téléphones mobiles, un enquêteur virtuel pour aider à la compréhension et au remplissage du questionnaire, ou encore d’introduire des paradonnées dans les analyses pour mieux qualifier la non réponse. Enfin, les deux modalités de recueil que sont le CATI et le CAWI doivent être utilisés de façon complémentaire car ils n’atteignent pas les mêmes personnes (SENAUX Magalie et VANHEUVERZWYN Aurélie, « L’utilisation du multimode pour faire face aux problèmes de couverture et à la baisse des taux de réponse », Actes des Journées de Méthodologie Statistique de l’Insee du 31/03-02/04/2015, 2015, http://jms.insee.fr/files/documents/2015/S24_1_ACTE_V1_SENAUX_JMS2015.PDF). Lire aussi : BRIGNIER Jean-Marie et DUPONT Françoise, « Taux de réponse et qualité tel des enquêtes téléphoniques : Les enseignements des études d’audience de la Presse Quotidienne d’IPSOS et de l’étude d’audience radio et cinéma de Médiamétrie », Décisions Marketing, n°38, avril-juin 2005 105 En 1992, les interviews sont réalisées entre 18h00 et 21h00 (TASSI Philippe, « La qualité dans les enquêtes téléphoniques : l’échantillon des répondants », in Ludovic Lebart (sous la direction de), La qualité de l’information dans les enquêtes, Dunod, Paris, 1992, p34). 106 A partir de la vague de septembre-octobre 2003, Médiamétrie prendra en compte les Sans Téléphone Fixe ou Exclusifs du Téléphone Mobile. 107 A partir de janvier 1999, Médiamétrie interroge sur l’écoute du jour (depuis l’heure de la première écoute jusqu’à l’heure de l’interview) puis l’écoute de la veille. Les questions sur l’écoute du jour et de la veille de la « 126 000 » favorisent en partie les radios des auditeurs réguliers, c’est-à-dire les radios ayant des « programmes de flux » ou présentant des « grilles horizontales » qui ont les mêmes programmes quotidiens. C’est l’exemple des « matinales » des radios dites « généralistes » car l’animateur est le même pendant cinq jours de suite et l’organisation de l’émission quasiment identique. Elles peuvent défavoriser les « radios de rendez-vous » présentant des « grilles verticales » dans lesquelles les émissions, thèmes, animateurs, invités changent chaque jour, semaine, voire mois (c’est le cas dans les radios associatives ou de France Culture dans une moindre mesure). En effet, plus une émission est diffusée régulièrement, plus il y aura de chance qu’une personne déclare l’avoir écoutée dans les dernières 24h. C’est une différence importante avec le média télévision où certains programmes changent chaque jour, notamment ceux du soir, ce qui oblige les chaines à annoncer à plusieurs reprises les rendez-vous pour que le téléspectateur puisse mémoriser. Mais la télévision dispose du panel audimétrique qui permet d’avoir des chiffres précis sur la réussite des programmes. D’où l’existence de l’étude « Panel radio » qui permet d’augmenter la possibilité qu’un auditeur déclare avoir écouté une émission régulière mais aussi irrégulière. Par ailleurs, les personnes sont interrogées sur leur écoute sur 24 heures, mais le communiqué de presse de Médiamétrie, donne des statistiques sur l’écoute de 5h du matin à minuit. Les radios abonnées à Médiamétrie ont bien tous les chiffres, mais les journalistes, les spécialistes de radio et le grand
  • 23. - L’équipement audiovisuel du foyer. - Les caractéristiques socio-démographiques « classiques ». Avant d’être envoyées dans un centre de traitement, les données recueillies sont contrôlées en interne (en moyenne cinq contrôles effectués en interne en 2007109 ) et en externe par le CESP. L’enquêté actif Il faut se rappeler de cette dimension active d’une déclaration d’une personne interrogée par Médiamétrie., comme on peut le voir dans l’interview d’un sondeur en 1973 : « L’espoir de toute personne interrogée, comme de toute personne qui interroge, est d’être simplement utile. Combien de téléspectateurs ai-je entendu - satisfaits d’avoir été interrogés - espérer que "cela servirait à quelque chose" et combien de fois l’ai-je souhaité moi-même ? »110 . Comme dans des études de marché, des sondages, des tests, des élections politiques, une personne, qui déclare avoir été en contact avec une radio, sait, jusqu’à un certain degré, que cette déclaration est performative111 . Elle sait que les médias, les annonceurs, les publicitaires, le « grand public » seront au courant de ses déclarations (agrégées à d’autres) et que ces derniers mettront en place des politiques programmatiques (divertissantes, sociales, politiques, publicitaires…) à partir de ces déclarations. L’audience, telle qu’elle est définie par Médiamétrie, n’est donc pas purement passive, contrairement à ce qui peut être dit dans des critiques qui sont parfois faites par des sociologues des médias et qui opposent l’audience passive au public actif. Le public actif pouvant alors être vu comme « collectivité spirituelle »112 . Or, les personnes qui forment l’audience, telle qu’elle est définie par Médiamétrie, peuvent être conscientes de participer à la construction de cette audience et être conscientes de leurs responsabilités médiatiques, sociales, économiques, politiques. Et cette conscience peut influencer la manière de déclarer les pratiques, voire le contenu des déclarations elles-mêmes. On se souvient du concept de « spirale du silence » en politique qui consiste à limiter l’expression de certaine opinions en public de peur d’être mal vu dans son milieu social113 . On pourrait aussi l’imaginer dans les pratiques médiatiques. Ainsi, des personnes pourraient éviter de déclarer des écoutes peu légitimes suivant les critères de la personne qui déclare : des magazines people, des petites radios, des radios diffusant des public n’est au courant que d’une partie (la « partie émergée de l’iceberg » selon l’expression d’Arnaud de Saint- Roman). Si les radios se fondent sur les résultats publics, cela peut éventuellement les inciter à faire des économies en matière de production entre minuit et 5h, alors qu’il existe des catégories de population qui écoutent la radio la nuit (agents de sécurité, taxis, ouvriers, étudiants, retraités, malades, insomniaques...) et que la nuit permet d’élaborer des programmes différents (BECCARELLI Marine, Les nuits du bout des ondes : Introduction à l’histoire de la radio nocturne en France, 1945-2013, INA, Brie-sur-Marne, 2014) et de constituer d’autres formes d’écoute (Pour Claude Sorbets, « la non-connaissance du nombre des auditeurs est presque une donnée du jeu ! » (« Ecouter la radio la nuit : écoute en veilleuse ou écoute éveilleuse ? », in Jean- Jacques Cheval (sous la direction de), Audiences, publics et pratiques radiophoniques, Pessac, 2005, p158). Au final, l’audience est faible entre minuit et 5h, donc il y a très peu de production inédite en direct. Soit il s’agit de programmes enregistrés à faible coût, soit il s’agit de rediffusions. 108 Il existe si peu de télévisions à l’époque qu’elles sont considérées comme bien connues. Il n’y a donc pas de question de notoriété. 109 SIGNOURET Muriel, « Dans les coulisses de l’audience radio », Stratégies, n°1478, 22/11/2007, p14 110 COTTIN Georges, « Un "sondeur" raconte », Le Monde, 29 avril 1973 111 AUSTIN John Langshaw, How to do Things with Words : The William James Lectures delivered at Harvard University in 1955, Ed. Urmson, Oxford, 1962 112 TARDE Gabriel, L’opinion et la foule, PUF, Paris, 1981 [1901]) ou « communauté imaginée » (PASQUIER Dominique, La culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Ed. M.S.H., Paris, 1999 ; CHALVON-DEMERSAY Sabine, « La confusion des sentiments. Une enquête sur la série télévisée Urgences », Réseaux, n°95, 1999 113 NOELLE-NEUMANN Elisabeth, « The spiral of silence : a theory of public opinion », Journal of Communication, 24, 1974