La blessure, seulement une question de physique ?

Karoly Spy
Karoly SpyCEO & Founder chez SAS Innov-Training at SAS Innov-Training

Les (séquelles de) blessures peuvent constituer des compagnons de route (les rappels émotionnels, le non-retour à la performance, etc.). Elles représentent à ce titre une raison majeure à l’arrêt de la pratique. Les tenants et aboutissants de ce phénomène sont de mieux en mieux identifiés. Historiquement, les facteurs de prévention du risque de blessure ont été appréhendés à travers un filtre physiologique (ex, le volume d’entraînement) ou biomécanique (ex, la raideur musculaire/articulaire). Cette dynamique a évolué. Depuis une vingtaine d’années, l’analyse des facteurs psychosociaux est entrée en jeu pour prévenir contre le risque de blessure.

La	blessure,	seulement	une	question	de	‘physique’	?		
	
					Les	(séquelles	de)	blessures	peuvent	constituer	des	compagnons	de	route	(les	rappels	émotionnels,	
le	non-retour	à	la	performance,	etc.).	Elles	représentent	à	ce	titre	une	raison	majeure	à	l’arrêt	de	la	
pratique.	 Les	 tenants	 et	 aboutissants	 de	 ce	 phénomène	 sont	 de	 mieux	 en	 mieux	 identifiés.	
Historiquement,	les	facteurs	de	prévention	du	risque	de	blessure	ont	été	appréhendés	à	travers	un	
filtre	 physiologique	 (ex,	 le	 volume	 d’entraînement)	 ou	 biomécanique	 (ex,	 la	 raideur	
musculaire/articulaire).	Cette	dynamique	a	évolué.	Depuis	une	vingtaine	d’années,	l’analyse	
des	facteurs	psychosociaux	est	entrée	en	jeu	pour	prévenir	contre	le	risque	de	blessure.		
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
		
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
					Du	 point	 de	 vue	 psychosocial,	 le	 risque	 de	 blessure	 est	
déterminé	 par	 la	 réponse	 de	 stress	 de	 l’athlète	 aux	
changements	environnants	(ex,	apprendre	une	nouvelle,	être	
témoin	 d’un	 événement).	 Le	 stress,	 c’est	 la	 source	 !	 Plus	
précisément,	cette	réponse	dépend	à	la	fois	de	l’intensité	et	de	
la	durée	du	stress	subi,	et	on	peut	la	représenter	sous	la	forme	
d’un	U-inversé	(ci-joint)	:	une	certaine	dose	de	stress	(peu	long	
et/ou	 peu	 intense)	 a	 un	 impact	 positif	 sur	 l’organisme	 car	 ce	
dernier	 est	 stimulé	 (libération	 d’hormones	 type	 cortisol	 et	
adrénaline),	mais	devient	délétère	en	cas	d’excès.	Pourquoi	?	
					En	situation	de	pratique	sportive	et	de	stress	important,	les	processus	de	traitement	de	l’information	sont	altérés	
(ex,	 vision	 périphérique	 réduite,	 temps	 de	 réaction	 allongés,	 mémoire	 de	 travail	 défaillante)	 et	 parvenir	 à	 se	
tempérer/concentrer	requiert	un	effort	surdimensionné.	Vous	le	savez,	on	agit	en	conséquence	surtout	par	réflexe,	
au	coup	par	coup	en	réaction,	car	c’est	un	fonctionnement	économique.	En	mode	impulsivité	ou	«	automatique	».	
Ainsi,	c’est	en	raison	d’une	carence	attentionnelle,	c’est-à-dire	une	incapacité	à	intégrer/considérer	les	informations	
afférentes	de	l’organisme	(la	«	proprioception	»)	et	de	l’environnement	(l’incertitude	du	terrain,	le	comportement	
d’autrui),	que	le	risque	de	blessure	pourrait	être	augmenté.	On	a	donc	ici	une	perspective	neurocognitive.	
Dose de
stress
optimale
					Avec	ceci	en	tête,	certains	facteurs	ont	(logiquement)	
été	 identifié	 pour	 peser	 plus	 que	 d’autres,	 et	 donc	
prédire	 la	 survenue	 d’une	 blessure.	 Globalement,	 ces	
différences	 interindividuelles	 dans	 la	 réponse	 de	 stress	
convergent	autour	3	paramètres	(ci-joint).	
					Une	 hypothèse	 mécanistique	 :	 les	 situations	 de	
stress	 (émotion	 !)	 sont	 reconnues	 pour	 activer	 les	
régions	 cérébrales	 de	 régulation	 de	 la	 peur	 (ex,	
l’amygdale)	dont	la	stimulation	est,	elle,	connue	pour	
inhiber/déconnecter	les	centres	de	l’attention	(ex,	le	
cortex	préfrontal).	À	termes,	c’est	donc	la	baisse	du	
niveau	de	vigilance	de	l’athlète	qui	en	pâtit.	La	suite,	
on	la	connait…		
					Dans	cette	logique,	les	résidus	de	peur	–	et	le	détournement	attentionnel	associé	–	peuvent	expliquer	pourquoi	
les	individus	antérieurement	blessés,	régulièrement	soumis	au	stress,	ou	ayant	témoigné	un	impact	émotionnel	fort	
en	réponse	à	un	événement,	demeurent	les	individus	les	plus	«	à	risque	»	vis-à-vis	de	la	survenue	d’une	blessure.	
En	clair,	moins	j’ai	de	frein	à	être	focus,	moins	je	risque	la	blessure.	À	noter	:	le	stress	chronique	biaise	les	processus	
de	décision	vers	des	comportements	d’	«	habitudes	»	sur	la	base	d’une	atrophie	de	régions	cérébrales	frontales.
À	court-terme,	les	stratégies	de	coping	sont	surtout	cognitives	
–	la	relaxation/ventilation	étant	parfois	difficile	à	implémenter	
selon	le	contexte.	La	«	pleine	conscience	»	entre	dans	ce	cadre.	
Cette	 méthode	 consiste	 à	 porter	 son	 attention	 dans	 l’ici	 et	
maintenant,	pour	reconnaitre	que	l’on	peut	se	trouver	dans	un	
état	inconfortable,	vis-à-vis	duquel	on	ne	fuit	ni	ne	succombe	
mais	 que	 l’on	 accepte,	 pour	 alors	 se	 reconcentrer	 sur	 les	
éléments/buts	pertinents	(ex,	son	pacing,	son	plaisir).	L’énergie	
n’est	ainsi	pas	dépensée	à	inhiber/camoufler	un	problème,	mais	
à	 établir	 un	 focus	 sur	 les	 outils	 de	 la	 performance	 (l’étape	 de	 lâcher	 prise	
permettant	de	conserver	ses	ressources,	plutôt	que	les	‘gâcher’).	En	d’autres	
termes,	 l’enjeu	 initial	 peut	 éventuellement	 rester	 une	 menace	 mais	 il	 devient,	 par	 ses	 points-clé,	
surtout	 un	 défi.	 D’autres	 techniques	 efficaces	 à	 entraîner	 :	 l’autosuggestion	 (encourageante	 et	
bienveillante),	l’attribution	causale	(ce	que	je	peux	contrôler,	et	ce	sur	quoi	je	dois	lâcher	prise).	
	
		
	
	
	
Pour	aller	plus	loin	:	Ivarsson	et	al.	2016	;	Soares	et	al.	2012	
					Attention	:	la	décadence	liée	à	l’impact	du	stress	psychosocial	sur	l’organisme	fonctionne	par	étapes.	Si	cela	peut	
être	rassurant	(on	voit	venir),	en	réalité,	on	se	trouve	déjà	bien	entamé(e)	lorsque	l’on	prend	conscience	de	notre	
état	(d’ailleurs	souvent	grâce	à	un	feedback	extérieur).	En	fait,	les	écarts	de	vigilance	ou	de	sensations	à	notre	
norme	usuelle	sont	d’abord	discrets	et	anodins,	puis	s’installent	progressivement	sous	la	forme	d’une	impression	
de	perte	de	moyens,	alors	qu’aucun	changement	n’est	(encore)	opéré	dans	la	pratique	–	précisément	en	raison	de	
ce	caractère	anodin.	Solutions	:	une	vigilance	gardée	à	l’égard	des	événement/périodes	exceptionnels	de	stress	
potentiel	–	notamment	lorsque	l’enjeu	est	grand	et	risque	de	masquer	les	premiers	symptômes	de	fatigue	mentale	
–	et	des	stratégies	de	coping	!	
					Les	études	démontrent	que	les	stratégies	de	coping	(ou	de	gestion	
du	 stress)	 ont	 un	 impact	 important	 et	 positif	 dans	 la	 relation	
‘réponse	au	stress	/	survenue	de	la	blessure’.	Autrement	dit,	plus	on	
est	compétent	en	‘gestion	de	soi’,	plus	on	a	de	billes	pour	affronter	
la	diversité	des	incertitudes	qui	nous	préoccupent.	Les	changement	
fonctionnels	et	structurels	du	stress	sont	donc	réversibles	!		
À	noter	:	cet	impact	est	particulièrement	évident	chez	les	individus	
«	à	risque	»	;	cette	relation	de	dose-réponse	(«	je	suis	à	risque,	donc	
je	réponds	mieux	»)	affiche	alors	tout	l’intérêt	d’une	mise	en	place	
précoce	du	coping	chez	des	individus	a	priori	moins	exposés.	
					À	moyen-terme,	les	stratégies	de	coping	sont	comportementales.	Leur	but	est	de	renforcer	notre	capacité	à	
répondre	au	stress	en	«	prenant	soin	de	soi	»	via	i)	une	élévation	du	niveau	de	ressources	disponibles	(aspect	
quantitatif),	et	ii)	un	apprentissage	de	la	connaissance	de	soi	(aspect	qualitatif).	Dans	le	1er
	cas,	l’important	sera	
de	préserver	son	énergie	:	on	programmera	des	‘vrais’	temps	faibles	dédiés	à	la	récupération	(sans	smartphone	ni	
interactions),	et	on	anticipera/organisera	les	futures	périodes	de	stress	potentiel	pour	gagner	en	flexibilité	(quels	
paramètres	 de	 ma	 vie	 sont	 modulables,	 lesquels	 restent	 non-sacrifiables	 ?	 ex,	 temps	 de	 sieste,	 repas,	 temps	
social…).	Dans	le	2nd
	cas,	on	cherchera	à	repérer	les	facteurs	de	stress	personnels	(attentes	d’autrui,	pression	du	
partenaire,	 peur	 de	 l’échec…)	 pour	 alors	 se	 réapproprier	 la	 tâche	 (développer	 des	 sources	 de	 motivation	
autotéliques	et/ou	auto-référencées).	Important	:	des	outils	d’aide	au	suivi	de	l’état	de	forme	(ex,	score	de	bien-
être)	peuvent	aider	à	identifier	la	dynamique	sur	laquelle	on	se	situe.	
					Parmi	les	causes	de	blessure,	on	a	donc	une	valence	psychologique	évidente,	qui	peut	faire	pencher	la	balance.	
Pour	 la	 faire	 pencher	 du	 bon	 côté,	 les	 stratégies	 de	 coping	 constituent	 une	 aide	 si	 elles	 sont	 maitrisées,	
appropriées,	donc	travaillées.	Malgré	elles,	on	ne	reste	pour	autant	pas	à	l’abri,	et	quelques	mémos	peuvent	être	
de	bons	rappels	:	«	Le	jeu	en	vaut-il	la	chandelle	?	»	«	À	chaque	jour	suffit	sa	peine	»	«	Connais-toi	toi-même	».

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La blessure, seulement une question de physique ?

  • 1. La blessure, seulement une question de ‘physique’ ? Les (séquelles de) blessures peuvent constituer des compagnons de route (les rappels émotionnels, le non-retour à la performance, etc.). Elles représentent à ce titre une raison majeure à l’arrêt de la pratique. Les tenants et aboutissants de ce phénomène sont de mieux en mieux identifiés. Historiquement, les facteurs de prévention du risque de blessure ont été appréhendés à travers un filtre physiologique (ex, le volume d’entraînement) ou biomécanique (ex, la raideur musculaire/articulaire). Cette dynamique a évolué. Depuis une vingtaine d’années, l’analyse des facteurs psychosociaux est entrée en jeu pour prévenir contre le risque de blessure. Du point de vue psychosocial, le risque de blessure est déterminé par la réponse de stress de l’athlète aux changements environnants (ex, apprendre une nouvelle, être témoin d’un événement). Le stress, c’est la source ! Plus précisément, cette réponse dépend à la fois de l’intensité et de la durée du stress subi, et on peut la représenter sous la forme d’un U-inversé (ci-joint) : une certaine dose de stress (peu long et/ou peu intense) a un impact positif sur l’organisme car ce dernier est stimulé (libération d’hormones type cortisol et adrénaline), mais devient délétère en cas d’excès. Pourquoi ? En situation de pratique sportive et de stress important, les processus de traitement de l’information sont altérés (ex, vision périphérique réduite, temps de réaction allongés, mémoire de travail défaillante) et parvenir à se tempérer/concentrer requiert un effort surdimensionné. Vous le savez, on agit en conséquence surtout par réflexe, au coup par coup en réaction, car c’est un fonctionnement économique. En mode impulsivité ou « automatique ». Ainsi, c’est en raison d’une carence attentionnelle, c’est-à-dire une incapacité à intégrer/considérer les informations afférentes de l’organisme (la « proprioception ») et de l’environnement (l’incertitude du terrain, le comportement d’autrui), que le risque de blessure pourrait être augmenté. On a donc ici une perspective neurocognitive. Dose de stress optimale Avec ceci en tête, certains facteurs ont (logiquement) été identifié pour peser plus que d’autres, et donc prédire la survenue d’une blessure. Globalement, ces différences interindividuelles dans la réponse de stress convergent autour 3 paramètres (ci-joint). Une hypothèse mécanistique : les situations de stress (émotion !) sont reconnues pour activer les régions cérébrales de régulation de la peur (ex, l’amygdale) dont la stimulation est, elle, connue pour inhiber/déconnecter les centres de l’attention (ex, le cortex préfrontal). À termes, c’est donc la baisse du niveau de vigilance de l’athlète qui en pâtit. La suite, on la connait… Dans cette logique, les résidus de peur – et le détournement attentionnel associé – peuvent expliquer pourquoi les individus antérieurement blessés, régulièrement soumis au stress, ou ayant témoigné un impact émotionnel fort en réponse à un événement, demeurent les individus les plus « à risque » vis-à-vis de la survenue d’une blessure. En clair, moins j’ai de frein à être focus, moins je risque la blessure. À noter : le stress chronique biaise les processus de décision vers des comportements d’ « habitudes » sur la base d’une atrophie de régions cérébrales frontales.
  • 2. À court-terme, les stratégies de coping sont surtout cognitives – la relaxation/ventilation étant parfois difficile à implémenter selon le contexte. La « pleine conscience » entre dans ce cadre. Cette méthode consiste à porter son attention dans l’ici et maintenant, pour reconnaitre que l’on peut se trouver dans un état inconfortable, vis-à-vis duquel on ne fuit ni ne succombe mais que l’on accepte, pour alors se reconcentrer sur les éléments/buts pertinents (ex, son pacing, son plaisir). L’énergie n’est ainsi pas dépensée à inhiber/camoufler un problème, mais à établir un focus sur les outils de la performance (l’étape de lâcher prise permettant de conserver ses ressources, plutôt que les ‘gâcher’). En d’autres termes, l’enjeu initial peut éventuellement rester une menace mais il devient, par ses points-clé, surtout un défi. D’autres techniques efficaces à entraîner : l’autosuggestion (encourageante et bienveillante), l’attribution causale (ce que je peux contrôler, et ce sur quoi je dois lâcher prise). Pour aller plus loin : Ivarsson et al. 2016 ; Soares et al. 2012 Attention : la décadence liée à l’impact du stress psychosocial sur l’organisme fonctionne par étapes. Si cela peut être rassurant (on voit venir), en réalité, on se trouve déjà bien entamé(e) lorsque l’on prend conscience de notre état (d’ailleurs souvent grâce à un feedback extérieur). En fait, les écarts de vigilance ou de sensations à notre norme usuelle sont d’abord discrets et anodins, puis s’installent progressivement sous la forme d’une impression de perte de moyens, alors qu’aucun changement n’est (encore) opéré dans la pratique – précisément en raison de ce caractère anodin. Solutions : une vigilance gardée à l’égard des événement/périodes exceptionnels de stress potentiel – notamment lorsque l’enjeu est grand et risque de masquer les premiers symptômes de fatigue mentale – et des stratégies de coping ! Les études démontrent que les stratégies de coping (ou de gestion du stress) ont un impact important et positif dans la relation ‘réponse au stress / survenue de la blessure’. Autrement dit, plus on est compétent en ‘gestion de soi’, plus on a de billes pour affronter la diversité des incertitudes qui nous préoccupent. Les changement fonctionnels et structurels du stress sont donc réversibles ! À noter : cet impact est particulièrement évident chez les individus « à risque » ; cette relation de dose-réponse (« je suis à risque, donc je réponds mieux ») affiche alors tout l’intérêt d’une mise en place précoce du coping chez des individus a priori moins exposés. À moyen-terme, les stratégies de coping sont comportementales. Leur but est de renforcer notre capacité à répondre au stress en « prenant soin de soi » via i) une élévation du niveau de ressources disponibles (aspect quantitatif), et ii) un apprentissage de la connaissance de soi (aspect qualitatif). Dans le 1er cas, l’important sera de préserver son énergie : on programmera des ‘vrais’ temps faibles dédiés à la récupération (sans smartphone ni interactions), et on anticipera/organisera les futures périodes de stress potentiel pour gagner en flexibilité (quels paramètres de ma vie sont modulables, lesquels restent non-sacrifiables ? ex, temps de sieste, repas, temps social…). Dans le 2nd cas, on cherchera à repérer les facteurs de stress personnels (attentes d’autrui, pression du partenaire, peur de l’échec…) pour alors se réapproprier la tâche (développer des sources de motivation autotéliques et/ou auto-référencées). Important : des outils d’aide au suivi de l’état de forme (ex, score de bien- être) peuvent aider à identifier la dynamique sur laquelle on se situe. Parmi les causes de blessure, on a donc une valence psychologique évidente, qui peut faire pencher la balance. Pour la faire pencher du bon côté, les stratégies de coping constituent une aide si elles sont maitrisées, appropriées, donc travaillées. Malgré elles, on ne reste pour autant pas à l’abri, et quelques mémos peuvent être de bons rappels : « Le jeu en vaut-il la chandelle ? » « À chaque jour suffit sa peine » « Connais-toi toi-même ».