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TOUS LES JOURS, TOUTE L’INFO
Propos recueillis par François Busnel (Lire), publié le 01/03/2013 à 11:26
Paul Auster s'est longuement confié à François Busnel à l'occasion de la
parution de Chronique d'hiver, son dernier roman autobiographique. Enfance,
cinéma, littérature ... Il révèle tout ce dont il est fait.
PAUL AUSTER S'EST LONGUEMENT CONFIÉ À FRANÇOIS BUSNEL À L'OCCASION DE LA
PARUTION DE CHRONIQUE D'HIVER, SON DERNIER ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE. ENFANCE,
CINÉMA, LITTÉRATURE ... IL RÉVÈLE TOUT CE DONT IL EST FAIT.
Se raconter ? Oui, mais
comment. La forme compte
autant que le fond et Paul
Auster le sait bien. Chronique
d'hiver est avant tout une
oeuvre littéraire dont la forme
est inédite. Il est de ces
écrivains qui détestent que l'on
réduise l'oeuvre à la vie. Paul
Auster emploie la deuxième
personne du singulier, ce "tu"
qui rend le lecteur si proche de
lui, nous permet de devenir ce
gamin solitaire qui rêvait de
cinéma et d'écriture en
regardant les matchs de
base-ball à la télé, se
passionna pour la langue
française et la traduction grâce
à un oncle qui traduisait les
poètes latins, s'embarqua sur
un cargo, choisit la France pour
terre d'accueil, vécut dans des
Chronique d'hiver est un livre surprenant. Une
autobiographie?
Paul Auster. Non, pas vraiment. Ni autobiographie ni Mémoires. Ce
n'est pas non plus un récit. C'est une oeuvre littéraire. Elle est
composée de fragments autobiographiques, avec la structure d'une
oeuvre musicale. Le livre passe d'une année à l'autre. Là, j'ai 4 ou 5
ans, puis au paragraphe suivant j'ai 60 ans...
Comment ce texte est-il
né?
J'ai du mal à m'en souvenir.
L'idée était en moi depuis
longtemps. Je voulais écrire
quelque chose sur mon
corps. Ce livre s'est écrit
dans une très courte
période, quelques mois
seulement.
Ce qui est inhabituel pour
vous?
Oh oui, je suis beaucoup
plus lent en temps normal.
Mais là, le livre était déjà
dans ma tête. C'est une
chose très bizarre.
Ce n'est pas la première
fois que vous évoquez
des passages de votre vie
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mansardes parisiennes puis
dans des maisonnettes de
Provence, revint à New York
sans un sou, échoua longtemps
à écrire son premier roman,
divorça et crut sa vie terminée,
rencontra la femme de sa vie (la
romancière Siri Hustvedt), se
mit à écrire deux semaines
après la mort de son père,
connut le succès en France et
en Europe avant d'être acclamé
dans son pays, s'essaya au
cinéma (Smoke, Brooklyn
Boogie...), publia des romans
magnifiques (Cité de verre, Le
Voyage d'Anna Blume...) et de
bouleversants récits personnels
(L'Invention de la solitude, Le
Carnet rouge, Le Diable par la
queue...). A 65 ans, Paul Auster
semble plus fort que jamais.
Disparues, la fébrilité et
l'angoisse qui marquèrent son
visage, son discours et sa
plume au cours de la dernière
décennie (celle qui vit New
York, sa ville, assombrie par les
attentats du 11 Septembre).
Certes, les dernières pages de
ce livre - les plus belles -
relatent une marche qui fait
penser à celle de Quinn, le
héros de Cité de verre, sur le
pont de Brooklyn, en l'absence
de ce qui fut le hideux symbole
de la ville-papier que l'écrivain a
réinventée livre après livre. Cet
entretien a été réalisé dans un
studio de radio, à France Inter.
Paul Auster est souriant. Il
plaisante. Comme si l'écriture
de ce livre (premier volet d'un
diptyque dont on attend avec
impatience la suite, consacrée
à son aventure spirituelle et
intellectuelle) lui offrait une
seconde jeunesse.
: L'Invention de la
solitude, en 1979, votre
premier livre, puis Le
Carnet rouge et Le Diable
par la queue...
Ces trois livres sont en effet
des oeuvres ouvertement
autobiographiques, même si
la manière d'aborder les
choses n'est pas
traditionnelle. Chronique
d'hiver est le quatrième volet
dans cette progression des
choses personnelles. Depuis
une douzaine d'années, j'ai
écrit beaucoup de romans
dans une très courte période
de temps. Je crois que je
voulais respirer un peu. Voir
les choses autrement.
Retrouver de l'énergie et de
nouvelles idées.
Vous avez choisi la
deuxième personne du
singulier, "tu". Pourquoi
vous tutoyez-vous?
J'ai commencé
instinctivement à écrire à la
deuxième personne. Je n'ai
pas réfléchi, j'ai commencé
comme ça. Après une
trentaine de pages, je me
suis arrêté et je me suis
posé la question que vous
soulevez: pourquoi fais-tu ce
livre ainsi ?
Traditionnellement, un tel
livre est écrit à la première
personne. Mais je trouvais le
"je" trop exclusif. Bien sûr, il
s'agit de l'histoire de ma vie,
mais j'avais une autre idée
de ce que devait être ce
livre. J'aurais pu utiliser la
troisième personne du
singulier, "il". Je l'utilise,
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d'ailleurs, dans la deuxième partie de L'Invention de la solitude -
j'écrivais sur moi mais je m'appelais "A" au lieu de "je". A pour
Auster. Alors pourquoi ce tutoiement, dans cette Chronique d'hiver?
Sans doute parce que je voulais que ce nouveau livre soit une sorte
de partage avec le lecteur. Il faut dire que je ne m'intéresse pas à
moi-même : ce n'est pas un sujet qui me fascine, loin de là. Mais je
connais bien mon histoire - du moins les choses que je peux me
rappeler. Ce que je voulais, c'est écrire un livre sur ce que c'est
qu'être un humain, sur la sensation de vivre. C'est pourquoi je
raconte des accidents, des blessures, la découverte de ma vie
sexuelle. Ce que j'espère, c'est que les choses que je raconte
peuvent susciter des réflexions personnelles du lecteur et faire
surgir ses propres souvenirs. Le "tu" implique le lecteur de façon
très forte et lui permet de repenser à sa vie à lui.
Le grand sujet de ce livre, c'est aussi le corps: la manière dont
nos idées, nos amours passent en réalité par nos affects.
Pourquoi le corps tient-il une place si importante?
Je ressens que notre vie procède avant tout des corps. Bien sûr
nous pensons. Mais nos pensées ne viennent pas de nulle part.
Elles émergent d'un "moi physique", de nos corps. Je n'ai jamais lu
de livres comme celui-là: je ne sais pas si ça en fait un bon ou un
mauvais livre, mais c'est une façon différente de considérer les
choses. Je vois la vie ainsi : nous sommes entrés dans un corps,
tout commence avec notre corps et tout se terminera lorsque notre
corps mourra. Nous sommes nos corps.
Notre histoire se réduit-elle à celle de notre corps?
A la fin de notre vie, oui. On termine souvent sa vie sans la capacité
de penser ou de parler. Nous sommes simplement chair et os.
Prenez le cas de la maladie: quand nous sommes sains et en bonne
santé, nous ne pensons pas au corps, mais dès que nous tombons
malades, toute notre vie tourne autour des problèmes du corps.
Il y a aussi les plaisirs physiques...
Aussi. Vous voyez, tout commence avec le corps. Longtemps, j'ai
cru que la sexualité était le plus grand plaisir qui existait pour le
corps.
Vous tentez de percer le mystère de l'attraction amoureuse.
Qui décide : le corps ou l'esprit?
Ah ! Les deux... L'attraction pour une autre personne, c'est très
compliqué à expliquer, personne ne le comprend vraiment. Mais tu
vois quelqu'un, une femme qui est, à tes yeux, belle, et tout de suite
il y a une attirance. Ou peut-être est-ce la manière dont cette
personne marche, hausse les épaules, fronce les sourcils... tous
ces petits gestes qui peuvent être si séduisants et charmants.
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Beauté? Non, la beauté ne compte peut-être pas. Tous les jours,
nous voyons beaucoup de grandes beautés et nous n'avons pas
d'attirance sexuelle pour ces beautés-là. Je crois que tout
commence par le regard. Donc par le corps. C'est quelque chose de
physique qui est au commencement. Mais le regard, c'est aussi
l'âme qui sort du corps à travers les yeux. S'il faut trancher,
rappelons juste que les yeux sont des parties... du corps.
Vous écrivez : "L'un des moments les plus extraordinaires et
les plus heureux de ma vie fut ce jour où, à Paris, jeune
étudiant fauché, vous vous êtes retrouvé dans les bras d'une
prostituée qui vous récitait du Baudelaire." Pourquoi cela?
Cette merveilleuse jeune femme, nue sur le lit, tellement belle, et qui
soudain commence à réciter un poème de Baudelaire, avec
beaucoup de sens, très joliment. C'est vraiment l'un des meilleurs
moments de ma vie ! Mais je n'invente rien. Pourquoi inventer
quelque chose comme ça ? Ce serait ridicule. La contrainte d'un
écrivain, lorsqu'il se met à écrire un livre comme celui-ci, est d'être
aussi honnête que faire se peut, de faire remonter des souvenirs
aussi clairement que possible, et, quand il ne se souvient plus, de le
dire clairement. Je dis à plusieurs reprises dans ce livre : je n'arrive
pas à m'en souvenir.
Le corps propose des plaisirs mais aussi des déplaisirs. Ainsi
cette crise de panique qui vous terrasse en 2002. De quoi cette
crise de panique fut-elle le symptôme?
Ce fut une révélation. J'ignorais que le corps pouvait vous faire ça.
J'étais totalement surpris. C'est arrivé à un moment extrêmement
difficile. Ma mère venait de mourir. Soudain. Alors qu'elle n'était
atteinte d'aucune maladie. Mon épouse, Siri, n'était pas avec moi :
elle était partie chez ses parents, dans le Minnesota, à des milliers
de kilomètres, pour préparer le quatre-vingtième anniversaire de son
père. J'étais seul à New York. J'ai reçu un coup de téléphone de la
dame qui s'occupait de l'appartement de ma mère une fois par
semaine: elle était entrée avec sa clé à elle et avait trouvé ma mère
sur le lit. Je suis arrivé aussitôt et je l'ai trouvée là, morte, sur son
lit. Ce fut un moment extrêmement dur. En la regardant, ma première
pensée fut que ma propre vie avait débuté à l'intérieur de ce corps
qui gisait là, sans vie, et qu'il n'y avait pas de liens plus forts entre
un enfant et sa mère. Puis je me suis occupé de faire toutes les
choses qu'il faut faire après la mort de quelqu'un. Des tâches
pratiques. Une cousine est venue m'aider à faire tout cela. J'ai
passé la nuit chez elle, dans le New Jersey. Comme je ne pouvais
pas dormir, j'ai commencé à boire du whisky. Un verre, deux. Et puis,
bon, jusqu'à trois, quatre heures du matin. Vider la bouteille. Le
lendemain, il y avait encore plus de tâches administratives à remplir
: aller à la morgue, décider du lieu de l'enterrement, etc. Ma mère
n'avait pas laissé de testament. Puis je suis rentré chez moi, à
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Brooklyn. Et je suis resté debout à nouveau la nuit suivante, ouvrant
une bouteille de scotch. Finalement, je me suis mis au lit, épuisé et
ivre. Mais vers cinq heures du matin, alors que je m'étais endormi
deux heures auparavant, j'ai été réveillé par la sonnerie du
téléphone. Les oiseaux chantaient déjà, j'étais épuisé, je me suis dit
: "Il faut que tu dormes dix ou douze heures sinon tu vas être
complètement détruit", mais, de façon idiote, j'ai décroché le
téléphone. C'était une autre cousine, avec qui j'avais eu des
relations excessivement problématiques par le passé, notamment
lorsque j'avais publié ce livre sur mon père, L'Invention de la
solitude. Je l'ai écoutée parler, et elle s'est mise à dire des choses
très dures sur ma mère, très méchantes. J'étais très énervé, très.
La conversation s'est achevée et je me suis rendu compte que cela
m'avait mis dans un état tel que je ne pouvais retourner me coucher
et dormir. Que faire ? Je me suis fait un café très fort. Puis un
deuxième. Et un troisième. Au quatrième café serré, l'estomac vide,
mon corps a commencé à réagir de façon étrange. J'ai entendu des
bruits bizarres dans ma tête. Mon coeur s'est mis à s'accélérer et,
soudain, je n'ai plus pu respirer. Là, j'ai eu très peur. J'ai voulu me
lever mais je suis tombé par terre. Et j'ai senti que le sang arrêtait
de couler dans mes veines. C'était comme si mes bras, mes jambes
se transformaient en béton. Je pensais que c'était la mort qui venait,
qui remontait dans mon corps. Et ce fut l'effroi. L'effroi absolu. C'est
ça, une crise de panique. Celle-là était vraiment corsée.
A la mort de votre père, vous avez écrit presque
immédiatement L'Invention de la solitude. Pourquoi dix ans
entre la mort de votre mère et l'écriture de ce livre, Chronique
d'hiver, qui lui est largement consacré?
Oui, deux semaines après la disparition de mon père, j'ai commencé
ce qui allait devenir L'Invention de la solitude. Tandis que deux
semaines après la mort de ma mère et cette crise de panique,
j'ignorais qu'un jour j'écrirais sur cela, sur ma mère. Il faut dire que
mes relations avec mon père avaient toujours été très complexes,
troublées. Avec ma mère, ce n'était pas compliqué. Elle m'aimait
bien et je l'aimais bien. Nous n'avions pas de problèmes. Ce n'était
pas un fardeau pour moi. Alors, oui, il a fallu neuf ans avant que je
sente en moi le désir d'écrire sur elle. Mais la mort de ma mère est
une partie de ce livre, pas le sujet du livre.
Vous dites ne pas pleurer lorsque vous perdez un proche,
alors que vous confessez avoir les yeux mouillés en lisant
certains livres ou en regardant certains films. Comment
expliquez-vous cela?
C'est très difficile pour moi de le comprendre. J'ai souffert le deuil,
souvent. Comme tout le monde. Mais chaque fois que la nouvelle de
la mort de quelqu'un m'est annoncée, je deviens raide, je tourne en
bois. C'est une sorte de défense, je crois. Il y a quelque chose en
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moi qui s'est vidé. J'aimerais mieux pleurer.
Est-ce parce qu'on ne pleure pas qu'on écrit?
Non... Parce que si on ne pleure pas, on a des crises de panique.
Pourquoi écrivez-vous?
Connaissez-vous cet écrivain américain spécialiste du sport, Red
Smith? Il a dit : "Ecrire, c'est simple : ouvrez vos veines, et saignez."
Les artistes sont des gens pour qui le monde n'est pas suffisant.
Des gens blessés. Sinon, pourquoi nous enfermerions-nous dans
une pièce pour écrire ? Essayons d'utiliser nos blessures pour
rendre quelque chose à ce monde qui nous a tellement heurtés.
Le temps cicatrise-t-il ces blessures?
Parfois oui, parfois non.
Et l'écriture, ça cicatrise ces blessures?
Je l'ai longtemps cru. Je sais maintenant que ce n'est pas le cas.
J'ai écrit mon premier livre, L'Invention de la solitude, en pensant
qu'il pourrait peut-être me guérir. Pendant que je l'écrivais, je sentais
bien que quelque chose de douloureux se produisait. Mais quand j'ai
terminé le livre, tout était pareil, rien n'avait changé.
Sauriez-vous dire quelles raisons vous ont poussé à écrire?
Non. Je sais que j'ai commencé à lire sérieusement des livres très
jeune, et que j'ai commencé à écrire très jeune aussi. J'avais 9 ans.
J'écrivais des poèmes et des histoires horriblement, terriblement
mauvaises, d'une imbécillité très embarrassante même aujourd'hui.
Mais il y avait quelque chose que j'appréciais dans le fait d'écrire.
C'était la sensation de la plume sur le papier. La sensation de
l'écriture. Ça me faisait me sentir plus relié au monde. Et dans ce
lien au monde, je me sentais mieux. A 12 ans, j'ai écrit ce que j'ai
appelé "mon premier roman". C'était probablement un ensemble
d'une trentaine de pages. Je l'ai donné à mon prof et il a aimé, me
proposant d'en lire un petit bout chaque jour à la classe. Ce fut ma
première expérience d'écrivain, de lecture. Mais si les autres élèves
aimaient ce que j'avais écrit, c'est surtout parce que pendant que je
leur lisais mon oeuvre ils n'avaient pas de travail à faire!
Qu'est devenu ce "premier roman"?
Perdu ! Fort heureusement. Mais je me souviens que je l'ai écrit à
l'encre verte.
Comment écrivez-vous?
De manières différentes. Certains romans m'ont pris dix ans de
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réflexion avant que je puisse commencer à écrire une phrase.
D'autres sont venus en quelques mois. Chaque projet est différent.
Je n'ai pas de méthode. A chaque fois que je termine un livre, je suis
vidé et je crois que c'est fini, que je n'écrirai plus jamais. Et puis,
petit à petit, quelque chose arrive, et je veux écrire encore.
Qu'est-ce que c'est, ce "quelque chose" qui arrive?
La musique du livre. Je l'entends dans ma tête. C'est un ton. Et,
chez moi, c'est le ton qui crée les personnages. Puis les
personnages créent les situations. L'origine d'un livre est dans cette
musique du langage. Aujourd'hui, même après une vingtaine de
livres derrière moi, j'ai toujours le sentiment d'être un débutant, un
amateur, quand je commence un nouveau livre. Comme si je n'avais
rien appris pendant toutes ces années. Sans doute parce que le
nouveau livre est très différent des précédents et que, n'ayant
jamais écrit ce livre auparavant, il me faut m'instruire en le
composant. L'écriture est pour moi très liée à la musique. Et à la
marche. Au rythme du corps, donc. D'ailleurs, c'est ça, la musique :
le rythme du corps. Je trouve dans l'acte de marcher des rythmes
qui m'aident à faire des phrases et des paragraphes. Je ressens
d'abord cette mélodie, ou cette cadence, appelez cela comme vous
voudrez, dans le corps. Puis ça se transforme en mots dès que j'ai
un stylo à la main. Je cite souvent cette phrase formidable d'Ossip
Mandelstam : "Je me demande combien de paires de sandales
Dante a usées lorsqu'il a écrit La Divine Comédie." Mandelstam a
ressenti ce rythme de la marche dans l'écriture et la poésie de
Dante. D'ailleurs, lorsque l'on parle de versification, on parle de
pieds, n'est-ce pas?
Et vous, combien de paires de chaussures avez-vous usées
depuis que vous écrivez?
Des milliers!
Avez-vous une muse?
Une muse ? Peut-être... Si j'ai une muse, c'est Siri, mon épouse. Siri
est le centre de ma vie. Elle m'a sauvé la vie.
Sauvé la vie ? N'est-ce pas un peu excessif?
Oui, elle m'a sauvé la vie. Quand je l'ai rencontrée. Sûrement. Siri a
changé la manière dont je voyais le monde. J'étais seul, divorcé,
triste, sans grand espoir. Sans cette rencontre, par hasard, à New
York, sans elle, ces trente dernières années auraient été totalement
différentes. J'étais un imbécile avec les femmes, je ne savais pas
ce que je faisais, je prenais des décisions stupides tout le temps.
Aujourd'hui Siri est ma première lectrice.
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Croyez-vous en l'inspiration?
Non, je crois en l'inconscient. C'est ça qui est mon guide. Mais pour
trouver quelque chose en soi, dans l'inconscient, il faut être dans un
certain état d'esprit : très ouvert et sans préjugés. On laisse alors
les choses surgir. Quand on écrit, il faut laisser les choses se
produire, et ne jamais se censurer : il ne faut pas, on n'a pas le droit
de se censurer. Puis il faut savoir s'arrêter. Je veux dire que lorsque
je travaille sur un livre et que j'ai terminé ma journée d'écriture, je
fais tout ce qui est possible pour ne plus y penser le reste de la
journée. Si on travaille trop, on commence à s'assécher. Donc, je
rentre à la maison - je ne travaille jamais chez moi, mais dans un
petit studio à quelques minutes de marche -, je ferme la porte
derrière moi et j'essaie d'oublier tout ce que j'ai écrit. Je retourne à
la vraie vie. Qu'est-ce que l'on va faire à dîner, Siri et moi ?
Allons-nous regarder un film, ou sortir, ou aller voir des amis, ou
faire un peu de shopping, ou quoi que ce soit d'autre ? Souvent, je
quitte mon studio, l'endroit où j'écris toute la journée, avec un
problème que je n'ai pas réussi à résoudre. Je rentre chez moi, je
vis, je vais dormir, je me réveille le matin, je marche jusqu'à mon
studio, et là, je sais comment résoudre le problème de la veille. Ça
s'est produit durant le sommeil. Plutôt que de forcer les choses, les
laisser venir. C'est à cela que je crois, pour écrire. Quand j'écris un
livre, je ne peux pas vous dire dans quel état physique je me trouve :
c'est comme si le corps entier était une blessure ouverte... On est
tellement ouvert à tout ce qui se passe, dans la rue, dans le ciel,
partout autour, qu'on met tout cela dans le livre en cours. Un livre
est aussi une sorte d'improvisation. Très étrange, hein?
Qu'est-ce qui a changé, avec le temps et l'expérience?
Une seule chose a changé. Quand on écrit un livre, on est parfois
bloqué. On ne sait pas quelle sera la phrase suivante. Elle ne tombe
pas juste. On ne sait pas quelle idée va venir. On ne sait pas où on
va... Parfois, je suis perdu. Je cesse alors de travailler. Une
journée. Une semaine. Un mois, s'il le faut. Pour me rendre compte
de ce que sera l'étape suivante. Et ça marche ! Ça débloque tout.
Ça, c'est nouveau. Avant, quand j'étais un jeune écrivain et que
j'arrivais à ces moments-là, à ces blocages, je me disais : "Ah, je
suis mort ! Ça ne va pas le faire... Je n'arriverai jamais à terminer
ce bouquin..." Et je restais bloqué. Aujourd'hui, à mon âge avancé, je
me dis ceci : si le livre doit être écrit, s'il doit l'être véritablement,
alors je vais trouver un moyen de résoudre le problème. En
attendant, j'arrête.
Vous n'avez donc pas de manuscrit abandonné?
Euh... si. J'ai des projets abandonnés. Deux ou trois fois, j'ai
commencé des romans et je n'étais pas très content de ce que
j'avais écrit. Une centaine de pages, parfois. Mais je savais que
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j'étais parti dès le départ dans la mauvaise direction et qu'il n'y avait
aucun espoir de sauver l'affaire.
Certains romans ont-ils été plus difficiles à écrire, laissant des
traces ou des cicatrices plus lourdes que d'autres?
C'est une bonne question, ça. Quand j'étais jeune, c'est-à-dire entre
19 et 22 ans, j'ai essayé d'écrire deux ou trois romans et je n'avais
pas la capacité, à ce moment-là, d'écrire les choses très
ambitieuses que je voulais faire. Je crois que j'ai à peu près mille
pages de prose de romans non achevés. Et ces romans inachevés
sont l'origine des romans que j'ai écrits quinze ans plus tard: Moon
Palace, Le Voyage d'Anna Blume et Cité de verre. Ces trois livres
ont été conçus quand j'étais jeune, et je n'étais pas capable de les
écrire. Mais je crois que ce temps de frustration n'était pas perdu.
C'était un apprentissage, mené en silence, et personne ne m'a vu le
faire.
Quelle place le cinéma tient-il dans votre vie?
J'ai toujours adoré le cinéma. Quand j'avais 20 ans, au moment où
je suis venu en France pour faire mes études, je pensais que je
voulais devenir metteur en scène. J'écrivais déjà des poèmes,
j'essayais d'écrire des romans et j'ai été tout à coup saisi par le
désir de faire du cinéma. Je voulais m'inscrire à l'Idhec mais les
formulaires étaient tellement compliqués à remplir que j'ai vite
abandonné... A l'époque, j'étais très timide. J'avais une énorme
difficulté à parler devant les autres. S'il y avait plus de deux
personnes dans une salle, je devenais muet. Je me suis alors dit
que le cinéma n'était pas pour moi. Comment aurais-je pu diriger un
plateau ? Comment aurais-je pu parler aux gens devant une équipe
de cinéma ? J'ai donc abandonné cette idée. Mais mon intérêt pour
le cinéma n'a pas diminué. C'est au moment où j'ai commencé à
publier des romans que les cinéastes sont venus vers moi, me
demandant de collaborer à tel ou tel scénario. J'ai rencontré Wayne
Wang en 1991 et nous avons fait Smoke en 1994. J'ai alors
découvert quel immense plaisir c'était de faire un film. Mais quel
immense travail, aussi. Et en équipe. Pour un écrivain, qui est par
essence solitaire, c'est très difficile. C'est aussi une joie énorme.
Quel support vous permet d'exprimer le mieux ce que vous
portez?
L'écriture, bien sûr. Je suis un écrivain qui aime toutes les façons
de raconter une histoire et le cinéma fait partie de ces façons. Les
meilleurs films sont aussi bons et aussi importants que les grands
livres.
C'est quoi, les meilleurs films?
Tokyo Story d'Ozu ou La Grande Illusion de Renoir, des films qui
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sont d'un grand humanisme, qui ressemblent un peu à l'esprit des
grands romanciers de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle.
Satyajit Ray, dans la trilogie d'Apu, est semblable à Tolstoï. Le
Monde d'Apu est peut-être mon film préféré. Il faut le voir trois,
quatre ou cinq fois avant de vraiment comprendre ce que le
cinéaste a fait. Mais si vous le regardez bien, cela peut vous donner
toute la complexité et tout le plaisir d'un grand roman. Si la plupart
des films sont des divertissements, la plupart des livres sont aussi
des divertissements... Au plus grand niveau, il faut admettre que le
cinéma et la littérature, c'est presque la même chose.
Smoke était déjà une oeuvre à connotation autobiographique,
non?
On y croisait un écrivain du nom de Paul Benjamin. Le pseudo sous
lequel j'ai publié mon premier livre, un polar écrit pour de l'argent à la
fin des années 1970. Mais Benjamin est aussi mon nom. Je
m'appelle Paul Benjamin Auster. Le film est une commande: le New
York Times m'avait demandé un conte pour Noël et Wayne Wang a
proposé d'en tirer un film.
Quel est le rôle de l'écrivain, pour vous?
En tout cas, ce n'est pas de théoriser. Jamais. Un romancier n'est
pas un philosophe. Ce qui ne l'empêche pas de réfléchir,
évidemment. J'ai lu beaucoup de philosophie mais je ne veux pas
écrire des livres de philo. Je veux juste essayer de montrer, de faire
ressentir ce que c'est qu'être vivant. Voilà ma mission, en tant
qu'écrivain. Rien de plus. La vie est à la fois merveilleuse et horrible
et ma tâche est de capturer ces moments-là.
La biographie d'un écrivain nous éclaire-t-elle sur son oeuvre?
Il n'y a aucune règle en la matière. Tout dépend de l'écrivain. Et tout
dépend de la façon dont la biographie est faite.
Et dans votre cas, puisque vous vous chargez, à travers des
livres aussi différents que L'Invention de la solitude, Le Diable
par la queue ou Chronique d'hiver, de raconter des épisodes
de votre vie?
Dans mon cas, je crois en effet que certains passages de ma
biographie peuvent éclairer certains points de mes livres. Même si
mes romans n'empruntent jamais à la réalité : ce sont des fictions,
de pures fictions. Certains romanciers sont les chroniqueurs de leur
vie, leur fiction n'est que très légèrement fiction. Dans ce cas, il est
sans doute important de connaître l'histoire de leur vie et de
comparer, de comprendre à travers l'enquête ou la biographie
signée par une tierce personne. Moi, je tire certaines choses de ma
vie, bien sûr, comme tout écrivain, mais pas d'une manière si
importante.
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Etes-vous un lecteur de biographies d'écrivains?
Oui, j'adore lire ce genre de livres. Et je remarque que la première
moitié du livre est toujours plus intéressante que la seconde.
L'enfance. La jeunesse. Avant que l'écrivain ou le poète ne
devienne lui-même. C'est cela qui m'intéresse le plus. Après, une
fois que l'homme ou la femme est devenu écrivain, ce n'est plus
qu'affaire de publications, de critiques, de voyages, de médailles: ce
n'est pas très important. Mais connaître les petites choses de la
jeunesse, ça... La biographie consacrée à Samuel Beckett par
James Knowlson, par exemple, m'a aidé à apprécier Beckett, son
caractère, sa famille. C'est un très grand livre.
Qui sont pour vous les maîtres de l'autobiographie?
L'écrivain auquel je pensais en écrivant Chronique d'hiver, celui qui
m'accompagne depuis toujours quand j'écris sur ma vie, c'est
Montaigne. Montaigne a inventé une autre manière de penser. Pour
la première fois, en se prenant lui-même pour sujet, il offre une
façon attachante et profonde de comprendre l'homme. Et quel style !
Quelle énergie dans la prose ! Je lis et je relis Montaigne. Mais
attention, ce n'est pas autobiographique. N'oubliez pas que ce sont
des Essais - une forme qu'il a inventée, d'ailleurs. Je trouve
Rousseau extrêmement intéressant aussi. Dans un registre
différent. J'avais 22 ans quand j'ai découvert Les Confessions de
Rousseau. Ce qui m'a fait la plus forte impression est que l'on sait
qu'il ment. Mais il confesse des choses si laides que l'on est choqué
: comment il a abandonné ses enfants, par exemple... Le passage
où Rousseau, dans une forêt, jette une pierre contre un arbre en se
disant, comme un enfant, "si je touche l'arbre avec cette pierre alors
toute ma vie sera merveilleuse", ce passage est exceptionnel. Vous
connaissez l'histoire? Rousseau jette la pierre et manque l'arbre. Il
avance, relance une pierre et le manque encore. Il fait un pas de
plus, relance la pierre et le rate encore. Jusqu'à ce qu'il soit juste
devant l'arbre, à pouvoir le toucher et là il lance la pierre, qui touche
évidemment l'arbre, et Rousseau s'exclame: "Maintenant, ma vie
sera parfaite !" Dans mon roman, La Musique du hasard, un des
personnages, Nash, lit Les Confessions.
Et dans Le Livre des illusions, un autre personnage, David
Zimmer, est obsédé par Chateaubriand... Après Montaigne et
Rousseau, c'est encore une autre façon de raconter sa vie...
Ah, les Mémoires d'outre-tombe! Chateaubriand est merveilleux.
D'abord, il écrit bien. Ce fut pour moi une découverte. Tardive.
J'avais 45 ans lorsque j'ai lu Chateaubriand pour la première fois et
ce fut une révélation. Ensuite, il raconte une sorte d'histoire double :
il mêle présent au passé de façon très intéressante. Mais de tous,
celui qui me touche le plus reste Montaigne.
LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572
11 de 13 15/03/2013 14:16
Quel est votre rapport à la vérité?
Total. En racontant sa vie, Rousseau ment. Moi, non. Au contraire. Il
faut être au plus près des souvenirs. Et dire clairement ce que l'on a
oublié. Ce dont on ne se souvient plus.
Dès que l'on écrit sur soi et sur ses proches se pose la
question de la trahison. Vous évoquiez cette cousine avec qui
vous vous êtes brouillé après la publication de L'Invention de
la solitude parce que vous évoquiez votre père, les secrets de
famille... Jusqu'où vous autorisez-vous à aller ?
C'est une question très difficile. Dans Chronique d'hiver, je ne
donne pas certains noms. La majorité des personnes citées dans ce
livre ne sont pas nommées. Même cette cousine, qui est morte
aujourd'hui, je ne la nomme pas. J'ai évoqué, dans L'Invention de la
solitude, ce meurtre qui date de 1919, lorsque ma grand-mère a tué
mon grand-père d'un coup de revolver. C'était un secret de famille.
Personne n'en parlait. Mais il y avait une archive publique sur ce fait
divers: c'était dans tous les journaux de l'époque! Ma famille ne
voulait pas en parler, certes, mais ça existait, ça s'est passé tel que
je le raconte et je n'ai rien inventé. S'agit-il d'une trahison ? J'ai écrit
en 1979, soixante ans après les faits. Je croyais que, tant d'années
plus tard, j'avais le droit de parler de ça. Que c'était une période
suffisante pour ne pas insulter les gens.
Etes-vous nostalgique?
De quoi? De l'enfance? Non, pas tellement. Ce qui est passé est
perdu. Mais plus je vieillis, plus je pense à ma jeunesse. Je suis
fasciné par les premières fois. La première fois que j'ai su rouler
tout seul sur une bicyclette, la première fois que j'ai pu nouer mes
lacets tout seul... Ce sont les marques de l'indépendance, de la
fondation de soi, de la construction de soi. Je viens de terminer mon
prochain livre qui s'appellera Report from the Interior ("rapport sur
l'intérieur"): c'est une sorte de compagnon à ce livre, c'est l'histoire
non de mon corps mais de la formation de mes idées, de l'aventure
spirituelle et intellectuelle que j'ai menée quand j'étais plus jeune. J'y
raconte que c'est à l'âge de six ans que je me suis senti le plus
heureux de ma vie: parce que j'ai découvert à cet âge que je
pouvais m'habiller tout seul, lacer mes chaussures tout seul, et que
j'étais donc indépendant. Avant cela, je ne faisais qu'être. Après
cela, je savais que j'étais. Et cela fait une énorme différence!
Quel est votre rapport à votre propre mort?
Eh bien, j'espère que ça se produira aussi loin possible d'aujourd'hui
! C'est tout ce que j'en sais...
Je vous le souhaite. Que vous évoque cette phrase de Joseph
LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572
12 de 13 15/03/2013 14:16
Joubert que vous citez dans Chronique d'hiver: "Il faut mourir
aimable (si on le peut)"?
Cette phrase est extraordinaire ! Tout est dans le "si on le peut",
bien sûr. Joubert, c'est une référence permanente pour moi, je relis
toujours Joubert. C'est un écrivain tout à fait inconnu, y compris en
France, je crois. Je l'ai un peu traduit quand j'étais jeune. C'est un
écrivain qui n'a jamais écrit un livre. Incroyable, non? Mais ses
propos sont si lucides... J'aime beaucoup celui-ci, aussi, que je
traduis de mémoire : "Les gens qui ne baissent jamais les bras
s'aiment plus qu'ils n'aiment la vérité." C'est profond, n'est-ce pas?
Combien de fois avez-vous baissé les bras?
De très nombreuses fois. Il faut changer d'opinion. C'est dangereux
d'être rigide dans la pensée. Mais c'est aussi dangereux d'être trop
fluide. J'admire ceux qui ont le courage de changer d'avis de temps
en temps, sur les choses, sur les personnes. C'est une vraie force.
Avec l'aimable autorisation de France Inter
LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572
13 de 13 15/03/2013 14:16

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Tout commence avec les corps de Paul auster

  • 1. lexpress.fr TOUS LES JOURS, TOUTE L’INFO Propos recueillis par François Busnel (Lire), publié le 01/03/2013 à 11:26 Paul Auster s'est longuement confié à François Busnel à l'occasion de la parution de Chronique d'hiver, son dernier roman autobiographique. Enfance, cinéma, littérature ... Il révèle tout ce dont il est fait. PAUL AUSTER S'EST LONGUEMENT CONFIÉ À FRANÇOIS BUSNEL À L'OCCASION DE LA PARUTION DE CHRONIQUE D'HIVER, SON DERNIER ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE. ENFANCE, CINÉMA, LITTÉRATURE ... IL RÉVÈLE TOUT CE DONT IL EST FAIT. Se raconter ? Oui, mais comment. La forme compte autant que le fond et Paul Auster le sait bien. Chronique d'hiver est avant tout une oeuvre littéraire dont la forme est inédite. Il est de ces écrivains qui détestent que l'on réduise l'oeuvre à la vie. Paul Auster emploie la deuxième personne du singulier, ce "tu" qui rend le lecteur si proche de lui, nous permet de devenir ce gamin solitaire qui rêvait de cinéma et d'écriture en regardant les matchs de base-ball à la télé, se passionna pour la langue française et la traduction grâce à un oncle qui traduisait les poètes latins, s'embarqua sur un cargo, choisit la France pour terre d'accueil, vécut dans des Chronique d'hiver est un livre surprenant. Une autobiographie? Paul Auster. Non, pas vraiment. Ni autobiographie ni Mémoires. Ce n'est pas non plus un récit. C'est une oeuvre littéraire. Elle est composée de fragments autobiographiques, avec la structure d'une oeuvre musicale. Le livre passe d'une année à l'autre. Là, j'ai 4 ou 5 ans, puis au paragraphe suivant j'ai 60 ans... Comment ce texte est-il né? J'ai du mal à m'en souvenir. L'idée était en moi depuis longtemps. Je voulais écrire quelque chose sur mon corps. Ce livre s'est écrit dans une très courte période, quelques mois seulement. Ce qui est inhabituel pour vous? Oh oui, je suis beaucoup plus lent en temps normal. Mais là, le livre était déjà dans ma tête. C'est une chose très bizarre. Ce n'est pas la première fois que vous évoquez des passages de votre vie LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 1 de 13 15/03/2013 14:16
  • 2. mansardes parisiennes puis dans des maisonnettes de Provence, revint à New York sans un sou, échoua longtemps à écrire son premier roman, divorça et crut sa vie terminée, rencontra la femme de sa vie (la romancière Siri Hustvedt), se mit à écrire deux semaines après la mort de son père, connut le succès en France et en Europe avant d'être acclamé dans son pays, s'essaya au cinéma (Smoke, Brooklyn Boogie...), publia des romans magnifiques (Cité de verre, Le Voyage d'Anna Blume...) et de bouleversants récits personnels (L'Invention de la solitude, Le Carnet rouge, Le Diable par la queue...). A 65 ans, Paul Auster semble plus fort que jamais. Disparues, la fébrilité et l'angoisse qui marquèrent son visage, son discours et sa plume au cours de la dernière décennie (celle qui vit New York, sa ville, assombrie par les attentats du 11 Septembre). Certes, les dernières pages de ce livre - les plus belles - relatent une marche qui fait penser à celle de Quinn, le héros de Cité de verre, sur le pont de Brooklyn, en l'absence de ce qui fut le hideux symbole de la ville-papier que l'écrivain a réinventée livre après livre. Cet entretien a été réalisé dans un studio de radio, à France Inter. Paul Auster est souriant. Il plaisante. Comme si l'écriture de ce livre (premier volet d'un diptyque dont on attend avec impatience la suite, consacrée à son aventure spirituelle et intellectuelle) lui offrait une seconde jeunesse. : L'Invention de la solitude, en 1979, votre premier livre, puis Le Carnet rouge et Le Diable par la queue... Ces trois livres sont en effet des oeuvres ouvertement autobiographiques, même si la manière d'aborder les choses n'est pas traditionnelle. Chronique d'hiver est le quatrième volet dans cette progression des choses personnelles. Depuis une douzaine d'années, j'ai écrit beaucoup de romans dans une très courte période de temps. Je crois que je voulais respirer un peu. Voir les choses autrement. Retrouver de l'énergie et de nouvelles idées. Vous avez choisi la deuxième personne du singulier, "tu". Pourquoi vous tutoyez-vous? J'ai commencé instinctivement à écrire à la deuxième personne. Je n'ai pas réfléchi, j'ai commencé comme ça. Après une trentaine de pages, je me suis arrêté et je me suis posé la question que vous soulevez: pourquoi fais-tu ce livre ainsi ? Traditionnellement, un tel livre est écrit à la première personne. Mais je trouvais le "je" trop exclusif. Bien sûr, il s'agit de l'histoire de ma vie, mais j'avais une autre idée de ce que devait être ce livre. J'aurais pu utiliser la troisième personne du singulier, "il". Je l'utilise, LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 2 de 13 15/03/2013 14:16
  • 3. d'ailleurs, dans la deuxième partie de L'Invention de la solitude - j'écrivais sur moi mais je m'appelais "A" au lieu de "je". A pour Auster. Alors pourquoi ce tutoiement, dans cette Chronique d'hiver? Sans doute parce que je voulais que ce nouveau livre soit une sorte de partage avec le lecteur. Il faut dire que je ne m'intéresse pas à moi-même : ce n'est pas un sujet qui me fascine, loin de là. Mais je connais bien mon histoire - du moins les choses que je peux me rappeler. Ce que je voulais, c'est écrire un livre sur ce que c'est qu'être un humain, sur la sensation de vivre. C'est pourquoi je raconte des accidents, des blessures, la découverte de ma vie sexuelle. Ce que j'espère, c'est que les choses que je raconte peuvent susciter des réflexions personnelles du lecteur et faire surgir ses propres souvenirs. Le "tu" implique le lecteur de façon très forte et lui permet de repenser à sa vie à lui. Le grand sujet de ce livre, c'est aussi le corps: la manière dont nos idées, nos amours passent en réalité par nos affects. Pourquoi le corps tient-il une place si importante? Je ressens que notre vie procède avant tout des corps. Bien sûr nous pensons. Mais nos pensées ne viennent pas de nulle part. Elles émergent d'un "moi physique", de nos corps. Je n'ai jamais lu de livres comme celui-là: je ne sais pas si ça en fait un bon ou un mauvais livre, mais c'est une façon différente de considérer les choses. Je vois la vie ainsi : nous sommes entrés dans un corps, tout commence avec notre corps et tout se terminera lorsque notre corps mourra. Nous sommes nos corps. Notre histoire se réduit-elle à celle de notre corps? A la fin de notre vie, oui. On termine souvent sa vie sans la capacité de penser ou de parler. Nous sommes simplement chair et os. Prenez le cas de la maladie: quand nous sommes sains et en bonne santé, nous ne pensons pas au corps, mais dès que nous tombons malades, toute notre vie tourne autour des problèmes du corps. Il y a aussi les plaisirs physiques... Aussi. Vous voyez, tout commence avec le corps. Longtemps, j'ai cru que la sexualité était le plus grand plaisir qui existait pour le corps. Vous tentez de percer le mystère de l'attraction amoureuse. Qui décide : le corps ou l'esprit? Ah ! Les deux... L'attraction pour une autre personne, c'est très compliqué à expliquer, personne ne le comprend vraiment. Mais tu vois quelqu'un, une femme qui est, à tes yeux, belle, et tout de suite il y a une attirance. Ou peut-être est-ce la manière dont cette personne marche, hausse les épaules, fronce les sourcils... tous ces petits gestes qui peuvent être si séduisants et charmants. LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 3 de 13 15/03/2013 14:16
  • 4. Beauté? Non, la beauté ne compte peut-être pas. Tous les jours, nous voyons beaucoup de grandes beautés et nous n'avons pas d'attirance sexuelle pour ces beautés-là. Je crois que tout commence par le regard. Donc par le corps. C'est quelque chose de physique qui est au commencement. Mais le regard, c'est aussi l'âme qui sort du corps à travers les yeux. S'il faut trancher, rappelons juste que les yeux sont des parties... du corps. Vous écrivez : "L'un des moments les plus extraordinaires et les plus heureux de ma vie fut ce jour où, à Paris, jeune étudiant fauché, vous vous êtes retrouvé dans les bras d'une prostituée qui vous récitait du Baudelaire." Pourquoi cela? Cette merveilleuse jeune femme, nue sur le lit, tellement belle, et qui soudain commence à réciter un poème de Baudelaire, avec beaucoup de sens, très joliment. C'est vraiment l'un des meilleurs moments de ma vie ! Mais je n'invente rien. Pourquoi inventer quelque chose comme ça ? Ce serait ridicule. La contrainte d'un écrivain, lorsqu'il se met à écrire un livre comme celui-ci, est d'être aussi honnête que faire se peut, de faire remonter des souvenirs aussi clairement que possible, et, quand il ne se souvient plus, de le dire clairement. Je dis à plusieurs reprises dans ce livre : je n'arrive pas à m'en souvenir. Le corps propose des plaisirs mais aussi des déplaisirs. Ainsi cette crise de panique qui vous terrasse en 2002. De quoi cette crise de panique fut-elle le symptôme? Ce fut une révélation. J'ignorais que le corps pouvait vous faire ça. J'étais totalement surpris. C'est arrivé à un moment extrêmement difficile. Ma mère venait de mourir. Soudain. Alors qu'elle n'était atteinte d'aucune maladie. Mon épouse, Siri, n'était pas avec moi : elle était partie chez ses parents, dans le Minnesota, à des milliers de kilomètres, pour préparer le quatre-vingtième anniversaire de son père. J'étais seul à New York. J'ai reçu un coup de téléphone de la dame qui s'occupait de l'appartement de ma mère une fois par semaine: elle était entrée avec sa clé à elle et avait trouvé ma mère sur le lit. Je suis arrivé aussitôt et je l'ai trouvée là, morte, sur son lit. Ce fut un moment extrêmement dur. En la regardant, ma première pensée fut que ma propre vie avait débuté à l'intérieur de ce corps qui gisait là, sans vie, et qu'il n'y avait pas de liens plus forts entre un enfant et sa mère. Puis je me suis occupé de faire toutes les choses qu'il faut faire après la mort de quelqu'un. Des tâches pratiques. Une cousine est venue m'aider à faire tout cela. J'ai passé la nuit chez elle, dans le New Jersey. Comme je ne pouvais pas dormir, j'ai commencé à boire du whisky. Un verre, deux. Et puis, bon, jusqu'à trois, quatre heures du matin. Vider la bouteille. Le lendemain, il y avait encore plus de tâches administratives à remplir : aller à la morgue, décider du lieu de l'enterrement, etc. Ma mère n'avait pas laissé de testament. Puis je suis rentré chez moi, à LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 4 de 13 15/03/2013 14:16
  • 5. Brooklyn. Et je suis resté debout à nouveau la nuit suivante, ouvrant une bouteille de scotch. Finalement, je me suis mis au lit, épuisé et ivre. Mais vers cinq heures du matin, alors que je m'étais endormi deux heures auparavant, j'ai été réveillé par la sonnerie du téléphone. Les oiseaux chantaient déjà, j'étais épuisé, je me suis dit : "Il faut que tu dormes dix ou douze heures sinon tu vas être complètement détruit", mais, de façon idiote, j'ai décroché le téléphone. C'était une autre cousine, avec qui j'avais eu des relations excessivement problématiques par le passé, notamment lorsque j'avais publié ce livre sur mon père, L'Invention de la solitude. Je l'ai écoutée parler, et elle s'est mise à dire des choses très dures sur ma mère, très méchantes. J'étais très énervé, très. La conversation s'est achevée et je me suis rendu compte que cela m'avait mis dans un état tel que je ne pouvais retourner me coucher et dormir. Que faire ? Je me suis fait un café très fort. Puis un deuxième. Et un troisième. Au quatrième café serré, l'estomac vide, mon corps a commencé à réagir de façon étrange. J'ai entendu des bruits bizarres dans ma tête. Mon coeur s'est mis à s'accélérer et, soudain, je n'ai plus pu respirer. Là, j'ai eu très peur. J'ai voulu me lever mais je suis tombé par terre. Et j'ai senti que le sang arrêtait de couler dans mes veines. C'était comme si mes bras, mes jambes se transformaient en béton. Je pensais que c'était la mort qui venait, qui remontait dans mon corps. Et ce fut l'effroi. L'effroi absolu. C'est ça, une crise de panique. Celle-là était vraiment corsée. A la mort de votre père, vous avez écrit presque immédiatement L'Invention de la solitude. Pourquoi dix ans entre la mort de votre mère et l'écriture de ce livre, Chronique d'hiver, qui lui est largement consacré? Oui, deux semaines après la disparition de mon père, j'ai commencé ce qui allait devenir L'Invention de la solitude. Tandis que deux semaines après la mort de ma mère et cette crise de panique, j'ignorais qu'un jour j'écrirais sur cela, sur ma mère. Il faut dire que mes relations avec mon père avaient toujours été très complexes, troublées. Avec ma mère, ce n'était pas compliqué. Elle m'aimait bien et je l'aimais bien. Nous n'avions pas de problèmes. Ce n'était pas un fardeau pour moi. Alors, oui, il a fallu neuf ans avant que je sente en moi le désir d'écrire sur elle. Mais la mort de ma mère est une partie de ce livre, pas le sujet du livre. Vous dites ne pas pleurer lorsque vous perdez un proche, alors que vous confessez avoir les yeux mouillés en lisant certains livres ou en regardant certains films. Comment expliquez-vous cela? C'est très difficile pour moi de le comprendre. J'ai souffert le deuil, souvent. Comme tout le monde. Mais chaque fois que la nouvelle de la mort de quelqu'un m'est annoncée, je deviens raide, je tourne en bois. C'est une sorte de défense, je crois. Il y a quelque chose en LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 5 de 13 15/03/2013 14:16
  • 6. moi qui s'est vidé. J'aimerais mieux pleurer. Est-ce parce qu'on ne pleure pas qu'on écrit? Non... Parce que si on ne pleure pas, on a des crises de panique. Pourquoi écrivez-vous? Connaissez-vous cet écrivain américain spécialiste du sport, Red Smith? Il a dit : "Ecrire, c'est simple : ouvrez vos veines, et saignez." Les artistes sont des gens pour qui le monde n'est pas suffisant. Des gens blessés. Sinon, pourquoi nous enfermerions-nous dans une pièce pour écrire ? Essayons d'utiliser nos blessures pour rendre quelque chose à ce monde qui nous a tellement heurtés. Le temps cicatrise-t-il ces blessures? Parfois oui, parfois non. Et l'écriture, ça cicatrise ces blessures? Je l'ai longtemps cru. Je sais maintenant que ce n'est pas le cas. J'ai écrit mon premier livre, L'Invention de la solitude, en pensant qu'il pourrait peut-être me guérir. Pendant que je l'écrivais, je sentais bien que quelque chose de douloureux se produisait. Mais quand j'ai terminé le livre, tout était pareil, rien n'avait changé. Sauriez-vous dire quelles raisons vous ont poussé à écrire? Non. Je sais que j'ai commencé à lire sérieusement des livres très jeune, et que j'ai commencé à écrire très jeune aussi. J'avais 9 ans. J'écrivais des poèmes et des histoires horriblement, terriblement mauvaises, d'une imbécillité très embarrassante même aujourd'hui. Mais il y avait quelque chose que j'appréciais dans le fait d'écrire. C'était la sensation de la plume sur le papier. La sensation de l'écriture. Ça me faisait me sentir plus relié au monde. Et dans ce lien au monde, je me sentais mieux. A 12 ans, j'ai écrit ce que j'ai appelé "mon premier roman". C'était probablement un ensemble d'une trentaine de pages. Je l'ai donné à mon prof et il a aimé, me proposant d'en lire un petit bout chaque jour à la classe. Ce fut ma première expérience d'écrivain, de lecture. Mais si les autres élèves aimaient ce que j'avais écrit, c'est surtout parce que pendant que je leur lisais mon oeuvre ils n'avaient pas de travail à faire! Qu'est devenu ce "premier roman"? Perdu ! Fort heureusement. Mais je me souviens que je l'ai écrit à l'encre verte. Comment écrivez-vous? De manières différentes. Certains romans m'ont pris dix ans de LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 6 de 13 15/03/2013 14:16
  • 7. réflexion avant que je puisse commencer à écrire une phrase. D'autres sont venus en quelques mois. Chaque projet est différent. Je n'ai pas de méthode. A chaque fois que je termine un livre, je suis vidé et je crois que c'est fini, que je n'écrirai plus jamais. Et puis, petit à petit, quelque chose arrive, et je veux écrire encore. Qu'est-ce que c'est, ce "quelque chose" qui arrive? La musique du livre. Je l'entends dans ma tête. C'est un ton. Et, chez moi, c'est le ton qui crée les personnages. Puis les personnages créent les situations. L'origine d'un livre est dans cette musique du langage. Aujourd'hui, même après une vingtaine de livres derrière moi, j'ai toujours le sentiment d'être un débutant, un amateur, quand je commence un nouveau livre. Comme si je n'avais rien appris pendant toutes ces années. Sans doute parce que le nouveau livre est très différent des précédents et que, n'ayant jamais écrit ce livre auparavant, il me faut m'instruire en le composant. L'écriture est pour moi très liée à la musique. Et à la marche. Au rythme du corps, donc. D'ailleurs, c'est ça, la musique : le rythme du corps. Je trouve dans l'acte de marcher des rythmes qui m'aident à faire des phrases et des paragraphes. Je ressens d'abord cette mélodie, ou cette cadence, appelez cela comme vous voudrez, dans le corps. Puis ça se transforme en mots dès que j'ai un stylo à la main. Je cite souvent cette phrase formidable d'Ossip Mandelstam : "Je me demande combien de paires de sandales Dante a usées lorsqu'il a écrit La Divine Comédie." Mandelstam a ressenti ce rythme de la marche dans l'écriture et la poésie de Dante. D'ailleurs, lorsque l'on parle de versification, on parle de pieds, n'est-ce pas? Et vous, combien de paires de chaussures avez-vous usées depuis que vous écrivez? Des milliers! Avez-vous une muse? Une muse ? Peut-être... Si j'ai une muse, c'est Siri, mon épouse. Siri est le centre de ma vie. Elle m'a sauvé la vie. Sauvé la vie ? N'est-ce pas un peu excessif? Oui, elle m'a sauvé la vie. Quand je l'ai rencontrée. Sûrement. Siri a changé la manière dont je voyais le monde. J'étais seul, divorcé, triste, sans grand espoir. Sans cette rencontre, par hasard, à New York, sans elle, ces trente dernières années auraient été totalement différentes. J'étais un imbécile avec les femmes, je ne savais pas ce que je faisais, je prenais des décisions stupides tout le temps. Aujourd'hui Siri est ma première lectrice. LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 7 de 13 15/03/2013 14:16
  • 8. Croyez-vous en l'inspiration? Non, je crois en l'inconscient. C'est ça qui est mon guide. Mais pour trouver quelque chose en soi, dans l'inconscient, il faut être dans un certain état d'esprit : très ouvert et sans préjugés. On laisse alors les choses surgir. Quand on écrit, il faut laisser les choses se produire, et ne jamais se censurer : il ne faut pas, on n'a pas le droit de se censurer. Puis il faut savoir s'arrêter. Je veux dire que lorsque je travaille sur un livre et que j'ai terminé ma journée d'écriture, je fais tout ce qui est possible pour ne plus y penser le reste de la journée. Si on travaille trop, on commence à s'assécher. Donc, je rentre à la maison - je ne travaille jamais chez moi, mais dans un petit studio à quelques minutes de marche -, je ferme la porte derrière moi et j'essaie d'oublier tout ce que j'ai écrit. Je retourne à la vraie vie. Qu'est-ce que l'on va faire à dîner, Siri et moi ? Allons-nous regarder un film, ou sortir, ou aller voir des amis, ou faire un peu de shopping, ou quoi que ce soit d'autre ? Souvent, je quitte mon studio, l'endroit où j'écris toute la journée, avec un problème que je n'ai pas réussi à résoudre. Je rentre chez moi, je vis, je vais dormir, je me réveille le matin, je marche jusqu'à mon studio, et là, je sais comment résoudre le problème de la veille. Ça s'est produit durant le sommeil. Plutôt que de forcer les choses, les laisser venir. C'est à cela que je crois, pour écrire. Quand j'écris un livre, je ne peux pas vous dire dans quel état physique je me trouve : c'est comme si le corps entier était une blessure ouverte... On est tellement ouvert à tout ce qui se passe, dans la rue, dans le ciel, partout autour, qu'on met tout cela dans le livre en cours. Un livre est aussi une sorte d'improvisation. Très étrange, hein? Qu'est-ce qui a changé, avec le temps et l'expérience? Une seule chose a changé. Quand on écrit un livre, on est parfois bloqué. On ne sait pas quelle sera la phrase suivante. Elle ne tombe pas juste. On ne sait pas quelle idée va venir. On ne sait pas où on va... Parfois, je suis perdu. Je cesse alors de travailler. Une journée. Une semaine. Un mois, s'il le faut. Pour me rendre compte de ce que sera l'étape suivante. Et ça marche ! Ça débloque tout. Ça, c'est nouveau. Avant, quand j'étais un jeune écrivain et que j'arrivais à ces moments-là, à ces blocages, je me disais : "Ah, je suis mort ! Ça ne va pas le faire... Je n'arriverai jamais à terminer ce bouquin..." Et je restais bloqué. Aujourd'hui, à mon âge avancé, je me dis ceci : si le livre doit être écrit, s'il doit l'être véritablement, alors je vais trouver un moyen de résoudre le problème. En attendant, j'arrête. Vous n'avez donc pas de manuscrit abandonné? Euh... si. J'ai des projets abandonnés. Deux ou trois fois, j'ai commencé des romans et je n'étais pas très content de ce que j'avais écrit. Une centaine de pages, parfois. Mais je savais que LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 8 de 13 15/03/2013 14:16
  • 9. j'étais parti dès le départ dans la mauvaise direction et qu'il n'y avait aucun espoir de sauver l'affaire. Certains romans ont-ils été plus difficiles à écrire, laissant des traces ou des cicatrices plus lourdes que d'autres? C'est une bonne question, ça. Quand j'étais jeune, c'est-à-dire entre 19 et 22 ans, j'ai essayé d'écrire deux ou trois romans et je n'avais pas la capacité, à ce moment-là, d'écrire les choses très ambitieuses que je voulais faire. Je crois que j'ai à peu près mille pages de prose de romans non achevés. Et ces romans inachevés sont l'origine des romans que j'ai écrits quinze ans plus tard: Moon Palace, Le Voyage d'Anna Blume et Cité de verre. Ces trois livres ont été conçus quand j'étais jeune, et je n'étais pas capable de les écrire. Mais je crois que ce temps de frustration n'était pas perdu. C'était un apprentissage, mené en silence, et personne ne m'a vu le faire. Quelle place le cinéma tient-il dans votre vie? J'ai toujours adoré le cinéma. Quand j'avais 20 ans, au moment où je suis venu en France pour faire mes études, je pensais que je voulais devenir metteur en scène. J'écrivais déjà des poèmes, j'essayais d'écrire des romans et j'ai été tout à coup saisi par le désir de faire du cinéma. Je voulais m'inscrire à l'Idhec mais les formulaires étaient tellement compliqués à remplir que j'ai vite abandonné... A l'époque, j'étais très timide. J'avais une énorme difficulté à parler devant les autres. S'il y avait plus de deux personnes dans une salle, je devenais muet. Je me suis alors dit que le cinéma n'était pas pour moi. Comment aurais-je pu diriger un plateau ? Comment aurais-je pu parler aux gens devant une équipe de cinéma ? J'ai donc abandonné cette idée. Mais mon intérêt pour le cinéma n'a pas diminué. C'est au moment où j'ai commencé à publier des romans que les cinéastes sont venus vers moi, me demandant de collaborer à tel ou tel scénario. J'ai rencontré Wayne Wang en 1991 et nous avons fait Smoke en 1994. J'ai alors découvert quel immense plaisir c'était de faire un film. Mais quel immense travail, aussi. Et en équipe. Pour un écrivain, qui est par essence solitaire, c'est très difficile. C'est aussi une joie énorme. Quel support vous permet d'exprimer le mieux ce que vous portez? L'écriture, bien sûr. Je suis un écrivain qui aime toutes les façons de raconter une histoire et le cinéma fait partie de ces façons. Les meilleurs films sont aussi bons et aussi importants que les grands livres. C'est quoi, les meilleurs films? Tokyo Story d'Ozu ou La Grande Illusion de Renoir, des films qui LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 9 de 13 15/03/2013 14:16
  • 10. sont d'un grand humanisme, qui ressemblent un peu à l'esprit des grands romanciers de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. Satyajit Ray, dans la trilogie d'Apu, est semblable à Tolstoï. Le Monde d'Apu est peut-être mon film préféré. Il faut le voir trois, quatre ou cinq fois avant de vraiment comprendre ce que le cinéaste a fait. Mais si vous le regardez bien, cela peut vous donner toute la complexité et tout le plaisir d'un grand roman. Si la plupart des films sont des divertissements, la plupart des livres sont aussi des divertissements... Au plus grand niveau, il faut admettre que le cinéma et la littérature, c'est presque la même chose. Smoke était déjà une oeuvre à connotation autobiographique, non? On y croisait un écrivain du nom de Paul Benjamin. Le pseudo sous lequel j'ai publié mon premier livre, un polar écrit pour de l'argent à la fin des années 1970. Mais Benjamin est aussi mon nom. Je m'appelle Paul Benjamin Auster. Le film est une commande: le New York Times m'avait demandé un conte pour Noël et Wayne Wang a proposé d'en tirer un film. Quel est le rôle de l'écrivain, pour vous? En tout cas, ce n'est pas de théoriser. Jamais. Un romancier n'est pas un philosophe. Ce qui ne l'empêche pas de réfléchir, évidemment. J'ai lu beaucoup de philosophie mais je ne veux pas écrire des livres de philo. Je veux juste essayer de montrer, de faire ressentir ce que c'est qu'être vivant. Voilà ma mission, en tant qu'écrivain. Rien de plus. La vie est à la fois merveilleuse et horrible et ma tâche est de capturer ces moments-là. La biographie d'un écrivain nous éclaire-t-elle sur son oeuvre? Il n'y a aucune règle en la matière. Tout dépend de l'écrivain. Et tout dépend de la façon dont la biographie est faite. Et dans votre cas, puisque vous vous chargez, à travers des livres aussi différents que L'Invention de la solitude, Le Diable par la queue ou Chronique d'hiver, de raconter des épisodes de votre vie? Dans mon cas, je crois en effet que certains passages de ma biographie peuvent éclairer certains points de mes livres. Même si mes romans n'empruntent jamais à la réalité : ce sont des fictions, de pures fictions. Certains romanciers sont les chroniqueurs de leur vie, leur fiction n'est que très légèrement fiction. Dans ce cas, il est sans doute important de connaître l'histoire de leur vie et de comparer, de comprendre à travers l'enquête ou la biographie signée par une tierce personne. Moi, je tire certaines choses de ma vie, bien sûr, comme tout écrivain, mais pas d'une manière si importante. LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 10 de 13 15/03/2013 14:16
  • 11. Etes-vous un lecteur de biographies d'écrivains? Oui, j'adore lire ce genre de livres. Et je remarque que la première moitié du livre est toujours plus intéressante que la seconde. L'enfance. La jeunesse. Avant que l'écrivain ou le poète ne devienne lui-même. C'est cela qui m'intéresse le plus. Après, une fois que l'homme ou la femme est devenu écrivain, ce n'est plus qu'affaire de publications, de critiques, de voyages, de médailles: ce n'est pas très important. Mais connaître les petites choses de la jeunesse, ça... La biographie consacrée à Samuel Beckett par James Knowlson, par exemple, m'a aidé à apprécier Beckett, son caractère, sa famille. C'est un très grand livre. Qui sont pour vous les maîtres de l'autobiographie? L'écrivain auquel je pensais en écrivant Chronique d'hiver, celui qui m'accompagne depuis toujours quand j'écris sur ma vie, c'est Montaigne. Montaigne a inventé une autre manière de penser. Pour la première fois, en se prenant lui-même pour sujet, il offre une façon attachante et profonde de comprendre l'homme. Et quel style ! Quelle énergie dans la prose ! Je lis et je relis Montaigne. Mais attention, ce n'est pas autobiographique. N'oubliez pas que ce sont des Essais - une forme qu'il a inventée, d'ailleurs. Je trouve Rousseau extrêmement intéressant aussi. Dans un registre différent. J'avais 22 ans quand j'ai découvert Les Confessions de Rousseau. Ce qui m'a fait la plus forte impression est que l'on sait qu'il ment. Mais il confesse des choses si laides que l'on est choqué : comment il a abandonné ses enfants, par exemple... Le passage où Rousseau, dans une forêt, jette une pierre contre un arbre en se disant, comme un enfant, "si je touche l'arbre avec cette pierre alors toute ma vie sera merveilleuse", ce passage est exceptionnel. Vous connaissez l'histoire? Rousseau jette la pierre et manque l'arbre. Il avance, relance une pierre et le manque encore. Il fait un pas de plus, relance la pierre et le rate encore. Jusqu'à ce qu'il soit juste devant l'arbre, à pouvoir le toucher et là il lance la pierre, qui touche évidemment l'arbre, et Rousseau s'exclame: "Maintenant, ma vie sera parfaite !" Dans mon roman, La Musique du hasard, un des personnages, Nash, lit Les Confessions. Et dans Le Livre des illusions, un autre personnage, David Zimmer, est obsédé par Chateaubriand... Après Montaigne et Rousseau, c'est encore une autre façon de raconter sa vie... Ah, les Mémoires d'outre-tombe! Chateaubriand est merveilleux. D'abord, il écrit bien. Ce fut pour moi une découverte. Tardive. J'avais 45 ans lorsque j'ai lu Chateaubriand pour la première fois et ce fut une révélation. Ensuite, il raconte une sorte d'histoire double : il mêle présent au passé de façon très intéressante. Mais de tous, celui qui me touche le plus reste Montaigne. LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 11 de 13 15/03/2013 14:16
  • 12. Quel est votre rapport à la vérité? Total. En racontant sa vie, Rousseau ment. Moi, non. Au contraire. Il faut être au plus près des souvenirs. Et dire clairement ce que l'on a oublié. Ce dont on ne se souvient plus. Dès que l'on écrit sur soi et sur ses proches se pose la question de la trahison. Vous évoquiez cette cousine avec qui vous vous êtes brouillé après la publication de L'Invention de la solitude parce que vous évoquiez votre père, les secrets de famille... Jusqu'où vous autorisez-vous à aller ? C'est une question très difficile. Dans Chronique d'hiver, je ne donne pas certains noms. La majorité des personnes citées dans ce livre ne sont pas nommées. Même cette cousine, qui est morte aujourd'hui, je ne la nomme pas. J'ai évoqué, dans L'Invention de la solitude, ce meurtre qui date de 1919, lorsque ma grand-mère a tué mon grand-père d'un coup de revolver. C'était un secret de famille. Personne n'en parlait. Mais il y avait une archive publique sur ce fait divers: c'était dans tous les journaux de l'époque! Ma famille ne voulait pas en parler, certes, mais ça existait, ça s'est passé tel que je le raconte et je n'ai rien inventé. S'agit-il d'une trahison ? J'ai écrit en 1979, soixante ans après les faits. Je croyais que, tant d'années plus tard, j'avais le droit de parler de ça. Que c'était une période suffisante pour ne pas insulter les gens. Etes-vous nostalgique? De quoi? De l'enfance? Non, pas tellement. Ce qui est passé est perdu. Mais plus je vieillis, plus je pense à ma jeunesse. Je suis fasciné par les premières fois. La première fois que j'ai su rouler tout seul sur une bicyclette, la première fois que j'ai pu nouer mes lacets tout seul... Ce sont les marques de l'indépendance, de la fondation de soi, de la construction de soi. Je viens de terminer mon prochain livre qui s'appellera Report from the Interior ("rapport sur l'intérieur"): c'est une sorte de compagnon à ce livre, c'est l'histoire non de mon corps mais de la formation de mes idées, de l'aventure spirituelle et intellectuelle que j'ai menée quand j'étais plus jeune. J'y raconte que c'est à l'âge de six ans que je me suis senti le plus heureux de ma vie: parce que j'ai découvert à cet âge que je pouvais m'habiller tout seul, lacer mes chaussures tout seul, et que j'étais donc indépendant. Avant cela, je ne faisais qu'être. Après cela, je savais que j'étais. Et cela fait une énorme différence! Quel est votre rapport à votre propre mort? Eh bien, j'espère que ça se produira aussi loin possible d'aujourd'hui ! C'est tout ce que j'en sais... Je vous le souhaite. Que vous évoque cette phrase de Joseph LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 12 de 13 15/03/2013 14:16
  • 13. Joubert que vous citez dans Chronique d'hiver: "Il faut mourir aimable (si on le peut)"? Cette phrase est extraordinaire ! Tout est dans le "si on le peut", bien sûr. Joubert, c'est une référence permanente pour moi, je relis toujours Joubert. C'est un écrivain tout à fait inconnu, y compris en France, je crois. Je l'ai un peu traduit quand j'étais jeune. C'est un écrivain qui n'a jamais écrit un livre. Incroyable, non? Mais ses propos sont si lucides... J'aime beaucoup celui-ci, aussi, que je traduis de mémoire : "Les gens qui ne baissent jamais les bras s'aiment plus qu'ils n'aiment la vérité." C'est profond, n'est-ce pas? Combien de fois avez-vous baissé les bras? De très nombreuses fois. Il faut changer d'opinion. C'est dangereux d'être rigide dans la pensée. Mais c'est aussi dangereux d'être trop fluide. J'admire ceux qui ont le courage de changer d'avis de temps en temps, sur les choses, sur les personnes. C'est une vraie force. Avec l'aimable autorisation de France Inter LExpress.fr http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1224572 13 de 13 15/03/2013 14:16