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Déficit public : réduire les dépenses est le plus efficace
Publié le 13/11/2012
Quelle approche est la plus efficace pour assurer réduire le déficit public et assurer le redressement des comptes publics ? Qu'en
dit l'histoire ? Baisser les dépenses ou augmenter les impôts?
Par Vuk Vukovich(*), depuis Zagreb.
Article de l'Adam Smith Institute, traduit par l'Institut Turgot.
Quelle approche est la plus efficace pour assurer le redressement des finances publiques ? C'est ce qu'ont cherché à savoir trois
économistes italiens – Alberto Alesina, Carlo Favero et Francesco Giavazzi – dans une étude qui vient d'être publiée par l'Université
de Harvard, (et dont les résultats vont exactement à l'encontre de ceux du FMI et de la Fed, si bruyamment diffusés par le gouvernement
et les médias français. NdT).
A la demande des autorités de la Commission européennes, ces trois économistes ont accumulé les données sur un ensemble d'épisodes
étalés sur une vingtaine d'années où une quinzaine de pays européens ont entrepris de redresser leurs comptes budgétaires en agissant soit
par la fiscalité, soit par la dépense publique. Puis ils ont tenté de mesurer et de comparer l'effet de chacune de ces techniques sur la
croissance économique au cours des trois années qui suivaient le déclenchement du plan de redressement.
Leur conclusion est que, d'un point de vue économique, il vaut beaucoup mieux agir par l'action sur la dépense (réduire les dépenses
budgétaires) que par la fiscalité (augmenter les impôts). Autrement dit, qu'imposer l'austérité à l'Etat est beaucoup plus efficace pour
rétablir ses comptes que d'agir en commençant par l'imposer aux contribuables.
« Cette étude, écrivent-ils, cherche à évaluer l'importance des pertes économiques provoquées par la mise en œuvre de
programmes de redressement budgétaire. Nous avons découvert que le résultat dépend de façon cruciale de la manière
dont ces politiques sont menées. Il s'avère que les politiques d'ajustement fondées sur des programmes de réduction des
dépenses publiques sont moins coûteuses en termes de perte de production que celles donnant la priorité à l'action par la
fiscalité. Les effets récessifs qui résultent des premières sont plutôt modérés et de courte durée, si jamais il y a récession,
ce qui n'est pas toujours certain ; alors que dans le second cas les conséquences récessives sont beaucoup plus
accentuées, et surtout durent en général plus longtemps. »
Les graphiques qui suivent présentent l'essentiel de leurs résultats. Ils comparent le profil d'évolution de la production suivant que l'on a
une politique d'ajustement fondée principalement sur la fiscalité (traits rouges) ou sur la réduction des dépenses (traits bleus). Ils révèlent
clairement (utilisez le grossissement) que, pour chaque pays étudié, chercher à rétablir l'équilibre budgétaire en relevant en priorité les
impôts débouche pratiquement à chaque fois sur une croissance nulle ou négative, alors que dans l'autre cas la croissance revient deux ans
après.
Les auteurs de l'étude ont également découvert que le climat des affaires (l'opinion des entreprises) se redresse quasiment immédiatement
lorsque le gouvernement agit par la voie d'économies budgétaires, alors que la confiance des consommateurs met beaucoup plus de temps
pour revenir. Finalement, il mettent également en lumière le fait que les différences qui caractérisent les résultats conjoncturels de ces
deux modes d'ajustement sont essentiellement liées aux réponses de l'investissement privé, beaucoup plus qu'à ce qui se passe du côté de
la consommation. Ce qui confirme que c'est l'investissement qui entraîne la reprise, et non la consommation comme le voudraient les
keynésiens.
Ces résultats sont importants pour faire la différence entre une « bonne » approche de l'ajustement budgétaire et une « mauvaise ».
Combiner la hausse des impôts avec un effort d'austérité budgétaire est une mauvaise approche car, temporairement, cela affecte
négativement l'économie (suppressions de postes dans le secteur public qui entraînent une réduction du pouvoir d'achat des personnes
ainsi affectées) sans pour autant y semer le moindre élément de reprise - notamment de reprise de l'emploi pour ceux qui ont ainsi perdu
leur travail en raison des efforts d'économie de l'Etat.
Le chômage se met à augmenter, soutenu par un afflux de jeunes qui sortent des écoles et de l'université et pour qui la recherche d'un
emploi apparaît plus difficile que jamais – ce qui, aux yeux des hommes politiques, tend à noircir particulièrement le tableau et les
inquiète. Conséquence : alors même qu'ils n'ont pas achevé leur tâche de rééquilibrage, ceux-ci ressentent maintenant l'urgente nécessité
de mettre en sourdine leur politique de coupes budgétaires et de réduction des effectifs publics dans la mesure où ils ne désirent pas que la
situation de l'emploi apparaisse encore plus noire qu'elle ne l'est déjà réellement. L'Etat réduit donc ses efforts d'économies, renonce à ses
réformes, et remet la fiscalité au centre de son dispositif de lutte contre le déficit budgétaire. Ce changement de cap lui est politiquement
imposé par le caractère de plus en plus impopulaire des mesures d'économies qu'il s'efforce de remplacer par la recherche de nouvelles
recettes fiscales.
Quid des investissements publics ? Notamment des dépenses d'infrastructure. Ne pourrait-on utiliser celles-ci pour servir de déclencheur à
la reprise – comme cela est actuellement beaucoup discuté en Grande-Bretagne -, l'idée étant de jouer simultanément , d'une part, sur
l'effet d'entraînement qui résulterait ainsi de la création de nouveaux emplois, et, d'autre part, sur les baisses de coûts dont la mise en
service de ces nouvelles infrastructures ferait bénéficier les entreprises.
Dans le premier cas, on suppose que l'embauche de nouveaux travailleurs, par exemple dans la construction, stimulera la dépense et donc
la consommation (le schéma classique de relance par la demande, avec l'effet multiplicateur keynésien). Mais si l'objectif est seulement
d'embaucher de nouveaux employés pour relancer les dépenses de consommation, pourquoi l'Etat n'embauche-t-il pas directement 100
000 personnes – ou même davantage – pour creuser des trous dans tout le pays, et ensuite les reboucher. Un travail certes totalement
inutile mais qui présenterait au moins l'intérêt que ces gens-là étant payés, ils contribueraient à réamorcer la croissance. D'accord ? Pas du
tout ! La théorie économique moderne nous enseigne en effet que les gens en réalité ne réagissent pas du tout pareil dès lors qu'ils
s'attendent à une augmentation seulement « temporaire » de leur revenu, ou au contraire qu'ils anticipent une hausse durable de celui-ci.
Si les gens anticipent une hausse seulement temporaire de leur revenu – par exemple à la suite de cadeaux fiscaux ou autres incitations
dont ils craignent qu'ils ne leur soient rapidement repris d'une manière directe ou indirecte -, ils épargneront cet argent plutôt que de le
dépenser ou de l'investir. En revanche ils n'hésiteront pas à le dépenser ou à l'investir s'ils anticipent une hausse « permanente » de leur
revenu donnant lieu à un flux régulier d'argent supplémentaire.
La seconde idée est que la construction de nouvelles et meilleures infrastructure permettrait de réduire les coûts des entreprises et
d'améliorer ainsi leur compétitivité. Mais combien de temps pour réaliser de grands projets d'infrastructure tels que la construction de
nouvelles autoroutes ou celle de nouvelles lignes de TGV ? Beaucoup de temps. Beaucoup plus que le temps moyen de vie d'une
entreprise dans les affaires. Et surtout beaucoup plus longtemps que la prochaine reprise n'a de chances de durer. Les dividendes
économiques de tels investissements ne se manifesteront pas avant une dizaine d'années, et pendant ce temps là toutes les entreprises,
même celles qui se mobilisent pour obtenir de l'Etat qu'il mette tant d'argent dans ces projets, devront se résoudre à continuer d'utiliser les
vieilles routes et les vieilles lignes de chemin de fer qui les font tant pester.
Cela ne veut pas dire qu'il faut négliger les infrastructures – il s'agit certainement de choses importantes pour la croissance, mais dans une
optique de long terme ; ce n'est pas sur elles qu'il faut mettre la priorité pour obtenir une reprise de l'économie. Certains seront tentés de
nous rappeler que les grands projets d'infrastructure et ce que l'on a alors appelé le « New Deal » ont joué un rôle important à l'époque de
la Grande Dépression des années trente. Mais le monde est aujourd'hui très différent. A cet époque là l'information dépendait
essentiellement de la radio, ou tout simplement du bouche-à-oreille. Il suffisait que les gens entendent dire que l'Etat allait faire quelque
chose pour les sortir de là pour que la confiance commence à revenir. Leur connaissance des effets pervers en matière de finances
publiques restait très limitée. Aujourd'hui, à notre époque de communication et d'information de masse, tout cela n'a plus de sens. Surtout
parmi ceux qui investissent.
Pour démarrer une reprise, la priorité doit aller à des mesures et réformes permettant d'agir sur l'offre, en s'attaquant aux rigidités qui
entravent le fonctionnement du marché du travail, et en réduisant le poids que les réglementations bureaucratiques et le niveau de la
fiscalité font peser sur les entreprises. Tout cela permettrait d'agir bien plus vite et bien plus efficacement sur les coûts des entreprises que
toute autre mesure visant à améliorer les infrastructures, aussi vite et aussi efficacement que cela puisse être fait.
---
(*)Vuk Vukovich est un jeune économiste en poste à la Zagreb School of Economics and Management. Il travaille également pour
l'Adam Smith Institute en tant que Research Fellow.
Sur le web
Lien raccourci: http://www.contrepoints.org/?p=104348
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L'auteur
A propos de Institut Turgot :
L’Institut Turgot est un think tank libéral, partenaire de Contrepoints. Il entend « jouer un rôle décisif dans la production et la défense des
idées libérales en France et en Europe ». Il est dirigé par Guy Millière jusqu'en 2008, année où il est remplacé par Henri Lepage. Il
compte parmi ses membres Vincent Bénard.
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  • 1. Déficit public : réduire les dépenses est le plus efficace Publié le 13/11/2012 Quelle approche est la plus efficace pour assurer réduire le déficit public et assurer le redressement des comptes publics ? Qu'en dit l'histoire ? Baisser les dépenses ou augmenter les impôts? Par Vuk Vukovich(*), depuis Zagreb. Article de l'Adam Smith Institute, traduit par l'Institut Turgot. Quelle approche est la plus efficace pour assurer le redressement des finances publiques ? C'est ce qu'ont cherché à savoir trois économistes italiens – Alberto Alesina, Carlo Favero et Francesco Giavazzi – dans une étude qui vient d'être publiée par l'Université de Harvard, (et dont les résultats vont exactement à l'encontre de ceux du FMI et de la Fed, si bruyamment diffusés par le gouvernement et les médias français. NdT). A la demande des autorités de la Commission européennes, ces trois économistes ont accumulé les données sur un ensemble d'épisodes étalés sur une vingtaine d'années où une quinzaine de pays européens ont entrepris de redresser leurs comptes budgétaires en agissant soit par la fiscalité, soit par la dépense publique. Puis ils ont tenté de mesurer et de comparer l'effet de chacune de ces techniques sur la croissance économique au cours des trois années qui suivaient le déclenchement du plan de redressement. Leur conclusion est que, d'un point de vue économique, il vaut beaucoup mieux agir par l'action sur la dépense (réduire les dépenses budgétaires) que par la fiscalité (augmenter les impôts). Autrement dit, qu'imposer l'austérité à l'Etat est beaucoup plus efficace pour rétablir ses comptes que d'agir en commençant par l'imposer aux contribuables. « Cette étude, écrivent-ils, cherche à évaluer l'importance des pertes économiques provoquées par la mise en œuvre de programmes de redressement budgétaire. Nous avons découvert que le résultat dépend de façon cruciale de la manière dont ces politiques sont menées. Il s'avère que les politiques d'ajustement fondées sur des programmes de réduction des dépenses publiques sont moins coûteuses en termes de perte de production que celles donnant la priorité à l'action par la fiscalité. Les effets récessifs qui résultent des premières sont plutôt modérés et de courte durée, si jamais il y a récession, ce qui n'est pas toujours certain ; alors que dans le second cas les conséquences récessives sont beaucoup plus accentuées, et surtout durent en général plus longtemps. » Les graphiques qui suivent présentent l'essentiel de leurs résultats. Ils comparent le profil d'évolution de la production suivant que l'on a une politique d'ajustement fondée principalement sur la fiscalité (traits rouges) ou sur la réduction des dépenses (traits bleus). Ils révèlent clairement (utilisez le grossissement) que, pour chaque pays étudié, chercher à rétablir l'équilibre budgétaire en relevant en priorité les impôts débouche pratiquement à chaque fois sur une croissance nulle ou négative, alors que dans l'autre cas la croissance revient deux ans après. Les auteurs de l'étude ont également découvert que le climat des affaires (l'opinion des entreprises) se redresse quasiment immédiatement lorsque le gouvernement agit par la voie d'économies budgétaires, alors que la confiance des consommateurs met beaucoup plus de temps pour revenir. Finalement, il mettent également en lumière le fait que les différences qui caractérisent les résultats conjoncturels de ces deux modes d'ajustement sont essentiellement liées aux réponses de l'investissement privé, beaucoup plus qu'à ce qui se passe du côté de la consommation. Ce qui confirme que c'est l'investissement qui entraîne la reprise, et non la consommation comme le voudraient les keynésiens. Ces résultats sont importants pour faire la différence entre une « bonne » approche de l'ajustement budgétaire et une « mauvaise ».
  • 2. Combiner la hausse des impôts avec un effort d'austérité budgétaire est une mauvaise approche car, temporairement, cela affecte négativement l'économie (suppressions de postes dans le secteur public qui entraînent une réduction du pouvoir d'achat des personnes ainsi affectées) sans pour autant y semer le moindre élément de reprise - notamment de reprise de l'emploi pour ceux qui ont ainsi perdu leur travail en raison des efforts d'économie de l'Etat. Le chômage se met à augmenter, soutenu par un afflux de jeunes qui sortent des écoles et de l'université et pour qui la recherche d'un emploi apparaît plus difficile que jamais – ce qui, aux yeux des hommes politiques, tend à noircir particulièrement le tableau et les inquiète. Conséquence : alors même qu'ils n'ont pas achevé leur tâche de rééquilibrage, ceux-ci ressentent maintenant l'urgente nécessité de mettre en sourdine leur politique de coupes budgétaires et de réduction des effectifs publics dans la mesure où ils ne désirent pas que la situation de l'emploi apparaisse encore plus noire qu'elle ne l'est déjà réellement. L'Etat réduit donc ses efforts d'économies, renonce à ses réformes, et remet la fiscalité au centre de son dispositif de lutte contre le déficit budgétaire. Ce changement de cap lui est politiquement imposé par le caractère de plus en plus impopulaire des mesures d'économies qu'il s'efforce de remplacer par la recherche de nouvelles recettes fiscales. Quid des investissements publics ? Notamment des dépenses d'infrastructure. Ne pourrait-on utiliser celles-ci pour servir de déclencheur à la reprise – comme cela est actuellement beaucoup discuté en Grande-Bretagne -, l'idée étant de jouer simultanément , d'une part, sur l'effet d'entraînement qui résulterait ainsi de la création de nouveaux emplois, et, d'autre part, sur les baisses de coûts dont la mise en service de ces nouvelles infrastructures ferait bénéficier les entreprises. Dans le premier cas, on suppose que l'embauche de nouveaux travailleurs, par exemple dans la construction, stimulera la dépense et donc la consommation (le schéma classique de relance par la demande, avec l'effet multiplicateur keynésien). Mais si l'objectif est seulement d'embaucher de nouveaux employés pour relancer les dépenses de consommation, pourquoi l'Etat n'embauche-t-il pas directement 100 000 personnes – ou même davantage – pour creuser des trous dans tout le pays, et ensuite les reboucher. Un travail certes totalement inutile mais qui présenterait au moins l'intérêt que ces gens-là étant payés, ils contribueraient à réamorcer la croissance. D'accord ? Pas du tout ! La théorie économique moderne nous enseigne en effet que les gens en réalité ne réagissent pas du tout pareil dès lors qu'ils s'attendent à une augmentation seulement « temporaire » de leur revenu, ou au contraire qu'ils anticipent une hausse durable de celui-ci. Si les gens anticipent une hausse seulement temporaire de leur revenu – par exemple à la suite de cadeaux fiscaux ou autres incitations dont ils craignent qu'ils ne leur soient rapidement repris d'une manière directe ou indirecte -, ils épargneront cet argent plutôt que de le dépenser ou de l'investir. En revanche ils n'hésiteront pas à le dépenser ou à l'investir s'ils anticipent une hausse « permanente » de leur revenu donnant lieu à un flux régulier d'argent supplémentaire. 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Cela ne veut pas dire qu'il faut négliger les infrastructures – il s'agit certainement de choses importantes pour la croissance, mais dans une optique de long terme ; ce n'est pas sur elles qu'il faut mettre la priorité pour obtenir une reprise de l'économie. Certains seront tentés de nous rappeler que les grands projets d'infrastructure et ce que l'on a alors appelé le « New Deal » ont joué un rôle important à l'époque de la Grande Dépression des années trente. Mais le monde est aujourd'hui très différent. A cet époque là l'information dépendait essentiellement de la radio, ou tout simplement du bouche-à-oreille. Il suffisait que les gens entendent dire que l'Etat allait faire quelque chose pour les sortir de là pour que la confiance commence à revenir. Leur connaissance des effets pervers en matière de finances publiques restait très limitée. Aujourd'hui, à notre époque de communication et d'information de masse, tout cela n'a plus de sens. Surtout parmi ceux qui investissent. Pour démarrer une reprise, la priorité doit aller à des mesures et réformes permettant d'agir sur l'offre, en s'attaquant aux rigidités qui entravent le fonctionnement du marché du travail, et en réduisant le poids que les réglementations bureaucratiques et le niveau de la fiscalité font peser sur les entreprises. Tout cela permettrait d'agir bien plus vite et bien plus efficacement sur les coûts des entreprises que toute autre mesure visant à améliorer les infrastructures, aussi vite et aussi efficacement que cela puisse être fait. --- (*)Vuk Vukovich est un jeune économiste en poste à la Zagreb School of Economics and Management. Il travaille également pour l'Adam Smith Institute en tant que Research Fellow. Sur le web Lien raccourci: http://www.contrepoints.org/?p=104348
  • 3. 14 Replies 14 Comments 0 Tweets 0 Facebook 0 Pingbacks L'auteur A propos de Institut Turgot : L’Institut Turgot est un think tank libéral, partenaire de Contrepoints. Il entend « jouer un rôle décisif dans la production et la défense des idées libérales en France et en Europe ». Il est dirigé par Guy Millière jusqu'en 2008, année où il est remplacé par Henri Lepage. Il compte parmi ses membres Vincent Bénard. Articles similaires ø 85% des Français privilégient la baisse des dépenses pour réduire le déficit ø Réduire les dépenses publiques est-il si dangereux ? ø Déficit public : 7,1% du PIB ø Réduire les dépenses de l’État et être réélu ø Déficit public UE : 4,5% du PIB ø Courte vue : Ayrault veut réduire le déficit commercial ø Déficit public zone euro : 4,1% ø Déficit public français : 5,2 % du PIB en 2011