1. Français Langue d’Accueil donne la plume aux réfugiés
Français langue d’accueil n’est pas une école
de langue, son ambition est d’ouvrir aux réfu-
giés toutes les portes de la société et de la culture
française. C’est pourquoi ses ateliers cultu-
rels, ses actions d’insertion professionnelle for-
ment un tout avec ses ateliers sociolinguistiques.
Ouvrir ce site à l’expression directe des réfugiés est
donc une suite logique. C’est chose faite : Tous ceux
qui le souhaitent vont désormais pouvoir parler de
leur pays : Géographie, histoire, contes, légendes, sou-
venirs, cuisine, humour, etc. Ils nous donnerons aussi
à voir la France à travers leurs yeux et qui sait, si dans
le regard de ces modernes Usbek et Rika, nous ne di-
rons pas « mais comment peut-on être Français ? »
Le coordinateur de l’atelier journal s’adresse aux
réfugiés :
« Que sera Notre Journal ? c’est vous qui le déci-
derez puisque c’est vous qui l’écrirez. Un journal
fait par les réfugiés mais pour tout le monde. Vous
êtes tous différents par vos langues, vos histoires,
vos coutumes, vos croyances, mais vous êtes tous
les mêmes dans vos espérances, dans vos épreuves,
dans votre volonté de prendre votre vie en main
dans un nouveau pays sans jamais oublier le vôtre.
Chez Français langue d’accueil, on n’apprend pas
seulement le français mais à vivre tous ensemble en
France, égaux et différents. Ici un Soudanais appren-
dracommentonvitauTibetdanslesneigeséternelles,
un Tibétain découvrira les merveilleux contes tché-
tchènes,uneTchétchèneentendraleslanguesantiques
et mystérieuses de l’Éthiopie, un Éthiopien goûtera le
Kabuli Palaw (riz épicé au poulet) d’Afghanistan et un
Français devra bien reconnaître qu’il n’est pas le seul à
savoir faire de la bonne cuisine et qu’il ne connaît rien
au thé ! Ici les bénévoles apprennent, grâce à vous, un
peu mieux l’infinie richesse de la variété humaine.
Notre Journal sera l’endroit où vous raconterez vos
pays, vos histoires, vos rêves, votre humour, vos idées
pour mieux vivre, vous pourrez aussi raconter la ren-
contre parfois le choc avec la France et les Français si
étranges souvent ! Un nouveau lieu de partage et d’ap-
prentissagepourtous,réfugiés,bénévolesouvisiteurs.
Voilà le programme, maintenant c’est à vous d’écrire
la suite, vous pouvez le faire en français bien sûr, mais
aussi dans votre langue, nous ferons ensemble la tra-
duction.L’importantc’estquevouspreniezlaparole. »
NOTRE JOURNAL
2. What is the purpose of this journal? As the
main contributors, it is up to you to decide!
A journal published by refugees, but intended for all.
While you may differ in language, history, customs,
and beliefs, your aspirations and shared hardships
bring you all together. Among you, there is an un-
derlying desire to take matters into your hands
and to forge a new life in a foreign country, wi-
thout ever forgetting what you have left behind.
At Français Langue D’accueil, we do not simply learn
the French language, but rather how to live in to-
gether in harmony in France. Despite our differing
backgrounds, we are united in our shared pride of our
native culture. Here a Sudanese can learn about life
in Tibet with its eternally snow capped mountains,
a Tibetan will be mesmerized by Tchetchen tales, a
Tchetchen will discover the ancient and mysterious
languages of Ethiopia, an Ethiopian will taste the
Afghan dish Kabuli Palaw (a spicy chicken and rice
dish), and a French citizen will come to recognize
that he is not the only one who knows to cook, and
that he knows nothing about tea! Thanks to your
contributions, volunteers will obtain a new unders-
tanding of the infinite richness of human diversity.
Our journal will be a place where you can discuss your
country, your history, your dreams, your first impres-
sions of France, and your ideas for forging a better so-
ciety. It is also a place to share what may have shocked
you about France, and about French people themsel-
ves! The intention is to have this journal be a space to
where you can share your experiences, and learn from
one another: refugees, volunteers, and readers alike.
Here you have our manifesto, and now it is up to
you develop the rest! You are welcome to submit
contributions in French, but we will also accept
contributions in your native language, whichsoever
it may be, and we will then conduct the translation
together. Our aim is to have this publication repre-
sent your voice, and to allow you to take charge.
Our journal
4. NousnesommespasvenusàParisenvisite;chacunde
nousestarrivéavecunemémoirepleinedetristesses.
Bien-sûr, cela laisse une empreinte sur nos es-
prits, sur notre humeur, sur notre santé.
Pour beaucoup, ce premier moment loin du
pays natal, a été particulièrement difficile.
Le choc de l’exil et la solitude éteignaient même les
lumières de Paris. Tout semblait étrange : les gens,
la vie, la langue, les coutumes ; Nous étions perdus !
Mais le temps passe, on s’habitue. Ceux qui ne
parlaient pas français ont commencé à l’ap-
prendre, ils sont devenus plus confiants, ils se
sont faits de nouveaux amis. Ils ont de mieux
en mieux compris les coutumes de la France.
Il me semble que tout le monde est passé par
cette étape, quand on avait beaucoup de temps
mais peu à faire. Chacun a utilisé ce moment
différemment. Certains ont trouvé des points
de repère et les ont suivi. D’autres sont restés
dans l’incertitude en attente de temps meilleurs.
Pour tous cela n’était pas facile.
Ce n’est pas facile de surmonter chaque jour : se
lever, sortir, faire quelque chose.
Ce n’est pas facile de se réveiller chaque matin sans
objectif et de suivre simplement le cours de sa vie :
on ne fait qu’attendre la réponse positive ou on sait
déjà que c’est NON !
Pourtant, malgré les difficultés l’espoir ne nous
quitte pas. On a encore des rêves, pour chacun ces
rêves sont différents . Certains sont simples, cer-
tains sont compliqués mais tous sont possibles.
Pensez-y durant votre temps libre. Quel est votre
rêve ? Qui voulez-vous devenir ? Que voudriez-vous
faire ici ? Qu’avez-vous considéré comme im-
possible dans votre pays, mais que vous aimeriez
essayer ici ? Formulez votre rêve, poursuivez le
et vous verrez qu’il commence déjà à se réaliser.
Même si c’est un rêve modeste, au fil du temps en
regardant les années passées, vous comprendrez
que cela en valait la peine. Que c’était votre réus-
site, votre bonus, votre récompense pour les mau-
vaises choses que vous avez laissées derrière vous.
Bonne chance et bon courage à vous tous ; en sui-
vant ce chemin difficile, n’oubliez jamais vos rêves,
suivez les et ils seront les étoiles qui éclairent la nuit.
Rêvez, car les pensées se matérialisent.
Malika
Les pensées se matérialisent
Edito
5. Un jour, je suis arrivé à Paris. J’étais sans abri.
Quand j’ai marché dans Paris, j’ai vu beaucoup de
grands et beaux bâtiments. J’ai pensé : « les Parisiens
viventdansdegrandesmaisons!».J’étaistoujourssans
abri, j’avais rendez-vous avec mon assistante sociale de
tempsentempspourluidemanderunlogement;elledi-
sait:«Attends»etellemedonnaitunautrerendez-vous.
Finalement, j’ai eu un contact avec une associa-
tion qui s’appelle Singha. Ils ont inscrit mon nom et
mon prénom et le numéro de mon portable. J’étais
déjà très fatigué, je ne croyais pas qu’ils me rappel-
leraient mais, trois jours après, ils m’ont appelé :
ils m’ont trouvé une chambre indépendante chez
un monsieur français dans le 11ème arrondisse-
ment. La chambre est à côté de l’appartement du
monsieur, sa fille m’a donné la clé de la chambre.
Je me suis installé dans la chambre. Après quelques
jours et quelques nuits dans cette chambre, j’ai com-
pris le secret des grands et beaux bâtiments pari-
siens : il y a beaucoup de Parisiens qui vivent dans
de petites cages ; ils pensent qu’ils sont libres mais,
en réalité, de mon point de vue, ils sont en cages.
Au début, je ne parlais pas français, avec la fa-
mille qui m’hébergeait, je parlais anglais. Je détes-
tais si quelqu’un me disait : « Parle français ! », sauf
si c’était pour faire des progrès pour parler mieux
français. J’ai suivi des cours pour apprendre le fran-
çais, mais il y a beaucoup de choses que j’ai ap-
pris avec le temps. Je me suis installé très bien dans
ma petite cage (chambre), comme un vrai Parisien.
Maintenant il faut que je cherche du travail. Heureuse-
ment,j’aitrouvédutravail.SituvisàParisetsituesPa-
risien, la vie sans métro est impossible : donc, moi aus-
si, j’ai besoin de prendre le métro pour aller travailler.
Il y a beaucoup de choses à voir dans le métro :
les gens qui font la manche, les gens qui font de la
musique, les gens qui lisent des livres, les gens qui
dorment et aussi les filles qui se maquillent. Je me
demande pourquoi elles se maquillent dans le métro
mais de toute manière j’aime beaucoup les regarder
: elles utilisent un crayon pour dessiner une ligne
autour de leurs yeux et un pinceau pour mettre de
la couleur sur leurs joues. Moi, si quelqu’un me de-
mande de faire un dessin dans le métro, je ne ferai pas
un beau dessin, parce que le métro bouge trop, je fe-
rai un barbouillage. Mais les filles, elles, font un ma-
quillage très professionnel, même s’ il y a beaucoup
de monde et que le métro bouge trop. Malheureuse-
ment, quand elles ont fini leur maquillage et qu’elles
sont très belles, elles quittent le métro. Pauvre Musa !
Lematin,quandjeprendslemétropourallertravailler,
je suis pressé parce que je suis en retard. Je comprends
à ce moment pourquoi il y a des filles qui se maquillent
dans le métro : comme moi, elles sont en retard !
Le soir, quand je prends le métro pour rentrer
chez moi, je vois plein de gens avec l’air fatigué.
Quelqu’un me demande : « Est-ce que tu es fatigué ? »
Je dis : « Non ! »
Mais, quand je suis rentré chez moi, je réfléchis bien :
peut-être j’ai l’air fatigué comme les autres gens dans
le métro ?
Le matin, je suis pressé. Le soir, je suis fatigué : ainsi
je suis devenu un Parisien.
Musa
Comment je suis devenu un Parisien
6. La patrie est tout ce sans quoi nous ne pouvons pas
vivre.
Je suis heureuse que vous m’ayez donné l’occa-
sion de présenter ma petite patrie, la Géorgie.
Ma Géorgie est petite, mais elle est célèbre pour
sa belle nature. Elle est située au cœur du Cau-
case, elle est la clé du Caucase, comme l’a dé-
crite l’écrivain français Pierre Razoux dans son
livre « Histoire de la Géorgie, la clé du Caucase ».
La Géorgie est un pays de traditions riches et an-
ciennes. Chaque visiteur arrivant en Géorgie est
étonné par les traditions géorgiennes. L’Hospita-
lité en est une des valeurs les plus importantes,
comme aussi la loyauté envers un ami et la famille.
Danscepetitparadisviventdebonnespersonnes.Les
Géorgiens sont des gens très amicaux, hospitaliers et
chaleureux. En Géorgie on dit : « L’invité est Dieu ».
SOUKHOUMI
Je suis née dans une des plus belles villes, Soukhou-
mi, qui est la capitale de l’Abkhazie. Soukhoumi est
une station balnéaire de la Mer Noire, qui reçoit
des millions de touristes chaque année. Soukhoumi
est un célèbre port maritime et une ville d’eau. Il
y a beaucoup de monuments remarquables, comme
le pont de la Reine Tamar du douzième siècle.
Soukhoumi est pour moi une douleur inoubliable.
C’était vraiment un petit paradis. J’ai passé les plus
bellesannéesdemavielà-bas.Mamémoireserappelle
bien le beau ciel bleu et la mer bleue de Soukhoumi.
Je me souviens des touristes satisfaits buvant un café
sur le sable, la crème glacée que vendait la cafeteria «
Pingvin », le goût de ce qui est inoubliable pour moi.
Je me souviens de mon enfance, que j’ai passée dans
cette ville merveilleuse. Chaque soir quand notre fa-
mille allait à la mer, j’adorais m’asseoir sur la plage
et regarder le coucher du soleil. C’était incroyable.
Nous vivions dans un vrai paradis, malheureu-
sement perdu avec la guerre, et nous sommes
devenus des réfugiés dans notre propre pays.
Jina
La Géorgie
7. La vie quotidienne
Je suis allé dans une association à Paris, pour suivre
des cours de français. Mais le premier jour où je
suis arrivé, j’ai trouvé beaucoup de gens qui fai-
saient la queue devant la porte de l’association. Il y
avait plus de trente personnes. Puis parmi les gens
qui attendaient, j’ai trouvé un ancien ami que je
n’avais pas revu depuis longtemps. On a échan-
gé des salutations à la manière soudanaise (Ki-
fak anta Ya akhi zaman tauelle… ) ça veut dire :
(comment tu vas mon frère ça fait longtemps …).
Il m’a dit que j’étais arrivé en retard, et que je ne pour-
rais pas entrer parce que, dans cette association, il
n’y avait de places que pour trente étudiants, vingt-
cinq étudiants et cinq étudiantes. Je lui ai demandé
de m’expliquer toutes les règles de cette association.
Donc il me les a expliquées. Et il m’a dit qu’il fallait
venir plus tôt pour être parmi les trente étudiants.
Je lui ai demandé à quelle heure on pouvait venir.
Il m’a dit qu’il fallait venir deux heures avant la
classe, soit le matin, soit l’après-midi.
Puis je suis rentré chez moi.
Le jour suivant était un mercredi, je me suis réveillé à
quatre heures du matin pour me préparer. Je me suis
levé à quatre heures trente, je me suis brossé les dents,
je me suis douché et je me suis habillé. Ce jour là, j’ai
pris le petit-déjeuner à cinq heures trente. Je suis sorti
à cinq heures quarante, je suis allé à la gare, j’ai pris
le train à six heures de Corbeil Essonnes à Paris Gare
du Nord. Je suis arrivé devant la porte de l’associa-
tion à sept heures trente pour la classe qui commen-
çait à neuf heures quinze. Mais malheureusement,
j’ai constaté que j’étais le vingt sixième et aussi qu’il
y avait trois femmes. Mon ami m’a dit que je devais
attendre parce qu’il manquait deux femmes. Si elles
n’arrivaient pas, je pourrais entrer à la place d’une
femme. J’ai accepté sa suggestion, bien qu’il fasse un
peu froid, mais j’avais envie d’apprendre le français.
J’ai patienté parce que j’avais entendu beaucoup de
bonnes choses au sujet de cette association, comme’
l’organisation d’activités, les façons d’étudier et les re-
lations des professeurs avec leurs étudiants, et cela me
plaisait beaucoup. Pendant que je faisais la queue; je
réfléchissais en silence (c’est très difficile d’attendre
deux heures dans une queue ! Ah oui il faut être fort !
Soudain, une femme est sortie de la porte d’asso-
ciation. Elle était maigre et âgée mais elle avait l’air
courageuse, chaleureuse et adorable. Elle nous a dit
: « Ah ! vous êtes nombreux ! ». Je lui ai dit : « Oui
bien-sûr, nous sommes nombreux. Mais en tout cas je
suis le vingt-sixième est-ce que je peux entrer ? ». Elle
m’a dit : « Non, ce n’est pas possible il faut venir plus
tôt, soit le matin soit l’après-midi », mais d’une façon
très douce et gentiment. Je lui ai dit : « Mais je suis
arrivé ici à sept heures trente et j’ai trouvé beaucoup
de monde devant moi ». Elle a été surprise et elle a
dit : « Ahhhhhh ce n’est pas vrai, tu es arrivé à sept
heures et il y avait déjà beaucoup de monde ? ». Je lui
ai dit : « Ce n’est pas un problème, aujourd’hui il n’y
a pas beaucoup de femmes, puis-je entrer à la place
d’une femme ? ». Elle m’a accepté directement et elle
m’a dit : « D’accord, tu peux entrer mais seulement si
elles n’arrivent pas, sinon, tu vas revenir cet après-mi-
di », d’une manière que je ne peux pas exprimer.
Puis elle est rentrée dans le bureau et après un peu
de temps, elle est ressortie avec ses collègues et
avec des petits tickets blancs avec des numéros
et une date. Ils nous ont dit : « Chacun doit être à
sa place ». Nous nous sommes remis en ligne.
Motassim
8. Gare de l’Est
Je m’appelle Naziri Mohammad Fazel, je vous raconte un petit souvenir de ma vie en France.
Quand je suis venu en France, cet été de 2014, j’ai été très content d’être en Eu-
rope, en France. Mais, je croyais que maintenant je trouverai logement et travail très vite.
Mais, malheureusement, ce n’était pas comme ce que je croyais. comme ça, je passe 6 mois de-
hors mais ça a été pas mal du tout parce que ça m’a avancé pour apprendre la langue française.
Un jour, c’était très froid, j’ai été gare de l’est, je rentre dans la gare pour chaleur à côté chauf-
fage ensuite je trouve un monsieur à côté de moi avec son bagage et je pensais je pouvais po-
ser quelques questions pour apprendre la langue. Je lui dis bonjour mais lui tout de suite me
dit désolé je n’ai pas d’argent ; cette phrase m’a fait très mal .je lui dis désolé je n’ai pas be-
soin d’argent mais j’ai besoin quelque chose plus important que l’argent c’est la langue des fran-
çais mais maintenant je suis très content parce que j’apprends la langue, j’ai logement, je travaille.
Tout va bien !
Naziri
9. Un jour du mois de ramadan, alors que j’avais très
faim et très soif et que j’étais en train de cuisiner
pour le soir, j’ai entendu mon camarade de chambre
gémir. Il avait mal à la tête et se tordait de douleur.
Je l’ai tout de suite accompagné aux urgences de l’hô-
pital le plus proche.
A l’accueil, il y avait une dame très désagréable et de
mauvaise humeur.
Elle a dit : qu’est-ce que vous voulez ?
J’ai répondu : mon ami est malade.
Elle a dit : est-ce qu’il a une pièce d’identité ?
J’ai répondu : non, il l’a oubliée à la maison.
Je lui ai donné la carte vitale de mon ami.
Elle nous a donné un formulaire à rem-
plir. Je lui ai dit que nous ne pouvions pas le
remplir correctement, cela prendrait beau-
coup de temps. Elle a dit que c’était nécessaire.
Nous avons, tant bien que mal rempli le formulaire et
elle nous a dit d’aller attendre dans la salle d’attente.
Nous avons attendu un long moment et pen-
dant ce temps je voyais beaucoup de gens qui
étaient arrivés après nous passer voir le docteur.
J’ai été retrouver la dame à l’accueil et je lui ai de-
mandé la raison.
Elle m’a dit : il faut attendre votre tour.
Je lui ai dit : comment ça, notre tour ? Tous ceux qui
étaient arrivés après nous sont déjà passés. Mon ami
hurle de douleur, il n’en peut plus et il attend toujours.
J’ai aussi parlé à d’autres personnes au comp-
toir mais personne ne voulait me répondre. Nous
avons décidé de rentrer. Nous nous dirigions vers
la porte de sortie quand un vigil est venu vers
moi pour savoir ce qui se passait. Je lui ai dit que
personne aux urgences ne respectait notre tour
malgré les hurlements de douleur de mon ami.
Il nous a dit : venez avec moi je vous accompagne
directement chez le docteur.
Mon ami a pu voir le docteur grâce au vi-
gil. Il est resté quelques heures sous surveil-
lance et nous sommes rentrés vers 2h du matin.
Cette nuit restera un de mes pires souvenirs.
Ramine
Aux urgences
10. Des chemins que nous NE choisissons pas…
Le 31 décembre 2018… Je me trouve à Paris, une
capitale mondiale de la mode et de la cuisine. Je suis
assise dans un fauteuil près de la fenêtre en regar-
dant (les rames )des trains du métro qui sortent et
disparaissent sous sol comme des grosses chenilles.
Je regarde également des voitures, des gens qui
traversent la rue… Mon regard tombe sur la Seine.
Elle coule placidement et je suis hypnotisée par une
ride de courant…
Soudainement il m’est apparu un mot : un che-
min… Tout bouge, tout est en son chemin. Moi
aussi…
Le 11 décembre 1994… Le jour (où)quand mon long
chemin (a)est commencé. Ma mère a demandé mon
cousin de venir me chercher(pour me cacher) et ca-
sher dans le village car la guerre était déjà à la porte.
C’était la première fois dans ma vie que (je quittais)
j’ai quitté la maison. Elle m’a promis de nous suivre
mais (ce n’est pas ce qui s’est passé)ce n’était pas le
cas. Je l’ai perdue pendant 4 mois. (quatre longs
mois)Long 4 mois ne sachant pas si elle était en
vie … Je me souviens d’avoir pensé dans la voiture
: « A partir de maintenant ma vie sera comme un
long chemin…(où arriverai-je ?) Où j’arriverai? »
Nous sommes revenus en mars 1995. Heureusement
ma mère (avait) a survécu. Nous avons commencé
une nouvelle vie sur les ruines. Il n’y avait pas d’élec-
tricité, pas de gaz, pas d’eau dans les tuyaux. Mais
nous avions l’espoir dans nos cœurs que ce cauche-
mar était fini et je me rappelle clairement le senti-
ment aigu d’amour pour cette ville démolie et rasée.
C’étaitencoremaville,mais(il)onnerestaitpasbeau-
coup de temps avant des changements néfastes…
(Grozny, ma ville natale démolie
et rasée, 12.04.1997. Au loin, on
peut voir des montagnes
qui avant étaient cachées derrière
des bâtiments)
(Paris. Le métro, des
voitures, la Seine.)
11. Le septembre 1999 et la deuxième guerre… Après
3 ans de ce que l’on appelait « la paix » je de-
vais quitter ma ville pour la énième fois. Et c’est
là (que)où j’ai perdu ma maison et d’où mon che-
min(tortueux) tortu me mène jusqu’à aujourd’hui.
Retourner dans un endroit changé entièrement est
différent de retourner dans un environnement fami-
lier. Néanmoins, peu à peu la ville est reconstruite.
Mais la plupart des gens que je connaissais sont res-
tés dans le passé, (soit en fuite, soit morts)soit fuis
soit morts. Et oui, la canonnade. On nous disait que
la guerre était finie mais le bruit d’obus d’artillerie re-
commençait chaque nuit jusqu’à l’aube. Sans même
parler d’opérations de nettoyage. Je pensais que mon
chemin (finirait)était fini là. Si quelqu’un me disait
quejeme(trouverai)trouveraisàParisaprèsquelques
années, j’aurais répondu que c’était une ineptie.
La vie est changée en 2010. Ce n’était pas Paris, c’était
la Belgique. A mon étonnement je me suis sentie là-
bas comme à la maison et toute ma vie passée me
semblaitcommeunrêvehorrible.Jeracontecelamais
je comprends que des mots ne peuvent pas trans-
mettre tous les sentiments évoqués dans mon âme
à cette époque-là. C’était un sentiment d’une grosse
perte et d’un grand soulagement en même temps.
Pour la première fois depuis 1994 je me suis sentie
en sécurité… Mais mon chemin a fait encore son vi-
rage. La Belgique ne m’acceptait pas et j’étais expul-
sée impitoyablement dans l’enfer d’où j’ai fui avant.
(Anvers, la ville où j’habitais en Belgique, 21.08.2010)
En2015moncheminm’aconduitàParis.C’estlaville
connue pour sa diversité, son chic et pour ce que je
cherchais ici: une tolérance. Il y a 3 ans(que) je suis
là. Ma situation est encore instable. Mon avenir est
encoreflou.Maisjecomprendsquetousceschemins
précédents qu’en fait je ne choisissais pas, ils n’étaient
pas en vain. C’est la vie. Parfois on suit le chemin
même si on ne veut pas. On dirait que c’est un destin.
Et en ce moment précis je me demande comme 24
ans avant : (« où arriverai-je ?)) « Où j’arriverai ? »…
Nous sommes le 31 décembre 2018. Il est 23h36.
Le nouvel an est à la porte. J’espère qu’il m’appor-
tera le bonheur. Que mon chemin me mène fina-
lement à la nouvelle vie en sécurité, tranquillité
et en dignité ici et à la nouvelle maison au lieu de
celle que je perdais 19 ans avant en Tchétchénie.
Bonne année !
Malika
12. La vie est belle
Comme vous le savez, en Afghanistan se dé-
roule une guerre interminable. Beaucoup de ci-
toyens Afghans ont quitté le pays pour migrer
vers d’autres. Cette longue guerre qui semble éter-
nelle m’ a poussé à quitter mon pays. Moi aussi.
J’ai toujours connu la guerre. Je suis né et j’ai gran-
di avec. C’était comme une habitude. Jusqu’au jour
où elle est arrivée devant chez moi. Je savais qu’il y
avait une guerre ailleurs dans le pays, mais je n’aurai
jamais imaginé qu’elle me touche. A ce moment-là,
je faisais partie de ceux que la guerre avait rattrapé.
C’est pourquoi j’ai décidé de tout quitter et de partir.
J’ai d’abord habité en Angleterre où j’ai appris à
connaître l’Europe. Quand je suis arrivé en France,
je ne parlais pas un seul mot de cette langue.
Malheureusement, je trouve que les français ne
parlent pas bien anglais. Et même avec un bon an-
glais, il était très difficile de se faire comprendre
et de dialoguer avec eux. Personne ne me parlait.
Ce fût une période très difficile pour moi. Je réflé-
chissais tout le temps. Notamment une question me
revenait souvent en tête : « Est-ce que les français
ont un problème avec l’anglais ? Ou peut-être re-
fusent-ils de parler une autre langue… » J’en ai en-
suite déduis que ce n’était pas une bonne chose car
les nouveaux réfugiés penseraient que les français
sont racistes et vont se mettre à détester la France
et les Français. Cette expérience m’a tellement
marqué qu’aujourd’hui, si quelqu’un dans la rue
me demande de parler anglais, je ne refuse jamais.
Je le sais, un jour, demain peut-être, je serais citoyen
français.
Malgré cette pensée, je me sentais triste et mal-
heureux. Voilà qu’après avoir quitté l’Afghanis-
tan étant plus jeune, j’ai du quitter l’Angleterre. Et
chaque Adieu est une déchirure. Il faut se recons-
truire. A chaque fois.
Je me disais à moi même : La seule chose que
je pouvais voir qui était la même que dans mon
pays était la lune. Mais comme moi, la lune a
beaucoup de rendez-vous car elle est cachée dans
les nuages et je ne peux pas la voir tous les soirs.
Les choses en France sont bien différentes de
l’Afghanistan. Seule une chose reste la même : la
couleur du ciel bleue et la lune y est identique dans
le ciel.
Je parle à la lune grâce à qui je peux souvent, la nuit,
voir mes cousins. Elle remplit quelquefois mon be-
soin de vivre en communauté, près des siens. Tu es
comme moi Lune. Tu as beaucoup de rendez-vous,
tu dois être présente partout. J’ai besoin de toi mais
tu es souvent cachée dans les nuages.
Après cette expérience en Angleterre et un long
voyage, je connaissais déjà l’Europe. Je savais
bien qu’ici tout n’était pas facile et automatique…
Pour avoir une vie normale et trouver du travail
j’avais absolument besoin d’apprendre à parler fran-
çais. Les associations avec le titre « Apprentissage
de langue française » s’installaient comme des
boutiques dans Paris. C’était comme un business.
Chaque association avait ses propres règles et mé-
thodes. Malheureusement je ne pouvais m’inscrire
dans aucune d’elles car je n’avais pas encore mon ré-
cépissé.Lapréfecturemel’arefusécarj’étaisDUBLIN.
On me refusait continuellement l’accès, alors que
je souhaitais profondément apprendre le français.
C’est comme quand quelqu’un a faim et qu’il va de-
mander aux différents magasins mais tout le monde
refuse pour finalement le laisser mourir de faim.
Voilà pourquoi les gens préfèrent rester
13. à Calais car ils savent que c’est très difficile en France.
Peu importe, je voulais à tout prix apprendre le fran-
çais. Coûte que coûte. Et j’ai finalement trouvé F.L.A.
avec qui j’ai pu m’inscrire sans le besoin de récépissé.
Ils m’ont accepté pour étudier le français avec eux.
Le problème est que j’avais besoin de tickets de
métro pour aller aux cours mais que je n’avais
pas d’argent. Alors j’étais obligé de frauder. Je
passais derrière ceux qui avaient l’air gentils.
Je me sentais honteux avec tous ces yeux qui me
regardaient d’un air suspicieux. Personne ne com-
prenait ma situation : réfugié, sans argent, sans
pass Navigo et ne parlant même pas le français.
Un jour, alors que je me rendais au cours de français
de FLA, j’ai vu un homme. Il était grand, avait une
barbe sale, rouge et des vêtements déchirés. Il criait
: « S’il vous plaît donnez-moi un ticket restaurant ou
1€ pour manger. Je suis à la rue depuis longtemps… ».
J’ai eu de nombreux problèmes dans ma vie, c’est
pourquoi ce genre de situation me touche beau-
coup. Mais la plupart des gens le regardaient d’une
façon normale, sans compassion. Comme si c’était
habituel. Tous étaient en train de lire et personne
ne levait la tête, serait-ce même pour le regarder.
Il me semble que lorsque les personnes ai-
ment lire, c’est parce qu’elle ont envie d’en ap-
prendre d’avantage sur l’humain. Mais alors
qu’une personne en face d’eux est en danger
et supplie à l’aide, personne ne lève les yeux.
Je me suis alors dis : « Qu’est ce qu’ils peuvent
bien lire qui puisse leur apprendre plus sur l’hu-
main que cet homme qui se tient face à eux ? »
A cause de la guerre en Afghanistan, je n’ai pas pu
finir mes études. Cela m’a rendu triste sur le mo-
ment. Mais j’ai réalisé ce jour là que ce n’était pas si
grave car j’étais la seule personne du wagon à pou-
voir comprendre cet homme. Si j’avais pu termi-
né mes études, j’aurais sans doute fait partie de ces
personnes qui lisent, dans un autre monde et qui
ne prêtent pas la moindre attention à ce monsieur.
Alors que je vois toutes ces personnes, qui
sont assises et qui dorment dehors sur un sol
mouillé, froid, je réalise que les passants ne
s’arrêtent pas. Ils ne les voient même plus.
Tout le monde connaît Paris pour sa Tour Eiffel, son
beau musée du Louvre, la cathédrale Notre-Dame
ou sa fameuse avenue des Champs-Élysées. Mais
personne ne connaît cette face cachée de la capi-
tale, celle qui dort dehors par milliers. Toute l’année.
Je pense souvent à eux.
J’ai passé un peu plus d’un an en tant qu’étudiant chez
F.L.A. Un beau jour, grâce à Christophe, j’ai pu en-
voyer un CV aux Enfants du Canal et ils m’ont offert
un emploi. J’ai dit oui. Ils ont envoyé mon CV. Les
enfants du canal m’ont embauché.
Aujourd’hui je suis salarié. Je pensais en commençant
que les EDC s’occupaient des réfugiés. Mais quand j’ai
commencé mon travail, j’ai rencontré ces personnes
que je voyais tous les jours dans la rue. Leur condi-
tion m’a profondément touché, les expériences sont
douloureuses. Beaucoup étaient malades et avaient
besoin d’aide. Ils parlaient de vraies choses.
Les personnes avec leurs livres, eux, parlent beau-
coup de politique. Je leur racontais que je ne connais-
sais pas beaucoup la politique, à part Marine Le Pen
en France. Je me dis qu’il serait possible, qu’un jour,
ces personnes chics pourraient aussi être dans la rue,
et leur livre serait posé à côté d’eux…
A gauche comme à droite, j’aimerais réellement trou-
ver quelqu’un qui influence nos pensées, notre men-
talité et notre regard sur les choses. Je voudrais enfin
quelqu’un qui pense enfin à toutes ces personnes vi-
vant dans la rue. Et que ça n’existe plus.
La vie est trop belle pour être gâchée par la rue.
Musa
14. Le SIGA-SIGA - la boutique sans argent -
En surfant sur Internet à la recherche de quelque chose d’utile et de gratuit, j’ai trouvé un endroit qui me
semble très intéressant : c’est une boutique où tous les biens sont... gratuits !
J’ai décidé d’aller voir comment cela marche.
Le magasin est caché derrière une porte qui n’attire pas l’attention. Seulement un petit tableau noir avec
les horaires écrits à la craie et une petite affiche.
Selon le tableau, nous pouvons visiter ce coin gratuit tous les jours de 14 H jusqu’au soir, sauf le lundi et
le dimanche. Pourquoi pas le lundi ? Ce jour est réservé aux ateliers gratuits de partage de compétences.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Des bénévoles viennent pour transmettre leur savoir à des gens qui veulent maîtriser une technique ou
fabriquer quelque chose. Par exemple, tricoter, coudre, ou même chanter en langue des signes ! N’est-ce
pas insolite ?
Pour les objets, ayant moi-même apporté un truc, j’ai posé quelques questions pour avoir des détails.
Le principe est simple : vous venez pour trouver votre bonheur et cela sans dépenser un centime. Vous
vous débarrassez des objets que vous n’utilisez plus mais qui pourraient avoir une seconde vie. Vête-
ments, vaisselle, petit électro-ménager, jouets, accessoires, livres, etc. Il faut juste qu’ils soient propres,
en bon état et transportables à la main. Vous pouvez apporter quelque chose sans rien récupérer ou ré-
cupérer sans rien apporter. Juste un petit détail : on ne peut prendre que cinq objets pas personne. Vous
pouvez aussi utiliser les livres comme dans une bibliothèque : vous empruntez, vous lisez, vous rendez.
Si vous avez des enfants, vous trouverez des jouets dans des boites à côté des livres.
J’ai vu aussi beaucoup de vêtements. Grâce à l’association « Utopia 56 »qui travaille en partenariat avec
SIGA-SIGA, la boutique est devenue un point de collecte de vêtements pour les réfugiés.
Enfin, vous pouvez boire un thé ou un café et passer un moment convivial. Le prix du café ou du thé est
libre, vous donnez ce que vous voulez.
Venez découvrir ce coin accueillant des petits trésors où on échange tout, même les idées et les connais-
sances.
Site : www.laboutiquesansargent.org
Adresse : 2, rue Edouard Robert – 75012 PARIS
TEL. : 09 53 42 23 66
Ouvert : mardi, mercredi, vendredi, de 14h à 18h
jeudi de 14h à 21h
samedi de 11h à 17h30 (fermé les premiers samedis de chaque mois)
Malika