Médiathèque A.Malraux (Béziers)
6 avril 2016
2. Notions / concepts / prise de vue :
« Connais-toi toi-même » : Ce qu’en pensent au fil du temps
quelques grands philosophes
3. Questions / Discussion : Deux questions préalables.
4. En guise de conclusion
1. Etymologie / Définitions :''Soi-même'' et ''Connaître''
Soi et connaître : Etymologie et définitions
Etymologie :
Soi pronom personnel réfléchi et pronom substantivé vient du latin se, moi sujet.
Même superlatif du latin metipse, en personne, marque une insistance sur le mot qui précède.
Connaître vient du latin cognoscere, apprendre, savoir.
Définitions :
Larousse sur internet (extrait)
Soi : Forme accentuée de Se (moi), peut être renforcé par même, seul : Que chacun
travaille pour soi. Il faut tout faire par soi-même.
Connaître : Avoir appris comment quelqu'un, un animal, un groupe vivent, se comportent.
Pouvoir prévoir leurs réactions, leurs sentiments…: Apprendre à connaître les animaux..
Dictionnaire de philosophie Godin (extrait)
Soi : La dimension ou partie inconsciente de l’être humain par opposition au Moi conscient.
Connaître : Faculté mentale produisant une assimilation par l’esprit d’un contenu objectif
préalablement traduit en signe et en idées. Kant distingue le savoir et le connaître qui est le
savoir avec conscience : les petits enfants et les animaux savent les objets mais ne les
connaissent pas.
Notions / Concepts / Prise de vue
« Connais-toi toi-même »
Ce qu’en pensent au fil du temps quelques grands philosophes
1. Les sept sages auteurs de l’inscription sur le temple de Delphes (v 600 av JC) :
« Rien de trop » et « Prudence en toute chose » : proposés respectivement par Solon
et Périandre de Corinthe apportent la preuve qu’il serait une erreur de prendre la formule
« connais-toi toi-même » au sens purement psychologique.
En effet, les sept sages ne redoutent rien tant que la démesure qui peut précipiter l’Homme
dans le malheur (rêves de puissance, volonté d’égaler les dieux, ambition de tout savoir..)
Loin de l’exploration complaisante et narcissique de son intériorité, c’est à la
conscience de nos limites que les sept sages nous invitent.
2. Socrate (470-399 av JC) :
Que vaut la compétence d’un savant ou d’un tribun politique s’ils visent moins la justice que
la gloire ?
Je sais que je ne sais rien, c’est ainsi que Socrate affirme qu’il est plus savant que ceux qui
croient savoir.
Pour Socrate, la connaissance de soi est à la fois :
o Une méfiance à l’égard de la vérité du savoir
o Et une injonction à examiner les fondements moraux de nos actions.
3. Platon (428-348 av JC) :
La connaissance de soi n’est pas la conquête infinie du magma des désirs, mais la sculpture
d’une âme qui donne accès à la vérité.
Pour Platon la connaissance de soi vise à accéder à la vérité de l’essence des
choses par la raison afin de pouvoir se mettre au service d’autrui.
« Connais-toi toi-même »
ce qu’en pensent au fil du temps quelques philosophes (suite)
4. Montaigne (1533-1592) :
Même si s’étudier soi-même est une saine démarche, comment pourrait-on parvenir à
dresser un portrait de soi débarrassé de toute illusion et complaisance ?
Plus prudent encore que Socrate concernant la certitude de nos savoirs, c’est sur
la modestie et l’indulgence que la connaissance de soi débouche chez Montaigne.
5. Nietzsche (1844-1900) :
Ne croyant pas plus à la certitude des connaissances qu’à celle des valeurs morales, ce n’est
pas dans l’introspection qu’il faut s’engager mais dans l’épreuve du monde en toute chose.
Danser sur les crêtes de la description du monde, telle est la meilleure façon pour
Nietzsche de se connaître soi-même sans s’égarer dans la caverne mentale.
6. Freud (1856-1939) :
Se connaître soi-même ne peut se faire seul, car le patient a besoin du psychanalyste pour
le guider dans sa propre transformation intérieure.
Pour Freud, la connaissance de soi n’est réelle qu’à condition d’un changement
profond par l’investigation de ce que notre conscience à tendance à refouler.
7. Sartre (1905-1980) :
« Connaître, c’est s’éclater vers, s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer là-bas,
par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi. »
Croire en l’existence d’un soi profond et inaliénable, c’est renoncer à la fondamentale
liberté.
Pour Sartre, il faut renoncer à l’introspection pour se connaître et se jeter hors de
soi dans le monde et au milieu des autres.
Peut-on se connaître soi-même ou ne le pouvons-nous qu’au travers d’autrui ?
Trois questions dont deux préalables :
1. Le Moi n’est-il pas un grand mystère ?
2. Le Moi n’est-il pas que ce qu’il devient ?
3. Se connaître soi-même, est-ce bien nécessaire ?
1. Le moi n’est-il pas un grand mystère ?
Je, Moi et Soi se confondent-ils ?
Qui suis-je ? Comment puis-je me connaître et décliner ma propre identité ?
1. Le moi n’est-il pas un grand mystère ?
Hormis son identité sociale objective, le Moi n’est-il pas l’histoire
éminemment subjective qu’il se raconte sur lui-même ?
N’avons-nous pas conscience d’être sans connaître vraiment ce que nous sommes ?
Serait-ce que l’existence, parce qu’elle est un acte qui s’accomplit dans
la temporalité, fuit devant la pensée qui voudrait la déterminer ?
2. Qui suis-je ? Comment puis-je me connaître et décliner ma propre identité ?
N’existe-t-il pas 2 réponses à cette question :
La première consistant à dire ce que je suis (mon nom, mon sexe, ma nationalité, mon métier
etc.) : à donner mon identité sociale et mondaine, ce qui laisse peu de place à la subjectivité ?
La seconde consistant à mettre en avant la dimension psychologique, affective et réflexive de
soi en explicitant le sentiment fragile, éphémère et éminemment subjectif que l’on a de sa
propre histoire ?
1. Je, Moi et Soi se confondent-ils ?
Le Je n’est-il pas sujet en tant que tel, alors que le Moi ne le serait qu’en tant qu’objet ?
Le Soi n’est-il pas le Moi considéré dans son objectivité ?
De même qu’on n’a pas à se savoir lisant, comment pourrait-on savoir ce qu’on est quand on fait ?
Pour la plupart des philosophes à l’exception de Fichte, notamment depuis Kant et Freud,
Etre (Je ou Soi) et Moi ne se confondent pas :
Pour Kant La conscience de soi n’est pas la connaissance de soi.
Chez Freud, le Moi est une édification permanente entre le ça
(l’énergie psychique / la libido) et le surmoi (évitement des débordements impulsifs du ça)
Le Moi n’est-il pas un grand mystère qui n’existerait que pour autant qu’il se raconte ?
Le Moi n’est-il pas qu’un agrégat impermanent ? Pas une substance mais une histoire ?
Moi
ça Surmoi
2. Le Moi n’est-il pas que ce qu’il devient ?
Le Moi n’est il pas l’unique moyen dont nous disposions pour modifier le cours des choses ?
Le Moi n’est-il pas essentiellement la sculpture que le Soi parvient à réaliser ?
2. Le Moi n’est-il pas que ce qu’il devient ?
Penser sa vie et surtout vivre sa pensée en effectuant sans cesse des mouvements d’aller et
retour de l’un à l’autre, n’est-il pas le plus sûr moyen de se construire de façon féconde ?
Lire, méditer, comprendre, faire son examen de conscience (pour ne pas renouveler ses erreurs),
autrement dit, penser sa vie n’est-il l’unique moyen dont nous disposons pour nous construire ?
2. Le Moi n’est-il pas essentiellement la sculpture que le Soi parvient à réaliser ?
Bien avant l’existentialisme et Sartre (notre liberté engage notre entière responsabilité), dans le
lignage de la philosophie antique, le Moi n’est-il pas ce que le Soi parvient volontairement à faire de
lui en se mettant à l’écoute d’un corpus de sagesse occidental vieux de 3000 ans :
L’épicurisme avec son art de jouir avec modération ?
Le stoïcisme avec son art de vouloir et d’agir sur ce qui dépend de soi et d’acceptation de ce
qui n’en dépend pas ?
Le cynisme avec son art d’être lucide en s’efforçant de ne pas confondre ce qui ressortit à
l’ordre des valeurs (ce qui doit être) et à l’ordre de la vérité (ce qui est) ?
Si le Moi est infiniment responsable devant autrui, comment pourrait-il ne pas l’être, face à lui-même ?
1. Le Moi n’est il l’unique moyen dont nous disposions pour modifier le cours des choses ?
Si l’on estime que les sentiments sont l’expression en tant que Présence à soi et Epreuve de soi
des forces inconscientes de l’Etre, le Moi conscient n’est il pas l’unique moyen dont nous
disposions pour assumer la responsabilité de notre Etre ?
Ainsi, en généralisant, ne peut-on pas dire :
Avec Nietzsche « Le moi est une pluralité de forces quasi personnifiées, dont tantôt
l'une, tantôt l'autre se situe à l'avant-scène et prend l'aspect du moi » ?
Avec Sartre comme avec Levinas « Le moi, devant autrui, est infiniment responsable » ?
3. Se connaître soi-même, est-ce bien nécessaire ?
A quoi bon vouloir se connaître, si on ne le peut pas ?
Si ce n’est pour mieux se connaître, à quoi peut servir la psychanalyse ?
3. Se connaître soi-même, est-ce bien nécessaire ?
S’il est uniquement la quête d’un Moi absolument singulier conquis au prix de l’arrachement au
monde et à autrui, le connais-toi toi-même n’est-il pas plus une pathologie qu’une thérapie ?
A l’opposé d’une recherche narcissique, la psychanalyse ne consisterait-elle pas à prendre
de la distance par rapport à Soi ? A en assumer la fragilité cause de nos souffrances ?
2. Si ce n’est pour mieux se connaître, à quoi peut servir la psychanalyse ?
Si nous sommes toujours confrontés à une identité vacillante, au contraire de la sculpture de Soi,
la psychanalyse, ne nous permettrait-elle pas d’en assumer la fragilité ?
Comme dit Jean-Bertrand Pontalis (philosophe et psychanalyste) la psychanalyse ne consisterait-
elle pas à se séparer d’avec soi, sans s’effondrer dans un chaos où tout serait confondu ?
En ce sens, la psychanalyse, tout comme l’écriture, les voyages où les rêves ne nous permettraient
-ils pas de nous réconcilier avec l’infans qui vit en nous (bien avant nos mots et nos concepts) et
nourrit toujours nos désirs, s’interroge Jean-Bertrand Pontalis ?
Si ce n’est pour identifier ses propres limites, vouloir se connaître ne procèderait-il pas d’une
volonté narcissique qui consisterait à se raconter une histoire de soi quelque peu illusoire ?
1. A quoi bon vouloir se connaître, si on ne le peut pas ?
« On ne peut se mettre à la fenêtre pour se regarder passer » disait Auguste Comte.
« Le Moi est une pluralité de forces quasi personnifiées, dont tantôt l'une, tantôt l'autre se
situe à l'avant-scène et prend l'aspect du moi » dit Nietzsche.
Si comme le pense Freud, le Moi est en perpétuelle édification entre le ça (l’énergie/la
pulsion) et le Surmoi, et l’inconscient inconnaissable, comment pourrions nous le connaître ?
Pourquoi serait-il nécessaire de se connaître pour savoir ce qui est bon pour soi et orienter sa
vie ?
A s’obséder de Soi, n’en vient-on pas à
manquer son prochain, l’inconnu, la liberté ?
Que l’on se tourne vers l’extérieur par l’action
ou vers l’intérieur par la psychanalyse,
ne faut-il pas s’excentrer pour mieux se trouver ?
Prochaines réunions
Informations et documents sont disponibles sur :
http://www.cafe-philo.eu/
MAM Béziers de 18h30 à 20h :
• "La science est-elle morale ? mercredi 19 octobre
MDS Agde de 18h30 à 20h :
• "Sensualité" : mardi 12 avril
• "Néant" : mardi 3 mai
• "Art" : mardi 14 juin
• "Connaissance" : mardi 11 octobre