Justice, pardon et réconciliation. — 03. Pardon et reconciliation entre groupes humains
1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série 2 - Justice, pardon et réconciliation
3 - Pardon et réconciliation
entre groupes humains
Étienne Godinot 24.05.2023
2. La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire - Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6 - La mémoire des crimes du communisme
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
3. Exemples de pardon et de réconciliation
entre groupes humains
Réconciliation interreligieuse au Nigéria
The Forgiveness Project
Anciens combattants d’Algérie contre la guerre
Réconciliation entre Albanais au Kosovo
Réconciliation en Nouvelle Calédonie
Réconciliation entre Noirs et Blancs en Afrique du Sud
Rabbins et imams pour la paix
Réconciliation entre Israéliens et Palestiniens
Reconnaissance de la responsabilité de l’Allemagne dans le génocide de Namibie (1904-1908)
Reconnaissance de la responsabilité de la France dans le génocide du Rwanda (1994)
Reconnaissance de la responsabilité de la France envers les harkis
4. Réconciliation interreligieuse
au Nigéria
En mai 1992, pour un différend foncier, des émeutes éclatent entre
chrétiens et musulmans de Zango-Kataf, au Nigéria. Le pasteur James
Wuye perd sa main droite. L’imam Muhammad Ashafa voit mourir deux
cousins et son père spirituel. Chacun nourrit une obsession : se venger.
« Pendant des mois, j’ai cherché James partout, se souvient M. Ashafa,
je voulais le tuer. »
Trois ans après, ils sont présentés l’un à l’autre par une connais-
sance commune. Ils se parlent. Chacun entame alors une révolution
intérieure. À la haine succède petit à petit la tolérance, puis la complicité.
Les deux amis mènent aujourd’hui un autre combat : désamorcer les
violences entre Chrétiens et Musulmans qui embrasent régulièrement le
nord du Nigéria.
Le 6 novembre 2009 à Paris, ils ont reçu le prix de la Fondation Chirac pour
la prévention des conflits.
5. The Forgiveness Project
Cette association britannique (‘Le projet Pardon’) fondée
par la journaliste Marina Cantacuzino rassemble et publie des
témoignages d’auteurs de crimes qui ont demandé pardon, et
de victimes qui ont pardonné. Son but est d’inviter les gens à
envisager des alternatives à la vengeance, à la haine et à la
violence.
L’association réalise un programme de justice réparatrice
en milieu carcéral, sensibilise les jeunes dans les écoles à la
résolution non-violente des conflits, fait circuler une exposition
de panneaux présentant des témoignages, organise des
évènements et des programmes de formation.
Photo du haut : Marina Cantacuzino
6. Anciens combattants d’Algérie
contre la guerre
En janvier 2004, quatre paysans du Tarn et de l’Aveyron,
anciens appelés en Algérie, à l’heure de toucher leur retraite du
combattant, décident de refuser cet argent pour eux-mêmes et de
le reverser pour des actions de paix.
Ils créent l’Association des Anciens Appelés en Algérie et
leurs Ami(e)s contre la Guerre (4ACG).
Ils déclarent : « À cette époque, nous n’avons rien dit. Nous
n’avons pas eu le courage de hurler notre désaccord au monde.
(…) Ce que nous avons vu et vécu en Algérie, l’inutilité de ce
conflit, la conscience de l’horreur de la guerre, le désir de
transmettre cette mémoire aux jeunes générations nous poussent
à cette démarche”.
../..
7. Anciens combattants d’Algérie contre la guerre
Aujourd’hui, ils sont près de 300 qui financent des actions en Algérie (Tazla,
Mostaganem, Boumerdès, Tizi-Ouzou, Constantine), en Palestine (Gaza, Hébron,
vallée du Jourdain, Kalandia), au Maroc : projets de développement agricole
écologique, d’aide à des microentreprises, d’éducation et formation portés et suivis
par les bénéficiaires eux-mêmes.
Au delà de ces actions concrètes, 4ACG s’est donné pour but de promouvoir
- la paix et la réconciliation entre les peuples algérien et français
- et la résolution non-violente des conflits.
8. Réconciliation entre Albanais au Kosovo
Quand les Albanais du Kosovo ont conquis leur liberté, ils
ont su désobéir à une loi ancestrale, le Kanun, qui dictait l’esprit
de vengeance, taraudait les esprits et faisait de nombreuses
victimes.
Anton Cetta, ethnologue kosovar, sera l’animateur d’un
processus de réconciliation entre les familles et les clans. La
première phase consiste à discuter séparément avec les deux
familles en conflit. La réconciliation officielle, deuxième phase, se
fait devant témoins.
Le 1er mai 1990, 500 000 Albanais* se réunissent dans un
lieu qui sera appelé pour cette raison « la vallée de la
réconciliation », près de Deçani. ../..
* provenant du Kosovo, de Macédoine, du Monténégro
et de la Serbie du Sud
9. Réconciliation entre Albanais au Kosovo
Les hommes les plus rudes pleurent de joie, ils sont enfin
libres de leurs mouvements et de leurs activités.
Cette grande réconciliation contribue à restaurer le moral et
le dynamisme des Albanais du Kosovo (9/10è des 2
millions d’habitants) opprimés par le pouvoir serbe et
victimes d’un véritable apartheid.
Elle suscite des démarches d’entraide entre des travailleurs
privés licenciés, et rend les personnes capables de
pardonner aussi aux policiers auteurs d’exactions.
Elle leur donne enfin le dynamisme pour participer aux
organisations parallèles dans le domaine de l’école, de la
santé, de l’aide sociale.
Photo : Anton Cetta et Ibrahim Rugova
10. Réconciliation entre Kanaks
en Nouvelle Calédonie
En mai 1989, le Kanak Djubelli Wéa tue à bout portant le
président du parti indépendantiste kanak FLNKS Jean-Marie Djibaou
et son vice-président Yiewéné Yiewéné, avant d’être abattu à son tour
par Daniel Fisdiépas, policier kanak.
Deux ans après le drame, Manaki Wéa, la veuve de Djubelli,
exprime son désir d’entrer dans le pardon et la réconciliation. Les
femmes acceptent la réconciliation, à condition que tous leurs enfants
acceptent la démarche. Les pasteurs et les prêtres organisent des
rencontres entre les uns et les autres.
300 personnes d’une tribu prennent le bateau et l’avion pour aller
à la rencontre de l’autre tribu, qui les accueille et fait la cuisine pour
600 personnes. ../..
Photo du bas : le drapeau kanak
11. Réconciliation entre Kanaks en Nouvelle Calédonie
Au bout de 14 ans, avec le temps et les rencontres,
les cérémonies coutumières, les cadeaux, les paroles de
pardon, les blessures se referment.
En juin 2005 sur le plateau du Larzac, les veuves des
deux leaders assassinés et plusieurs de leurs enfants, la
veuve de l’assassin, et le policier qui a tué l’assassin, venus
ensemble en amis de Nouvelle-Calédonie, témoignent de
cette réconciliation.
Photo : La caselle de Kanaky du Larzac
12. Réconciliation entre Noirs et Blancs
en Afrique du Sud
La Commission Vérité et réconciliation, créée en 1993 et
présidée par l’archevêque Desmond Tutu, a été chargée de
recenser toutes les violations des droits de l'homme commises
pendant la période de l’apartheid, depuis le massacre de
Sharpeville en 1960, afin de permettre une réconciliation
nationale entre les victimes et les auteurs d'exactions.
Prônant la réconciliation nationale, Nelson Mandela
rencontre la veuve d'Hendrik Verwoerd, architecte de
l’apartheid. Il invite au thé le magistrat blanc qui l’a condamné à
la prison.
Il encourage les Sud-Africains noirs à soutenir l'équipe de
rugby des Springboks lors de la coupe du monde de rugby
1995 qui a lieu dans le pays. ../..
Photos : - Desmond Tutu
- Le film Invictus (2009)
13. Réconciliation entre Noirs et Blancs
en Afrique du Sud
L’amnistie des requérants était soumise à deux conditions : ne rien
omettre de leurs crimes et délits dans leur déposition ; avoir agi sur ordre
de leur hiérarchie tout en croyant servir un "objectif politique" (une
prétendue défense de la race blanche, par exemple).
La commission sud-africaine ne jugeait pas, elle amnistiait
(ou non) des actes, mais pas des individus, avec d’ailleurs une
relative parcimonie : sur 7 116 demandes d’amnistie, 1 312 ont
été accordées, et 5 143 rejetées.
L'édifice reposait sur un trépied : vérité (aveu des crimes),
réconciliation (amnistie) et réparation (indemnisation par l'État
des torts causés). Cette troisième dimension est, hélas, restée
lettre morte, fragilisant ainsi l'ensemble. Il n'empêche que l'expérience
sud-africaine ouvre une voie d'un autre modèle de justice.
Photo : Nelson Mandela et Desmond Tutu
14. Rabbins et imams pour la paix
La fondation Hommes de parole, créée par Alain Michel (photo), a
pour objectif de renouer le dialogue entre les hommes et d’agir ainsi
sur les causes des conflits.
Elle met en présence ceux qui ne peuvent se rencontrer dans
les contextes traditionnels et leur donne la possibilité de se connaître,
de découvrir les points communs, les besoins communs, de
solutionner les divergences, de construire et d’agir ensemble.
- Rencontre de Caux (Suisse) en juin 2003
- Congrès de Bruxelles (Belgique) en janvier 2005
- Congrès de Séville (Espagne) en mars 2006
- Congrès de Paris (à l’UNESCO) en décembre 2008. ../..
Photos : - Alain Michel,
- Congrès de Séville
15. Rabbins et imams pour la paix
Lors du congrès de Bruxelles en janvier 2005, après
une minute de silence en mémoire des victimes du tsunami,
un cantique hébreu est suivi d’un cantique arabe. 170
imams et rabbins se donnent la main, appellent à la vérité et
à l’autocritique. Ils vont prier ensemble à la grande
mosquée, puis à la synagogue de Bruxelles.
« Nous nous battons non parce que nous sommes
Juifs, Chrétiens ou Musulmans, mais parce que nous ne le
sommes plus. »
Photo du bas : Le congrès de Bruxelles
16. Parents Circle - Families Forum
entre Palestiniens et Israéliens
En juillet 1994, Arik Frankenthal, 19 ans, jeune appelé dans
l’armée israélienne, est capturé et tué par le Hamas. Son père, Yitzhak
Frankenthal, homme d’affaires florissant, comprend que la violence
palestinienne n’est que le résultat de l’occupation israélienne en
Palestine. Il liquide sa société et utilise les fonds pour créer en 1995
Parents Circle - Families Forum.
Cette association de parents endeuillés, palestiniens et israéliens,
vouée à la réconciliation entre les deux peuples, regroupe aujourd’hui
plus de 500 familles.
Les membres effectuent des séances de dialogue, donnent des
conférences, s'engagent dans des projets visant à
favoriser le dialogue et la réconciliation.
Photo : Yitzhak Frankenthal
17. Rami Elhanan et Ghazi Briegeith
R. Elhanan : Israélien, graphiste à Jérusalem. En 1997, sa fille
Smadar meurt dans un attentat-suicide causé par un kamikaze
palestinien. Prend conscience avec sa femme que cet attentat est le
résultat de l’occupation, décide de pardonner et adhère à l’association
israélo-palestinienne de familles endeuillées Parents Circle. En
septembre 2010, fait partie de l’équipage du catamaran Irene (photo) qui
dénonce le blocus maritime de Gaza.
G. Briegeith : électricien palestinien vivant à Hébron. Son frère est
tué en 2000 par une jeune soldat israélien à un poste de contrôle.
Adhère à Parents Circle. « Il n’est pas besoin de s'aimer pour construire
un pont entre les deux nations : il est besoin de respect », dit-il.
Les deux font aussi partie de l’association Forgiveness Project.
18. Reconnaissance de la responsabilité de l’Allemagne
dans le génocide de Namibie en 1904-1908
Dans ce pays africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915,
les colons et les soldats allemands ont tué des dizaines de milliers
d’Hereros et de Namas lors des massacres commis entre 1904 et 1908
par les troupes du général Lothar von Trotha, considérés par de nom-
breux historiens comme le premier génocide du 20ème siècle.
Au moins 60 000 Herero et environ 20 000 Nama perdirent la vie.
Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques
génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert, où des milliers
d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, 6 camps de concen-
tration, comme celui de Shark Island.
En 1917, Thomas O'Reilly, jeune major d'origine irlandaise, ami
des Hereros, rassemble des témoignages de première main. Blue Book
est le nom qu'on a donné au rapport officiel sur les atrocités commises
alors.
En août 2004, le ministre fédéral allemand de la Coopération
économique et du Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, participe
en Namibie à la cérémonie commémorant le massacre de plusieurs
milliers de Héréros par des soldats du Reich. ../..
19. Reconnaissance de la responsabilité de l’Allemagne
dans le génocide de Namibie en 1904-1908
En 2007, des descendants de la famille de Lothar von Trotha
viennent en Namibie, à Omararu, demander pardon aux chefs héréros
et namas.
En 2011, le musée anthropologique de l'hôpital de la Charité de
Berlin restitue 20 crânes de Héréros et de Namas à la Namibie.
Dans un communiqué le 28 mai 2021, le ministre des affaires
étrangères allemand, Heiko Maas (photo du bas), déclare : « Nous
qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils
sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide »,
« À la lumière de la responsabilité historique et morale de
l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux
descendants des victimes » pour les « atrocités » commises, poursuit
le ministre. Dans un « geste de reconnaissance des immenses
souffrances infligées aux victimes », l’Allemagne va soutenir la
« reconstruction et le développement » en Namibie par un programme
financier de 1,1 milliard d’euros.
20. Reconnaissance de la responsabilité de la France
dans le génocide du Rwanda en 1994
La question du rôle de la France avant, pendant et après le
génocide des Tutsis du Rwanda, qui selon l’ONU a fait plus de
800.000 morts entre avril et juillet 1994, a été un sujet brûlant pendant
des années, conduisant même à une rupture des relations diplomati-
ques entre Paris et Kigali entre 2006 et 2009.
En 2010, Nicolas Sarkozy, le seul président à s'être rendu à Kigali
depuis le génocide de 1994, avait déjà reconnu de «graves erreurs» et
«une forme d'aveuglement» des autorités françaises ayant eu des
conséquences «absolument dramatiques».
En mars 2021, une commission d'historiens dirigée par Vincent
Duclert remet au président Emmanuel Macron un rapport sur le rôle
de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda.
21. Reconnaissance de la responsabilité de la France
dans le génocide du Rwanda
Le rapport Duclert pointe la responsabilité politique et militaire de la
France à plusieurs niveaux :
• un aveuglement continu dans le soutien au « régime raciste, corrompu et violent » au pouvoir au
Rwanda durant cette période ; « la livraison en quantités considérables d’armes et de munitions
au régime d’Habyarimana, tout comme l’implication très grande des militaires français dans la
formation des Forces armées rwandaises. »
• une lecture ethniciste alignée sur celle du pouvoir rwandais en place, et héritée d’un schéma
colonial ;
• un isolement de la France sur le plan international ;
• au plan des institutions, un fonctionnement rendant difficile toute vision critique dans la chaine de
prise de décisions (rôle de l'État-major particulier et de la ‘cellule Afrique’ à la présidence de la
République).
Le rapport conclut aux « responsabilités lourdes et accablantes » de
la France et à l'« aveuglement » du président socialiste de l'époque,
François Mitterrand, et de son entourage dans le soutien au
régime au pouvoir au Rwanda durant cette période, mais souligne
l'absence de complicité de génocide.
Images : - François Mitterrand et Juvénal Habyarimana, président hutu du Rwanda.
- Soldats de ‘l’opération Noroit’, opération militaire exécutée à Kigali par l’armée française à partir du 4
octobre 1990, dans le cadre de la guerre civile rwandaise. Officiellement, elle visait l'évacuation des
ressortissants occidentaux.
22. Reconnaissance de la responsabilité de la France
dans le génocide du Rwanda
Cependant, souligne la commission, tout le monde ne s’est pas
fourvoyé sur le Rwanda. Dans le monde politique, Pierre Joxe, ministre
de la Défense de 1991 à 1993, a tenté d’obtenir le repli des moyens militaires
français engagés au Rwanda. Du côté des militaires, le colonel René Galinié,
attaché de défense à l’ambassade de France à Kigali de 1989 à 1991, et son
supérieur le général Jean Varret, chef de la Mission militaire de coopération (MMC)
au Rwanda de 1990 à 1993, ont alerté sur les risques de massacre qui pesaient sur
les Tutsis. Idem pour la DGSE.
Dans son discours au mémorial du génocide de Kigali le 27 mai
2021, Emmnanuel Macon déclare :
« La France a un devoir au Rwanda : celui de regarder l’histoire
en face et reconnaître la souffrance infligée au peuple rwandais. (…)
En voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre
civile, (la France) restait de fait aux côtés d'un régime génocidaire.
En ignorant les alertes des plus lucides observateurs, la France
endossait une responsabilité accablante dans un engrenage qui a
abouti au pire, alors même qu'elle cherchait précisément à l'éviter ».
23. la France reconnaît sa responsabilité
dans la tragédie des harkis
Les harkis sont ces anciens combattants - jusqu’à 200 000 hommes -
recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant le conflit qui opposa
de 1954 à 1962 les indépendantistes algériens à la France.
À la fin de la guerre, environ 42 000 harkis, accompagnés parfois de
leurs femmes et enfants, sont évacués en France par l’armée et transitent par
des camps aux conditions de vie souvent indignes. Près de 40 000 autres y
parviennent par des filières semi-clandestines ou clandestines. Au total, entre
80 000 et 90 000 personnes arrivent en France selon certaines estimations,
pour la majorité entre 1962 et 1965. Les autres, désarmés, sont livrés à leur
sort en Algérie. Considérés comme des traîtres par le nouveau régime, ils
sont victimes avec leurs familles de sanglantes représailles.
Ces dernières années, les gouvernements français qui se sont suc-
cédé ont tenté de commémorer les harkis et de reconnaître les souffrances
subies.
Au cours d’une journée d’hommage, le président Jacques Chirac
déclare en 2001 que « les massacres commis en 1962, frappant les militaires
comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours
l’empreinte de la barbarie. Ils doivent être reconnus .»
24. Reconnaissance de la responsabilité
de la France dans la tragédie des harkis
En 2005, une loi est adoptée prévoyant une allocation de reconnaissance
pour « les harkis, leurs orphelins et les rapatriés d’origine européenne ».
En 2016, le président François Hollande reconnaît solennellement les
« responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, les
massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines des
familles transférées dans les camps en France ».
En sept. 2021, le président Emmanuel Macron demande pardon aux harkis
au nom de la France et met à l’honneur « trois porteurs symboliques » de la mémoire
des harkis : Salah Abdelkrim, combattant lors de la guerre d’Algérie, le général français François
Meyer, qui avait désobéi à sa hiérarchie et organisé le rapatriement en France de 350 harkis,
Bornia Tarall, fille de harki, militante de l’égalité des chances et de la diversité.
« L’histoire des harkis est grande et douloureuse. (…) C’est l’histoire de
déchirures : déchirure de deux pays, déchirure avec vos terres natales, déchirure
entre Français. C’est la tragédie d’une fidélité bafouée plusieurs fois par les
massacres en Algérie, par l’exclusion en France, puis par le déni et le refus de
reconnaissance. Votre histoire, c’est la nôtre. (…)
Après la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses
devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants. »
25. Janvier 2022 : La France fait un geste
envers les pieds-noirs
Le 26 janvier 2022, devant des rapatriés réunis à l’Élysée, Emma-
nuel Macron, fait un geste fort envers les rapatriés d’Algérie en qualifiant
d’« impardonnable pour la République » la fusillade de la rue d’Isly, à
Alger, en mars 1962, et en estimant que le « massacre du 5 juillet 1962 »
à Oran doit être « reconnu ».
Le 26 mars 1962, des Français, civils non armés, favorables à l'Algérie
française, manifestent et sont décidés à forcer les barrages des forces de l'ordre qui
exerçaient un blocus du quartier de Bab El-Oued en état de siège et fouillaient avec
violence les habitations (saccages, morts) à la suite de la mort de 7 appelés du
contingent tués par des éléments de l'OAS au cours d'un accrochage. La foule des
manifestants est mitraillée durant une quinzaine de minutes par des tirailleurs
algériens de l'armée française. Le bilan est de 80 morts et 200 blessés.
Le massacre du 5 juillet 1962 à Oran a lieu deux jours après la reconnaissan-
ce officielle de l’indépendance. Les témoignages font état de la présence d’éléments
de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN), en violation des accords
d'Évian, de policiers et de civils algériens, commettant des exactions à l’encontre de
pieds-noirs et d'Algériens pro-français. Les forces armées françaises attendent
plusieurs heures avant de s’interposer. Les estimations du nombre de victimes du
massacre vont de 95 tués (dont 20 pieds-noirs et 75 musulmans) à près de 700
Européens morts et disparus et une centaine de musulmans morts et disparus.
26. Janvier 2022 : La France fait un geste
envers les pieds-noirs
« Votre arrivée en métropole est un soulagement, leur dit
Emmanuel Macron, car vous vous savez ici en sécurité, mais elle n’est
pas une consolation, car vous vous sentez vite incompris, méprisés
pour vos valeurs, votre langue, votre accent, votre culture.
Le chef de l’Etat déplore que « la plupart » se soient « heurtés à
l’indifférence quand ce n’était pas aux préjugés ». « Il y a soixante ans,
les rapatriés d’Algérie ne furent pas écoutés. Il y a soixante ans, ils ne
furent pas reçus avec l’affection que chaque citoyen français en
détresse mérite. (…) Désormais, le chemin qu’il nous revient de faire
est celui de cette réconciliation ».
27. Juillet 2022 : Reconnaissance de la responsabilité de la
France au Cameroun
En juillet 2022, Emmanuel Macron, soucieux de refondre les
relations souvent tendues avec Yaoundé, propose de créer une com-
mission d’historiens pour « faire la lumière » sur la période de la coloni-
sation française au Cameroun*.
« Si on veut aller plus loin entre le Cameroun et la France, on doit faire
ce chemin », déclare-t-il, tout en promettant l’ouverture « en totalité » des
archives françaises, diplomatiques comme militaires, sur des « moments
douloureux » et « tragiques ».
* Après la défaite de l’Allemagne en 1918, la Société des nations (SDN, ancê-
tre de l’ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à
la tutelle de la France et le reste – la partie occidentale bordant le Nigeria – au
Royaume-Uni. Avant l’indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont
réprimé dans le sang les « maquis » de l’Union des populations du Cameroun
(UPC), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte
armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays
bamiléké. Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indé-
pendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d’abord par l’armée française,
puis après l’indépendance par l’armée camerounaise du régime d’Ahmadou Ahidjo.
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