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VALOR ECONÔMICO, SAO PAOLO
9/4/2007
L'Afrique entre le Brésil et la Chine
Carlos Lopes
La Chine est devenue le troisième partenaire commercial tant du Brésil que du continent
africain et le plus spectaculaire dans cette ascension est que personne ne conteste que,
dans moins de vingt ans, elle sera le premier des deux. L'Afrique a entamé la dernière
décennie du siècle passé avec peu d'amis et beaucoup de problèmes. Dans le même temps,
le dynamisme brésilien des années 70 s'est arrêté et le pays a dû faire face à une faible
croissance et une forte inflation. Sa priorité était alors l'acceptation de son partenariat
stratégique avec les Etats-Unis. Pour leur part, les Chinois sont restés fidèles à leurs
rapports à peu de frais avec l'Afrique, puisque leurs intérêts semblaient être à long terme.
De façon surprenante, l'Afrique commence bien ce nouveau siècle. La croissance de 2,4%
du PIB qui était la règle dans les années 90 a fait place à une augmentation d'environ 4%
par an entre 2000 et 2004, puis supérieure à 4% en 2005, alors que plus de 27 pays
devraient dépasser les 5% en 2007. La part de l'Afrique dans la production économique
mondiale a crû de 5,5%, soit plus que la moyenne annuelle des membres de l'OCDE. Le
continent connaît une inflation moyenne à un chiffre et plus de trente pays en sont même à
moins de 5%. La croissance des investissements étrangers directs (IED) à destination de
l'Afrique a été de 200% entre 2000 et 2005 (passant de USD 7 milliards à USD 23
milliards), alors que l'Asie n'a enregistré qu'une croissance de 60% pendant la même
période. L'Afrique part de plus bas mais, malgré tout, les chiffres sont spectaculaires et la
tendance à la consolidation ne se dément pas. Les exportations africaines ont augmenté de
25% en moyenne au cours des trois dernières années, ce qui est une performance égale à
celle de la Chine. Mais une telle évolution n'aurait pas été possible sans la réduction
drastique des conflits violents sur le continent, qui sont passés de quinze à pratiquement
trois: Darfour, Somalie et quelques petits soubresauts dans la région des Grands Lacs
(Congo oriental, Burundi, nord de l'Ouganda).
Tout le continent embrasse avec enthousiasme les nouvelles technologies, qui peuvent
catapulter le progrès vers le continent le plus jeune de la planète. L'Afrique présente la
croissance la plus forte du monde en matière de téléphonie mobile (5.000% entre 1998 et
2003) et le nombre d'Africains qui ont accès à des réseaux téléphoniques est passé de 10%
en 1999 à 60% en 2007, alors que la revue "The Economist" prévoit qu'ils seront 85% en
2010. Les Africains bénéficient également de l'accès à la télévision numérique et il existe
plusieurs chaînes d'information en continu tournées exclusivement vers l'Afrique.
Beaucoup d'analystes pensent que l'intérêt nouveau pour l'Afrique ressemble à la vague
des années 50 à 70. A cette époque, des pays européens et, dans une moindre mesure,
les Etats-Unis, cherchaient à obtenir une position de premier plan dans l'importation de
matières premières africaines, surtout de minerais. Il est évident qu'une telle soif sous-
tend également le nouvel intérêt pour l'Afrique, même si les protagonistes étrangers sont
différents (la Chine et l'Inde en particulier) ou ont des stratégies nouvelles (tentative des
Etats-Unis de diversifier ses importations d'énergie).
La Chine ne cache pas son appétit pour les matières premières africaines. La principale
caractéristique de la croissance chinoise a été l'augmentation de la demande de certains
produits de base au niveau mondial, ce qui a fait exploser les prix des aliments et des
matières premières telles le pétrole, le fer et le manganèse. Le poids commercial du pays
dans le monde est passé de 1% à plus de 6% en moins de vingt ans. Aujourd'hui, la
Chine est le principal importateur mondial de coton, cuivre et soja et le quatrième
importateur de pétrole. La croissance de la demande chinoise de cuivre est de 50% par
an, celle de pétrole d'environ 10%, ce qui est gigantesque. Il n'est donc pas surprenant
que la Chine soit devenue un partenaire indispensable pour l'Afrique, tout comme pour le
Brésil.
Il y a peu de régions au monde avec la capacité écologique de développer les
énergies renouvelables: l'Afrique est l'une d'elles
Le commerce entre la Chine et l'Afrique est passé de USD 3 milliards en 1995 à plus de
USD 40 milliards aujourd'hui, et le "Financial Times" pense qu'il atteindra les USD 100
milliards dans cinq à dix ans. Ce commerce équivaut à la totalité du commerce extérieur
brésilien, mais représente à peine 10 à 20% du commerce africain. Pour l'Afrique, la
Chine est bien plus qu'un simple acheteur: le continent a également trouvé dans la Chine
une nouvelle source d'assistance et d'investissements. Ce pays participe depuis 2004 aux
IED en Afrique à hauteur de USD 1 milliard par an, ce qui représente un accroissement de
300%. Les pays africains de langue portugaise reçoivent environ 10% de ces montants,
ce qu'il faut comparer avec les faibles performances du Brésil, évaluées à moins de USD
10 millions. La Chine a annoncé l'année dernière la concession de USD 5 milliards, et
récemment en a ajouté USD 20 milliards, en prêts préférentiels, ce qui provoque la colère
de la Banque Mondiale, qui accuse les banques chinoises de ne pas avoir de scrupules et
de nuire aux progrès en matière de gouvernance. La Chine commence à peser plus que
les institutions de Bretton Woods sur les décisions macroéconomiques africaines.
L'arrivée au pouvoir du président Luís Inácio Lula da Silva a constitué une étape nouvelle
dans les rapports du Brésil avec l'Afrique. Dès le début, deux des objectifs stratégiques du
président – la reconnaissance du problème racial au Brésil et une politique extérieure
privilégiant un partenariat stratégique sud-sud – ont eu un énorme impact sur le
continent. Les visites successives du président à 17 pays africains, ses prises de position
dans des forums internationaux, la défense des intérêts commerciaux des plus pauvres au
sein de l'OMC et la politique de rapprochement culturel ont été des éléments importants
pour les cercles dirigeants du continent. Le commerce extérieur avec l'Afrique a augmenté
de 26% par an depuis 2004 et le solde positif en faveur du Brésil est de l'ordre des USD
640 millions.
Même s'ils sont importants, ces indicateurs demeurent relativement modestes par rapport
aux efforts chinois. Seulement en 2006, le président Hu Jintao, son Premier-ministre et le
Ministre des relations extérieures ont visité près de 40 pays africains. La Chine a des
ambassades dans presque tous les pays africains, et ce depuis leur indépendance. Et elle
recherche au Brésil la même chose qu'en Afrique: des aliments, notamment du soja, et des
minerais (en particulier du fer). En échange, elle exporte des produits manufacturés vers le
Brésil. Le potentiel concurrentiel du Brésil avec la Chine peut s'appuyer à l'avenir sur des
produits similaires à ceux d'Afrique, présentant peu de valeur ajoutée. Le Brésil aurait donc
intérêt à mener en Afrique une stratégie semblable à la chinoise et à chercher un
renforcement de sa position d'exportateur de produits à haute valeur ajoutée, ainsi que de sa
position de partenaire dans le secteur industriel et celui des nouvelles technologies.
Un bon exemple de ce potentiel a trait aux énergies propres, que le Brésil domine
technologiquement et qui font l'objet d'une énorme demande internationale. Le Brésil ne
pourra jamais produire des quantités suffisantes d'éthanol ou de biocarburant pour répondre
à la consommation mondiale croissante. Il y a peu de zones dans le monde capables de faire
face à cette expansion des énergies renouvelables. L'Afrique est l'une d'elles et le Brésil
devrait se positionner de manière à tirer profit d'un objectif à avantages mutuels. Les
Africains ont une perception claire des Chinois: ce sont des partenaires à long terme,
présents dans les moments difficiles, qui n'imposent pas ce qu'il faut faire, qui ne se mêlent
pas des processus politiques internes et qui sont parfaitement prévisibles au plan extérieur.
Pour sa part, le Brésil doit décider une fois pour toutes si ses rapports avec l'Afrique vont
se fonder sur la "dette de solidarité", selon l'expression heureuse du président Lula, ou s'ils
vont varier au gré des évènements. Il n'y a rien de négatif à essayer de donner un substrat
économique aux rapports entre le Brésil et le continent africain. Mais cela ne suffit pas.
Carlos Lopes, Directeur exécutif de l'Institut des Nations Unies pour la Formation
et la Recherche (Unitar)

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Afrique entre le Brésil et la Chine, avril 2007

  • 1. VALOR ECONÔMICO, SAO PAOLO 9/4/2007 L'Afrique entre le Brésil et la Chine Carlos Lopes La Chine est devenue le troisième partenaire commercial tant du Brésil que du continent africain et le plus spectaculaire dans cette ascension est que personne ne conteste que, dans moins de vingt ans, elle sera le premier des deux. L'Afrique a entamé la dernière décennie du siècle passé avec peu d'amis et beaucoup de problèmes. Dans le même temps, le dynamisme brésilien des années 70 s'est arrêté et le pays a dû faire face à une faible croissance et une forte inflation. Sa priorité était alors l'acceptation de son partenariat stratégique avec les Etats-Unis. Pour leur part, les Chinois sont restés fidèles à leurs rapports à peu de frais avec l'Afrique, puisque leurs intérêts semblaient être à long terme. De façon surprenante, l'Afrique commence bien ce nouveau siècle. La croissance de 2,4% du PIB qui était la règle dans les années 90 a fait place à une augmentation d'environ 4% par an entre 2000 et 2004, puis supérieure à 4% en 2005, alors que plus de 27 pays devraient dépasser les 5% en 2007. La part de l'Afrique dans la production économique mondiale a crû de 5,5%, soit plus que la moyenne annuelle des membres de l'OCDE. Le continent connaît une inflation moyenne à un chiffre et plus de trente pays en sont même à moins de 5%. La croissance des investissements étrangers directs (IED) à destination de l'Afrique a été de 200% entre 2000 et 2005 (passant de USD 7 milliards à USD 23 milliards), alors que l'Asie n'a enregistré qu'une croissance de 60% pendant la même période. L'Afrique part de plus bas mais, malgré tout, les chiffres sont spectaculaires et la tendance à la consolidation ne se dément pas. Les exportations africaines ont augmenté de 25% en moyenne au cours des trois dernières années, ce qui est une performance égale à celle de la Chine. Mais une telle évolution n'aurait pas été possible sans la réduction drastique des conflits violents sur le continent, qui sont passés de quinze à pratiquement trois: Darfour, Somalie et quelques petits soubresauts dans la région des Grands Lacs (Congo oriental, Burundi, nord de l'Ouganda).
  • 2. Tout le continent embrasse avec enthousiasme les nouvelles technologies, qui peuvent catapulter le progrès vers le continent le plus jeune de la planète. L'Afrique présente la croissance la plus forte du monde en matière de téléphonie mobile (5.000% entre 1998 et 2003) et le nombre d'Africains qui ont accès à des réseaux téléphoniques est passé de 10% en 1999 à 60% en 2007, alors que la revue "The Economist" prévoit qu'ils seront 85% en 2010. Les Africains bénéficient également de l'accès à la télévision numérique et il existe plusieurs chaînes d'information en continu tournées exclusivement vers l'Afrique. Beaucoup d'analystes pensent que l'intérêt nouveau pour l'Afrique ressemble à la vague des années 50 à 70. A cette époque, des pays européens et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis, cherchaient à obtenir une position de premier plan dans l'importation de matières premières africaines, surtout de minerais. Il est évident qu'une telle soif sous- tend également le nouvel intérêt pour l'Afrique, même si les protagonistes étrangers sont différents (la Chine et l'Inde en particulier) ou ont des stratégies nouvelles (tentative des Etats-Unis de diversifier ses importations d'énergie). La Chine ne cache pas son appétit pour les matières premières africaines. La principale caractéristique de la croissance chinoise a été l'augmentation de la demande de certains produits de base au niveau mondial, ce qui a fait exploser les prix des aliments et des matières premières telles le pétrole, le fer et le manganèse. Le poids commercial du pays dans le monde est passé de 1% à plus de 6% en moins de vingt ans. Aujourd'hui, la Chine est le principal importateur mondial de coton, cuivre et soja et le quatrième importateur de pétrole. La croissance de la demande chinoise de cuivre est de 50% par an, celle de pétrole d'environ 10%, ce qui est gigantesque. Il n'est donc pas surprenant que la Chine soit devenue un partenaire indispensable pour l'Afrique, tout comme pour le Brésil. Il y a peu de régions au monde avec la capacité écologique de développer les énergies renouvelables: l'Afrique est l'une d'elles Le commerce entre la Chine et l'Afrique est passé de USD 3 milliards en 1995 à plus de USD 40 milliards aujourd'hui, et le "Financial Times" pense qu'il atteindra les USD 100 milliards dans cinq à dix ans. Ce commerce équivaut à la totalité du commerce extérieur brésilien, mais représente à peine 10 à 20% du commerce africain. Pour l'Afrique, la Chine est bien plus qu'un simple acheteur: le continent a également trouvé dans la Chine une nouvelle source d'assistance et d'investissements. Ce pays participe depuis 2004 aux IED en Afrique à hauteur de USD 1 milliard par an, ce qui représente un accroissement de 300%. Les pays africains de langue portugaise reçoivent environ 10% de ces montants, ce qu'il faut comparer avec les faibles performances du Brésil, évaluées à moins de USD 10 millions. La Chine a annoncé l'année dernière la concession de USD 5 milliards, et
  • 3. récemment en a ajouté USD 20 milliards, en prêts préférentiels, ce qui provoque la colère de la Banque Mondiale, qui accuse les banques chinoises de ne pas avoir de scrupules et de nuire aux progrès en matière de gouvernance. La Chine commence à peser plus que les institutions de Bretton Woods sur les décisions macroéconomiques africaines. L'arrivée au pouvoir du président Luís Inácio Lula da Silva a constitué une étape nouvelle dans les rapports du Brésil avec l'Afrique. Dès le début, deux des objectifs stratégiques du président – la reconnaissance du problème racial au Brésil et une politique extérieure privilégiant un partenariat stratégique sud-sud – ont eu un énorme impact sur le continent. Les visites successives du président à 17 pays africains, ses prises de position dans des forums internationaux, la défense des intérêts commerciaux des plus pauvres au sein de l'OMC et la politique de rapprochement culturel ont été des éléments importants pour les cercles dirigeants du continent. Le commerce extérieur avec l'Afrique a augmenté de 26% par an depuis 2004 et le solde positif en faveur du Brésil est de l'ordre des USD 640 millions. Même s'ils sont importants, ces indicateurs demeurent relativement modestes par rapport aux efforts chinois. Seulement en 2006, le président Hu Jintao, son Premier-ministre et le Ministre des relations extérieures ont visité près de 40 pays africains. La Chine a des ambassades dans presque tous les pays africains, et ce depuis leur indépendance. Et elle recherche au Brésil la même chose qu'en Afrique: des aliments, notamment du soja, et des minerais (en particulier du fer). En échange, elle exporte des produits manufacturés vers le Brésil. Le potentiel concurrentiel du Brésil avec la Chine peut s'appuyer à l'avenir sur des produits similaires à ceux d'Afrique, présentant peu de valeur ajoutée. Le Brésil aurait donc intérêt à mener en Afrique une stratégie semblable à la chinoise et à chercher un renforcement de sa position d'exportateur de produits à haute valeur ajoutée, ainsi que de sa position de partenaire dans le secteur industriel et celui des nouvelles technologies. Un bon exemple de ce potentiel a trait aux énergies propres, que le Brésil domine technologiquement et qui font l'objet d'une énorme demande internationale. Le Brésil ne pourra jamais produire des quantités suffisantes d'éthanol ou de biocarburant pour répondre à la consommation mondiale croissante. Il y a peu de zones dans le monde capables de faire face à cette expansion des énergies renouvelables. L'Afrique est l'une d'elles et le Brésil devrait se positionner de manière à tirer profit d'un objectif à avantages mutuels. Les Africains ont une perception claire des Chinois: ce sont des partenaires à long terme, présents dans les moments difficiles, qui n'imposent pas ce qu'il faut faire, qui ne se mêlent pas des processus politiques internes et qui sont parfaitement prévisibles au plan extérieur. Pour sa part, le Brésil doit décider une fois pour toutes si ses rapports avec l'Afrique vont se fonder sur la "dette de solidarité", selon l'expression heureuse du président Lula, ou s'ils vont varier au gré des évènements. Il n'y a rien de négatif à essayer de donner un substrat
  • 4. économique aux rapports entre le Brésil et le continent africain. Mais cela ne suffit pas. Carlos Lopes, Directeur exécutif de l'Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (Unitar)