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Les titres des banques françaises
ne resteront pas à des niveaux bas
Les experts consultés par Le Journal des finances remarquent que
les valeurs bancaires restent sensibles aux mauvaises nouvelles venant d'ailleurs
Le Journal des Finances a invité blème. que d'investissement Maîs elles
quatre experts à faire le point sur Prenons l'exemple des banques ont bénéficié d'« amortisseurs » -
le secteur qui est a l'origine de laespagnoles qui avaient des fonds la diversité des métiers et des
crise. Tour d'horizon des forces propres suffisants maîs doivent implantations géographiques -
et des faiblesses des banques faire face à des montants inédits qui leur ont permis, à l'exception
françaises. de créances douteuses et litigieu- de Natixis, de garder une capacité
ses. Nous parlons ici d'une situa- bénéficiaire en 2008
tion propre à ce pays, comme c'est Au-delà de ce modele universel
LE JOURNAL DES FINANCES. aussi le cas avec les banques alle- performant, le système français
Le marché attend avec mandes qui se sont laissées sédui- est fondé sur le financement des
impatience les résultats des re par des produits qu'elles ne clients plus que sur celui des
tests de solidité (stress tests) connaissaient pas bien, faute actifs, ce qui induit une approche
des banques américaines. d'une activité suffisante sur leur des risques plus prudente.
Qu'est-ce que ces tests marché domestique
peuvent dire sur la santé Maîs il y a aussi des problèmes Eric Dupont : Leur base de dépôts
des banques européennes ? spécifiques à certains établisse- clientele tres importante reduit
ments C'est le cas de Fortis qui n'a leur dependance envers les mar-
Pierre Chédeville : Depuis le début pas su digérer l'acquisition chés pour leur refinancement.
de cette crise, les investisseurs d'ABN-Amro Les menages sont également
font très peu de distinction entre moins endettés que dans nombre
les banques, même si, dans les Eric Dupont : Les banques françai- de pays voisins, la France n'a pas
faits, leurs situations respectives ses s'en sortent relativement bien connu de vraie spéculation immo-
peuvent être très différentes Si Le faible montant que l'Etat leur a bilière, et il n'existe pas de seg-
ces tests révélaient un risque élevé apporté - 21 milliards d'euros par ment subprime.
de recapitalisation pour les gran- rapport à des bilans qui se chif- Enfin, les portefeuilles de produits
des banques américaines, il est frent en plusieurs milliers de mil structures se sont avères moins
certain que des craintes similaires liards d'euros - est un bon indica- larges que dans les banques
se porteraient sur les banques teur de leur sante Aucune banque d'autres pays
européennes. Néanmoins, il me n'avait réellement besoin de ces
semble que le temps d'une discri fonds pour respecter les ratios
mmation plus marquée entre les réglementaires Ces fonds ont plu- LE JOURNAL DES FINANCES.
valeurs bancaires est venu. tôt éte accordés pour rassurer les Cela signifie qu'elles vont
marchés et protéger les ratios des continuer à rester
Pierre-Marie Gérez : Cette méfian- banques alors que celles-ci sont relativement à l'abri...
ce s'explique par le fait que nous appelées a accroître leur finance
sommes dans une situation médi- ment de l'économie ll s'agit d'une Pierre Chédeville : II me paraît
te. Personne n'avait prévu le aide temporaire que les banques excessif de dire que « les banques
contexte actuel - une crise finan- devraient rembourser sans pro- françaises sont à l'abri » On a
ciere doublée d'une crise économi- blème dans les annees qui vien- observe à partir du quatrieme tri-
que -, y compris les banques. Si nent mestre 2008 une hausse très sensi-
nous nous étions trouvés dans un ble du risque « economique ».
cycle de crédit classique, les ban- Lors des trimestres à venir, les
ques seraient entrées dans cette LE JOURNAL DES FINANCES. banques devront continuer à
période difficile avec des matelas Comment expliquez-vous constituer d'importantes previ-
de fonds propres confortables, per- que les banques françaises sions qui refléteront la dégrada
mettant d'absorber les pertes Or, paraissent relativement tion de l'environnement economi-
cette fois les bilans sont au tapis épargnées par la crise ? que De plus, plusieurs banques
Même pour les banques qui ont la devront poursuivre en 2009 la
chance d'être bien capitalisées, la Pierre Chédeville : Elles ont été dépréciation des actifs toxiques («
situation actuelle pose parfois pro- très durement touchées, notam- structures » à partir de sous-
ment dans leurs activités de ban- jacents immobiliers pour l'essen-
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tiel) et des couvertures acquises Eric Dupont : Sauf qu'actuellement
auprès d'assureurs (« monoli- il est toujours impossible pour le
nes »). Cela devrait encore coûter marché de faire toute la lumière
plusieurs centaines de millions sur les bilans bancaires, tout sim-
d'euros. La rentabilité des ban- plement car la valeur des actifs qui
ques françaises devrait donc res- s'y trouvent varie de jour en jour
ter médiocre en 2009, maîs il me Tant qu'il n'y a pas d'achat ou de
semble qu'elles ne sont concernées vente de ces produits, il n'y a pas
ni par la nationalisation, ni par la de véritable valorisation.
levée de capitaux, car elles feront En attendant, la valeur de la cou-
des bênéfices cette armée. verture des produits structures
augmente au fur et à mesure que
Eric Dupont : De notre point de la notation des sous-jacents se
Pierre-Marie Gérez vue, la volonté et la capacité de dégrade.
Gérant actions valeurs l'Etat francais à aider les banques
financières européennes est un élément rassurant. C'est
à fa Banque Postale Asset pourquoi Fitch a communiqué au LE JOURNAL DES FINANCES.
Management marché que les notes à long terme Les banques françaises
«L'opération des principales banques françai-
ses ne descendront pas au-dessous
seront-elles amenées à revoir
leurs modèles, même
vérité sur les de A+. La mieux notée est actuelle- si ceux-ci leur réussissent
bilans, pourtant ment BNP Paribas (AA Perspecti- plutôt bien ?
ve Négative), qui bénéficie d'une
essentielle, grande diversification des reve- Pierre-Marie Gérez : BNP Paribas et
n'a toujours pas nus mais dont la banque d'inves- la Société Générale ont montre la
tissement subit le ralentissement résistance de leurs business modè-
eu lieu » du marché, alors que Natixis et ses les ; donc seuls des ajustements
deux maisons mères sont notées seront nécessaires. BNP Paribas
A+ grâce au support qu'elles peu- pourrait en plus bénéficier des
vent attendre de l'Etat. synergies avec Fortis, si l'acquisi-
Selon nous, la nationalisation de tion est confirmée. Crédit Agricole
banques en France n'est pas a déjà revu en profondeur son
d'actualité. modèle de banque de financement
et d'investissement, reste mainte-
Eric Delannoy : J'aimerais souli- nant à rationaliser les participa-
gner la chose suivante, qu'on a tions du groupe à l'étranger.
tendance à oublier. Les montants
colossaux de dépréciations que les Eric Dupont : Les banques fran-
banques passent aujourd'hui sont, çaises continueront à sortir des
pour l'essentiel, des previsions et frontières pour obtenir des mar-
non des pertes réelles. Les hypo- ges qu'elles n'obtiennent plus sur
thèses de pertes actuelles s'avére- leur marché domestique. Elles le
ront sans doute trop sévères. Par font depuis des années déjà, d'où
exemple, nous n'avons jamais leur présence en Italie, aux Etats-
connu des niveaux de perte de unis, et dans les pays de l'Europe
30 % sur les crédits à la consom- de l'Est.
mation, tels que certains les sup- Plus de la moitié des revenus de la
posent aujourd'hui, banque de détail et service? Finan-
ll ne faudra donc pas s'étonner que ciers spécialisés de BNP Paribas et
les banques publient dans quelque de la Société Générale proviennent
Pierre Chédeville temps des profits importants par de marchés autres que la France.
Analyste banques françaises reprise des provisions passées. Du Cela peut ètre un élément d'opti-
chez CM CIC Securises coup, le rachat des fameux actifs misme d'un point de vue rentabili-
« Le temps d'une toxiques peut s'avérer à terme une
opération lucrative.
té, mais aussi un sujet d'inquiétu-
de. Ainsi, pour la Société Genérale,
discrimination l'exposition à l'Est doit étre sur-
plus marquée Pierre-Marie Gérez : Encore une veillée car 10 % des préts ont été
fois, il est extrêmement difficile accordés dans cette zone, où les éco-
entre les valeurs d'être affirmatif sur les perspecti- nomies se dégradent.
ves d'avenir. Nous n'avions
bancaires jamais connu de tels niveaux de Pierre Chédeville : Cette crise
est venu » pertes, c'est certain, mais nous devrait modifier en profondeur
n'avions jamais connu des effets certaines pratiques en termes de
de levier aussi importants non contrôle des risques, d'allocation
plus. C'est toute la difficulté lors- des capitaux économiques et de
qu'on essaie d'évaluer la situation positionnement sur certaines acti-
d'un établissement. L'opération vités ou certains pays. La course
vérité sur les bilans n'a toujours effrénée à la rentabilité pour
pas eu lieu, alors que c'est une l'actionnaire comme seul horizon
condition essentielle pour que la stratégique est une philosophie
confiance revienne. Les banques qui a vécu pour quèlques années.
doivent être aussi explicites que De manière plus positive, plu-
les assureurs l'ont été en 2003 vis- sieurs banques françaises ont
à-vis de leurs positions sur les selon nous des opportunités à sai-
actions. Seulement après, le mar- sir, en participant à la poursuite
ché actions a pu rebondir. de la consolidation bancaire en
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Europe, comme le font déjà BNP Pour le moment, il n'y a q~ue très
Paribas, mais aussi le Crédit peu de banques qui sont vraiment
Mutuel, qui a racheté les activités dans cette logique-là, même si les
de Citigroup en Allemagne. partenariats se multiplient dans
une pure logique de baisse des
Eric Delannoy : Les banques coûts.
revoient constamment leurs Dans ce sens, Natixis est un modè-
modèles. Ce qui m'inquiète, c'est le remarquable par sa logique très
que, ayant traversé une crise poussée dans la mutualisation des
d'une ampleur inédite, elles pour- moyens entre les Caisses d'Epar-
raient avoir tendance à privilé- gne et les Banques Populaires. Une
gier dorénavant la réduction des force qui n'est pas reflétée par le
coûts, " à tel point qu'elles en cours de Bourse, les opérateurs
oublient d'investir pour préparer n'ayant sanctionné que la contre-
l'avenir. performance importante de la par-
A mon sens, il faut passer d'une tie banque d'investissement.
vision de réduction des coûts à une
vision d'optimisation des coûts,
qui passe à la fois par une baisse LE JOURNAL DES FINANCES.
des coûts par mutualisation des Qu'en est-il de l'avenir de la
usines de production et des inves- banque de financement et
tissements dans l'innovation et la d'investissement, l'activité
qualité de la relation client. la plus touchée dans la crise ?
Pierre Chédeville : Contrairement
à ce que l'on a pu entendre ici ou
là, les activités de banques d'inves-
tissement ne vont pas disparaître.
Plusieurs banques américaines
viennent de le prouver à l'occasion
dé la publication de leurs résultats
trimestriels.
Néanmoins, plusieurs change-
ments de métier, d'organisation et.
de culture sont à attendre, à des
degrés divers.
Chez Calyon ou Natixis, la révi-
sion du modèle économique est
profonde, avec un recentrage très
marqué sur les activités de finan-
cement et de flux à destination des
Eric Dupont clients.
Analyste banques françaises En revanche, pour BNP Paribas
chez F/tch Ratings ou la Société Générale, on peut
« Le faible plutôt parler d'une « adaptation »
au contexte actuel. De manière
montant que générale, les suppressions d'effec-
l'Etat a apporté tifs y ont été relativement limitées
et il ne fait pas de doute qu'une fois
est un bon la crise passée ces banques ne res-
teront pas à l'écart de l'innovation
indicateur financière tant décriée aujour-
de leur santé » d'hui.
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Eric Delannoy : Natixis aura sans
doute le plus l'opportunité de
changer à l'issue de la crise Du
point de vue boursier également,
car je pense qu'une fois que la
fusion entre les deux organes cen-
traux des Caisses d'Epargne et des
Banques Populaires sera plus
avancée, ils pourraient décider de
changer le contenu de leur vehicu-
le coté.
Même s'il n'était pas facile de
l'anticiper avant la crise, il est
maintenant clair que ce n'est pas
I
Eric Delannoy
Associe chez le cabinet
une bonne idée d'introduire en
Bourse une banque dont les acti-
vités principales, la banque
d'investissement, sont volatiles
et soumises a des risques très par-
de consultants Weave ticuliers
« Natixis aura A contrario, le modele du Crédit
Agricole devrait servir de base à la
sans doute le plus nécessaire reforme de la gouver-
l'opportunité nance de Natixis
De plus, l'exemple du Crédit Agri-
de changer, cole montre que l'introduction en
à l'issue Bourse de l'organe central ne
dénature pas le modèle mutualiste
de la crise » auquel les Caisses d'Epargne et
Banques Populaires sont profon-
dement attaches
Table ronde animée par
Annelot Hui/gen
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LES VALEURS BANCAIRES ONT EVOLUE DE CONCERT
• Evolution comparée, base 100 en juin 2007 • La descente aux enfers des
bancaires a commence
100 a l'été 2007, lorsque le monde
a découvert l'existence des
subpnmes, contenus dans
toutes sortes de produits
80 structures. Les investisseurs,
se méfiant de plus en plus
des bilans opaques des
banques, ont massivement
délaisse ces valeurs, qui ont
60 toutes fmi par toucher
des points bas.
Avant de rebondir, début
2009, après la publication
40 des resultats annuels Le titre
Societe Generale avait même
presque doublé en l'espace
d'un mois Néanmoins, les
BNP Paribas
pertes restent toujours très
20 Crédit Agricole SA importantes sur un an. Surtout
Societe Generale pour Natixis, même si la filiale
Natixis des Caisses d'Epargne
et des Banques Populaires
a également participe
au récent rebond.
Juin 2007 2008 2009
Les banques françaises présentent toutes une belle marge de progression
• Comparées à leurs pairs améri- coup développée ces dernières années. sont ses deux forces, alors que le
cains, et à la majorité des banques Les résultats de la banque de finance- problème Calyon, qui a pesé sur le
européennes, la Société Générale, ment et d'investissement ne devraient titre en 2008, a été pris à bras le
BNP Paribas et le Crédit Agricole ne toujours pas être très bons, affectés par corps.
s'en sortent pas si mal. Le problème des dépréciations. Même chose pour la Natixis reste un cas à part. On peut
est que les investisseurs ont tendan- banque d'investissement de BNP Pari- parier sur un retrait de la cote, mais il
ce à mettre tous les acteurs du sec- bas. Cette banque est pour beaucoup la reste de nombreuses incertitudes
teur dans le même sac. Les analys- grande gagnante de la crise, ayant mis sur le sort de la banque dans les pro-
tes et les gérants présents à la Table la main sur Fortis, ce qui lui offre de gran- chains mois.
ronde ne prévoient pourtant pas de des possibilités en matière de banque Selon les intervenants, les banques
gros problèmes pour ces trois éta- pnvée et de gestion d'actifs. A court ter- présentent de belles marges de pro-
blissements. me, les incertitudes sur le bilan de Fortis gression et pourraient retrouver leure
La Societé Genérale paraît bien capi- peuvent toutefois peser sur le titre. niveaux d'avant la crise. Mais à quel
talisée, ayant procédé à une aug- L'action Crédit Agricole a résisté plus horizon ? Car le danger peut toujours
mentation de son capital en début longtemps que celles des autres bancai- venir d'ailleurs. La publication des
d'année 2008. Deux éléments sont res, et son rebond est comparable à résultats des tests de solidité des
plus inquiétants. Tout d'abord son celui du titre BNP Paribas. Le grand volu- banques outre-Atlantique début mai
exposition aux pays de l'Est, zone me de fonds propres de la Banque verte risque notamment de tirer de nou-
dans laquelle la banque s'est beau- et sa grande activité de banque de détail veau les cours vers le bas.
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