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LE PLUS
         DE JEUNE AFRIQUE
                            TUNISIE




                             1987-2009
                             Les années
                             Ben Ali
HICHEM
LE PLUS 53

                                                                PRÉLUDE
             LE PLUS
             DE JEUNE AFRIQUE
                                TUNISIE
                                TUNISIE
                                TUNISI
                                 UNISIE


                                                                                                        MARWANE BEN YAHMED




                                                                Demain, la Tunisie...
                                Les années
                                 es années
                                    année
                                    année
                                     n es                       INUTILE DE CHERCHER SUSPENSE ET ENJEU LÀ OÙ IL N’Y EN A PAS: la Tunisie
                                                                va réélire, le 25 octobre prochain, Zine el-Abidine Ben Ali à la tête de l’État. Ce Plus
                                                                de Jeune Afrique vous propose de mesurer le chemin parcouru depuis son accession
   HICHEM




                                                                au pouvoir, le 7 novembre 1987. C’est l’occasion, aussi, de s’interroger sur l’avenir
            PA N O R A M A                                      d’une nation qui suscite parfois les passions. Citée en exemple par les uns, flagornée
   Lʼheure du bilan p. 54                                       par certains, critiquée, voire vilipendée, de manière pavlovienne par d’autres, la Tu-
                                                                nisie n’est pourtant pas Janus. Pas de double visage, mais un pays complexe, loin de
            CO N FI D E N C E S D E . . .                       l’image caricaturale – positive comme négative – que certains s’échinent à brosser.
   Zouheir Mdhaffar p. 57                                           Que fera le président de ce cinquième mandat? Quelles devraient être ses préoccu-
            D I PLO M AT I E                                    pations majeures? Répondre aux aspirations des Tunisiens (qui manquent cependant
   Le changement                                                de canaux pour les exprimer) et, surtout, préparer l’avenir, donc la relève. Deux défis
   dans la continuité p. 58                                     d’envergure se présentent à l’horizon, qui nécessitent une vision sur le long terme.
                                                                   Le premier d’entre eux : ne pas se contenter des acquis. On l’a dit et répété (trop,
            PA R T E N A R I AT
                                                                peut-être…), depuis plus de vingt ans, la liste des progrès réalisés ne cesse de
   Europe, mon amour p. 60                                      s’allonger : émergence d’une véritable classe moyenne, scolarisation généralisée,
            INTERVIEW                                           accès à l’eau, à l’électricité, aux soins, droits des femmes (mais pas encore assez),
   Mohamed Rachid Kechiche,                                     économie aux taux de croissance flatteurs, faible pauvreté (comparativement aux
   ministre des Finances p. 62                                  voisins), stabilité, absence de crises politiques ou sociales, etc. Mais ces avancées
            D É V E LO PPE M E NT H UM AIN
                                                                restent fragiles.
                                                                   Malgré sa résistance certaine à la crise qui frappe la planète, l’économie tunisienne
   Pas dʼéconomie
   sans social p. 66                                            donne des signes d’essoufflement. Certains investisseurs étrangers hésitent encore
                                                                à s’y installer et préfèrent la destination Maroc, pourtant moins compétitive sur le
            MODE DE VIE                                         papier. En outre, si les entreprises tunisiennes demeurent performantes, aucune
   Bienvenue dans la société                                    n’occupe le haut du pavé sur la scène internationale, voire méditerranéenne. Les
   de consommation p. 68
                                                                grands groupes du pays multiplient leurs activités, se diversifient. Mais aucun n’est
            INTERVIEW                                           numéro un sur un secteur précis. Et rares sont ceux qui exportent leur savoir-faire
   Mohamed Nouri Jouini,                                        en dehors des frontières d’un marché restreint, contrairement, par exemple, à cer-
   ministre du Développement                                    tains « champions » marocains qui lorgnent avec gourmandise le sud du Sahara. En
   et de la Coopération p. 70                                   matière économique, on ne peut se permettre de faire du surplace…
            I N FR A S T R U C T U R E S                           Enfin, condition sine qua non d’un avenir serein, l’indispensable ouverture démo-
   Au rythme des grands                                         cratique. Davantage de libertés, davantage de débats, une opposition qui joue son rôle
   chantiers p. 72                                              et non celui qu’on lui assigne… Sinon, le risque est grand de voir nombre d’entrepre-
                                                                neurs, de créateurs, de chercheurs ou d’intellectuels aller exercer leurs talents sous
            SOCIÉTÉ
                                                                d’autres cieux. Il faut nourrir son cerveau autant, si ce n’est plus, que son estomac…
   Fières et libres p. 74
                                                                   L’autre grand défi, certainement le plus complexe, consistera à se forger une
                                                                véritable identité nationale. Que signifie être tunisien aujourd’hui ? Être maghré-
                                                                bin, méditerranéen, africain, musulman, laïc, regarder vers l’Europe, au-delà du
Direction : Danielle Ben Yahmed                                 Sahara ou vers le Moyen-Orient ? Quel socle commun de valeurs veut-on définir ?
et Marwane Ben Yahmed
                                                                Quel avenir désire-t-on construire ? Autant de questions sans réponses précises.
Rédaction en chef : Cécile Manciaux
                                                                Aujourd’hui, le ciment de la nation, sa cohésion, c’est l’État, et donc son chef. Le
Rédaction : Abdelaziz Barrouhi, à Tunis,
Samir Gharbi, Leïla Slimani, Fawzia Zouari,
                                                                seul point d’ancrage, la seule référence, l’unique centre de décisions et d’impulsions.
envoyés spéciaux, et Samy Ghorbal                               Personne ne peut dire ce qu’il adviendra du pays quand il ne sera plus à sa tête,
Coordination : Mohamed Ali Aboudi                               demain, dans cinq ans ou dans dix. Il faudra bien se pencher, un jour, sur cette
Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris                       question. Même si d’aucuns la jugeront déplacée… ■
Tél.: + 33 1 44301960 Fax: + 33 1 45200823


J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
54 LE PLUS TUNISIE


 PANOR AMA

 LʼHEURE DU BILAN
 À un mois de lʼéchéance présidentielle, retour sur les                                                mandats, il a instauré un système
                                                                                                       présidentiel centralisé qui lui per-
 mandats de Zine el-Abidine Ben Ali. Le chemin parcouru                                                met de décider aussi bien des gran-
 par le pays en vingt-deux ans en matière de développement                                             des orientations que des détails pour
 économique et humain est considérable.                                                                impulser l’action du gouvernement et
                                                                                                       d’en assurer le suivi. Rapidement, il
                                                                                                       est devenu ce que l’on appelle chez
                                                                                                       les Anglo-Saxons un dirigeant « busi-
                                                                                                       ness friendly », qui a permis de réha-




 L’
 ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis                                                                           biliter l’entreprise et, à ceux qui ont
                                                                                                       l’esprit d’initiative, de s’enrichir sans
                       année 2009 n’a pas          classe la Bourse de Tunis en sixième                avoir à en rougir. D’où l’apparition de
                       été fac i le pou r les      position parmi les 41 places boursiè-               grands capitaines d’industries dont le
                       planificateurs et les       res internationales qui ont le mieux                pays n’est pas peu fier. À cet égard, il
                       opérateurs de l’éco-        résisté à la crise mondiale, et pre-                pousse sans relâche le gouvernement
                       nom ie t u n i sien ne.     mière en Afrique et dans le monde                   à sortir de sa frilosité et à réduire
                       L a r é c e s sion da n s   arabe. Enfin, la Bourse
 les pay s de l’ Un ion eu ropéen ne,              de Tunis reste dans le
 principal partenaire commercial, a                vert (avec une hausse                        Le taux de croissance est
 eu un impact sur les exportations,                de 12,04 % depuis le
 cassa nt le r y t h me de c roissa nce            15 septembre 20 08),                        honorable, mais insuffisant
 honorable de ces dernières années,
 dont le taux, depuis v ing t ans, a
                                                   alors que les 40 autres
                                                   sont dans le rouge.                         pour les ambitions du pays.
 été en moyenne de 5 % par an. Les
 experts ont cependant de quoi être                UN CHEF D’ÉTAT                                      massivement les lourdeurs des ser-
 sat i sf a it s : le s fonda ment au x de         « BUSINESS FRIENDLY »                               vices administratifs dès lors que sont
 l’économie étant solides, le pays a                  Bref, à la veille des élections législa-         concernés l’investissement, les entre-
 pu jusque-là juguler les effets de la             tives et de l’élection présidentielle – à           prises, le change et la douane. « La
 crise économique internationale, et               laquelle le président Zine el-Abidine               liberté est la règle et l’autorisation
 a parfois même su en tirer avantage               Ben Ali se présente pour un cinquiè-                l’exception », lit-on dans le program-
 (voir pp. 70-71). Le taux de croissan-            me mandat –, qui se dérouleront le                  me présidentiel 2004-2016…
 ce attendu pour 2009 se situe à 3 % :             25 octobre (voir encadré), le gouver-                  L’accord d’association conclu en
 une performance si on le compare                  nement est à son aise. Globalement,                 1995 avec l’Union européenne, qui a
 à celui de ses partenaires commer-                le bilan économique et social depuis                mené à l’établissement d’une zone de
 ciaux européens, en récession. Par                1987 comporte de nombreux points                    libre-échange effective depuis 2008
 ailleurs, dans un classement publié               forts unanimement reconnus.                         (voir p. 60), ainsi que l’adhésion aux
 ce mois-ci sur 82 pays, le cabinet bri-              Depuis l’accession au pouvoir de                 règles de l’Organisation mondiale du
 tannique Bespoke Investment Group                 Ben Ali et durant ses quatre derniers               commerce (OMC) ont permis au pays


     CALENDRIER ÉLECTORAL
     • 26 AOÛT-24 SEPTEMBRE Dépôt des dossiers de can-                    • 11-23 OCTOBRE Campagne électorale officielle pour
     didatures à l’élection présidentielle.                               la présidentielle et les législatives.
     Scrutin uninominal majoritaire à deux tours.                         • 17-24 OCTOBRE Vote des Tunisiens résidant à l’étran-
     Le Conseil constitutionnel proclame les candidatures                 ger pour élire le président de la République.
     validées fin septembre.                                               • 25 OCTOBRE Vote en Tunisie pour les élections pré-
     • 20-26 SEPTEMBRE Dépôt des candidatures pour les                    sidentielle et législatives.
     élections législatives.                                              • 26 OCTOBRE Annonce des résultats définitifs.
     Mode de scrutin mixte : scrutin de liste majoritaire à               Pour la présidentielle, dans le cas où la majorité abso-
     un tour au niveau des circonscriptions électorales, et               lue des suffrages exprimés n’est pas obtenue au pre-
     scrutin proportionnel au niveau national, concernant                 mier tour, il sera procédé à un second tour le deuxiè-
     les listes n’ayant pas remporté de sièges au niveau                  me dimanche qui suit le jour du vote, le 8 novembre.
     des circonscriptions).                                               Un scénario toutefois improbable. ■

                                                                                    J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
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                                                                                                                                                     AGOSTINO PACCIANI
   Le nouveau quartier d’Ennasr, à Tunis.

de se façonner une vision. Il a fait le                         le choix politique de poursuiv re,         dix ans, de miser sur les TIC et de
choix d’une politique d’ouverture sur                           d’adapter et d’approfondir l’œuvre         développer dans ce domaine « une
l’économie de marché et celui de la                             engagée depuis l’indépendance en           stratégie avant-gardiste », comme l’a
diversification sectorielle, avec des                           matière d’éducation et de formation        relevé l’Américain Steve Balmer, le
entreprises tournées vers l’exporta-                            professionnelle – secteur qui reçoit       directeur général de Microsoft, lors
tion en raison de l’exiguïté du marché                          actuellement 7,5 % du PIB et dont          d’une visite au Palais de Carthage,
local et pour l’attraction des investis-                        le budget annuel est augmenté en           en octobre 2007. Résultat : le pays
sements directs étrangers (IDE). Une                            moyenne de 10 % chaque année.              forme désormais 50 000 étudiants
vision qui rappelle celle des dragons                           Ainsi, de moins de 40 000 en 1986-         par an dans cette spécialité, dont
asiatiques, comme la Corée du Sud,                              1987, les étudiants sont aujourd’hui       5 000 ingénieurs – un nombre qui
Singapour ou Taïwan, tout en gardant                            400 000, soit des effectifs universi-      devrait être porté à 7 000 en 2011 –,
un œil sur le modèle méditerranéen                              taires multipliés par dix… et majori-      et, attirés par ces compétences, de
de l’Espagne et du Portugal dans leur                           tairement composés de jeunes fem-          grands groupes internationaux s’im-
démarche d’arrimage à l’Europe. Et,                             mes (voir p. 74).                          plantent dans les technopoles dédiées
en cela, la petite Tunisie voit grand.                             Autre point fort sur le plan des com-   aux TIC et créées par l’État ou par
                                                                pétences : les technologies de l’infor-    des investisseurs étrangers. Désor-
PARI SUR L’HUMAIN                                               mation et de la communication (TIC).       mais, la part du secteur dans le PIB
  Pour y pa r ven i r, son pr i nc ipa l                        Là encore, sous l’impulsion du chef        avoisine les 10 %. Mais il faut aller
point fort réside dans ses ressour-                             de l’État, que l’on sait féru d’informa-   encore plus loin : « L’objectif du chef
ces humaines. Au cours des deux                                 tique – et, même, « surfeur » assidu –,    de l’État dans ce domaine est de faire
dernières décennies, l’État a fait                              le pays a fait le choix, depuis plus de    de la Tunisie une destination techno-

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
56 LE PLUS TUNISIE

 logique et un pôle régional d’activités              LE PAYS EN BREF                                          connaît pas la crise : près de 80 % des
 innovantes », souligne El Hadj Gley,            Données pour lʼannée 2008                                     ménages sont propriétaires, et « nous
 ministre des Technologies de la com-                                                                          avons un nombre de logements de
 munication.                                                                                                   14 % supérieur à celui des ménages,
   Cette valorisation des ressources                        Tunis                                              ce qui est à ma connaissance une pre-
 humaines, associée à la politique                                    Sousse                                   mière mondiale », remarque Moha-
 d’ouverture, a permis à la Tunisie         ALGÉRIE                                                            med Hédi Slim, le directeur général
 de diversifier son économie, d’atti-                           Sfax         Mer                                de l’Habitat au ministère de l’Équi-
 rer plus d’IDE et d’exporter davan-                                   Méditerranée                            pement. Mieux : officiellement, les
 tage. Elle compte aujourd’hui plus de                                                                         0,8 % de logements rudimentaires et
 5 700 entreprises industrielles (2 670                 TUNISIE                                                insalubres recensés en 2004 ont pres-
 totalement exportatrices), dont plus                                                                          que tous été éradiqués dans le cadre
                                                                            LIBYE                              du Fonds de solidar ité nationale
                                                                                                               (« 26-26 »). Ce choix politique résolu
          Une stratégie à                                                   150 km                             de la solidarité explique aussi que le
                                                                                                               taux de pauvreté se situe en dessous
  mi-chemin des dragons                    Superficie 163610 km2
                                                                                                               de 4 %, les autorités évaluant par
                                                                                                               ailleurs la part de la classe moyenne
  asiatiques et du modèle                  Population 10,4 millions d’hab.                                     à plus de 80 % de la population.
          méditerranéen.                   Monnaie Dinar tunisien (DT)
                                           Parité au 10/09/2009:                                               NE PAS S’ENDORMIR
                                           1 DT = 0,53 euro = 0,77 dollar                                      SUR SES LAURIERS
 de 4 000 ont bénéficié de soutiens        PIB (prix courants)                                                    Pays émergent, la Tunisie ne doit
 pour moderniser leurs outils de pro-      50,3 milliards de DT                                                cependant pas s’endormir sur ses
 duction et leur gestion.                                                                                      lauriers si elle veut rejoindre le cer-
                                           PIB par habitant (prix courants)
    Le pays ne se cantonne plus aux                                                                            cle des pays développé. Ainsi, les
                                           4830 DT (2600 euros)
 secteurs classiques, comme celui du                                                                           performances relatives du taux de
 textile où, selon les années, il est le   Répartition du PIB Primaire: 11,3 %,                                croissance que nous évoquions pré-
 cinquième ou sixième fournisseur de       secondaire: 28,5 %, tertiaire: 60,2 %                               cédemment (près de 5 % en moyenne
 l’Europe. Il s’est positionné, à temps,   Taux d’investissement                                               par an depuis vingt ans) sont, certes,
                                           25,1 % (+ 4,6 %)
                                                                                      SOURCE : BCT, INS, FMI




 sur d’autres créneaux à plus forte                                                                            honorables, mais insuffisantes pour
 valeur ajoutée et s’impose aujourd’hui    Exportations 23,6 milliards                                         les ambitions du pays. Le gouverne-
 sur les marchés des industries méca-      de DT (+ 21,9 %)                                                    ment lui-même et la Banque mondiale
 niques électriques et électroniques       Importations 30,2 milliards de DT                                   estiment que ce taux devrait se situer
 (IMEE). Avec plus de 380 entrepri-        (+ 23,7 %)                                                          au moins à 7 % pour créer un nombre
 ses, dont les exportations ont dépassé                                                                        d’emplois qui permette de résorber
 les 6 milliards de DT (3,2 milliards                                                                          le taux de chômage, stagnant depuis
                                                      CHRONOLOGIE
 d’euros) en 2008, soit six fois plus                                                                          des années autour de 14 %.
 qu’il y a dix ans, ce secteur ne cesse                                                                           Dans le même ordre d’idée, lors
                                           20 mars 1956 Indépendance.
 d’innover et d’aller vers toujours plus                                                                       d’un débat national organisé cet
 de valeur ajoutée, notamment dans         25 juillet 1957 Proclamation de la                                  été, le Premier ministre Mohamed
 l’aéronautique.                           République. Habib Bourguiba est                                     Ghannouchi, à l’unisson avec les
                                           désigné président de la République,                                 patrons tunisiens, a fait l’inventaire
 PRIORITÉ À LA COHÉSION                    puis est élu le 8 novembre 1959.                                    des points faibles qui entravent la
 TERRITORIALE ET SOCIALE                   26 janvier 1978 Grève générale et                                   productivité, dans le public comme
   Dans le même temps, le pays s’est       émeutes (c’est le « Jeudi noir »).                                  dans le privé : absentéisme, absence
 doté d’une politique d’aménagement        7 novembre 1987 Zine el-Abidine                                     de culture d’entreprise et d’esprit
 du territoire qui a privilégié et les     Ben Ali prend le pouvoir. Il est élu                                d’initiative, manque de motivation du
 infrastructures et la qualité de vie      président le 2 avril 1989 et réélu                                  personnel, taux d’encadrement dans
 des Tunisiens. Désormais, plus de         le 20 mars 1994, le 24 octobre                                      le privé encore trop faible, lacunes en
 99 % des ménages ont l’électricité,       1999 et le 24 octobre 2004.                                         matière de transparence financière…
 98 % sont raccordés au réseau d’eau                                                                           La liste est longue.
 courante et plus de 81 % au réseau        24 juillet 2008 Adoption par le                                        « Les réalisations économiques
 d’assainissement.                         Parlement d’un amendement                                           de la Tunisie ne sont pas une raison
   E n m at iè r e de déve lopp e me nt    constitutionnel, promulgué le                                       pour s’adonner à l’autosatisfaction,
 humain (voir pp. 66-67), l’espérance      28 juillet, qui abaisse l’âge de la                                 rappelle Mohamed Ghannouchi. Et
 de vie se situe à 74 ans, on compte       majorité électorale de 20 ans à                                     il serait utile d’évaluer les capaci-
 1 médecin pour 865 habitants, avec        18 ans et supprime la condition de                                  tés du pays à atteindre ses objectifs
 un taux de couverture sociale qui         parrainage des candidats par au                                     dans l’actuelle conjoncture interna-
 est passé de 53 % en 1987 à 93 %          moins 30 élus (députés et maires).                                  tionale. » Une remise en question qui
 aujourd’hui. Volet essentiel de l’amé-    13 avril 2009 Amendement du                                         constitue, mine de rien, un signe sup-
 nagement urbain, le logement, ici, ne     code électoral (voir p. 57).                                        plémentaire de bonne santé. ■

                                                                            J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
LE PLUS 57


     CONFIDENCES DE…



     Zouheir Mdhaffar
     Ministre délégué auprès
     du Premier ministre, chargé
     de la Fonction publique et du
     Développement administratif.




    E
           n juillet 2008, la Constitution a été modifiée pour
           abaisser l’âge de la majorité électorale de 20 ans à
           18 ans, et, en avril dernier, les députés ont adopté
     un projet de loi organique amendant le code électoral.
     À l’approche de la présidentielle et des législatives du
     25 octobre, retour sur la teneur et les raisons de ces
     modifications.

     JEUNE AFRIQUE: Pourquoi avoir abaissé l’âge du vote de
     20 ans à 18 ans?
        ZOUHEIR MDHAFFAR: Pour la première fois cette année,
     450000 jeunes entre 18 ans et 20 ans auront la possibilité
     d’exercer leur droit de vote grâce à une nouvelle disposi-
     tion du code électoral. Les jeunes représentent près de




                                                                                                                                                      HICHEM
     la moitié de la population tunisienne, et le président Ben
     Ali, qui, depuis des années, a entamé un véritable dialo-
     gue avec la jeunesse, a considéré qu’il était temps de leur
     donner, dès l’âge de 18 ans, la possibilité de s’assumer en                 Dans quelle mesure la campagne 2009 sera-t-elle diffé-
     tant que citoyens à part entière.                                           rente des précédentes?
        Pour inciter ces jeunes à s’inscrire sur les listes électo-                 La campagne est un moment clé qui doit permettre
     rales, nous avons lancé une vaste campagne d’information                    à chaque candidat d’exposer son programme dans les
     et de sensibilisation, notamment dans les lycées et les uni-                meilleures conditions possibles. À cet égard, l’amende-
     versités. En règle générale, l’élargissement du champ de                    ment du 13 avril 2009 permet de mettre en œuvre les
     la participation électorale a toujours été un objectif du pré-              garanties réglementaires nécessaires pour assurer la neu-
     sident. C’est d’ailleurs pour cela qu’un enfant né de mère                  tralité des médias durant la campagne et l’égalité d’accès
     tunisienne peut maintenant voter et que les Tunisiens                       des candidats à ces médias. Selon l’article 37 du code élec-
     résidant à l’étranger sont représentés à la Chambre des                     toral, c’est le président du Conseil supérieur de la commu-
     conseillers [Chambre haute, NDLR].

     L’autre volet de la réforme porte sur                            En octobre, pour la première fois, 450000 jeunes
     la transparence des opérations de
     vote…                                                                          de 18 ans à 20 ans pourront voter.
        En effet. L’opposition réclamait
     depuis longtemps un certain nombre de mesures dont                          nication qui est en charge de faire respecter cette nouvelle
     la réduction du nombre de bureaux de votes car elle se                      disposition. Il me paraît par ailleurs essentiel d’évoquer les
     plaignait de ne pas avoir suffisamment d’observateurs                        efforts fournis pour renforcer la présence de l’opposition
     à envoyer dans les bureaux. Aujourd’hui, les bureaux                        dans les institutions représentatives. La révision du code
     passent de 450 à 600 électeurs – sauf dans les zones                        électoral a permis d’augmenter le nombre de sièges à la
     rurales, où l’on a conservé 250 électeurs par bureau pour                   Chambre des députés. Ainsi, l’opposition est assurée d’ob-
     assurer l’accessibilité des électeurs aux urnes.                            tenir au moins 53 sièges lors des prochaines législatives.
        D’autre part, l’amendement du code électoral du 13 avril                 De même, afin de développer la culture du pluralisme, une
     2009 a permis de porter les délais d’examen des recours                     liste ne pourra pas obtenir plus de 75 % des sièges au sein
     de cinq jours à deux semaines afin que le Conseil consti-                    d’un conseil municipal, et ce quel que soit le nombre de
     tutionnel dispose de tout le temps nécessaire pour en                       voix obtenues. ■
     examiner la légitimité.                                                                            Propos recueillis à Tunis par LEÏLA SLIMANI

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
58 LE PLUS TUNISIE

                                                                                                               l’Union pour la Méditerranée (UPM)
                                                                                                               et est toujours en lice pour le poste de
                                                                                                               secrétaire général de l’organisation.
                                                                                                                  Sur le plan bilatéral, la France,
                                                                                                               avec laquelle les relations sont au
                                                                                                               beau fixe, reste le premier parte-
                                                                                                               naire. L’entente entre les présidents
                                                                                                               Ben Ali et Chirac, puis Sarkozy, n’est
                                                                                                               pas étrangère au climat de confiance
                                                                                                               qui règne désormais entre Paris et
                                                                                                               Tunis. L’Italie de Silvio Berlusconi est
                                                                                                               un autre allié de poids. Et les États-
                                                                                                               Unis, avec lesquels Bourguiba avait
                                                                                                               tissé des liens étroits pour éviter un
                                                                                                               face-à-face par trop déséquilibré avec
                                                                                                               la France, comptent toujours parmi
                                                                                                               les partenaires stratégiques de la
                                                                                                               Tunisie. Le partenariat sécuritaire




                                                                                       HASSENE DRIDI/AP/SIPA
                                                                                                               a d’ailleurs été renforcé après les
                                                                                                               attentats du 11 septembre 2001 et
                                                                                                               la prise de conscience, par Washing-
   Le chef de l’État accueillant Mouammar Kaddafi, en août 2008,                                               ton, du risque terroriste islamiste. Le
   lors d’une visite officielle du « Guide » libyen à Tunis.                                                   dialogue politique, lui, a connu quel-
                                                                                                               ques ratés, les autorités tunisiennes
 DIPLOMATIE                                                                                                    n’ayant que modérément apprécié les
                                                                                                               appels du département d’État améri-

 Le changement                                                                                                 cain à plus de démocratisation…

                                                                                                               UNE POSITION MÉDIANE


 dans la continuité
                                                                                                               AU SEIN DU MAGHREB
                                                                                                                  Soutien indéfectible de la cause
                                                                                                               palestinienne – Tunis a abrité le
                                                                                                               quartier général de l’OLP entre 1982
 « Le bon élève du Maghreb et du monde arabe »... Si le cliché                                                 et 1995 –, la Tun isie rêve d’êt re
 est réducteur, il a le mérite de résumer lʼimage que les                                                      l’aiguillon de l’intégration maghré-
                                                                                                               bine. Un rêve jusqu’à présent contra-
 autorités sʼemploient à projeter hors de leurs frontières.                                                    rié par le différend maroco-algérien




 À
                                                                                                               autour du Sahara occidental. Sur le
           l’origine d’avancées écono-      investissements ont, en 2007, dépassé                              plan bilatéral, Tunis entretient d’ex-
           miques et sociales décisives,    pour la première fois, en valeur, ceux                             cellentes relations avec l’Algérie du
           Habib Bourguiba, le père de      des Occidentaux. Une performance                                   président Boutef lika et la Libye de
           l’indépendance, a grande-        qui n’a pas été rééditée en 2008,                                  Mouammar Kaddafi. La réconciliation
 ment contribué à bâtir le mythe d’une      crise financière oblige. Et la péren-                               – dès 1988-1989 – avec le remuant
 Tunisie avant-gardiste, pays « de la       nité de certains projets immobiliers                               voisin de l’Est est à mettre au crédit
 modération et du juste milieu ». Son       pharaoniques, à l’instar
 successeur, Zine el-Abidine Ben Ali,       de celui de Sama Dubai
 a poursuivi, sans trop la dénaturer,       à Tunis, est aujourd’hui                                         La Tunisie rêve d’être
 l’œuvre entamée, tout en mettant un        sérieusement remise en
 accent particulier sur la diplomatie       question.                                                   l’aiguillon de l’intégration
 économique.
    Devenue un pay s émergent, la           IDYLLE EUROPÉENNE                                                         maghrébine.
 Tunisie mise aujourd’hui moins sur            Ce nouveau tropisme
 la coopération que sur les capitaux        arabe de la diplomatie tunisienne ne                               de Zine el-Abidine Ben Ali. Tripoli est
 étrangers pour rejoindre le peloton        doit cependant pas occulter l’essen-                               désormais un partenaire essentiel.
 de tête des nations avancées. Sa sta-      tiel : l’ancrage économique à l’Union                              Plus d’un million et demi de Libyens
 bilité politique et sa fiscalité accom-     européenne (voir p. 60), matérialisé                               passent chaque année leurs vacan-
 modante sont autant d’atouts pour          en 1995 par la signature d’un accord                               ces en Tunisie, et, contrairement aux
 séduire les investisseurs. Elle a noué     d’association qui a servi de modèle                                autres ressortissants étrangers, les
 de nouveaux partenariats, en parti-        aux autres pays de la rive sud de la                               Tunisiens qui se rendent ou vivent
 culier avec les pays du Golfe, comme       Méditerranée. La Tunisie réalise plus                              en Libye sont exemptés d’un certain
 le Qatar, Bahreïn ou les Émirats           de 70 % de son commerce extérieur                                  nombre de pénibles formalités. ■
 (notamment celui de Dubaï), dont les       avec l’UE. Elle est l’un des piliers de                                                      SAMY GHORBAL


                                                                         J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
60 LE PLUS TUNISIE

 PARTENARIAT


 Europe, mon amour
 Premier pays du sud de la Méditerranée à avoir instauré,                                                                 commerciaux), entrée en vigueur le
                                                                                                                          1er janvier 2008. Et les négociations
 en 2008, une zone de libre-échange avec lʼUnion                                                                          se poursuivent afin d’étendre cette
 européenne, la Tunisie veut aussi être lʼun de ses                                                                       libéralisation aux produits agricoles
 interlocuteurs et médiateurs privilégiés sur le continent.                                                               et aux services.

                                                                                                                          L’UPM, ACCÉLÉRATEUR
                                                                                                                          DE PROJETS
                                                                                                                             L’année 2008 est aussi celle de la
                                                                                                                          création de l’Union pour la Méditer-
                                                                                                                          ranée (UPM), projet initié par Nicolas
                                                                                                                          Sarkozy et dont la Tunisie a été l’un
                                                                                                                          des premiers soutiens. Comme l’a rap-
                                                                                                                          pelé le président Zine el-Abidine Ben
                                                                                                                          Ali lors de la visite d’État du président
                                                                                                                          français en 2008, le lancement effec-
                                                                                                                          tif de l’UPM est essentiel pour créer
                                                                                                                          « une plus grande complémentarité
                                                                                                                          et solidarité entre les peuples de la
                                                                                                                          région » et « consolider la sécurité, la
                                                                                                                          stabilité, la paix et le développement
                                                                                                                          dans l’espace méditerranéen ».
                                                                                                                             Favorable à une participation plus
                                                                                                                          large des pays de la rive sud à l’éla-
                                                                                              DOMINIQUE FAGET/AFP PHOTO




                                                                                                                          boration et à la prise des décisions,
                                                                                                                          le chef de l’État français avait même
                                                                                                                          soutenu l’idée d’installer à Tunis
                                                                                                                          le siège du secrétariat général de
                                                                                                                          l’UPM… Si ce dernier a finalement
 Le président Ben Ali, entouré de ses homologues français, Nicolas Sarkozy, et égyptien,                                  échu à Barcelone, la Tunisie n’en
 Hosni Moubarak, lors du sommet fondateur de l’UPM, le 13 juillet 2008, à Paris.                                          reste pas moins l’un des fers de lance




 L
                                                                                                                          de l’Union et ne cesse d’appeler à la
          a Tunisie entretient des liens       dissement de la coopération politique.                                     mise en place de projets concrets
          commerciaux, politiques et           En 2005, la Tunisie signe un plan d’ac-                                    pour créer des convergences.
          culturels anciens et intenses        tion voisinage avec l’UE qui couvre                                           Face aux divisions qui ont para-
          avec ses voisins européens.          une période de cinq ans (2007-2012).                                       lysé le projet, en particulier liées au
 Elle est le premier pays de la rive           Les moyens mis en œuvre sont à la                                          conflit à Gaza fin 2008, une quinzaine
 sud de la Méditerranée à conclure,            mesure des ambitions : entre 2007                                          d’économistes européens et méditer-
 en juillet 1995, un accord d’associa-         et 2010, la Commission
 tion avec l’Union européenne (UE)             européenne a affecté
 dans le cadre du processus de Barce-          330 millions d’euros à                     La coopération financière
 lone. Entré en vigueur en 1998, cet           la Tunisie. En 2009, la
 accord constitue la base juridique            coopération financière                    de l’UE devrait s’élever pour
 des relations entre la Tunisie et l’UE        devrait s’élever à près
 et prévoit trois axes prioritaires de         de 77 millions d’euros                     2009 à 77 millions d’euros.
 coopération : politique et sécurité,          avec une attention par-
 partenariat économique et financier           ticulière portée aux secteurs de l’édu-                                    ranéens ont lancé en janvier dernier
 et partenariat social et culturel.            cation et de l’emploi.                                                     l’« appel de Tunis » pour réactiver
                                                  Mais c’est sans doute la coopéra-                                       l’intérêt pour l’UPM, accélérer la mise
 EN BONS VOISINS                               tion économique et commerciale qui                                         en place de ses institutions et enta-
    En 2004, l’Union européenne, qui           a connu les plus grandes avancées.                                         mer l’exécution de projets concrets.
 s’est élargie à l’est, veut approfondir       Pour preuve, la Tunisie est le premier                                     Ils étaient fermement soutenus par
 sa politique de voisinage et propose          pays à avoir instauré une zone de                                          les chefs d’entreprise tunisiens qui
 donc aux pays de la rive sud de la            libre-échange des produits industriels                                     voient cette nouvelle union comme
 Méditerranée une plus grande inté-            avec l’Union européenne (qui repré-                                        un « accélérateur de projets ». ■
 gration économique et un approfon-            sente plus de 70 % de ses échanges                                                    LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale


                                                                                J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
62 LE PLUS TUNISIE



 INTERVIEW                                      Mohamed Rachid
                                                      Kechiche                                                               MINISTRE DES FINANCES




 « Pas dʼaugmentation                                                                              Mais, en tant que pays émergent for-
                                                                                                   tement ancré à l’économie mondiale,


 des taxes en 2010 »
                                                                                                   la Tunisie ne peut pas ne pas subir
                                                                                                   les effets de la crise…
                                                                                                     C’est vrai pour certains secteurs re-
                                                                                                   levant de l’industrie manufacturière
 Solidarité redoublée, plan de relance... Quels sont                                               comme le textile, la mécanique et les
                                                                                                   équipements électriques. Ces secteurs
 les choix budgétaires pour relever les défis en termes                                             ont effectivement enregistré une baisse
 dʼobjectifs de croissance et dʼélévation du niveau de vie?                                        de leurs échanges [import et export]
                                                                                                   durant les six premiers mois de 2009.




 À
                                                                                                   Mais on ressent à partir de juillet les
             58 ans, Mohamed Rachid             lier avec les impératifs d’une gestion             prémices d’une certaine amélioration.
             Kechiche n’est pas seulement       équilibrée des finances publiques. Les
             un homme qui aime jongler          défis sont plutôt inhérents à l’ambition            Pour sortir de la crise, les dirigeants
             avec les chiffres. Il sait aussi   de nos objectifs de croissance et d’élé-           des pays industrialisés ont prôné
 prêter attention à l’analyse de ces der-       vation du niveau de vie, forts des acquis          une intervention musclée de l’État.
 niers, particulièrement en ces temps de        importants obtenus depuis plus de vingt            Quelle est votre stratégie ?
 crise mondiale. Titulaire d’une licence        ans sous la conduite de notre président,             Tout d’abord, dois-je vous rappeler
 en sciences économiques acquise à              Zine el-Abidine Ben Ali. Ils ont permis au         que l’action entreprise par les pays dé-
 Tunis, il entre en 1972 à la Banque            pays d’avancer vers le progrès, sans dis-          veloppés a été axée sur le système de
 centrale de Tunisie (BCT) avant de             continuité, et au peuple tunisien de vivre         financement de l’économie, touché par
 reprendre le chemin des cours à Paris,         dans un cadre de paix et
 où il décroche son diplôme d’ingénieur         de cohésion sociale.
 statisticien économiste ainsi qu’un                                                   « Une de nos priorités est de
 DEA en mathématiques de la décision.           Depuis 2008, la crise
 De retour à Tunis, il intègre l’Institut       n’a é p a r g n é au c u n              ne pas hypothéquer l’avenir
 d’études quantitatives puis le cabinet         pays. La Tunisie est-elle
 du ministre du Plan et des Finances.           à l’abri?                               par un endettement lourd. »
 En 1988, il est promu chef du Contrôle            Non, bien sûr. Ne se-
 général des finances puis, en 1993, chef       rait-ce que par l’effet de la récession            la crise de confiance entre les banques.
 du Contrôle général des services publics       qui affecte ses principaux partenaires.            Cela n’a été à aucun moment le cas en
 au Premier ministère. En janvier 1999,         À titre d’illustration, environ 70 % de            Tunisie. Au niveau financier, nos pré-
 il est nommé secrétaire d’État chargé          nos importations et exportations hors              occupations sont de ce fait ciblées sur
 de la Privatisation, puis secrétaire géné-     énergie se font avec l’Union européen-             deux volets: le premier concerne le sou-
 ral du gouvernement en 2001. Trois ans         ne, trois pays – France, Italie et Alle-           tien aux entreprises qui rencontrent des
 après, il prend la tête du ministère des       magne – totalisant à eux seuls 78 % de             difficultés de recouvrement de leurs re-
 Finances, place de la Kasbah. ■                notre commerce avec la zone euro.                  cettes d’exportation, le second concerne
                                                                                                   le financement des PME.
                                                Justement, comment percevez-vous
 JEUNE AFRIQUE : Quels sont vos                 l’effet de la crise financière?                     Quel a été votre rôle face à la crise ?
 contraintes et vos défis dans l’élabo-             Comme dit le proverbe, on a eu                     Le budget de l’État a toujours été
 ration du budget 2010?                         « plus de peur que de mal ». Nos re-               orienté vers une stratégie de soutien de
   MOHAMED RACHID KECHICHE :                    lations bancaires avec l’extérieur sont            l’action de développement qui répond
 Effectivement, nous sommes en plein            certes importantes, mais elles sont en             à nos impératifs d’équilibre social et à
 dans la préparation du prochain budget         corrélation directe avec l’économie                nos valeurs de solidarité. Globalement,
 de l’État. Préparation sous contraintes,       réelle. Donc, les équilibres fondamen-             il s’inscrit en augmentation sensible des
 bien sûr. C’est toujours le cas. Les exi-      taux du secteur n’ont, heureusement,               dépenses de fonctionnement, avec no-
 gences de développement économique             pas été touchés. Nous n’avons observé              tamment une amélioration notable des
 du pays confèrent un rôle important au         ni resserrement du crédit ni crise de              salaires des quelque 400 000 fonction-
 budget de l’État, qu’il convient de conci-     confiance entre banques.                            naires, donc de leur pouvoir d’achat,

                                                                                J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
LE PLUS 63

                                                                                                                                   tion, et par une consolidation de l’assise
                                                                                                                                   financière des banques publiques.

                                                                                                                                   Quel en sera l’impact sur la dette
                                                                                                                                   publique ?
                                                                                                                                      Il existe, au plus haut niveau de la
                                                                                                                                   hiérarchie politique, une conscience
                                                                                                                                   profonde de la nécessité de sauvegarder
                                                                                                                                   et de maîtriser les équilibres macroéco-
                                                                                                                                   nomiques, notamment au niveau des fi-
                                                                                                                                   nances publiques, et de ne pas hypothé-
                                                                                                                                   quer l’avenir par un endettement lourd.
                                                                                                                                   Ce souci est illustré par l’évolution très
                                                                                                                                   satisfaisante du taux d’endettement pu-
                                                                                                                                   blic, qui est passé de 62,5 % du produit
                                                                                                                                   intérieur brut (PIB) en 2001 à 48 % fin
                                                                                                                                   2008 – soit un gain de 14,5 points, une
                                                                                                                                   performance obtenue à la faveur d’une
                                                                                                                                   croissance économique continue, la-
                                                                                                                                   quelle a eu un effet positif sur les recet-
                                                                                                                                   tes fiscales. Et ce malgré la succession
                                                                                                                                   des chocs externes, l’envolée des prix
                                                                                                                                   du baril du pétrole, des matières pre-
                                                                                                                                   mières et des biens de consommation,
                                                                                                                                   sans oublier la crise actuelle.

                                                                                                                                   Selon vous, combien de temps cette
                                                                                                                                   crise va-t-elle durer ?
                                                                                                                                      Il est difficile de se prononcer avec
                                                                                                                                   certitude. L’ambiguïté et la fréquence
                                                                                                                                   inhabituelle des ajustements des ni-
                                                                                                                                   veaux de croissance dans les pays
                                                                                                                                   industrialisés, particulièrement nos
                                                                                                                                   partenaires, impliquent beaucoup de
                                                                                                                                   prudence. Espérons que d’ici à fin 2010
                                                                                                              ONS ABID POUR J.A.




                                                                                                                                   la situation économique s’améliore
                                                                                                                                   sensiblement. Il est donc important de
                                                                                                                                   donner à nos opérateurs économiques
                                                                                                                                   un message clair concernant notre
                                                                                                                                   volonté de maintenir une interven-
                                                                                                                                   tion forte de l’État, ce dernier étant le
ainsi que des dépenses d’investissement                         s’ajoute une enveloppe budgétaire pour                             premier investisseur et le premier em-
pour doter le pays d’infrastructures mo-                        une formation complémentaire pour                                  ployeur du pays.
dernes et d’équipements collectifs.                             aider à une réadaptation professionnelle
                                                                s’il le faut. Ce soutien facilite également                        Quel sera le niveau du déficit budgé-
La loi de finances complémentaire                                la consolidation et le rééchelonnement                             taire en 2010 ?
adoptée par le Parlement en juillet                             des impayés éventuels sur les crédits                                 Il se situera à un niveau comparable
comporte un plan de relance d’un                                à l’exportation à la suite des retards                             à celui de 2009, environ 3,7 %, un taux
montant de 730 millions de dinars en                            de paiement de clients étrangers. Sur                              nettement en deçà du niveau maximum
2009 [près de 390 millions d’euros].                            2 800 entreprises exportatrices, seules                            tolérable. Cela permettra au Budget
À quoi cela a-t-il servi ?                                      240 ont eu recours à ces mécanismes,                               d’assumer convenablement son rôle de
   Ce programme est articulé autour                             ce qui nuance très largement l’impact                              soutien et de relance, sans compromet-
de deux axes principaux. Une action                             réel effectif de la crise.                                         tre l’équilibre des finances publiques ni
de soutien par la prise en charge d’une                                                                                            remettre en question les efforts conti-
partie ou de la totalité, selon les cas,                        Et quid de l’autre axe d’interven-                                 nus pour réduire encore davantage no-
des cotisations patronales, une aide                            tion ?                                                             tre taux d’endettement.
destinée aux entreprises dont l’activité                           Il porte sur des actions de relance de
est liée à l’exportation et qui acceptent,                      l’activité économique en général par un                            Comptez-vous augmenter les taxes
malgré les difficultés, de ne pas recou-                         accroissement de l’investissement pu-                              en 2010 ?
rir au licenciement définitif mais à une                         blic dans les infrastructures de base,                                Non. Le schéma préliminaire d’équi-
simple réduction de l’horaire du travail                        par des incitations favorisant une atti-                           libre pour le budget 2010 ne comporte
ou au chômage technique partiel. À cela                         tude « agressive » en matière d’exporta-                           pas d’hypothèse d’augmentation des

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64 LE PLUS TUNISIE

 taxes, surtout pas au niveau de l’appa-      utiles. Tout d’abord, le niveau de pres-     que la Tunisie est, depuis plusieurs an-
 reil de production. Si cela était le cas,    sion fiscale, hors recettes pétrolières,      nées, très bien classée par le Forum de
 ce serait à mon avis incohérent avec         se situe à 18,4 % du PIB en 2009. C’est      Davos selon le critère de « non-gaspilla-
 notre stratégie de soutien et de re-         tout à fait acceptable compte tenu du        ge des dépenses publiques » [selon le
 lance, et peut-être même improductif.        niveau et de la structure de notre tissu     rapport publié le 8 septembre par le Fo-
 Nous comptons plutôt sur une amélio-         économique et du stade de développe-         rum économique mondial 2009-2010,
                                                             ment atteint. Secundo,        la Tunisie se place au 5e rang mondial,
                                                             il est tout à fait possible   NDLR]. À cela s’ajoute la succession
           « Avec la crise, comme dit                        d’améliorer cette pres-       d’une multitude de réformes qui ont
                                                             sion fiscale globale sans      permis de moderniser la fiscalité, d’as-
                 le proverbe, il y a eu                      pour autant augmenter         souplir les procédures, de garantir tous
                                                             les taxes, grâce à une        les droits au contribuable par un dis-
         “plus de peur que de mal”. »                        meilleure répartition         positif juridique complet et, enfin, de
                                                             de l’effort contributif de    réduire le niveau des taux de l’impôt
 ration de l’assiette fiscale, en relation     tous les agents économiques. Une dou-        sur les sociétés et de la TVA.
 d’ailleurs avec l’hypothèse de crois-        ble action est actuellement engagée à
 sance retenue pour notre PIB de 4 % à        ce titre. Une action de modernisation        Confiant, donc, dans l’avenir ?
 prix constants en 2010.                      de l’administration fiscale (pour se            Absolument. Une confiance dans no-
                                              rapprocher au mieux de cette équité          tre capacité de réagir au plus vite si la
 Pourtant, les chefs d’entreprise se          fiscale réclamée par tous et pour lutter      situation économique et financière l’exi-
 plaignent de la lourdeur de votre            efficacement contre la fraude) et une         ge, mais aussi une confiance soutenue
 fiscalité…                                    action de sensibilisation à l’intention de   par l’optimisme d’un nouveau program-
    Souhaiter moins de taxes tout en res-     tous les contribuables.                      me de réformes et de modernisation de
 tant exigeant sur le rôle de l’État en ma-                                                l’économie, sachant que la Tunisie vivra
 tière d’infrastructures et d’équipements     Quels sont vos arguments ?                   dans quelques semaines un événement
 collectifs de base est peut-être quelque        Notre double action est légitimée par     politique majeur avec l’élection prési-
 chose d’humain… Mais votre question          la qualité de notre gestion des dépenses     dentielle et les législatives. ■
 m’amène à faire quelques précisions          publiques. Vous n’êtes pas sans savoir                  Propos recueillis par SAMIR GHARBI
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 DÉVELOPPEMENT HUMAIN


 Pas dʼéconomie sans social
 Grande pauvreté éradiquée, système de soins performant, éducation et logement pour tous...
 la politique de solidarité joue à plein. Pourtant, la précarité et les inégalités nʼont pas disparu.



 D
              ès l’indépendance, en 1956, les autorités tunisien-              en milieu rural et des régions pauvres. La politique de planning
              nes ont bâti leurs budgets et leurs plans de dévelop-            familial a porté ses fruits: baisse de la fécondité (2 enfants par
              pement sur deux termes: économique et social. Et                 femme, au lieu de 6 en 1956 et 3 en 1990) et division par trois
              les efforts se poursuivent. Dernier chiffre en date:             du taux de croissance démographique (aujourd’hui à 1 %).
 la part des dépenses à caractère social (éducation, santé, habi-
 tat) atteint cette année 60 % du budget de l’État.                            UNE CLASSE MOYENNE MAJORITAIRE… ET FRAGILE
    Le chemin parcouru est immense: la population vivant au-                      Grâce à l’amélioration générale de la santé (augmentation
 dessous du seuil de pauvreté ne représente plus que 3,8 % de                  du nombre d’hôpitaux et de dispensaires, de médecins et d’in-
 la population totale, contre 7,7 % en 1985 et 75 % en 1959. Le                firmières), l’espérance de vie à la naissance a augmenté de
 revenu moyen par habitant a été multiplié par dix entre 1959                  vingt-cinq ans, passant de 49 à 74 ans (l’écart avec les pays
 et 1987 puis par cinq entre 1988 et 2009. Sous la présidence                  riches n’est plus que de cinq ans, contre vingt en 1959).
 de Habib Bourguiba (1956-1987), comme sous celle de Zine                         Cependant, beaucoup d’efforts restent à accomplir pour éra-
 el-Abidine Ben Ali (depuis 1987), les mêmes consignes se sui-                 diquer l’analphabétisme parmi les adultes (23 %), surtout les
 vent, avec plus d’ampleur en faveur, notamment, des femmes                    femmes, pour lutter contre l’abandon scolaire au cours des


   INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES
   Population                                       Taux de croissance démographique                                Taux de natalité
   (en millions d'habitants, 2008)                  (en %, est. 2009)                                               (pour 1 000 habitants, est. 2009)
    Rang mondial                                    Rang mondial                                                    Rang mondial
     15 Égypte                         81,5          41 Jordanie                                  2,3                 87 Égypte                               21,7
     17 Turquie                      73,9            80 Égypte                             1,6                        91 Turquie                             21,0
     35 Algérie         34,4                         92 Maroc                             1,5                        104 Algérie                            19,6
     38 Maroc           31,2                        101 Turquie                         1,3                          108 Maroc                           18,7
     71 Grèce            11,2                       110 Algérie                      1,2                             122 Grèce                         16,9
     74 Portugal         10,6                       125 Tunisie                     1,0                              135 Portugal                     15,4
     75 Rép. tchèque     10,4                       175 Portugal                    0,3                              189 Rép. tchèque          10,3
    76 Tunisie           10,3                       186 Grèce                     0,1                                203 Tunisie              9,5
     77 Hongrie          10,0                       211 Rép. tchèque -0,1                                            204 Hongrie               9,5
    103 Jordanie        5,9                         218 Hongrie         -0,3                                         213 Jordanie             8,8



   INDICATEURS SOCIAUX

   Indice de développement humain (IDH)             Espérance de vie à la naissance                                 Taux d'alphabétisation des adultes
   (2006)                                           (nombre d'années)                                               (en %, 2006)
   Rang mondial                                    Rang mondial                                                     Rang mondial
     18 Grèce                            0,947       20 Grèce                                      79                 12 Rép. tchèque                               99,0
     33 Portugal                        0,900        33 Portugal                                   78                 20 Hongrie                                   98,9
     35 Rép. tchèque                    0,897        39 Rép. tchèque                              76                  34 Grèce                                     97,0
     38 Hongrie                        0,877         60 Tunisie                                  74                   44 Portugal                               94,6
     76 Turquie                       0,798          65 Hongrie                                  73                   54 Jordanie                                  92,7
     90 Jordanie                     0,769           78 Jordanie                                 72                   74 Turquie                               88,1
    95 Tunisie                       0,762           82 Algérie                                  72                   99 Tunisie                            76,9
    100 Algérie                      0,748           87 Turquie                                  72                  103 Algérie                         74,6
    116 Égypte                   0,716               97 Égypte                                   71                  110 Égypte                          71,4
    127 Maroc                   0,646                99 Maroc                                    71                  129 Maroc                       54,7

                                                                                          J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
années du collège et du lycée (par manque de réussite, mais
aussi par manque de moyens financiers) et pour réduire les
inégalités. En effet, beaucoup de gens vivent juste au-dessus
du seuil de pauvreté, avec le risque de tomber plus bas et de
décrocher, donc, de la classe moyenne, estimée à 80 % de la
population. L’écart est nettement visible lorsqu’on regarde le
classement selon l’Indice de développement humain (IDH)
établi par le Programme des Nations unies pour le développe-
ment (Pnud). La Tunisie est certes loin devant le Maroc, mais
aussi loin derrière la Hongrie, par exemple.
   Négligée sous Bourguiba, la politique de solidarité a été
lancée en 1993 avec le Fonds 26-26, financé par une collecte
systématique de dons auprès des particuliers et des entrepri-
ses ainsi que par des contributions fiscales. Ce fonds couvre
1829 « zones d’ombre » (très pauvres) peuplées de 1,3 million
d’habitants (soit 12,5 % de la population). En quinze ans, le
Fonds a mobilisé 900 millions de DT (480 millions d’euros)
en leur faveur. Mieux, il a favorisé la création, en 1997, de
la Banque tunisienne de solidarité (BTS). En onze ans d’ac-
tivité, la BTS a financé 580 000 opérations (microprojets
montés par de jeunes entrepreneurs et microfinance pour
les petits métiers) pour un montant de plus de 1 milliard de
DT (533 millions d’euros). ■         SAMIR GHARBI, envoyé spécial




Taux de mortalité
(pour 1 000 habitants, est. 2009)
Rang mondial
 30 Hongrie                             12,9
 51 Rép. tchèque                    10,7
 53 Portugal                        10,7
 56 Grèce                          10,5
158 Turquie                 6,1
176 Maroc                   5,5
181 Tunisie                 5,2
185 Égypte                  5,1
195 Algérie             4,6
215 Jordanie          2,8




Taux de scolarisation global
(en %, 2006)
                                                                                 SOURCE S: BANQUE MONDIALE - PNUD - WORLD FACTBOOK




Rang mondial
 1     Grèce                                   100
28     Hongrie                               90
34     Portugal                              89
44     Rép. tchèque                       83
61     Jordanie                          79
78     Égypte                           76
79     Tunisie                          76
89     Algérie                          74
106 Turquie                           71
140 Maroc                          60

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68 LE PLUS TUNISIE

 MODE DE VIE


 Bienvenue dans la société
 de consommation
 Avec le niveau de vie le plus élevé de la région, les Tunisiens, ouverts aux influences
 extérieures, sʼéquipent et se font plaisir.

                                                                                                                 Enfin, la plupart des ménages ont
                                                                                                                 au moins une voiture.
                                                                                                                    Signe que les traditions ont encore
                                                                                                                 la vie dure, plus de 80 % des achats
                                                                                                                 sont encore effectués dans des épi-
                                                                                                                 ceries, le reste dans la grande distri-
                                                                                                                 bution. Cependant, tous les analystes
                                                                                                                 s’accordent à reconnaître que le mode
                                                                                                                 de consommation des Tunisiens va
                                                                                                                 s’occidentaliser de plus en plus : à
                                                                                                                 l’horizon 2016, 40 % des achats s’ef-
                                                                                                                 fectueront dans une grande enseigne.
                                                                                                                 Par ailleurs, les consommateurs « sont
                                                                                                                 aujourd’hui très sensibles à la publicité
                                                                                                                 et, tout comme en Europe, ils prévoient
                                                                                                                 longtemps à l’avance les périodes de
                                                                                                                 soldes », ajoute Ali Gharbi.
                                                                                         VINCENT FOURNIER/J.A.




                                                                                                                 UN ENDETTEMENT DES MÉNAGES
                                                                                                                 CONTRÔLÉ
                                                                                                                    Avec un revenu mensuel moyen de
                                                                                                                 600 dinars (près de 320 euros) par
 Les tentations et les promotions d’un hypermarché Carrefour, à Tunis.                                           foyer, les ménages sont souvent ten-




 L
                                                                                                                 tés de recourir au crédit pour pouvoir
          e consommateur tunisien est        être de plus en plus souvent confron-                               satisfaire leur appétit de consomma-
          un cas à part au Maghreb.          tés à des marques étrangères, grâce                                 tion. L’endettement par habitant et par
          Comme le rappelle A li             au développement à venir des fran-                                  an est de 100 euros, contre 200 euros
          Gharbi, directeur de l’Insti-      chises, qu’une loi vient d’autoriser, et                            au Maroc et 2 000 euros en France. « Il
 tut national de la consommation, « les      du fait du matraquage publicitaire »,                               n’y a pas de fuite en avant dans l’en-
 modes de consommation en Tunisie            explique un diplomate.                                              dettement des ménages. Le système
 connaissent une évolution très rapide          Selon Hassen Zargouni, président                                 bancaire tunisien est très contrôlé et
 et empruntent à la fois aux traditions      du bureau d’ét udes marketing et                                    les risques de dérapages sont donc peu
 propres aux Maghreb et aux nouvelles        médias Sigma Conseil, « le panier du                                importants », explique Hassen Zar-
 habitudes de la société de consomma-        Tunisien est un peu plus élaboré et la                              gouni. Par ailleurs, contrairement au
 tion de type occidental ». Pourtant,        part de l’alimentaire [35 %] sensible-                              Maroc, les sociétés spécialisées dans
 jusqu’à la fin des années 1980, les         ment plus basse qu’au Maroc [40 %]                                  le crédit à la consommation – comme
 Tunisiens vivaient dans une écono-          ou en Algérie [47 %]. Cela s’explique                               Cetelem – n’existent pas encore en
 mie relativement fermée et n’étaient        par le fait que le niveau de vie y est                              Tunisie. Ce sont les banques qui y
 exposés qu’à des produits locaux.           plus élevé. » En effet, ici, le consom-                             assurent ce type de prestation.
 Conséquence de ce relatif isolement,        mateur consacre 20 % à 25 % de son                                     La véritable spécificité de la société
 u n for t développement des PM E            revenu à l’immobilier (près de 80 %                                 de consommation tunisienne est sa
 nationales et une position de leader        des Tunisiens sont propriétaires de                                 relative homogénéité. « On a une
 pour les marques locales. Aujourd’hui       leur logement), 10 % à 15 % au tex-                                 importante classe moyenne, qui a plus
 encore, malgré l’ouverture aux impor-       tile et à l’habillement et, nouveauté,                              ou moins le même rythme de vie et
 tations, les consommateurs conti-           depuis cinq ans, la part dédiée à la                                les mêmes habitudes de consomma-
 nuent d’utiliser principalement des         consommation des services télécom                                   tion », analyse Hassen Zargouni. Une
 produits nationaux. Ainsi, 80 % des         n’a cessé d’augmenter, pour atteindre                               homogénéité sociale propice à une
 articles vendus par l’enseigne Carre-       près de 5 %… Aujourd’hui, 90 % des                                  entrée de plain-pied dans la société
 four sont d’origine tunisienne. « Les       Tunisiens ont un téléphone portable                                 de consommation. ■
 Tunisiens sont cependant appelés à          et 95 % possèdent une télévision.                                                LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale


                                                                           J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
70 LE PLUS TUNISIE



 INTERVIEW                             Mohamed Nouri Jouini
                                                                   MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE



 « Nous gardons le cap sur lʼouverture »
 Malgré la conjoncture mondiale, qui affecte la plupart de ses partenaires, le pays
 est optimiste. Après un fléchissement en début dʼannée, les implantations et les
 investissements étrangers se poursuivent. Dans certains secteurs, ils sʼaccélèrent.




 N
             ommé au portefeuille du          internationales, ainsi qu’à l’améliora-              licence de téléphonie fixe et mobile de
             Développement et de la           tion de l’environnement des affaires.                troisième génération à un consortium
             Coopération internationale                                                            tuniso-français.
             en 2002, Mohamed Nouri           Comment la Tunisie s’en sort-elle                       Cette dynamique a favorisé l’en-
 Jouini est, à 48 ans, à la tête d’un         cette année ?                                        trée en production, durant le premier
 département dont le rôle est central            Mieux que prév u. Elle s’en sort                  semestre de 2009, de 93 nouvelles
 en termes de gestion macroéconomi-           pas mal, grâce aux mesures décidées                  entreprises à participation étrangère
 que, de planification et de soutien à        depuis le dernier trimestre de 2008 et               et la réalisation de 104 opérations
 l’investissement extérieur. Formé aux        au suivi permanent effectué par une                  d’extension, qui ont permis la créa-
 sciences de la décision aux États-Unis,      commission nationale, décidée par le                 tion de 6 200 nouveaux emplois, dont
 il a notamment été le conseiller écono-      président Ben Ali et présidée par le                 plus de 5 700 dans l’industrie manu-
 mique du chef de l’État puis secrétaire      Premier ministre. Cette commission,                  facturière.
 d’État à la Privatisation. ■                 qui comprend des membres du gou-
                                              vernement, des organisations profes-                 Quelles sont les perspectives pour
                                              sionnelles et des experts, assure une                le pays ?
 JEUNE AFRIQUE : Quel a été l’effet           veille continue et est prête à propo-                  Il y a des sig nes positifs. Nous
 de la crise sur l’ouverture du pays ?        ser les mesures nécessaires pour faire               sommes dans une phase de stabili-
   MOH A MED NOU R I JOU INI :                face à la crise.                                     sation et, même, de début de relance
 La crise n’a pas freiné le processus            Durant cette crise, nous avons tenu               au niveau mondial. Pour la Tunisie,
 d’ouverture de l’économie tunisienne.        un discours très franc avec les Tuni-                cela se traduit par des commandes
 Bien au contraire, elle a incité le gou-     siens, avec les patrons, avec les syndi-             plus importantes dans plusieurs sec-
                                                             cats et avec les partenai-            teurs. C’est donc positif. Après envi-
                                                             res étrangers. Nous avons             ron 3 % en 2009, nous espérons un
            « La Tunisie a su renforcer                      pris des mesures pour                 début de retour aux taux de crois-
                                                             atténuer son impact et                sance normaux, de 4 % à 5 %, en
             sa capacité de résistance                       pour compenser la baisse              2010. À partir de 2011, nous nous
                                                             des échanges extérieurs               attendons à un taux de croissance
                aux chocs exogènes. »                        par un accroissement de               similaire à celui d’avant la crise,
                                                             l’investissement.                     c’est-à-dire 6 %, qu’il nous faudra
 vernement à persévérer sur la voie de                                                             d’ailleurs encore améliorer.
 l’intégration à l’économie mondiale.         L a c r i se a - t- e l le eu de s e f f et s
 D’ailleurs, c’est grâce à l’élan de réfor-   positifs ?                                           Comment se sont comportés les
 mes sans relâche depuis deux décen-             La Tunisie a réussi à tirer profit de              investissements directs étrangers
 nies sur la voie de la libéralisation que    cette conjoncture en drainant, en plei-              (IDE) ?
 la Tunisie est parvenue à asseoir de         ne période de crise, des investisseurs                  Globalement, il y a une baisse. Mais
 solides fondements qui lui ont permis        étrangers de renommée internationa-                  c’est normal, cette dernière étant due
 de renforcer sa capacité de résistance       le dans des secteurs porteurs. Cette                 essentiellement à l’énergie. En revan-
 aux chocs exogènes. Et nous persévé-         attractivité s’est manifestée à travers              che, et malgré la crise, les IDE dans
 rons sur la voie de l’ouverture, même        la multitude des projets d’investis-                 les industries manufacturières ont
 en pleine période de crise.                  sement et de partenariat qui ont été                 connu une hausse de 15 %. C’est un
    Ainsi, la majorité des mesures struc-     conclus avec des entreprises étrangè-                mérite, parce que la compétition dans
 turelles repose sur des réformes liées à     res : la création d’un parc aéronauti-               ce secteur est plus forte.
 la réduction de la protection tarifaire,     que, l’entrée en production de grands                   Mieux encore : depuis deux ou trois
 à la facilitation des procédures du com-     projets à haute valeur ajoutée dans les              ans, nous observons que la qualité de
 merce extérieur, à la promotion des          secteurs des composants automobiles                  l’investissement s’améliore. Et c’est le
 exportations, à l’adoption des normes        et du textile, ainsi que l’octroi d’une              cas pour 2009 et 2010, avec de nou-

                                                                                J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
LE PLUS 71




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   Pour le ministre du Développement et de la Coopération, les efforts se concentrent sur l’intégration à l’économie mondiale.


veaux investissements dans des sec-                             cier. Et les travaux pour Telecom City      drier fixé. Nous sommes dans la phase
teurs et créneaux tout à fait inédits,                          doivent démarrer prochainement.             du démarrage de l’implantation.
comme le textile haut de gamme,
l’aéronautique, la microélectronique,                           Mais les travaux sur les berges du          Y a-t-il d’autres grands chantiers
la production de logiciels et les ser-                          lac sud de Tunis pour le projet Porte       programmés ?
vices informatiques, où des leaders                             de la Méditerranée, où Sama Dubai             Ce que je peux vous dire au stade
mondiaux installent en Tunisie des                              disait vouloir investir plus de 25 mil-     actuel, c’est que nous travaillons avec
plates-formes de compétence.                                    liards de dollars, sont en arrêt…           un grand sérieux sur plusieurs projets,
                                                                   Le groupe concerné n’a pas renoncé       notamment cinq grands projets qui
À propos d’IDE, les grands projets                              au projet : il y a un retard en raison de   doivent être implantés dans différentes
immobiliers financés par des grou-                               difficultés inhérentes à la crise finan-      régions du pays, en plus de Tunis. Ils ne
pes du Golfe ont beaucoup fait par-                             cière mondiale, et il a demandé un          concernent pas seulement le développe-
ler d’eux (voir pp. 72-73). Où en                               délai par rapport au calendrier initial.    ment immobilier, mais aussi le domaine
sont-ils aujourd’hui ?                                                                                      de l’énergie, du dessalement de l’eau de
  Trois sont en cours de réalisation                            Et comment évolue le projet de la           mer, de l’environnement, des infrastruc-
sur la région de Tunis. Pour Tunis                              filiale d’Airbus au sein du nouveau          tures et des zones logistiques. ■
Sports City, les travaux sont en cours.                         parc aéronautique ?                                            Propos recueillis à Tunis
C’est aussi le cas pour le pôle finan-                             Il avance conformément au calen-                           par ABDELAZIZ BARROUHI

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
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  • 1. LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE TUNISIE 1987-2009 Les années Ben Ali HICHEM
  • 2.
  • 3. LE PLUS 53 PRÉLUDE LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE TUNISIE TUNISIE TUNISI UNISIE MARWANE BEN YAHMED Demain, la Tunisie... Les années es années année année n es INUTILE DE CHERCHER SUSPENSE ET ENJEU LÀ OÙ IL N’Y EN A PAS: la Tunisie va réélire, le 25 octobre prochain, Zine el-Abidine Ben Ali à la tête de l’État. Ce Plus de Jeune Afrique vous propose de mesurer le chemin parcouru depuis son accession HICHEM au pouvoir, le 7 novembre 1987. C’est l’occasion, aussi, de s’interroger sur l’avenir PA N O R A M A d’une nation qui suscite parfois les passions. Citée en exemple par les uns, flagornée Lʼheure du bilan p. 54 par certains, critiquée, voire vilipendée, de manière pavlovienne par d’autres, la Tu- nisie n’est pourtant pas Janus. Pas de double visage, mais un pays complexe, loin de CO N FI D E N C E S D E . . . l’image caricaturale – positive comme négative – que certains s’échinent à brosser. Zouheir Mdhaffar p. 57 Que fera le président de ce cinquième mandat? Quelles devraient être ses préoccu- D I PLO M AT I E pations majeures? Répondre aux aspirations des Tunisiens (qui manquent cependant Le changement de canaux pour les exprimer) et, surtout, préparer l’avenir, donc la relève. Deux défis dans la continuité p. 58 d’envergure se présentent à l’horizon, qui nécessitent une vision sur le long terme. Le premier d’entre eux : ne pas se contenter des acquis. On l’a dit et répété (trop, PA R T E N A R I AT peut-être…), depuis plus de vingt ans, la liste des progrès réalisés ne cesse de Europe, mon amour p. 60 s’allonger : émergence d’une véritable classe moyenne, scolarisation généralisée, INTERVIEW accès à l’eau, à l’électricité, aux soins, droits des femmes (mais pas encore assez), Mohamed Rachid Kechiche, économie aux taux de croissance flatteurs, faible pauvreté (comparativement aux ministre des Finances p. 62 voisins), stabilité, absence de crises politiques ou sociales, etc. Mais ces avancées D É V E LO PPE M E NT H UM AIN restent fragiles. Malgré sa résistance certaine à la crise qui frappe la planète, l’économie tunisienne Pas dʼéconomie sans social p. 66 donne des signes d’essoufflement. Certains investisseurs étrangers hésitent encore à s’y installer et préfèrent la destination Maroc, pourtant moins compétitive sur le MODE DE VIE papier. En outre, si les entreprises tunisiennes demeurent performantes, aucune Bienvenue dans la société n’occupe le haut du pavé sur la scène internationale, voire méditerranéenne. Les de consommation p. 68 grands groupes du pays multiplient leurs activités, se diversifient. Mais aucun n’est INTERVIEW numéro un sur un secteur précis. Et rares sont ceux qui exportent leur savoir-faire Mohamed Nouri Jouini, en dehors des frontières d’un marché restreint, contrairement, par exemple, à cer- ministre du Développement tains « champions » marocains qui lorgnent avec gourmandise le sud du Sahara. En et de la Coopération p. 70 matière économique, on ne peut se permettre de faire du surplace… I N FR A S T R U C T U R E S Enfin, condition sine qua non d’un avenir serein, l’indispensable ouverture démo- Au rythme des grands cratique. Davantage de libertés, davantage de débats, une opposition qui joue son rôle chantiers p. 72 et non celui qu’on lui assigne… Sinon, le risque est grand de voir nombre d’entrepre- neurs, de créateurs, de chercheurs ou d’intellectuels aller exercer leurs talents sous SOCIÉTÉ d’autres cieux. Il faut nourrir son cerveau autant, si ce n’est plus, que son estomac… Fières et libres p. 74 L’autre grand défi, certainement le plus complexe, consistera à se forger une véritable identité nationale. Que signifie être tunisien aujourd’hui ? Être maghré- bin, méditerranéen, africain, musulman, laïc, regarder vers l’Europe, au-delà du Direction : Danielle Ben Yahmed Sahara ou vers le Moyen-Orient ? Quel socle commun de valeurs veut-on définir ? et Marwane Ben Yahmed Quel avenir désire-t-on construire ? Autant de questions sans réponses précises. Rédaction en chef : Cécile Manciaux Aujourd’hui, le ciment de la nation, sa cohésion, c’est l’État, et donc son chef. Le Rédaction : Abdelaziz Barrouhi, à Tunis, Samir Gharbi, Leïla Slimani, Fawzia Zouari, seul point d’ancrage, la seule référence, l’unique centre de décisions et d’impulsions. envoyés spéciaux, et Samy Ghorbal Personne ne peut dire ce qu’il adviendra du pays quand il ne sera plus à sa tête, Coordination : Mohamed Ali Aboudi demain, dans cinq ans ou dans dix. Il faudra bien se pencher, un jour, sur cette Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris question. Même si d’aucuns la jugeront déplacée… ■ Tél.: + 33 1 44301960 Fax: + 33 1 45200823 J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 4. 54 LE PLUS TUNISIE PANOR AMA LʼHEURE DU BILAN À un mois de lʼéchéance présidentielle, retour sur les mandats, il a instauré un système présidentiel centralisé qui lui per- mandats de Zine el-Abidine Ben Ali. Le chemin parcouru met de décider aussi bien des gran- par le pays en vingt-deux ans en matière de développement des orientations que des détails pour économique et humain est considérable. impulser l’action du gouvernement et d’en assurer le suivi. Rapidement, il est devenu ce que l’on appelle chez les Anglo-Saxons un dirigeant « busi- ness friendly », qui a permis de réha- L’ ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis biliter l’entreprise et, à ceux qui ont l’esprit d’initiative, de s’enrichir sans année 2009 n’a pas classe la Bourse de Tunis en sixième avoir à en rougir. D’où l’apparition de été fac i le pou r les position parmi les 41 places boursiè- grands capitaines d’industries dont le planificateurs et les res internationales qui ont le mieux pays n’est pas peu fier. À cet égard, il opérateurs de l’éco- résisté à la crise mondiale, et pre- pousse sans relâche le gouvernement nom ie t u n i sien ne. mière en Afrique et dans le monde à sortir de sa frilosité et à réduire L a r é c e s sion da n s arabe. Enfin, la Bourse les pay s de l’ Un ion eu ropéen ne, de Tunis reste dans le principal partenaire commercial, a vert (avec une hausse Le taux de croissance est eu un impact sur les exportations, de 12,04 % depuis le cassa nt le r y t h me de c roissa nce 15 septembre 20 08), honorable, mais insuffisant honorable de ces dernières années, dont le taux, depuis v ing t ans, a alors que les 40 autres sont dans le rouge. pour les ambitions du pays. été en moyenne de 5 % par an. Les experts ont cependant de quoi être UN CHEF D’ÉTAT massivement les lourdeurs des ser- sat i sf a it s : le s fonda ment au x de « BUSINESS FRIENDLY » vices administratifs dès lors que sont l’économie étant solides, le pays a Bref, à la veille des élections législa- concernés l’investissement, les entre- pu jusque-là juguler les effets de la tives et de l’élection présidentielle – à prises, le change et la douane. « La crise économique internationale, et laquelle le président Zine el-Abidine liberté est la règle et l’autorisation a parfois même su en tirer avantage Ben Ali se présente pour un cinquiè- l’exception », lit-on dans le program- (voir pp. 70-71). Le taux de croissan- me mandat –, qui se dérouleront le me présidentiel 2004-2016… ce attendu pour 2009 se situe à 3 % : 25 octobre (voir encadré), le gouver- L’accord d’association conclu en une performance si on le compare nement est à son aise. Globalement, 1995 avec l’Union européenne, qui a à celui de ses partenaires commer- le bilan économique et social depuis mené à l’établissement d’une zone de ciaux européens, en récession. Par 1987 comporte de nombreux points libre-échange effective depuis 2008 ailleurs, dans un classement publié forts unanimement reconnus. (voir p. 60), ainsi que l’adhésion aux ce mois-ci sur 82 pays, le cabinet bri- Depuis l’accession au pouvoir de règles de l’Organisation mondiale du tannique Bespoke Investment Group Ben Ali et durant ses quatre derniers commerce (OMC) ont permis au pays CALENDRIER ÉLECTORAL • 26 AOÛT-24 SEPTEMBRE Dépôt des dossiers de can- • 11-23 OCTOBRE Campagne électorale officielle pour didatures à l’élection présidentielle. la présidentielle et les législatives. Scrutin uninominal majoritaire à deux tours. • 17-24 OCTOBRE Vote des Tunisiens résidant à l’étran- Le Conseil constitutionnel proclame les candidatures ger pour élire le président de la République. validées fin septembre. • 25 OCTOBRE Vote en Tunisie pour les élections pré- • 20-26 SEPTEMBRE Dépôt des candidatures pour les sidentielle et législatives. élections législatives. • 26 OCTOBRE Annonce des résultats définitifs. Mode de scrutin mixte : scrutin de liste majoritaire à Pour la présidentielle, dans le cas où la majorité abso- un tour au niveau des circonscriptions électorales, et lue des suffrages exprimés n’est pas obtenue au pre- scrutin proportionnel au niveau national, concernant mier tour, il sera procédé à un second tour le deuxiè- les listes n’ayant pas remporté de sièges au niveau me dimanche qui suit le jour du vote, le 8 novembre. des circonscriptions). Un scénario toutefois improbable. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 5. LE PLUS 55 AGOSTINO PACCIANI Le nouveau quartier d’Ennasr, à Tunis. de se façonner une vision. Il a fait le le choix politique de poursuiv re, dix ans, de miser sur les TIC et de choix d’une politique d’ouverture sur d’adapter et d’approfondir l’œuvre développer dans ce domaine « une l’économie de marché et celui de la engagée depuis l’indépendance en stratégie avant-gardiste », comme l’a diversification sectorielle, avec des matière d’éducation et de formation relevé l’Américain Steve Balmer, le entreprises tournées vers l’exporta- professionnelle – secteur qui reçoit directeur général de Microsoft, lors tion en raison de l’exiguïté du marché actuellement 7,5 % du PIB et dont d’une visite au Palais de Carthage, local et pour l’attraction des investis- le budget annuel est augmenté en en octobre 2007. Résultat : le pays sements directs étrangers (IDE). Une moyenne de 10 % chaque année. forme désormais 50 000 étudiants vision qui rappelle celle des dragons Ainsi, de moins de 40 000 en 1986- par an dans cette spécialité, dont asiatiques, comme la Corée du Sud, 1987, les étudiants sont aujourd’hui 5 000 ingénieurs – un nombre qui Singapour ou Taïwan, tout en gardant 400 000, soit des effectifs universi- devrait être porté à 7 000 en 2011 –, un œil sur le modèle méditerranéen taires multipliés par dix… et majori- et, attirés par ces compétences, de de l’Espagne et du Portugal dans leur tairement composés de jeunes fem- grands groupes internationaux s’im- démarche d’arrimage à l’Europe. Et, mes (voir p. 74). plantent dans les technopoles dédiées en cela, la petite Tunisie voit grand. Autre point fort sur le plan des com- aux TIC et créées par l’État ou par pétences : les technologies de l’infor- des investisseurs étrangers. Désor- PARI SUR L’HUMAIN mation et de la communication (TIC). mais, la part du secteur dans le PIB Pour y pa r ven i r, son pr i nc ipa l Là encore, sous l’impulsion du chef avoisine les 10 %. Mais il faut aller point fort réside dans ses ressour- de l’État, que l’on sait féru d’informa- encore plus loin : « L’objectif du chef ces humaines. Au cours des deux tique – et, même, « surfeur » assidu –, de l’État dans ce domaine est de faire dernières décennies, l’État a fait le pays a fait le choix, depuis plus de de la Tunisie une destination techno- J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 6. 56 LE PLUS TUNISIE logique et un pôle régional d’activités LE PAYS EN BREF connaît pas la crise : près de 80 % des innovantes », souligne El Hadj Gley, Données pour lʼannée 2008 ménages sont propriétaires, et « nous ministre des Technologies de la com- avons un nombre de logements de munication. 14 % supérieur à celui des ménages, Cette valorisation des ressources Tunis ce qui est à ma connaissance une pre- humaines, associée à la politique Sousse mière mondiale », remarque Moha- d’ouverture, a permis à la Tunisie ALGÉRIE med Hédi Slim, le directeur général de diversifier son économie, d’atti- Sfax Mer de l’Habitat au ministère de l’Équi- rer plus d’IDE et d’exporter davan- Méditerranée pement. Mieux : officiellement, les tage. Elle compte aujourd’hui plus de 0,8 % de logements rudimentaires et 5 700 entreprises industrielles (2 670 TUNISIE insalubres recensés en 2004 ont pres- totalement exportatrices), dont plus que tous été éradiqués dans le cadre LIBYE du Fonds de solidar ité nationale (« 26-26 »). Ce choix politique résolu Une stratégie à 150 km de la solidarité explique aussi que le taux de pauvreté se situe en dessous mi-chemin des dragons Superficie 163610 km2 de 4 %, les autorités évaluant par ailleurs la part de la classe moyenne asiatiques et du modèle Population 10,4 millions d’hab. à plus de 80 % de la population. méditerranéen. Monnaie Dinar tunisien (DT) Parité au 10/09/2009: NE PAS S’ENDORMIR 1 DT = 0,53 euro = 0,77 dollar SUR SES LAURIERS de 4 000 ont bénéficié de soutiens PIB (prix courants) Pays émergent, la Tunisie ne doit pour moderniser leurs outils de pro- 50,3 milliards de DT cependant pas s’endormir sur ses duction et leur gestion. lauriers si elle veut rejoindre le cer- PIB par habitant (prix courants) Le pays ne se cantonne plus aux cle des pays développé. Ainsi, les 4830 DT (2600 euros) secteurs classiques, comme celui du performances relatives du taux de textile où, selon les années, il est le Répartition du PIB Primaire: 11,3 %, croissance que nous évoquions pré- cinquième ou sixième fournisseur de secondaire: 28,5 %, tertiaire: 60,2 % cédemment (près de 5 % en moyenne l’Europe. Il s’est positionné, à temps, Taux d’investissement par an depuis vingt ans) sont, certes, 25,1 % (+ 4,6 %) SOURCE : BCT, INS, FMI sur d’autres créneaux à plus forte honorables, mais insuffisantes pour valeur ajoutée et s’impose aujourd’hui Exportations 23,6 milliards les ambitions du pays. Le gouverne- sur les marchés des industries méca- de DT (+ 21,9 %) ment lui-même et la Banque mondiale niques électriques et électroniques Importations 30,2 milliards de DT estiment que ce taux devrait se situer (IMEE). Avec plus de 380 entrepri- (+ 23,7 %) au moins à 7 % pour créer un nombre ses, dont les exportations ont dépassé d’emplois qui permette de résorber les 6 milliards de DT (3,2 milliards le taux de chômage, stagnant depuis CHRONOLOGIE d’euros) en 2008, soit six fois plus des années autour de 14 %. qu’il y a dix ans, ce secteur ne cesse Dans le même ordre d’idée, lors 20 mars 1956 Indépendance. d’innover et d’aller vers toujours plus d’un débat national organisé cet de valeur ajoutée, notamment dans 25 juillet 1957 Proclamation de la été, le Premier ministre Mohamed l’aéronautique. République. Habib Bourguiba est Ghannouchi, à l’unisson avec les désigné président de la République, patrons tunisiens, a fait l’inventaire PRIORITÉ À LA COHÉSION puis est élu le 8 novembre 1959. des points faibles qui entravent la TERRITORIALE ET SOCIALE 26 janvier 1978 Grève générale et productivité, dans le public comme Dans le même temps, le pays s’est émeutes (c’est le « Jeudi noir »). dans le privé : absentéisme, absence doté d’une politique d’aménagement 7 novembre 1987 Zine el-Abidine de culture d’entreprise et d’esprit du territoire qui a privilégié et les Ben Ali prend le pouvoir. Il est élu d’initiative, manque de motivation du infrastructures et la qualité de vie président le 2 avril 1989 et réélu personnel, taux d’encadrement dans des Tunisiens. Désormais, plus de le 20 mars 1994, le 24 octobre le privé encore trop faible, lacunes en 99 % des ménages ont l’électricité, 1999 et le 24 octobre 2004. matière de transparence financière… 98 % sont raccordés au réseau d’eau La liste est longue. courante et plus de 81 % au réseau 24 juillet 2008 Adoption par le « Les réalisations économiques d’assainissement. Parlement d’un amendement de la Tunisie ne sont pas une raison E n m at iè r e de déve lopp e me nt constitutionnel, promulgué le pour s’adonner à l’autosatisfaction, humain (voir pp. 66-67), l’espérance 28 juillet, qui abaisse l’âge de la rappelle Mohamed Ghannouchi. Et de vie se situe à 74 ans, on compte majorité électorale de 20 ans à il serait utile d’évaluer les capaci- 1 médecin pour 865 habitants, avec 18 ans et supprime la condition de tés du pays à atteindre ses objectifs un taux de couverture sociale qui parrainage des candidats par au dans l’actuelle conjoncture interna- est passé de 53 % en 1987 à 93 % moins 30 élus (députés et maires). tionale. » Une remise en question qui aujourd’hui. Volet essentiel de l’amé- 13 avril 2009 Amendement du constitue, mine de rien, un signe sup- nagement urbain, le logement, ici, ne code électoral (voir p. 57). plémentaire de bonne santé. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 7. LE PLUS 57 CONFIDENCES DE… Zouheir Mdhaffar Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et du Développement administratif. E n juillet 2008, la Constitution a été modifiée pour abaisser l’âge de la majorité électorale de 20 ans à 18 ans, et, en avril dernier, les députés ont adopté un projet de loi organique amendant le code électoral. À l’approche de la présidentielle et des législatives du 25 octobre, retour sur la teneur et les raisons de ces modifications. JEUNE AFRIQUE: Pourquoi avoir abaissé l’âge du vote de 20 ans à 18 ans? ZOUHEIR MDHAFFAR: Pour la première fois cette année, 450000 jeunes entre 18 ans et 20 ans auront la possibilité d’exercer leur droit de vote grâce à une nouvelle disposi- tion du code électoral. Les jeunes représentent près de HICHEM la moitié de la population tunisienne, et le président Ben Ali, qui, depuis des années, a entamé un véritable dialo- gue avec la jeunesse, a considéré qu’il était temps de leur donner, dès l’âge de 18 ans, la possibilité de s’assumer en Dans quelle mesure la campagne 2009 sera-t-elle diffé- tant que citoyens à part entière. rente des précédentes? Pour inciter ces jeunes à s’inscrire sur les listes électo- La campagne est un moment clé qui doit permettre rales, nous avons lancé une vaste campagne d’information à chaque candidat d’exposer son programme dans les et de sensibilisation, notamment dans les lycées et les uni- meilleures conditions possibles. À cet égard, l’amende- versités. En règle générale, l’élargissement du champ de ment du 13 avril 2009 permet de mettre en œuvre les la participation électorale a toujours été un objectif du pré- garanties réglementaires nécessaires pour assurer la neu- sident. C’est d’ailleurs pour cela qu’un enfant né de mère tralité des médias durant la campagne et l’égalité d’accès tunisienne peut maintenant voter et que les Tunisiens des candidats à ces médias. Selon l’article 37 du code élec- résidant à l’étranger sont représentés à la Chambre des toral, c’est le président du Conseil supérieur de la commu- conseillers [Chambre haute, NDLR]. L’autre volet de la réforme porte sur En octobre, pour la première fois, 450000 jeunes la transparence des opérations de vote… de 18 ans à 20 ans pourront voter. En effet. L’opposition réclamait depuis longtemps un certain nombre de mesures dont nication qui est en charge de faire respecter cette nouvelle la réduction du nombre de bureaux de votes car elle se disposition. Il me paraît par ailleurs essentiel d’évoquer les plaignait de ne pas avoir suffisamment d’observateurs efforts fournis pour renforcer la présence de l’opposition à envoyer dans les bureaux. Aujourd’hui, les bureaux dans les institutions représentatives. La révision du code passent de 450 à 600 électeurs – sauf dans les zones électoral a permis d’augmenter le nombre de sièges à la rurales, où l’on a conservé 250 électeurs par bureau pour Chambre des députés. Ainsi, l’opposition est assurée d’ob- assurer l’accessibilité des électeurs aux urnes. tenir au moins 53 sièges lors des prochaines législatives. D’autre part, l’amendement du code électoral du 13 avril De même, afin de développer la culture du pluralisme, une 2009 a permis de porter les délais d’examen des recours liste ne pourra pas obtenir plus de 75 % des sièges au sein de cinq jours à deux semaines afin que le Conseil consti- d’un conseil municipal, et ce quel que soit le nombre de tutionnel dispose de tout le temps nécessaire pour en voix obtenues. ■ examiner la légitimité. Propos recueillis à Tunis par LEÏLA SLIMANI J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 8. 58 LE PLUS TUNISIE l’Union pour la Méditerranée (UPM) et est toujours en lice pour le poste de secrétaire général de l’organisation. Sur le plan bilatéral, la France, avec laquelle les relations sont au beau fixe, reste le premier parte- naire. L’entente entre les présidents Ben Ali et Chirac, puis Sarkozy, n’est pas étrangère au climat de confiance qui règne désormais entre Paris et Tunis. L’Italie de Silvio Berlusconi est un autre allié de poids. Et les États- Unis, avec lesquels Bourguiba avait tissé des liens étroits pour éviter un face-à-face par trop déséquilibré avec la France, comptent toujours parmi les partenaires stratégiques de la Tunisie. Le partenariat sécuritaire HASSENE DRIDI/AP/SIPA a d’ailleurs été renforcé après les attentats du 11 septembre 2001 et la prise de conscience, par Washing- Le chef de l’État accueillant Mouammar Kaddafi, en août 2008, ton, du risque terroriste islamiste. Le lors d’une visite officielle du « Guide » libyen à Tunis. dialogue politique, lui, a connu quel- ques ratés, les autorités tunisiennes DIPLOMATIE n’ayant que modérément apprécié les appels du département d’État améri- Le changement cain à plus de démocratisation… UNE POSITION MÉDIANE dans la continuité AU SEIN DU MAGHREB Soutien indéfectible de la cause palestinienne – Tunis a abrité le quartier général de l’OLP entre 1982 « Le bon élève du Maghreb et du monde arabe »... Si le cliché et 1995 –, la Tun isie rêve d’êt re est réducteur, il a le mérite de résumer lʼimage que les l’aiguillon de l’intégration maghré- bine. Un rêve jusqu’à présent contra- autorités sʼemploient à projeter hors de leurs frontières. rié par le différend maroco-algérien À autour du Sahara occidental. Sur le l’origine d’avancées écono- investissements ont, en 2007, dépassé plan bilatéral, Tunis entretient d’ex- miques et sociales décisives, pour la première fois, en valeur, ceux cellentes relations avec l’Algérie du Habib Bourguiba, le père de des Occidentaux. Une performance président Boutef lika et la Libye de l’indépendance, a grande- qui n’a pas été rééditée en 2008, Mouammar Kaddafi. La réconciliation ment contribué à bâtir le mythe d’une crise financière oblige. Et la péren- – dès 1988-1989 – avec le remuant Tunisie avant-gardiste, pays « de la nité de certains projets immobiliers voisin de l’Est est à mettre au crédit modération et du juste milieu ». Son pharaoniques, à l’instar successeur, Zine el-Abidine Ben Ali, de celui de Sama Dubai a poursuivi, sans trop la dénaturer, à Tunis, est aujourd’hui La Tunisie rêve d’être l’œuvre entamée, tout en mettant un sérieusement remise en accent particulier sur la diplomatie question. l’aiguillon de l’intégration économique. Devenue un pay s émergent, la IDYLLE EUROPÉENNE maghrébine. Tunisie mise aujourd’hui moins sur Ce nouveau tropisme la coopération que sur les capitaux arabe de la diplomatie tunisienne ne de Zine el-Abidine Ben Ali. Tripoli est étrangers pour rejoindre le peloton doit cependant pas occulter l’essen- désormais un partenaire essentiel. de tête des nations avancées. Sa sta- tiel : l’ancrage économique à l’Union Plus d’un million et demi de Libyens bilité politique et sa fiscalité accom- européenne (voir p. 60), matérialisé passent chaque année leurs vacan- modante sont autant d’atouts pour en 1995 par la signature d’un accord ces en Tunisie, et, contrairement aux séduire les investisseurs. Elle a noué d’association qui a servi de modèle autres ressortissants étrangers, les de nouveaux partenariats, en parti- aux autres pays de la rive sud de la Tunisiens qui se rendent ou vivent culier avec les pays du Golfe, comme Méditerranée. La Tunisie réalise plus en Libye sont exemptés d’un certain le Qatar, Bahreïn ou les Émirats de 70 % de son commerce extérieur nombre de pénibles formalités. ■ (notamment celui de Dubaï), dont les avec l’UE. Elle est l’un des piliers de SAMY GHORBAL J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
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  • 10. 60 LE PLUS TUNISIE PARTENARIAT Europe, mon amour Premier pays du sud de la Méditerranée à avoir instauré, commerciaux), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Et les négociations en 2008, une zone de libre-échange avec lʼUnion se poursuivent afin d’étendre cette européenne, la Tunisie veut aussi être lʼun de ses libéralisation aux produits agricoles interlocuteurs et médiateurs privilégiés sur le continent. et aux services. L’UPM, ACCÉLÉRATEUR DE PROJETS L’année 2008 est aussi celle de la création de l’Union pour la Méditer- ranée (UPM), projet initié par Nicolas Sarkozy et dont la Tunisie a été l’un des premiers soutiens. Comme l’a rap- pelé le président Zine el-Abidine Ben Ali lors de la visite d’État du président français en 2008, le lancement effec- tif de l’UPM est essentiel pour créer « une plus grande complémentarité et solidarité entre les peuples de la région » et « consolider la sécurité, la stabilité, la paix et le développement dans l’espace méditerranéen ». Favorable à une participation plus large des pays de la rive sud à l’éla- DOMINIQUE FAGET/AFP PHOTO boration et à la prise des décisions, le chef de l’État français avait même soutenu l’idée d’installer à Tunis le siège du secrétariat général de l’UPM… Si ce dernier a finalement Le président Ben Ali, entouré de ses homologues français, Nicolas Sarkozy, et égyptien, échu à Barcelone, la Tunisie n’en Hosni Moubarak, lors du sommet fondateur de l’UPM, le 13 juillet 2008, à Paris. reste pas moins l’un des fers de lance L de l’Union et ne cesse d’appeler à la a Tunisie entretient des liens dissement de la coopération politique. mise en place de projets concrets commerciaux, politiques et En 2005, la Tunisie signe un plan d’ac- pour créer des convergences. culturels anciens et intenses tion voisinage avec l’UE qui couvre Face aux divisions qui ont para- avec ses voisins européens. une période de cinq ans (2007-2012). lysé le projet, en particulier liées au Elle est le premier pays de la rive Les moyens mis en œuvre sont à la conflit à Gaza fin 2008, une quinzaine sud de la Méditerranée à conclure, mesure des ambitions : entre 2007 d’économistes européens et méditer- en juillet 1995, un accord d’associa- et 2010, la Commission tion avec l’Union européenne (UE) européenne a affecté dans le cadre du processus de Barce- 330 millions d’euros à La coopération financière lone. Entré en vigueur en 1998, cet la Tunisie. En 2009, la accord constitue la base juridique coopération financière de l’UE devrait s’élever pour des relations entre la Tunisie et l’UE devrait s’élever à près et prévoit trois axes prioritaires de de 77 millions d’euros 2009 à 77 millions d’euros. coopération : politique et sécurité, avec une attention par- partenariat économique et financier ticulière portée aux secteurs de l’édu- ranéens ont lancé en janvier dernier et partenariat social et culturel. cation et de l’emploi. l’« appel de Tunis » pour réactiver Mais c’est sans doute la coopéra- l’intérêt pour l’UPM, accélérer la mise EN BONS VOISINS tion économique et commerciale qui en place de ses institutions et enta- En 2004, l’Union européenne, qui a connu les plus grandes avancées. mer l’exécution de projets concrets. s’est élargie à l’est, veut approfondir Pour preuve, la Tunisie est le premier Ils étaient fermement soutenus par sa politique de voisinage et propose pays à avoir instauré une zone de les chefs d’entreprise tunisiens qui donc aux pays de la rive sud de la libre-échange des produits industriels voient cette nouvelle union comme Méditerranée une plus grande inté- avec l’Union européenne (qui repré- un « accélérateur de projets ». ■ gration économique et un approfon- sente plus de 70 % de ses échanges LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 11.
  • 12. 62 LE PLUS TUNISIE INTERVIEW Mohamed Rachid Kechiche MINISTRE DES FINANCES « Pas dʼaugmentation Mais, en tant que pays émergent for- tement ancré à l’économie mondiale, des taxes en 2010 » la Tunisie ne peut pas ne pas subir les effets de la crise… C’est vrai pour certains secteurs re- levant de l’industrie manufacturière Solidarité redoublée, plan de relance... Quels sont comme le textile, la mécanique et les équipements électriques. Ces secteurs les choix budgétaires pour relever les défis en termes ont effectivement enregistré une baisse dʼobjectifs de croissance et dʼélévation du niveau de vie? de leurs échanges [import et export] durant les six premiers mois de 2009. À Mais on ressent à partir de juillet les 58 ans, Mohamed Rachid lier avec les impératifs d’une gestion prémices d’une certaine amélioration. Kechiche n’est pas seulement équilibrée des finances publiques. Les un homme qui aime jongler défis sont plutôt inhérents à l’ambition Pour sortir de la crise, les dirigeants avec les chiffres. Il sait aussi de nos objectifs de croissance et d’élé- des pays industrialisés ont prôné prêter attention à l’analyse de ces der- vation du niveau de vie, forts des acquis une intervention musclée de l’État. niers, particulièrement en ces temps de importants obtenus depuis plus de vingt Quelle est votre stratégie ? crise mondiale. Titulaire d’une licence ans sous la conduite de notre président, Tout d’abord, dois-je vous rappeler en sciences économiques acquise à Zine el-Abidine Ben Ali. Ils ont permis au que l’action entreprise par les pays dé- Tunis, il entre en 1972 à la Banque pays d’avancer vers le progrès, sans dis- veloppés a été axée sur le système de centrale de Tunisie (BCT) avant de continuité, et au peuple tunisien de vivre financement de l’économie, touché par reprendre le chemin des cours à Paris, dans un cadre de paix et où il décroche son diplôme d’ingénieur de cohésion sociale. statisticien économiste ainsi qu’un « Une de nos priorités est de DEA en mathématiques de la décision. Depuis 2008, la crise De retour à Tunis, il intègre l’Institut n’a é p a r g n é au c u n ne pas hypothéquer l’avenir d’études quantitatives puis le cabinet pays. La Tunisie est-elle du ministre du Plan et des Finances. à l’abri? par un endettement lourd. » En 1988, il est promu chef du Contrôle Non, bien sûr. Ne se- général des finances puis, en 1993, chef rait-ce que par l’effet de la récession la crise de confiance entre les banques. du Contrôle général des services publics qui affecte ses principaux partenaires. Cela n’a été à aucun moment le cas en au Premier ministère. En janvier 1999, À titre d’illustration, environ 70 % de Tunisie. Au niveau financier, nos pré- il est nommé secrétaire d’État chargé nos importations et exportations hors occupations sont de ce fait ciblées sur de la Privatisation, puis secrétaire géné- énergie se font avec l’Union européen- deux volets: le premier concerne le sou- ral du gouvernement en 2001. Trois ans ne, trois pays – France, Italie et Alle- tien aux entreprises qui rencontrent des après, il prend la tête du ministère des magne – totalisant à eux seuls 78 % de difficultés de recouvrement de leurs re- Finances, place de la Kasbah. ■ notre commerce avec la zone euro. cettes d’exportation, le second concerne le financement des PME. Justement, comment percevez-vous JEUNE AFRIQUE : Quels sont vos l’effet de la crise financière? Quel a été votre rôle face à la crise ? contraintes et vos défis dans l’élabo- Comme dit le proverbe, on a eu Le budget de l’État a toujours été ration du budget 2010? « plus de peur que de mal ». Nos re- orienté vers une stratégie de soutien de MOHAMED RACHID KECHICHE : lations bancaires avec l’extérieur sont l’action de développement qui répond Effectivement, nous sommes en plein certes importantes, mais elles sont en à nos impératifs d’équilibre social et à dans la préparation du prochain budget corrélation directe avec l’économie nos valeurs de solidarité. Globalement, de l’État. Préparation sous contraintes, réelle. Donc, les équilibres fondamen- il s’inscrit en augmentation sensible des bien sûr. C’est toujours le cas. Les exi- taux du secteur n’ont, heureusement, dépenses de fonctionnement, avec no- gences de développement économique pas été touchés. Nous n’avons observé tamment une amélioration notable des du pays confèrent un rôle important au ni resserrement du crédit ni crise de salaires des quelque 400 000 fonction- budget de l’État, qu’il convient de conci- confiance entre banques. naires, donc de leur pouvoir d’achat, J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 13. LE PLUS 63 tion, et par une consolidation de l’assise financière des banques publiques. Quel en sera l’impact sur la dette publique ? Il existe, au plus haut niveau de la hiérarchie politique, une conscience profonde de la nécessité de sauvegarder et de maîtriser les équilibres macroéco- nomiques, notamment au niveau des fi- nances publiques, et de ne pas hypothé- quer l’avenir par un endettement lourd. Ce souci est illustré par l’évolution très satisfaisante du taux d’endettement pu- blic, qui est passé de 62,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2001 à 48 % fin 2008 – soit un gain de 14,5 points, une performance obtenue à la faveur d’une croissance économique continue, la- quelle a eu un effet positif sur les recet- tes fiscales. Et ce malgré la succession des chocs externes, l’envolée des prix du baril du pétrole, des matières pre- mières et des biens de consommation, sans oublier la crise actuelle. Selon vous, combien de temps cette crise va-t-elle durer ? Il est difficile de se prononcer avec certitude. L’ambiguïté et la fréquence inhabituelle des ajustements des ni- veaux de croissance dans les pays industrialisés, particulièrement nos partenaires, impliquent beaucoup de prudence. Espérons que d’ici à fin 2010 ONS ABID POUR J.A. la situation économique s’améliore sensiblement. Il est donc important de donner à nos opérateurs économiques un message clair concernant notre volonté de maintenir une interven- tion forte de l’État, ce dernier étant le ainsi que des dépenses d’investissement s’ajoute une enveloppe budgétaire pour premier investisseur et le premier em- pour doter le pays d’infrastructures mo- une formation complémentaire pour ployeur du pays. dernes et d’équipements collectifs. aider à une réadaptation professionnelle s’il le faut. Ce soutien facilite également Quel sera le niveau du déficit budgé- La loi de finances complémentaire la consolidation et le rééchelonnement taire en 2010 ? adoptée par le Parlement en juillet des impayés éventuels sur les crédits Il se situera à un niveau comparable comporte un plan de relance d’un à l’exportation à la suite des retards à celui de 2009, environ 3,7 %, un taux montant de 730 millions de dinars en de paiement de clients étrangers. Sur nettement en deçà du niveau maximum 2009 [près de 390 millions d’euros]. 2 800 entreprises exportatrices, seules tolérable. Cela permettra au Budget À quoi cela a-t-il servi ? 240 ont eu recours à ces mécanismes, d’assumer convenablement son rôle de Ce programme est articulé autour ce qui nuance très largement l’impact soutien et de relance, sans compromet- de deux axes principaux. Une action réel effectif de la crise. tre l’équilibre des finances publiques ni de soutien par la prise en charge d’une remettre en question les efforts conti- partie ou de la totalité, selon les cas, Et quid de l’autre axe d’interven- nus pour réduire encore davantage no- des cotisations patronales, une aide tion ? tre taux d’endettement. destinée aux entreprises dont l’activité Il porte sur des actions de relance de est liée à l’exportation et qui acceptent, l’activité économique en général par un Comptez-vous augmenter les taxes malgré les difficultés, de ne pas recou- accroissement de l’investissement pu- en 2010 ? rir au licenciement définitif mais à une blic dans les infrastructures de base, Non. Le schéma préliminaire d’équi- simple réduction de l’horaire du travail par des incitations favorisant une atti- libre pour le budget 2010 ne comporte ou au chômage technique partiel. À cela tude « agressive » en matière d’exporta- pas d’hypothèse d’augmentation des J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 14. 64 LE PLUS TUNISIE taxes, surtout pas au niveau de l’appa- utiles. Tout d’abord, le niveau de pres- que la Tunisie est, depuis plusieurs an- reil de production. Si cela était le cas, sion fiscale, hors recettes pétrolières, nées, très bien classée par le Forum de ce serait à mon avis incohérent avec se situe à 18,4 % du PIB en 2009. C’est Davos selon le critère de « non-gaspilla- notre stratégie de soutien et de re- tout à fait acceptable compte tenu du ge des dépenses publiques » [selon le lance, et peut-être même improductif. niveau et de la structure de notre tissu rapport publié le 8 septembre par le Fo- Nous comptons plutôt sur une amélio- économique et du stade de développe- rum économique mondial 2009-2010, ment atteint. Secundo, la Tunisie se place au 5e rang mondial, il est tout à fait possible NDLR]. À cela s’ajoute la succession « Avec la crise, comme dit d’améliorer cette pres- d’une multitude de réformes qui ont sion fiscale globale sans permis de moderniser la fiscalité, d’as- le proverbe, il y a eu pour autant augmenter souplir les procédures, de garantir tous les taxes, grâce à une les droits au contribuable par un dis- “plus de peur que de mal”. » meilleure répartition positif juridique complet et, enfin, de de l’effort contributif de réduire le niveau des taux de l’impôt ration de l’assiette fiscale, en relation tous les agents économiques. Une dou- sur les sociétés et de la TVA. d’ailleurs avec l’hypothèse de crois- ble action est actuellement engagée à sance retenue pour notre PIB de 4 % à ce titre. Une action de modernisation Confiant, donc, dans l’avenir ? prix constants en 2010. de l’administration fiscale (pour se Absolument. Une confiance dans no- rapprocher au mieux de cette équité tre capacité de réagir au plus vite si la Pourtant, les chefs d’entreprise se fiscale réclamée par tous et pour lutter situation économique et financière l’exi- plaignent de la lourdeur de votre efficacement contre la fraude) et une ge, mais aussi une confiance soutenue fiscalité… action de sensibilisation à l’intention de par l’optimisme d’un nouveau program- Souhaiter moins de taxes tout en res- tous les contribuables. me de réformes et de modernisation de tant exigeant sur le rôle de l’État en ma- l’économie, sachant que la Tunisie vivra tière d’infrastructures et d’équipements Quels sont vos arguments ? dans quelques semaines un événement collectifs de base est peut-être quelque Notre double action est légitimée par politique majeur avec l’élection prési- chose d’humain… Mais votre question la qualité de notre gestion des dépenses dentielle et les législatives. ■ m’amène à faire quelques précisions publiques. Vous n’êtes pas sans savoir Propos recueillis par SAMIR GHARBI
  • 15.
  • 16. 66 LE PLUS TUNISIE DÉVELOPPEMENT HUMAIN Pas dʼéconomie sans social Grande pauvreté éradiquée, système de soins performant, éducation et logement pour tous... la politique de solidarité joue à plein. Pourtant, la précarité et les inégalités nʼont pas disparu. D ès l’indépendance, en 1956, les autorités tunisien- en milieu rural et des régions pauvres. La politique de planning nes ont bâti leurs budgets et leurs plans de dévelop- familial a porté ses fruits: baisse de la fécondité (2 enfants par pement sur deux termes: économique et social. Et femme, au lieu de 6 en 1956 et 3 en 1990) et division par trois les efforts se poursuivent. Dernier chiffre en date: du taux de croissance démographique (aujourd’hui à 1 %). la part des dépenses à caractère social (éducation, santé, habi- tat) atteint cette année 60 % du budget de l’État. UNE CLASSE MOYENNE MAJORITAIRE… ET FRAGILE Le chemin parcouru est immense: la population vivant au- Grâce à l’amélioration générale de la santé (augmentation dessous du seuil de pauvreté ne représente plus que 3,8 % de du nombre d’hôpitaux et de dispensaires, de médecins et d’in- la population totale, contre 7,7 % en 1985 et 75 % en 1959. Le firmières), l’espérance de vie à la naissance a augmenté de revenu moyen par habitant a été multiplié par dix entre 1959 vingt-cinq ans, passant de 49 à 74 ans (l’écart avec les pays et 1987 puis par cinq entre 1988 et 2009. Sous la présidence riches n’est plus que de cinq ans, contre vingt en 1959). de Habib Bourguiba (1956-1987), comme sous celle de Zine Cependant, beaucoup d’efforts restent à accomplir pour éra- el-Abidine Ben Ali (depuis 1987), les mêmes consignes se sui- diquer l’analphabétisme parmi les adultes (23 %), surtout les vent, avec plus d’ampleur en faveur, notamment, des femmes femmes, pour lutter contre l’abandon scolaire au cours des INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES Population Taux de croissance démographique Taux de natalité (en millions d'habitants, 2008) (en %, est. 2009) (pour 1 000 habitants, est. 2009) Rang mondial Rang mondial Rang mondial 15 Égypte 81,5 41 Jordanie 2,3 87 Égypte 21,7 17 Turquie 73,9 80 Égypte 1,6 91 Turquie 21,0 35 Algérie 34,4 92 Maroc 1,5 104 Algérie 19,6 38 Maroc 31,2 101 Turquie 1,3 108 Maroc 18,7 71 Grèce 11,2 110 Algérie 1,2 122 Grèce 16,9 74 Portugal 10,6 125 Tunisie 1,0 135 Portugal 15,4 75 Rép. tchèque 10,4 175 Portugal 0,3 189 Rép. tchèque 10,3 76 Tunisie 10,3 186 Grèce 0,1 203 Tunisie 9,5 77 Hongrie 10,0 211 Rép. tchèque -0,1 204 Hongrie 9,5 103 Jordanie 5,9 218 Hongrie -0,3 213 Jordanie 8,8 INDICATEURS SOCIAUX Indice de développement humain (IDH) Espérance de vie à la naissance Taux d'alphabétisation des adultes (2006) (nombre d'années) (en %, 2006) Rang mondial Rang mondial Rang mondial 18 Grèce 0,947 20 Grèce 79 12 Rép. tchèque 99,0 33 Portugal 0,900 33 Portugal 78 20 Hongrie 98,9 35 Rép. tchèque 0,897 39 Rép. tchèque 76 34 Grèce 97,0 38 Hongrie 0,877 60 Tunisie 74 44 Portugal 94,6 76 Turquie 0,798 65 Hongrie 73 54 Jordanie 92,7 90 Jordanie 0,769 78 Jordanie 72 74 Turquie 88,1 95 Tunisie 0,762 82 Algérie 72 99 Tunisie 76,9 100 Algérie 0,748 87 Turquie 72 103 Algérie 74,6 116 Égypte 0,716 97 Égypte 71 110 Égypte 71,4 127 Maroc 0,646 99 Maroc 71 129 Maroc 54,7 J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 17. années du collège et du lycée (par manque de réussite, mais aussi par manque de moyens financiers) et pour réduire les inégalités. En effet, beaucoup de gens vivent juste au-dessus du seuil de pauvreté, avec le risque de tomber plus bas et de décrocher, donc, de la classe moyenne, estimée à 80 % de la population. L’écart est nettement visible lorsqu’on regarde le classement selon l’Indice de développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations unies pour le développe- ment (Pnud). La Tunisie est certes loin devant le Maroc, mais aussi loin derrière la Hongrie, par exemple. Négligée sous Bourguiba, la politique de solidarité a été lancée en 1993 avec le Fonds 26-26, financé par une collecte systématique de dons auprès des particuliers et des entrepri- ses ainsi que par des contributions fiscales. Ce fonds couvre 1829 « zones d’ombre » (très pauvres) peuplées de 1,3 million d’habitants (soit 12,5 % de la population). En quinze ans, le Fonds a mobilisé 900 millions de DT (480 millions d’euros) en leur faveur. Mieux, il a favorisé la création, en 1997, de la Banque tunisienne de solidarité (BTS). En onze ans d’ac- tivité, la BTS a financé 580 000 opérations (microprojets montés par de jeunes entrepreneurs et microfinance pour les petits métiers) pour un montant de plus de 1 milliard de DT (533 millions d’euros). ■ SAMIR GHARBI, envoyé spécial Taux de mortalité (pour 1 000 habitants, est. 2009) Rang mondial 30 Hongrie 12,9 51 Rép. tchèque 10,7 53 Portugal 10,7 56 Grèce 10,5 158 Turquie 6,1 176 Maroc 5,5 181 Tunisie 5,2 185 Égypte 5,1 195 Algérie 4,6 215 Jordanie 2,8 Taux de scolarisation global (en %, 2006) SOURCE S: BANQUE MONDIALE - PNUD - WORLD FACTBOOK Rang mondial 1 Grèce 100 28 Hongrie 90 34 Portugal 89 44 Rép. tchèque 83 61 Jordanie 79 78 Égypte 76 79 Tunisie 76 89 Algérie 74 106 Turquie 71 140 Maroc 60 J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 18. 68 LE PLUS TUNISIE MODE DE VIE Bienvenue dans la société de consommation Avec le niveau de vie le plus élevé de la région, les Tunisiens, ouverts aux influences extérieures, sʼéquipent et se font plaisir. Enfin, la plupart des ménages ont au moins une voiture. Signe que les traditions ont encore la vie dure, plus de 80 % des achats sont encore effectués dans des épi- ceries, le reste dans la grande distri- bution. Cependant, tous les analystes s’accordent à reconnaître que le mode de consommation des Tunisiens va s’occidentaliser de plus en plus : à l’horizon 2016, 40 % des achats s’ef- fectueront dans une grande enseigne. Par ailleurs, les consommateurs « sont aujourd’hui très sensibles à la publicité et, tout comme en Europe, ils prévoient longtemps à l’avance les périodes de soldes », ajoute Ali Gharbi. VINCENT FOURNIER/J.A. UN ENDETTEMENT DES MÉNAGES CONTRÔLÉ Avec un revenu mensuel moyen de 600 dinars (près de 320 euros) par Les tentations et les promotions d’un hypermarché Carrefour, à Tunis. foyer, les ménages sont souvent ten- L tés de recourir au crédit pour pouvoir e consommateur tunisien est être de plus en plus souvent confron- satisfaire leur appétit de consomma- un cas à part au Maghreb. tés à des marques étrangères, grâce tion. L’endettement par habitant et par Comme le rappelle A li au développement à venir des fran- an est de 100 euros, contre 200 euros Gharbi, directeur de l’Insti- chises, qu’une loi vient d’autoriser, et au Maroc et 2 000 euros en France. « Il tut national de la consommation, « les du fait du matraquage publicitaire », n’y a pas de fuite en avant dans l’en- modes de consommation en Tunisie explique un diplomate. dettement des ménages. Le système connaissent une évolution très rapide Selon Hassen Zargouni, président bancaire tunisien est très contrôlé et et empruntent à la fois aux traditions du bureau d’ét udes marketing et les risques de dérapages sont donc peu propres aux Maghreb et aux nouvelles médias Sigma Conseil, « le panier du importants », explique Hassen Zar- habitudes de la société de consomma- Tunisien est un peu plus élaboré et la gouni. Par ailleurs, contrairement au tion de type occidental ». Pourtant, part de l’alimentaire [35 %] sensible- Maroc, les sociétés spécialisées dans jusqu’à la fin des années 1980, les ment plus basse qu’au Maroc [40 %] le crédit à la consommation – comme Tunisiens vivaient dans une écono- ou en Algérie [47 %]. Cela s’explique Cetelem – n’existent pas encore en mie relativement fermée et n’étaient par le fait que le niveau de vie y est Tunisie. Ce sont les banques qui y exposés qu’à des produits locaux. plus élevé. » En effet, ici, le consom- assurent ce type de prestation. Conséquence de ce relatif isolement, mateur consacre 20 % à 25 % de son La véritable spécificité de la société u n for t développement des PM E revenu à l’immobilier (près de 80 % de consommation tunisienne est sa nationales et une position de leader des Tunisiens sont propriétaires de relative homogénéité. « On a une pour les marques locales. Aujourd’hui leur logement), 10 % à 15 % au tex- importante classe moyenne, qui a plus encore, malgré l’ouverture aux impor- tile et à l’habillement et, nouveauté, ou moins le même rythme de vie et tations, les consommateurs conti- depuis cinq ans, la part dédiée à la les mêmes habitudes de consomma- nuent d’utiliser principalement des consommation des services télécom tion », analyse Hassen Zargouni. Une produits nationaux. Ainsi, 80 % des n’a cessé d’augmenter, pour atteindre homogénéité sociale propice à une articles vendus par l’enseigne Carre- près de 5 %… Aujourd’hui, 90 % des entrée de plain-pied dans la société four sont d’origine tunisienne. « Les Tunisiens ont un téléphone portable de consommation. ■ Tunisiens sont cependant appelés à et 95 % possèdent une télévision. LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 19.
  • 20. 70 LE PLUS TUNISIE INTERVIEW Mohamed Nouri Jouini MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE « Nous gardons le cap sur lʼouverture » Malgré la conjoncture mondiale, qui affecte la plupart de ses partenaires, le pays est optimiste. Après un fléchissement en début dʼannée, les implantations et les investissements étrangers se poursuivent. Dans certains secteurs, ils sʼaccélèrent. N ommé au portefeuille du internationales, ainsi qu’à l’améliora- licence de téléphonie fixe et mobile de Développement et de la tion de l’environnement des affaires. troisième génération à un consortium Coopération internationale tuniso-français. en 2002, Mohamed Nouri Comment la Tunisie s’en sort-elle Cette dynamique a favorisé l’en- Jouini est, à 48 ans, à la tête d’un cette année ? trée en production, durant le premier département dont le rôle est central Mieux que prév u. Elle s’en sort semestre de 2009, de 93 nouvelles en termes de gestion macroéconomi- pas mal, grâce aux mesures décidées entreprises à participation étrangère que, de planification et de soutien à depuis le dernier trimestre de 2008 et et la réalisation de 104 opérations l’investissement extérieur. Formé aux au suivi permanent effectué par une d’extension, qui ont permis la créa- sciences de la décision aux États-Unis, commission nationale, décidée par le tion de 6 200 nouveaux emplois, dont il a notamment été le conseiller écono- président Ben Ali et présidée par le plus de 5 700 dans l’industrie manu- mique du chef de l’État puis secrétaire Premier ministre. Cette commission, facturière. d’État à la Privatisation. ■ qui comprend des membres du gou- vernement, des organisations profes- Quelles sont les perspectives pour sionnelles et des experts, assure une le pays ? JEUNE AFRIQUE : Quel a été l’effet veille continue et est prête à propo- Il y a des sig nes positifs. Nous de la crise sur l’ouverture du pays ? ser les mesures nécessaires pour faire sommes dans une phase de stabili- MOH A MED NOU R I JOU INI : face à la crise. sation et, même, de début de relance La crise n’a pas freiné le processus Durant cette crise, nous avons tenu au niveau mondial. Pour la Tunisie, d’ouverture de l’économie tunisienne. un discours très franc avec les Tuni- cela se traduit par des commandes Bien au contraire, elle a incité le gou- siens, avec les patrons, avec les syndi- plus importantes dans plusieurs sec- cats et avec les partenai- teurs. C’est donc positif. Après envi- res étrangers. Nous avons ron 3 % en 2009, nous espérons un « La Tunisie a su renforcer pris des mesures pour début de retour aux taux de crois- atténuer son impact et sance normaux, de 4 % à 5 %, en sa capacité de résistance pour compenser la baisse 2010. À partir de 2011, nous nous des échanges extérieurs attendons à un taux de croissance aux chocs exogènes. » par un accroissement de similaire à celui d’avant la crise, l’investissement. c’est-à-dire 6 %, qu’il nous faudra vernement à persévérer sur la voie de d’ailleurs encore améliorer. l’intégration à l’économie mondiale. L a c r i se a - t- e l le eu de s e f f et s D’ailleurs, c’est grâce à l’élan de réfor- positifs ? Comment se sont comportés les mes sans relâche depuis deux décen- La Tunisie a réussi à tirer profit de investissements directs étrangers nies sur la voie de la libéralisation que cette conjoncture en drainant, en plei- (IDE) ? la Tunisie est parvenue à asseoir de ne période de crise, des investisseurs Globalement, il y a une baisse. Mais solides fondements qui lui ont permis étrangers de renommée internationa- c’est normal, cette dernière étant due de renforcer sa capacité de résistance le dans des secteurs porteurs. Cette essentiellement à l’énergie. En revan- aux chocs exogènes. Et nous persévé- attractivité s’est manifestée à travers che, et malgré la crise, les IDE dans rons sur la voie de l’ouverture, même la multitude des projets d’investis- les industries manufacturières ont en pleine période de crise. sement et de partenariat qui ont été connu une hausse de 15 %. C’est un Ainsi, la majorité des mesures struc- conclus avec des entreprises étrangè- mérite, parce que la compétition dans turelles repose sur des réformes liées à res : la création d’un parc aéronauti- ce secteur est plus forte. la réduction de la protection tarifaire, que, l’entrée en production de grands Mieux encore : depuis deux ou trois à la facilitation des procédures du com- projets à haute valeur ajoutée dans les ans, nous observons que la qualité de merce extérieur, à la promotion des secteurs des composants automobiles l’investissement s’améliore. Et c’est le exportations, à l’adoption des normes et du textile, ainsi que l’octroi d’une cas pour 2009 et 2010, avec de nou- J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9
  • 21. LE PLUS 71 HICHEM Pour le ministre du Développement et de la Coopération, les efforts se concentrent sur l’intégration à l’économie mondiale. veaux investissements dans des sec- cier. Et les travaux pour Telecom City drier fixé. Nous sommes dans la phase teurs et créneaux tout à fait inédits, doivent démarrer prochainement. du démarrage de l’implantation. comme le textile haut de gamme, l’aéronautique, la microélectronique, Mais les travaux sur les berges du Y a-t-il d’autres grands chantiers la production de logiciels et les ser- lac sud de Tunis pour le projet Porte programmés ? vices informatiques, où des leaders de la Méditerranée, où Sama Dubai Ce que je peux vous dire au stade mondiaux installent en Tunisie des disait vouloir investir plus de 25 mil- actuel, c’est que nous travaillons avec plates-formes de compétence. liards de dollars, sont en arrêt… un grand sérieux sur plusieurs projets, Le groupe concerné n’a pas renoncé notamment cinq grands projets qui À propos d’IDE, les grands projets au projet : il y a un retard en raison de doivent être implantés dans différentes immobiliers financés par des grou- difficultés inhérentes à la crise finan- régions du pays, en plus de Tunis. Ils ne pes du Golfe ont beaucoup fait par- cière mondiale, et il a demandé un concernent pas seulement le développe- ler d’eux (voir pp. 72-73). Où en délai par rapport au calendrier initial. ment immobilier, mais aussi le domaine sont-ils aujourd’hui ? de l’énergie, du dessalement de l’eau de Trois sont en cours de réalisation Et comment évolue le projet de la mer, de l’environnement, des infrastruc- sur la région de Tunis. Pour Tunis filiale d’Airbus au sein du nouveau tures et des zones logistiques. ■ Sports City, les travaux sont en cours. parc aéronautique ? Propos recueillis à Tunis C’est aussi le cas pour le pôle finan- Il avance conformément au calen- par ABDELAZIZ BARROUHI J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 41 • D U 2 0 A U 2 6 S E P T E M B R E 2 0 0 9