1. PMB Belgian User Group
Présentation de la version 3.1
Bruxelles, Belgique - 6 novembre 2007
PMB: le juste équilibre entre l’entreprise et le modèle communautaire
Éric ROBERT
Introduction
Malgré des débats très vifs et très politiques (notamment en France) sur la gratuité des logiciels libres ou l'éthique du commerce autour de ces
logiciels, rappelons qu'un logiciel est libre s'il respecte quatre règles fondamentales :
La liberté d'exécution
La liberté d'étude et d'adaptation à mes besoins (ce qui implique la disponibilité du code source)
La liberté de redistribution de copies
La liberté d'améliorer le programme et de publier ces améliorations pour en faire profiter la communauté.
Sans préjuger des modèles économiques qui peuvent se développer autour des logiciels libres, c'est bien la liberté qui est en jeu et non la
gratuité. Ainsi, le logiciel libre peut-être développé par une communauté totalement désintéressée comme par des entreprises qui en vivent.
Internet a permis une évolution des mentalités et des pratiques vis à vis du savoir : il y a eu ces dix dernières années une remise en cause de
la rareté de l'information (rareté organisée par des entreprises qui en tirent ainsi des marges artificielles). En effet, Internet permet avec une
facilité déconcertante le partage des connaissances. Cela a accéléré de manière fulgurante l'émergence de la « société de l'information ». Le
logiciel n'a pas échappé à cette évolution.
Dans un monde où la valeur ajoutée se fait de plus en plus sur les connaissances, ainsi que sur le traitement massif et rapide de l'information,
le modèle libre devient un outil stratégique pour l'indépendance des états et des citoyens parce qu'il donne l'indépendance technologique vis à
vis de l'information.
Dans ce cadre, le logiciel libre est une opportunité extraordinaire pour tous. En effet, il permet :
de retrouver une indépendance et des potentialités dans un secteur de haute valeur ajoutée,
une participation directe à des projets mondiaux,
un transfert nord/sud sans précédent de connaissances et d'outils stratégiques libres et ouverts,
Enfin, il permet de s'approprier des outils et de les adapter à ses propres besoins.
PMB Services – 24 & 26, place des Halles – 72500 CHATEAU DU LOIR - FRANCE
http://www.sigb.net - Mél : pmb@sigb.net
2. Au delà de considérations philosophiques et politiques, le logiciel libre porte des modèles économiques nouveaux et c'est aussi une opportunité
de se développer en s'appuyant sur des modèles qui ne sont pas déséquilibrés en faveur des grosses structures.
Nous allons étudier deux des principaux modèles économiques du libre : le modèle communautaire et le modèle entreprenarial. Nous verrons
comment ce dernier modèle, sur lequel s'appuie le développement de PMB, est à la fois plus équilibré et plus efficace pour une application
métier comme un système de gestion intégré de bibliothèque.
Modèle libre et entreprise
Le cas général
Au point de départ, un logiciel libre peut être – mais pas forcément – développé par des « bénévoles ». Si le logiciel rencontre un succès
suffisant, une communauté se crée et il va être utilisé dans un cadre professionnel. Par ce fait même, une certaine garantie minimale de
qualité va émerger naturellement. Cela va amener la nécessité d'un suivi de projet, avec une structuration qui permette un contrôle de la
cohérence et de la qualité des développements. Évidemment, ce besoin de qualité et ce suivi de projet ont un coût qui implique différents
modèles de financement.
Le modèle communautaire
Il est très efficace pour des applications à large portée, où les compétences en informatique ne manquent pas. Par exemple, différents
serveurs comme Apache, des systèmes d'exploitation comme la distribution Debian, ou des logiciels comme les navigateurs Mozilla.
Ce modèle peut s'appuyer sur :
des financements indirects par des sociétés de services qui améliorent le logiciel et vendent le service,
un consortium : il est financé indirectement par un groupe d'entreprises et/ou de collectivités qui utilisent le logiciel libre comme
support ou norme de base commune. Chacun garantit ainsi l'indépendance des technologies vis-à-vis de la concurrence
(paradoxalement, dans l'absurdité du modèle propriétaire, cela permet d'avoir une concurrence non faussée sur un secteur donné !)
ou, pour les collectivités, cela les rend indépendantes d'une unique entreprise,
un modèle purement communautaire : une communauté virtuelle auto-organisée, avec des usages informels et souvent un noyau
élu qui contrôle le projet. Le financement provient généralement de dons.
Le modèle entreprenarial
Une entreprise édite le logiciel, elle fédère les contributeurs, finance le développement, la qualité du logiciel et les outils de la communauté
par le service qu'elle vend autour du logiciel. Cela implique deux choses :
1. que l'entreprise s'engage à transférer les modes de développement à d'autres pour qu'ils puissent rentrer dans le développement
conformément aux normes exigées par le contrôle du projet
2. que l'entreprise s'engage à interagir avec la communauté du logiciel et à laisser l'expression libre, indépendamment du financement
des outils de cette communauté (mailing liste, forum, site, etc.)
C'est bien sûr le modèle du logiciel PMB et de la société PMB Services.
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3. Le modèle individuel
Une personne contrôle et finance tout (généralement, le financement se résume à du temps donné et à un hébergement). Cela ne concerne
que des petits projets gérables par une seule personne. Il n'y a généralement pas de services associés.
Le cas des applications métier
Le modèle communautaire
Dans le cas des applications métier spécifiques, le modèle communautaire est contraignant :
Les seules sociétés réellement spécialisées qui pourraient vendre du service dans le domaine précis sont des concurrents qui
diffusent leur propre logiciel. Elles n'ont donc pas tendance à favoriser un produit libre car elles sont pour la plupart éditrices de
logiciel propriétaire.
Une SSLL/SSII peut être opportuniste mais elle n'a généralement pas l'expertise métier.
Des consultants peuvent intervenir mais il faut qu'ils soient compétents aussi bien dans l'expertise métier que dans le
développement informatique et généralement, ils n'ont pas la ressource suffisante pour suivre des projets importants.
Finalement, si on veut implanter un logiciel métier bâti sur un modèle purement communautaire, il faut :
soit des compétences informatiques fortes et des compétences métier pour mettre en place le logiciel,
soit beaucoup d'argent pour convaincre une société de services de se pencher sur un domaine d'expertise pointu une seule fois (ou
payer très cher un consultant qui aura du mal à suivre le projet dans son intégralité).
Dans tous les cas, il n'y a aucun filet de secours en cas de problème.
En anecdote, on peut citer le cas de Koha en France où Paul POULAIN, développeur et diffuseur de Koha, annonçait sur le site Koha-Fr
l'engagement de trois sociétés pour fournir du service sur Koha. Si ces propos de 2003 étaient présentés comme un point fort, leur auteur
reconnaît aujourd’hui l’échec puisque plus aucune des trois entreprises ne propose de services sur le logiciel. On peut supposer que leur
absence d'expertise dans le domaine de la bibliothéconomie ne leur a pas permis de valoriser leurs offres de service.
Le modèle entreprenarial
Dans le cas des applications métier spécialisées, le modèle entreprenarial est plus souple :
tout en étant libre, une société à l'origine du logiciel peut offrir un service de qualité bien moins cher car elle est spécialisée dans le
domaine. L'entreprise peut « rationaliser » son offre et capitaliser ses expériences dans le domaine, (contrairement à une
intervention unique par une SSLL/SSII comme nous l’évoquions précédemment),
il n'y a pas d'obligation de compétences lourdes en informatique du fait de solutions « packagées » avec le service, d'un
engagement de qualité de l'entreprise vis à vis de ses clients : une garantie dont les licences « libre » s'affranchissent,
il y a un interlocuteur de référence identifié pour le logiciel. On sait à qui s'adresser pour une question, une suggestion et surtout
une aide professionnelle en cas de problème. Ainsi on peut démarrer un projet dans le cadre purement libre et disposer d'un filet de
sécurité en cas de blocage.
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4. il n'y a pas de monopole, cela n'empêche pas d'autres entreprises de vendre du service autour du logiciel et, à l'opposé de
l'anecdote sur Koha où les entreprises ne disposaient pas de l'expertise métier, permet même à ces mêmes sociétés généralistes de
proposer le logiciel dans le cadre d'un équipement complet et de déléguer la partie métier à la société éditrice.
En un peu plus de trois ans PMB Services a vendu des prestations de services à 800 clients majoritairement en France. Une part non
négligeable s'est « faite toute seule » puis a souscrit auprès de PMB Services les services de sécurité ou de confort nécessaires. Les
téléchargements (identifiés) s'élèvent à plus de 1500 par mois, une rapide estimation met en évidence plus de 5000 sites « PMB » dans le
monde. Même s'il n'est pas historiquement le premier logiciel libre de bibliothèques, PMB est de loin le premier utilisé en France et dans le
monde pour des fonds allant actuellement jusqu'à 300 000 documents.
Logiciels libres et contribution : théorie et pratique
La théorie
En théorie, la liberté d'utilisation du logiciel change la donne. Généralement des financements sont disponibles pour investir ponctuellement
dans les licences de logiciels propriétaires. Une fois le projet réalisé, les coûts de fonctionnement ne sont plus correctement assurés, les
personnes formées ne restent pas forcément, les mises à jour ne sont pas faites à cause de leur prix élevé. La bibliothèque ou le centre de
documentation devient dépendant d'un logiciel qui coûte cher en maintenance et en mises à jour et donc stagne. A terme, l'informatisation
n'apporte pas forcément un plus mais une contrainte supplémentaire.
Cette présentation, certes un peu caricaturale, permet de bien visualiser les avantages du logiciel libre sur ce terrain.
Dans le cas du logiciel libre, le rapport est plus équilibré
On le rappelle, chacun peut utiliser et modifier librement le logiciel. Il en découle que :
le déploiement du logiciel n'est pas lié à un « one shot » financier,
les utilisateurs peuvent contribuer et modifier le logiciel pour leurs besoins,
la bibliothèque n'est pas dépendante d'un financement hypothétique et peut orienter son budget en achat d'ouvrages plutôt qu'en
licences,
des projets locaux peuvent voir le jour et chacun se prendre en main : mettre en place un système avec les moyens du bord,
évoluer progressivement selon le rythme d'appropriation et les nouveaux besoins apparus après la primo-informatisation.
Des entreprises locales peuvent se monter pour vendre du service sur le logiciel, ce qui contribue au développement économique
local.
Finalement, on sort du rapport à sens unique entre un fournisseur et un utilisateur, les utilsiateurs deviennent acteurs eux même et
peuvent s'insérer dans les réseaux d'échanges mondiaux.
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5. La pratique
Utiliser un logiciel libre impose d'accéder à la communauté qui s'y rapporte et aux réseaux de compétences et d'échanges ouverts sur le
logiciel. Il faut éventuellement reverser les modifications pour en faire profiter la communauté, ce qui n'est pas toujours évident.
En quelques mots: pour utiliser un logiciel libre, il faut accéder facilement à Internet et avoir les compétences pour contribuer.
Paradoxalement, le passage à un logiciel libre peut être pire (par exemple, OpenOffice) dans la mesure où il y a moins de compétences que
sur l'équivalent propriétaire piraté (MS Office).
De ce fait, le logiciel libre reste dans certains cas une utopie.
Ce déséquilibre dans la pratique est renforcé pour les applications purement métier qui sont développées sur un modèle communautaire :
l'accès en ligne à la communauté est encore plus crucial,
pour une entreprise ou une agence locale, il n'y a aucun interlocuteur direct susceptible de réagir à des problèmes rencontrés : il n'y
a pas de garantie.
C'est un risque fort qui peut être un frein.
Quelles solutions
Il y a des solutions intermédiaires qui peuvent répondre pour tout ou partie aux problèmes d'utilisation de PMB. L'idée est d'avoir un
organisme local qui accède facilement au logiciel et dispose d'un minimum de moyens :
cet organisme propose du support et un minimum de services,
se fait le relais de la communauté sur le terrain.
Cela peut être :
un organisme gouvernemental : le CND au Maroc diffuse et forme sur PMB,
une ONG locale ou extérieure : par exemple, une association angevine de promotion de la lecture au Liban diffuse PMB,
des réseaux de coopération entre états : des alliances Françaises, et même l’OIF forment et diffusent PMB dans les pays où elles
sont présentes,
des organismes de coopération internationaux : l'ONU (CNUCED) diffuse PMB en Afrique sub-saharienne,
des universités : l'université libre de Bruxelles, l'AUF, l'Université de Lubumbashi diffusent, installent et forment sur PMB,
des entreprises locales : Archimed Middle East Africa (Tunis), Libre-TIC (Dakar) proposent PMB et des services.
Dans ce cas, le modèle entreprenarial favorise ce dispositif car, d'une part, ces organismes ont accès à des services professionnels en cas
de besoin auprès de l'entreprise éditrice (bien sûr cela a un coût qui peut être financé par des programmes de coopération), d'autre part, le
financement du logiciel est assuré par un marché conséquent pour l'entreprise éditirice. Au final, la pérennité est consolidée et les
financements sont plus efficaces.
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6. Conclusion
Si le modèle purement communautaire a fait ses preuves pour les applications à large spectre ou des applications système / serveur, dans le
cas des applications métier (mais pas seulement), le modèle entreprenarial offre des avantages incontestables et répond aux questions les
plus souvent posées aux logiciels libres en utilisation professionnelle :
à qui je m'adresse en cas de problème ?
je n'ai pas d'informaticien, comment faire ?
C'est un juste équilibre :
le logiciel est libre et il y a une communauté et des réseaux de savoir,
il y a une structure de référence identifiée,
il y a des services professionnels pour ceux qui en ont besoin ou qui n'ont pas les ressources internes pour se débrouiller seul (on peut
avoir la même facilité de mise en place que les logiciels propriétaires mais pour moins cher ; sinon il y a un filet de sécurité),
l'auto-financement du logiciel est assuré et donc son indépendance,
le financement direct de nouvelles fonctionnalités est centralisé et profite à tous,
la communauté est financée par l'entreprise,
il y a une création d'activité à forte valeur ajoutée avec une éthique forte (nous avons créé 10 emplois en 3 ans chez PMB Services),
on peut utiliser le logiciel sans implication forte dans la communauté en ligne si on n’en a pas la possibilité.
Citons quelques succès de ce modèle entreprenarial : des distributions Linux comme RedHat ou Mandriva, des serveurs performants comme
MySQL, des outils bureautiques comme OpenOffice (Sun), des librairies de programmation comme Indexdata (dont les librairies Yaz Z3950
sont utilisées dans la majorité des SIGB, même propriétaires) et bien sûr, PMB Services avec PMB !
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