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Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 2013, pages 1 à 25

Impact de la reconversion professionnelle volontaire du
salarié sur son identité personnelle
Marguerite de Rorthays
IPSA
Université Catholique de l’Ouest
3 place André Leroy
B.P. 10808
49008 Angers Cedex 01
Courriel : marguerite.de-rorthays@uco.fr

RÉSUMÉ. De nos jours, les individus doivent faire face à des parcours professionnels
caractérisés par une certaine discontinuité. En effet, le contexte économique et les mutations
sociales ont impacté les trajectoires des individus et les amènent de plus en plus à se
reconvertir. Ces réorientations, qui sont bien souvent entrevues comme subies, peuvent
néanmoins être choisies et ce sont ces dernières que nous avons étudiées lors de notre
recherche. Nous avons alors cherché au travers de cette étude à comprendre l’impact d’une
reconversion professionnelle sur l’identité personnelle d’un individu. Une étude qualitative
réalisée grâce à la passation de 8 entretiens nous a permis de mettre en évidence les
différents facteurs qui les ont poussés à se reconvertir et le lien avec leur identité personnelle.
ABSTRACT. Nowadays, people are facing discontinuities in their professional career. Indeed,
the economic situation and social mutations have impacted individual plans and forced
workers to retrain and transform their careers. The shifts are often experienced as a
suffering, but they also can be chosen. During our research, we focused on the latters. Our
study deals with the impact of these reorientations on people’s identity. A qualitive analysis of
8 interviews allows us to highlight different factors that could affect their choice, including a
direct link to their personal identity.
MOTS-CLÉS : reconversion professionnelle, identité personnelle, conversion de soi,
affirmation de soi, parcours aléatoire
KEYWORDS: occupational retraining, personal identity, identity conversion, self-affirmation,
random career
Article professionnel présenté en vue de l’obtention
du Master de Psychologie sociale et du travail
MARGUERITE DE RORTHAYS
Sous la direction de
Jeanpierre.boutinet@uco.fr
JEAN-PIERRE BOUTINET

Session de septembre 2013
2

M. de RORTHAYS - 2013

Sommaire
Sommaire.............................................................................................................................................2	
  
INTRODUCTION ...............................................................................................................................2	
  
1.	
   Le phénomène de reconversion professionnelle ..........................................................................4	
  
1.1.	
  

La reconversion professionnelle et ses différentes approches .............................................4	
  

1.2.	
  

Le développement des pratiques d’accompagnement liées à l’orientation des adultes .......5	
  

1.3.	
  

La reconversion professionnelle en chiffres ........................................................................6	
  

2.	
   Contexte théorique .......................................................................................................................7	
  
2.1.	
  

La notion d’identité ..............................................................................................................7	
  

2.2.	
  

Identité et reconversion professionnelle ..............................................................................9	
  

3.	
   Méthodologie ...............................................................................................................................9	
  
3.1.	
  

Émergence de la problématique et de l’hypothèse .............................................................10	
  

3.2.	
  

Le choix de la méthodologie qualitative ............................................................................10	
  

3.3.	
  

Population visée et échantillon rencontré ..........................................................................11	
  

4.	
   Restitution et analyse des résultats ............................................................................................13	
  
4.1.	
  

Le choix de la méthode d’analyse ......................................................................................13	
  

4.2.	
  

L’analyse des données .......................................................................................................14	
  

5.	
   Interprétation et discussion ........................................................................................................20	
  
5.1.	
  

Interprétation des résultats autour de plusieurs éléments de discussions ...........................20	
  

5.2.	
  

Réponse à notre problématique et à notre hypothèse de recherche ...................................21	
  

5.3.	
  

Confrontation des résultats avec d’autres apports théoriques ............................................22	
  

CONCLUSION .................................................................................................................................23	
  
Remerciements ..................................................................................................................................23	
  
Bibliographie .....................................................................................................................................23	
  

INTRODUCTION
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

3

Les bouleversements technologiques et organisationnels du travail postmoderne ont
entrainé des changements fréquents et importants pour les travailleurs. L’image du travail
« sécuritaire » que les travailleurs des 30 Glorieuses ont pu avoir a disparu peu à peu dans le
contexte de crise économique et de restructuration du marché de l’emploi. En effet, les
travailleurs sont soumis professionnellement à de perpétuels changements, des réajustements
desquels émanent des périodes de transitions et de ruptures. Force est de constater que cela
influence la vie psychologique et sociale de l’individu. La trajectoire étude-travail-carrièreretraite qui pouvait exister auparavant laisse place à des parcours professionnels plus
mouvementés, moins linéaires. Le monde social n’est plus une logique de l’emploi à vie et
l’homme doit donc s’adapter (C.Négroni, 2007). Le contexte pousse l’individu à être mobile,
mais aussi à chercher de nouvelles valeurs dans leur travail. En effet, cette réalité du monde
du travail donne une perspective nouvelle à l’adulte : il doit être autonome, assumer son
pouvoir de liberté dans la gestion de son parcours professionnel, etc. Ce nouveau rapport au
travail n’est plus seulement lié au besoin matériel ou économique, mais s’étend vers la notion
de plaisir, d’épanouissement et de réalisation de soi. Le travail devient un moyen de
construction de soi et de définition de sa propre identité.
Cela se ressent dans la façon dont les individus effectuent leurs trajectoires
professionnelles. Le bien-être au travail ou encore le « travail-passion » et la vocation
deviennent des valeurs de plus en plus prégnantes aujourd’hui. Les trajectoires
professionnelles linéaires deviennent discontinues, se construisant par des ruptures et des
recompositions de trajectoires. Les individus souhaitent désormais se construire eux-mêmes,
construire leur biographie.
Les reconversions professionnelles émaneraient donc d’un changement de rapport au
travail, où l’individu devient tout à fait autonome par rapport au monde du travail en décidant
de son propre parcours professionnel pour s’épanouir personnellement et professionnellement.
Ce qui était le fruit de déterminations sociales devient l’objet de choix et d’élaborations
personnelles (C.Négroni, 2007). Aujourd’hui, nous savons qu’il existe un grand nombre de
raisons qui poussent les individus à envisager une reconversion professionnelle, notamment
des évènements de la vie professionnelle comme un licenciement ou encore la disparition de
certains métiers ou de la vie personnelle comme des divorces, des déménagements, des deuils,
etc. Parmi ces reconversions, il est important de distinguer celles qui sont contraintes et celles
qui sont choisies. L’objet de notre étude porte ici sur les reconversions professionnelles
volontaires. Ces dernières peuvent être un moyen pour l’individu de repenser sa biographie
afin de combler certaines attentes. Les reconversions tendent à s’inscrire dans cette mouvance
de nouveau rapport au travail.
En effet, dans cette étude, nous souhaitons comprendre l’impact des reconversions
professionnelles volontaires sur l’identité personnelle des salariés concernés.
Ainsi, nous allons dans un premier temps dresser un état des lieux de la reconversion
professionnelle et de la place qu’elle tient au sein de notre société afin de mieux appréhender
le contexte social. Dans un second temps, nous ferons un parallèle avec le concept d’identité
et plus spécifiquement l’identité personnelle afin de comprendre les enjeux de ce dernier lors
d’une reconversion professionnelle volontaire. Nous essaierons alors de nous interroger quant
à une problématique et à une méthodologie de recherche.
Par la suite, nous proposerons une analyse thématique réalisée à partir des entretiens que nous
aurons menés. Pour finir, nous établirons une discussion concernant les résultats obtenus lors
de nos échanges, au regard de notre problématique et de notre hypothèse générale.
4

M. de RORTHAYS - 2013

1. Le phénomène de reconversion professionnelle
Cette première partie va nous permettre de définir la notion de reconversion
professionnelle, de parler des origines de ce phénomène ainsi que d’en faire un bref état des
lieux.
1.1.

La reconversion professionnelle et ses différentes approches

1.1.1 Définition et facteurs d’une reconversion professionnelle
La reconversion professionnelle peut se définir comme le passage d’un emploi à un autre,
entrainant une rupture avec le métier de provenance et l’entrée dans un nouveau métier (Le
Boterf, 2002). Dans un premier temps, nous avons relevé plusieurs facteurs qui sont
susceptibles d’entrainer une reconversion professionnelle.
D’une part, les individus doivent faire face aujourd’hui à un marché de l’emploi qui est
fragilisé. Les contrats à temps plein et les CDI sont de plus en plus rares et de nombreux
salariés sont confrontés à des licenciements économiques. Cela les amène donc à repenser
leur trajectoire professionnelle, ce changement est donc bien souvent subi. D’autre part, nous
pouvons constater que le manque de reconnaissance au travail peut être un élément favorisant
les reconversions. Ce sentiment est exprimé par l’individu à la suite d’une action qui constitue
un effort pour lui. Certains individus ont besoin d’avoir un retour sur cette action et lorsqu’il
existe un sentiment d’iniquité entre le travail fourni et les rétributions de l’employeur,
l’individu peut ressentir un manque et peut alors espérer une meilleure situation dans un autre
domaine ou métier. Ensuite, lorsqu’un individu ne se sent plus motivé à exercer les activités
demandées dans son travail, il peut envisager une reconversion afin de retrouver ce sentiment
qui est nécessaire au bien-être dans le travail et donc dans la vie personnelle. Le burn-out
semble être également un facteur de reconversion. Cet état est lié au stress professionnel
auquel les individus n’arrivent pas à faire face. Peu à peu, l’individu se désinvestit et ne
réussit plus à s’accomplir personnellement dans son activité professionnelle. En envisageant
une reconversion professionnelle, les individus peuvent retrouver un bon équilibre dans leur
travail en diversifiant les tâches, en changeant d’environnement de travail afin de réduire ce
stress. Enfin, le dernier élément que nous citerons est la crise existentielle ou le besoin
d’évoluer. En effet, certains individus à un moment de leur vie ont besoin de changement. Ce
besoin passe alors par une reconversion professionnelle qui peut être adoptée dans le but de
s’affirmer personnellement et professionnellement.
Ces différents déterminants de la reconversion professionnelle nous montrent que ce
phénomène peut être volontaire ou subit.

1.1.2 La reconversion professionnelle volontaire
Comme nous l’avons mentionné précédemment, notre étude portera sur les reconversions
professionnelles volontaires. Nous allons donc tenter de définir de façon plus précise cette
notion.
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

5

La reconversion professionnelle volontaire peut être identifiée lorsqu’un individu change
d’activité professionnelle, de secteur ou encore de profession, et ce, de manière choisie ou
volontaire. Cette reconversion peut être déterminée selon trois critères (C.Négroni, 2007). Le
premier atteste que l’individu doit être en rupture avec son emploi précédent, il est donc à la
recherche d’un nouvel emploi, ou désire changer totalement d’activité. Le second critère
concerne l’ancienneté. En effet, les reconversions professionnelles volontaires sont engagées
au minimum 4 ans après l’arrivée dans un emploi. Pour finir, le dernier critère concerne la
dimension volontaire de la réorientation professionnelle. L’individu doit avoir choisi cette
situation soit de manière spontanée, soit par anticipation d’un licenciement économique.
Selon C.Négroni, les individus qui effectuent une reconversion professionnelle volontaire
passent par différentes phases et notamment une mise en question de soi. La prise de décision
entraine un vrai bouleversement biographique chez ces individus. En effet, « les évènements
qui surviennent dans la sphère professionnelle peuvent faire sens dans la sphère privée et
inversement »1. Une reconversion volontaire peut donc se rapprocher de la notion de
« bifurcation biographique » dans le sens où elle ne touche pas uniquement l’univers
professionnel de l’individu, mais également sa sphère personnelle. Ce type de processus
entraine des changements dans la biographie, dans la vie de la personne en reconversion.
Bien souvent la décision de se réorienter professionnellement résulte de la combinaison de
multiples facteurs qui, à un moment donné, parviennent à déclencher la mise en œuvre de la
démarche. Les individus choisissent des stratégies en mesurant les avantages et les contraintes
qu’elles induisent. En ce sens, le choix s’effectuera uniquement si les rétributions attendues
sont supérieures aux contributions. En effet, les individus qui s’engagent dans une
reconversion professionnelle ont bien souvent conscience des difficultés auxquelles ils
pourront faire face comme la baisse de ressources financières, la reprise des études, etc. Mais
ces concessions sont faites dans le but d’obtenir, avec le temps, des avantages qu’ils évaluent
eux-mêmes comme plus important que ces pertes. Nous pouvons donner comme exemple
l’épanouissement personnel, le bien-être ou encore un certain confort de vie. Lorsque les
personnes font le choix de se reconvertir professionnellement, c’est donc dans le but d’y
trouver quelque chose de positif pour leur avenir professionnel et personnel.
Les personnes qui effectuent des reconversions professionnelles, de façon volontaire ou
non, peuvent bénéficier d’aides afin de faciliter leur mobilité. Nous allons donc dresser un
bref historique de la mise en place de ces aides au cours des dernières années.

1.2.

Le développement des pratiques d’accompagnement liées à l’orientation des adultes

La notion de reconversion professionnelle est un héritage des mutations du secteur
industriel. En effet, dans les années 65-70, la délocalisation de certains secteurs industriels a
entrainé des reconversions massives. L’essor du secteur tertiaire a engendré une diminution
des besoins dans les secteurs miniers, la sidérurgie ou encore l’industrie textile. L’État a donc
été amené dans les années qui ont suivi à mettre en place des politiques de reconversion
professionnelle.
C’est en 1984 que le « congé de conversion » est adopté en France afin de faire face aux
mutations économiques. Les salariés ont la possibilité de se reclasser à la suite d’un
licenciement et la transition entre deux emplois est alors facilitée (Négroni, 2007). Quelques
1 Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion de soi », Carriérologie,
vol. 10, n° 2, p. 331-348
6

M. de RORTHAYS - 2013

années plus tard, les départs en formation pourront être à l’initiative de l’employeur par le
biais des actions de formation, mais aussi par celle de l’employé grâce à la mise en place du
Congé Individuel de Formation (CIF). Les salariés peuvent alors choisir plus aisément l’issu
ou la suite qu’ils souhaitent donner à leur carrière. Selon un rapport élaboré par le
FONGECIF (2008), 70% des personnes désirant effectuer un CIF et étant en contrat à durée
indéterminée le font dans une démarche de reconversion professionnelle.
Peu à peu, les politiques en faveur de la formation pour adultes se sont développées grâce à
la mise en place de nouveaux dispositifs dans le but d’inciter l’actualisation des compétences
et afin de faire face à un environnement professionnel en perpétuelle mutation. La validation
d’acquis professionnels (VAP), qui permet depuis 1992 d’accéder à certaines formations
professionnelles par le biais des expériences professionnelles en est un exemple. Nous
pouvons également citer la validation d’acquis d’expérience (VAE), un dispositif de 2003 qui
permet l’accès à tout ou partie d’un diplôme professionnel, en considérant les expériences
vécues au préalable qu’elles soient professionnelles ou extra-professionnelles. Bien que
certains critères soient obligatoires pour accéder à ces « aides », elles restent un atout majeur
pour les personnes en désir de reconversion professionnelle ou de réorientation, car elles
permettent de faire le point sur ses propres compétences professionnelles et personnelles.
Elles s’apparentent d’ailleurs au bilan de compétences, mis en place dans les années 1990 et
qui, selon le Code du travail, permet « d’analyser ses compétences professionnelles et
personnelles, ses aptitudes et ses motivations, afin de définir un projet professionnel et, le cas
échéant un projet de formation ».
La formation et l’orientation pour adultes a donc su s’imposer peu à peu comme un enjeu
majeur au niveau économique et social, ce qui a permis la mise en place d’un certain nombre
de dispositifs pour sécuriser les parcours professionnels des individus et leur permettre une
plus grande mobilité et une plus grande liberté dans leur choix de « carrières ». De nos jours,
les individus sont plus à même d’orienter leur trajectoire professionnelle en fonction des
évènements (licenciements, divorce, naissance, déménagements...) et de leur désir personnel,
et peuvent obtenir un certain nombre d’aides tout au long de leur cheminement.

1.3.

La reconversion professionnelle en chiffres

Comme nous l’avons vu précédemment, les reconversions professionnelles ou le passage
d’un métier à un autre ne sont plus un évènement rare pour les personnes en emploi dans
notre société. Une étude de l’INSEE2 datant de 2003 montre qu’environ 30% des personnes
en emploi en 1998 ont été amenées à changer de métier en 2003. Si le changement de métier
est plus fréquent pour les hommes et les jeunes qui ont entre 20 et 29 ans, le niveau d’étude
n’entrerait pas en jeu dans ces changements.
D’après un sondage effectué par l’AFPA3 en octobre 2012, sur 1000 personnes interrogées,
représentatif des actifs, 56% des actifs ont changé d’activité professionnelle au cours de leur
carrière et pour 55% d’entre eux, cette reconversion était volontaire. Depuis leurs
reconversions volontaires, 64% des individus concernés se sentent plus épanoui
personnellement, 56% ont vu leurs conditions de travail s’améliorer, et 49% déclarent avoir
un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
2 Etude de la DARES (2009) : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2009.01-05.3-2.pdf
3 Etude IPSOS (2012): http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/rapport_ipsos_afpa_octobre_2012.pdf
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

7

Au final, lorsqu’ils font le bilan de leur dernière reconversion, l’étude montre que 71% de
ceux qui ont déjà changé d’orientation professionnelle au cours de leur vie jugent qu’il s’est
agi d’un nouveau départ dans leur vie, au-delà des aspects professionnels. Cette étude permet
de voir l’importance d’une réorientation professionnelle sur la vie de l’individu et au-delà, sur
son identité personnelle.
Bien que les reconversions professionnelles puissent apparaître comme un moyen de défense
à une société incertaine, notamment sur le marché de l’emploi, nous pouvons constater de par
cette étude que ces réorientations ne sont pas toujours « subies ». De plus en plus, le
changement de métier est exprimé comme étant un choix de carrière volontaire, qui aurait une
certaine logique dans l’orientation que les individus veulent donner à leur trajectoire
professionnelle. Ils deviennent les vrais acteurs de leur parcours afin de s’épanouir tant
professionnellement que personnellement. Et c’est plus exactement à ce type de population
que nous nous intéressons pour ce travail.
La problématique de l’identité apparait au cœur des mutations psychosociologiques et
culturelles que rencontre notre société depuis quelques décennies. C’est pourquoi nous avons
souhaité étudier ce concept au travers des reconversions professionnelles volontaires.

2. Contexte théorique
Dans cette seconde partie, nous allons présenter les principales théories qui nous ont
intéressées pour approfondir notre sujet de recherche. En premier lieu, nous présenterons la
notion d’identité au sens large avant d’exposer quelques recherches sur l’identité et les
reconversions professionnelles volontaires.
2.1.

La notion d’identité

La notion d’identité est une notion relativement large et floue du fait de l’expansion de
son utilisation. En effet, cette notion est reprise dans un grand nombre de domaines comme la
politique, la psychologie, la philosophie, l’anthropologie ou encore la sociologie. Il est donc
devenu difficile de donner un véritable sens à cette notion d’ « identité ».
Selon le dictionnaire Larousse, l’identité est « le caractère permanent et fondamental de
quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité » ou encore « le rapport que
présente entre deux ou plusieurs êtres ou choses qui ont une similitude parfaite ». Ces
définitions nous permettent de voir que l’identité est une notion paradoxale. D’une part, elle
est représentée par l’unicité, la singularité de chaque individu qui le distingue de l’Autre, et
d’autre part, elle évoque la « similitude » entre les hommes. L’identité serait donc un
processus de construction qui s’élabore pour l’individu dans la gestion des dissonances entre
l’identité attribuée par les acteurs extérieurs et l’identité visée et assimilée par l’individu.
Par conséquent, cela nous amène à dire que l’identité désigne une certaine dualité, elle est à la
fois individuelle et collective, mais aussi personnelle et sociale. L’identité sociale concerne le
sentiment de similitude à autrui alors que l’identité personnelle concerne un sentiment de
différence par ces mêmes autrui. L’individu se retrouve alors entre ces « deux pôles » entre
lesquels les conduites des individus oscillent sans cesse4.

4 Deschamps, J.-C. ; Moliner, P. (2008). L’identité en psychologie sociale : des processus identitaires aux
représentations sociales. 2e édition. Paris : Armand Colin.
8

M. de RORTHAYS - 2013

Les travaux du psychanalyste Erikson ont eu un rôle important dans le développement de
la notion d’identité. En effet, il définit l’identité comme un processus dynamique qui n’est pas
figé et qui se construit tout au long de la vie de l’individu : « la construction identitaire est un
processus dynamique marqué par des ruptures et des crises, inachevé et toujours repris »5.
L’identité est donc un processus évolutif, il se construit depuis l’enfance et se poursuit tout au
long de la vie. Les chercheurs parlent de processus dynamique, car il est le résultat
d’interaction avec de multiples institutions telles que le cercle familial, l’école, le travail, etc.
Les situations de la vie auquel l’individu peut faire face ont donc un impact sur l’identité de
l’individu. Un évènement comme une reconversion professionnelle pourrait donc influer sur
la construction identitaire de l’individu.
Mead, un des précurseurs des études de l’identité en psychologie sociale développe la
thèse selon laquelle le soi est principalement une structure sociale qui naît des interactions
quotidiennes « il se développe chez un individu donné comme résultat des relations que ce
dernier soutient avec la totalité des processus sociaux et avec les individus qui y sont
engagés ». L’individu intériorise le point de vue des autres et cela impacte son identité
personnelle. On peut donc en déduire que la « conscience de soi » de l’individu s’établit par
les interactions sociales. De plus, selon lui, l’identité personnelle est le produit de la
socialisation. En effet, cette dernière permet la constitution du « Soi » par l’intermédiaire des
institutions qui nous entourent et de nos modèles. Le travail identitaire est un travail qui
s’effectue tout au long de la trajectoire individuelle, tout au long de la vie. Il dépend des
évènements vécus par l’individu, mais aussi du contexte social dans lequel il évolue.
D’un point de vue psychosociologique, l’identité peut se définir comme « un ensemble de
critères de définition d’un sujet et un sentiment interne 6». L’identité est la conscience qu’une
personne a de soi-même et de ce qui la différencie des autres. Bien que certains traits
constituants l’identité d’un individu soient héréditaires ou innés, il est certain que le milieu
dans lequel l’individu évolue conditionne en partie son identité.
Toutes ces théories sur l’identité nous montrent bien l’ambivalence de ce concept dans
lequel s’entremêlent l’identité personnelle et l’identité sociale.
En effet, Dubar (2002), distingue alors deux identités : l’ « identité pour autrui » et
l’ « identité pour soi ». L’identité pour autrui est une construction de l’image que l’individu
veut renvoyer aux autres, elle se construit donc par rapport aux autres, par cette interaction
avec Autrui, et par l’image qu’Autrui renvoie. L’identité pour soi renvoie à l’image que
l’individu se construit lui-même.
Aujourd’hui, l’individu « post-moderne » serait caractérisé par une quête incessante de soi, de
son identité, dans laquelle l’affirmation devient à la fois un objectif exaltant et une épreuve
difficile (E.Marc, 2005). En effet, la question de l’identité s’impose dans les moments de
remise en question, de déni, de rupture ou de transitions. Nous pouvons alors supposer que
les reconversions professionnelles sont donc des périodes durant lesquelles l’identité fait
l’objet de multiples interrogations et remises en question.

5 Erikson, E. (1972) Adolescence et crise : la quête de l’identité. Paris : Calmann Lévy
6 Mucchielli, A. (2001). La psychologie sociale. Paris : Hachette Livre
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

2.2.

9

Identité et reconversion professionnelle

Dans notre étude, nous avons souhaité aborder la question de l’identité suite à une
reconversion professionnelle. En effet, le moment de la reconversion semble être un processus
fait de crises et de transitions, qui nécessitent un retour sur soi, sur ce qu’on est, sur son
identité.
Au moment de la reconversion professionnelle, la sphère privée et la sphère publique
s’entremêlent, l’intérêt pour son travail, l’ambiance ou encore les perspectives de carrières
interfèrent avec la vie privée. Inversement, la naissance d’enfant, les deuils, les divorces sont
des éléments qui vont avoir des conséquences sur l’espace professionnel7. Nous pouvons donc
en conclure que la rupture de l’individu avec sa sphère professionnelle le pousse à repenser
également sa sphère privée et donc que ce processus de réorientation professionnelle impacte
de façon directe ou indirecte l’identité personnelle.
En outre, d’après nos lectures nous avons constaté que les personnes en situation de
reconversion professionnelle font face à une « transformation de soi ». En d’autres termes,
elles perdent peu à peu leur identité professionnelle et personnelle en avançant dans ce désir
de se réorienter, afin de se construire une nouvelle identité.
Bien que long et douloureux pour certains, ce processus est essentiel, car il permet d’arriver à
se connaître soi et à trouver ce que l’on souhaite être ou devenir. L’individu perd peu à peu
son identité professionnelle ou personnelle en désirant se réorienter afin de se construire une
nouvelle identité. C. Négroni qualifie ce phénomène la « conversion de soi »8.
Selon DANVERS, la conversion de soi est « un processus de réflexion et de maturation au
cours duquel l’individu devient acteur de sa biographie, repense sa trajectoire et réalise sa
vocation ». Cela nous montre bien, encore une fois, qu’une reconversion professionnelle pour
un individu ne se limite pas à la construction d’un nouveau projet professionnel. L’individu
doit pouvoir appréhender ce projet comme un « projet de soi » dans lequel son identité va être
remise en question, sans doute chamboulée ou transformée.
Dans notre étude, ce qui nous intéresse est justement de comprendre l’impact de la
reconversion professionnelle choisie sur l’identité de l’individu concerné, nous souhaitons
illustrer cette conversion de soi au travers des témoignages que nous allons recueillir.

3. Méthodologie
Cette étude faite au travers de nos lectures nous aide à faire le point sur les connaissances
concernant notre problématique de départ. Ce travail de fond doit être, à présent, confronté à
la réalité. Ce chapitre nous permet ainsi de faire part de notre problématique, issue à la fois de
nos lectures et de nos entretiens exploratoires ainsi que de l’hypothèse servant de fil
conducteur à notre recherche. Nous mettons également en avant notre choix méthodologique
quant au recueil et l’analyse des données.

7 Négroni, C. (2007). Reconversion professionnelle volontaire, changer d’emploi, changer de vie, un regard
sociologique sur les bifurcations. Paris : Armand Colin
8 Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion de soi »,
Carriérologie, vol. 10, n° 2, p. 331-348.
10

3.1.

M. de RORTHAYS - 2013

Émergence de la problématique et de l’hypothèse

3.1.1 Problématique
Nos différentes lectures nous ont permis de constater que l’identité de l’individu se
construit tout au long de la vie par le biais notamment de la socialisation, mais aussi de ses
relations avec autrui et de ses propres expériences de vie. Nous avons vu que le statut d’un
individu permet d’entrée de jeu de le situer et de le classer dans la société afin de lui assigner
une position. Et c’est ce statut, cette identité que l’individu transforme ou modifie (de façon
consciente ou inconsciente) en choisissant de se reconvertir professionnellement. Au cours de
sa reconversion, l’individu doit alors effectuer un travail sur lui-même, sur ce qu’il est, ce
qu’il désire et sur ce qu’il vaut. Ce travail nous apparait alors comme un « bilan
identitaire personnelle » pour chacun des individus concernés.
De plus, nous avons également pu constater que les trajectoires professionnelles des individus
sont de moins en moins linéaires. En effet, la carrière professionnelle devient « plurielle ».
Les salariés sont amenés, de plus en plus, à changer plusieurs fois d’entreprise, de secteur
d’activité, voire de métiers au cours de leur trajectoire professionnelle. Nous avons donc fait
le rapprochement entre ce nouveau mode de « parcours aléatoire » qui n’est pas toujours
subit, mais qui peut aussi être choisi, et la question de l’identité personnelle.
Ainsi, au regard de ce mode de parcours aléatoire, nous pouvons nous demander : à quel
sentiment identitaire sont confrontés les individus lorsqu’ils font l’expérience d’une
reconversion professionnelle volontaire ?
La réponse à cette question pourrait permettre d’envisager la reconversion professionnelle
volontaire sous l’angle de la question identitaire afin de trouver les solutions adaptées en
termes d’accompagnement et de gestion de carrières.
3.1.2 Notre hypothèse
Afin de répondre à notre problématique de recherche, nous allons maintenant poser
différentes hypothèses que nous tenterons par la suite de vérifier à l’aide des résultats du
recueil de données.
Lors de nos recherches, nous avons mis en avant les différents facteurs de reconversion
professionnelle volontaire, mais aussi l’importance de la question de l’identité dans le
processus de reconversion. Nous souhaitons donc aborder la reconversion professionnelle
sous l’angle de cette approche.
Ainsi, nous avons émis l’hypothèse suivante : au cours de leur reconversion
professionnelle volontaire, les salariés doivent faire face à une conversion identitaire.
Afin de répondre à notre problématique et à notre hypothèse, nous allons confronter ces
dernières au terrain, en effectuant une étude auprès des personnes directement impliquées
dans notre recherche et acceptant de s’entretenir avec nous.

3.2.

Le choix de la méthodologie qualitative

Tout au long de notre première partie, nous avons pu étudier le contexte relatif à notre
étude, ainsi que les travaux et les études réalisés sur ce sujet. Dans la continuité de notre
recherche, nous avons été sur le terrain. Il a donc fallu mettre en place un recueil de données,
afin de saisir des informations de qualité pour répondre à notre questionnement initial.
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

11

3.2.1. Le recueil de données
Au vu de notre problématique, dans laquelle nous cherchons à comprendre l’impact d’une
reconversion professionnelle volontaire sur l’identité personnelle d’un individu, il nous a
semblé nécessaire d’avoir une explication du vécu des individus constituant notre
échantillon, notamment concernant leur choix d’orientation
initial, leur parcours
professionnel, ainsi que les conséquences et leur bilan personnel de leur reconversion.
Selon Quivy et Campenhoudt9, la méthode de l’entretien offre la possibilité d’instaurer un
véritable échange, au cours duquel l’interviewé exprime ses perceptions. Cet outil est
certainement le mieux adapté, car il permet d’obtenir des éléments de réflexions très riches et
nuancés auprès de la population concernée, et de récolter des données issues directement des
personnes interrogées, contrairement au questionnaire, qui peut parfois être limité, du fait du
nombre de personnes interrogées. Cette méthode pourrait nous faire passer à côté de certaines
informations nécessaires à la compréhension et l’analyse du phénomène que nous étudions.
La méthode de l’entretien nous est apparue comme plus appropriée, car elle permet un réel
échange durant lequel les individus peuvent s’exprimer selon leurs envies et selon leur propre
perception, et ce sans être limités par des questions spécifiques. Cela permet également une
certaine spontanéité et une liberté dans l’évocation de leurs témoignages personnels.
Plus précisément, et au vu de la démarche inductive dans laquelle s’inscrit notre recherche,
nous avons choisi de mettre en place des entretiens de type semi-directif. Cela nous a permis
de définir certains thèmes au préalable qui ont guidé les échanges tout en laissant à nos
interlocuteurs et à nous-mêmes une certaine liberté d’expression. Afin de pouvoir réaliser nos
entretiens semi-directifs, nous avons construit une grille d’entretien en dégageant différents
thèmes que nous souhaitions aborder afin de récolter au mieux les informations recherchées.
Ces thèmes ont pu être abordés dans divers ordres en fonction du déroulement des entretiens.
Notons que notre guide d’entretien a évolué au fil des rencontres que nous avons faites.
Avec l’aide d’un dictaphone et l’accord de nos interlocuteurs, nous avons enregistré ces
échanges, afin de pouvoir faire une analyse du discours la plus proche de la réalité, et de
pouvoir nous concentrer sur l’entretien en lui-même.
3.3.

Population visée et échantillon rencontré

3.3.1 Le choix de la population
La constitution de l’échantillon est un élément clé dans la réalisation de notre article de
recherche. Nous avons souhaité rencontrer des hommes et des femmes ayant effectué une
reconversion de façon volontaire, après avoir exercé le même emploi pendant 5 ans minimum
afin de garder une certaine cohérence avec les critères de définition de la reconversion
professionnelle volontaire annoncée par C. Négroni (2007). Nous avons également souhaité
que notre échantillon soit composé de personnes ayant terminé leur reconversion
professionnelle et étant en poste dans leur nouvel emploi depuis 1 an minimum et 5 ans
maximum. En effet, cette durée est importante, car il nous semblait important que ces
individus aient pu prendre du recul par rapport à leur nouvelle situation, mais que leur
changement soit encore suffisamment récent pour qu’ils puissent en parler aisément.

9 Quivy, R. ; Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod
12

M. de RORTHAYS - 2013

En considérant la faible proportion de la population que nous visons et notre démarche
exploratoire, nous avons pensé qu’il était préférable de ne pas se limiter à des critères comme
l’âge ou le secteur d’activité.
3.3.2 Le contexte des rencontres
En nous appuyant sur notre réseau personnel et nos connaissances, nous avons pu
rencontrer quelques personnes. Internet nous a été d’une grande utilité également, car nous
avons pu découvrir des blogs consacrés au thème de la reconversion professionnelle. Par cet
intermédiaire, nous avons pu échanger avec des personnes étant en situation de reconversion
et en rencontrer certains par la suite en entretien.
Concernant les lieux de rendez-vous, nous laissions le choix aux interviewés de le définir tout
en essayant de garder une certaine neutralité et de calme afin de ne pas être perturbés par des
éléments extérieurs. Les rencontres ont duré entre 50 minutes et 1h40, en fonction de la
facilité d’échange ou l’aisance de l’interviewé(e) et la capacité à se livrer.
3.3.2 Présentation de l’échantillon
Lors de notre enquête de terrain, nous avons recueilli le témoignage de 5 femmes et 3
hommes âgés de 40 à 57 ans, exerçant un emploi en lien avec leur reconversion
professionnelle depuis 1 à 4 ans. Certains ont bénéficié d’aides afin de financer leur reprise
d’études, d’autres pas. Une des interviewées n’a pas eu à reprendre de formation pour se
reconvertir, mais s’est servie de ses expériences passées et de ses compétences acquises tout
au long de sa carrière pour se réorienter.
Nous proposons de présenter chacune des personnes rencontrées sous la forme de vignette
afin de mettre en avant la spécificité de leur parcours et de leur reconversion professionnelle.
Brigitte : 48 ans, célibataire, sans enfants. Brigitte est aujourd’hui gérante d’un magasin de
prêt-à-porter féminin. Avant sa reconversion professionnelle, elle a changé de nombreuses
fois d’entreprises, mais toujours pour évoluer vers des emplois avec plus de responsabilités. Il
y a 5 ans, elle a décidé de quitter le monde des ressources humaines pour ouvrir une boutique
de prêt-à-porter en province. Brigitte n’a pas eu à reprendre une formation pour se reconvertir.
Alain : 57 ans, marié, 4 enfants. Anciennement cadre supérieur dans les télécommunications,
Alain a décidé de changer de vie il y a 6 ans. Il a quitté son entreprise dans laquelle il évoluait
depuis près de 20 ans pour reprendre un CAP de plomberie, ainsi qu’une formation pour
devenir chef d’entreprise. Depuis 4 ans, Alain a donc monté son entreprise de plomberie et est
à présent plombier et chef d’une petite entreprise de 4 salariés.
Lucie : 40 ans, mariée, 2 enfants. Lucie avait déjà une carrière bien lancée dans le monde la
publicité, et plus précisément en tant qu’attachée de presse. Après un déménagement, elle a
décidé de reprendre ses études pour devenir fleuriste. Elle est aujourd’hui employée dans un
magasin de fleur en région parisienne.
Philippe : 46 ans, marié, 3 enfants. Militaire de carrière, Philippe a pris conscience, à l’âge de
43 ans de son désir de changer de vie, de changer de métier. Après avoir repris un master de
Gestion des entreprises, il s’est lancé dans un projet associatif de réinsertion de jeunes en
difficultés. Cela fait aujourd’hui 3 ans que Philippe a effectué sa reconversion et occupe son
nouvel emploi.
Alex : 44 ans, célibataire, 1 enfant. Alex a un parcours que l’on peut qualifier d’atypique,
enchaînant des emplois de voituriers, de serveurs ou encore de garagiste, ainsi qu’une carrière
en tant que technicien dans une grande entreprise de mobilier urbain. Il y a 3 ans, il décide de
se lancer dans la gemmologie, qui est une passion enfouie depuis son plus jeune âge. Il a donc
profité d’un CIF par le biais de son entreprise et a entamé une formation pendant 2 ans en
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

13

alternant avec son métier de technicien. Cela fait aujourd’hui un an qu’Alex travaille comme
gemmologue chez joaillier parisien.
Anna : 48 ans, mariée, 5 enfants. Cette femme est une ancienne directrice juridique. Ayant
fait toute sa carrière dans le recouvrement, elle a décidé il y a 2 ans de se reconvertir. Elle est
aujourd’hui autoentrepreneure dans le milieu agricole.
Louise : 47 ans, célibataire, 2 enfants. Cette ancienne commerciale a changé d’orientation
professionnelle il y a 4 ans. Après avoir repris un CAP, elle est aujourd’hui employée en tant
qu’esthéticienne dans un institut de beauté, et souhaite monter sa propre structure dans un an.
Isabelle : 43 ans, mariée, 1 enfant. Commerciale pendant plus de 15 ans, Isabelle a décidé de
changer de voie à 40 ans. Après avoir repris une formation professionnelle, elle est devenue
artisan-tapissière et travaille à son propre compte pour des clients de tous genres.

4. Restitution et analyse des résultats
Après avoir justifié le choix de notre méthode d’analyse, nous présenterons une synthèse
de la grille d’analyse que nous allons utiliser. Ensuite, nous exposerons l’analyse des données
recueillies.
4.1.

Le choix de la méthode d’analyse

Après avoir réalisé nos entretiens avec les 4 femmes et les 3 hommes, nous les avons
retranscrits les uns après les autres, afin de pouvoir procéder à une analyse la plus proche de
leur discours.
Nous avons choisi d’analyser nos entretiens en utilisant la méthode d’analyse du contenu
thématique. Cette dernière, que l’on peut désigner de méthode qualitative, permet de traiter
des entretiens comprenant un recueil d’informations assez riche. L’ « essence de l’analyse
qualitative est d’abord une émergence des données qualitatives, puis une mise en ordre
compréhensive de ces données, dans un sens explicatif global, répondant à la
problématique »10. L’analyse thématique de contenu peut se faire en deux étapes : « le
repérage des idées significatives et leur catégorisation »11. Dans un premier temps, nous avons
effectué des relectures très assidues des entretiens pour en retirer les idées les plus
importantes et les plus récurrentes, selon le discours de chacun des participants. À la suite de
cela, nous avons pu mettre en place une catégorisation de ces différents éléments du discours,
en les comparant, les triant, tout en prenant compte des hypothèses que nous avons posées au
préalable. Cela nous a amené à dégager 10 sous-thèmes regroupés en 3 grands thèmes, qui
nous semblaient ressortir de l’ensemble de ce recueil de données.

10 Mucchielli, A., Paillé, P. (2003). ) L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris : Armand
Colin
11 Negura, L. « L’analyse de contenu dans l’étude des représentations sociales », SociologieS [En ligne],
Théories et recherches, mis en ligne le 22 octobre 2006, consulté le 15 Mai 2013. URL :
http://sociologies.revues.org/993
14

4.2.

M. de RORTHAYS - 2013

L’analyse des données

Nous allons à présent aborder chaque thématique, les unes après les autres. Dans un premier
temps, nous évoquerons le discours des interviewés concernant leur orientation initiale et leur
trajectoire professionnelle avant leur reconversion respective. Ensuite, nous parlerons du vécu
de la reconversion professionnelle, des motivations à la prise de décision. Pour finir, nous
mettrons en avant la situation après la reconversion professionnelle.
Ce n’est que dans le chapitre suivant que nous donnerons sens à ces données en proposant
une interprétation.
4.3.1 Avant la reconversion…
-­‐

Le choix d’orientation professionnelle initial

Nous pouvons noter que le niveau d’études des personnes interviewées est assez
hétérogène. L’un d’entre eux n’a pas obtenu son bac et a donc décidé d’arrêter les études à 17
ans, tandis que d’autres sont allés jusqu’à l’obtention d’un diplôme Bac+5. Il est intéressant
de voir que la majorité d’entre eux a été amenée à reprendre des études ou une formation lors
de leur reconversion professionnelle, mais sans pour autant relever leur niveau d’études.
Concernant le choix d’orientation, pour certains il était évident comme Philippe qui s’est
lancé dans une prépa scientifique afin d’intégrer une école d’officier de l’armée de terre. Pour
d’autres, le choix des études, s’est fait sans grandes convictions : « je ne savais pas quoi
faire… je n’étais pas passionné par un truc en particulier et spécialement doué à l’école, j’ai
redoublé 3 fois… (rire) … alors voilà, je me suis lancé dans une fac de géo, j’aimais bien ça,
mais je savais pas trop où ça me mènerait ! » (Alain). Ces indécisions en terme d’orientation
ont pu en amener certains vers des études assez larges, afin de ne pas se ferme de porte par la
suite. C’est le cas de Brigitte : « je voulais toujours garder l’ouverture, je voulais pouvoir
choisir de faire un maximum de choses par la suite, sans être trop bloquée… » Le futur
professionnel semblait bien souvent flou pour nos interlocuteurs lors de leur orientation
initiale : « je n’ai pas eu envie de repasser mon bac au bout d’un moment, et puis je n’avais
aucune vision d’avenir, rien ne me plaisait vraiment ». (Anna)
Les choix professionnels ont pu être pour certain ont été vécu comme une sorte de fatalité :
« j’ai eu un cursus un peu chaotique ! Je n’aimais pas vraiment l’école, ou l’école ne
m’aimait pas ! Du coup, j’ai continué comme serveur… je bossais déjà dans la restauration à
16 ans les étés, je n’ai pas pu trop me poser de questions » (Alex). Anna raconte également sa
première expérience professionnelle, non pas comme un choix, mais comme une nécessité :
« j’ai loupé mon bac 3 fois, ensuite mon BEP esthétique… j’avais besoin de sous, c’était
compliqué à la maison. J’ai fait des TUC pendant un temps, c’était loin d’être intéressant,
mais je gagnais un peu de sous au moins ». Ces orientations professionnelles ont été aussi le
fruit du hasard : « ma première expérience pro c’était un peu le fruit du hasard parce qu’à la
fin de mes études… je ne savais toujours pas vers quoi je voulais m’orienter…le métier que
j’allais choisir et on m’a proposé un emploi de commercial par des connaissances, alors j’ai
foncé » (Isabelle).
-­‐

Les trajectoires professionnelles

Lors de nos entretiens, nous avons constaté que tous les interviewés ont passé beaucoup de
temps à évoquer leur trajectoire professionnelle, et ce, de façon très détaillée. Nous avons pu
remarquer qu’il existait chez ces personnes-là, deux types de trajectoires.
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

15

La majorité des personnes interviewées a connu des parcours professionnels que l’on
pourrait qualifier d’atypiques, car elles ont changé de poste régulièrement ou changés
d’entreprises à maintes reprises. En moyenne, les personnes que nous avons rencontrées ont
changé 7 fois d’entreprises : « moi, c’est clair que quand j’y pense, je ne tenais pas en place
très longtemps… j’ai beaucoup bougé ! Ce n’était pas que moi le problème hein ! Enfin
quand on pense que je me suis mariée 5 fois… peut-être que c’est un peu moi… (rire) »
(Anna). Louise elle, raconte son parcours comme un parcours plein de rebondissements et de
changement « je vais raconter un peu mon parcours, je veux bien, mais on en a pour un bout
de temps, je ne sais même pas dire combien de boîtes j’ai faites (rire), mais en tant que
commerciale c’est facile de bouger aussi et on est vite tenté d’aller voir ce qui se passe
ailleurs, de changer de produits…».
Seulement deux de nos interlocuteurs ont connu des trajectoires dites linéaires. En effet,
Alain est resté plus de 15 ans dans la même entreprise : « ça se passait bien, j’ai quand même
appris des tonnes de choses et puis c’était une grosse boîte donc j’ai pu évoluer correctement
et faire une belle carrière chez eux ». Quant à Philippe, en tant qu’officier de l’armée de terre
il nous dit « je suis resté longtemps dans l’armée, mais j’y étais bien… j’ai choisi un métier
qui bouge aussi, alors peut être que j’avais encore moins le besoin de changements… et puis
quand on y est, on a du mal à en partir !».
-­‐

Les opportunités

Le mot « opportunité » a été bien souvent utilisé dans le discours de nos interlocuteurs. Il
nous semble alors important de le relever ici. En effet, Brigitte nous parle de son parcours
professionnel et nous dit « j’ai l’impression qu’à chaque fois, c’est les gens qui venaient me
chercher pour me proposer quelque chose de nouveau, un nouveau projet dans une autre
entreprise ». Lucie, en évoquant le milieu de la communication nous dit également avoir été
beaucoup portées par les opportunités qui sont venues à elle « alors moi, c’est vrai que dès
qu’on me proposait un truc, j’avais tendance à dire, ouais ! Pourquoi pas ! Et je fonçais ! »
Alex, lui, est passé de serveur en restaurant à voiturier, garagiste ou encore technicien
d’affichage dans une grande entreprise : « en faisant le bilan là, je me dis que je n’avais pas
froid aux yeux ! Je n’ai pas arrêté de changer de boulot dès que je rencontrais quelqu’un qui
me motivait, je me lançais dans une nouvelle aventure ». Au vu de leur discours, nous
pouvons constater que ce sont des rencontres, des relations qui ont bien souvent déterminé ces
trajectoires professionnelles.
En effet, la phrase d’Isabelle résume bien l’importance des opportunités dans leur parcours
professionnel : « Moi je crois que c’est sont les choses de la vie qui ont amené là où je suis
maintenant. Et ce que je trouve très intéressant dans la vie c’est les surprises en fait ! »
-­‐

La notion de mouvement

Nous avons remarqué en analysant nos entretiens que cette notion de mouvement est très
présente dans les discours. En effet, que ce soit dans le besoin d’être polyvalent(e) dans le
travail, le besoin de voyager, le besoin de mobilité, les personnes interviewées ont très
souvent évoqué cette notion. Prenons pour exemple une phrase de Brigitte « Enfin moi, quand
on me dit, tu vas pouvoir te poser et tout, moi je sais que ce n’est pas forcément les arguments
qui me motivent quoi ». Ou encore, nous pouvons citer Isabelle, qui évoque une de ses
expériences : « je ne pouvais pas rester dans cette boite plus longtemps, j’avais le sentiment
16

M. de RORTHAYS - 2013

que tout était figé, que rien n’évoluait c’était vraiment pesant. Moi, j’ai besoin de mouvement,
de dynamisme ! »
4.3.2 La transition ou l’étape de la reconversion
Dans cette partie, nous avons souhaité mettre en avant la phase de transition par laquelle
nos interlocuteurs sont passés avant de se lancer dans leur nouvelle activité professionnelle,
quelle qu’elle soit.
-­‐

Les motivations inhérentes à ce choix de reconversion

Nous entendons ici par motivations, l’ensemble des éléments que nous avons considérés
comme moteurs dans leur choix de reconversion.
Pour la plupart des personnes interviewées, le développement professionnel a été un facteur
très important dans leur motivation à se reconvertir. En effet, comme en témoigne Alain « j’ai
voulu me reconvertir pour explorer quelque chose de nouveau, développer mes capacités et
mes compétences aussi ! Je me disais que changer totalement de métier me permettrait
d’apprendre encore plus et ça c’était une satisfaction pour moi ». La notion de satisfaction a
également été perçue comme un moteur : « j’avais envie de faire un truc que j’aime, de vivre
de ma passion des pierres, je savais que ce serait une réelle source de satisfaction pour moi
et je pense que c’est tellement important pour l’épanouissement personnel aussi» (Alex). En
se projetant vers de nouveaux horizons professionnels, certains ont également pris conscience
de l’importance de se réaliser et de s’épanouir « j’avais fait le tour du sujet. J’avais besoin de
me réaliser, d’être bien et pour ça il me fallait plus d’autonomie, plus de possibilités de
décision et je savais bien que c’était impossible… » (Anna).
D’autres ont évoqué leur motivation à se reconvertir au travers d’une envie de challenge,
de défi « en ouvrant ma boutique, j’avais envie de me mettre au défi parce que vous savez,
rien que de m’ancrer quelque part, c’est un défi… et je crois que j’avais besoin de ça pour me
réaliser… C’était une réelle motivation, et ça me plaît ».
Le sentiment d’inutilité est aussi apparu chez certains comme un moteur. Louise par
exemple affirme « j’avais l’impression au bout d’un moment que je n’apportais rien à
personne…que je ne servais à rien. C’est horrible à dire, mais c’est assez vrai. J’avais envie
de faire plaisir, de m’occuper des autres, de partager ce que je peux et dans mon boulot de
commerciale, je ne trouvais pas vraiment mon compte » (Louise).
Le retour à des valeurs spécifiques a été très souvent repris par nos interlocuteurs. En effet,
certains évoquent le besoin de relations humaines saines et présentes dans leur travail : « la
reconversion, c’était aussi pour moi, l’envie d’un retour à la vie normale… à la vie tout
court, en lien avec les humains » (Isabelle), ou encore « j’ai cherchais une relation plus
humaine… un lien fort avec le monde extérieur, mais aussi dans mes relations du quotidien »
(Brigitte). Anna, en se dirigeant vers le monde de l’agriculture « quelque part, j’avais envie
de revenir vers la vie… et la terre, l’agriculture, les gens que j’allais côtoyer tous les jours,
c’est la vie ».
-­‐

Les éléments déclencheurs
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

17

Les conditions de travail soutenu et notamment le stress engendré ont été des éléments
déclencheurs concernant le choix de reconversion pour certains de nos interlocuteurs. Deux
d’entre eux évoquent un « burn-out » : «je me suis tellement épuisé avec ce boulot […]. Ce
burn-out, ça a été l’élément déclencheur, je ne pouvais plus continuer physiquement et
psychologiquement, je n’arrivais même plus à dormir tellement mon cerveau fonctionnait ! »
(Brigitte).
Pour d’autres, ce sont des évènements de la vie qui ont été déclencheurs. Lucie parle de la
naissance de son enfant comme un moment de réflexion et de mise à distance par rapport à sa
situation professionnelle « Pendant mon congé mat’, j’ai pris le temps de me poser et de
comprendre ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Ça a été un déclic ! » Anna, elle, s’est
rendu compte à 40 ans que son QI était supérieur à la moyenne « quand j’ai su ça, je me suis
effondré parce qu’il y a des tonnes de significations qui viennent par rapport à mon parcours
un peu…tumultueux et j’ai compris enfin ce décalage que j’avais et là où je voulais aller, ça
m’a finalement libéré d’un poids ».
Un autre élément qui est revenu à plusieurs reprises est le conflit professionnel. En effet,
comme nous le raconte Isabelle pendant l’entretien, cet évènement a été « la goutte d’eau qui
a fait déborder le vase ! » Une prise de recul s’est effectuée et lui a ainsi fait prendre
conscience de son envie d’être autonome et de « de ne devoir de compte à personne, juste à
moi-même ». La question de la reconversion lui est alors apparue comme une évidence.
Nous pouvons également remarquer que l’intervention d’une tierce personne a pu aussi
jouer un rôle dans la reconversion professionnelle. Cela peut-être le conjoint « arrête tout de
suite ce boulot, tu n’es pas faite pour ça, tu n’es pas heureuse… et ça se ressent sur notre
couple !... Voilà ce que m’a dit mon mari un soir, quand je suis rentrée épuisée du
boulot… Ça m’a vraiment fait un électrochoc là !» (Louise).
Pour finir, nous pouvons constater que la moyenne d’âge de nos interlocuteurs est de 46.5
ans. Ils sont nombreux à évoquer ce critère comme facteur de remise en question : « Et puis
j’arrivais à 40 ans, je crois que c’est le temps de la prise de recul et des remises en
questions ! » (Lucie). Pour Anna : « il fallait que je sorte de ce carcan… j’avais 45 ans
presque, je voulais m’affirmer enfin, j’étais capable de prouver qui j’étais réellement, et pour
moi ça passe aussi par le boulot… ».
Nous pouvons donc voir que la reconversion professionnelle a été, pour chacun de nos
interlocuteurs, une remise en question liée à des évènements de vie personnelle ou
professionnelle.
-­‐

La prise de décision

Pour chacune des personnes rencontrées, nous avons senti que la prise de décision a été
une étape très importante dans leur cheminement vers la réorientation. En effet, certains ont
fait une « pause » dans leur carrière pour réfléchir réellement : j’ai pris un moment de
réflexion pendant lequel je me suis arrêté volontairement. Pendant quelque mois, je n’ai pas
cherché de travail, je voulais réfléchir… me reposer » (Isabelle). Comme en témoigne
Brigitte également, ce temps de réflexion semble essentiel dans la prise de décision : « je me
suis dit, il faut peut-être arrêter… de se laisser porter par le courant et faire une véritable
réflexion sur la vie professionnelle que je veux avoir, la vie perso que je veux avoir… j’ai
vraiment eu une prise de conscience quoi… ».
Le soutien familial et amical semble également être un élément très important. En effet,
certains ont pu être découragé par moment, mais grâce à un entourage très impliqué, ils ont pu
aller au bout de leur choix : « ça n’a pas toujours été facile, j’ai voulu faire marche arrière
plus d’une fois, mais heureusement, toute ma famille était derrière moi, j’ai eu beaucoup de
18

M. de RORTHAYS - 2013

chance »(Louise). La confiance donnée par l’entourage des personnes a été sans doute
bénéfique et a permis à certains de se lancer dans une aventure qu’ils n’auraient peut-être pas
eu le courage de faire seul « je n’aurais jamais tenté le coup toute seule, j’avais des gens qui
me faisait confiance, qui croyait en moi, ça a été terriblement bon pour moi, ça m’a beaucoup
aidé ». (Lucie).
En outre, nous avons eu le sentiment que cette prise de décision a été un moment intense
dans la vie de ces individus et que le temps de réflexion a bien souvent été long et fastidieux.
Beaucoup nous ont évoqué le fait d’avoir souhaité plusieurs fois, avant la prise réelle de
décision, changer d’orientation, se lancer. Pour Alex, cette prise de décision a duré près de 20
ans… « Beaucoup de choses de la vie on fait que j’ai gardé pendant très longtemps cette
envie de devenir gemmologue, ce n’était jamais le bon moment. La prise de décision a été
longue, mais je ne regrette pas, je n’aurais peut-être pas été prêt de la même façon » (Alex).
-­‐

La notion de difficulté

Les interlocuteurs ont mis en avant le fait que le cheminement d’une reconversion
professionnelle est souvent difficile et peut parfois même être douloureux. En effet, ce temps
est fait pour se remettre en question et cela n’a pas toujours été bien vécu par nos
interlocuteurs : « pendant ma remise en question, je me suis pris des claques… c’est sûr qu’on
fait quand même tout un travail sur soi, on pointe les choses qui vont et qui ne vont pas et ce
n’est pas toujours évident » (Philippe). La transition est relatée par certain comme longue et
difficile : « il y a une transition qui prend du temps, mais on ne peut pas brûler les étapes et
aller trop vite » (Louise). Cette transition semble tout de même être nécessaire au bon
déroulement des reconversions professionnelles.
Certains évoquent cette transition comme «un grand mal » (Anna). Dans ce sens, Anna
parle également de cette remise en question qui empiète souvent aussi sur la vie personnelle
« tout est lié, le perso, le pro, tout est lié, alors ça peut faire mal ».
Afin de faire le bon choix, Alain nous dit s’être essayé « j’ai fait une analyse objective de
mes idées, j’ai voulu essayer plein de choses pour ne pas idéaliser, ne pas être déçue. Ça m’a
pris du temps, ça n’a pas été si simple que je le pensais, mais j’ai finalement réussi par
déterminer ce que je voulais vraiment » et ce temps semble avoir été une épreuve.
Le point de vue financier a été bien souvent évoqué comme une difficulté. En effet, la
majorité de nos interlocuteurs ont des enfants, et comme le dit Philippe « avec 3 enfants,
c’était pas franchement évident. On a dû changer pas mal nos habitudes, je n’étais pas à
l’aise avec ça au début, mais finalement, j’en tire que du bon et je sais que ma femme aussi ».
Alain de son côté nous dit justement avoir attendu que ses enfants soient autonomes avant de
se lancer, car ils ne souhaitaient pas que la décision de réorientation puisse être une difficulté
pour ses enfants.
4.3.3 L’après-reconversion
Au sein de cette thématique, nous évoquerons les éléments liés à la reconversion a posteriori
en mettant en avant les répercussions de ce choix professionnel sur la vie des individus ainsi
que leurs ressentis par rapport à cette nouvelle vie.
-

Les répercussions sur la vie personnelle et professionnelle
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

19

Pour la majorité des interviewés, la notion de changement est présente à la suite de leur
reconversion. En effet, certains sont passés du statut de salarié au statut d’auto-entrepreneur.
D’autres du statut de cadres au statut d’employé, certains ont vu leur niveau de vie diminuer,
mais bien souvent, ces changements semblent être des bénéfices pour les personnes
concernées : « nos contraintes financières ne sont pas si importantes quand on gagne en
temps et en qualité de vie » (Alain). Ces changements ont dont été visibles dans tous les
discours, mais à des degrés différents et semblent globalement avoir été vécu de façon
positive.
Les répercussions semblent avoir raisonné au niveau de l’épanouissement personnel et de la
satisfaction au travail, et ce, pour l’ensemble de nos interlocuteurs. Certains évoquent une
réconciliation avec eux-mêmes « je me suis retrouvée, je me sens tellement mieux dans ma vie
personnelle aussi. Cette reconversion, ça a été une réconciliation avec moi-même » (Anna).
D’autres parlent de l’intérêt certain et du plaisir qu’ils trouvent dans leur nouvel emploi : « En
changeant de voie, je voulais vraiment réussir à m’épanouir, vivre enfin de ma passion et j’ai
réussi. Ça n’a pas toujours été facile évidemment, mais j’éprouve un réel intérêt pour ce que
je fais et ça n’a pas toujours été le cas dans mon ancienne vie…c’est le moins qu’on puisse
dire…» (Alex). Ces changements apportent également un sentiment de liberté et d’autonomie.
Cela est d’autant plus visible dans la création d’entreprises : «je suis mon propre patron, je
n’ai de compte à rendre à personne et ça… c’est quelque chose d’essentiel aujourd’hui pour
moi, je me sens vraiment bien comme ça » (Philippe). Anna qui est autoentrepreneure évoque
également cette autonomie : « si je n’ai pas envie de faire un truc, je ne le fais pas. Je n’ai
pas besoin d’en faire des tonnes pour des gens qui n’en valent pas la peine, c’est simplement
moi qui décide ».
La notion de reconnaissance a été unanimement citée par nos interviewés. En effet, chacun à
leur façon, ils expriment cette reconnaissance comme une source de satisfaction. Certains ont
été étonnés de voir que leur décision de reconversion pouvait être reconnue : « C’est étrange,
je suis presque devenu un modèle et j’ai vu qu’une telle décision, celle de changer, a une
vraie valeur aux yeux des autres. Il y a une vraie reconnaissance ! » (Philippe). D’autres
évoquent cette reconnaissance comme un moteur : « je sens qu’il y a une certaine admiration
de la part de certaines personnes en se disant ‘elle est quand même gonflée de s’être arrêtée,
d’avoir fait ce qu’elle a fait, de couper la route… et c’est con, mais ça me plaisait…».
-

Le bilan

Au travers d’un regard général sur leur parcours professionnel et leur reconversion, les
personnes rencontrées ont évoqué différents points.
Bien souvent, la reconversion professionnelle est perçue comme un besoin d’affirmation de
soi « j’ai pu me reconstruire, m’affirmer en disant merde au reste et en faisant ce que j’avais
envie de faire » (Alex). Ce besoin semble avoir été assouvi pour la plupart de nos
interlocuteurs « Je sais enfin qui je suis, ce que je vaux… je crois que j’avais besoin de ça, de
le confirmer au travers ma vie professionnelle » (Anna). Notons que la reconversion
professionnelle dans le cas d’Isabelle a été salvatrice « En fait, cette reconversion
professionnelle c’était ma survie. Je pense que si j’avais continué à bosser comme ça,
j’aurais fini par faire une dépression nerveuse, j’en suis persuadée… »
Il nous semble donc important de noter que le bilan que font nos interlocuteurs de leur
reconversion semble tout à fait positif, et ce de façon globale.
20

M. de RORTHAYS - 2013

La question de l’identité a été évoquée à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de parler du
bilan de leur reconversion. En effet, nous avons vu deux cas de figure parmi les interviewés.
D’un côté, certains affirment avoir été en quête d’une identité lors de leur reconversion : « je
voulais vraiment savoir qui j’étais, si j’étais capable d’être actrice de ma vie professionnelle
et de ne pas la subir. Et vraiment, j’ai trouvé ce que je cherchais, de par mon activité
professionnelle, je prends petit à petit conscience de qui je suis et ça fait du bien vous savez »
(Isabelle). D’autres au contraire, parlent de leur reconversion comme une affirmation de leur
identité. Ils sont à un moment de leur vie où ils savent où aller, ce qu’ils veulent faire, ce
qu’ils veulent être : « j’ai foncé parce que je savais pertinemment où je voulais aller et
pourquoi je voulais y aller. Avec les expériences que j’ai vécues, je savais qui j’étais et j’ai
voulu me le confirmer en me réorientant vers un domaine qui me ressemble » (Anna).

5. Interprétation et discussion
Avant de confronter notre hypothèse aux résultats obtenus lors de l’analyse de nos
entretiens. Nous allons dans un premier temps tenter d’interpréter les résultats qui nous
semblent pertinents quant à l’étude de notre hypothèse de recherche.
Ce travail d’interprétation permettra de donner du sens à notre démarche.
5.1.

Interprétation des résultats autour de plusieurs éléments de discussions
5.1.1 Une quête identitaire

Dans un premier temps, nous allons parler de la quête identitaire que nous avons perçue dans
le discours des interviewés et le lien avec leur reconversion professionnelle volontaire. Nous
avons constaté que, pour la plupart, cette reconversion professionnelle a fait l’objet d’une
quête identitaire. En ce sens, nous entendons que ces personnes avaient le désir de se
« trouver » à travers cette nouvelle expérience de vie. Nous avons remarqué que ce désir était
exprimé de différentes façons en fonction des interlocuteurs. Certains évoquent un besoin de
se défier pour comprendre ce qu’ils valent et qui ils sont réellement par exemple. Ce besoin
n’était vraisemblablement pas assouvi dans leur ancien emploi ou du moins ne l’était plus au
moment où la décision de reconversion est prise. Un travail sur eux-mêmes a été réalisé pour
chacun. Une prise de recul, un « break » dans leur carrière, un évènement sont venus selon
nous déclencher cette quête identitaire.
De plus, nous pouvons rapprocher de cette quête identitaire un désir de différenciation. Nous
entendons par différenciation le fait que les interviewés, sans le dire explicitement, semblent
avoir eu le besoin de se distinguer des Autres en effectuant ces reconversions. En effet, afin
de se connaître soi-même, ils ont dû faire un travail sur eux, sur leur désir, leur volonté et cela
nous a conduit à penser que ce travail était une recherche de singularité.
5.1.2 L’affirmation de soi
À présent, nous allons évoquer la question de l’affirmation de soi au travers de ces
reconversions professionnelles et de la question de l’identité. En effet, grâce à l’analyse de
nos entretiens, nous avons constaté que l’affirmation de soi pouvait être un facteur
motivationnel ou bien une conséquence de la reconversion professionnelle. Camilleri (1990)
évoque l’importance pour l’individu de se voir comme cohérent et de faire preuve d’unicité.
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

21

L’affirmation de soi serait une stratégie de constitution et d’expression de son identité face à
l’Autre. Ici, la reconversion professionnelle serait donc un moyen de s’affirmer face aux
Autres en ne se conformant pas à la norme. Nous pouvons également faire un parallèle avec
l’étude des « saisons » de Levinson (1978). En effet, selon lui l’adulte connait une première
saison entre 33 et 36 ans : l’été serait le temps de réaliser ses ambitions de jeunesse. Tandis
que l’automne, situé entre 36 et 40 ans, serait le temps de l’affirmation de soi. Il s’agit alors
pour l’adulte de devenir soi-même, de s’affirmer en tant qu’adulte à part entière. Lorsque l’on
considère l’âge moyen auquel les interviewés ont effectué leur reconversion, nos
interlocuteurs seraient alors dans cette phase d’affirmation de soi. Ils ont alors le besoin d’être
« une bonne personne et une personne appropriée ».
De plus, ce désir d’affirmation de soi peut être perçu comme un mécanisme de défense
lorsque les individus sont soumis à la menace. Dans ce cas, il est difficile pour nous de faire
une généralité, mais nous avons relevé dans les discours de certaines personnes rencontrées le
désir de se protéger d’un environnement néfaste, d’une certaine menace. Certains évoquent
leur burn-out, leur épuisement physique ou psychique lié à leurs conditions de travail trop
intenses par exemple. À ce moment, ces personnes ont eu le besoin de faire le point tant sur
leur situation que sur leurs propres désirs et leur devenir.
Pour finir, nous avons noté que ce désir d’affirmation de soi pouvait également se traduire par
le besoin de revenir aux valeurs initiales. En effet, nous avons pu constater dans leur discours
une envie de « retour aux sources ». Cela peut alors être en lien avec un souhait de préserver
son intégrité et ses principes. Dans leur ancien emploi, ces valeurs avaient tendance à
disparaître, que ce soit dû à la taille de la structure, aux modifications organisationnelles ou
bien à des exigences personnelles.
Tous les éléments que nous avons mis en lumière au travers de cette discussion nous
permettent d’entrevoir une réponse à notre problématique de recherche et à notre hypothèse.

5.2.

Réponse à notre problématique et à notre hypothèse de recherche

Nous avions choisi de nous intéresser à la question de l’identité, car elle joue un rôle majeur
au cours de la reconversion professionnelle des individus. De ce fait, nous avons été amenée
à penser que l’identité personnelle est déterminée notamment par le parcours professionnel et
les choix que peuvent faire les individus concernant leur parcours.
L’hypothèse que nous avons émise précédemment tend à considérer que les personnes
ayant effectué une reconversion professionnelle volontaire font face à un remaniement
identitaire ou plus exactement une conversion identitaire.
Lors de cette interprétation, nous avons mis en avant le lien entre la quête d’identité,
l’affirmation de soi, l’identité et les reconversions professionnelles volontaires. Certains
interviewés ont évoqué spontanément ces notions lors des entretiens. Pour d’autres, nous les
avons sous-entendus dans leur discours. Cette analyse nous a permis de voir que lors de leur
reconversion professionnelle, ces hommes et ces femmes ont, de façon consciente ou
inconsciente, connu une conversion identitaire, un remaniement de leur identité qui s’est
accompagné d’un désir d’affirmation de soi.
Ce concept de conversion évoque la transformation identitaire qui s’effectue entre l’individu
avant sa reconversion et après sa reconversion. En effet, selon DUBAR, la conversion
identitaire entraine le changement de la définition de soi. En effet, par le biais d’Autrui mais
22

M. de RORTHAYS - 2013

aussi par eux-mêmes les personnes ayant effectué ce type de reconversion ont fait l’objet
d’une redéfinition. Comme nous avons vu précédemment, l’identité est définie par le monde
extérieur et le regard qu’ils posent sur nous, mais aussi par le regard que nous avons de nousmêmes, l’image de soi. Nous savons que la sphère professionnelle participe grandement à
cette définition de soi. Néanmoins, en décidant de changer d’orientation, ces personnes
prennent conscience qu’elles ne sont pas seulement associées à un emploi, un statut, mais
qu’elles existent aussi dans la sphère privée, par ce qu’elles sont, et ce qu’elles dégagent.
Ce phénomène de prise de conscience de soi nous a semblé très révélateur lors des discours.
En effet, au regard de nos résultats et de notre interprétation, nous pouvons donc valider notre
hypothèse. Les hommes et les femmes qui font un choix délibéré de reconversion
professionnelle sont bel et bien confrontés à des remises en question de leur identité
personnelle et font alors face à un remaniement identitaire.

5.3.

Confrontation des résultats avec d’autres apports théoriques

Afin de clôturer cette discussion, nous avons souhaité établir un lien entre nos résultats
d’analyse et certaines théories.
En effet, en étudiant l’impact de la reconversion professionnelle volontaire sur l’identité, nous
avons cherché à connaître les différents changements qui pouvaient se manifester à ce niveaulà. Le désir d’affirmation de soi nous et la stratégie identitaire de différenciation nous sont
apparues comme se déclarant unanimement lors de ces réorientations professionnelles. Nous
avons alors souhaité mettre en avant le concept de l’identisation mis en avant par TAP.
Selon l’auteur, l’identisation fait référence au besoin qu’ont les individus de se singulariser.
Elle renvoie plus précisément aux rapports à soi, à la connaissance de soi. En effet, au travers
de leur reconversion professionnelle volontaire, les individus sont amenés à prendre
conscience de soi, à se connaître plus en profondeur afin de comprendre leur désir de
changement et l’assouvir de la meilleure façon qu’il soit.
L’identisation c’est aussi la continuité de l’image de soi dans le changement. Ici, nous
rapprochons ce changement de la reconversion professionnelle. En effet, l’individu doit faire
face à l’actualisation continue d’identifications multiples et cela à une conséquence sur
l’image de soi. L’identisation, selon TAP, peut être perçue comme le développement
progressif d’un soi-même, d’une singularité. Le phénomène de reconversion pourrait alors
marquer le début de ce cheminement vers cette singularité.
Pour résumer, l’identisation serait le processus par lequel l’individu prend distance par
rapport à l’autre et se saisit comme distinct de lui.
Notons également que ce processus d’identisation est plus présent lorsque l’identité semble
compromise. Cela veut donc dire que pendant ce remaniement identitaire auquel font face les
individus à un moment donné dans leur reconversion professionnelle, les individus auraient
tendance à mettre d’autant plus en avant cette stratégie de différenciation.
Cette théorie semble alors venir confirmer à son tour l’interprétation que nous avons faite de
nos résultats.
Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire

23

CONCLUSION
Au travers cette recherche, nous avons souhaité interroger la question des reconversions
professionnelles. Dans une première partie, nous avons vu que les mobilités professionnelles
étaient de plus en plus fréquentes du fait du contexte de notre société. De ce fait, les
reconversions professionnelles sont mises en avant et sont bien souvent perçues comme une
réponse à un marché du travail en souffrance. De notre côté, nous avons voulu mettre en avant
que les reconversions professionnelles émanent d’un désir de l’individu à changer, évoluer, se
transformer, afin de mettre la lumière sur le versant positif de ce phénomène. C’est ainsi que
nous nous sommes attaché à explorer les corrélations existantes entre ces réorientations
professionnelles et la question de l’identité personnelle. En effet, une telle décision implique
de nombreux changements dans la vie de l’individu, qu’ils soient organisationnels, physiques
ou matériels. Les informations que nous avons recueillies auprès de personnes ayant
volontairement changé d’orientation professionnelle nous ont permis de mieux saisir
l’importance et l’impact de cette décision sur leur identité personnelle. En effet, au moment
de la reconversion, ils sont soumis à une réelle remise en question concernant leur identité
afin de se diriger au mieux vers un épanouissement personnel et une satisfaction attendue.
Cette recherche nous a permis de mieux appréhender le sujet des reconversions
professionnelles auquel nous portons un réel intérêt. En effet, nous souhaiterions à long terme
nous diriger vers l’accompagnement de carrière et il nous semble important de pouvoir saisir
le processus par lequel peuvent passer les individus choisissant ce type d’orientation.
Concernant une piste de réflexion supplémentaire, il serait également intéressant
d’appréhender la question de l’identité au travers, non pas des reconversions professionnelles
volontaires, mais des reconversions professionnelles subies.

Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation
de mon article scientifique. Je pense tout particulièrement à mon directeur de mémoire, JeanPierre Boutinet pour ses précieux conseils et à Alain, Alex, Anna, Lucie, Brigitte, Philippe,
Louise et Isabelle pour avoir accepté de me rencontrer et de s’être livré avec sincérité et
enthousiasme. Et enfin, je tiens à remercier Dorothée, ma collègue de travail qui a su
m’encourager pendant mes moments de doutes.

Bibliographie
Baudelot, C., Gollac, M. (2009). Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en
France. Paris : Fayard.
Boutinet, J.P. (1995). Psychologie de la vie adulte. Paris : PUF
Boutinet, J.P. L’espace contradictoire des conduites à projet : entre le projet d’orientation du
jeune et le parcours atypique de l’adulte, l’orientation scolaire et professionnelle [En
ligne], 36/1 | 2007, mis en ligne le 05 mars 2010, Consulté le 21 mai 2013. URL :
http://osp.revues.org/index1259.html
24

M. de RORTHAYS - 2013

Danvers, F. (2006). Modèles, concepts et pratiques en orientation des adultes. Paris : Presses
Universitaires du Septentrion
Deci & Ryan (1991). D’après Gelpe, D. (2003). Adaptation au changement et développement
professionnel : quels sont les freins et les ressorts psychologiques ? In Lévy-Leboyer, C.
Dubar, C. (1992). Formes identitaires et socialisation professionnelle. Revue française de
sociologie, 33(33-4), 505-529
Dubar, C. (2007). La crise des identités ? L’interprétation d’une mutation. Paris : PUF
Duhautois, R., Petit, H. & Remillon, D. (2012). La mobilité professionnelle. Paris : Éditions
La Découverte
Fouquereau, E., Rioux, L. (2004). « Transitions de carrière : étude psychosociologique de la
satisfaction professionnelle post reconversion ». Dans A. Lancry et C. Lemoine (dir.), La
personne et ses rapports au travail. Paris : L’Harmattan. 43-50.
Levinson, D. et al. (1978). The seasons of a man’s life. New-York, Random House, 363p.
Lhérété, H. (2008). Changer de vie, le syndrome de la chambre d'hôte. Sciences humaines,
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Marc, E. (2005). Psychologie de l’identité : soi et le groupe. Paris : Dunod.
Mucchielli, A. (2001). La psychologie sociale. Paris : Hachette Livre
Mucchilli, A., Paillé,P. (2003). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris :
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Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion
de soi », Carriérologie, vol. 10, n° 2, p. 331-348.
Négroni, C. (2007). Reconversion professionnelle volontaire, changer d’emploi, changer de
vie, un regard sociologique sur les bifurcations. Paris : Armand Colin
Noguès-Ledru, M.P. et Claret-Tournier, A. (2006). Changer de métier, se reconvertir : mode
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Quivy, R., Van Campenhoudt, L. (1988). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris :
Dunod
Tap, P. et Espabes-Pistre, S. (2008). Identité, projet et adaptation à l’âge adulte
En ligne : http://www.pierretap.com/pdfs/198.pdf

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MargueriteDeRorthrayIdentiteReconversion

  • 1. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 2013, pages 1 à 25 Impact de la reconversion professionnelle volontaire du salarié sur son identité personnelle Marguerite de Rorthays IPSA Université Catholique de l’Ouest 3 place André Leroy B.P. 10808 49008 Angers Cedex 01 Courriel : marguerite.de-rorthays@uco.fr RÉSUMÉ. De nos jours, les individus doivent faire face à des parcours professionnels caractérisés par une certaine discontinuité. En effet, le contexte économique et les mutations sociales ont impacté les trajectoires des individus et les amènent de plus en plus à se reconvertir. Ces réorientations, qui sont bien souvent entrevues comme subies, peuvent néanmoins être choisies et ce sont ces dernières que nous avons étudiées lors de notre recherche. Nous avons alors cherché au travers de cette étude à comprendre l’impact d’une reconversion professionnelle sur l’identité personnelle d’un individu. Une étude qualitative réalisée grâce à la passation de 8 entretiens nous a permis de mettre en évidence les différents facteurs qui les ont poussés à se reconvertir et le lien avec leur identité personnelle. ABSTRACT. Nowadays, people are facing discontinuities in their professional career. Indeed, the economic situation and social mutations have impacted individual plans and forced workers to retrain and transform their careers. The shifts are often experienced as a suffering, but they also can be chosen. During our research, we focused on the latters. Our study deals with the impact of these reorientations on people’s identity. A qualitive analysis of 8 interviews allows us to highlight different factors that could affect their choice, including a direct link to their personal identity. MOTS-CLÉS : reconversion professionnelle, identité personnelle, conversion de soi, affirmation de soi, parcours aléatoire KEYWORDS: occupational retraining, personal identity, identity conversion, self-affirmation, random career Article professionnel présenté en vue de l’obtention du Master de Psychologie sociale et du travail MARGUERITE DE RORTHAYS Sous la direction de Jeanpierre.boutinet@uco.fr JEAN-PIERRE BOUTINET Session de septembre 2013
  • 2. 2 M. de RORTHAYS - 2013 Sommaire Sommaire.............................................................................................................................................2   INTRODUCTION ...............................................................................................................................2   1.   Le phénomène de reconversion professionnelle ..........................................................................4   1.1.   La reconversion professionnelle et ses différentes approches .............................................4   1.2.   Le développement des pratiques d’accompagnement liées à l’orientation des adultes .......5   1.3.   La reconversion professionnelle en chiffres ........................................................................6   2.   Contexte théorique .......................................................................................................................7   2.1.   La notion d’identité ..............................................................................................................7   2.2.   Identité et reconversion professionnelle ..............................................................................9   3.   Méthodologie ...............................................................................................................................9   3.1.   Émergence de la problématique et de l’hypothèse .............................................................10   3.2.   Le choix de la méthodologie qualitative ............................................................................10   3.3.   Population visée et échantillon rencontré ..........................................................................11   4.   Restitution et analyse des résultats ............................................................................................13   4.1.   Le choix de la méthode d’analyse ......................................................................................13   4.2.   L’analyse des données .......................................................................................................14   5.   Interprétation et discussion ........................................................................................................20   5.1.   Interprétation des résultats autour de plusieurs éléments de discussions ...........................20   5.2.   Réponse à notre problématique et à notre hypothèse de recherche ...................................21   5.3.   Confrontation des résultats avec d’autres apports théoriques ............................................22   CONCLUSION .................................................................................................................................23   Remerciements ..................................................................................................................................23   Bibliographie .....................................................................................................................................23   INTRODUCTION
  • 3. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 3 Les bouleversements technologiques et organisationnels du travail postmoderne ont entrainé des changements fréquents et importants pour les travailleurs. L’image du travail « sécuritaire » que les travailleurs des 30 Glorieuses ont pu avoir a disparu peu à peu dans le contexte de crise économique et de restructuration du marché de l’emploi. En effet, les travailleurs sont soumis professionnellement à de perpétuels changements, des réajustements desquels émanent des périodes de transitions et de ruptures. Force est de constater que cela influence la vie psychologique et sociale de l’individu. La trajectoire étude-travail-carrièreretraite qui pouvait exister auparavant laisse place à des parcours professionnels plus mouvementés, moins linéaires. Le monde social n’est plus une logique de l’emploi à vie et l’homme doit donc s’adapter (C.Négroni, 2007). Le contexte pousse l’individu à être mobile, mais aussi à chercher de nouvelles valeurs dans leur travail. En effet, cette réalité du monde du travail donne une perspective nouvelle à l’adulte : il doit être autonome, assumer son pouvoir de liberté dans la gestion de son parcours professionnel, etc. Ce nouveau rapport au travail n’est plus seulement lié au besoin matériel ou économique, mais s’étend vers la notion de plaisir, d’épanouissement et de réalisation de soi. Le travail devient un moyen de construction de soi et de définition de sa propre identité. Cela se ressent dans la façon dont les individus effectuent leurs trajectoires professionnelles. Le bien-être au travail ou encore le « travail-passion » et la vocation deviennent des valeurs de plus en plus prégnantes aujourd’hui. Les trajectoires professionnelles linéaires deviennent discontinues, se construisant par des ruptures et des recompositions de trajectoires. Les individus souhaitent désormais se construire eux-mêmes, construire leur biographie. Les reconversions professionnelles émaneraient donc d’un changement de rapport au travail, où l’individu devient tout à fait autonome par rapport au monde du travail en décidant de son propre parcours professionnel pour s’épanouir personnellement et professionnellement. Ce qui était le fruit de déterminations sociales devient l’objet de choix et d’élaborations personnelles (C.Négroni, 2007). Aujourd’hui, nous savons qu’il existe un grand nombre de raisons qui poussent les individus à envisager une reconversion professionnelle, notamment des évènements de la vie professionnelle comme un licenciement ou encore la disparition de certains métiers ou de la vie personnelle comme des divorces, des déménagements, des deuils, etc. Parmi ces reconversions, il est important de distinguer celles qui sont contraintes et celles qui sont choisies. L’objet de notre étude porte ici sur les reconversions professionnelles volontaires. Ces dernières peuvent être un moyen pour l’individu de repenser sa biographie afin de combler certaines attentes. Les reconversions tendent à s’inscrire dans cette mouvance de nouveau rapport au travail. En effet, dans cette étude, nous souhaitons comprendre l’impact des reconversions professionnelles volontaires sur l’identité personnelle des salariés concernés. Ainsi, nous allons dans un premier temps dresser un état des lieux de la reconversion professionnelle et de la place qu’elle tient au sein de notre société afin de mieux appréhender le contexte social. Dans un second temps, nous ferons un parallèle avec le concept d’identité et plus spécifiquement l’identité personnelle afin de comprendre les enjeux de ce dernier lors d’une reconversion professionnelle volontaire. Nous essaierons alors de nous interroger quant à une problématique et à une méthodologie de recherche. Par la suite, nous proposerons une analyse thématique réalisée à partir des entretiens que nous aurons menés. Pour finir, nous établirons une discussion concernant les résultats obtenus lors de nos échanges, au regard de notre problématique et de notre hypothèse générale.
  • 4. 4 M. de RORTHAYS - 2013 1. Le phénomène de reconversion professionnelle Cette première partie va nous permettre de définir la notion de reconversion professionnelle, de parler des origines de ce phénomène ainsi que d’en faire un bref état des lieux. 1.1. La reconversion professionnelle et ses différentes approches 1.1.1 Définition et facteurs d’une reconversion professionnelle La reconversion professionnelle peut se définir comme le passage d’un emploi à un autre, entrainant une rupture avec le métier de provenance et l’entrée dans un nouveau métier (Le Boterf, 2002). Dans un premier temps, nous avons relevé plusieurs facteurs qui sont susceptibles d’entrainer une reconversion professionnelle. D’une part, les individus doivent faire face aujourd’hui à un marché de l’emploi qui est fragilisé. Les contrats à temps plein et les CDI sont de plus en plus rares et de nombreux salariés sont confrontés à des licenciements économiques. Cela les amène donc à repenser leur trajectoire professionnelle, ce changement est donc bien souvent subi. D’autre part, nous pouvons constater que le manque de reconnaissance au travail peut être un élément favorisant les reconversions. Ce sentiment est exprimé par l’individu à la suite d’une action qui constitue un effort pour lui. Certains individus ont besoin d’avoir un retour sur cette action et lorsqu’il existe un sentiment d’iniquité entre le travail fourni et les rétributions de l’employeur, l’individu peut ressentir un manque et peut alors espérer une meilleure situation dans un autre domaine ou métier. Ensuite, lorsqu’un individu ne se sent plus motivé à exercer les activités demandées dans son travail, il peut envisager une reconversion afin de retrouver ce sentiment qui est nécessaire au bien-être dans le travail et donc dans la vie personnelle. Le burn-out semble être également un facteur de reconversion. Cet état est lié au stress professionnel auquel les individus n’arrivent pas à faire face. Peu à peu, l’individu se désinvestit et ne réussit plus à s’accomplir personnellement dans son activité professionnelle. En envisageant une reconversion professionnelle, les individus peuvent retrouver un bon équilibre dans leur travail en diversifiant les tâches, en changeant d’environnement de travail afin de réduire ce stress. Enfin, le dernier élément que nous citerons est la crise existentielle ou le besoin d’évoluer. En effet, certains individus à un moment de leur vie ont besoin de changement. Ce besoin passe alors par une reconversion professionnelle qui peut être adoptée dans le but de s’affirmer personnellement et professionnellement. Ces différents déterminants de la reconversion professionnelle nous montrent que ce phénomène peut être volontaire ou subit. 1.1.2 La reconversion professionnelle volontaire Comme nous l’avons mentionné précédemment, notre étude portera sur les reconversions professionnelles volontaires. Nous allons donc tenter de définir de façon plus précise cette notion.
  • 5. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 5 La reconversion professionnelle volontaire peut être identifiée lorsqu’un individu change d’activité professionnelle, de secteur ou encore de profession, et ce, de manière choisie ou volontaire. Cette reconversion peut être déterminée selon trois critères (C.Négroni, 2007). Le premier atteste que l’individu doit être en rupture avec son emploi précédent, il est donc à la recherche d’un nouvel emploi, ou désire changer totalement d’activité. Le second critère concerne l’ancienneté. En effet, les reconversions professionnelles volontaires sont engagées au minimum 4 ans après l’arrivée dans un emploi. Pour finir, le dernier critère concerne la dimension volontaire de la réorientation professionnelle. L’individu doit avoir choisi cette situation soit de manière spontanée, soit par anticipation d’un licenciement économique. Selon C.Négroni, les individus qui effectuent une reconversion professionnelle volontaire passent par différentes phases et notamment une mise en question de soi. La prise de décision entraine un vrai bouleversement biographique chez ces individus. En effet, « les évènements qui surviennent dans la sphère professionnelle peuvent faire sens dans la sphère privée et inversement »1. Une reconversion volontaire peut donc se rapprocher de la notion de « bifurcation biographique » dans le sens où elle ne touche pas uniquement l’univers professionnel de l’individu, mais également sa sphère personnelle. Ce type de processus entraine des changements dans la biographie, dans la vie de la personne en reconversion. Bien souvent la décision de se réorienter professionnellement résulte de la combinaison de multiples facteurs qui, à un moment donné, parviennent à déclencher la mise en œuvre de la démarche. Les individus choisissent des stratégies en mesurant les avantages et les contraintes qu’elles induisent. En ce sens, le choix s’effectuera uniquement si les rétributions attendues sont supérieures aux contributions. En effet, les individus qui s’engagent dans une reconversion professionnelle ont bien souvent conscience des difficultés auxquelles ils pourront faire face comme la baisse de ressources financières, la reprise des études, etc. Mais ces concessions sont faites dans le but d’obtenir, avec le temps, des avantages qu’ils évaluent eux-mêmes comme plus important que ces pertes. Nous pouvons donner comme exemple l’épanouissement personnel, le bien-être ou encore un certain confort de vie. Lorsque les personnes font le choix de se reconvertir professionnellement, c’est donc dans le but d’y trouver quelque chose de positif pour leur avenir professionnel et personnel. Les personnes qui effectuent des reconversions professionnelles, de façon volontaire ou non, peuvent bénéficier d’aides afin de faciliter leur mobilité. Nous allons donc dresser un bref historique de la mise en place de ces aides au cours des dernières années. 1.2. Le développement des pratiques d’accompagnement liées à l’orientation des adultes La notion de reconversion professionnelle est un héritage des mutations du secteur industriel. En effet, dans les années 65-70, la délocalisation de certains secteurs industriels a entrainé des reconversions massives. L’essor du secteur tertiaire a engendré une diminution des besoins dans les secteurs miniers, la sidérurgie ou encore l’industrie textile. L’État a donc été amené dans les années qui ont suivi à mettre en place des politiques de reconversion professionnelle. C’est en 1984 que le « congé de conversion » est adopté en France afin de faire face aux mutations économiques. Les salariés ont la possibilité de se reclasser à la suite d’un licenciement et la transition entre deux emplois est alors facilitée (Négroni, 2007). Quelques 1 Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion de soi », Carriérologie, vol. 10, n° 2, p. 331-348
  • 6. 6 M. de RORTHAYS - 2013 années plus tard, les départs en formation pourront être à l’initiative de l’employeur par le biais des actions de formation, mais aussi par celle de l’employé grâce à la mise en place du Congé Individuel de Formation (CIF). Les salariés peuvent alors choisir plus aisément l’issu ou la suite qu’ils souhaitent donner à leur carrière. Selon un rapport élaboré par le FONGECIF (2008), 70% des personnes désirant effectuer un CIF et étant en contrat à durée indéterminée le font dans une démarche de reconversion professionnelle. Peu à peu, les politiques en faveur de la formation pour adultes se sont développées grâce à la mise en place de nouveaux dispositifs dans le but d’inciter l’actualisation des compétences et afin de faire face à un environnement professionnel en perpétuelle mutation. La validation d’acquis professionnels (VAP), qui permet depuis 1992 d’accéder à certaines formations professionnelles par le biais des expériences professionnelles en est un exemple. Nous pouvons également citer la validation d’acquis d’expérience (VAE), un dispositif de 2003 qui permet l’accès à tout ou partie d’un diplôme professionnel, en considérant les expériences vécues au préalable qu’elles soient professionnelles ou extra-professionnelles. Bien que certains critères soient obligatoires pour accéder à ces « aides », elles restent un atout majeur pour les personnes en désir de reconversion professionnelle ou de réorientation, car elles permettent de faire le point sur ses propres compétences professionnelles et personnelles. Elles s’apparentent d’ailleurs au bilan de compétences, mis en place dans les années 1990 et qui, selon le Code du travail, permet « d’analyser ses compétences professionnelles et personnelles, ses aptitudes et ses motivations, afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant un projet de formation ». La formation et l’orientation pour adultes a donc su s’imposer peu à peu comme un enjeu majeur au niveau économique et social, ce qui a permis la mise en place d’un certain nombre de dispositifs pour sécuriser les parcours professionnels des individus et leur permettre une plus grande mobilité et une plus grande liberté dans leur choix de « carrières ». De nos jours, les individus sont plus à même d’orienter leur trajectoire professionnelle en fonction des évènements (licenciements, divorce, naissance, déménagements...) et de leur désir personnel, et peuvent obtenir un certain nombre d’aides tout au long de leur cheminement. 1.3. La reconversion professionnelle en chiffres Comme nous l’avons vu précédemment, les reconversions professionnelles ou le passage d’un métier à un autre ne sont plus un évènement rare pour les personnes en emploi dans notre société. Une étude de l’INSEE2 datant de 2003 montre qu’environ 30% des personnes en emploi en 1998 ont été amenées à changer de métier en 2003. Si le changement de métier est plus fréquent pour les hommes et les jeunes qui ont entre 20 et 29 ans, le niveau d’étude n’entrerait pas en jeu dans ces changements. D’après un sondage effectué par l’AFPA3 en octobre 2012, sur 1000 personnes interrogées, représentatif des actifs, 56% des actifs ont changé d’activité professionnelle au cours de leur carrière et pour 55% d’entre eux, cette reconversion était volontaire. Depuis leurs reconversions volontaires, 64% des individus concernés se sentent plus épanoui personnellement, 56% ont vu leurs conditions de travail s’améliorer, et 49% déclarent avoir un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. 2 Etude de la DARES (2009) : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2009.01-05.3-2.pdf 3 Etude IPSOS (2012): http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/rapport_ipsos_afpa_octobre_2012.pdf
  • 7. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 7 Au final, lorsqu’ils font le bilan de leur dernière reconversion, l’étude montre que 71% de ceux qui ont déjà changé d’orientation professionnelle au cours de leur vie jugent qu’il s’est agi d’un nouveau départ dans leur vie, au-delà des aspects professionnels. Cette étude permet de voir l’importance d’une réorientation professionnelle sur la vie de l’individu et au-delà, sur son identité personnelle. Bien que les reconversions professionnelles puissent apparaître comme un moyen de défense à une société incertaine, notamment sur le marché de l’emploi, nous pouvons constater de par cette étude que ces réorientations ne sont pas toujours « subies ». De plus en plus, le changement de métier est exprimé comme étant un choix de carrière volontaire, qui aurait une certaine logique dans l’orientation que les individus veulent donner à leur trajectoire professionnelle. Ils deviennent les vrais acteurs de leur parcours afin de s’épanouir tant professionnellement que personnellement. Et c’est plus exactement à ce type de population que nous nous intéressons pour ce travail. La problématique de l’identité apparait au cœur des mutations psychosociologiques et culturelles que rencontre notre société depuis quelques décennies. C’est pourquoi nous avons souhaité étudier ce concept au travers des reconversions professionnelles volontaires. 2. Contexte théorique Dans cette seconde partie, nous allons présenter les principales théories qui nous ont intéressées pour approfondir notre sujet de recherche. En premier lieu, nous présenterons la notion d’identité au sens large avant d’exposer quelques recherches sur l’identité et les reconversions professionnelles volontaires. 2.1. La notion d’identité La notion d’identité est une notion relativement large et floue du fait de l’expansion de son utilisation. En effet, cette notion est reprise dans un grand nombre de domaines comme la politique, la psychologie, la philosophie, l’anthropologie ou encore la sociologie. Il est donc devenu difficile de donner un véritable sens à cette notion d’ « identité ». Selon le dictionnaire Larousse, l’identité est « le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité » ou encore « le rapport que présente entre deux ou plusieurs êtres ou choses qui ont une similitude parfaite ». Ces définitions nous permettent de voir que l’identité est une notion paradoxale. D’une part, elle est représentée par l’unicité, la singularité de chaque individu qui le distingue de l’Autre, et d’autre part, elle évoque la « similitude » entre les hommes. L’identité serait donc un processus de construction qui s’élabore pour l’individu dans la gestion des dissonances entre l’identité attribuée par les acteurs extérieurs et l’identité visée et assimilée par l’individu. Par conséquent, cela nous amène à dire que l’identité désigne une certaine dualité, elle est à la fois individuelle et collective, mais aussi personnelle et sociale. L’identité sociale concerne le sentiment de similitude à autrui alors que l’identité personnelle concerne un sentiment de différence par ces mêmes autrui. L’individu se retrouve alors entre ces « deux pôles » entre lesquels les conduites des individus oscillent sans cesse4. 4 Deschamps, J.-C. ; Moliner, P. (2008). L’identité en psychologie sociale : des processus identitaires aux représentations sociales. 2e édition. Paris : Armand Colin.
  • 8. 8 M. de RORTHAYS - 2013 Les travaux du psychanalyste Erikson ont eu un rôle important dans le développement de la notion d’identité. En effet, il définit l’identité comme un processus dynamique qui n’est pas figé et qui se construit tout au long de la vie de l’individu : « la construction identitaire est un processus dynamique marqué par des ruptures et des crises, inachevé et toujours repris »5. L’identité est donc un processus évolutif, il se construit depuis l’enfance et se poursuit tout au long de la vie. Les chercheurs parlent de processus dynamique, car il est le résultat d’interaction avec de multiples institutions telles que le cercle familial, l’école, le travail, etc. Les situations de la vie auquel l’individu peut faire face ont donc un impact sur l’identité de l’individu. Un évènement comme une reconversion professionnelle pourrait donc influer sur la construction identitaire de l’individu. Mead, un des précurseurs des études de l’identité en psychologie sociale développe la thèse selon laquelle le soi est principalement une structure sociale qui naît des interactions quotidiennes « il se développe chez un individu donné comme résultat des relations que ce dernier soutient avec la totalité des processus sociaux et avec les individus qui y sont engagés ». L’individu intériorise le point de vue des autres et cela impacte son identité personnelle. On peut donc en déduire que la « conscience de soi » de l’individu s’établit par les interactions sociales. De plus, selon lui, l’identité personnelle est le produit de la socialisation. En effet, cette dernière permet la constitution du « Soi » par l’intermédiaire des institutions qui nous entourent et de nos modèles. Le travail identitaire est un travail qui s’effectue tout au long de la trajectoire individuelle, tout au long de la vie. Il dépend des évènements vécus par l’individu, mais aussi du contexte social dans lequel il évolue. D’un point de vue psychosociologique, l’identité peut se définir comme « un ensemble de critères de définition d’un sujet et un sentiment interne 6». L’identité est la conscience qu’une personne a de soi-même et de ce qui la différencie des autres. Bien que certains traits constituants l’identité d’un individu soient héréditaires ou innés, il est certain que le milieu dans lequel l’individu évolue conditionne en partie son identité. Toutes ces théories sur l’identité nous montrent bien l’ambivalence de ce concept dans lequel s’entremêlent l’identité personnelle et l’identité sociale. En effet, Dubar (2002), distingue alors deux identités : l’ « identité pour autrui » et l’ « identité pour soi ». L’identité pour autrui est une construction de l’image que l’individu veut renvoyer aux autres, elle se construit donc par rapport aux autres, par cette interaction avec Autrui, et par l’image qu’Autrui renvoie. L’identité pour soi renvoie à l’image que l’individu se construit lui-même. Aujourd’hui, l’individu « post-moderne » serait caractérisé par une quête incessante de soi, de son identité, dans laquelle l’affirmation devient à la fois un objectif exaltant et une épreuve difficile (E.Marc, 2005). En effet, la question de l’identité s’impose dans les moments de remise en question, de déni, de rupture ou de transitions. Nous pouvons alors supposer que les reconversions professionnelles sont donc des périodes durant lesquelles l’identité fait l’objet de multiples interrogations et remises en question. 5 Erikson, E. (1972) Adolescence et crise : la quête de l’identité. Paris : Calmann Lévy 6 Mucchielli, A. (2001). La psychologie sociale. Paris : Hachette Livre
  • 9. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 2.2. 9 Identité et reconversion professionnelle Dans notre étude, nous avons souhaité aborder la question de l’identité suite à une reconversion professionnelle. En effet, le moment de la reconversion semble être un processus fait de crises et de transitions, qui nécessitent un retour sur soi, sur ce qu’on est, sur son identité. Au moment de la reconversion professionnelle, la sphère privée et la sphère publique s’entremêlent, l’intérêt pour son travail, l’ambiance ou encore les perspectives de carrières interfèrent avec la vie privée. Inversement, la naissance d’enfant, les deuils, les divorces sont des éléments qui vont avoir des conséquences sur l’espace professionnel7. Nous pouvons donc en conclure que la rupture de l’individu avec sa sphère professionnelle le pousse à repenser également sa sphère privée et donc que ce processus de réorientation professionnelle impacte de façon directe ou indirecte l’identité personnelle. En outre, d’après nos lectures nous avons constaté que les personnes en situation de reconversion professionnelle font face à une « transformation de soi ». En d’autres termes, elles perdent peu à peu leur identité professionnelle et personnelle en avançant dans ce désir de se réorienter, afin de se construire une nouvelle identité. Bien que long et douloureux pour certains, ce processus est essentiel, car il permet d’arriver à se connaître soi et à trouver ce que l’on souhaite être ou devenir. L’individu perd peu à peu son identité professionnelle ou personnelle en désirant se réorienter afin de se construire une nouvelle identité. C. Négroni qualifie ce phénomène la « conversion de soi »8. Selon DANVERS, la conversion de soi est « un processus de réflexion et de maturation au cours duquel l’individu devient acteur de sa biographie, repense sa trajectoire et réalise sa vocation ». Cela nous montre bien, encore une fois, qu’une reconversion professionnelle pour un individu ne se limite pas à la construction d’un nouveau projet professionnel. L’individu doit pouvoir appréhender ce projet comme un « projet de soi » dans lequel son identité va être remise en question, sans doute chamboulée ou transformée. Dans notre étude, ce qui nous intéresse est justement de comprendre l’impact de la reconversion professionnelle choisie sur l’identité de l’individu concerné, nous souhaitons illustrer cette conversion de soi au travers des témoignages que nous allons recueillir. 3. Méthodologie Cette étude faite au travers de nos lectures nous aide à faire le point sur les connaissances concernant notre problématique de départ. Ce travail de fond doit être, à présent, confronté à la réalité. Ce chapitre nous permet ainsi de faire part de notre problématique, issue à la fois de nos lectures et de nos entretiens exploratoires ainsi que de l’hypothèse servant de fil conducteur à notre recherche. Nous mettons également en avant notre choix méthodologique quant au recueil et l’analyse des données. 7 Négroni, C. (2007). Reconversion professionnelle volontaire, changer d’emploi, changer de vie, un regard sociologique sur les bifurcations. Paris : Armand Colin 8 Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion de soi », Carriérologie, vol. 10, n° 2, p. 331-348.
  • 10. 10 3.1. M. de RORTHAYS - 2013 Émergence de la problématique et de l’hypothèse 3.1.1 Problématique Nos différentes lectures nous ont permis de constater que l’identité de l’individu se construit tout au long de la vie par le biais notamment de la socialisation, mais aussi de ses relations avec autrui et de ses propres expériences de vie. Nous avons vu que le statut d’un individu permet d’entrée de jeu de le situer et de le classer dans la société afin de lui assigner une position. Et c’est ce statut, cette identité que l’individu transforme ou modifie (de façon consciente ou inconsciente) en choisissant de se reconvertir professionnellement. Au cours de sa reconversion, l’individu doit alors effectuer un travail sur lui-même, sur ce qu’il est, ce qu’il désire et sur ce qu’il vaut. Ce travail nous apparait alors comme un « bilan identitaire personnelle » pour chacun des individus concernés. De plus, nous avons également pu constater que les trajectoires professionnelles des individus sont de moins en moins linéaires. En effet, la carrière professionnelle devient « plurielle ». Les salariés sont amenés, de plus en plus, à changer plusieurs fois d’entreprise, de secteur d’activité, voire de métiers au cours de leur trajectoire professionnelle. Nous avons donc fait le rapprochement entre ce nouveau mode de « parcours aléatoire » qui n’est pas toujours subit, mais qui peut aussi être choisi, et la question de l’identité personnelle. Ainsi, au regard de ce mode de parcours aléatoire, nous pouvons nous demander : à quel sentiment identitaire sont confrontés les individus lorsqu’ils font l’expérience d’une reconversion professionnelle volontaire ? La réponse à cette question pourrait permettre d’envisager la reconversion professionnelle volontaire sous l’angle de la question identitaire afin de trouver les solutions adaptées en termes d’accompagnement et de gestion de carrières. 3.1.2 Notre hypothèse Afin de répondre à notre problématique de recherche, nous allons maintenant poser différentes hypothèses que nous tenterons par la suite de vérifier à l’aide des résultats du recueil de données. Lors de nos recherches, nous avons mis en avant les différents facteurs de reconversion professionnelle volontaire, mais aussi l’importance de la question de l’identité dans le processus de reconversion. Nous souhaitons donc aborder la reconversion professionnelle sous l’angle de cette approche. Ainsi, nous avons émis l’hypothèse suivante : au cours de leur reconversion professionnelle volontaire, les salariés doivent faire face à une conversion identitaire. Afin de répondre à notre problématique et à notre hypothèse, nous allons confronter ces dernières au terrain, en effectuant une étude auprès des personnes directement impliquées dans notre recherche et acceptant de s’entretenir avec nous. 3.2. Le choix de la méthodologie qualitative Tout au long de notre première partie, nous avons pu étudier le contexte relatif à notre étude, ainsi que les travaux et les études réalisés sur ce sujet. Dans la continuité de notre recherche, nous avons été sur le terrain. Il a donc fallu mettre en place un recueil de données, afin de saisir des informations de qualité pour répondre à notre questionnement initial.
  • 11. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 11 3.2.1. Le recueil de données Au vu de notre problématique, dans laquelle nous cherchons à comprendre l’impact d’une reconversion professionnelle volontaire sur l’identité personnelle d’un individu, il nous a semblé nécessaire d’avoir une explication du vécu des individus constituant notre échantillon, notamment concernant leur choix d’orientation initial, leur parcours professionnel, ainsi que les conséquences et leur bilan personnel de leur reconversion. Selon Quivy et Campenhoudt9, la méthode de l’entretien offre la possibilité d’instaurer un véritable échange, au cours duquel l’interviewé exprime ses perceptions. Cet outil est certainement le mieux adapté, car il permet d’obtenir des éléments de réflexions très riches et nuancés auprès de la population concernée, et de récolter des données issues directement des personnes interrogées, contrairement au questionnaire, qui peut parfois être limité, du fait du nombre de personnes interrogées. Cette méthode pourrait nous faire passer à côté de certaines informations nécessaires à la compréhension et l’analyse du phénomène que nous étudions. La méthode de l’entretien nous est apparue comme plus appropriée, car elle permet un réel échange durant lequel les individus peuvent s’exprimer selon leurs envies et selon leur propre perception, et ce sans être limités par des questions spécifiques. Cela permet également une certaine spontanéité et une liberté dans l’évocation de leurs témoignages personnels. Plus précisément, et au vu de la démarche inductive dans laquelle s’inscrit notre recherche, nous avons choisi de mettre en place des entretiens de type semi-directif. Cela nous a permis de définir certains thèmes au préalable qui ont guidé les échanges tout en laissant à nos interlocuteurs et à nous-mêmes une certaine liberté d’expression. Afin de pouvoir réaliser nos entretiens semi-directifs, nous avons construit une grille d’entretien en dégageant différents thèmes que nous souhaitions aborder afin de récolter au mieux les informations recherchées. Ces thèmes ont pu être abordés dans divers ordres en fonction du déroulement des entretiens. Notons que notre guide d’entretien a évolué au fil des rencontres que nous avons faites. Avec l’aide d’un dictaphone et l’accord de nos interlocuteurs, nous avons enregistré ces échanges, afin de pouvoir faire une analyse du discours la plus proche de la réalité, et de pouvoir nous concentrer sur l’entretien en lui-même. 3.3. Population visée et échantillon rencontré 3.3.1 Le choix de la population La constitution de l’échantillon est un élément clé dans la réalisation de notre article de recherche. Nous avons souhaité rencontrer des hommes et des femmes ayant effectué une reconversion de façon volontaire, après avoir exercé le même emploi pendant 5 ans minimum afin de garder une certaine cohérence avec les critères de définition de la reconversion professionnelle volontaire annoncée par C. Négroni (2007). Nous avons également souhaité que notre échantillon soit composé de personnes ayant terminé leur reconversion professionnelle et étant en poste dans leur nouvel emploi depuis 1 an minimum et 5 ans maximum. En effet, cette durée est importante, car il nous semblait important que ces individus aient pu prendre du recul par rapport à leur nouvelle situation, mais que leur changement soit encore suffisamment récent pour qu’ils puissent en parler aisément. 9 Quivy, R. ; Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod
  • 12. 12 M. de RORTHAYS - 2013 En considérant la faible proportion de la population que nous visons et notre démarche exploratoire, nous avons pensé qu’il était préférable de ne pas se limiter à des critères comme l’âge ou le secteur d’activité. 3.3.2 Le contexte des rencontres En nous appuyant sur notre réseau personnel et nos connaissances, nous avons pu rencontrer quelques personnes. Internet nous a été d’une grande utilité également, car nous avons pu découvrir des blogs consacrés au thème de la reconversion professionnelle. Par cet intermédiaire, nous avons pu échanger avec des personnes étant en situation de reconversion et en rencontrer certains par la suite en entretien. Concernant les lieux de rendez-vous, nous laissions le choix aux interviewés de le définir tout en essayant de garder une certaine neutralité et de calme afin de ne pas être perturbés par des éléments extérieurs. Les rencontres ont duré entre 50 minutes et 1h40, en fonction de la facilité d’échange ou l’aisance de l’interviewé(e) et la capacité à se livrer. 3.3.2 Présentation de l’échantillon Lors de notre enquête de terrain, nous avons recueilli le témoignage de 5 femmes et 3 hommes âgés de 40 à 57 ans, exerçant un emploi en lien avec leur reconversion professionnelle depuis 1 à 4 ans. Certains ont bénéficié d’aides afin de financer leur reprise d’études, d’autres pas. Une des interviewées n’a pas eu à reprendre de formation pour se reconvertir, mais s’est servie de ses expériences passées et de ses compétences acquises tout au long de sa carrière pour se réorienter. Nous proposons de présenter chacune des personnes rencontrées sous la forme de vignette afin de mettre en avant la spécificité de leur parcours et de leur reconversion professionnelle. Brigitte : 48 ans, célibataire, sans enfants. Brigitte est aujourd’hui gérante d’un magasin de prêt-à-porter féminin. Avant sa reconversion professionnelle, elle a changé de nombreuses fois d’entreprises, mais toujours pour évoluer vers des emplois avec plus de responsabilités. Il y a 5 ans, elle a décidé de quitter le monde des ressources humaines pour ouvrir une boutique de prêt-à-porter en province. Brigitte n’a pas eu à reprendre une formation pour se reconvertir. Alain : 57 ans, marié, 4 enfants. Anciennement cadre supérieur dans les télécommunications, Alain a décidé de changer de vie il y a 6 ans. Il a quitté son entreprise dans laquelle il évoluait depuis près de 20 ans pour reprendre un CAP de plomberie, ainsi qu’une formation pour devenir chef d’entreprise. Depuis 4 ans, Alain a donc monté son entreprise de plomberie et est à présent plombier et chef d’une petite entreprise de 4 salariés. Lucie : 40 ans, mariée, 2 enfants. Lucie avait déjà une carrière bien lancée dans le monde la publicité, et plus précisément en tant qu’attachée de presse. Après un déménagement, elle a décidé de reprendre ses études pour devenir fleuriste. Elle est aujourd’hui employée dans un magasin de fleur en région parisienne. Philippe : 46 ans, marié, 3 enfants. Militaire de carrière, Philippe a pris conscience, à l’âge de 43 ans de son désir de changer de vie, de changer de métier. Après avoir repris un master de Gestion des entreprises, il s’est lancé dans un projet associatif de réinsertion de jeunes en difficultés. Cela fait aujourd’hui 3 ans que Philippe a effectué sa reconversion et occupe son nouvel emploi. Alex : 44 ans, célibataire, 1 enfant. Alex a un parcours que l’on peut qualifier d’atypique, enchaînant des emplois de voituriers, de serveurs ou encore de garagiste, ainsi qu’une carrière en tant que technicien dans une grande entreprise de mobilier urbain. Il y a 3 ans, il décide de se lancer dans la gemmologie, qui est une passion enfouie depuis son plus jeune âge. Il a donc profité d’un CIF par le biais de son entreprise et a entamé une formation pendant 2 ans en
  • 13. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 13 alternant avec son métier de technicien. Cela fait aujourd’hui un an qu’Alex travaille comme gemmologue chez joaillier parisien. Anna : 48 ans, mariée, 5 enfants. Cette femme est une ancienne directrice juridique. Ayant fait toute sa carrière dans le recouvrement, elle a décidé il y a 2 ans de se reconvertir. Elle est aujourd’hui autoentrepreneure dans le milieu agricole. Louise : 47 ans, célibataire, 2 enfants. Cette ancienne commerciale a changé d’orientation professionnelle il y a 4 ans. Après avoir repris un CAP, elle est aujourd’hui employée en tant qu’esthéticienne dans un institut de beauté, et souhaite monter sa propre structure dans un an. Isabelle : 43 ans, mariée, 1 enfant. Commerciale pendant plus de 15 ans, Isabelle a décidé de changer de voie à 40 ans. Après avoir repris une formation professionnelle, elle est devenue artisan-tapissière et travaille à son propre compte pour des clients de tous genres. 4. Restitution et analyse des résultats Après avoir justifié le choix de notre méthode d’analyse, nous présenterons une synthèse de la grille d’analyse que nous allons utiliser. Ensuite, nous exposerons l’analyse des données recueillies. 4.1. Le choix de la méthode d’analyse Après avoir réalisé nos entretiens avec les 4 femmes et les 3 hommes, nous les avons retranscrits les uns après les autres, afin de pouvoir procéder à une analyse la plus proche de leur discours. Nous avons choisi d’analyser nos entretiens en utilisant la méthode d’analyse du contenu thématique. Cette dernière, que l’on peut désigner de méthode qualitative, permet de traiter des entretiens comprenant un recueil d’informations assez riche. L’ « essence de l’analyse qualitative est d’abord une émergence des données qualitatives, puis une mise en ordre compréhensive de ces données, dans un sens explicatif global, répondant à la problématique »10. L’analyse thématique de contenu peut se faire en deux étapes : « le repérage des idées significatives et leur catégorisation »11. Dans un premier temps, nous avons effectué des relectures très assidues des entretiens pour en retirer les idées les plus importantes et les plus récurrentes, selon le discours de chacun des participants. À la suite de cela, nous avons pu mettre en place une catégorisation de ces différents éléments du discours, en les comparant, les triant, tout en prenant compte des hypothèses que nous avons posées au préalable. Cela nous a amené à dégager 10 sous-thèmes regroupés en 3 grands thèmes, qui nous semblaient ressortir de l’ensemble de ce recueil de données. 10 Mucchielli, A., Paillé, P. (2003). ) L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris : Armand Colin 11 Negura, L. « L’analyse de contenu dans l’étude des représentations sociales », SociologieS [En ligne], Théories et recherches, mis en ligne le 22 octobre 2006, consulté le 15 Mai 2013. URL : http://sociologies.revues.org/993
  • 14. 14 4.2. M. de RORTHAYS - 2013 L’analyse des données Nous allons à présent aborder chaque thématique, les unes après les autres. Dans un premier temps, nous évoquerons le discours des interviewés concernant leur orientation initiale et leur trajectoire professionnelle avant leur reconversion respective. Ensuite, nous parlerons du vécu de la reconversion professionnelle, des motivations à la prise de décision. Pour finir, nous mettrons en avant la situation après la reconversion professionnelle. Ce n’est que dans le chapitre suivant que nous donnerons sens à ces données en proposant une interprétation. 4.3.1 Avant la reconversion… -­‐ Le choix d’orientation professionnelle initial Nous pouvons noter que le niveau d’études des personnes interviewées est assez hétérogène. L’un d’entre eux n’a pas obtenu son bac et a donc décidé d’arrêter les études à 17 ans, tandis que d’autres sont allés jusqu’à l’obtention d’un diplôme Bac+5. Il est intéressant de voir que la majorité d’entre eux a été amenée à reprendre des études ou une formation lors de leur reconversion professionnelle, mais sans pour autant relever leur niveau d’études. Concernant le choix d’orientation, pour certains il était évident comme Philippe qui s’est lancé dans une prépa scientifique afin d’intégrer une école d’officier de l’armée de terre. Pour d’autres, le choix des études, s’est fait sans grandes convictions : « je ne savais pas quoi faire… je n’étais pas passionné par un truc en particulier et spécialement doué à l’école, j’ai redoublé 3 fois… (rire) … alors voilà, je me suis lancé dans une fac de géo, j’aimais bien ça, mais je savais pas trop où ça me mènerait ! » (Alain). Ces indécisions en terme d’orientation ont pu en amener certains vers des études assez larges, afin de ne pas se ferme de porte par la suite. C’est le cas de Brigitte : « je voulais toujours garder l’ouverture, je voulais pouvoir choisir de faire un maximum de choses par la suite, sans être trop bloquée… » Le futur professionnel semblait bien souvent flou pour nos interlocuteurs lors de leur orientation initiale : « je n’ai pas eu envie de repasser mon bac au bout d’un moment, et puis je n’avais aucune vision d’avenir, rien ne me plaisait vraiment ». (Anna) Les choix professionnels ont pu être pour certain ont été vécu comme une sorte de fatalité : « j’ai eu un cursus un peu chaotique ! Je n’aimais pas vraiment l’école, ou l’école ne m’aimait pas ! Du coup, j’ai continué comme serveur… je bossais déjà dans la restauration à 16 ans les étés, je n’ai pas pu trop me poser de questions » (Alex). Anna raconte également sa première expérience professionnelle, non pas comme un choix, mais comme une nécessité : « j’ai loupé mon bac 3 fois, ensuite mon BEP esthétique… j’avais besoin de sous, c’était compliqué à la maison. J’ai fait des TUC pendant un temps, c’était loin d’être intéressant, mais je gagnais un peu de sous au moins ». Ces orientations professionnelles ont été aussi le fruit du hasard : « ma première expérience pro c’était un peu le fruit du hasard parce qu’à la fin de mes études… je ne savais toujours pas vers quoi je voulais m’orienter…le métier que j’allais choisir et on m’a proposé un emploi de commercial par des connaissances, alors j’ai foncé » (Isabelle). -­‐ Les trajectoires professionnelles Lors de nos entretiens, nous avons constaté que tous les interviewés ont passé beaucoup de temps à évoquer leur trajectoire professionnelle, et ce, de façon très détaillée. Nous avons pu remarquer qu’il existait chez ces personnes-là, deux types de trajectoires.
  • 15. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 15 La majorité des personnes interviewées a connu des parcours professionnels que l’on pourrait qualifier d’atypiques, car elles ont changé de poste régulièrement ou changés d’entreprises à maintes reprises. En moyenne, les personnes que nous avons rencontrées ont changé 7 fois d’entreprises : « moi, c’est clair que quand j’y pense, je ne tenais pas en place très longtemps… j’ai beaucoup bougé ! Ce n’était pas que moi le problème hein ! Enfin quand on pense que je me suis mariée 5 fois… peut-être que c’est un peu moi… (rire) » (Anna). Louise elle, raconte son parcours comme un parcours plein de rebondissements et de changement « je vais raconter un peu mon parcours, je veux bien, mais on en a pour un bout de temps, je ne sais même pas dire combien de boîtes j’ai faites (rire), mais en tant que commerciale c’est facile de bouger aussi et on est vite tenté d’aller voir ce qui se passe ailleurs, de changer de produits…». Seulement deux de nos interlocuteurs ont connu des trajectoires dites linéaires. En effet, Alain est resté plus de 15 ans dans la même entreprise : « ça se passait bien, j’ai quand même appris des tonnes de choses et puis c’était une grosse boîte donc j’ai pu évoluer correctement et faire une belle carrière chez eux ». Quant à Philippe, en tant qu’officier de l’armée de terre il nous dit « je suis resté longtemps dans l’armée, mais j’y étais bien… j’ai choisi un métier qui bouge aussi, alors peut être que j’avais encore moins le besoin de changements… et puis quand on y est, on a du mal à en partir !». -­‐ Les opportunités Le mot « opportunité » a été bien souvent utilisé dans le discours de nos interlocuteurs. Il nous semble alors important de le relever ici. En effet, Brigitte nous parle de son parcours professionnel et nous dit « j’ai l’impression qu’à chaque fois, c’est les gens qui venaient me chercher pour me proposer quelque chose de nouveau, un nouveau projet dans une autre entreprise ». Lucie, en évoquant le milieu de la communication nous dit également avoir été beaucoup portées par les opportunités qui sont venues à elle « alors moi, c’est vrai que dès qu’on me proposait un truc, j’avais tendance à dire, ouais ! Pourquoi pas ! Et je fonçais ! » Alex, lui, est passé de serveur en restaurant à voiturier, garagiste ou encore technicien d’affichage dans une grande entreprise : « en faisant le bilan là, je me dis que je n’avais pas froid aux yeux ! Je n’ai pas arrêté de changer de boulot dès que je rencontrais quelqu’un qui me motivait, je me lançais dans une nouvelle aventure ». Au vu de leur discours, nous pouvons constater que ce sont des rencontres, des relations qui ont bien souvent déterminé ces trajectoires professionnelles. En effet, la phrase d’Isabelle résume bien l’importance des opportunités dans leur parcours professionnel : « Moi je crois que c’est sont les choses de la vie qui ont amené là où je suis maintenant. Et ce que je trouve très intéressant dans la vie c’est les surprises en fait ! » -­‐ La notion de mouvement Nous avons remarqué en analysant nos entretiens que cette notion de mouvement est très présente dans les discours. En effet, que ce soit dans le besoin d’être polyvalent(e) dans le travail, le besoin de voyager, le besoin de mobilité, les personnes interviewées ont très souvent évoqué cette notion. Prenons pour exemple une phrase de Brigitte « Enfin moi, quand on me dit, tu vas pouvoir te poser et tout, moi je sais que ce n’est pas forcément les arguments qui me motivent quoi ». Ou encore, nous pouvons citer Isabelle, qui évoque une de ses expériences : « je ne pouvais pas rester dans cette boite plus longtemps, j’avais le sentiment
  • 16. 16 M. de RORTHAYS - 2013 que tout était figé, que rien n’évoluait c’était vraiment pesant. Moi, j’ai besoin de mouvement, de dynamisme ! » 4.3.2 La transition ou l’étape de la reconversion Dans cette partie, nous avons souhaité mettre en avant la phase de transition par laquelle nos interlocuteurs sont passés avant de se lancer dans leur nouvelle activité professionnelle, quelle qu’elle soit. -­‐ Les motivations inhérentes à ce choix de reconversion Nous entendons ici par motivations, l’ensemble des éléments que nous avons considérés comme moteurs dans leur choix de reconversion. Pour la plupart des personnes interviewées, le développement professionnel a été un facteur très important dans leur motivation à se reconvertir. En effet, comme en témoigne Alain « j’ai voulu me reconvertir pour explorer quelque chose de nouveau, développer mes capacités et mes compétences aussi ! Je me disais que changer totalement de métier me permettrait d’apprendre encore plus et ça c’était une satisfaction pour moi ». La notion de satisfaction a également été perçue comme un moteur : « j’avais envie de faire un truc que j’aime, de vivre de ma passion des pierres, je savais que ce serait une réelle source de satisfaction pour moi et je pense que c’est tellement important pour l’épanouissement personnel aussi» (Alex). En se projetant vers de nouveaux horizons professionnels, certains ont également pris conscience de l’importance de se réaliser et de s’épanouir « j’avais fait le tour du sujet. J’avais besoin de me réaliser, d’être bien et pour ça il me fallait plus d’autonomie, plus de possibilités de décision et je savais bien que c’était impossible… » (Anna). D’autres ont évoqué leur motivation à se reconvertir au travers d’une envie de challenge, de défi « en ouvrant ma boutique, j’avais envie de me mettre au défi parce que vous savez, rien que de m’ancrer quelque part, c’est un défi… et je crois que j’avais besoin de ça pour me réaliser… C’était une réelle motivation, et ça me plaît ». Le sentiment d’inutilité est aussi apparu chez certains comme un moteur. Louise par exemple affirme « j’avais l’impression au bout d’un moment que je n’apportais rien à personne…que je ne servais à rien. C’est horrible à dire, mais c’est assez vrai. J’avais envie de faire plaisir, de m’occuper des autres, de partager ce que je peux et dans mon boulot de commerciale, je ne trouvais pas vraiment mon compte » (Louise). Le retour à des valeurs spécifiques a été très souvent repris par nos interlocuteurs. En effet, certains évoquent le besoin de relations humaines saines et présentes dans leur travail : « la reconversion, c’était aussi pour moi, l’envie d’un retour à la vie normale… à la vie tout court, en lien avec les humains » (Isabelle), ou encore « j’ai cherchais une relation plus humaine… un lien fort avec le monde extérieur, mais aussi dans mes relations du quotidien » (Brigitte). Anna, en se dirigeant vers le monde de l’agriculture « quelque part, j’avais envie de revenir vers la vie… et la terre, l’agriculture, les gens que j’allais côtoyer tous les jours, c’est la vie ». -­‐ Les éléments déclencheurs
  • 17. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 17 Les conditions de travail soutenu et notamment le stress engendré ont été des éléments déclencheurs concernant le choix de reconversion pour certains de nos interlocuteurs. Deux d’entre eux évoquent un « burn-out » : «je me suis tellement épuisé avec ce boulot […]. Ce burn-out, ça a été l’élément déclencheur, je ne pouvais plus continuer physiquement et psychologiquement, je n’arrivais même plus à dormir tellement mon cerveau fonctionnait ! » (Brigitte). Pour d’autres, ce sont des évènements de la vie qui ont été déclencheurs. Lucie parle de la naissance de son enfant comme un moment de réflexion et de mise à distance par rapport à sa situation professionnelle « Pendant mon congé mat’, j’ai pris le temps de me poser et de comprendre ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Ça a été un déclic ! » Anna, elle, s’est rendu compte à 40 ans que son QI était supérieur à la moyenne « quand j’ai su ça, je me suis effondré parce qu’il y a des tonnes de significations qui viennent par rapport à mon parcours un peu…tumultueux et j’ai compris enfin ce décalage que j’avais et là où je voulais aller, ça m’a finalement libéré d’un poids ». Un autre élément qui est revenu à plusieurs reprises est le conflit professionnel. En effet, comme nous le raconte Isabelle pendant l’entretien, cet évènement a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! » Une prise de recul s’est effectuée et lui a ainsi fait prendre conscience de son envie d’être autonome et de « de ne devoir de compte à personne, juste à moi-même ». La question de la reconversion lui est alors apparue comme une évidence. Nous pouvons également remarquer que l’intervention d’une tierce personne a pu aussi jouer un rôle dans la reconversion professionnelle. Cela peut-être le conjoint « arrête tout de suite ce boulot, tu n’es pas faite pour ça, tu n’es pas heureuse… et ça se ressent sur notre couple !... Voilà ce que m’a dit mon mari un soir, quand je suis rentrée épuisée du boulot… Ça m’a vraiment fait un électrochoc là !» (Louise). Pour finir, nous pouvons constater que la moyenne d’âge de nos interlocuteurs est de 46.5 ans. Ils sont nombreux à évoquer ce critère comme facteur de remise en question : « Et puis j’arrivais à 40 ans, je crois que c’est le temps de la prise de recul et des remises en questions ! » (Lucie). Pour Anna : « il fallait que je sorte de ce carcan… j’avais 45 ans presque, je voulais m’affirmer enfin, j’étais capable de prouver qui j’étais réellement, et pour moi ça passe aussi par le boulot… ». Nous pouvons donc voir que la reconversion professionnelle a été, pour chacun de nos interlocuteurs, une remise en question liée à des évènements de vie personnelle ou professionnelle. -­‐ La prise de décision Pour chacune des personnes rencontrées, nous avons senti que la prise de décision a été une étape très importante dans leur cheminement vers la réorientation. En effet, certains ont fait une « pause » dans leur carrière pour réfléchir réellement : j’ai pris un moment de réflexion pendant lequel je me suis arrêté volontairement. Pendant quelque mois, je n’ai pas cherché de travail, je voulais réfléchir… me reposer » (Isabelle). Comme en témoigne Brigitte également, ce temps de réflexion semble essentiel dans la prise de décision : « je me suis dit, il faut peut-être arrêter… de se laisser porter par le courant et faire une véritable réflexion sur la vie professionnelle que je veux avoir, la vie perso que je veux avoir… j’ai vraiment eu une prise de conscience quoi… ». Le soutien familial et amical semble également être un élément très important. En effet, certains ont pu être découragé par moment, mais grâce à un entourage très impliqué, ils ont pu aller au bout de leur choix : « ça n’a pas toujours été facile, j’ai voulu faire marche arrière plus d’une fois, mais heureusement, toute ma famille était derrière moi, j’ai eu beaucoup de
  • 18. 18 M. de RORTHAYS - 2013 chance »(Louise). La confiance donnée par l’entourage des personnes a été sans doute bénéfique et a permis à certains de se lancer dans une aventure qu’ils n’auraient peut-être pas eu le courage de faire seul « je n’aurais jamais tenté le coup toute seule, j’avais des gens qui me faisait confiance, qui croyait en moi, ça a été terriblement bon pour moi, ça m’a beaucoup aidé ». (Lucie). En outre, nous avons eu le sentiment que cette prise de décision a été un moment intense dans la vie de ces individus et que le temps de réflexion a bien souvent été long et fastidieux. Beaucoup nous ont évoqué le fait d’avoir souhaité plusieurs fois, avant la prise réelle de décision, changer d’orientation, se lancer. Pour Alex, cette prise de décision a duré près de 20 ans… « Beaucoup de choses de la vie on fait que j’ai gardé pendant très longtemps cette envie de devenir gemmologue, ce n’était jamais le bon moment. La prise de décision a été longue, mais je ne regrette pas, je n’aurais peut-être pas été prêt de la même façon » (Alex). -­‐ La notion de difficulté Les interlocuteurs ont mis en avant le fait que le cheminement d’une reconversion professionnelle est souvent difficile et peut parfois même être douloureux. En effet, ce temps est fait pour se remettre en question et cela n’a pas toujours été bien vécu par nos interlocuteurs : « pendant ma remise en question, je me suis pris des claques… c’est sûr qu’on fait quand même tout un travail sur soi, on pointe les choses qui vont et qui ne vont pas et ce n’est pas toujours évident » (Philippe). La transition est relatée par certain comme longue et difficile : « il y a une transition qui prend du temps, mais on ne peut pas brûler les étapes et aller trop vite » (Louise). Cette transition semble tout de même être nécessaire au bon déroulement des reconversions professionnelles. Certains évoquent cette transition comme «un grand mal » (Anna). Dans ce sens, Anna parle également de cette remise en question qui empiète souvent aussi sur la vie personnelle « tout est lié, le perso, le pro, tout est lié, alors ça peut faire mal ». Afin de faire le bon choix, Alain nous dit s’être essayé « j’ai fait une analyse objective de mes idées, j’ai voulu essayer plein de choses pour ne pas idéaliser, ne pas être déçue. Ça m’a pris du temps, ça n’a pas été si simple que je le pensais, mais j’ai finalement réussi par déterminer ce que je voulais vraiment » et ce temps semble avoir été une épreuve. Le point de vue financier a été bien souvent évoqué comme une difficulté. En effet, la majorité de nos interlocuteurs ont des enfants, et comme le dit Philippe « avec 3 enfants, c’était pas franchement évident. On a dû changer pas mal nos habitudes, je n’étais pas à l’aise avec ça au début, mais finalement, j’en tire que du bon et je sais que ma femme aussi ». Alain de son côté nous dit justement avoir attendu que ses enfants soient autonomes avant de se lancer, car ils ne souhaitaient pas que la décision de réorientation puisse être une difficulté pour ses enfants. 4.3.3 L’après-reconversion Au sein de cette thématique, nous évoquerons les éléments liés à la reconversion a posteriori en mettant en avant les répercussions de ce choix professionnel sur la vie des individus ainsi que leurs ressentis par rapport à cette nouvelle vie. - Les répercussions sur la vie personnelle et professionnelle
  • 19. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 19 Pour la majorité des interviewés, la notion de changement est présente à la suite de leur reconversion. En effet, certains sont passés du statut de salarié au statut d’auto-entrepreneur. D’autres du statut de cadres au statut d’employé, certains ont vu leur niveau de vie diminuer, mais bien souvent, ces changements semblent être des bénéfices pour les personnes concernées : « nos contraintes financières ne sont pas si importantes quand on gagne en temps et en qualité de vie » (Alain). Ces changements ont dont été visibles dans tous les discours, mais à des degrés différents et semblent globalement avoir été vécu de façon positive. Les répercussions semblent avoir raisonné au niveau de l’épanouissement personnel et de la satisfaction au travail, et ce, pour l’ensemble de nos interlocuteurs. Certains évoquent une réconciliation avec eux-mêmes « je me suis retrouvée, je me sens tellement mieux dans ma vie personnelle aussi. Cette reconversion, ça a été une réconciliation avec moi-même » (Anna). D’autres parlent de l’intérêt certain et du plaisir qu’ils trouvent dans leur nouvel emploi : « En changeant de voie, je voulais vraiment réussir à m’épanouir, vivre enfin de ma passion et j’ai réussi. Ça n’a pas toujours été facile évidemment, mais j’éprouve un réel intérêt pour ce que je fais et ça n’a pas toujours été le cas dans mon ancienne vie…c’est le moins qu’on puisse dire…» (Alex). Ces changements apportent également un sentiment de liberté et d’autonomie. Cela est d’autant plus visible dans la création d’entreprises : «je suis mon propre patron, je n’ai de compte à rendre à personne et ça… c’est quelque chose d’essentiel aujourd’hui pour moi, je me sens vraiment bien comme ça » (Philippe). Anna qui est autoentrepreneure évoque également cette autonomie : « si je n’ai pas envie de faire un truc, je ne le fais pas. Je n’ai pas besoin d’en faire des tonnes pour des gens qui n’en valent pas la peine, c’est simplement moi qui décide ». La notion de reconnaissance a été unanimement citée par nos interviewés. En effet, chacun à leur façon, ils expriment cette reconnaissance comme une source de satisfaction. Certains ont été étonnés de voir que leur décision de reconversion pouvait être reconnue : « C’est étrange, je suis presque devenu un modèle et j’ai vu qu’une telle décision, celle de changer, a une vraie valeur aux yeux des autres. Il y a une vraie reconnaissance ! » (Philippe). D’autres évoquent cette reconnaissance comme un moteur : « je sens qu’il y a une certaine admiration de la part de certaines personnes en se disant ‘elle est quand même gonflée de s’être arrêtée, d’avoir fait ce qu’elle a fait, de couper la route… et c’est con, mais ça me plaisait…». - Le bilan Au travers d’un regard général sur leur parcours professionnel et leur reconversion, les personnes rencontrées ont évoqué différents points. Bien souvent, la reconversion professionnelle est perçue comme un besoin d’affirmation de soi « j’ai pu me reconstruire, m’affirmer en disant merde au reste et en faisant ce que j’avais envie de faire » (Alex). Ce besoin semble avoir été assouvi pour la plupart de nos interlocuteurs « Je sais enfin qui je suis, ce que je vaux… je crois que j’avais besoin de ça, de le confirmer au travers ma vie professionnelle » (Anna). Notons que la reconversion professionnelle dans le cas d’Isabelle a été salvatrice « En fait, cette reconversion professionnelle c’était ma survie. Je pense que si j’avais continué à bosser comme ça, j’aurais fini par faire une dépression nerveuse, j’en suis persuadée… » Il nous semble donc important de noter que le bilan que font nos interlocuteurs de leur reconversion semble tout à fait positif, et ce de façon globale.
  • 20. 20 M. de RORTHAYS - 2013 La question de l’identité a été évoquée à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de parler du bilan de leur reconversion. En effet, nous avons vu deux cas de figure parmi les interviewés. D’un côté, certains affirment avoir été en quête d’une identité lors de leur reconversion : « je voulais vraiment savoir qui j’étais, si j’étais capable d’être actrice de ma vie professionnelle et de ne pas la subir. Et vraiment, j’ai trouvé ce que je cherchais, de par mon activité professionnelle, je prends petit à petit conscience de qui je suis et ça fait du bien vous savez » (Isabelle). D’autres au contraire, parlent de leur reconversion comme une affirmation de leur identité. Ils sont à un moment de leur vie où ils savent où aller, ce qu’ils veulent faire, ce qu’ils veulent être : « j’ai foncé parce que je savais pertinemment où je voulais aller et pourquoi je voulais y aller. Avec les expériences que j’ai vécues, je savais qui j’étais et j’ai voulu me le confirmer en me réorientant vers un domaine qui me ressemble » (Anna). 5. Interprétation et discussion Avant de confronter notre hypothèse aux résultats obtenus lors de l’analyse de nos entretiens. Nous allons dans un premier temps tenter d’interpréter les résultats qui nous semblent pertinents quant à l’étude de notre hypothèse de recherche. Ce travail d’interprétation permettra de donner du sens à notre démarche. 5.1. Interprétation des résultats autour de plusieurs éléments de discussions 5.1.1 Une quête identitaire Dans un premier temps, nous allons parler de la quête identitaire que nous avons perçue dans le discours des interviewés et le lien avec leur reconversion professionnelle volontaire. Nous avons constaté que, pour la plupart, cette reconversion professionnelle a fait l’objet d’une quête identitaire. En ce sens, nous entendons que ces personnes avaient le désir de se « trouver » à travers cette nouvelle expérience de vie. Nous avons remarqué que ce désir était exprimé de différentes façons en fonction des interlocuteurs. Certains évoquent un besoin de se défier pour comprendre ce qu’ils valent et qui ils sont réellement par exemple. Ce besoin n’était vraisemblablement pas assouvi dans leur ancien emploi ou du moins ne l’était plus au moment où la décision de reconversion est prise. Un travail sur eux-mêmes a été réalisé pour chacun. Une prise de recul, un « break » dans leur carrière, un évènement sont venus selon nous déclencher cette quête identitaire. De plus, nous pouvons rapprocher de cette quête identitaire un désir de différenciation. Nous entendons par différenciation le fait que les interviewés, sans le dire explicitement, semblent avoir eu le besoin de se distinguer des Autres en effectuant ces reconversions. En effet, afin de se connaître soi-même, ils ont dû faire un travail sur eux, sur leur désir, leur volonté et cela nous a conduit à penser que ce travail était une recherche de singularité. 5.1.2 L’affirmation de soi À présent, nous allons évoquer la question de l’affirmation de soi au travers de ces reconversions professionnelles et de la question de l’identité. En effet, grâce à l’analyse de nos entretiens, nous avons constaté que l’affirmation de soi pouvait être un facteur motivationnel ou bien une conséquence de la reconversion professionnelle. Camilleri (1990) évoque l’importance pour l’individu de se voir comme cohérent et de faire preuve d’unicité.
  • 21. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 21 L’affirmation de soi serait une stratégie de constitution et d’expression de son identité face à l’Autre. Ici, la reconversion professionnelle serait donc un moyen de s’affirmer face aux Autres en ne se conformant pas à la norme. Nous pouvons également faire un parallèle avec l’étude des « saisons » de Levinson (1978). En effet, selon lui l’adulte connait une première saison entre 33 et 36 ans : l’été serait le temps de réaliser ses ambitions de jeunesse. Tandis que l’automne, situé entre 36 et 40 ans, serait le temps de l’affirmation de soi. Il s’agit alors pour l’adulte de devenir soi-même, de s’affirmer en tant qu’adulte à part entière. Lorsque l’on considère l’âge moyen auquel les interviewés ont effectué leur reconversion, nos interlocuteurs seraient alors dans cette phase d’affirmation de soi. Ils ont alors le besoin d’être « une bonne personne et une personne appropriée ». De plus, ce désir d’affirmation de soi peut être perçu comme un mécanisme de défense lorsque les individus sont soumis à la menace. Dans ce cas, il est difficile pour nous de faire une généralité, mais nous avons relevé dans les discours de certaines personnes rencontrées le désir de se protéger d’un environnement néfaste, d’une certaine menace. Certains évoquent leur burn-out, leur épuisement physique ou psychique lié à leurs conditions de travail trop intenses par exemple. À ce moment, ces personnes ont eu le besoin de faire le point tant sur leur situation que sur leurs propres désirs et leur devenir. Pour finir, nous avons noté que ce désir d’affirmation de soi pouvait également se traduire par le besoin de revenir aux valeurs initiales. En effet, nous avons pu constater dans leur discours une envie de « retour aux sources ». Cela peut alors être en lien avec un souhait de préserver son intégrité et ses principes. Dans leur ancien emploi, ces valeurs avaient tendance à disparaître, que ce soit dû à la taille de la structure, aux modifications organisationnelles ou bien à des exigences personnelles. Tous les éléments que nous avons mis en lumière au travers de cette discussion nous permettent d’entrevoir une réponse à notre problématique de recherche et à notre hypothèse. 5.2. Réponse à notre problématique et à notre hypothèse de recherche Nous avions choisi de nous intéresser à la question de l’identité, car elle joue un rôle majeur au cours de la reconversion professionnelle des individus. De ce fait, nous avons été amenée à penser que l’identité personnelle est déterminée notamment par le parcours professionnel et les choix que peuvent faire les individus concernant leur parcours. L’hypothèse que nous avons émise précédemment tend à considérer que les personnes ayant effectué une reconversion professionnelle volontaire font face à un remaniement identitaire ou plus exactement une conversion identitaire. Lors de cette interprétation, nous avons mis en avant le lien entre la quête d’identité, l’affirmation de soi, l’identité et les reconversions professionnelles volontaires. Certains interviewés ont évoqué spontanément ces notions lors des entretiens. Pour d’autres, nous les avons sous-entendus dans leur discours. Cette analyse nous a permis de voir que lors de leur reconversion professionnelle, ces hommes et ces femmes ont, de façon consciente ou inconsciente, connu une conversion identitaire, un remaniement de leur identité qui s’est accompagné d’un désir d’affirmation de soi. Ce concept de conversion évoque la transformation identitaire qui s’effectue entre l’individu avant sa reconversion et après sa reconversion. En effet, selon DUBAR, la conversion identitaire entraine le changement de la définition de soi. En effet, par le biais d’Autrui mais
  • 22. 22 M. de RORTHAYS - 2013 aussi par eux-mêmes les personnes ayant effectué ce type de reconversion ont fait l’objet d’une redéfinition. Comme nous avons vu précédemment, l’identité est définie par le monde extérieur et le regard qu’ils posent sur nous, mais aussi par le regard que nous avons de nousmêmes, l’image de soi. Nous savons que la sphère professionnelle participe grandement à cette définition de soi. Néanmoins, en décidant de changer d’orientation, ces personnes prennent conscience qu’elles ne sont pas seulement associées à un emploi, un statut, mais qu’elles existent aussi dans la sphère privée, par ce qu’elles sont, et ce qu’elles dégagent. Ce phénomène de prise de conscience de soi nous a semblé très révélateur lors des discours. En effet, au regard de nos résultats et de notre interprétation, nous pouvons donc valider notre hypothèse. Les hommes et les femmes qui font un choix délibéré de reconversion professionnelle sont bel et bien confrontés à des remises en question de leur identité personnelle et font alors face à un remaniement identitaire. 5.3. Confrontation des résultats avec d’autres apports théoriques Afin de clôturer cette discussion, nous avons souhaité établir un lien entre nos résultats d’analyse et certaines théories. En effet, en étudiant l’impact de la reconversion professionnelle volontaire sur l’identité, nous avons cherché à connaître les différents changements qui pouvaient se manifester à ce niveaulà. Le désir d’affirmation de soi nous et la stratégie identitaire de différenciation nous sont apparues comme se déclarant unanimement lors de ces réorientations professionnelles. Nous avons alors souhaité mettre en avant le concept de l’identisation mis en avant par TAP. Selon l’auteur, l’identisation fait référence au besoin qu’ont les individus de se singulariser. Elle renvoie plus précisément aux rapports à soi, à la connaissance de soi. En effet, au travers de leur reconversion professionnelle volontaire, les individus sont amenés à prendre conscience de soi, à se connaître plus en profondeur afin de comprendre leur désir de changement et l’assouvir de la meilleure façon qu’il soit. L’identisation c’est aussi la continuité de l’image de soi dans le changement. Ici, nous rapprochons ce changement de la reconversion professionnelle. En effet, l’individu doit faire face à l’actualisation continue d’identifications multiples et cela à une conséquence sur l’image de soi. L’identisation, selon TAP, peut être perçue comme le développement progressif d’un soi-même, d’une singularité. Le phénomène de reconversion pourrait alors marquer le début de ce cheminement vers cette singularité. Pour résumer, l’identisation serait le processus par lequel l’individu prend distance par rapport à l’autre et se saisit comme distinct de lui. Notons également que ce processus d’identisation est plus présent lorsque l’identité semble compromise. Cela veut donc dire que pendant ce remaniement identitaire auquel font face les individus à un moment donné dans leur reconversion professionnelle, les individus auraient tendance à mettre d’autant plus en avant cette stratégie de différenciation. Cette théorie semble alors venir confirmer à son tour l’interprétation que nous avons faite de nos résultats.
  • 23. Reconversion professionnelle volontaire et épreuve identitaire 23 CONCLUSION Au travers cette recherche, nous avons souhaité interroger la question des reconversions professionnelles. Dans une première partie, nous avons vu que les mobilités professionnelles étaient de plus en plus fréquentes du fait du contexte de notre société. De ce fait, les reconversions professionnelles sont mises en avant et sont bien souvent perçues comme une réponse à un marché du travail en souffrance. De notre côté, nous avons voulu mettre en avant que les reconversions professionnelles émanent d’un désir de l’individu à changer, évoluer, se transformer, afin de mettre la lumière sur le versant positif de ce phénomène. C’est ainsi que nous nous sommes attaché à explorer les corrélations existantes entre ces réorientations professionnelles et la question de l’identité personnelle. En effet, une telle décision implique de nombreux changements dans la vie de l’individu, qu’ils soient organisationnels, physiques ou matériels. Les informations que nous avons recueillies auprès de personnes ayant volontairement changé d’orientation professionnelle nous ont permis de mieux saisir l’importance et l’impact de cette décision sur leur identité personnelle. En effet, au moment de la reconversion, ils sont soumis à une réelle remise en question concernant leur identité afin de se diriger au mieux vers un épanouissement personnel et une satisfaction attendue. Cette recherche nous a permis de mieux appréhender le sujet des reconversions professionnelles auquel nous portons un réel intérêt. En effet, nous souhaiterions à long terme nous diriger vers l’accompagnement de carrière et il nous semble important de pouvoir saisir le processus par lequel peuvent passer les individus choisissant ce type d’orientation. Concernant une piste de réflexion supplémentaire, il serait également intéressant d’appréhender la question de l’identité au travers, non pas des reconversions professionnelles volontaires, mais des reconversions professionnelles subies. Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de mon article scientifique. Je pense tout particulièrement à mon directeur de mémoire, JeanPierre Boutinet pour ses précieux conseils et à Alain, Alex, Anna, Lucie, Brigitte, Philippe, Louise et Isabelle pour avoir accepté de me rencontrer et de s’être livré avec sincérité et enthousiasme. Et enfin, je tiens à remercier Dorothée, ma collègue de travail qui a su m’encourager pendant mes moments de doutes. Bibliographie Baudelot, C., Gollac, M. (2009). Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France. Paris : Fayard. Boutinet, J.P. (1995). Psychologie de la vie adulte. Paris : PUF Boutinet, J.P. L’espace contradictoire des conduites à projet : entre le projet d’orientation du jeune et le parcours atypique de l’adulte, l’orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 36/1 | 2007, mis en ligne le 05 mars 2010, Consulté le 21 mai 2013. URL : http://osp.revues.org/index1259.html
  • 24. 24 M. de RORTHAYS - 2013 Danvers, F. (2006). Modèles, concepts et pratiques en orientation des adultes. Paris : Presses Universitaires du Septentrion Deci & Ryan (1991). D’après Gelpe, D. (2003). Adaptation au changement et développement professionnel : quels sont les freins et les ressorts psychologiques ? In Lévy-Leboyer, C. Dubar, C. (1992). Formes identitaires et socialisation professionnelle. Revue française de sociologie, 33(33-4), 505-529 Dubar, C. (2007). La crise des identités ? L’interprétation d’une mutation. Paris : PUF Duhautois, R., Petit, H. & Remillon, D. (2012). La mobilité professionnelle. Paris : Éditions La Découverte Fouquereau, E., Rioux, L. (2004). « Transitions de carrière : étude psychosociologique de la satisfaction professionnelle post reconversion ». Dans A. Lancry et C. Lemoine (dir.), La personne et ses rapports au travail. Paris : L’Harmattan. 43-50. Levinson, D. et al. (1978). The seasons of a man’s life. New-York, Random House, 363p. Lhérété, H. (2008). Changer de vie, le syndrome de la chambre d'hôte. Sciences humaines, (193), 13. Marc, E. (2005). Psychologie de l’identité : soi et le groupe. Paris : Dunod. Mucchielli, A. (2001). La psychologie sociale. Paris : Hachette Livre Mucchilli, A., Paillé,P. (2003). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris : Armand Colin Négroni C. 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : une expérience de conversion de soi », Carriérologie, vol. 10, n° 2, p. 331-348. Négroni, C. (2007). Reconversion professionnelle volontaire, changer d’emploi, changer de vie, un regard sociologique sur les bifurcations. Paris : Armand Colin Noguès-Ledru, M.P. et Claret-Tournier, A. (2006). Changer de métier, se reconvertir : mode d’emploi. Paris : Village Mondial Quivy, R., Van Campenhoudt, L. (1988). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod Tap, P. et Espabes-Pistre, S. (2008). Identité, projet et adaptation à l’âge adulte En ligne : http://www.pierretap.com/pdfs/198.pdf