Projet de loi hadopi, le refus d'une mutation économique
1. Projet de loi Hadopi – la « création collaborative en question », l’entêtement du gouvernement et la nécessité
d’un débat complet
Courant avril une poignée de députés rejetait le projet de loi gouvernemental visant à établir une
surveillance automatisée d’Internet au profit d’intérêts privés et de jeter les bases d’un filtrage du
réseau. Pourtant le gouvernement s’entête et présente de nouveau le texte le 29 avril.
L’Europe, protectrice des libertés individuelles
Les institutions européennes ont pourtant rappelé à plusieurs reprises les risques d’une telle
législation. La Cour de Justice a clairement établi que la protection des droits d’auteur ne saurait
justifier une atteinte à la vie privée et que les Etats doivent trouver un équilibre entre ces deux
libertés fondamentales. Le Parlement européen, à plusieurs reprises, et encore hier le 30 avril, a
rejeté l’idée d’une coercition à l’encontre des internautes. Enfin la Commission européenne a gelé
tous ses projets en matière de lutte contre le piratage le 17 février dernier. L’Europe montre une
fois encore sa capacité à affirmer des valeurs et des convictions. Pourtant le gouvernement
français s’obstine.
Nous, représentant le Mouvement Démocrate dans les grandes villes de France, voulons
insister sur l’importance du sujet. Beaucoup a été dit sur une procédure d’exception qui protège
moins les créateurs qu’un système économique institué par les majors. Cette loi n’est-elle que le
fruit du lobbying ? Elle est aussi le fruit du conservatisme car, derrière les bonnes intentions de
façade, il est certain qu’elle ne défend pas la création.
Conservatismes en tout genre, évolution de modèle économique de la culture
Ce qui est en jeu c’est la façon de concevoir la culture et de définir de nouveaux rapports
entre les individus, la société et l’Etat dans ce domaine.
L’UMP tente de protéger l’industrie du disque. Le PS ne sait pas comment se situer (soutien en
première lecture et abstention des sénateurs en deuxième lecture).
L’urgence même avec laquelle la majorité entend adopter cette loi est incompatible avec le temps
nécessaire au débat. Nous demandons que les parlementaires débattent, entre eux et avec les
acteurs – entreprises du logiciel libre, artistes, créateurs, mécènes, utilisateurs et consommateurs
Internet bouleverse les acquis. Culture marchande, culture d'Etat, culture institutionnalisée
ou culture libre et multiformes - dont le net est une des formes nouvelles -, c'est le modèle
politique et économique de la création, de la production et de la distribution culturelle qui est
interrogé.
Il est bousculé par les possibilités de téléchargement et par la volonté de contribution
d’internautes de plus en plus nombreux. La loi devrait accompagner cette évolution plutôt
qu’imaginer, de façon illusoire, la ralentir.
L’émergence de créations offertes sans contrepartie ou produites par une multitude de petits
contributeurs est un phénomène de société et ouvre donc plusieurs questions :
- la multiplication de l’offre culturelle – musique, image, texte – est-elle bénéfique à la société ? Si
oui ne faut-il pas l’encourager ?
- Doit-on favoriser une économie de l’innovation et de la création (production culturelle) ou une
économie de la rente (distribution) ?
- comment, au motif que « tout travail mérite salaire », celui des créateurs – qu’il s’agisse
d’artistes, d’informaticiens ou autres – peut-il leur générer un revenu ?
- comment, au regard de la complexité technique dans lequel ce sujet peut rapidement nous
entraîner, établir des principes qui baliseront la relation entre vie privée et protection et
valorisation du travail des auteurs ?
Le Gouvernement a tenté de tromper l’opinion publique (danger pour l’industrie
cinématographique et musicale, soutien des artistes, etc.) mais le masque est tombé. Il est
encore temps de se reprendre et de préférer le débat, long et consistant, à une nouvelle parodie
de démocratie parlementaire.
Nous croyons qu’un Internet libre et ouvert est une des expressions modernes des libertés
individuelles auxquelles nous, démocrates, sommes fondamentalement attachés.
www.modem69.eu